Art ère N°8, 2020

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sous la direction complice de Benoit Breton

Nouvelle formule 2020 N°8

AT E E

L’univers qui nous entoure est composé d’un ensemble d’éléments qui s’opposent, se complètent et se confondent pour former un tout. Ce tout fait partie de notre quotidien, un savant mélange entre le hasard et le prédéfini qui se veut à l’image de l’Homme : complexe. Ainsi, comme la vie ne peut être vue tout de noir ou tout de blanc, notre quotidien ne peut être qu’ordre et chaos. Il s’agit en réalité d’un subtil mélange de ces deux notions qui rendent notre monde imprévisible et unique.


CINÉMA @AlexandraPierrot

Ordre et chaos des projets de long-métrage (Rox et Rouky, Taram et le Chaudron Magique) à cause de ses créatures trop monstrueuses, qui ne rentrent pas dans les codes de la maison, le réalisateur connaîtra le succès grâce à cet univers étrange entre ordre et chaos. Osant intégrer la mort dans ses œuvres, Tim aime heurter la sensibilité commune en traitant des aspects les plus déstabilisants de l’envers de la Vie. Pari risqué mais réussi, le réalisateur a su attirer la sympathie de son public. En reprenant la lignée de la tragédie et en y alliant justesse, équilibre entre le bien et le mal, le beau et le laid, il pratique l’art de la dédramatisation et réussit à mettre en scène des défunts sans jamais tomber dans la caricature des films d’horreurs. A travers ses œuvres, le scénariste réussi à allier ordre et chaos, en mettant en scène des spectacles fantastiques et chaotiques, tout en gardant une rigueur dans son écriture.

Tim Burton, aujourd’hui réalisateur de nombreux films à succès, dans un univers entre ordre et chaos.

TIM BURTON Réalisateur, producteur, acteur, scénariste, auteur et illustrateur américain né le 25 août 1958 à Burbank, Tim Burton, de son vrai nom, Timothy Walter Burton est aujourd’hui directeur de nombreux films à succès tel qu’Alice au pays des merveilles, Charlie la chocolaterie, l’étrange noël de Monsieur Jack ou encore Edward aux mains d’argent et Ed Wood dans un univers entre ordre et chaos. Cinéaste d’exception, les débuts de Tim Burton ne furent pas faciles. Passionné de cinéma et par les films de monstres, il rencontre des difficultés à travailler avec le géant Disney. Rejeté à deux reprises par le géant américain

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@ Nathalie Dassa

@MaxSparrow

Le chaos dans les films de Burton, est créé par la présence de scènes spectaculaires qui ont une tendance à prendre le dessus sur le fond des histoires, dans lesquelles les personnages sont confrontés à des situations réelles qu’ils doivent résoudre de la manière la plus humaine possible. L’ordre lui, qui apparait dans la psychologie profonde des personnes a tendance à être noyé dans le visuel, et le message est diminué si la partie émotionnelle est délaissée. « Il

Réalisateur mythique, lui aussi a sa muse, Johnny Depp. Rencontré sur le casting d’Edward aux mains d’argent, l’acteur de la saga Pirate des Caraïbes va tout de suite attirer l’œil de Burton. Multipliant les collaborations et partageant ce goût de l’étrange, ils semblent se reconnaître l’un dans l’autre, dans le gothique et le bizarroïde.

ENTRE FICTION ET RÉALITÉ

ne faut pas toujours interpréter une image de manière littérale, elle est peut-être liée à une émotion » (Tim Burton). Ce quiproquo peut notamment arriver chez les spectateurs d’Edward aux mains d’argent, dont la personnalité introvertie peut être mise de côté au profit du visuel spectaculaire Cinéaste atypique, il a su allier talent et succès en créant des films dans lesquels les monstres de son imaginaire d’enfant ont pris vie au cours de sa vie d’adulte. Inventant son personnage et sa légende pour se construire une filmographie singulière mêlant films d’auteurs et blockbusters grand public.

En regardant la filmographie de Tim Burton, la première chose qui semble caractéristique de sa carrière est une attirance pour les histoires étranges, traitant d’un monde qui lui est propre, dans lequel il y transmet une partie de son âme. Il semble ne pas pouvoir concevoir de film relevant d’autre chose que du fantastique et de la fiction. Cela pourrait laisser croire que la filmographie de Burton se résume à des visuels époustouflants, dénués de sens. Mais un film sort du lot et dément cet aspect: Ed Wood. Dans ce film, qui se passe après la seconde guerre mondiale à Hollywood, le jeune Ed Wood décide de se consacrer à sa passion du cinéma en contactant un producteur pour jouer le rôle de Christine Jorgensen, célèbre transsexuel. Une œuvre tirée d’une histoire vraie, dans laquelle on retrouve comme dans tous ses films, les thèmes de l’incompréhension, l’intolérance, la différence entre ce qu’on est et ce qu’on montre de soi.

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DES FILMS SOMBRES MAIS PAS QUE

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Alexandra Pierrot, Adèle Marsac, Adéchina Makarimi, Ake-Sara-Audrey Adou,

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LES FRÈRES CAMPANA

Même si ils sont unis par le sang, ils n’en restent pas moins professionnels. Ils n’hésitent pas à débattre de tout. Humberto est de nature créative et intuitive ; Il ne cherche pas à suivre les écoles et tendances actuelles et est attaché à l’aspect artisanal du métier de designer. A l’inverse, Fernando est plus rationnel il créé des concepts tout en veillant à ce que les dimensions et proportions de chaque création soit respectée. Ainsi, outre leur passé commun, les deux frères partagent leurs différences. Ce qui les différencie les unis, les rapproche, et stimule leurs créativités.

INSPIRATION ET CONCEPTION Le travail des frères Campana s’inspire directement de la culture brésilienne. Ils trouvent leur créativité dans la diversification du pays (couleurs, cultures, ethnies, etc). Même si pour eux ce pays est chaotique il est cependant joyeux. On retrouve ces aspects dans leurs créations colorées, écologiques, et pleines de sens.

Ou l’art du détournement Humberto et Fernando Campana, deux frères indissociables, ont su faire du chaos leur terrain de jeux. Ils apportent au design une approche originale qui façonne le chaos pour lui donner une forme de stabilité. Avec leur préoccupation du recyclage ainsi que leur fantaisie inventive, les frères Campana n’ont jamais été autant dans l’ère du temps.

Les favelas sont au cœur de leurs œuvres puisque le gaspillage est remplacé par la récupération et réutilisation. C’est une des raison pour laquelle leur atelier est implanté à Sao Paulo. Ils ont la volonté d’embellir la ville par un “design de rue”. Ils transforment alors ce qui peut paraître inutilisable au premier abord en art contemporain. C’est un véritable travail d’association et de dissociation, de création.

Humberto et Fernando Campana, sont deux frères designers brésiliens, nés à São Paulo, considérés comme des icônes légendaires du design. Issus d’une famille traditionnelle modeste, le duo était bien loin du monde du design ; l’un était à l’origine architecte et le second avocat. Aucun des deux n’avait une formation en accord avec le design et pourtant ils en sont aujourd’hui des figures indissociables.

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LA MISÈRE DE LA VILLE PERMET DE METTRE EN EXERGUE SA BEAUTÉ

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@Vavà Ribeiro

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@Agathe Loiseau Ils puisent leur inspiration pour leurs œuvres dans l’iconographie naturelle. Leur objectif est de détourner l’objet initial et que la matière dont il est composé lui donne une nouvelle fonctionnalité. Les matériaux sont au cœur des conceptions des frères Campana, ce sont le point de départ de leurs réflexions et créations. Pour eux, les matériaux parlent, ces sont des choses à part entière qui possèdent une âme. Ils évoquent ce qu’ils souhaitent devenir, leur transformation, et leurs limites. Ils ont pour objectif de porter l’objet à une sorte d’état d’instabilité, tout en restant fonctionnel. Ainsi, les frères Campana domestiquent les matériaux ; pour eux plus ils semblent difficiles à appréhender et à leur donner du sens, plus le challenge est stimulant.

UNE STABILITÉ INSTABLE Le chaos se retrouve premièrement chez les deux frères, qui sont en totale opposition, que ce soit leurs caractères, leurs manières de penser, ou leur vision du travail. C’est par l’erreur, l’imperfection, et l’irrationnel que Humberto et Fernando s’expriment. Ils y voient une véritable forme de poésie. Cela se reflète dans leur travail qui se veut d’inspiration chaotique puisqu’ils puisent leurs idées dans le chaos qu’offre le Brésil et sa jungle urbaine. L’instabilité, la mixité, la diversité sont leurs sources d’inspirations. Finalement, de la réflexion jusqu’à la création, tout leur processus créatif est chaotique.

@Modernity D’après les frères Campana, la misère de la ville permet de mettre en exergue sa beauté. De cette idée, ils modèlent le chaos de façon à lui donner une forme, qui de ce fait aura du sens et une stabilité. Ce chaos serait selon eux un terrain de jeux où l’esprit est libre et doit tirer parti des disgrâces pour construire de manière rationnelle. C’est en assemblant les fragments, matériaux, que le chaos devient ordre.

C’est ainsi qu’ils absorbent le chaos, le retranscrivent et le font ressentir dans leurs créations. Par la confrontation de ces deux personnalités bien différentes, naît l’ordre et l’organisation d’idées qui aboutira à des créations. L’une de leur seule part de stabilité se trouve dans la volonté des deux designers de rester en adéquation avec leur époque pour ne pas créer, ou recréer, du “déjà vu”.

L’univers des frères Campana est une sorte de mélange de chaos organisé. Ils rééquilibrent l’ordre naturel en contrebalançant le chaos avec une création rationnelle.

Ambre Martin, Alexandre Rousseau, Alexandre Da Costa, Agathe Loiseau

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DAMIEN

HIRST

Un chaos contemporain

@Damien HIRST Butterflies

Parfois, l’art obéit à des lois mathématiques liées à l’ordre et à l’harmonie (la recherche du nombre d’or, la symétrie des proportions, l’harmonie des couleurs). Toutefois, le 19ème siècle marque un véritable tournant dans l’histoire de l’art. En effet, nombreux sont les artistes qui ont bousculé les codes anciens (impressionnistes, ready made…). Ainsi, le désordre s’est progressivement imposé dans l’art. L’un des maîtres de l’ordre et du désordre c’est évidemment Damien Hirst, célèbre artiste anglais et leader du groupe des « Young British artists ».

SUJETS PARTICULIERS

Damien Hirst, ce sont des crânes ornés de diamants, des cœurs tranchés, des animaux dans du formol, des mandalas hallucinogènes. À travers son travail provoquant et scientifique, Damien Hirst nous dévoile une « retrospective de la vie ». Il met en scène la vie, la beauté, l’ordre puis le chaos, le trouble, la mort. Dans son œuvre « l’impossibilité physique de la mort dans l’esprit d’un vivant » (1991), si l’on s’en réfère au titre, le requin placé dans du formol représente à la fois la vie et la mort, ainsi que l’ordre et le chaos à travers la putréfaction inévitable de l’animal.

Damien Hirst est un roi de la provocation, il dérange, choque, et questionne constamment son public. Ses sujets de prédilection ? La mort, la maladie et la décomposition. Des sujets qu’il traite avec des matériaux plutôt particuliers… En effet, l’artiste n’hésite pas à utiliser du formol, des animaux morts, des crânes ou encore des médicaments. Finalement, Damien Hirst, est l’un des artistes reconnus à avoir exploré pleinement la notion d’ordre et de chaos dans ses œuvres. En effet, il joue sur l’aspect minimaliste qui renvoie plutôt a la notion d’ordre qu’il oppose avec l’idée de mort, de chair qui renvoie davantage à l’aspect chaotique, le trouble : « J'aime l'idée de mêler le minimalisme à l'horreur de la chair... » L’artiste affirme l’idée selon laquelle, « dans la tête d’un vivant la mort n’est que trouble, confusion, désorganisation et chaos ». C’est pourquoi, il utilise des cadavres réels d’animaux.

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DANS LA TÊTE D’UN VIVANT LA MORT N’EST QUE TROUBLE, DÉSORGANISATION ET CHAOS 6

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Depuis 1993, l’artiste a mis en place une suite de peintures monochromes où l’on retrouve des papillons naturalisés (I feel love, 1994-1995) ou les Spots Paintings, des tableaux de points colorés, qui symbolisent des pilules pharmaceutiques aux titres hallucinogènes. Alors que ces œuvres nous rappellent des formes simples ou encore les célèbres mandalas de notre enfance, symétriques et organisés, l’artiste évoque le chaos. En effet, en s’y intéressant davantage notamment à travers ses œuvres Gargosian et Butterfly, l’ensemble porte a confusion et est associé à un état de l’homme chaotique du à la consommation de pilules hallucinogènes qui détruit le cerveau. Les Spin Paintings sont des peintures crées à partir d’une machine qui utilise la force centrifuge. De la peinture de couleur est versée sur un support en rotation. Ce sont à première vue des ronds colorés simples, qui jouent sur la séduction, l’attirance. Puis, un malaise s’instaure, l’inconfort. Toutes les couleurs se mélangent et forment un chaos de couleurs.

@avaganem

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LA BEAUTÉ À QUEL PRIX ?

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L’une des œuvres les plus chères sur le marché de l’art est l’une des créations poétique de Damien Hirst. Un crâne de luxe, ça vous parle ? « For the Love of God » est un crâne humain véritable, incrusté de 8601 diamants qui s’est vendu à 50 millions de livre lors d’une exposition à Londres. Cette œuvre chaotique est la pièce maîtresse de l’artiste, les éléments forment un ensemble organisé et semble se répondre entre eux et pourtant… l’artiste utilise un élément précieux et naturel qui symbolise l’éternité (le diamant) qu’il oppose à un crâne humain qui symbolise la mort et la décomposition. À travers cette œuvre provocante, il met en avant la vanité, le passage de la vie à la mort. Mais, l’artiste peut parfois être sans limite et aller jusqu’à bousculer l’ordre religieux, l’ordre établi, quitte à en payer le prix et perdre sa notoriété. On pense notamment à ses reliquaires de martyrs, ses vitrines où des têtes de vaches représentent le Christ et les apôtres ; parfois les installations sont éclaboussées par le sang d'animal figé sur le sol ou sur les murs des lieux d’expositions. Damien Hirst n’a décidément pas peur du chaos ! On sait à travers l’histoire de l’art que l’ordre naît du chaos mais Damien Hirst affirme : « l’homme n’est que chaos ».

@Damien HIRST L’impossibilité physique de la mort dans l’esprit d’un vivant (1991)

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L’HOMME N’EST QUE CHAOS ‘‘

Boubacar Maiga, Ava Ganem, Benjamin Harb, Camille Delugan

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ACCUMULATION

Croquis inspiration M.W - @Alicia Da Ponte

Michael Wolf

Michael Wolf s’inspire du quotidien pour mettre en lumière l’accumulation constante dévoilant ainsi un monde aux multiples facettes.

BIOGRAPHIE

A91 @Michael Wolf

Passionné par l’urbanisme depuis ses 15 ans, le photographe américain est reconnu par le grand public et par ses pairs depuis presque deux décennies pour ses œuvres qui explorent et dénoncent les relations entre l’Homme et son environnement. Pourtant, Michael Wolf ne se destinait pas aux expositions et au renom. Initialement photographe de presse, il rencontre pourtant le succès en 2003 grâce à sa série de clichés captivante sur la ville de Hong-Kong. Il prouve également deux ans plus tard que sa réussite n’est en rien le fruit du hasard en remportant le prix World Press Photo, exploit qu’il renouvelle en 2010. Entre les multiples récompenses, Michael Wolf nous fait partager son talent et sa vision du monde à travers des expositions à la fois intrigantes et passionnantes.

Portrait de Michael Wolf

Si le photographe nous a quitté en avril dernier, il nous lègue cependant un large héritage : le reflet de notre société si imparfaite et si complexe à capturer,exercice que Michael Wolf a pourtant si talentueusement fait au cours de nombreuses années.

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Paris rooftop n°4 @Michael Wolf

HONG-KONG

Michael Wolf s’efforce de nous faire redécouvrir sous un nouveau jour notre univers pourtant si familier. À travers de simples clichés, il donne une nouvelle dimension à ces bâtiments auxquels nous ne prêtons plus attention : c’est ici que réside toute la force de l’artiste. Alors quoi de mieux que de s’attaquer aux plus grandes mégapoles, synonymes de rêve et de modèle pour un grand nombre de personnes. Il existe en effet, un revers de la médaille à cette vision en apparence si idyllique. Entre excès, accumulation et démesure, nos villes représentent définitivement bien plus qu’un amas de béton.

Le photographe s’est ensuite tourné sur une mégapole, ici, la ville la plus chère du monde : Hong-Kong. Michael Wolf décide d’y pointer du doigt l’absurdité des modes de vie urbains via son architecture, dépassant de ce fait le statut de simple artiste. Pour se faire, il orientait son appareil en direction des bâtiments qui lui paraissaient les plus démesurés. C’est d’ailleurs cette même démesure qui définit pour lui le concept de mégapole dénoncée dans l’exposition : « architecture of density ». De par son engagement, l’artiste transforme un sujet concret en un miroir vers un univers à la fois fantastique et effrayant donnant à voir la ville dépourvue de ciel et d’horizon, comme écrasée par sa population. Sans en montrer les habitants, il parvient à dévoiler l’immensité d’une mégapole à travers son architecture dense, nous faisant perdre toute perception d’échelle. Malgré cela, nous parvenons à discerner des traces de vie dans les détails de ces gratte-ciels. Si tout est réuni pour illustrer à la perfection les convictions du photographe, c’est également pour l’image ambivalente de la ville : entre ordre et chaos, entre image soignée et manifestations incontrôlées.

PARIS Pour son travail sur les grandes villes, M.W souhaitait donner sa vision sur Paris. Néanmoins, comment photographier une ville tant de fois choisie par les plus grands artistes sans pour autant tomber dans les clichés ? Ce n’est plus seulement l’absurdité des modes de vie qu’il dénonce, le photographe s’attaque aussi aux dégâts climatiques qu’inflige la plus belle ville du monde mais qui semble pourtant fasciner des millions de personnes. C’est alors qu’il se hisse sur les toits et terrasses de la capitale pour immortaliser ses nuées infinies de cheminées. Les rejets de ces dernières viennent ternir notre somptueuse ville lumière et notre planète. L’architecture parisienne nous ferait presque oublier la présence humaine mais à y regarder de plus près, on s’imagine la vie derrière le calme apparent : une silhouette derrière un rideau, un ouvrier réparant une gouttière, des graffitis d’amoureux… Encore une fois, Michael Wolf nous prouve en effet avec cette exposition que, plus qu’un artiste, il est avant tout un homme engagé.

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PLUS QU’UN ARTISTE, IL EST UN HOMME ENGAGÉ

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Anna Gallet, Anna Toutain, Angéline Degraeve, Alicia Da Ponte

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@ArthurDabon

TARANTINO

En 2016, Quentin Tarantino a confirmé que ses films venaient tous du même univers, et qu’ils étaient tous plus ou moins liés les uns aux autres. Il précise aussi que son univers est lui-même divisé en deux univers distincts « Il y a l’univers qui est ‘réel’, c’està-dire celui où vivent mes personnages. Et il y a l’univers des films. Par exemple, Une nuit en Enfer et Kill Bill sont des univers fictifs. Ce qui veut dire qu’en gros, quand les personnages de Reservoir Dogs ou de Pulp Fiction vont voir un film, ils vont voir Une nuit en Enfer ou Kill Bill ». Bien qu’à première vue, tout ceci semble très chaotique, en s’y intéressant de plus près, tout prend rapidement du sens, par exemple par le biais de nombreux foreshadowings ; mais le plus impressionnant reste les répliques de Mia Wallace (Pulp Fiction) lorsqu’elle explique avoir passé une audition pour un film. Elle décrit alors les cinq personnages principaux de ce film (donc une fiction dans une fiction) qui correspondront alors aux personnages de Kill Bill qui sortira neuf ans plus tard avec la même actrice dans le rôle principal… Dans le même registre on peut s’apercevoir que Kill Bill est lié à Django, que Inglourious Basterds est lié avec Les 8 Salopards ou encore que Reservoir Dogs est lié à Pulp Fiction.

Un jeu d’univers Ou une composition cinématographique qui ne laisse pas les spectateurs indifférents Agé de 56 ans, Quentin Tarantino est un réalisateur, scénariste, acteur et producteur américain de renom. Il est né en 1963 dans le Tennessee. Il grandit en Californie et découvre le cinéma par le biais de son beau-père qui est pianiste de bar. Ses films sont caractérisés par des scénarios qui ont des structures narratives non linéaires et des scènes exubérantes. De plus, il soigne beaucoup ses dialogues et aime en mettre partout, ce qui donne lieu à beaucoup de longs monologues poignants. L’ultra-violence est aussi une des caractéristiques principales de ce réalisateur, devenu légendaire.

Une des particularités des films de Tarantino, c’est le changement de registre qui s’effectue très rapidement dans certaines scènes. Il peut y avoir une scène très calme, presque humoristique ou romantique, et d’un coup tout bascule, Tarantino passe au registre de l’ultra-violence très sanguinolente et très crue. On ne sait même plus où regarder, tant il se passe de choses à l’écran. On peut voir ces contrastes de manière flagrante dans les films Pulp Fiction et Kill Bill, qui sont l’incarnation parfaite de son style cinématographique avec des histoires non linéaires, reliées, violentes et très crues.

