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L’homme du mois
Najla Bouden
À62ans, cette parfaite inconnue aété nommée chefedugouvernement en Tunisie. Face àunprésidenttout-puissant, cette ingénieure adenombreux défis àrelever.
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1 Tunisoise
Originaire de Dar Chaabane,dans le nord-estdupays, sonpère, Mohamed, aété professeur d’histoireauprestigieux collège Sadiki puis proviseur du lycéeAlaoui, à Tunis. Najla Bouden estnée et a grandi àRiadh el-Andalous, dans la banlieue de la capitale.
2 Scientifique
Najla Bouden n’ajamais fait de politique.Ingénieuredeformation et professeuredegéologie et de géophysique,elle aquatrefrères et sœurs, tous scientifiques. Salma, l'aînée, estpharmacienne àl’Ariana, unebanlieue de la capitale,Asmaest pédopsychiatre àl’hôpital Razi de Tunis. L’un de ses frères estvétérinaire, et l’autre travaille dans le secteur agricole.
3 Réseau familial
L’hommed’affaires Radhi Meddeb estl’undeses cousins. Diplômé de Polytechnique et de l’École des mines, en France, il afondé en 1987 le groupeComete, spécialisé dans l’ingénierie et présent dans plusieurspaysd’Afriquesubsaharienne et du Maghreb.Volontiers critique sur lespolitiqueséconomiques entreprises dans sonpays, il aune voix quiporte sur cessujets.
4 Cousine de youtubeur
La véritablestardelafamille, c’estson cousin Rabye Bouden. Il commentequotidiennement l’actualitétunisienne sur YouTube. Avec son style direct, il s’estattiréune communautédefans. Il aplus de 600000 abonnéssur le réseau social, et certainesde ses vidéos font desmillionsde vues. Il n’apas manqué de féliciter sa cousine sur lesréseaux sociaux.
5 Discrète
Inconnue du grand public jusqu’à sa nomination, Najla Bouden n’expose riendesavie.Iln’y aque sur Twitter que descomptes àson nom existent depuisquelques mois, maisils ne sont pascertifiésetrestent silencieux.Onsait seulement que la cheffedugouvernement estmariée àKamel Romdhane,unophtalmologue, et adeux enfants.
6 Parisienne
Elle aétudié en partie en France dans lesannées1980.Diplômée de l’École spéciale destravaux publics de Cachan, en 1983,elle aensuite soutenu une thèse àl’École des minesdeParissur la fragmentation desrochesàl’explosif,en1987.
7 Professeure
Comme le président Kaïs Saïed, Najla Bouden estprofesseure. Elle aenseigné àl’École nationale d’ingénieursetaformé de nombreux cadres supérieursdel’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières. Elle estensuite passéeauministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique comme directrice générale de la qualité et chargée de mission de l’ex-ministre ChihedBouden.
8 Technocrate
Sonréseauinternational s’estcréé en 2016lorsqu’elle estdevenue coordonnatrice nationaleduprojet PromESeE, financépar la Banque mondiale.Principal objectif : moderniser l’enseignement supérieuretrenforcer l’employabilitédes jeunes. Elle aalorstravaillé en coordination avec lesuniversités tunisiennesetles bailleursdefonds internationaux.
WA SSIM/MEDIAL YSIMA GES/SIP A JDIDI
9 Première femme
Najla Bouden estlapremière femme àdevenir cheffedugouvernement en Tunisie.Néanmoins, elle n’apas instaurélaparitédans songouvernement :seulsneufdes vingt-cinq postes sont occupés par desfemmes.
10 Urgence
Najla Bouden aété nomméealors que depuisdeuxmoislaTunisie vivait sans chefdugouvernement et toujourssous état d’urgence.
Le président, tout-puissant, lui a fixéplusieurspriorités :lalutte contrelacorruption, la santé, l’éducation, le transport et la dignité.
Camille Lafrance


…Bozizé aofert un second mandat àTouadéra

Anicet-GeorgesDologuélé
JEAN M A R C P AU POURJA
En2020, l'ex-Premier ministre centrafricain pensait pouvoircompter sur le soutien du chef de l'État déchu.Mais leur pacte avolé en éclats, comme le raconte celui qui s'est senti floué.
