Rennes : horizons durables

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1. Claude Guinard 2. Daniel Lafranche 3. Eric Beaugé 4. Boris Charmatz 5. Didier Nicot 6. Jean-François Piquot 7. Jean-Paul Gabillard 8. Jocelyne Bougeard 9. Karin Ta r te 10. Laurence Hubert-Moy 11. Margot Le Duff et Matthieu Girard 12. Meriem Mettouchi 13. Richard de Logu 14. Thomas Burel 15. Xavier Crouan

15 RENNAIS QUI FONT BOUGER LA VILLE

Sur les 600 000 habitants de l’aire urbaine rennaise, nous en avons choisi quinze. Acteurs de la ville aujourd’hui, ils préparent son avenir. AURÉLIE DELAUNOY ET TATIANA KALOUGUINE, FUTURING PRESS

R

e n n e s, vue de loin, est l’image type de la ville de province, chef-lieu du département de l’Ille-et -Vilaine, au cœur de la région Bretagne. Une grande ville où les quelque 80 édifices, religieux, culturels et artist i q u e s, classés monuments historiques, rappellent son riche passé, remontant bien au-delà de la période gallo-romaine. Région agricole et d’é l e v a ge dont le climat océanique, à la pluviométrie modérée, rend la vie douce à ses habitants… Oui, on pourrait s’en tenir à des images toutes faites. Ce serait faire injure à une agglomération qui ne cesse de grandir. De s’agrandir, jusqu’à se m étamorphoser en une vaste communauté de près de 600 000 âmes, avec des quartiers – Beauregard et plus encore La Courrouze – en pleine expansion. La ligne à grande vitesse permettra de rallier Paris

en un peu moins d’une heure et demie à l’horizon 2014. Rennes est une ville européenne et même internationale. En témoignent ses jumelages ave c , entre autres, Sendaï au Japon, le plateau Dogon au Mali, Sétif en Algérie, jusqu’à Rochester aux EtatsUnis et Huê au Vietnam. La série de portraits que vous découvrirez dans les pages de ce dossier du Monde Magazine spécial Rennes est le reflet d’une cité en mouvement, une cité qui met en mouvement ses ha bitants. Il s’agit d’hommes et de femmes, qui, chacun dans son secteur, font bouger les Rennais ou les projett e n t dans l’ave n i r. Biodiversité, écologie, économie équitable, urbanisme et développement durable, égalité des droits, lien social, diversité culturelle, recherche scientifique sont quelques-uns des ve cteurs portés par ces acteurs du futur. Ils sont autant de clés de l’avenir de Rennes. 16 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE

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15 ACTEURS D’AVENIR

— Mettre la ville sens dessus dessous

Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne

Bretagne Ateliers

CLAUDE GUINARD Encouragé par un public rennais « curieux et exigeant » et par la mairie, qui le finance, il prend son rôle de « passeur » très au sérieux : « Notre m i ssion n’est pas d’o rganiser un son et lumière , mais de faire en sorte que le spectateur reçoive l’œ u v re de façon originale. » Car chaque année son objectif est de surprendre. « Les Tombées, c’est tout sauf une recette. » www.lestombeesdelanuit.com

Tout est permis aux Tombées de la nuit, du moment qu’il y a une véritable démarche artistique.

Zone d’activités de la ToucheTizon, à quelques minutes du centre de Rennes. En apparence, l’usine de Bretagne Ateliers ressemble à toutes les autres. Pourtant, sur les 550 e m p l oyés de l’entreprise, les trois quarts sont reconnus handicapés. Daniel Lafranche en est le directeur général. Ingénieur de formation, carrure de rugbyman, voix grave et rassurante, il a pris les commandes de la société en 2004, après six années passées à la direction du développement. « J’ai eu un vrai déclic en visitant cette entreprise, ça vibrait en moi. Nous avons d’a b o rd une vocation sociale, celle d’amener à l’emploi des personnes fragilisées. C’est notre premier métier. » Car ici, l’entreprise part des capacités de ses collaborateurs pour imaginer des postes adaptés, s’inscrivant dans une logique d’économie sociale et solidaire. L’e n t r eprise est certifiée ISO 9 0 01. Bretagne At eliers sous-traite principalement pour les i n d u stries automobiles et ferrov i a i r e s, comme intégrateur ensemblier. L’homme e st au cœur du dispositif : les employ é s sont encouragés à repérer eux-mêmes les problèmes pour y trouver des solutions. « Il y a une réelle méconnaissance du hand i c a p. Quand on ne connaît pas, cela peut fa i re peur. En réalité, 80 % des situations de handicap ne se voient pas. » Comme tous les indust r i e l s,et en particulier ceux de l’automobile, Bretagne Ateliers a ét é touché par la crise. En réponse, la sociét é a dû se dive r s i fier et vendre certains de ses biens immobiliers. « 2011 annonce un redémarrage : nous sommes à la veille du lancement de la Pe u g e o t 508, pour laquelle nous allons prod u i re plusieurs pièces. » www.bretagneateliers.com