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@AntoineSuon

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Les dénouements des films de Tarantino sont très importants car ils apportent la dernière pièce du puzzle qui permet la compréhension de l’histoire. Cette particularité garde le spectateur en haleine en laissant un lourd suspense, ce qui le fait réfléchir. @didierLebon

IL Y A L’UNIVERS QUI EST RÉEL [...] ET IL Y A L’UNIVERS DES FILMS.

Aujourd’hui, lorsqu’on parle de Quentin Tarantino, on ne parle plus seulement du réalisateur et producteur, mais bel et bien d’un univers cinématographique à part entière. Lorsque l’on fait la démarche d’aller voir un film de Tarantino, on se place aussi inconsciemment dans son univers, on ne s’attend pas à voir autre chose que « du Tarantino » ce qui rend ses films beaucoup moins incompréhensibles. On s’attend donc à une multitude de détails extravagants et des scènes plus exubérantes les unes que les autres. Tarantino force en fait ses spectateurs à le comprendre et le digérer pour que petit à petit (comme pour le dénouement de ses films) tout semble très ordonné et limpide.

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Arthur Dabon, Antoine Suon, Amanda Lemoine, Arthur Collinet

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ALICE ENTRE ORDRE ET CHAOS Les mille et un visages du pays merveilleux Le chef-d’œuvre de Lewis Caroll a été adapté de nombreuses fois , notamment par Walt Disney et Tim Burton.

CONTE INITIAL La première version du célèbre conte Alice aux pays des merveilles a été créé par Lewis Caroll, dont le vrai nom est Charles Lutwidge Dodgson, en 1865, il fut d’abord appelé « Alice’s adventures in wonderland ». Ce roman connu de très nombreuses adaptations, dont les plus connues sont celles de Disney et de Tim Burton. Alice au pays des merveilles est un récit très atypique tant sur la forme que sur le sujet. La manière dont le récit a été créé peut notamment accentuer son authenticité, car n’oublions pas que le récit fut élaboré de manière très spontanée et improvisée par Lewis qui cherchait simplement à divertir des jeunes filles durant une promenade en bateau. Il jouissait d’une grande liberté au niveau du récit, sans la grande pression d’écrire « le roman du siècle » et on peut imaginer que les petites filles ont pu participer aux choix des personnages ou des lieux. Il n’est donc pas surprenant que la part d’imaginaire et de fantaisie soit aussi importante puisqu’elle émane directement d’esprits rêveurs et enfantins. Rappelons le fait que Lewis Carroll était un mathématicien, on retrouve alors un paradoxe entre le fait qu’il est censé faire preuve de rationalité et l’histoire fantaisiste qu’il nous conte. Cependant, on peut tout de même constater qu’à cette part d’imaginaire s’opposent la

“We’re All Mad Here” @Heather Theurer

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rigueur et la logique d’Alice qui ne se laisse pas porter par cet univers merveilleux. Elle ne cesse de demander des explications aux discours sans queue ni tête des personnages qu’elle rencontre, qui portent plus attention à des détails insignifiants comme la sonorité des mots qu’elle emploie. Le pays est le lieu de la contestation, par le biais de l’absurde, d’un certain ordre établi du monde réel. En effet, le texte traite de la société victorienne, notamment de ses intérieurs « fonctionnels », où chaque chose doit trouver et tenir une place minimale. On relève une certaine ironie visant à dénoncer les institutions établies de la société ; le Lièvre de mars et le Chapelier « rangent » le Loir dans la théière. Dans le portrait de la petite Alice, qui cherche à s’évader de sa vie ordonnée et structurée pour un monde irrationnel, chaotique mais merveilleux, on peut y retrouver une infime partie de l’auteur et de chacun d’entre nous. L’univers anarchique dans lequel Alice nous convie découle de celui ordonné dans lequel elle vit. Mais dans ce monde qu’elle a imaginé, elle cherche tout de même à mettre de l’ordre, puis à vouloir en sortir pour retrouver sa vie réelle, si ennuyeuse soit elle. Comme Alice, chacun d’entre nous, même un grand mathématicien cherche à sortir ne serait-ce que pour un moment d’une routine bien rangée pour vivre au jour le jour une nouvelle aventure. Par son récit, l’auteur nous peint une certaine vision du chaos et de l’ordre. Nul n’existe sans l’autre, nous avons besoin d’avoir une existence ordonnée, avec une dose réelle d’anarchie.

‘‘ S’ÉVADER DE SA VIE ‘‘

RÉADAPTATIONS

On retrouve dans l’œuvre de Tim Burton tout à fait le concept d’ordre et chaos de Lewis Carroll mais incarné d’une différente manière. Walt Disney a réalisé l’Alice aux pays des merveilles le plus connu auprès des enfants. A travers cette réadaptation nous sommes plongés dans un monde féerique. L’histoire prend toute sa valeur quand le spectateur accepte de se laisser porter par l’absurde. Alice est censée porter le fil conducteur du récit tout en représentant l’ordre dans ce monde chaotique. Elle apparaît ainsi comme un rempart, à l’évidence très faible, contre le désordre et l’absurde régnant dans le pays qu’elle traverse. Qu’il s’agisse du roman ou du film d’animation, Disney comme Carroll nous livrent leur propre perception de la folie, même si cela peut surprendre dans un univers merveilleux. En effet, tout incite dans ces deux œuvres à prendre l’histoire comme quelque chose d’absurde et ludique.

Dans sa réadaptation d’Alice aux pays des merveilles, Tim Burton se réapproprie le chaos crée par Lewis Carroll par le biais des personnages. Pour commencer, on retrouve un jeu de mot dans son titre (qui est le titre de la suite de l’histoire initiale de Lewis Carroll) Alice de l’autre côté du miroir, qui crée une ouverture sur le fait qu’Alice quitte sa vie ordonnée pour un monde anarchique. De plus il joue sur un certain désordre de part le personnage de la Reine Rouge, ayant une tête égalant son narcissisme et d’autre part le personnage du Lièvre de mars est lui aussi mal fagoté que son esprit est égaré. Par ailleurs, l’auteur contait dans un premier temps cette histoire à de jeunes fillettes, mais Tim Burton s’éloigne de cet univers enfantin. Il peint un monde sombre, lugubre et en train de dépérir. On va retrouver un certain nombre d’arbres morts, le ciel majoritairement voilé, le château de la Reine Rouge sera décoré de douves de sang remplies de têtes coupées. Visuellement le film tire son épingle du jeu. Nous découvrons un univers onirique voire même à certaines scènes chaotiques, frôlant même le véritable «non-sens».

Arthur Mellet, Assiyah Vally Bagasse, Aminata Bathily

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VISION D’ESCHER Qui est M.C Escher ? Cet article est consacré à la découverte de l’artiste graveur et dessinateur M.C Escher, un artiste qui allie l’ordre et le chaos.

PRÉSENTATION

@Baptiste Sers

Maurits Corneilus Escher est né au Pays-Bas, dans la ville de Leeuwarden le 17 juin 1898. Sa vie scolaire n’est pas une réussite car il redouble deux fois et n’obtient même pas son bac. Cependant, il excelle en cours de dessin. Sous les sollicitations de son père, le jeune Escher intègre l’école d’architecture et des arts décoratifs en 1919. Encouragé par son professeur Jesserun De Mesquita, Escher décide de se consacrer aux arts décoratifs et plus particulièrement à la gravure sur bois. En 1922, une fois ses études terminées, il quitte les PaysBas pour voyager dans les pays d’Europe. Il va en Italie et rencontre Jetta, sa future épouse en 1924, ils décident de s’installer à Rome jusqu’en 1935. Après ça il visitera les pays de la Méditerranée ainsi que d’autres pays en Europe, il rentrera finalement aux Pays-Bas en 1941 et y restera jusqu’en 1972, année de sa mort. En regardant attentivement ses œuvres, on remarque que l’artiste a différentes sources d’inspiration, notamment le monde des mathématiques et des sciences, on trouve une forte récurrence de formes géométriques dans ses œuvres. Il tire son inspiration artistique des voyages qu’il

à réalisé durant sa jeunesse. Ses principales inspirations tournent autour de l’architecture des monuments qu’il a visités (voûtes, escaliers, mosaïques, pavages réguliers). En 1937, après s’être installé en Belgique, la carrière d’Escher prend un tournant différent car il commence à incorporer des éléments fantaisistes dans son travail. Ce style le suivra beaucoup dans la suite de sa carrière.

ILLUSIONISTE Ses sources d’inspiration sont très variées, Escher aborde aussi beaucoup de thèmes différents dans son art. Il emprunte des thématiques surréalistes et aborde également la géométrie, la symétrie et de tout ce qui touche le domaine scientifique. La notion d’infini est aussi très récurrente dans ses œuvres.

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Escher consacre une grande partie de la production de ses œuvres à la gravure, sur bois notamment, on remarque donc l’absence de couleurs dans la plupart de ses travaux. Néanmoins, il a une maitrise du dessin, de la perspective, des formes et des contrastes hors du commun. On remarque également dans les travaux d’Escher qu’il s’inspire beaucoup des architectures des bâtiments qu’il visite durant ses voyages dans les différents pays de l’Europe. En plus de jouer sur les répétitions des motifs géo-

Après analyse, on peut remarquer une gestion personnelle de l’ordre et du chaos. Ordre car il représente souvent des éléments existants dans notre monde, et chaos car il représente ces éléments comme s’ils faisaient partie réalité différente et que leur fonction originelle était dépourvue de logique. Escher nous dit qu’il est persuadé que la nature véritable du monde nous échappe. Comme les philosophes grecs ou les scientifiques modernes, il suggère que notre univers n’est qu’un niveau de réalité dans un univers plus vaste.

@M.C Escher - Relativité

‘‘CE N’EST RIEN

métriques ainsi que sur la symétrie, Escher utilise beaucoup les points de fuites, les courbes, les lignes ainsi que les reflets pour déformer les architectures et nous donner une représentation de constructions impossibles. En fin de compte, Escher ne représente pas notre réalité dans ses œuvres, mais il invente sa propre réalité qu’il s’approprie. Il représente des mondes sans gravité ainsi que des escaliers sans véritables hauts ni bas, par conséquent le spectateur a l’impression de passer d’une dimension à l’autre.

COMPARÉ À CE QUE JE VOIS DANS MA TÊTE

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VISION Si Escher utilise des thèmes illusionnistes dans ses travaux c’est pour une raison simple, il est convaincu que les thèmes qu’il aborde n’ont pas d’équivalents dans notre réalité. Ses constructions sans hauts ni bas, des escaliers sans fins, des formes géométriques déformées… sont en fait la perception que l’Homme possède de l’infini.

Bastien Maillo, Baptiste Sers, André James, Axel Nawrocki

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KUBRICK

La personnalité énigmatique du réalisateur ne finit pas d’intriguer le public, autant que ses collègues. Décrit comme perfectionniste, exigeant et précis, le réalisateur n’hésite pas à refaire tourner les scènes des dizaines de fois. Une personnalité ordonnée, presque maniaque, que Vitali, son bras droit sur les tournages, a résumé dans cette phrase : « Kubrick savait qu’il n’atteindrait jamais la perfection. Mais il essayait de s’en rapprocher ». Incapable de déléguer, avec un système de classement qui n’en finit pas, Stanley est donc l’incarnation d’un esprit ordonné entouré par le chaos : « L’ordre matériel n’arrivait tout simplement pas à suivre celui de son esprit » (Jan Harlan, producteur exécutif des films de Kubrick). C’est exactement cette dichotomie ordre/chaos, partie intégrante de sa personnalité, que l’on retrouve à travers son œuvre.

L’étrange mécanique de Kubrick

“ Chez moi la folie est très contrôlée ” La folie destructrice du cerveau humain ou autrement dit le chaos mental provoqué par les déviances de l’intelligence humaine est un sujet omniprésent chez le réalisateur. Il analyse, à travers ses œuvres, la conséquence des limites de l’avancée humaine conduisant ainsi au désordre de la société. La théorie de l’ordre et du chaos chez Kubrick s’exprime par le conflit entre raison et passion. Ses œuvres mettent en scène la dualité de l’homme et remettent en question les limites du bien et du mal. La vie humaine se résume, selon lui par la succession de choix qu’elle représente. Ce sont ces choix, qui, dans ses films, vont mener à un désordre total. L’homme a la possibilité de se construire comme de se déconstruire, tiraillé entre raison et pulsions. Dr Bill Harford, dans Eyes Wide Shut doit-il mener une illustre vie d’homme marié, ou doit-il se laisser aller à ses fantasmes ? C’est le bouleversement d’un ordre préétabli succédant à une stabilité illusoire qui met en évidence

Dix ans après sa mort, Stanley Kubrick demeure une des grandes figures du cinéma autant de par sa personnalité, secrète et énigmatique, que de par son œuvre où la figure de la catastrophe tient un rôle central. Tantôt la folie d’un homme, tantôt la folie des hommes, le dérèglement poussé à son paroxysme contraste avec une mise en scène minutieusement réglée. Entre ordre et chaos, zoom sur l’œuvre d’un génie autarcique et phobique.

Écrit et réalisé par Anaïs Vilpellet , Alexandre Dalzon , Anaïs Quenault , Andréa Roche

Jack Nicholson dans Shining, 1980

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Mise en scène à la manière de kubrick @Andréa Roche, 2019

‘‘CHEZ MOI

LA FOLIE EST TRÈS CONTRÔLÉE

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la dualité des Hommes dans les œuvres du réalisateur. L’exemple parfait pour illustrer cette dualité est sans aucun doute le père de famille dans Shining. En apparence, il semble mener une vie de famille bien rangée jusqu’au jour où, ses pulsions refoulées refont surface. Le protagoniste sombre alors dans la folie, et le film tourne au chaos. Sa folie, comme il la définit lui-même est cependant contrôlée . Kubrick, est en quête perpétuelle de perfection et cela se traduit par l’esthétisme de ses scènes où la symétrie possède une importance capitale. Cette symétrie représente ainsi l’ordre que Kubrick instaure minutieusement au sein de ses œuvres. Le réalisateur s’évertue à utiliser des motifs géométriques réguliers qu’on retrouve notamment dans le célèbre labyrinthe du film Shining. Cette mise en place et ce rangement parfait contrastent avec la violence et l’anarchie de ces scènes pouvant parfois se révéler brutales pour le spectateur.

Dans Orange mécanique, les différentes scènes de viol assez cruelles et difficiles à regarder se fondent dans un décor parfaitement ordonné, symétrique. Le jeu d’acteur est consciencieusement élaboré, si bien, que la lutte entre les personnages s’apparente à une chorégraphie équilibrée. Les moments de rupture dans les œuvres de Kubrick se matérialisent par le chamboulement des cadrages harmonieux et symétriques, par des mouvements de caméra à l’épaule, symbolisant la rupture de l’ordre par le désordre.

Adrienne Corri, Orange Mécanique, 1971 @didierLebon

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KEITH HARING Son chaos ordonné L’ordre et le chaos sont particulièrement perceptibles dans l’art de Keith Haring. Le chaos surgit à première vue de ses œuvres mais derrière cette impression première se cache un véritable assemblage ordonné et réfléchi.

L’ARTISTE De nombreuses causes dans lesquelles Keith Haring s’engage sont visibles dans ses productions. Le combat contre le sida, le racisme, l’homophobie, l’esclavagisme, le nucléaire ainsi que la critique de la politique sont présentes dans l’art propre à Keith Haring. Ses œuvres, qui développent la vision d’ordre et de chaos font parfois référence à d’éventuels événements historiques, apportant la preuve d’un concept ancré depuis toujours dans les pensées et actions de l’Homme. D’origine américaine, Keith Haring est né après guerre en 1958. Il se passionne pour le graphisme commercial et intègre des études d’Arts Visuels à NewYork. Reconnu comme l’un des artistes phares des années 80, Keith Haring est l’héritier direct du Pop’art américain et d’Andy Warhol. Cet artiste, dessinateur, peintre et sculpteur a révolutionné le mouvement de l’art contemporain par « la griffe Haring ». Cette griffe s’inspire du monde de la rue, en faisant référence aux graffitis et aux couleurs pures du design des années 60 et 70. Il exécute plusieurs mil-

@Calvin Peigne

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liers de ses dessins avec des lignes dynamiques, colorées et soulignées de noir. Son style est facilement reconnaissable à la répétition constante de formes et de motifs. Ses couleurs fétiches sont criardes et contrastées : les rouges, bleus, verts, jaunes, explosent sur des surfaces le plus souvent de grand format. Des silhouettes humaines évoquant certaines cultures pré-colombiennes, des soucoupes volantes, des visages rieurs, des cœurs où même des monstres sont souvent reconnus. Ils participent au style de l’artiste et à l’identification immédiate de son travail. C’est de là que découle l’ordre. Ses toiles se construisent comme un langage, composé de mots et motifs qui se combinent à l’infini. Ainsi, la lecture du tableau est proche d’un pictogramme, qui révèle un graphisme enfantin avec l’identité d’un message parfois complexe, en privilégiant l’impact de l’image sur celui des mots. Le contexte des personnages, leur position, l’environnement engendre une liberté de significations possibles découlant sur ce chaos. À travers ses dessins chaotiques, il traduit ses angoisses face aux menaces du nucléaire, du sida et des grands conflits mondiaux. Il peint chaotiquement ses peurs et de là, il les transmet par la peinture, et les rend visuellement accessible à tous. Ses peintures paraissent comme des coloriages pour enfants mais restent remplies de sens. Cette ligne noire accidentée d’épaisseur constante est réduite à l’essentiel, toujours continue comme tracée au hasard.

SON STYLE Keith Haring réalisait ses œuvres avec une spontanéité fascinante ce qui amenait dans la plus part de ses réalisations à approcher un désordre certain en y intégrant différents éléments sortis de son imagination. Il ne fait jamais de croquis et peint de manière instinctive dans chacune de ses œuvres. La plupart de ses travaux étaient réalisés sur de nombreux supports comme des bâches vinyles ou goudronnées récupérées dans la rue. Ce désordre qu’il créé via une multitude d’éléments assemblés résulte d’un « ordre » bien défini. La notion d’ordre complète donc celle de chaos selon Haring. En effet, les personnages inventés sont toutefois clairement identifiables, nous sommes loin d’un univers abstrait où le public devrait se faire sa propre interprétions d’une œuvre par exemple. Ces formes représentent le plus souvent des silhouettes à base humaine (tête, bras, jambes…) et y sont déclinés en personnages partiellement inventés. L’ordre sort donc spontanément du chaos. Malgré son jeune âge Keith Haring a néanmoins profondément bouleversé son époque. Comme l’artiste le disait lui même : « Ma contribution au monde est ma capacité à dessiner ». Par la vitesse de ses intuitions, l’art de-

@Keith Haring

‘‘MA CONTRIBUTION AU MONDE EST MA CAPACITÉ À DESSINER

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vient entre ses mains un puissant véhicule qui fait resurgir tous les vieux mythes et symboles de l’imaginaire et de l’inconscient. Alors que les autres peintres avaient défini des paramètres et des exemples de réel avec des méthodes et des formes de fabrication industrielle. Lui au contraire définissait un rapport au réel mélangeant l’ordre et le chaos. Emporté prématurément à 32 ans par le sida, cet éternel « enfant » a profité de la vie et a travaillé jusqu’au bout pour laisser des œuvres importantes qui le font considérer comme l’un des artistes américains majeurs du 20e siècle. Calvin Peigne, Caroline Ruette, Caroline Haller, Camille Guivarch

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L’URBEX, UN SECOND SOUFFLE

@didierLebon

Exploration urbaine Le terme « Urbex » est né dans les années 1990. C’est la contraction anglaise de « urban exploration », l’exploration urbaine en français. Il désigne une activité consistant à explorer des lieux abandonnés, cachés ou oubliés, généralement interdits d’accès. Cette pratique permet aux explorateurs de remonter le passé à travers ces lieux totalement atypiques, surprenants ou dangereux.

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UNE DISCIPLINE PARADOXALE

L’IMPACT DU TEMPS

L’urbex malgré sa popularisation demeure une activité clandestine et illégale. Cependant, remplie de contradictions, cette pratique s’inscrit dans cette idée d’ordre et de chaos. En effet, bien qu’informelle, l’exploration urbaine obéit à certaines règles, notamment ne pas forcer l’entrée, garder le lieu secret pour conserver la magie et la sensibilité de l’endroit, mais également ne pas dégrader ni détériorer, puisque reconnu comme une œuvre d’art. La notion d’ordre est mise en avant par cette rigidité des règles imposées, qui contraste avec le chaos des lieux abandonnés et dégradés. La discipline recouvre un champ d’activité très large, il est possible de s’aventurer sur des friches industrielles, des édifices religieux mais également des bâtiments publics, privés ou militaires, des toits, des souterrains… À travers ces lieux où le chaos règne, les urbexeurs y voient

Les sites explorés par les urbexeurs ont été dans le passé le fruit d’un vrai travail architectural. Cette discipline artistique répond à des règles très strictes afin d’assurer la solidité de chacun des édifices construits. Ainsi ces lieux laissés à l’abandon ont été un jour des représentations de l’ordre. Mais le temps et la nature ont fini par prendre le dessus sur ces sites, les laissant impuissants face aux écosystèmes alentour. On observe alors des lieux envahis, parfois même détruits, par la végétation et les visiteurs, qui gardent néanmoins des traces de leur vies antérieurs. Cette ambiance chaotique donne naissance à une certaine nostalgie chez les explorateurs urbains. Cédric Thalem, Timothée Courau, Chloé Laurent, Célia Teddé, Yeva Prieto.