«C eque je retiens, c’est surtout une immense déception.Àl’occasion de la présidentielle de 2015-2016, déjà, j’avais sollicité le soutien du KwaNaKwa (KNK), la formationdeFrançois Bozizé. Le parti me l’avait accordé, mais pas Bozizéenpersonne, quiavait choisi de soutenirFaustin-Archange Touadéra. Or il étaittrèspopulaire, et sonsoutien comptaitdavantageque celui du KNK. Àlaprésidentiellede 2020,tout le monde adonc voulu se rapprocherdelui…
Bien sûr,Bozizéad’abord essayé de mettrelacoalition de l’opposition àson service,créantdefacto une compétition feutrée entre lui et moi. Puis sa candidatureaété invalidée par la Cour constitutionnelle,ce àquoi nousnous attendionstous. Restait àsavoirqui il allait soutenir.
Là,ila annoncéqu’il était favorableà unecandidatureunique de l’opposition, incarnéepar un leaderqui disposeraitdéjà d’un électorat. C’était monportrait-robot. Bozizém’a donc appelé pour que l’on se rencontre chez lui, àBossangoa.
Le rendez-vous aeulieu le 16 décembre2020. Nous sommes partis très tôtdeBangui. Christian Guénébem, l’un desprincipaux lieutenantsdeBozizé, ouvrait la route. Monconvoisuivait, avec mes affiches de campagne.
Sur place,nous avons attendu Bozizé pendant deux heures,sans savoir pourquoi. L’entretien aduré moins de trenteminutes.Ilm’a dit : “Il yacinq ans, je ne vous avais pas soutenu comme il se devait et je m’en mords lesdoigts. Aujourd’hui, vous faites preuve de constance en sollicitant ànouveau le soutien du KNK. Vous l’avez, ainsi que le mien.”Nous nous sommes juste entendus sur le fait qu’il fallait que cetteententesoit connue des Centrafricains etdiffusée dans les médias. Le lendemain, elle aété rendue publique.Enréalité, cela n’estjamais allé plus loin. On n’a jamais signé de véritableaccord.
Me doutais-jeque cettealliance ne serait pas solide?Sur la routede Bossangoa, on avait croisé, dans les villages,des centainesdejeunes anti-Balakas bardésdefusils artisanaux et d’amulettes de protection. J’avais demandé pourquoi, et Bozizé m’avait réponduqu’ils s’étaient autoconstituéspourassurer sa sécurité.
Quel gigantesque gâchis!Sinotre accord avait étémis en œuvre, nous serions aujourd’hui au pouvoir.
Actes d’intimidation
Quand je suis rentréàBangui et que j’ai entendu parler de la Coalition despatriotespourlechangement [CPC,alliance de rebelles anti-Touadéra], je me suis ditque notreententeétait morte. La CPC a«pourri »macampagne par sa présence dans lesprincipalesvilles de province.Comme j’étais soucieux de la sécuritédemon équipe, je suis prudemment restéàBangui. Cela ne m’apas empêché d’obtenir 31 %des voix au premier tour,score ramené à21% sous la pression du pouvoir, pour permettreàTouadéradese déclarer vainqueur au premier tour.
Au travers desactes d’intimidation de la CPC, Bozizéavait empêché le vote,notamment dans l’Ouham, l’Ouham-Pendé et la Ouaka, où je devais réaliser mesmeilleursscores! Ce sont davantageces actions que l’annonce de sonralliement àlaCPC qui m’ontpénalisé.
Bozizé avait-il conscience qu’il offrait ainsi un second mandat à Touadéra?Ilacru qu’ilretrouverait le pouvoirens’appuyant sur ceux qui l’avaient fait tomber en 2013.Mais la CPCn’a jamais étéen mesuredemarcher sur Bangui… Finalement, ce fut un gigantesque gâchis. Si notreaccordavait étémis en œuvre, nousserions au pouvoir. Aujourd’hui, on repart de zéro.»
Propos recueillis par Mathieu Olivier