Le Dit du bambou, par la compagnie Caracol sur la place de la Mairie, en 2008. IV

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BORIS CHARMATZ

DANIEL LAFRANCHE

Festival Les Tombées de la nuit

Les Tombées de la nuit, un festival des arts de rue ? « Qu’est-ce qu’on s’e m m e rd e ra i t ! » bondit Claude Guinard. Ce quadragénaire passionné de culture dirige depuis sept ans l’une des m a n i f e stations les plus décoiffantes de B r etagne, qui entraîne 150 000 aficionados dans les rues de Rennes chaque été, en j u i l l et. Création artistique en soi, le fest i v a l m et la ville sens dessus dessous. Dans la cour d’un immeuble, au détour d’une rue ou d’un parc, des h a p p e n i n g s surréalistes d étournent l’a ttention des habitants. Tout e st permis aux Tombées, du moment qu’il y a une véritable démarche artist i q u e : p r o j eter de vieux films dans une caravane accueillant 15 personnes toutes les dix minutes, aligner des boules de feu le long de la Vilaine, programmer une fanfare dans les arbres ou un concert de JP Nataf à l’Opéra. Claude Guinard n’a aucun tabou.

— Immortaliser la danse dans un musée

— Placer l’homme au cœur de l’entreprise

« Notre premier métier est de fa voriser l’emploi de personnes fragilisées. »

Le programme de logements Millenium, quartier de la Courrouze.

— Bâtir l’éco-quartier de demain ÉRIC BEAUGÉ Territoires Rennes

Son téléphone sonne sans cesse et, à sa voix, on devine Eric Beaugé intraitable. « Ce qui m’importe, c’est de ne pas faire d’erreur majeure. Nous avons une responsabilité immense : celle de construire des espaces de vie qui seront là pendant des décennies. » Eric Beaugé est chef de projet chez Territoires, aménageur pour Rennes Métropole. Il coordonne le chantier de la Courrouze, le nouvel éco-quartier de la ville. Imaginé dès 2002, ce nouvel espace de vie s’établit sur une friche militaire de près de 120 hectares, à deux pas du centre de Rennes. Ici, la ville entend concrétiser toutes ses politiques locales de développement durable, qu’il s’agisse d’habitat, de transport, ou de gestion des déchets. Mais hors de question d’augmenter pour autant le prix des loyers. Les coûts de construction ont été optimisés, et Eric Beaugé a été prévoyant. En témoignent les parkings semi-enterrés, qui ont moins besoin de ventilation et d’éclairage, ou encore les points de collecte des

déchets, substitués aux locaux poubelles individuels. « J’ai toujours eu la fibre environnementale, mais au fond je suis un urbain, un rat des villes. » Eric Beaugé arrive chez Territoires en 1990, il prend alors en main le chantier de requalification des bords de Vilaine. « Aujourd’hui ce qui me touche, c’est quand les habitants me disent leur plaisir à se promener sur les berges. » A terme, le quartier de la Courrouze accueillera 4 700 logements, 10 000 habitants, sans oublier les commerces et les 120 000 m2 de bureaux. Coût total du projet : 175 millions d’euros. www.territoires-rennes.fr

« Nous avons une immense responsabilité, celle de construire des espaces de vie durables. »