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MÉLANGE HABILE ENTRE AVENTURE ET MYSTÈRE DE LA REDÉCOUVERTE

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surtout une incitation à voyager, à s’imprégner de l’histoire qui les entourent. Mélange habile entre aventure et mystère de la redécouverte, démarche artistique et philosophie de vie, les amateurs d’urbex apprécient particulièrement ces lieux marqués par la mélancolie et par une certaine poésie. Ils exploitent ce fabuleux potentiel artistique en bravant les risques pour profiter de ce privilège d’être un “explorateur”. “L’illégalité apporte de l’adrénaline. Chaque lieu a une ambiance différente. C’est surtout le plaisir d’avoir accès à un lieu isolé du monde, plongé dans un silence complet, avec l’absence de toute forme humaine qui nous fait réfléchir. Ça nous donne l’impression d’être uniques, seuls à connaître l’existence de ce lieu. » rapporte un amateur d’urbex.

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ARCIMBOLDO « We adore chaos because we love to produce order. »

ORDRE ET CHAOS

@Clément Roux

Dans l’art, le chaos est souvent utilisé pour représenter les guerres, les batailles... Cependant dans certains cas, il s’agit aussi d’utiliser le chaos pour ordonner le tableau. En effet, lorsque l’on regarde un tableau de près on y voit que le chaos, fait de détails, tandis que lorsque l’on prend du recul, on peut apercevoir une nouvelle forme, une image, un visage… le tableau prend une autre dimension et nous dévoile autre chose. L’artiste représentant le mieux ce mouvement est : Arcimboldo. C’est un des artistes les plus influents de notre histoire puisqu’il est l’un des premiers peintres maniériste à avoir utilisé toutes sortes de végétaux pour en faire des œuvres qui sont maintenant célèbres depuis des décennies. Issu d’une famille de peintres nobles à Milan, en Italie, il est très tôt touché par le monde de l’art et plus particulièrement de la peinture. Très jeune, il décide de travailler avec son père et se fait rapidement connaître aux yeux de tous en travaillant sur la cathédrale de Milan. Très vite de nombreux Rois comme Ferdinand 1er lui commandent de nombreux tableaux. Après sa mort, il tombera peu à peu dans l’oubli mais sera vite redécouvert vers le 19ème siècle par de

nombreux peintres du mouvement surréaliste notamment Salvador Dali. La série de tableaux que nous avons choisis pour illustrer le thème de l’ordre et du chaos dans l’art est la série de tableau constituant les portraits. De près nous pouvons voir des fruits collés les uns aux autres mais en prenant du recul nous pouvons voir que ce chaos de fruits et légumes constituent en fait un visage. Dans ce cas, le chaos permet donc d’ordonner et de créer/donner un sens aux tableaux. En dehors du sens physique des tableaux, il faut savoir qu’il existe une multitude de sens «philosophique» pour les tableaux qui composent cette série de portraits. En effet, loin de n’être qu’un jeu visuel, les « têtes composées » recèlent plusieurs degrés de lecture. Ainsi, le cycle des saisons semble être associé aux différents âges de la vie, le Printemps montrant un jeune homme, l’Été un homme dans la force de l’âge, l’Automne un homme mûr et l’Hiver un homme âgé environné d’éléments desséchés. Les petits détails qui paraissent chaotiques lorsque nous observons le tableau de près, constituent en réalité des indices sur la signification des tableaux.

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Les@didierLebon quatres saisons @Arcimboldo

L’INFLUENCE D’ARCIMBOLDO DANS LA COM

D’autres marques comme la célèbre enseigne de restauration japonaise « Sushi Shop » ou encore la marque d’alcool « Malibu » et enfin l’enseigne multimédia « Darty » se sont également inspirés des œuvres de l’artiste pour réaliser leur propre campagne de communication. Les œuvres d’Arcimboldo sont donc indémodables et sont continuellement reprises par de grandes enseignes et agences de communication.

De nos jours, la publicité s’inspire souvent des œuvres, des événements, des faits qui ont marqués l’histoire, l’esprit des Hommes. Par exemple ici de nombreuses marques ont su reprendre les portraits d’Arcimboldo afin de les détourner et en créer une publicité originale, innovante. Cependant cela nous rappelle tout de même un élément qui fait appel au behaviorisme récupérateur, c’est-à-dire les connaissances dont possède déjà la cible, ici la connaissance des célèbres tableaux d’Arcimboldo. On remarque par exemple que la célèbre marque Perrier a repris le tableau des quatre saisons en donnant un nom propre à leurs deux visages : « l’ensorceleur » et le « taquin ». Ces deux illustrations rappellent bien ce que l’artiste a voulu démontrer, chacun est représenté par un visage fait à partir de fruits et de végétaux, à l’origine du produit. Encore ici, l’ordre et le chaos se font ressentir puisqu’en observant cette publicité de plus près on perçoit seulement le chaos car nous voyons que des citrons et des feuillages mais lorsqu’on s’éloigne, on remarque très distinctement un visage, ainsi l’ordre revient instantanément. La marque a totalement respecté le message qu’Arcimboldo a voulu faire passer à travers ses œuvres, l’ordre et le chaos y règnent particulièrement et le concept des quatre saisons est bien représenté.

Campagne de communication réalisée par Perrier

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UNE MULTITUDE DE SENS POUR LES TABLEAUX

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Clara Sidi, Clément Roux, Coline Duveau , Céline Jin

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L’ANAMORPHOSE

Le monde vu d’une autre perspective L’art de l’anamorphose sous toutes ses formes

STREET ART @Chloé Akam

Vous l’avez probablement déjà vu en vous promenant, un style de street-art déformé voire totalement chaotique. De loin on se questionne sur le sens de l’œuvre, mais en fonction d’un certain point de vue on arrive à distinguer une image. Une image tridimensionnelle la plupart du temps qui semble flotter sur des murs comme par magie. Cette œuvre que vous pouvez apercevoir de plus en plus dans les rues est une illusion anamorphique. C’est une technique de projection également connue sous le nom d’anamorphose, une pratique artistique qui se répand de plus en plus. L’anamorphose est une ancienne technique de géométrie et psychologie de la perspective. Les anamorphoses donnent vie à des réalités illusoires où dans des formes

@Felice Varini cité de Carcassonne @JR - Le Louvre

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«Codex Atlantique» - @Léonard De Vinci - 1483 - 1518

cependant celui-ci réalisait déjà des œuvres du même type avant même que le terme ne soit connu. L’une des œuvres de Varini se trouve à l’Ouest de la cité de Carcassonne, le procédé technique de cette œuvre consiste à recouvrir la surface des murs par de très fines feuilles d’aluminium peintes et disposées par une équipe de cordistes. C’est en s’inspirant de l’architecture de la cité que Felice Varini à défini une succession de cercles jeunes qui modifient profondément la perspective du lieu et la vision du monument.

fortement déformées, se cachent des images parfaitement proportionnées et laissent place à une œuvre d’art. Les diverses techniques afin de réaliser des anamorphoses ont longtemps été considérées comme une doctrine magique et secrète, c’est seulement au XVIème siècle que les images anamorohiques ont commencé à être propagées. Les premières anamorphoses furent réalisées par Léonard de Vinci avec ces deux dessins «allongés» réalisés dans le «Code Atlantique» 1483 - 1518. Les dessins de Léonard De Vinci représentent à gauche le visage d’un enfant et à droite un œil. Ce sont les anamorphoses les plus anciennement.

‘‘UNE DOCTRINE

RENOUVEAU DE L’ART

SECRÈTE ET MAGIQUE

L’œuvre anamorphique la plus célèbre à ce jour reste « Les Ambassadeurs » de Hans Holbein de 1533. Le disque en anamorphose se transforme en crâne en fonction de la position du spectateur. L’œil du spectateur est attiré par l’œuvre et plus précisément par la forme étrange qui se trouve au pied de Jean De Dinteville (seigneur de Polisy et ambassadeur français) et de George De Selve (ecclésiastique, diplomate et érudit français). Cette vanité, crane qui représente la mort, l’ambition humaine de deux esprits cédera toujours face au mystère. Cette œuvre est un renouveau dans l’art, un second souffle.

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Cette technique déstabilise le spectateur tout comme l’œuvre réalisée par JR au Louvre à l’occasion des 30 ans de la pyramide du Louvre. Dans son œuvre la pyramide donne l’impression de sortir d’un gouffre. Les passants furent tous ébahis par cet assemblage. JR n’a pas simplement collé des affiches au sol, derrière son œuvre se cache un travail de calcul des proportions et de repérages sous tous les angles de la pyramide afin de donner cette impression de précipice sans fond. A travers cette imposante installation JR à créée un choc, un dysfonctionnement dans le cerveau de ses spectateurs pour nous amener dans une réalité différente de nos habitudes. Tel est le but des œuvres anamorphiques.

Felice VARINI est reconnu depuis longtemps comme l’un des maîtres contemporains de l’anamorphose. Depuis ses débuts l’artiste réalise des créations de nature picturales, architectoniques et urbaines. Son travail vise à créer des formes géométriques simples comme des cercles ou des carrés réalisés avec de la peinture ou de la craie. L’artiste est de suite répertorié comme «Street Artist»,

Chloé Akam, Damien Dechamps, Elena Berri, Elodie Chevalier

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IL NON FINITO

Sculpter son corps @Gladys Barsnier

Le Non Finito s’émancipe des œuvres de la Renaissance et devient source d’inspiration pour les artistes contemporains. On y trouve de l’ordre et du chaos s’inscrivant dans la recherche d’une esthétique, prônant l’intemporalité et l’expression de l’inachevé.

STATUES ‘‘ NON FINIES,

Le Non Finito est une expression italienne désignant une œuvre d’art inachevée qui se caractérise par la recherche de la perfection que l’on peut retrouver par exemple dans le sport, avec la volonté de transformer son corps. Parfois, le cinéma suit le même schéma, et certains réalisateurs modifient sans cesse leurs films (Apocalypse Now), de même avec la peinture (Mona Lisa de Léonard de Vinci).

STATUES INFINIES

Les œuvres du Non Finito sont facilement reconnaissables par le contraste entre la matière brute et la matière sculptée. Cette technique peut être volontaire ou involontaire. L’ordre est représenté dans l’art par les techniques de réalisation. Le chaos quant à lui est incarné par l’aspect inachevé de l’œuvre. Ce processus créatif se retrouve dans de nombreuses créations de Michel-Ange, puis plus tard chez Auguste Rodin.

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MICHEL-ANGE

RODIN

Bien que le Non Finito en tant que technique artistique, apparaisse pour la première fois chez Donatello, c’est MichelAnge qui fut le promoteur de l’esthétique de l’inachevé.

Auguste Rodin était un sculpteur, peintre, graveur français. Il abandonne le naturalisme de ses premières sculptures après son séjour en Italie, pour le travail du marbre. Il sculpte des figures inachevées. La sculpture chez Rodin se fait par assemblage, par ajout, par la manipulation et la métamorphose de la matière.

Le célèbre peintre et sculpteur italien de la Renaissance est donc le maître incontesté du phénomène artistique qu’est le Non Finito. L’expression « Non Finito » fut même inventée à la suite de ses créations. L’histoire raconte que Convidi, le biographe de l’artiste, décrivait ce dernier comme excessivement perfectionniste, ce qui l’empêchait de finir ses travaux.

Le Non Finito est pour lui un moyen conscient d’expression. Il s’en sert pour créer des effets plastiques et non pas pour exprimer l’inachevé. Rodin exprime explicitement que son inspiration provient de l’héritage donné par Michel-Ange.

La Danaïde, @Rodin

La statue inachevée suscite la participation émotive du spectateur. Michel-Ange met en avant l’expression de sa pensée mouvante et parfois contradictoire, ainsi que sa liberté de suspendre son travail, s’il juge s’être suffisamment exprimé. Ces statues non finies, deviennent des statues infinies.

Il met l’accent sur un rendu flou et sur une fusion entre la matière et la figure, comme le montre son œuvre Fugit Amor, où l’ordre est illustré par la sculpture et le chaos par le marbre servant de socle à celle-ci. Ces deux rendus de matières viennent s’opposer. Rodin utilise le Non Finito de Michel-Ange comme un véritable outil stylistique, ce qui lui vaut un bon nombre de reproches. En d’autres termes, Rodin est accusé d’un manque de sincérité dans ses travaux. Il reprend les techniques de Michel-Ange mais l’utilise également comme charge d’une valeur symbolique déterminante.

C’est au travers ses célèbres créations telles que Les Esclaves, Saint Matthieu ou encore Pieta Rondanini, qu’on comprend que pour l’artiste, le dessin prime sur la réalisation définitive de l’œuvre. Michel-Ange a donc élevé le Non Finito au rang de pratique artistique maîtrisée et pleinement assumée.

Gladys Basnier, Domnin Bureau, Hélène Carmona, Harlow Gomes

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La desserte rouge, @Henri Matisse 1908

MATISSE

LE FAUVISME ET LE CHAOS

Ordre et Chaos dans l’art

En 1905 à Paris, un groupe de jeunes peintres que bientôt l’on nommera les fauves en raison de leur aversion déclarée à l’égard des formes de la nature et de leur prédilection pour les couleurs violentes. Le plus fameux, Henri Matisse (1869-1954) fut touché par la gamme des tapis d’Orient et le paysage nord africain. Dans « la desserte rouge », Matisse transforme l’espace en schéma décoratif. Le jeu des objets qui constitue la nature morte avec les motifs du papier peint et de la nappe est le thème principal du tableau. La figure humaine et le paysage par la fenêtre ont été pliés à la conception décorative de l’espace. Le peintre sous-titra son tableau « Harmonie en rouge », rappelant les titres de Whistler. L’unité entre le sujet et le fond, réalisée grâce à l’arabesque, permet d’oublier la rupture d’avec la forme traditionnelle de la représentation de l’espace qu’est la perspective.

« We adore chaos because we love to produce order » - Maurits Cornelis Escher

LE MYSTÈRE DU CHAOS Le chaos suscite chez l’homme une image négative. Mais pourquoi ne pas le voir autrement ? Et si on vous disait, que du chaos naissait le désordre, qu’en penseriez-vous ? Henri Matisse dirait : « Une peinture est comme un jeu de cartes, vous devez savoir depuis le début ce que vous obtiendrez à la fin. Tout doit être travaillé à l’envers et finit avant même que l’on ait commencé. » Vous voyez où on veut en venir ? Matisse voit donc en l’ordre, une certaine forme de chaos. Focalisons nous d’abord sur la définition exacte de ce qu’est le chaos, de manière générale : entendons par chaos, « ce qui est ou semble inorganisé, désordonné, confus, parfois incohérent ou obscur » (CNRTL). Qu’entend-il par cette image du jeu de cartes ? Tout simplement, tout doit être calculé, de façon précise, concise mais de façon folle.

« MATISSE VOIT EN L’ORDRE, UNE CERTAINE FORME DE CHAOS »

Henri Matisse (18691954)

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UN CHAOS ORDONNÉ On se rappelle que les impressionnistes avaient le désir d’une structure ordonnée qui inspira les illustrateurs de l’art nouveau, Seurat, Cézanne dont le projet n’était pas de supprimer la représentation mais de la transformer. La simplification décorative est désormais le point commun à ces avants gardes et fait surgir un nouveau problème : le conflit entre schéma décoratif et solidité. L’impression de solidité en peinture s’obtient notamment par les ombres, l’indication de la tombée de la lumière, or en donnant priorité au motif décoratif, les artistes sacrifiaient la pratique séculaire du modelé, le rendu de toutes les formes dans la lumière et dans l’ombre. Le chaos, notamment dans l’art paradoxalement, pourrait être rattaché à l’ordre. En matière d’art, le créateur authentique n’est pas seulement un être doué, c’est un homme qui a su ordonner en vue de leur fin tout un faisceau d’activités, dont l’œuvre d’art est le résultat. L’homme doit donc passer par le chaos pour apporter de l’ordre ? Ou de l’ordre doit resurgir le chaos ? En effet, dans ses peintures, Matisse désordonne ce qui est ordonné. A partir d’une scène de vie quotidienne, en y déformant la perspective et en s’appropriant les formes.

DES MOYENS DE COHÉRENCE La grande question est donc : comment trouver une harmonie, un accord propre à la peinture ? De même que les choses s’accordent dans la réalité extérieure, du fait de leur soumission aux lois de la nature, de même les choses doivent s’accorder dans cette nouvelle réalité qu’est la peinture. Là est le problème des fauves. Le fauvisme prolonge donc, à sa manière, la révolution impressionniste. Celle-ci dégageait la peinture de toute soumission au monde réel. Il appartenait à l’artiste soit de construire un monde entièrement séparé soit de construire un monde parallèle à la réalité. Les fauves font de même en travaillant sur le dessin et la couleur et en parvenant à une harmonie du fond et de la figure qui n’existent pas forcément de façon naturelle. La japonaise au bord de l’eau, @Henri Matisse 1905 En peinture l’objet réel est restitué, mais en même temps dépassé. L’objet est transformé par sa transcription, il ne garde ni son aspect ni sa couleur ni ses contours exacts. Mais il entre en accord avec le milieu dans lequel il figure. Dans La Japonaise de Matisse les dessins de la robe répondent aux ondes de la rivière au bord de laquelle elle se trouve. Entre le fond et la figure Matisse a trouvé un accord de formes.

Jade Tami, Viviane Gomes, Emilie Kosmowski, Isadora Lorient

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LE CUBISME

codes picturaux et en recherchant de nouvelles formes d’expressions artistiques. Le cubisme propose une déconstruction conceptuelle du réel, jamais abstraite, mais démultipliant les points de vues sur l’objet, souvent emprunté du quotidien. On découvre alors un certain intérêt chez les cubistes pour l’actualité, et les catastrophes qui peuvent survenir, et bouleverser le monde : les guerres sont un exemple, tel que dans Le tourangeau de Juan Gris ou Guernica de P. Picasso qui expriment leurs sentiments sur ce sujet.

UN DÉSORDRE ORGANISÉ L’aspect apparemment désordonné peut être retrouvé dans le cubisme. En effet, beaucoup d’artistes jouent avec cette idée de superposition des formes, amplifiées, donnant une impression de désordre. En réalité, toutes ces formes sont disposées d’une manière très précise, afin de laisser place à l’interprétation.

Ou l’art de l’interprétation L’ordre et le chaos sont des sujets qui fascinent les artistes, qui les exploitent pour y représenter des faits historiques, des guerres, des combats qu’ils défendent ou tout simplement pour produire un jeu d’interprétation. Une technique est particulièrement représentative de l’utilisation de l’idée d’ordre et de chaos : le cubisme.

Pour avoir une idée, l’œuvre La Partie de cartes de Fernand Léger est totalement représentatif de cette idée de “chaos ordonné”. Celle-ci représente une partie de cartes entre des soldats français de la Première Guerre mondiale. Fernand Léger décide alors de présenter la guerre sous toutes ses formes. On ressent une réelle confusion à la vue du champ de bataille. Les couleurs sont choisies très précisément la peur pour le bleu, le sang pour le rouge et la gaieté, la richesse pour le jaune montrant le contraste entre les soldats au front et les dirigeants. Les soldats ressemblent plus à de robots que des êtres humains, un choix lié à la technique cubique mais également pour montrer la déshumanisation que provoque la guerre : l’unique but est de remporter la bataille. Cet aspect désordonné n’est finalement qu’une impression, afin de dénoncer des faits ou de laisser libre à l’interprétation tel que le cubisme à la Léopold Survage ou chez Georges Braque.

