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L’actu vue par
Joël Té-Léssia Assoko
Rédacteur en chef adjoint à JeuneAfrique Dérapages contrôlés
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« L es imbéciles, ça existe. Regardez autour de vous. »Ainsi débutait un document de recherche non publié de LarrySummers. L’anguleux macroéconomiste américain, futur secrétaireau Trésor,y contestait dans les années 1980 «l’hypothèse des marchésfinanciers efficients». Selon cettethéorie,les prix des actifs boursiersreflétaient exactement l’ensemble desinformations disponibles, ce qui rendait inconcevablesbullesetautres folies boursières.Elle fut populaire jusqu’à…lacrise financièrede 2007-09.La«loi de Summers» compte deux corollaires.Le premier estqu’il vaut mieux contrôler ses propresdérapages, comme le prouve le choix in fine de ne jamais publier l’article en question. Lespourfendeursde«la servitude monétaire»pourraient s’en inspirer.Ledeuxième,plus important, estqu’il faut se méfier des«lois économiques».Nul ne sait comment «développer » un pays. Ni le FMI, ni le pape, ni votrealtermondialiste préféré. Plusieurs« recettes »– souvent du pur bonsens–fonctionnent quand desconstructions très cérébralesfont pschitt!Le laisser-faireproduit parfois des miracles. L’interventionnisme compte sa cohorte de champions économiques.
Le gouvernement du président Alassane Ouattara laisse les banquierslibres de ventiler les financements vers lessecteurs qu’ils jugent rentables. Entre 2010 et 2020,l’encours de crédit desbanquescommerciales acrû de 390 %enCôted’Ivoire. Au Maroc, le roiMohammed VI a impulsél’expansion desbanques chérifiennesausud du Sahara. Lestrois principaux établissements marocains (Attijariwafa Bank,BMCE Bank of Africa et BCP) tirentdésormais entre 25 %
et 40 %deleurs revenus de leurs filialessubsahariennes. Laquelle desdeux «méthodes »est la meilleure? Laisserune administration publique,incapable au demeurantdegarantir des horaires de busfiables, déciderde tout dansune économie n’estque folie.Déclarer l’État ennemi tout en se réfugiantderrière lesforces de l’ordrepoursécuriserson patrimoine estl’attitude d’une canaille. Au-delà de cesprincipes de base,chaque chapelledepensée économique compte sessaints, ses hérétiquesetses bouffons.
Chaque chapelle de pensée économique compte sessaints, seshérétiques et sesbouffons.
Arrogance zélée des censeurs
Ce qui estvraipour le développement économique générall’est aussi pour desphénomènessousjacents. Ainsi en est-il de l’inflation, croquemitaine ressuscitédes années Nixon. Unelargevague d’appréhension émergedepuis quelquesmois au sujet d’un nouveaudérapageincontrôlé de l’inflation. «Les prix nominaux desdenrées alimentaires dans le monde ont augmentédeplus de40% depuis le début de la pandémie », avertit l’édition d’octobredes «Perspectivesde l’économie mondiale »du FMI. Faut-il pour autant paniquer et crier au loup de l’hyperinflation, quand leschaînescommerciales et industriellesmondialesse remettentdequinzemoisde «disruption »dus au Covid-19? N’est-il pas plus probable qu’il ne s’agisse que d’un dérapagetemporairedel’offre et de la demande?
Il yadouze ans,deWashington àlaBoursedeLondres,del’OCDE àlaBanque desrèglements internationaux (BRI), un chœur d’économistes et de financiers orthodoxes,comme sortis du livre de Jérémie,a dénoncéavecune rare virulence «les conséquences inflationnistes»des stimuli fiscaux adoptésenréponse àla crisefinancière. Des analyses fondéessur une «corrélation historique»entre déficitspublics prolongés et hausse incontrôlée desprix. L’inflation préditene s’estjamaismanifestée.Mais l’arrogancezéléedes censeurs suffitàjustifierl’austérité budgétairequi n’afait que prolonger le sous-emploi et la récessionà travers le monde.Etvoilà queça recommence. Mamma Mia!