Classé parmi les danseurs les plus prometteurs de sa génération, Boris Charmatz, 37 ans, est un homme de paradoxes. Le nouveau directeur du Centre chorégraphique national de Bretagne (depuis janvier 2009) s’est en effet mis en tête de réaliser « une utopie », un musée de la danse. Une contradiction dans les termes puisque, par définition, « une œuvre chorégraphique ne se conserve pas, ne s’achète pas, reconnaît-il. Du coup, je me suis dit que cette idée de musée impossible pouvait intéresser d’autres danseurs, mais aussi des metteurs en scène, scénographes ou architectes. » En chantier pour trois ans, ce musée en devenir a déjà commencé à accueillir les projets d’artistes invités. Il a même initié quelques « expositions » temporaires à Utrecht, à Singapour, au Théâtre de la Ville à Paris ou au dernier Festival d’Avignon, histoire de peaufiner le concept. A la Cité des papes, Boris Charmatz a donné une idée de ce que pouvait être une expo en hommage à un maître de la danse. Dans un enchaînement d’arrêts sur image, il a rejoué avec ses danseurs une série de photographies tirées du livre biographique de David Vaughan Merce Cunningham, un demi-siècle de danse, son œuvre, à partir de l’œuvre. Grand garçon enthousiaste et loquace, Boris Charmatz est toujours en mouvement. « Dès mon plus jeune âge, j’ai voulu tout faire à la fois : étudier, écrire, faire des spectacles, voir des spectacles, danser pour d’autres », explique-t-il. Artiste intellectuel et militant, il voudrait par-dessus tout donner à la danse sa juste place dans la cité. www.museedeladanse.org

Levée des conflits, nouvelle création de Boris Charmatz. 16 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE

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— Défendre la qualité de l’eau JEAN-FRANÇOIS PIQUOT Eau et rivières de Bretagne

Le pôle appuie les nouve l l es technologies comme la 3D.

— Développer le numérique durable DIDIER NICOT Pôle de compétitivité Images & Réseaux

R e l e ver des défis technologiques, en s’inscrivant dans une démarche écoresponsable et sociale : voilà ce qui anime Didier Nicot. « La high-tech peut re n d re de vrais services aux gens », insiste-t-il. A 53 ans, il est chargé de projets collaboratifs chez Images & Réseaux, un pôle de compét i t ivité spécialisé dans les services et les technologies associés aux nouveaux usa ges des contenus numériques et des médias. Les premières amours de ce Parisien d’origine étaient les sciences de la nature. Mais après un Deug de géologie, il bifurque vers des études d’électronique, sans jamais perdre de vue ses préoccupations environnementales. « Je veux aller dans les deux sens, c’est un engagement personnel. » Pour lui, les technologies de l’information et de la communication ne peuvent échapper aux enjeux du développement durable dans ses dimensions environnementales ou sociales. Ce qui le préoccupe particulièrement, c’est la fracture numérique. « Nous devons pre n d re garde à ne pas développer des technologies trop complexes, qui laisseraient sur le bord de la route les gens qui en ont le plus besoin. » Images & Réseaux travaille sur des systèmes de télémédecine, des actes médicaux réalisés par le biais de télécommunication, ou encore sur des services multimédias appliqués à l’aide aux personnes âgées en institution. Une centaine de projets ont déjà été financés, soit un inve stissement de 360 millions d’euros. www.images-etreseaux.com

« Je veux allier technologies et environnement. » VI

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Jean-François Piquot est connu comme « l’homme au chapeau noir », celui qui tient tête aux éleveurs et à la chambre d’agriculture. Sa notoriété, il la doit en partie à l’ouvrage dans lequel il dénonçait en 2000 les pratiques illégales des éleveurs industriels et le soutien du Conseil départemental d’hygiène (CDH) d’Ille-et-Vilaine. Breton d’adoption, cet ancien « intellectuel parisien » est devenu le porte-parole d’Eau et rivières de Bretagne, association qui alerte le public et les autorités sur la dégradation de la qualité des eaux – de source, de rivière, d’estuaire et du littoral. Le procédé est rodé : « Nous faisons un procès lorsque nous estimons que l’interprétation du droit a été trop laxiste. » Avec, à la clé, quelques succès, comme