LA RÉVOLUTION ESTHÉTIQUE Formes géométriques déstructurées, superposées, corps difformes, voici ce qui nous vient à l’esprit lorsque nous parlons du cubisme. Ce courant est apparu entre 1907 et 1914 suite au surprenant tableau Les Demoiselles d’Avignon de P. Picasso. Braque, Fernand Léger, Juan Gris et bien d’autres, décident de rejoindre eux aussi cette volonté de dépeindre la vie moderne, d’accorder l’art au temps présent, en cassant les

La Partie de cartes (1917) @Fernand Léger

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CUBISME : L’ART L’ART MODERNE MODERNE LE CUBISME :

Le courant s’inscrit comme une étape décisive dans l’histoire de l’art, il est l’une des voies qui ont conduitdans l’artl’hismoLe courant s’inscrit comme une étape décisive dernedevers l’abstraction. toire l’art, il est l’une des voies qui ont conduit l’art moPar certains éléments de leur iconographie (lettres, puderne vers l’abstraction. blicités, journaux…) et par matériaux industriels Par certains éléments de leurs leur iconographie (lettres,(colpulages, assemblages…), les œuvres de Braque, Picasso,(colGris blicités, journaux…) et par leurs matériaux industriels et Laurens s’inscriventles dans leur de temps. Ils ont souhaités lages, assemblages…), œuvres Braque, Picasso, Gris se Laurens libérer des’inscrivent cette artististique setemps. voulantIlsuniquement eset dans leur ont souhaités thétique : leur but était d’accorder l’art au temps présent. se libérer de tout académisme se voulant uniquement esEn contextualisant, ces artistes, l’art de au l’époque ouvrière, thétique : leur but était d’accorder temps présent. imitent finalement la difficulté du travail ouvrier, cette diCes artistes de l’époque ouvrière, imitent finalement la vision des tâches en la comparant à la difficulté technique difficulté du travail ouvrier, cette division des tâches en decomparant la créationàartistique : Braque colle, la la difficulté technique deet la Laurens créationsoude artisensemble des éléments réalisés par d’autres. Ils matériatique : Braque colle, et Laurens soude ensemble des élélisent àréalisés leur yeux modernité artistique la plus radicale, @didierLebon ments parlad’autres. Ils matérialisent la modernité c’est-à-dire celle qui qui s’accorde le mieux à leur temps. la plus radicale, celle s’accorde le mieux à leur temps. Aujourd’hui, la nouvelle génération d’artistes ne cesse Aujourd’hui, la nouvelle génération d’artistes ne cesse d’exploiter le le cubisme, cubisme, mais plus mod’exploiter mais d’une d’une façon façon d’autant plus moderne, et derne, et adapté avec les tendances de notre époque. adapté aux tendances de notre époque. La disposition des La technique contient des formes précises, formes garde utilisée cet aspect désordonné que plus l’on retrouve harmonieuses et ordonnées, ainsietque couleurs plus chez les précurseurs. Claire Laffut, sondes minimalisme, Milumineuses. Mais toutefois la disposition des formes garde guel Ángel Belinchó et le street art de visages hypnotisant cetencore aspectLaurent désordonné l’onportraits retrouveenvoûtants. chez les précurou Folcoque et ses seurs. Claire Laffut, et son minimalisme, Miguel Le chaos est très présent dans les portraits de Ángel Folco,Bede linchó et le street art de visages hypnotisants ou encore part la multiplication de visages, qui nous font perdre la Laurent Folco et sesgarde portraits tête, mais celui-ci une envoûtants. certaine organisation, très Le chaos est très présent dans les portraits denouvel Folco,art, de claire. Le cubisme prend alors forme comme un partpas la multiplication de visages, qui nous font perdre la non de l’abstrait mais de l’interprétation. tête, mais celui-ci garde une certaine organisation, très claire. Le cubisme prend alors forme comme un nouvel art, Eva Dereta, Eugénie Rommel, non pas de l’abstrait mais de l’interprétation. Eloïse Touitou, Corinne Chamoun

LE CUBISME EST L’ART DE PEINDRE DES ENSEMBLES NOUVEAUX AVEC DES ÉLÉNOUVEAUX AVEC DES MENTS EMPRUNTÉS NON ÉLÉMENTS EMPRUNTÉS ÀNON LA RÉALITÉ DE VISION, À LA RÉALITÉ DE MAIS À LA RÉALITÉ DE VISION, MAIS À LA RÉALITÉ CONCEPTION. » DE CONCEPTION GUILLAUME APOLLINAIRE

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par Eloise Touitou Bipolarité @Eloise Touitou

E.Touitou, C.Chamoun, E.Dereta, E.Rommel

de LaurentFolco Folco(2018) (2018) Communauté britannique @Laurent

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UNE VISION D’HORREUR L’œuvre d’un artiste engagé

Christian Boltanski, @Jérome Schlomoff

CHRISTIAN BOLTANSKI

©

Christian Boltanski est un artiste plasticien, sculpteur, photographe, et cinéaste français né en 1944 à Paris. Profondément marqué par l’holocauste, il grandit dans un milieu familial juif et chrétien et débute la peinture à l’âge de 14 ans. Il s’en éloigne rapidement pour créer des œuvres à partir de matériaux très divers (photographies, cartons, objets trouvés, vêtements…) en mélangeant différentes formes artistiques comme la vidéo et le cinéma. La mémoire, l’inconscient, l’enfance et la mort sont les thèmes récurrents de ses œuvres. Au travers de ses œuvres il appelle aux souvenirs et à l’émotion. Son art est un retour sur les traces et les traumatismes du passé à partir de son histoire, et celle de sa famille. En effet la majorité de ses œuvres apparaissent comme autobiographiques : Boltanski utilise des objets et des photos qui ne lui appartiennent pas mais retravaillés à sa façon afin de rattacher son histoire personnelle à la mémoire collective. En règle générale, les projets de Boltanski sont éphémères, à côté de ça il a aussi installé des œuvres permanentes qui sont très bien reçues au Japon et en Australie.

«Personnes», @Pascale LISMONDE ©

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PERSONNES À propos

Au travers de “ Personnes ”, Christian Boltanski évoque le souvenir chaotique de la Seconde Guerre Mondiale. La mort, La Shoah et le souvenir sont les thèmes prépondérants de son œuvre. Sur les casiers, des numéros sont gravés sur des plaques rappelant les matricules que les SS attribuaient aux déportés. La disposition des vêtements au sol, rappellent l’alignement des camps de concentration, et cette pile de vêtement colossale peut aussi nous évoquer les Nazis qui empilaient les vêtements des Juifs d’une part et de l’autre leurs corps. Pour cette exposition, Boltanski a refusé le chauffage afin que le spectateur ressente le froid et qu’il développe un sentiment d’oppression. Boltanski cherche à ce que les visiteurs fassent l’expérience de l’œuvre, afin qu’ils soient complètement immergés. Son œuvre est organisée de manière géométrique, ce qui contraste avec la période chaotique de l’Holocauste.

Date: 13/01/2010 au 21/02/2010 Dimensions: 13500 m2 Lieu d’exposition : Nef du grand palais Lorsqu’il entre dans le Grand Palais, le spectateur est immédiatement confronté à un mur de casiers rouillés numérotés. Après l’avoir contourné, il accède à une immense salle dans laquelle se trouve 3 rangées de 23 rectangles de vêtements ordonnés à plat sur le sol. Le spectateur peut déambuler autour de ces rectangles et entendre le son des battements de cœurs des personnes diffusés au sommet de poteaux métalliques. L’œuvre s’achève sur un monticule de vêtements de 25 mètres et 24 tonnes. A un rythme régulier, la grue vient saisir des vêtements sur le sommet du mont. Elle évoque la mort qui frappe au hasard.

‘‘C’EST UNE ŒUVRE QUI

POSE LA QUESTION DU MAL

Définitions

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Chaos: le chaos désigne une confusion générale, un bouleversement des choses, un désordre important des éléments dans un ensemble. Ordre: état d’un ensemble ou d’un lieu dans lequel tous les éléments ont une place précise. L’ordre définit l’organisation et la disposition des éléments dans un environnement spécifique.

Son œuvre est une représentation du chaos de manière organisée. “Personnes”, utilise des vêtements, des battements de cœurs, des évocations de vie mais toutes ces âmes sont absentes, il n’y a personne. Eva Dillais, Damien Cartailler, Flora Bonneville

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RAFA Simplement chaotique

@Ashley Nguyen for The Lily

Tout ce qui fait la complexité d’un art peut parfois s’avérer être fondé sur les bases les plus simples.

Rafa Goicoechea est un graphiste originaire de Barcelone dont le travail est basé sur la demande d’annonceurs. Il est le créateur de la police d’affichage Sifonn, inspirée de l’époque Art déco. C’est à travers la géométrie que Rafa exprime son art. Un jeu complet de ligatures et de caractères alternatifs composent cette typographie.

YOROKOBU Sollicité pour son intrigante créativité, Rafa s’est vu offrir l’opportunité de travailler pour le magazine espagnol, « Yorokobu » en 2016. Il est intéressant d’observer la coordination des perspectives qu’emploie l’artiste dans son œuvre, qui permet l’apparition d’un lettrage qui n’est pas perceptible au premier coup d’œil. Tout semble avoir été réfléchi, rien n’est créé au hasard. Le désordre est omniprésent au travers de ce projet dans lequel on peut trouver un chaos ordonné. Quant aux couleurs vives, elles permettent de créer de la confusion dans notre regard.

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@Rafa Goicoechea


LA TYPOGRAPHIE EN PERSPECTIVE C’est en collaboration avec Nina Sans, designer graphique que Rafa contribue au #36daysoftype. Cet événement qui se reproduit depuis plusieurs années maintenant, retranscrit une typographie différente. Créer pour renouveler ! Ainsi, c’est lors d’une création en la compagnie de Nina Sans, que la typographie en perspective, voit le jour au travers des lignes directrices de l’artiste. Encore une fois, il y a un réel travail du détail notamment, avec les couleurs vives qui viennent frapper l’esprit. En règle général Rafa utilise des couleurs « neutres » tel que le noir ou le blanc. Son alphabet est fondé sur des formes géométriques sur dimensionnées, l’effet de volume est assez imposant. Le barcelonais use d’une infinité de possibilités graphiques.

@Rafa Goicoechea

LA THÉORIE DU CHAOS C’est au travers de 5 citations de design pour son blog que Rafa aborde l’ordre et le chaos. Il nous « invite » à avoir une nouvelle perception de la créativité. Paraître simple passe parfois par la complexité, ainsi notre artiste a usé de lignes conductrices créant cette illusion de simplicité à travers le traitement de la célèbre citation de Léonard De Vinci : « La simplicité est l’ultime simplification ». L’ambition de Rafa se voit tout autant dans la citation de Jane Jacobs, grande auteure, sensible à l’urbanisme qui rappelle que la création réside chez tout individu : « design is people »… Ainsi le chaos est organisé afin de susciter un questionnement de l’esprit, mais permettre également, d’avoir un aspect ordonné. Le regard est troublé face à ce cheminement de lettres qu’emploie Rafa dans son procédé de création.

@Heloise Giannechini @Rafa Goicoechea

Susciter un questionnement de l’esprit

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Article écrit par Donatien, Heloise, Hugo, Inès


N. BRODY L’incohérence visuelle

L’art et le chaos selon Neville Brody, une vision unique du graphisme moderne.

LA RUPTURE DES CODES Neville Brody est un des designers et directeurs artistiques les plus reconnus de sa génération. Figure emblématique de la culture graphique, inventeur de la typographie moderne, il a considérablement bousculé les codes et développé de nouveaux systèmes de communication.

@JulieClément

N’A PAS ‘‘ L’ART DE SENS ‘‘

Neville Brody manie à la perfection le désordre dans ses illustrations, pour lui l’art n’a pas de sens lorsqu’il est trop explicite. Ses travaux ont le plus souvent un côté déstructuré tout en gardant un côté linéaire.

qui utilise des lettres pour former un visage, cela prouve bien la facilité qu’il a d’utiliser la typographie sous tous les angles.

Étant un typographe reconnu, il aime jouer sur la taille, la forme et la disposition des lettres tout en gardant une géométrie organisée. Ses couleurs de prédilections sont le rouge, le noir et le blanc qu’il associe parfaitement. Le rouge est prédominant dans ses travaux. Neville Brody a fait de la couleur rouge un trait de son identité, un facteur supplémentaire qui lui permet d’être reconnaissable. Le designer est à l’origine de nombreuses typographies ce qui lui laisse une grande liberté d’expression et une certaine aisance. Cela lui permet de déformer les lettres sans limites et de donner un sens à chacune d’entre elles en plus de les rendre uniques, pour lui chaque typographie fait la différence dans un univers où il faut se démarquer. On peut s’appuyer sur un de ces travaux « Sonja Schulte »

À première vue, Neville Brody adopte un style chaotique et désordonné, la plupart de ses illustrations peuvent sembler incohérentes comme si les différents éléments qui composent ses travaux étaient mis au hasard et sans ligne conductrice. Cependant, en analysant l’œuvre plus en profondeur on constate une harmonie dans la disposition et la mise en page des formes et des lettres. Il cultive une identité propre et fidèle à lui-même, avec ses propres codes qui, au fil du temps, ont révolutionné le monde du design graphique.

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@NevilleBrody Malgré un univers chaotique dans lequel le designer nous plonge, chaque détail est en réalité réfléchi et ordonné afin de donner un sens à l’image. C’est cette harmonie des formes, des couleurs et des dispositions qui permet de structurer chacune de ses œuvres et nous transmettre un sentiment de cohérence. Tous ces éléments font de Neville Brody un artiste complet et unique qui a su s’approprier et réinventer le graphisme moderne, une imagination et une créativité qui lui ont permis de s’imposer et de se démarquer dans une sphère et un monde où l’authenticité est primordiale pour se différencier.

Julie Clément, Julie Bodinier, Danny Roth, Emma Souto.

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LE SURRÉALISME

Rêve asymétrique, 2019

«We love to produce chaos because we love to produce order» revendiqué par des mouvements comme le surréalisme : les surréalistes se séparent de l’ordre et vont vers le chaos pour se libérer de tout contrôle et étendre leur créativité. Propos

Le chaos : émergence l’inconscient

Un mouvement artistique Au début des années 1920, de jeunes artistes se regroupent derrière André Breton pour s’insurger contre les mots d’ordre de la société bourgeoise, révolutionner notre regard sur le monde et brouiller les frontières de notre réalité. Ils baptisent leur mouvement « le surréalisme ». Ce mouvement qui se développe dans l’ensemble des procédés de création et d’expression (arts plastiques, musique, cinéma et littérature) est fondé sur le rêve et l’imagination. Libéré du contrôle de la raison et en lutte contre les valeurs établies, il repose sur l’automatisme psychique et l’absence de contrôle exercé par la raison, et s’affranchit de toute préoccupation esthétique ou morale. Différentes techniques, souvent sous forme de jeux, sont utilisées pour exprimer leur force créatrice.

De nombreux artistes surréalistes recherchent l’irrationnel en particulier dans les « cadavres exquis » et l’écriture automatique afin d’accéder à une forme de réalité plus profonde, celle du chaos préexistant à l’ordre. Le jeu des cadavres exquis, du nom de la première production ainsi réalisée, repose sur la juxtaposition d’éléments de phrases écrits par chaque membre d’un groupe qui ignore ce qu’ont écrit les autres. L’écriture automatique, elle consiste à écrire le plus rapidement possible, dans un état proche de l’hypnose, un texte libéré du contrôle de la raison, des préoccupations esthétiques ou morales, du souci de la cohérence grammaticale ou du respect du vocabulaire.

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Il y a pourtant de l ’ordre dans les œuvres surréalistes. Ainsi, par exemple le tableau de Dali intitulé rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme une seconde avant l’éveil juxtapose des éléments improbables (tigres et éléphant volant, poisson, grenade, guêpe et corps d’une femme nue). L’on peut discerner une permanence : rayures, animaux ; oppositions géométriques (courbes et angles aigus). Le tableau est construit autour de deux triangles inversés. Autrement dit le tableau obéit à une intention. Si sa composition n’est pas académique, elle n’en demeure pas moins l’expression d’un monde réorganisé en fonction de l’ordre pensé par le peintre. C’est aussi une injonction (un ordre) à percevoir le monde différemment en allant au-delà des apparences.

Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme -grenade une seconde avant l’éveil, Salvador Dali 1944

Les surréalistes et la poésie Le délire du fantassin, @Louis Aragon, Feu de joie 1920

La poésie est le genre littéraire le plus connu pour son ordre et ses règles. Malgré le développement de la poésie en prose, les règles de versification sont primordiales. Contrôler la métrique, le rythme et les sonorités est primordial afin de donner de l’ordre dans l’architecture sonore du poème. La poésie est un genre très important pour les surréalistes car selon eux, c’est l’art le plus pur et le plus engagé. Cependant leurs procédés créatifs ne sont pas compatibles avec la poésie classique. Ainsi, les poèmes surréalistes ne respectent majoritairement pas les différents codes de la poésie.

L’ENFANT fantôme fend de l’homme entre les piliers de pierre : 2ΠR, son tour de tête. (La tour monte, attention au ciel) Comme il mue, avec sa voix de rogomme il effraye à tort ou raison l’orfraie empaillée Qu’on ne voit pas à cause de la chaleur à cause de la couleur à cause de la douleur Jamais la boule en buis ne pourra retomber Sur le bout de bois blanc du bilboquet.

De nombreux artistes surréalistes cherchent l’irrationalité

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L’ange du foyer, @Max Ernst 1937

Ethel Abecassis, Léa Moreira, Kylian Cordray, Laura Duboquet

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L’ARTISANAT DU RECYCLAGE

UPCYCLING

L’art de transformer le chaos en ordre est un ensemble de procédés par lesquels on transforme un déchet matériel ou un produit en apparence inutile en un nouveau matériau ou produit de qualité / d’utilité supérieure tout en respectant l’environnement. On peut le qualifier d’art contemporain, qui recycle et réutilise les objets, matériaux dont on ne veut plus, dont on a plus besoin, en nouvel objet. En bref : transformer le Chaos en Ordre. Le concept de faire de l’art sans avoir à utiliser un matériau neuf est tout de même révolutionnaire l’air de rien, quand on pense par exemple au Cirque de Calder, qui était certainement un des pionniers de ce mouvement sans le savoir. Cet art naît donc souvent d’une réflexion autour de l’écologie et de notre consommation d’humains ego et ethno centrés, mais pas forcément. Beaucoup parlent aujourd’hui de la culture en émettant l’idée que la réelle création n’est plus, comme si nous avions déjà tout créé, mais peut-être pas ? Métal, plastique, papier, verre, composant informatique, tout est bon pour créer, quelque chose d’utile, comme une ceinture à partir d’un pneu ou d’inutile.

@Garance

recyclage chez eux avec le tri sélectif. Aujourd’hui comment cette transformation est mise en place en Birmanie ? 45 employés dans un atelier, vendant leurs produits dans des boutiques de souvenirs (création de travail, développement artistique, impact économique et écologique positif). Par exemple les sacs de café y sont reconvertis en paniers et les vieux pneus transformés en ceintures, transformer le chaos que l’Homme créer en objet utile.

BIRMANIE

MULTINATIONALE

Friedor Jeske double diplôme en physique et en philosophie à Heidelberg (Allemagne) part en Birmanie pour aider au niveau humanitaire. Totalement bouleversé de ce voyage, il y retourne et devient l’expert en matière de recyclage et utilisation des déchets avec son travail de consulting pour des entreprises locales. Contacté, il accepte un projet financé par une ONG italienne, Friedor comprend que le cycle du recyclage est déjà bien ancré dans les mœurs des Birmaniens. En effet : 100 000 personnes travaillent dans le recyclage quotidien dont 30% sont des employés municipaux ou des travailleurs journaliers. Sinon ils font du

Le recyclage artisanal touche ainsi les firmes transnationales tel que Adidas avec sa première paire de sneakers fabriquée à base de matières recyclées provenant tout droit des océans en Juin 2017. Ce mouvement écologique chez Adidas prouve bien que la mode et le recyclage font parfois bon ménage. Le recyclage artisanal est associé à l’idée d’établir une forme « d’ordre » par la récupération des déchets plastiques en mer, des détritus, des fils et des

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filaments, extraits de filets de pêche jetés illégalement dans l’eau qui tuent pratiquement tous les poissons sur leur passage, pour faire face au « chaos » qui résulte de la gravité environnemental qu’engendrent cette pollution des océans et ce genre de comportements. Le fondateur de Parley for the Oceans Cyrill Gutsch s’exprime sur sa collaboration dans la lutte contre la pollution des océans en indiquant : « Nous sommes extrêmement fiers qu’Adidas nous rejoigne pour cette mission en exploitant ses forces créatives, afin de montrer qu’il est possible de transformer le plastique des océans en quelque chose de vraiment cool » .

en produits utiles et de bonne qualité. On remarque d’ailleurs un choix assez large de produit sur le site que se soit pour les hommes où les femmes (vestes, chemises, robes, accessoires, etc..) avec des prix assez abordables, comptez 80€ pour la robe en plastique et 85 pour la chemise en polyester. De plus la production apporte de bons aspects, au niveau Européen avec création d’emploi au Portugal (transformation) et en France (couture), une start up éco-responsable et très prometteuse pour le futur.

@Hopaal @Hopaal

START-UP

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L’objectif principal étant bien entendu de sensibiliser davantage de fabricants de chaussures pour en adopter le recyclage artisanal. Adidas a donc pris la décision d’atteindre l’objectif, d’ici 2024, de n’utiliser que du plastique recyclé dans ses produits. Ainsi le recyclage artisanal peut avec le temps prendre une tournure considérable et rétablir de l’ordre dans un monde menacé par les conditions environnementales chaotiques. Hopaal a donc décidé de prendre les devants sur le marché pour proposer des produits entièrement fait avec des objets recyclés. Considérée comme LA start up «  froissant l’industrie du textile » ils combattent les codes du marché, mettant en place une nouvelle ère dans celui-ci. Fervents défenseurs pour leurs livraisons de produits, rien n’est emballé dans du plastique. Cela amène une dimension nouvelle, celle du renouveau, l’art d’utiliser nos déchets de consommation

POUR UNE MODE PLUS RESPONSABLE IL FAUT REPENSER LE SYSTÈME

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Léo Lavialle, Garance Douyrou, Léonard Elmosnino, Lila Delafosse

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PROPOSITIONS DE PREMIÈRES DE COUVERTURE

blicité

2020 N°8

sous la direction complice de Benoit Breton

sous la direction complice de Benoit Breton

NOUVELLE FORMULE

Ordre et chaos : tout oppose ces concepts. L’un ne définit pas l’autre mais ils sont incroyablement complémentaires. L’ordre pourrait être défini comme un ensemble de règles qui établit un système stable. A contrario le chaos peut se définir par une absence totale de structure qui n’est soumise par aucune loi. Ainsi ces notions s’entremêlent, conduisant, à travers le temps, a un concept soumis à de nombreuses interrogations. Investis par l’art, l’ordre et le chaos sont un élément constitutif du tiraillement de l’artiste, de sa vision du monde.

L’ordre et le chaos sont deux thèmes souvent utilisés dans le milieu artistique. Les artistes l’utilisent de manière personnelle mais parfois aussi pour dénoncer des faits de société. L’art peut être déstructuré et interprétable pour tous mais il reste néanmoins ordonné puisque l’artiste suit une ligne artistique pendant le processus de création.

AE

2020 N°8

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@AvaGanem

sous la direction complice de Benoit Breton

2020 N°8

sous la direction complice de Benoit Breton

UB

2020 N°8

ANCISCO

Nouvelle formule

L’ORDRE ET LE CHAOS DANS L’ART

Ordre et chaos. Deux notions que tout oppose et pourtant qui sont parfaitement complémentaires. L’un ne se définit pas sans l’autre. L’ordre pourrait être un ensemble de règles, de contraintes dans le but d’aboutir à un cadre serein. Le chaos, au contraire apparait comme l’abstinence de règle, il n’est dirigé par aucune loi. Encore aujourd’hui la folie du chaos inspire de nombreux artistes.

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L’art dans son universalité va réussir à rapprocher et assembler deux notions parfaitement antagoniques : l’ordre et le chaos. Opposés, le premier évoque la convention, les règles tandis que le second va correspondre à une idée de désordre et va renvoyer à l’absence de normes. Le concept de chaos a toujours fasciné tous les univers, quel qu’ils soient. Les artistes de tous les horizons ont tenté au fil des années, des tendances et de leurs propres univers artistiques de saisir l’énergie et les émotions, qu’elles évoquent la beauté, l’étrangeté ou l’horreur afin de laisser exprimer la sensibilité de chacun, les idées et de critiquer les conventions sociales. Des artistes tels que Cindy SHERMAN, Anselm KIEFER ou Wes NAMAN vont au travers de leurs œuvres respectives exploiter la notion de chaos tout en l’ordonnant. Grâce à cette singularité artistique, ils vont parvenir à faire ressentir des émotions, l’art en lui-même et surtout nous faire accepter à tous notre « ça » chaotique.


e année ion, ters; seec

sous la direction complice de Benoit Breton

Nouvelle Formule, 2020 N°8

sous la direction complice de Benoit Breton

NOUVELLE FORMULE

2020 N°8

ARBITRAIREMENT NON RETENUES ?

Le chaos correspond à une idée de désordre, de confusion, de destruction, d’instabilité ou d’obscurité. La notion de chaos intéresse plusieurs thématiques mais c’est dans l’art qu’on le retrouve le plus. L’ordre est aussi beaucoup utilisé dans l’art à travers des traits droit et une symétrie parfaite. Contrairement à la réalité, l’art a le privilège de pouvoir représenter la perfection. Fascinés par l’opposition et le contraste de l’ordre et du chaos, divers artistes ont tentés de donner vie à plusieurs types d’œuvres. On retrouve des peintures, des sculptures et mêmes des montages tout en restant dans l’univers du créateur.

Le chaos suscite chez l’homme une image péjorative, pourtant celui-ci ne signifie pas « absence d’ordre ». Il se rattache plutôt à une notion d’imprévisibilité, à un état de confusion général, de destruction, d’instabilité ou d’obscurité, ceci dans de nombreux domaines, notamment dans les sciences et l’art. A l’opposé, l’ordre est une succession régulière qui satisfait l’esprit par son aspect régulier et organisé.

2020 N°8

ART

A

sous la direction complice de Benoit Breton

sous la direction complice de Benoit Breton

2020 N°8

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ART ÈRE

ART ÈRE

A

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Paris.

@AvaGanem L’ordre et le chaos désignent deux éléments qui s’opposent. Cependant dans l’univers de l’art elles s’entremêlent. Le chaos reflète la confusion générale des éléments, de la matière, un état désordonné, une absence totale de règle. L’artiste vient alors à sa manière instaurer l’ordre à travers son travail.

Les termes ordre et chaos sont en apparence antagonistes, mais appliqués à l’art, ils peuvent apparaître comme complémentaires. Un artiste choisissant de représenter une situation chaotique le fait selon des règles fixées par ses pairs ou par lui-même, mais des règles bien existantes et intelligibles. Il peut être utilisé à des fins esthétiques, dénonciatrices, mais finira toujours par répondre à une certaine logique et donc à une forme d’ordre.


DELACROIX @EugèneDelacroix La Liberté guidant le peuple

LE TABLEAU

Delacroix : ordre et chaos Dans l’art, la combinaison de l’ordre et du chaos permet de trouver un juste milieu pour rendre une œuvre impactante.

« La Liberté guidant le peuple » est devenue le symbole universel de liberté et de démocratie. Ce tableau fait référence à la Révolution de Juillet 1830 connue sous le nom des « Trois Glorieuses ». Le peuple de Paris se révolte contre Charles X, qui par la suite, abdique et quitte la France. Une monarchie constitutionnelle est établie avec comme roi des français Louis-Philippe Ier. Delacroix n’était pas un révolutionnaire, mais il a plaidé pour le libéralisme.

L’ARTISTE Eugène Delacroix est un grand peintre du XIXe siècle appartenant au courant romantique. Il fait partie de la génération d’artistes qui se révolte contre les règles strictes de l’académisme. Il s’impose rapidement en tant que peintre remarquable qui bouleverse les habitudes classiques. Delacroix peint dans ses œuvres des situations de souffrance, de peur, de désespoir, tous ces éléments qui mènent au chaos. Il s’inspire beaucoup de la mythologie grecque, de l’Orient et de l’histoire contemporaine afin de peindre des sentiments exacerbés. Il joue considérablement avec la couleur, la lumière ainsi que les mouvements pour nous émouvoir. Le monde a énormément changé entre 1750 et 1850. Les monarchies se sont effondrées avec les révolutions pour donner place à la démocratie. Ce fut un temps marqué par de nombreux changements, notamment avec cette recherche de liberté et d’égalité dans la société, valeurs qui s’opposaient aux normes sociales de l’époque. Le monde est devenu plus ordonné, rationnel, tous travaillant ensemble. Mais les artistes romantiques, lassés, ont rapidement créé du chaos dans leurs œuvres, en se penchant sur les émotions.

‘‘ L’ORDRE NE

PEUT EXISTER SANS LE CHAOS

‘‘

Ici, Il peint une situation où l’ordre instauré en France est menacé et provoque le chaos dans les rues de Paris. L’ordre ne peut exister sans le chaos et inversement. C’est une lutte qui a toujours existé dans l’histoire de l’humanité. La composition et la structure pyramidale de ce tableau crée un certain ordre. Au sommet de cette pyramide

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la représentation d’une scène chaotique, résultant de l’actualité et de la politique, dans une structure ordonnée, pyramidale. La lutte entre l’ordre et le chaos est finalement très présente dans l’art.

et donc au point de rencontre des lignes obliques, se trouve l’allégorie de la liberté, elle attire le regard et celui des hommes qu’elle domine. Il y a donc une certaine géométrie qui gouverne. Cette situation est improbable : cette femme est à moitié nue au milieu des coups de feu. Elle est un hommage à la Grèce Antique, berceau de la démocratie. Elle nous rappelle la « Vénus de Milo ». Or, l’ordre et le chaos sont un thème prédominant dans les mythologies grecques, où l’ordre a vaincu le chaos.

BASQUIAT

‘‘ DES DÉTAILS

MACABRES QUI RENFORCENT CE SENTIMENT DE CHAOS

‘‘

Delacroix associe la liberté à des symboles modernes en lui faisant tenir un drapeau tricolore. Ainsi, la liberté incarne la lutte moderne et l’idéologie de liberté de l’Antiquité. Cependant, à travers cette structure ordonnée, Delacroix peint une scène violente, remplie de fumée, d’énergie et de mouvements. De plus, Delacroix s’est attardé sur des détails macabres qui renforcent ce sentiment de chaos : ombres profondes, pieds sales, poils pubiens, poutres calcinées, etc… Beaucoup d’éléments relèvent du chaos. Contrairement aux autres peintres du Salon des Artistes de 1831 qui ont utilisé les procédés de peintures de batailles comme du panoramique avec les vainqueurs de dos face à l’ennemi, Delacroix étonne en faisant l’inverse. La logique du combat n’est pas claire. Le spectateur est placé très bas, assailli par des figures aussi grandes que lui. Si nous n’avions pas la date, nous aurions pu nous interroger quant à l’identité des assaillants. En effet, certaines figures rappellent des époques différentes au moment précis de l’action. Il y a un certain désordre quand à l’emplacement des personnages. Les insurgés nous font face alors que l’on distingue les troupes royales à l’arrière plan. Delacroix a donc réalisé une œuvre ambiguë à travers laquelle est représentée de manière chaotique et ordonnée, la populace, dangereuse et incontrôlable. Ce tableau donne l’impression que le peintre se contredit, est-ce une éloge ou une caricature  ? «  Le Radeau de la Méduse », peint par Théodore Géricault en 1818 nous rappelle « La liberté guidant le peuple » avec

@ManonBras Cette création est une reproduction d’une partie du tableau «  La Liberté guidant le peuple » réalisé en s’inspirant du style de JeanMichel Basquiat. Cet artiste contemporain est connu pour son graphisme franc, ses thématiques sociales fortes ainsi que son intérêt pour l’anatomie du corps humain. La rencontre entre le style de ces deux artistes venant d’une époque différente, créé un contraste intéressant qui renforce cette idée d’ordre et de chaos. Ici, le style de Delacroix représenterait l’ordre tandis que les éléments dessinés dans le style de Basquiat créent un univers chaotique. De plus, ils complètent le style de Delacroix en terme de mouvements et d’énergie.

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Habib Attia, Manon Bras, Morgane Devaux, Rémi Vincent


LE JOKER Effigie contemporaine

Victor Hugo avec visage du joker @Lilian Arezki

Le Joker a su évoluer à travers les œuvres et les époques pour s’intégrer dans l’âge moderne et correspondre à la société.

UNE ÉVOLUTION Créé en 1940, il apparait pour la première fois comme un serial Killer sans remords dans le premier « Batman ». À partir des années 1960, le Joker considéré comme violent et pervers pour les lecteurs, est allégé par DC comics qui souhaite s’ouvrir au grand public et conquérir un nouveau marché. Le Joker efface son aspect démoniaque au profit d’un plus farceur. Malgré cette période, le Joker a su se transformer un peu plus tard : son humour farceur se transforme en sadisme, ses accessoires ridicules en armes cruelles. Son apparence décalée par rapport à ses actes permet d’accentuer sa folie et son imprévisibilité. En 1989, Jim Aparo et Jim Sterlin créent la bande dessinée « un deuil dans la famille » dans lequel le Joker s’est arraché le visage qu’il porte comme un masque et souhaite ôter la chose la plus précieuse que possède Batman, sa famille. Un joker plus glauque que jamais, les contrastes violents et les couleurs ternes donnent un aspect cadavérique macabre au Joker. L’esprit de « Killing Joke », écrit par Alan Moore et dessinée par Brian Bolland en 1988, est repris. C’est avec son vrai visage qu’il utilise comme masque que le Joker se montre. « Arkham Asylum », signé Grant Morri-

son et Dave Mckean sorti en 1989 donne une dimension sombre grâce aux illustrations et au scenario immersifs. Il sera enfin modernisé dans le comics « Joker » de 2008, centré autour du personnage, une ultra violence mise en avant et un personnage qui s’intègre à notre époque en essayant de détruire nos mœurs sociétales actuelles. C’est seulement vingt ans plus tard que le Joker réapparaît dont Joaquin Phoenix dessine une version bien plus ancrée dans notre monde pouvant prendre la forme d’un voisin de palier dont la folie et la noirceur ont repris le dessus pour se battre contre les injustices dont il est victime.

À L’ÉCRAN C’est en 1996, que le joker prend vie sur petit écran, interprété par Cesare Romero dans la série télévisée Batman. Quelques années plus tard, dans le film Batman de Tim Burton, Jack Nicholson, se présente comme le parfait alliage entre le burlesque de Cesare Romero et l’émergente

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l’anarchie, de créer le chaos. Pour lui l’ordre contient déjà le chaos puisqu’il ne correspond pas à sa vision de la réalité mais il est la figure du chaos pour les autres. Dans chaque version du Joker il est responsable plus ou moins de la création de Batman qui est son alter ego et qui incarne l’ordre et la justice : ils sont indissociables et sans la présence de Batman, le Joker est comme orphelin, il est son seul lien à l’humain. Son but est de détourner les codes déjà établis par la société, un ensemble de mœurs. Par définition, une crise surgit de l’inconnu, le chaos naît de l’ordre ou de ce que l’on croyait un ordre. Le Joker fait surgir le plus mauvais et le plus effrayant caractère de l’Homme car la seule façon de vivre pour lui « dans ce bas monde ».

noirceur de Mark Hamill. L’extravagance de son Joker fanfaronne et accapare l’attention du public : il a besoin du regard des autres pour jouir des autres pour jouir de lui même. Par analogie dans The Dark Knight avec Heath Ledger. Il peut être rapproché d’un terroriste. Il impose le chaos dans la société par sa folie anarchique. Il ne semble plus contenir de sens moral puisqu’il tue selon son propre arbitre. Il s’oppose à la société capitaliste et n’est pas attaché à l’argent, si bien qu’il brûle des billets sans état d’âme.

UN NIHILISTE Les origines du Joker ne sont pas clairement définies, cependant elles convergent toutes bien vers un point, la solitude du personnage. Dans chacune de ses versions

UNE FIGURE Passant du format papier des comics à un acteur donnant l’illusion d’atténuer la frontière entre fiction et réel, le Joker se voit teinté d’une dimension politique dans les luttes sociales. Si bien que le visage du Joker est apparu avec parcimonie dans des manifestations dans le monde. Un groupe

W

@didierLebon de graffeurs libanais « Ashekm » a repris le célèbre sourire du Joker dans un de ses travaux de rue. D’autres inscriptions comme celle de “ We are all clowns ” ont suivi le phénomène. À la suite du film The Dark Knight de Christopher Nolan, une fusillade à eu lieu dans une salle de cinéma à Aurora dans le Colorado aux États-Unis le 19 juillet 2012, où douze personnes sont tuées et cinquante-huit blessées par James Eagan Holmes, 24 ans : Le Joker serait-il devenu une forme de protestation contre l’ordre établi ?

Couverture du livre «Arkham Asylum» @Dave Mc Kean le Joker se dissocie de l’ordre établi par son comportement imprévisible d’un côté qui instaure le malaise avec le stand-up d’humour noir et décalé et le rire nerveux et inénarrable Arthur Fleck, qui met un frein à ses interactions sociales en détruisant la fluidité d’un dialogue avec une autre personne. De l’autre son caractère sociopathe capable de blesser et tuer sans remords comme lorsque le Joker de Nolan tue son complice de braquage sans raison apparente : il crée un fossé entre lui et les autres. Il instaure la peur et l’incertitude, on ne saurait différencier ses mensonges ou encore ses illusions de la réalité. Par son nihilisme, le Joker n’est pas motivé par l’argent, son idéal est la destruction, faire sombrer la société dans

‘‘ DÉTOURNER

LES CODES DÉJÀ ÉTABLIS

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Jessica Gassama, Lily Marit, Lou Rocheteau , Lilian Arezki

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L’ART DE LA BAGUETTE MAGIQUE

L’ordre et le chaos dans l’art Entrez dans le monde de l’artiste Michal Batory, une réalité photoshopé... @Michal Batory, 2001

LES ORIGINES DE MICHAL BATORY

Il va pouvoir affirmer son style artistique ainsi que sa personnalité à travers ses affiches. Il fait de l’ordre et du chaos deux entités à part entière qu’il lie entre elles. En effet, l’ordre est constitué de règles qu’il a définies selon sa méthode, Il maintient l’ordre par la réalité des choses mais provoque la chaos en assemblant deux objets antagonistes. Cependant la création d’un nouvel objet donne un second sens à son travail ce qui créée un nouvel ordre.

Michal Batory est un célèbre graphiste polonais connu pour son travail sur les affiches. Il est né le 25 août 1959 à Lodz en Pologne. Suite à l’obtention de son diplôme, Il commence à travailler dans des petites agences de graphisme, qui pour lui sont sans réel intérêt. Par la suite, il intègre le studio de Laurence Madrelle où il va pouvoir réellement mettre en avant ses connaissances ainsi que ses compétences en art. Il passe au statut de professionnel après avoir acquis les compétences nécessaires durant ses années passées dans l’agence. En 1993, Il réalise la scénographie de l’exposition « Le Fil d’argent » et remporte le concours de la Cité des Sciences et de l’industrie de la Villette. Ce prix lui permet d’obtenir un poste au théâtre national de la Colline où il y travaillera pendant 5 ans. Il collabore également avec l’IRCAM (L’Institut de recherche et coordination acoustique/musique), pour qui, il va réaliser des affiches, des journaux, des pochettes de disques… Grâce à son travail et à son apprentissage des outils technologiques il déploie son art et crée sa propre identité.

MICHAL BATORY NOUS MÈNE EN BATEAU La notion de l’ordre et du chaos sont à l’opposé l’une de l’autre cependant Michal Batory dans ses œuvres rétablit l’ordre à travers le chaos. Il réunit deux objets qui n’ont pas de réel lien entre eux ce qui provoque le chaos car le spectateur n’est pas habitué, on le force à sortir de sa zone de confort. Malgré la juxtaposition d’objets, parfois incongrues, les œuvres de Michal Batory restent très structurées et ordonnées, tout est organisé à l’avance.

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‘‘

L’ORDRE EST CONSTITUÉ DE RÈGLES QUE L’ARTISTE A DÉFINI SELON SES ENVIES

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Letnia Akademia, 2018, @Michal Batory

Michal Batory invite le public à avoir une vision plus élargie de sa capacité à percevoir un « simple objet ». Il veut se démarquer des autres artistes en produisant de l’illusion dans ses œuvres afin de faire sortir le spectateur de la banale réalité des choses et ainsi l’émanciper.

Je suis Charlie, @Michal Batory, 2015

. Il aime décortiquer certaines parties du corps humain pour ensuite les remplacer de manière subliminale. En effet, il joue sur les motifs, sur les couleurs ainsi que sur l’écriture de façon artistique afin de créer une nouvelle série d’objets.

@Lara Paule-Pauzner SP2 créa L’artiste fait une série de création en hommage à l’attentat de Charlie Hebdo. il fait du chaos un élément à part entière de son art et en décortique la réalité sociétale.

Lucile Buvat, Lucie Liu, Lara Paule-Pauzner, Lucile Brama

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LE CLICHÉ CHAOTIQUE

@GordonParks

La ségrégation dans la photographie de Gordon Parks Gordon Parks, pionnier de la culture américaine, a choisi sa caméra comme une arme puissante contre la répression, le racisme, la violence et les inégalités. A travers ses photographies, il a exposé les profondes divisions de la société américaine.

GORDON PARKS Gordon Parks est le photo reporter le plus connu de son époque. Il naît en 1912 au Kansas et meurt en 2006 à New York. C’est un artiste exemplaire ayant plusieurs cordes à son arc. Il a été photographe, réalisateur, scénariste, compositeur ainsi que journaliste tout au long de sa vie. La biographie de Gordon Parks prend des allures d’épopée, c’est le premier photographe noir à rejoindre la prestigieuse FSA (Farm Security Administration) en 1942. Le premier journaliste à réaliser un reportage sur un gang d’Harlem en 1948, le premier photo-reporter noir à intégrer le staff permanent du magazine Life et c’est également le premier réalisateur afro-américain à s’imposer à Hollywood avec Shaft en 1971. Découragé par la ségrégation raciale, Gordon Parks abandonne ses études secondaires et débute sa carrière de photographe à 25 ans à Chicago où il devient photographe de mode et de personnalités. Son plus gros succès photographique restera son photo-reportage pour

@GordonParks

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Regardez-moi et comprenez que me détruire, c’est vous détruire vous-même. Il y a en chacun de nous quelque chose de plus profond que notre sang ou notre couleur de peau : notre aspiration commune à une vie meilleure, à un monde meilleur. Regardez-moi. Écoutez-moi. Tentez de comprendre mon combat contre votre racisme »

CORDES ET KO

la section

Cassius Marcellus Clay Jr, plus connu sous le nom de Mohamed Ali, est un boxeur américain. Petit fils d’esclave il décide de changer de nom après s’être converti à l’Islam en 1965 et se fait remarquer pour ses idées politiques et se rapproche de Malcolm X. Il devient une figure de la lutte pour les droits civiques aux ÉtatsUnis. « Je suis l’Amérique. Je suis cette partie du pays que vous ne voulez pas reconnaître. Mais habituez-vous à moi : noir, sûr de moi, présomptueux» L’amitié née entre Mohamed Ali et Gordon Parks donnera lieu à des photos du sport et de l’athlète d’une mesure bien différente de celles des autres photographes.

@JulietteCorbic

la section photographique de la Farm Security Administration intitulé la «  Ségrégation Story  » publié en 1956. A travers ces clichés, il documente les activités et les rituels quotidiens d’une famille afro-américaine vivant dans le sud rural sous la ségrégation des lois Jim Crow. Ce projet consistait à faire un bilan objectif des conditions de vie et de travail des Américains ruraux pour montrer une mentalité totalement opposés ainsi qu’une injustice sociale. A travers la photographie, Gordon Parks a voulu donner une image du chaos existant en Amérique à cette période. Sur les 40 clichés en couleurs nous pouvons voir, dans la fontaine à eau réservée, des femmes et filles vêtues de jupes aux imprimés colorés attendant pour boire. Ou encore sur un autre cliché, un jeune homme du nom de Willie Causey Jr. est assis à la porte de sa maison en bois, un fusil sur les genoux, en position de garde, pendant une période de violence à Shady Grove, en Alabama. En maîtrisant la technique de son art, Parks veut confronter la réalité chaotique des afros-américains à cette époque en représentant une partie réelle de l’histoire américaine. C’est un personnage flamboyant, radicalement engagé dans la lutte contre le racisme et la discrimination, qui utilise son appareil ou sa caméra comme une arme contre les préjugés et les injustices qui déshonorent et défigurent son pays. Dans une adresse restée célèbre, il interpelle puissamment l’Amérique : « Ce que je veux, ce que je suis, ce que vous m’obligez à être, c’est ce que vous êtes. Car je suis vous, et je vous dévisage dans le miroir de la misère et du désespoir, de la révolte et de la liberté.