la condamnation de Monsanto, en 2008, pour publicité mensongère présentant le désherbant Roundup comme « biodégradable », et de l’Etat français, en 2009, dans l’affaire des marées vertes. Pour lui, « la Bretagne est le laboratoire de tout ce qu’il ne faut pas faire en matière d’agriculture, d’élevage et de gestion de l’eau ». Heureusement, l’eau potable provient à plus de 80 % des rivières et seulement à 20 % des nappes phréatiques. La Bretagne est donc une région où la tendance peut être facilement inversée. Encore fautil que les politiques se décident à agir, ce qui ne semble pas être le cas. « On n’a encore jamais fermé un seul élevage industriel pour raisons sanitaires dans la région », regrette Jean-François Piquot. Quant à l’eau du robinet ? « C’est un produit de très haute technologie et à forte valeur ajoutée. Les hauts fonctionnaires produisent d’excellentes études sur l’eau, mais je me demande où se trouve le tiroir où on les planque ensuite. »

JEAN-PAUL GABILLARD Agrobio 35

A 42 ans, Jean-Paul Gabillard est plus qu’un pay san breton, c’est un hyperactif de l’agriculture biologique qu’il pratique depuis 1999. Sa ferme à Saint-G r é goire est son QG. Sa production est vendue, chaque semaine, à des abonnés qui récupèrent leurs paniers de légumes dans des points de dépôt rennais, aux magasins Biocoop et à la r e stauration collective. Jean-Paul Gabillard fait partie de Manger Bio 35, un groupement d’intér êt économique de producteurs bio et durables, créé en 2000 pour approvisionner les cantines scolaires. Egalement président d’Agrobio 35, le groupement des agriculteurs bio d’Ille-et Vilaine, il est sur tous les

JOCELYNE BOUGEARD Rennes, déléguée aux droits des femmes

Ne vous fiez pas à sa voix douce et ses jolis yeux rieurs : Jocelyne Bougeard est une militante féroce ! Adjointe (PS) au maire de Rennes depuis 2001, elle est également déléguée de la Ville aux droits des femmes. Ses convictions, Jocelyne Bougeard les a forgées au cœur des luttes féministes. « J’avais 20 ans dans les années 1970. Ce mouvement a révélé chez moi l’exigence de plus de justice sociale et d’équilibre. » Après avoir exercé comme éducatrice de jeunes enfants, cette Bretonne pur beurre prend ses fonctions dans l’administration. A Rennes, Jocelyne Bougeard œuvre pour que la collectivité assume ses responsabilités. Forte de ses 3 365 employés municipaux permanents, la Ville mène, depuis plus de vingt ans, un plan pour la parité hommesfemmes dans le travail, que l’Association française de normalisation, l’Afnor, a récompensé en lui

« Ce qui fait problème, ce ne sont pas les lois mais leur mise en œuvre. »

fronts. Avec Rennes Métropole, il travaille à l’implantation de marchés bio dans les communes, forme des cuisiniers pour les collectivités et réalise des animations dans des écoles. « Notre rôle consiste aussi à installer de jeunes maraîchers bio sur des terre s p réemptées par la Ville. Les collectivités ré alisent que l’accès au foncier est crucial si l’on veut développer la filière », précise-t-il. Parmi ses nombreux projets en cours, la création d’un Observatoire des circuits courts attise l’intérêt d’autres régions, et même d’autres pays. Jean-Paul Gabillard vient de se rendre en Equateur, à l’invitation du ministre de l’agriculture : « Les prix élevés des céréales poussent les producteursà exporter, ce qui porte préjudice aux consommateurs locaux. Le pays voudrait mettre en place des filières courtes pour garantir son autosuffisance alimentaire. » L’internationale agricole e st en marche.

délivrant en 2008 le label Egalité professionnelle. C’est la seule collectivité en France à en bénéficier. « Ce qui fait problème ce n’est pas la législation, mais l’absence de mise en œuvre des lois, que ce soit pour les conditions d’emploi, l’égalité professionnelle ou la prévention des violences. » Car, pour elle, l’Etat ne montre pas toujours l’exemple. « Il est inacceptable qu’à l’Assemblée nationale, il y ait moins de 20 % de femmes. Nous sommes à l’avantdernière place en termes de parité au niveau mondial ! » Lucide, elle rappelle que le changement se fera dans le temps, à condition de continuer d’éduquer et de sanctionner. « La liberté, ça ne se décrète pas. Ça se construit, politiquement et socialement. » www.rennes.fr

www.agrobiobretagne.org

— Transmettre la passion de la recherche KARIN TARTE Unité de recherche Microenvironnement et cancer, université Rennes-I