Cette photo représente bien le chaos et l’ordre à travers le chaos de la lutte physique violente des noirs en Amérique pendant la ségrégation afin de faire valoir leurs droits, dans la seule fin d’obtenir l’ordre et le respect de l’Homme. En effet les blessures sur les poings de cet Homme noir, anonyme rend hommage à toutes ces personnes maltraitées victimes des injustices de la ségrégation et le fait que ces poings appartiennent en réalité à Mohamed Ali amplifie et soutient leur combat. Cette analogie entre le boxeur défenseur de la cause et ses nombreux combats, qu’ils soient politiques ou sportifs tous deux soulignés par ses poings marqués, ressort tel une évidence à travers la photo de Gordon Parks.

‘‘ ME DÉTRUIRE, C’EST VOUS DÉTRUIRE VOUS-MÊME

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Louise Blanc, Juliette Corbic, Louise Gourlaouen, Louis Landin

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@Jérôme Bosch

JÉRÔME BOSCH Mathilde Roques, LouisDuchesne, Mathilde Lelièvre, Mathilde Gilliard

Dans l’esprit du peintre, l’entonnoir représentait le charlatanisme des médecins qui prétendaient que la folie était issue d’une pierre qu’il fallait extraire du cerveau des patients. Jérôme Bosch a toujours vu l’Humanité vouée à sa perte et condamnée à l’Enfer et à la damnation. Il rejetait d’ailleurs les membres du clergé et le peuple laïc. C’est pourquoi il représente des hommes qui semblent être heureux, dans un décor coloré et végétal mais en ne sachant jamais ce qui les attend. Il dénonce les vices par la folie en les attribuant à des personnages appartenant apparemment aux classes inférieures de la société. L’œuvre « La Nef des Fous » représente bien ce qu’il dénonce clairement dans ses autres tableaux : la débauche de la vie monastique et la folie humaine cédant aux vices.

GÉNIE DU CHAOS Jérôme Bosch, né vers 1450, fascine les spectateurs et amateurs d’art autant par son imagination que par ses nombreux symboles encore inexpliqués. Il nous présente ainsi des œuvres qui mélangent la raison et la folie, l’ordre et le chaos. Dans certaines de ses peintures comme « La Lithotomie », il représentait les médecins avec des entonnoirs en guise de chapeau. Pour les alchimistes, l’entonnoir représentait la transmission de savoir lorsque l’entonnoir était placé de sorte que la grande ouverture soit vers le haut. Dans l’autre sens, il représente l’ignorance et, par association, la déraison.

Le Jardin des Délices, @Jérôme Bosch, 1500 env.

LA DÉBAUCHE ET LE VICE

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« La déchéance »

‘‘ JÉRÔME BOSCH

Une des œuvres les plus connues de Jérôme Bosch, « le Jardin des Délices » peinte vers 1500, se présente comme un triptyque composé de deux tableaux lorsque le tableau est fermé ou ouvert. Les deux volets, une fois la peinture ouverte, représentent le Jardin d’Eden à gauche et l’Enfer à droite.

NOUS MONTRE UN MONDE PESSIMISTE, CONDAMNÉ À SA PERTE

Mais l’énigme principale dans cette œuvre réside dans le panneau central. On y voit des centaines d’hommes et de femmes nues en train de s’ébattre, de manger mais également des créatures et des végétaux hybrides et bizarres. Jérôme Bosch a voulu représenter selon plusieurs auteurs, un faux paradis. Les hommes victimes de l’influence du Démon sombreraient dans ce paradis qui les mèneraient à leur perte. Selon Hans Belting, ce panneau central représenterait même un monde qui aurait pu exister si Adam et Ève n’avaient pas succombé au péché originel. Serait-ce alors la première représentation d’un Paradis utopique voire même d’un Monde Virtuel ? Malheureusement, le panneau de droite nous ramène à la réalité car, qu’on le veuille ou non, le péché originel a été commis. Cela nous évoquerait même l’Enfer de Dante, que Jérôme Bosch a voulu nous retransmettre dans son volet droit du fait de l’obscurité la souffrance et le chemin qui se démarque au milieu du tableau qui semble nous mener à la profondeur extrême de l’Enfer.

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Il a d’ailleurs toujours eu cette obsession pour la thématique religieuse du Jugement Dernier et cela se retrouve très souvent dans ses tableaux, qui représentent un mélange d’ordre et de chaos de l’Humanité. Jérôme Bosch nous montre un monde pessimiste, condamné à sa perte, une Humanité vouée à la damnation et la cupidité mais dans un Univers pourtant joyeux et ordonné. L’ordre et le chaos occupent une place assez particulière dans l’art puisqu’ils peuvent revêtir plus ou moins n’importe quelle forme. Jérôme Bosch a choisi de le montrer dans une thématique religieuse tandis que Vera Molnar par exemple, a choisi de représenter l’ordre et le chaos avec des formes géométriques dans un art plus contemporain. L’artiste sait ce qu’il va peindre. Il hiérarchise les éléments de son œuvre pour la créer. Le peintre qui crée le chaos dans son œuvre l’ordonne et le prépare. C’est pourquoi le chaos artistique est toujours pensé et calculé pour créer le « Beau ».

Jérôme Bosch a réussi à créer cet effet de vertige dans ce tableau, et il passe de l’infiniment grand à l’infiniment petit sans que cela soit dérangeant à l’œil. Dans le volet de droite, on y voit des oreilles géantes, des instruments de musiques géants, qui représentent la musique comme pêché.

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UN ARTISTE QUI VA VOUS SCOTCHER Cette citation de Maurits Cornelis Escher est le fil conducteur de cette article sur la photographie d’identité et plus particulièrement sur l’artiste Wes Naman, à savoir de quelle manière les artistes d’aujourd’hui et d’antan expriment l’ordre et le chaos dans l’art. @Wes Naman

QUI EST WES NAMAN ?

JE EST UN AUTRE

Wes Naman est un photographe américain né en 1975, célèbre grâce à sa série de photographies « scotchantes ». L’artiste a en effet réalisé une série de portraits chaotiques appelés « Invisible Tape Series » montrant les visages d’amis et de collègues complètement déformés par le scotch afin de les rendre uniques mais aussi terrifiants. Toutes ces photographies ont un titre et une histoire. L’artiste alterne depuis dix ans journalisme, publicité et photographie et est l’auteur de plusieurs autres séries comme « Rubber Band Series », « Lonely Man And Women Series », « Smoke Series », « Creepy Halloween Series », « Valentine’s Day Series » et de nombreuses autres qui vont à l’encontre de l’ordre établi dans la photographie de portrait.

À travers la formulation « Je est un autre » nous pouvons entrevoir plusieurs explications, toutes aussi farfelues les unes que les autres. Le « je » désignant « moi » qui lui-même peut être dérivé sous plusieurs formes, nous ramène directement à l’ambivalence de tout être humain. Nous avons tous une part plus ou moins obscure, une part d’ombre, un aspect chaotique de notre personnalité relevant de l’ordre de l’intime comme un aspect également ordonné qui respecte les codes de la société. Ainsi « Je est un autre » désigne celui que nous sommes intérieurement, celui que nous désirons être et pour certains évoque la partie la plus sombre d’eux-mêmes. Nombreux sont les artistes à avoir essayé de faire transparaître ce « moi » intérieur à la vue de tous en utilisant à la fois l’ordre et le chaos. Ainsi, que cela soit sous forme de peintures, de photographies, de dessins et tout autre art, les artistes vont chercher à exploiter le chaos résidant en nous-même tout en l’ordonnant. Cela donne lieu à des œuvres vraiment très intéressantes, autant du point de vue artistique que psychologique.

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AE

Wes Naman au travers de ses séries « Halloween » « Halloween » et « Vale« Valeà exploiter le chaos résidant en nous-même tout en l’ordonnant. tine’s Day » Day » illustrent parfaitement ces propos. Les photoCeladonnelieuà des œuvres vraiment très intéressantes, autant graphies effectivement réalisées, par l’artiste sont à la fois du point de vue artistique que psychologique. terrifiantes mais décomplexées et fascinantes. Respectant Wes Naman au travers de ses séries « Halloween » et « Valetine’s les mêmes prises de vues pour chacune des photographies Day » illustrent parfaitement ces propos. Les photographies efde la série, un fond classique, la même directrice artistique fectivement réalisées, par l’artiste sont à la fois terrifiantes mais chaotique, ces deux notions antagoniques deviennent décomplexées et fascinantes. Respectant les mêmes prises de alors complémentaires. vues pour chacune des photographies de la série, un fond clasWes Naman n’est pas le seul à avoir voulu critiquer au trasique, la même directrice artistique chaotique, ces deux notions vers de ses œuvres notre société devenue société d’apantagoniques deviennent alors complémentaires. parence en challengeant l’idée de portrait « parfait ». « parfait ». Plusieurs noms reviennent au fur et à mesure des générations notamment celui de Cindy Sherman, Anselm Kiefer ou

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PHOTOGRAPHIE D’IDENTITÉ

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PIET MONDRIAN

Domaine public

De l’ordre dans le désordre Les œuvres de Mondrian réussissent à convertir le désordre en des couleurs simples et des lignes horizontales et verticales .

Museum of Modern Art de New-York. Le Boogie Woogie est un style de musique propre au Jazz, une forme rapide et rythmée de Blues développé au XXème siècle. À travers cette œuvre, qui est une représentation stylisée de la ville de New York, Mondrian a voulu retranscrire le rythme trépidant et le désordre de la ville américaine (d’où le nom de l’œuvre).

Né en 1872 et mort en 1944, il est connu pour ses tableaux géométriques structurés par des lignes noires et des rectangles rouges, jaunes et bleus. Il est aussi connu pour s’être engagé sur la voie de l’abstraction dans les années 1910. L’artiste choisit alors d’appliquer ses croyances théosophiques à l’art et à ses œuvres. Il tente de créer un art universel. Il ne conserve que des couleurs pures, sans oublier l’angle droit, qui revêt pour lui cette signification universelle.

Ces lignes verticales et horizontales qui se croisent, sont comme les grandes allées de la ville ou bien une évocation de la verticalité de ses gratte-ciels. On pourra interpréter les lignes jaunes comme une représentation des nombreux taxis qui la parcourent et les quadrilatères bleus et rouges comme les couleurs des néons des magasins et restaurants qui illuminent la ville la nuit. Mondrian dans Broadway Boogie Woogie arrive à mêler peinture, rythme et musique. Ainsi il parvient à travers des lignes verticales et des formes géométriques simples à montrer le chaos et le rythme effréné de la ville et du jazz. L’artiste ne cherche pas à retranscrire la ville en elle-même mais bien à représenter un ordre qui la configure par ce passage à l’abstraction géométrique. Dans son travail il dégage les apparences et montre les forces organisatrices et primordiales de toutes choses. Il y a une forme d’épurations dans ses œuvres. C’est le néoplasticisme.

BROADWAY BOOGIE WOOGIE Broadway Boogie-Woogie est le dernier tableau achevé de Piet Mondrian, peint à New York entre 1942 et 1943. C’est une huile sur toile de 127 x 127 cm. Elle est conservée au

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LE NÉOPLASTICISME

OCÉAN Dans ce tableau Mondrian élimine les lignes diagonales, les courbes et les couleurs. Cette œuvre est une représentation du rythme des vagues qui se brisent contre une structure strictement perpendiculaire à la mer, la seule vraie référence à la nature se trouve dans le titre. Il réduit le rythme et le chaos des vagues en un motif de lignes pures et simples. Les lignes horizontales font références à l’horizon et celles aux verticales évoquent les pilotis de la jetée. Mondrian voulait traduire la nature en un langage purement abstrait. Il transforme le caractère imprévisible de la nature en une création apparemment simple.

Le néoplasticisme est un courant artistique abstrait dirigé par les peintres néerlandais Piet Mondrian et Theo Van Doesburg. Il se définit en 3 règles : • Pas de courbe, pas d’oblique, que des traits verticaux et horizontaux. • Utilisation uniquement de couleurs pures que sont le bleu, le jaune et le rouge et les non-couleurs, le blanc et le noir. • L’œuvre ne doit pas représenter une symétrie mais elle doit faire preuve d’un équilibre parfait. Mondrian grâce à cette réduction de moyens, le décrit comme un art équilibré et harmonieux qui donne une représentation abstraite de la réalité.

NATURE MORTE AU POT DE GINGEMBRE II «Nature morte au pot de gingembre II» est la deuxième version de l’œuvre du même nom. Entre les deux versions de l’œuvre Mondrian avait assimilé la notion de cubisme. On retrouve le même pot de gingembre et le même environnement mais leurs représentations diffère. En effet dans la seconde œuvre les objets ont perdu leurs caractères d’objets. L’œuvre n’est plus une nature morte mais une composition de formes. Ainsi l’artiste réduit la nature en signes afin d’exprimer l’essentiel et met de l’ordre dans cette scène de désordre. Les nombreuses facettes et arêtes laissent émerger une sorte de quadrillage rythmé, qui seul, évoque un espace construit.

‘‘ MONDRIAN

LE DÉCRIT COMME UN ART ÉQUILIBRÉ ET HARMONIEUX

@LouisGovindin

‘‘

Maud Garnier, Matthieu Debusschere, Mauro Salvador Cabrejos Ojeda, Louis Govindin

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OTTO DIX Le Chaos-ordonné Vivant mais traumatisé, l’ordre a-t-il du sens ? Otto dix donne une définition de l’ordre que tout le monde qualifierait de chaotique .

@lucabeuxprere

RÉSURRECTION Otto Dix est l’un des fondateurs du mouvement artistique «  Nouvelle Objectivité ». Il peint la guerre en soldat blessé, en autoportrait et jusque dans la rue. Une partie de ses œuvres a été détruite par les nazis. Il est l’un des représentants de l’ordre dans une ère chaotique. Son tableau « La Guerre » est le pléonasme même de l’ordre et du chaos dans l’art. Otto Dix ressort vivant mais traumatisé de la première guerre mondiale. Il décide d’exprimer son ressenti et son mal être au dépend d’œuvres d’arts décalées et exceptionnelles. Il relate un monde sombre plongé dans le chaos comme « La Guerre », son célèbre triptyque peint en 1929. Il n’utilise que des couleurs très sombres avec une technique vieille comme le monde (tempera sur bois). La mort et la destruction dans ce triptyque chaotique font un rappel à l’ordre sur les horreurs possibles à cause de l’humanité. La guerre devient le thème majeur de son œuvre, à travers ses toiles, mais aussi par de nombreux dessins et gravures au style extrêmement réaliste comme dans ce triptyque. Otto Dix pressent les dangers du retour à l’exaltation de la violence et de la guerre et veut, par sa peinture, dénoncer et conjurer la menace.

@Michael milky

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@Minamalka nages. Il démontre l’ordre désordonné après le chaos subi par ses hommes. Il se moque indirectement de la citation de Cornelis parce que si nous adorons ce genre de chaos pour atteindre cet ordre c’est que l’humanité est vraiment désespérée et ne sait plus comment faire pour réagir. Le chaos est l’état de confusion des éléments avant l’organisation du monde, ce que l’on retrouve dans la genèse avec le tohu-bohu. Dieu aurait séparé le haut du bas. Plus communément cela signifie le désordre. Cependant si le désordre est présent dans toutes les œuvres de guerre d’Otto Dix, pourquoi l’ordre ne règne-t-il pas dans ses œuvres d’après-guerre ? Pour l’artiste et survivant de l’horreur, il ne perçoit pas l’ordre retrouvé comme étant serein et va continuer à dépeindre des cas de figures encore traumatisés et mutilés, le chaos prend alors une autre forme et ne ressemble plus à la guerre mais au quotidien que doivent vivre ses invalides. Guernica de Picasso se rapproche beaucoup de l’œuvre d’Otto Dix, des œuvres très ordonnées, avec un sens de lecture particulier, des détails de plus en plus précis pour comprendre l’horreur, un ordre d’art exceptionnel pour exprimer le chaos.

L’art lui sert d’arme et permet de prévenir un futur chaos, il préfère « l’ordre déstructuré » actuel qu’être encore traumatisé par une guerre. Il sera d’ailleurs considéré par les nazis comme un artiste « dégénéré ». Avant le Chaos vient la peur, celle-ci nous amène obligatoirement à une obsession de la clarté. L’ordre vient après le chaos mais il protège aussi du chaos et c’est ce que veut démontrer Otto Dix. Dans ses œuvres d’aprèsguerre, l’ordre n’est nullement parfait, les cicatrices de la guerre sont très présentes. Alors finalement, l’ordre n’était-il pas mieux avant le chaos ?

CATHARTIQUE L’art, la science et la philosophie exigent d’avantage : ils tirent des plans très précis sur le chaos. Pour combattre le chaos il faut savoir se plonger dedans, Otto Dix le prouve bien : ses œuvres sont une sorte de prévention et de vérité. Sans vérité, l’ordre ne peut revenir et le chaos persiste. « We adore chaos because we love to produce order » a un vrai sens philosophique : nous adorons le chaos parce que nous aimons plus que tout produire de l’ordre. Après la tempête vient le beau temps, cette expression se vérifie avec celle de Cornelis. Pour tout remettre en ordre il faut d’abord un désordre. Otto Dix essaie de montrer la guerre puis l’après-guerre. Dans son œuvre « Les joueurs de Skat » il dépeint les invalides de la Première Guerre mondiale. Pourtant si l’ordre est revenu on peut s’apercevoir qu’Otto Dix ne perçoit pas les choses de la même façon, la guerre a fait plus de dégât que n’importe quel autre chaos sur terre. Otto dix dénonce l’horreur de la guerre et des souffrances qu’elle provoque, la solitude des grands mutilés. Pour cela, il emploie la caricature, l’ironie. Les lignes des corps sont brisées, tordues ce qui accentue l’aspect inhumain des mutilés : la guerre déshumanisée. Il oppose le fond sombre et les couleurs vives, violentes des person-

‘‘ IL DÉMONTRE

L’ORDRE DÉSORDONÉ APRÈS LE CHAOS

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Minoharitahiana Andriaminhantanirina, Luca Beux-Prere, Michael Minger, Mina Malka

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JR Photographe et activiste urbain JR est un artiste engagé, novateur et qui fait rimer art urbain et poésie.

«ARTIVISTE»

@melodie

‘‘CE QUI COMPTE

JR aime travailler sur la déconnexion des mondes qui ne se comprennent pas. JR n’expose jamais dans les galeries ou dans les musées mais dans les lieux même de l’Histoire où l’ordre puis le chaos ont existé. Pour lui le monde est un immense musée à ciel ouvert où ses immenses collages prennent place. Des favelas de Rio de Janeiro aux villes les plus pauvres du Kenya en passant par Paris, Los Angeles et même Bethléem, JR sillonne le monde à la recherche de ses citoyens pour les photographier et ensuite en faire des collages géants de leur portrait en noir et blanc. L’artistes est à l’affut des témoignages tragiques dans le but de les retransmettre à travers ses œuvres à l’échelle de la planète. Ainsi, il tente de rétablir de l’ordre en changeant la vision que peut donner le monde. Sa créativité naît de sa curiosité, son envie de confronter les regards, de changer les images. Il se nourrit des maux du monde. Son engagement d’artiste réside surtout dans le fait que les portraits représentent des inconnus vus par d’autres passants inconnus. Il occasionne alors une rencontre, une liberté, un partage. Ses œuvres redonnent un certain ordre et humanisme aux lieux souvent associés au chaos, où elles sont exposées. Elles nous questionnent, nous interpellent. Quand JR créer une image, il pense en fonction de la ville et de son architecture.

CE N’EST PAS L’IMAGE C’EST CE QU’ON EN FAIT

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En effet, selon lui, le choc visuel doit s’adapter en fonction des villes et des cadres de référence dans lesquels il se trouve. Cette nouvelle forme d’intervention urbaine interpelle, braquant les projecteurs là où le monde de l’art ne pénètre jamais. « Ce qui compte, ce n’est pas l’image, c’est ce qu’on en fait. Je vais juste coller du papier, ça ne va rien changer à la face du monde, et pourtant, en cassant les codes et les images, on peut amener à repenser la manière dont on voit l’autre. Donc quelque part, c’est un début pour changer le monde. »

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JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR

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@jr Hold-up, Ladj Ly 2004

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Dans son premier projet « 28 Millimètres : Portraits d’une génération » on y découvre des grands portraits photos en noir et blanc de filles et de garçons collés @didierLebon dans les rues. Il souhaite ré-interroger les passants sur le regard qu’on porte à cette génération des quartiers défavorisés jugés chaotiques et souvent montrés du doigt. @didierLebon Les images ont été vues à travers les médias car elles se trouvaient dans le même quartier de Clichy-Montfermeil où les émeutes ont commencé en 2005. Les portraits ont ensuite été collés à Paris avec le nom, l’âge et l’adresse de chaque jeune. Eux qui créaient une sorte de peur générale dans les médias, devenaient tout à coup acteurs de leur image. La vision a pu changer, l’ordre est revenu. À travers cette œuvre et toutes les autres, JR réussit à transformer le chaos en cohésion et désordre en ordre.

Louise Leroy, Mehdy Duclay, Melone Oussou, Mélodie Morin

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JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR JR


KANDINSKY

Pauline Brosse Margot Odoux, Pierre Teulière, Pyrène Marfaing

L’art d’associer l’ordre et le chaos L’ordre et le chaos sont naturellement opposés. Kandinsky a su les entremêler . @Pauline Brosse

QUI EST KANDINSKY?

VISION Ordre, symétrie, perfection, chaos, irrégularité, défaut. Tous ces mots semblent s’opposer et ne paraissent pas pouvoir cohabiter. Cependant, ils sont liés, et sont présents ensemble dans divers domaines. Dame nature en est le meilleur exemple. Le solide cristallin, parfaitement ordonné à basse température, représente l’ordre et son organisation. Mais lorsqu’il se transforme, à haute-température en gaz, les molécules se déplacent alors au hasard. La nature est elle même créatrice d’ordre et de désordre. Mais il n’y a pas qu’elle qui arrive à les réunir. L’être humain en est également capable. Il l’a prouvé à travers l’art : en musique par exemple, lorsqu’on a l’impression qu’un accord sonne faux quand il est entendu seul, on voit qu’il s’intègre parfaitement dans un morceau. Toute œuvre ne représentant pas quelque chose issu du réel. Célèbre en tant que pionnier de l’art abstrait, mais aussi comme théoricien de l’art, il pouvait transformer les sons en couleurs. Son art est défini comme de l’abstraction lyrique : bienvenue dans l’univers de l’artiste Kandinsky ou l’homme qui réunit ordre et chaos.

Wassily Kandinsky a vu le jour à Moscou le 4 décembre 1866 et est décédé à Neuilly-sur-Seine, le 13 décembre 1944. Il abandonne ses études de droit pour les Beaux-Arts. Artiste reconnu comme l’un des fondateurs de l’art abstrait, Wassily Kandinsky est l’un des artistes les plus importants du XXème siècle. Au départ, son travail ressemble à l’impressionnisme puis il s’échappe progressivement pour se diriger vers l’abstrait en 1910. C’est cette même année qu’il réalise une aquarelle sans titre, qui serait une esquisse de « Composition VI ». Kandinsky utilise parfois des termes musicaux pour désigner ses œuvres : il en nomme beaucoup, le plus souvent les plus spontanées, des «improvisations», tandis qu’il nomme «compositions» quelques unes parmi les plus élaborées et les plus longuement travaillées, un terme résonnant en lui « comme une prière ».

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L’HOMME QUI CONTRÔLE LE CHAOS

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ON NE PEUT TROUVER NOTRE HARMONIE AUJOURD’HUI PAR DES VOIES GÉOMÉTRIQUES...

Le concept de Kandinsky : il déstructure le réel tout en gardant une ligne directive parfaitement ordonnée. Les couleurs évoquent les émotions et les courbes, les mouvements. L’ordre est parfaitement illustré à travers ses œuvres très géométriques qui prouvent que l’on peut «créer du beau» avec des cercles, des segments, des droites parallèles, des polygones, des courbes noires et des jeux de transparence avec quelques couleurs. Les figures géométriques sont une représentation parfaite d’un raisonnement ordonné. La géométrie fait partie des mathématiques et s’appuie sur une science exacte. Ainsi, chaque figure possède une formule afin de la réaliser qui ne peut être modifiée. Les mathématiques et la géométrie sont considérées comme un «art» parfait qui ne peut être remis en cause. C’est grâce à ces formes que Kandinsky parvient à créer l’harmonie dans ses tableaux. Cet artiste va plus loin afin d’illustrer cette harmonie. Pour lui, rien n’est laissé au hasard. Il réunit les formes, les couleurs par association et par signification, éveillant nos sens et permettant de provoquer une émotion propre à chacun de nous, une émotion commune à tous les arts. Ainsi, Kandinsky illustre les sons issus de ses musiques favorites à travers ses peintures. Par exemple, un jaune clair et vif sera assimilé à l’acidité du citron, à un son aigu ou bien à la forme aiguë d’un triangle. Au contraire, un bleu profond sera assimilé au calme, à la profondeur des mers et à la rondeur, à la douceur. Kandinsky parvient à mettre en place cette sensation de «chaos organisé» grâce à son perfectionnisme obsessionnel.

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Kandinsky déstructure le réel: les couleurs évoquent les émotions et les courbes les mouvements. On s’interroge sur la signification des grandes masses colorées dans ses tableaux ainsi que les formes géométriques disposées de façon aléatoire. Les couleurs et les formes sont très expressives, et évoluent indépendamment les unes des autres. Celles-ci ne servent plus à délimiter ou à mettre en valeur, mais se combinent entre elles, se superposent et se chevauchent de façon très libre pour former des toiles d’une force extraordinaire. Cela donne au spectateur, lors de son premier regard sur une œuvre de l’artiste, une sensation de désordre et que rien n’est à sa place. Le chevauchement de ces masses colorées et de ses formes géométriques ne lui permettent pas de distinguer les éléments individuellement, ce qui donne une impression de chaos. Kandinsy explique que pour lui l’harmonie personnelle passe par le chaos : « Je crois justement qu’on ne peut trouver notre harmonie aujourd’hui par des voies géométriques, mais au contraire par l’anti-géométrique, l’anti-logique la plus absolue. »

@didierLebon Composition 7 @Kandinsky

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CONSTRUCTIVISME

@Shana Bottreau

Le constructivisme est un mouvement qui a pour but de construire sa propre vision du monde dans lequel nous vivons. Celui-ci fait naître le désordre dans l’ordre.

QU’EST-CE ?

Les matériaux ont pris une place importante pour les constructivistes qui les organisaient selon des principes techniques de la structure et de la construction : fin à l’illusion picturale et création d’un art susceptible d’être compris par tous. Le constructivisme est un art fonctionnel avant tout. Il s’étend en Europe et gagne les ÉtatsUnis après la seconde guerre mondiale. Il est à l’origine de nombreux courants de l’art moderne, l’art cinétique, l’art concret, op art etc Le constructivisme est aujourd’hui toujours présent et utilisé par de nombreux artistes !

Le constructivisme apparait selon les travaux de Jean Piaget, qui est à l’origine d’une des théories célèbres sur le constructivisme : « l’intelligence n’est pas innée mais se construit ». Le constructivisme se base sur le fait qu’il y a une interaction entre l’individu et l’objet et que celle-ci est importante car elle permet à l’individu de construire ses connaissances. C’est parce qu’il y a une interaction que l’action est réalisée. C’est l’individu lui-même qui construit ses connaissances (avec l’aide des constructivistes). Le nom constructivisme naît en parallèle d’un autre mouvement : le suprématisme de Kasimir Malévitch qui, au départ, utilise le terme d’art de la construction pour qualifier le travail d’Alexander Rodtchenko. Ce n’est qu’en 1920 que le mot constructivisme est utilisé pour la première fois par Naum Gabo avec l’œuvre « le manifeste réaliste » et à la suite « le manifeste du constructivisme ». Anton Pevsner et Naum Gabo en posent les fondements.

ART DE LA REVOLUTION RUSSE Né au début du XXéme siècle en Russie, le constructivisme concerne les arts plastiques, l’architecture, la mode, le design, le cinéma, la photographie ou encore la littérature. Il

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se développe sur les bases du cubisme (formes géométriques simples et atténuation de la couleur) et du futurisme (vitesse, mouvement, dynamisme universel et rejet des formes antérieures et exaltation de la modernité). Il s’attache à montrer la valeur esthétique de la civilisation moderne, des machines et de l’objet industriel en général. Le constructivisme naît dans un contexte social et économique difficile, dans le prolongement de la 1ère guerre mondiale et de la révolution russe de 1917. En 1920 la Russie est dans un très grand état de pauvreté et beaucoup sont illettrés (2 adultes sur 5 savent lire en 1920). Ce pays

A cette époque, les Bolcheviks veulent informer de la politique du gouvernement, éduquer à l’idéologie principale qu’est le communisme ou encore convertir une société paysanne en état industriel moderne. Malheureusement les mots ne touchent pas, c’est donc à partir de 1919, dans un moment où la production d’affiches est très importante qu’ils diffusent leurs messages sous une forme plus graphique avec l’intention de parler au plus grand nombre. L’armée rouge des révolutionnaires communistes utilisent aussi cet effort de communication contre l’armée blanche monarchiste.

@Ophélie Blockmans

SON LANGAGE GRAPHIQUE ET SES TECHNIQUES

Faire une affiche constructiviste c’est aussi utiliser une typographie grande et grasse. Le constructivisme c’est aussi de la profondeur qui est indiquée par le jeu des lignes en deux dimensions. Il rejette de l’allégorie, de la rêverie, du romantisme, il doit accompagner le monde réel au quotidien dans la rue, le travail et le monde industriel sous forme de dessins, d’illustrations, photomontages et lithographies.

‘‘ L’INTELLIGENCE

se voit donc bousculé et transformé par des symboles, des images, des slogans et des textes. Le constructivisme a été la source d’une véritable révolution des principes décoratifs : l’accent est mis sur le rythme des objets et tout particulièrement sur le rythme kinesthésique. Le noir, le rouge et le blanc sont les couleurs principalement utilisées ainsi que la répétition des formes comme le cercle, le rectangle, le triangle et la croix.

N’EST PAS INNÉE MAIS SE CONSTRUIT

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Shana Bottreau, Samy Abellard, Samuel Mimouni, Marius Nennig

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HALLUCIN’ ARTISTE Chaos urbain Porter un nouveau regard sur les éléments qui composent notre quotidien et créer un monde presque idéal... Utopique !

LA RÉALITÉ On considère que ce qui se trouve dans les musées définit ce qu’est l’ordre, et en dehors de ces murs, toute forme d’art est considérée comme chaos. Le domaine artistique a vu au cours des siècles, l’émergence d’une nouvelle forme d’expression, le street art ou autrement dit l’art urbain qui est apparu à la fin du XXème siècle. Malheureusement, cette forme d’art a souvent été considérée comme illicite et provocatrice, mais qui au cours des années est devenu un art reconnu qui s’est progressivement institutionnalisé. L’art urbain surprend, raconte, dénonce, illumine. C’est un art vivant en constante progression. Le chaos, c’est une sorte d’anarchie, de désordre, de perturbation qui peut se traduire de différentes manières dans différents domaines. Alliance entre illustration et réalité, Sandrine Estrade Boulet nous montre sa réalité augmentée composée des éléments urbains de la ville et des déchets de rue. Si, souvent les rues parisiennes sont considérées comme bruyantes, sales, notre artiste, elle, voit les rues comme un terrain de jeu. Elle nous propose d’aller au-delà de la réalité que l’on peut percevoir et nous invite dans un univers totalement imaginatif et délirant qui en interpelle plus d’un : petits

@Rachel Richardot

@Rachel Richardot

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@Sandrine Estrade Boulet

En bref, le chaos des rues va influencer notre comportement face aux obstacles des rues, mais l’ordre sera rétabli à travers le regard bienveillant et imaginatif de l’artiste. Pour Sandrine, l’objet n’est pas obligatoirement beau au premier regard, mais c’est la façon dont on le regarde qui lui donne toute sa beauté et son histoire. On ne sait comment les déchets sont arrivés là, ni depuis combien de temps ils sont là et combien de temps ils y resteront, mais ils font partie du paysage et on ne peut pas les ignorer. À défaut de les ignorer, pourquoi ne pas les intégrer dans les rue parisiennes, en ajoutant une touche d’humour, de fantaisie et d’imagination. Voici la réalité que nous propose Sandrine qui décide de jouer avec les accidents urbains qui sublime la réalité et la montre sous son plus beau jour.

comme grands. Les rues de Paris font partie de notre quotidien, et sont souvent synonymes de chaos. Entre les bruits, les déchets, les passants… difficile de se frayer un chemin et de profiter de la beauté parisienne. Cependant, pour notre artiste, c’est une source d’inspiration et à travers son regard, elle ne fait que les sublimer. Son inspiration trouve source dans des figures populaires ou encore plus simplement dans des formes, des tâches sur du bitume, des nuages pour le moins suggestifs. Elle donne un sens aux déchets, une seconde vision, une nouvelle vie qui ne ressemble pas à leurs vies passées. Elle utilise des objets en apparence sans intérêt artistique en les détournants de leur utilité première, personnifie les déchets et les éléments urbains en leur donnant une histoire et nous les montres sous un nouveau jour, pour que l’on puisse de nouveau les apprécier. Dans ses œuvres, le chaos se reflète plus précisément dans la nature des objets qui les compose, et qui sont avant tout des déchets et des objets qui n’ont pas leur place dans la rue. Un ordinateur qui semble avoir été jeté violemment au milieu de la voie publique va maintenant perturber toute la circulation piétonne de Paris et changer leur trajectoire et leur comportement : enjamber, contourner voire même se cogner contre cet objet qui appartient maintenant à la rue. Une simple trace d’urine peut être synonyme de dégoût pour nous tous, que ce soit de manière olfactive ou visuelle, mais à travers le regard de l’artiste, cette trace laissée par l’homme ne demande qu’à se faire voir, se faire admirer en se transformant en une danseuse étoile ou en un dragon.

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QUAND JE MARCHE DANS LA RUE J’AI DES VISIONS

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Romain Tekaya, Ruben Sagnier, Marie Clavier, Rachel Richardot

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WASTE ART

Les interactions de l’homme avec son environnement n’ont pas été sans conséquences. En effet, à partir des années 70, notre planète a été confrontée au problème mondial de la pollution, causée par le progrès technique ainsi que la société capitaliste qui a engendré une augmentation constante de la quantité des déchets. Les statistiques actuelles montrent que la quantité de déchets émis par les habitants de notre planète s’élève à 4 milliards de tonnes par année. De ce problème découlent l’envie des artistes de dénoncer et d’informer à travers leur art. Ils redonnent une seconde vie aux déchets en s’en servent pour créer des œuvres d’art.

Comportement humain Le waste art devient ou outil de sensibilisation permettant de faire évoluer les consciences et habitudes.

L’ART RECYCLÉ

Vik muniz, un des plus connus, est le chef de file du waste art, c’est un plasticien et photographe né à Sao Paolo, qui crée des reconstitutions et des créations originales à partir de déchets recyclés. Il s’installe ensuite près de la plus grande décharge du monde “ Jardim Gramacho ”, et monte un projet participatif où des ouvriers de la décharge rapportent et trient les ordures qui serviront donc à l’élaboration de ses œuvres.

De nos jours, notre société a entraîné un nombre démesuré de déchets qui par conséquent, engendrent une pollution constante. C’est pourquoi, certains artistes ont donc décidé de détourner ces objets pour en faire des œuvres d’art à part entière. Cela permet de prendre conscience du niveau de gravité de l’état de notre planète, qui se dégrade de jour en jour. Les humains, en cause de cette altération sont également à l’origine de ces œuvres qui dénoncent leurs mauvais comportements. Le waste art permet de dénoncer la société de consommation, cette société où l’on sur-consomme.

Un documentaire à été réalisé à cette effigie “Waste Land” réalisé par Lucy Walker qui suit le travail de l’artiste brésilien dans sa démarche à la fois artistique et environnemental. Une de ses installations est présentée au Musée d’art moderne de Rio de Janeiro, qui se trouve en marge du sommet sur le climat Rio 2012.

@célesteajostini

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D’autre artistes utilisent des matériaux de seconde main et des déchets pour façonner leurs créations. Comme Veronika Richterová, qui utilise des bouteilles en plastique et les assemble pour en faire des œuvres d’art. Elle a utilisé diverses méthodes de coupe, de chauffage, et d’assemblage afin de construire des formes colorées translucides de crocodiles, de chandeliers ou de plantes. Son obsession des bouteilles en plastique ne s’arrête pas à la création d’œuvres d’art, Richterová a également recueilli plus de 3 000 objets en plastique de 76 pays et elle écrit beaucoup sur l’histoire et l’utilisation du plastique. Certains artistes mettent en avant les conséquences de tous ces résidus inutilisables, dans le but de modifier les comportements humains. L’artiste Bonnie Monteleone est une new-yorkaise passionnée par l’eau et l’océan depuis son plus jeune âge. Afin de finaliser sa thèse, elle a été amenée à travailler avec le capitaine Charles Moore marin ayant navigué à travers un “ dépotoir d’ordures ” du Pacifique Nord, ce qui l’a fortement sensibilisé aux problèmes de pollution des eaux marines par les déchets plastiques. Elle a également fondé une société à but non- lucratif en 2012 nommé “Plastic Ocean Project”, et a encadré des étudiants impliqués dans la recherche sur les débris marins à l’université de Caroline du Nord à Wilmington. Son œuvre ultime “ plastic ocean”  est la reproduction du tableau “ la grande vague de Kanagawa ” d’Hokusai, fait en matériaux que l’on retrouve généralement dans l’océan, notamment des bouteilles plastiques, leurs bouchons, des sacs en plastiques et des pailles.

@surfriderfondationeurop

L’artiste allemand HA Shult propose lui une approche différente. Il est l’un des premiers artistes à traiter du déséquilibre écologique du monde dans son travail, il a donc été qualifié de « pionnier de l’art écologique ». Connu pour ses opinions anti-consuméristes, il est un artiste conceptuel qui s’est concentré sur la problématique des déchets, des ordures et sur le rapport de notre société avec la consommation et ses conséquences. Une de ses œuvres les plus connues, “ Trash People ” met en scène des sculptures à forme humaine construites à partir de déchets recyclés. Chaque sculpture a été créée à partir de la compression d’une grande quantité de déchets : pas moins de 20 tonnes de fer, ordinateurs, déchets industriels, boîtes de conserves et verre. Son message est limpide : « nous devons changer le monde, avant que le monde nous change  en poubelle ».

« NOUS PRODUISONS DES ‘‘ DÉCHETS ET NOUS DEVIENDRONS DES DÉCHETS »

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Zoé Coutant, Yacine Tahar, Solène Di Concetto, Céleste Agostini

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LE FIL Linéarité chaotique Quand les règles et l’organisation font place à la discorde. « Quête de soi », 2019, Paris

FIL DIRECTEUR L’enchevêtrement de fils noirs de ses œuvres tiennent le spectateur enfermé dans la mémoire intime ; les objets attachés au bout de ces fils et liés à des souvenirs précis, suggèrent une idée d’enfermement et de prison quelle soit psychologique ou sociologique. C’est ainsi que l’artiste joue avec la psyché des individus qui se retrouvent face à une immensité chaotique où chaque fil a sa place et où l’espace semble se réduire. Peu à peu la solitude, la mort et l’absence apparaissent face aux œuvres présentées.

Les termes d’ordre et de chaos ne peuvent fonctionner l’un sans l’autre. En effet, l’ordre est rassurant car il constitue un cadre et une ligne de conduite à suivre. Cependant, il peut être déstabilisé par une force imprévisible où le chaos prendra place. L’artiste Chiharu Shiota joue avec cette dualité dans ses œuvres. En effet, elle utilise pour socle des fils tendus et assemblés, qui forment une toile d’araignée dans laquelle des objets et des formes sont pris au piège. Les fils ne sont pas placés au hasard, c’est lors d’une précédente exposition qu’elle explique que « Les fils sont tissés l’un dans l’autre. Ils s’enchevêtrent. Ils se déchirent. Ils se dénouent. Ils sont comme un miroir des sentiments ». C’est ici que l’ordre et le chaos prennent leurs sens. Les toiles de Chiharu Shiota représentent les liens entre chaque personne en particulier ceux établis et encadrés par des règles sociétales et morales. Cependant celles-ci peuvent être déchirées et destinées à briser la linéarité du fil qui est tendu au départ. Avec la volonté de tisser des liens avec ses spectateurs, Chiharu Shiota les invite à se perdre dans sa toile en éveillant les sens de chacun. Ce fut notamment le cas lors de son exposition à Bruxelles « Sleeping is like death » en 2016.

« Sleeping is like death » / 2016 / Bruxelles @Isabelle Arthurs and José Huedo

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@didierLebon

« The key in the hand », Venise,2015, @Sunhi Mang

AU FIL DU TEMPS À travers ses œuvres, Chiharu Shiota tente de lier les cultures japonaise et européenne. C’est pour cela que la couleur de fils choisie est étroitement liée à l’histoire et à certaines croyances. La création de ce réseau graphique symbolise donc des liens interpersonnels de manière très réfléchie à travers trois couleurs : le rouge, le noir et le blanc. Ces choix de couleurs prennent alors la forme d’une réflexion construite et organisée.

La grandeur de ses œuvres réduit l’espace et un sentiment de solitude apparaît. Ce chaos des sentiments, provoqué par la disposition réfléchie de chaque élément de la structure, enveloppe le spectateur tout au long de l’exposition. L’un des objectifs de l’artiste est de placer l’être humain face à lui-même en lui rappelant d’où il vient. Pour ce faire elle tente d’interagir avec les spectateurs en évoquant le fait que les liens avec les autres sont fondamentaux.

Les fils rouges représentent les êtres, la couleur vive du sang et la vie, mais ils peuvent également représenter les liens entre chaque individu. Lors de son exposition « The key in the hand » qui a eu lieu à Venise en 2015, l’artiste a utilisé plus de 50 000 clefs suspendues par des fils rouges au-dessus d’une barque. L’installation a une forte signification par les clefs qui représentent les souvenirs, la barque qui représente la paume de la main et les fils rouges qui représentent la vie . Chaque souvenir est relié par une vie humaine. Le fil noir relate de la mythologie notamment avec les Parques ou le mythe d’Ariane qui lie les idées de destinée, de vide, de mort et d’oubli. Le fil blanc évoque alors la pureté d’un nouveau départ sans préciser d’itinéraire, car selon l’artiste « La vie est un voyage sans destination ». L’artiste Chiharu Shiota prend soin de placer chaque fil d’une manière bien précise, cette succession régulière s’intègre à nouveau dans son objectif d’ordonnance dans la réalisation. Mais cet ordre est bouleversé par les sentiments que les individus peuvent ressentir face à la toile. En effet l’artiste tente de prendre au piège les individus, comme une araignée le fait en tissant sa toile.