« Pour être chercheur, l’optimisme est indispensable. » Et de l’optimisme, Karin Tarte en a à revendre. A 38 ans, cette brune pétillante dirige l’unité de recherche « Microenvironnement et cancer » de l’université Rennes-I. Ici, quinze personnes étudient les lymphomes, c’est-à-dire le cancer des ganglions. Ces quarante dernières années, le nombre de cas a augmenté de façon inquiétante, pour des raisons encore mal identifiées. « Nous étudions la façon dont les cellules cancéreuses dialoguent avec les cellules saines, explique la chercheuse. C’est ce dialogue qui permet aux cellules cancéreuses de croître et se multiplier : isolées dans une éprouvette, elles meurent. Du coup, aujourd’hui, beaucoup de nouveaux médicaments ne ciblent plus seulement les cellules tumorales mais aussi leur dialogue avec les cellules saines. En continuant d’étudier ce dialogue, nous pourrons peut-être, à terme, identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour des applications cliniques. » Originaire de Nice, Karin Tarte a grandi dans une famille d’artistes, entre une mère dan-

— Etudier la biodiversité urbaine LAURENCE HUBERT-MOY EcoRurb

www.eau-etrivieres.asso.fr

« La Bretagne est le laboratoire de tout ce qu’il ne faut pas faire en matière d’agriculture, d’élevage, de gestion de l’eau. »

— Exporter le savoir-faire bio breton

— Etendre la parité hommes-femmes

Cellules vues à travers un microscope à fluorescence.

seuse et un père forain. « Ils m’ont appris l’importance de se réaliser dans ce qu’on aime. Faire de la recherche, ce doit être un choix de vie. On y consacre du temps, il y a beaucoup d’échecs… Tout cela il faut l’accepter. » Sa passion, elle aime la partager. En particulier avec ses étudiants. D’ailleurs, c’est grâce à des rencontres pendant son cursus universitaire qu’elle s’est elle-même trouvée. « La transmission est essentielle. Un chercheur ne peut pas se contenter de rester derrière sa paillasse et d’écrire des articles. »

A l’u n i versité Rennes-II, Laurence Hubert-Moy d i r i ge Costel, l’un des plus anciens laboratoires de télédétection de France. Elle étudie les surfaces terrestres (eau, vé gétation, minéraux…). Depuis 2003, elle coanime un programme de recherche inédit : EcoRurb, partenariat entre l’Institut national de recherche agronomique (INRA), le CNRS et son université. L’objectif : comprendre les effets de l’urbanisation sur la biodiversité. Philippe Clergeau, professeur au Muséum d’histoire naturelle de Paris, est à l’initiative du projet. Avec lui, Laurence Hubert-Moy cherche à cartographier les facteurs favo r i sant la prolifération de certaines espèces d’oiseaux en ville, comme l’étourneau. « Mon rôle est de spatialiser les éléments paysagers, qui sont ensuite mis en relation avec les données des écologues », explique-t-elle. Ses premières conclusions tirées des données des douze stations d’observation rennaises sont éloquentes : « L’urbanisation, ex p onentielle depuis les années 1950, provoque une fragmentation des habitats animaux. Le nombre d’oiseaux tend à augmenter, mais la variété des espèces est en baisse. » L’écosystème urbain, largement méconnu, deviendra-t-il un jour un enjeu pour les villes ? Des « transferts méthodologiques » sont déjà en cours vers Paris, Marseille ou Nantes. w3.rennes.inra.fr/ecorurb

www.medecine.univ-rennes1.fr

« Ce doit être un véritable choix de vie. On y consacre du temps, il y a beaucoup d’échecs… » 16 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE

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— Célébrer la diversité culturelle MERIEM METTOUCHI Festival Convergences culturelles

Les containers forment la structure et dictent l’organisation intérieure de la maison.

— Rénover plutôt que construire MARGOT LE DUFF ET MATTHIEU GIRARD Architectes DPLG

Le traditionnel toit en ardoise breton serait-il passé de mode ? Aujourd’hui, deux jeunes architectes imaginent des maisons… en containers ! Margot Le Duff et Matthieu Girard se sont rencontrés lors d’un stage de fin d’études. Aujourd’hui parents d’un petit garçon, ils sont à leur compte depuis cinq ans. « Ce qui nous plaît, c’est la démarche recyclage, explique Matthieu Girard. On travaille avec des containers “dernier voyage”, c’est-à-dire en fin de vie. Si on ne les rachète pas, ils repartent en Chine pour être fondus. Côté bilan carbone, ce n’est pas l’idéal. » Ces dernières années, les const r u ctions en containers se sont multipliées en France. Un effet de mode qui surfe sur la tendance récup’, mais qui peut offrir des av a nt a ges économiques. Margot Le Duff tempère : « Le problème, c’est que les gens ne sont pas réalistes. Les containers ont été lancés comme LA solution économique pour construire à moindre coût. Ça peut être

vrai, mais tout dépend des attentes du client. » A l’achat, comptez 1 300 euros hors taxes pour un container de 12 m3 « dernier voy a ge». Leur métier, M a r got Le Duff et Matthieu Girard l’accomplissent avec une véritable préoccupation environnementale. Recyc l a ge de containers, mais pas seulement : les deux architectes militent pour la réhabilitation d’anciens logements plutôt que la construction. « Nous voulons optimiser les espaces au maximum, et limiter les surfaces perdues. Aujourd’hui, il faut limiter le grignotage de territoire : rénover d’anciennes maisons, construire sur les toits d’immeubles… tout est possible ! » architectes-mnm-rennes.blogspot.com

« Ce qui nous plaît, c’est la démarche recyclage. On travaille avec des containers en fin d’activité. » VIII

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Chercheuse spécialisée dans la régulation des pêcheries côtières bretonnes, Meriem Mettouchi ne se destinait pas à une carrière dans la culture. La voilà pourtant qui supervise depuis deux ans le festival Convergences culturelles qui, chaque mois de novembre, fait bouger durant cinq jours les quartiers de Rennes. « Entre biodiversité et diversité, il n’y a qu’un pas », plaisante-t-elle. C’est avec entrain que cette Algérienne d’origine a repris les rênes de la manifestation, animée par une trentaine d’as« J’ai voulu que sociations dépendant de l’Union des associations inter- les diffé rentes culturelles de Rennes (UAIR). associations Le festival doit à cette brune énergique quelques-unes de créent ses plus grandes réussites des ensemble. » deux dernières éditions – comme l’Orchestre de la diversité, composé de musiciens d’environ vingt cultures différentes, et une pièce de théâtre fondée sur le même principe (68 personnes sur scène) autour du thème de l’étranger. « Dans les éditions précédentes, chaque association préparait son spectacle dans son coin. J’ai voulu qu’elles créent ensemble. L’idée est de faire communiquer les cultures, de trouver des espaces communs à tous », explique-t-elle. Meriem Mettouchi voudrait maintenant pérenniser ces échanges, trouver des solutions pour « transmettre ces savoirs à d’autres, leur permettre de découvrir de nouvelles musicalités ». Ce nouveau chantier est en bonne voie grâce au conservatoire de Rennes, qui vient d’intégrer un cycle de conférences sur la musique traditionnelle chaâbi. www.uair.org

L’Orchestre de la diversité, lors de Convergences culturelles.

— Stimuler le tissu social sur le Net RICHARD DE LOGU Association Bug – Ruche.org

Richard de Logu est « un diplodocus du Web », « un militant de l’Internet citoyen », comme il se définit lui-même. A 39 ans, le président de l’association Bug a lancé en 2008 la Ruche, l’un des premiers réseaux sociaux en France qui, fort de ses 1 700 membres, continue d’animer la vie rennaise. La Ruche permet de localiser concerts, vernissages, ateliers ou rencontres citoyennes sur une carte de la ville. Mais il porte aussi un vrai projet social : absence de publicité, mise en avant du monde associatif, entretien des liens via des forums de discussion autour du covoiturage, de la recherche d’emploi ou de la formation. L’association organise aussi les Apéruches, des cafés citoyens ouverts à tous, qui prolongent ces échanges virtuels dans la vie réelle, et abordent des questions de société comme la protection des données personnelles ou la réforme du juge d ’ i n struction. Financée pour moitié par les collectivités locales, Bug tire l’autre moitié de ses revenus de son activité commerciale de web-agency. Par conviction, Richard de Logu s’est toujours tenu à distance égale du monde marchand et des institutions : « Un pro j e t d’entreprise reposant sur l’e-comm e rce ne m’a jamais intéressé », précise-t-il. Cet idéal de l’Intern et pour tous transparaît dans chaque projet de Bug. Y compris dans la future application mobile de la Ruche, annoncée pour novembre. Ce sera « une application pour tous les mobiles et non une “appli” iPhone. Ça n’a l’air de rien, mais ça permet de n’exclure personne ». ruche.org

Terra Libra importe et distribue des produits équitables.