Sans cela nous devenons des enveloppes charnelles vides de vie et de sens, comme les insectes pris dans une toile puis enfermés dans un cocon. Chiharu Shiota transmet dans son travail un message simple et profond : la solitude existentielle, la difficulté à communiquer et la recherche de sens à travers les fils et ses œuvres. Or si le message délivré et les moyens utilisés sont élémentaires, l’effet esthétique est toujours saisissant, complexe, riche et profond. C’est ainsi que, par une disposition et une exécution minutieusement réfléchie et préparée, l’artiste japonaise Chiharu Shiota imagine une place précise pour chaque élément qui compose ses expositions tout en créant une forme de confusion mentale chez le spectateur. Le chaos qui émerge dans ses créations est alors née de l’ordre qui a permis leur existence. Grâce à cet artiste, on comprend que c’est souvent en partant de l’ordre que le chaos peut naître.

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LA VIE EST UN VOYAGE SANS DESTINATION

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Salomé Khodara, Samantha Rosière,  Samantha La Rocca, Marie-Sophie Richard

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BASQUIAT, ENTRE ORDRE ET CHAOS « Je ne suis pas un artiste noir. Je suis un artiste » Du graffiti à la peinture, Jean-Michel Basquiat est l’une des comètes de l’art contemporain. Mort d’une overdose à l’âge de 27 ans, ce jeune ami de Warhol a élevé le street-art au rang des beaux-arts.

SON PARCOURS Né à Brooklyn dans une famille aux origines mixtes (portoricaine par sa mère et haïtienne par son père), Jean-Michel Basquiat est un enfant très précoce dans le domaine des langues et du dessin. Il quitte l’école dès sa sortie de l’enfance et fait de New York son premier atelier avec les graffiti. « Il définit ainsi une contre-culture urbaine, underground violente et anarchique, pétrie de liberté et de viralité ». Pour combler l’absence des artistes noirs dans les musées américains, l’ambition de Basquiat se double très vite d’une quête identitaire placée sous le signe de la négritude. Son goût pour le métissage culturel et sa haine du racisme nourrissent une œuvre néo-expressionniste parfois sombre et angoissée. Chacune de ses toiles y expose sa brutalité, il y a comme une urgence fébrile dans son travail. Les traits sont instinctifs, le dessin brut, il multiplie les supports et les techniques : papier, collage, toile, découpage, peinture, grattage… Il crée un nouvel espace de réflexion et anticipe en faisant de notre société Internet et post internet une formes actuelle de communication et de pensée. On peut voir très clairement dans les œuvres de Basquiat sa déconnexion d’avec la société dominante. @Basquiat

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Devant ses œuvres nous avons un sentiment de perte, d’impuissance, on sent toute la désolation humaine dans chacun de ses traits, de ses mouvements. Une instabilité émane de chacune de ses œuvres. Nous sommes bercés par un sentiment de confusion, par la superposition et le brouillage de ses dessins.

SON ŒUVRE Comme la toile : Renommée Skull, cette œuvre de 1981 s’intitule à l’origine « sans titre » comme beaucoup des peintures et dessins de Basquiat. Force est de constater que sous l’apparence simpliste d’un crâne humain se cache une véritable complexité liée à la nature même de notre condition. Une recherche picturale placée sous le signe de la dichotomie interne/externe. Basquiat multiplie les techniques dans cette toile. La peinture acrylique d’abord à laquelle il a ajouté du crayon pour un rendu tout à fait détonnant. Impossible de rester insensible face à ce crâne qui parait partiellement en décomposition ! Là est la magie de l’œuvre, on croirait à une autopsie rondement traduite par une mâchoire dépourvue de peau et un squelette visible. Mais contrairement à une simple figure squelettique, Basquiat a rajouté les yeux, les oreilles, le nez et même des poils et cheveux. Une perception externe de la tête en définitive. Autre ambivalence intéressante, le rapport entre la vibration des couleurs assez contrastée qui encadre le crâne et la profonde noirceur disséminée sur un visage à demi construit. Le regard parle pour lui-même, révélant

‘‘ UNE DÉNONCIATION DE LA SOCIÉTÉ

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une tristesse teintée par un sentiment d’abattement et de chaos. Basquiat nous laisse la une ode, à la vie ou à la mort ? L’incohérence dans cette œuvre est parfaitement maîtrisée, elle crée un malaise envers le spectateur, tout semble si ordonné mais à la fois si flou. Paul Dumas, Margot Gangand, Paloma Belguenbour, Paul Bourguignon

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C L E O PETERSON Violence sans complexe Cleon Peterson frôle l’ordre et le chaos de très près dans ses œuvres. Il s’inspire de son passé et de philosophes pour dénoncer la partie sombre de chacun.

LE RELAIS D’UNE PRÉDATION UNIVERSELLE Né à Seattle en 1973 d’un père artiste et d’une mère danseuse, Cléon Peterson fait partie de ces artistes qui produisent de l’ordre par le chaos. Enfant Asthmatique, il passe la majeur partie de son lycée à l’hôpital. Pour passer le temps, Cléon Peterson reproduit cette atmosphère d’angoisse dans lequel il se retrouve étouffé, en représentant des scènes quotidiennes familières et répétitives. C’est dans un univers artistique rien qu’a lui que Cléon Peterson nous livre sa vision du monde : une violence sans complexe. Marqué par la vie, Cléon arrive à mettre en scène la prédation universelle afin de faire ressortir le côté noir de chacun. Un regard sombre mais lucide selon lui, lui qui connaît la violence de la rue et les ravages de la drogue. Une violence extrême, esthétisée à la manière des vases grecs antiques. En utilisant le terme « prédation », Cléon Peterson remet l’Humanité au rang d’animal prédateur. Pour Cléon, l’instinct de survie dans lequel peut être l’Homme démuni, peut le pousser à atteindre le chaos. En utilisant le terme « prédation », Peterson remet l’Humanité au rang d’animal prédateur. Pour Cléon, l’instinct de survie dans lequel peut être l’Homme démuni, peut le pousser à atteindre le chaos. Il évoque à travers ses œuvres la violence omniprésente de notre société, ainsi que le flux d’images et d’informations que nous recevons quotidiennement concernant

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@CleonPeterson

les tueries, massacres et guerres du monde rythmant nos chaînes d’informations en direct ; affrontements qui sont de plus en plus cruels et brutaux de nos jours. Inspiré par le célèbre philosophe anglais Thomas Hobbes, Cleon peint et représente une violence extrême, esthétisée à la ma-


Toujours conçu de manière narrative, Cléon Peterson donne vie à entre deux et huit personnages, dans un même décor chaotique où la violence submerge l’observateur. Cette scène est alors décrite par le biais d’une palette chromatique réduite à quelques dominantes récurrentes (blanc, rose, rouge, jaune) sur fond noir, contrastant alors le contexte aux protagonistes. Cléon Peterson cherche à représenter dans ses œuvres le dualisme qui sépare le monde entre le bien et le mal, la raison et la folie, les criminels et la loi. Il s’inspire de sa vie, et prétend que ses œuvres reflètent seulement la réalité qui est dehors, mais que tout le monde n’a pas forcément vécue. Dans ses peintures, les agresseurs ou les victimes sont souvent clonés, mais restent toujours reconnaissables. Son travail se concentre essentiellement sur la domination, les jeux de pouvoirs, les marginaux, et l’oppression. On peut s’en apercevoir dans le choix des positions des personnages ; les uns sur les autres. Toujours animés par la haine, les personnages symbolisent la lutte entre la soumission et le pouvoir. De cette chorégraphie meurtrière émane une violence psychologique impactante psychologiquement. Les techniques de Peterson lui sont particulières. Il s’inspire également de son expérience personnelle passé dans les rues de New York en 1990, lorsqu’il était accro à l’héroïne et livré à lui-même.

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@didierLebon @SimonRabary

nière des vases grecs antiques. Cléon réalise chacune de ses créations avec minutie et technicité, pour pouvoir y véhiculer un sentiment de Chaos hors normes, où la violence règne en maître. L’artiste génère donc un chaos réfléchi, un chaos prématuré ce qui trahit dès la réalisation de son œuvre le lien intime entre l’ordre et le chaos.

« LA VIE EST UNE GUERRE, LA DÉVIANCE UNE NORME

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Passé par la case prison et les hôpitaux psychiatriques, Cleon Peterson explique ce que son expérience miséreuse a permis à son talent et sa vision du monde. Dépendant à la drogue, il évoque ce sentiment de désespoir, qui permet de réaliser à quel point la morale et les valeurs d’autrui sont flexibles. Une peur complètement disparue, ou on oublie les risques, et les jugements des autres. C’est de là que se dégage une dynamique de la situation de détresse qui pousse les gens au vol, à la violence, aux viols, et à l’autodestruction. C’est ainsi que les valeurs d’autrui varient, et deviennent flexibles selon l’intensité du chaos. Plus nous sommes noyés dans un chaos, moins les valeurs nous semblent nécessaires. Voici ici tout le travail de Peterson, qui peint l’honnêteté de la vie miséreuse. Et si avoir connu le chaos était-il un prérequis au bonheur ?

Thomas Perronw, Sofia Lazarak, Mathilde Maquaire, Simon Rabary

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L’ART DE LA GUERRE @JamesNachtwey

L’opposition de la photographie et du chaos environnant À travers trois illustrations, chaque artiste met en lumière à sa manière le thème de la guerre l’amenant même au statut d’art.

@NickUT

PHOTO FOCUS “Connaître la beauté, c’est entrer au cœur du chaos. Et le chaos est la plus parfaite image de la liberté.” (Chronique de la dernière révolution - Antoni Casas Ros). Dans ce nouveau numéro d’Art-Ère, le magazine met en lumière trois photographies de guerre sublimées par trois grands photographes. En passant par Patrick Chauvel, James Nachtwey et un génie anonyme, ces derniers illustrant parfaitement deux termes qui s’opposent littéralement : l’ordre et le chaos. En effet, dans chacune des images, l’ordre et le chaos sont présentés de manière complémentaire, le tout formant ce qu’on nomme l’art. En effet, le talent de chaque photographe est illustré à travers la manière dont il a construit son image. James Nachtwey met en scène son propre art : la photographie, justement à travers les photographes au second plan. Dans la totalité de l’image, le nerf de la guerre se traduit par le jeune garçon de dos tenant une arme. La photographie est prise en sorte qu’elle parle d’elle même sans nécessiter d’explication. Nick UT, lui, a décidé à travers sa photographie de dénoncer les atrocités de la guerre du Vietnam en mettant au premier plan des jeunes enfants.

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@Anonyme Ces photos sont des mémoires de notre histoire et sont là pour nous rappeler ce que l’homme a pu faire et les atrocités qu’il a pu vivre pour espérer que les générations futures ne reproduisent pas le même schéma et prennent conscience de ce qui a pu être fait dans le passé. Lorsque le photographe entre dans son état de concentration intégrale, il peut et doit réussir a transmettre non seulement son ressenti, mais aussi son expérience, son idéologie et ses motivations, ainsi que toutes les choses qui le poussent à continuer de travailler, comme ses proches qui lui donnent la force nécessaire. Toutes ce chaos d’informations, ce mélange changeant et incessant de ce qui le définit est canalisé dans un seul moment, l’espace de quelques millisecondes, lorsque son appareil effectue la capture.

Le chaos prend une grande place dans ce cliché avec en fond les jeunes soldats américains qui représentent “l’ordre”, l’autorité, le contrôle... Les photographies de Nick UT et James Nachtwey illustrent parfaitement le métier du photographe comme un art. Le contraste s’illustre par le désordre que représente la situation de guerre sur chacune des photos et par l’ordre à travers la manière dont les photos ont été prises. La photographie de manière globale montre à quel point elle est importante pour dénoncer la guerre. A travers les trois photographies, le métier du photographe est présenté sous différents angles. Mais comment ces deux concepts peuvent-ils être assimilés ?

LE TRAVAIL DU PHOTOGRAPHE

La mise en avant du chaos a un but empirique ; une société dans le chaos ne peut tendre par principe qu’à l’établissement de l’ordre et inversement. La minorité poussera le phénomène jusqu’au moment où elle touchera l’ensemble des individus. Ces deux notions cohabitent donc dans un même espace-temps et n’ont pas de valeur sans l’autre.

Tout vient du travail et de l’expérience du photographe. Le photographe est pris dans un paradoxe des plus certain dans les situations périlleuses. En effet même si dans un environnement d’un chaos total, il doit savoir garder son sang froid et canaliser son esprit plutôt dans la prise de la photo. Mais comment développe-t-il une telle capacité ? Mettre ses émotions, ses sentiments de côté, oublier la peur, l’empathie le temps d’une seconde afin de pouvoir transmettre au monde ce qu’il est en train de vivre. Une force mentale, un courage qui fait de l’art de la photographie de guerre un domaine où seuls peu d’élus peuvent accéder. Une totale dévotion à son art est nécessaire pour atteindre ce niveau et être prêt à mettre sa vie en jeu. Réussir à retranscrire une scène dans un moment donné et d’après une vision choisie et définie revient à une certaine manière de se projeter dans l’avenir. Ne pas espérer tomber sur l’inattendu mais l’attendre patiemment jusqu’à qu’il arrive, c’est un travail de longue haleine.

‘‘ TOUT VIENT DU

TRAVAIL ET DE L’EXPÉRIENCE DU PHOTOGRAPHE

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Victor Dumon et Melvyne Proust, Mounia Lanou, Velleyen Samwy, Victoria Bui

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DUALITÉ

«Du chaos nait une étoile»

De nombreux artistes ont évoqué la thématique que représente «  l’ordre et le chaos  ». C’est notamment le cas du cinéaste et acteur, Charlie Chaplin, véritable icone du XXème siècle.

MUETTE

Les Temps Modernes, Charlie Chaplin, 1936

L’ORDRE PAR LE CHAOS C’est un personnage qui veut provoquer les émotions de ses spectateurs, les faire rire et les faire réfléchir sur la condition humaine.

Les Temps Modernes, Charlie Chaplin, 1936

Le chaos correspond à une idée de désordre, de confusion, de destruction, d’instabilité ou d’obscurité. Les artistes ont mobilisé leurs techniques et leur énergie pour en saisir la beauté, la cruauté, l’horreur, l’étrangeté, la dynamique, la vitalité… Puisant dans la mythologie, dans la guerre, dans les catastrophes, dans l’inconscient, dans leur douleur, dans la puissance de la nature et de son entropie, ils en explorent l’énergie, les formes, les couleurs, les ombres, les mécanismes… Parmi les artistes qui ont abordé l’ordre et le chaos dans l’art, on retrouve Charlie Chaplin, icône du cinéma muet des années 30. Il s’impose comme la figure populaire de l’entre 2 guerres en incarnant Charlot, un vagabond misérable qui fait de lui la première icône comique au monde. Il défie l’ordre de son époque au travers de ses films, qui apparaissent alors comme de véritables satires de la société et des régimes politiques de masses qui s’installent en Europe. Reconnaissable par ses nombreux attributs (son chapeau melon, sa démarche en canard, sa moustache et sa cane), Charlot est un personnage maladroit mais triomphant, qui arrive toujours à se sortir du pétrin. Il est également généreux et justicier, toujours prêt à aider les faibles et à se battre pour corriger les conquérants.

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.. À SON ÉPOQUE

SEUL UN ‘‘ CONTACT AVEC

Charlie Chaplin aborde au travers de ses personnages et de ses films, la dualité entre l’ordre et le chaos présente dans les années 30 : Il illustre les différents bouleversements et préoccupations de l’époque, ainsi que leur conséquences sur la société. De plus, il en fait la satire en jouant un rôle, qui lui ressemble et par lequel il peut se moquer et faire passer un message. Au travers de ses films muets, il utilise un langage universel pour s’adresser à un large public et un registre comique pour parler plus librement de sujets ancrés et sérieux dans le but de créer un décalage.

LE CHAOS PERMET À L’HOMME DE RESPIRER ET DE SORTIR DE LA PRISON DES FORMES

Le personnage, barbier et ancien soldat, est amnésique, ne se souvient pas de la première guerre mondiale et n’a pas confiance en la politique dictatoriale mise en place. Parallèlement le dictateur impose avec force et folie son ordre sur le peuple. Il maintient l’ordre par la violence, au travers d’un grand discours puissant et par la dureté de l’armée. On y retrouve également le chaos, lorsque que le personnage du barbier est envoyé dans un camp de concentration où la mort est fortement présente et la destruction est brutale. A nouveau, le contraste entre l’ordre et le chaos y est bien représenté.

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.. CHEZ CHAPLIN « Les temps modernes », film emblématique de Chaplin, illustre l’arrivée de l’aliénation et du taylorisme dans les usines. Il joue le rôle d’un ouvrier qui resserre des boulons à la chaîne et qui est alors confronté aux conditions difficiles que cela implique. Cette accumulation et cadence infernale entraîneront Chaplin à sombrer dans la folie. Le rythme et les plans utilisés au travers du film, montrent que les machines sont omniprésentes et envahissent les usines pour remplacer les hommes. Les machines fonctionnent grâce à l’ordre et Chaplin vient perturber et mettre le chaos au sein de la machinerie, perturbant le cycle de travail. Il se fera même absorber par l’une d’entre elles dans lequel il découvrira les différents éléments qui la constituent. La machine et l’homme ne forment alors plus qu’un. Elles interrogent, inquiètent, effraient et envahissent le monde. Chaplin illustre alors le chaos engendré avec l’arrivée de la révolution industrielle et des réformes de travail imposées. Ce film montre bien le passage de l’un à l’autre, passant d’un cadre mécanique et répétitif imposé par la machine à celui de la folie dans laquelle sombre le personnage principal. Une autre de ses œuvres, « Le dictateur » illustre bien cette notion. Dans ce film, Chaplin incarne un double rôle : celui d’un barbier et celui d’un dictateur, caricature d’Hitler.

Le Dictateur, Charlie Chaplin, 1940

Mayeul Laroche Joubert, Valentine Rivière, Izia Regouffre, Tom Yvray, Valentin Zlotowski

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DADA Un mouvement prédicateur Né dans les années 20, le mouvement Dada a réussit , en seulement quelques années, à modifier le visage de l’Art du 20éme siècle ... On associe communément à la guerre quelle qu’elle soit, le paradoxe d’une inspiration créative dans de multiples domaines, l’art ne faisant pas exception, bien au contraire. C’est dans ce contexte de déchirement humain que naît le mouvement Dada, vers 1916 en Suisse. Ayant pour objectif la retranscription de l’écœurement que procure le désastre humain de la 1ère guerre, ce mouvement auto-destructeur, qui s’éteindra au fil des années 20 vers 1923 plus précisément, a considérablement inspiré le grand mouvement artistique du « Surréalisme ». Reconnaissable au premier coup d’œil par son style provoquant et son « fouillis organisé », Dada ne se résume pas seulement à une pluralité d’arts mais s’élargit même en mouvement de pensée, en philosophie de vie. Entre dérision, extravagance et provocation, retour sur ce mouvement qui a marqué l’histoire de l’art, et l’histoire en général …

@NoémieCoulon

ŒUVRE L’œuvre originale refusée par la Société des artistes indépendants, a en effet disparue. Immorale, vulgaire, déplacée, inesthétique, l’œuvre, les adjectifs péjoratifs ne manquent pas pour caractériser ce que les experts caractérisent aujourd’hui comme « l’œuvre la plus controversée du 20ème siècle ». Au-delà de l’impact que l’œuvre a pu avoir à sa sortie en 1917, elle est surtout devenue un symbole aujourd’hui de ce qu’est le Dadaïsme et de l’esprit provocateur et décadent du mouvement.

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MARCEL DUCHAMP Le mouvement Dada, peut-être parfaitement représenté par un seul homme : Marcel Duchamp. Étant considéré par beaucoup comme l’artiste le plus important du 20ème siècle, cet artiste a su marquer son époque. Au-delà du chamboulement par des codes artistiques brisés et retournés, c’est surtout son aspect avant-gardiste qui fait de lui l’un des artistes les plus importants du mouvement DADA. On lui doit notamment les prémices du Body-paiting, du ready-made, ou encore du Pop Art. Là ou Michel-Ange ou Picasso ont révolutionné la technique de l’art, Duchamp, lui s’axe plus dans le regard que l’on peut porter sur celui-ci en plaçant le consommateur au centre de tout et non l’œuvre en soi.

CE SONT LES ‘‘ REGARDEURS

QUI FONT LES TABLEAUX

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EMIR SHIRO Le mouvement Dada a inspiré de nombreux artistes. Aujourd’hui grâce aux technologies il suffit d’une idée et d’un ordinateur pour créer une œuvre. Emir Shiro est un artiste et graphiste, il associe des images opposées à travers un collage donnant du sens à son œuvre. Il veut donner vie à des images. Son inspiration est puisée dans la société qui l’entoure. À travers son art, Émir Shiro souhaite provoquer une émotion ; pour cela il utilise surtout le corps de la femme dans son intimité. Les jeux de mots présents dans les titres de ses œuvres sont tout aussi évocateurs que ceux de Marcel Duchamp. En effet, chez dada le titre joue un rôle tout aussi important que l’œuvre.

ABCD, @Raoul Hausmann, 1923-1924 Nina Lipzyc, Noémie Coulon, Vivien Raimann, Vincent Lefebre

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Ordre et chaos : tout oppose ces concepts. L’un ne définit pas l’autre mais ils sont incroyablement complémentaires. L’ordre pourrait être défini comme un ensemble de règles qui établit un système stable. A contrario le chaos peut se définir par une absence totale de structure qui n’est soumise par aucune loi. Ainsi ces notions s’entremêlent, conduisant, à travers le temps, a un concept soumis à de nombreuses interrogations. Investis par l’art, l’ordre et le chaos sont un élément constitutif du tiraillement de l’artiste, de sa vision du monde.

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2020 N°8 sous la direction complice de Benoit Breton

ARBITRAIREMENT NON RETENUES ?

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