— Passer à l’économie équitable THOMAS BUREL Terra Libra

A l’expression « commerce équitable », il préfère celle d’« économie équitable ». Thomas Burel est le gérant de Terra Libra, une SARL qui importe et distribue des produits locaux et d’autres issus du commerce équitable. « Bien consommer, cela signifie aussi réfléchir à notre action citoyenne. En c réant Terra Libra, je voulais mettre en adéquation mon tra vail et mes

— Faciliter l’accès aux données publiques XAVIER CROUAN Rennes Métropole

X avier Crouan a beau être un fonctionnaire de la ville, il parle comme un internaute militant : « Ce n’est pas aux institutions d’imaginer les services dont ont besoin les utilisateurs, ce serait contra i re à la philosophie de libération des données », déclare le directeur de l’information et de l’innovation numérique de Rennes Métropole. Sous son impulsion, Rennes e st devenue la première collectivité française à m ettre ses bases de données à disposition des internautes. Des données mises à jour en temps réel, comme la disponibilité des vé l o s en location, l’état de fonctionnement de chaque escalator et ascenseur du métro ou la longueur des files d’attente aux guichet s. Mais aussi les heures d’o u verture de 1 500 organismes et asso-

convictions. Croiser le commerce équitable avec un soutien aux luttes sociales. » Thomas Burel a grandi à côté de Genève. Après des études de ge stion et une spécialisation dans le commerce avec les pays en développement, il parcourt le monde pour y faire des st a ge s. Le déclic aura lieu en 2005, au Brésil, où il rencontre le Mo u vement des sansterre, une organisation de pay sa n s. Là lui vient l’idée de commercialiser en France leur eau-de-vie, de la cachaça. De retour en Bretagne, il se lie d’a m itié avec les membres d’Esperanza. L’association diffuse du café de la coopérative zapatiste Mut Vitz aux Chiapas qui regroupe des paysans indiens qui milite pour les droits des indigènes. Thomas Burel les invite à rejoindre son projet, et Terra Libra naît en 2 0 0 6. Aujourd’hui, la SARL couvre trois régions : Bretagne, Pays de la Loire et Basse-Normandie. Thomas Burel traite avec 200 clients réguliers, pour la plupart des détaillants, mais aussi des bars, des restaurants ou des groupes d’achat. « La Bretagne est avant-gardiste sur les réseaux de vente alternatifs. Ici, on est militant de père en fils. » La suite, Thomas Burel la voit dans la distribution d’autres produits issus de lutt e s sociales, menées en Bolivie, en Colombie ou au Sénégal. www.terralibra.fr

« Bien consommer, cela signifie aussi réfléchir à notre action citoyenne. »

ciations et, bientôt, le sy stème d’information géographique de la ville, répertoriant tout ce qui se trouve sur l’espace public. Le fonctionnaire n’e st pas peu fier du travail accompli. Il faut dire que le go u vernement, qui a lui aussi un projet de partage des données ministérielles dans ses c a r t o n s,ne parvient pas à franchir le pas. Po u r les petites entreprises numériques rennaises, le p otentiel est énorme. « C roisement des données, cartes enrichies, parcours personnalisés de la ville ou agendas sur mesure : de nombreuses applications sont possibles et commercialisables », explique X avier Crouan. Po u r accélérer le mouvement, un concours d oté de 50 000 euros vient d’être lancé, Rennes Mét r o p o l e en libre accès. Remise des prix le 30 mars 2011. www.data.rennesmetropole.fr

« Les informations accumulées par la ville p e u vent avoir de nombreuses applications. » 16 OCTOBRE 2010 — LE MONDE MAGAZINE

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