D Festival 6 // Rushing Stillness // Marielle Morales

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Marielle Morales 31.05.16 > 2.06.16 20:00 - Marni (SALLE) 60’ Chorégraphie Marielle Morales En collaboration avec les danseurs Marvin Clerch, Marielle Morales et Agathe Thevenot Création lumière Marc Lhommel Création son Michiel Soete Scénographie Arnaud Meuleman Regard extérieur Antia Diaz

Une coproduction des Brigittines, du Théâtre Marni, de la Fédération WallonieBruxelles - service de la danse, du CDC de Toulouse-Midi-Pyrénées

Andrea Macchia

Rushing Stillness


A l’heure où les hommes accélèrent leur course, dénaturent leur environnement, domestiquent et tentent de contrôler chaque parcelle d’existence, il semble rester peu de place à la contemplation et aux processus organiques. Rushing Stillness est une chorégraphie pour des interprètes issus de deux générations (Marielle Morales, Marvin Clerch et Agathe Thevenot) qui « partent à la rescousse» de l’idée de la durée, cet espace-mouvement du Temps. Entre réalité, distorsion, humour et étrangeté, Rushing Stillness crée des outils scéniques pour déjouer nos perceptions du temps et nous proposer une expérience de la temporalité et de ses mécanismes de transformation à travers l’espace, le corps et le geste. Une pièce chorégraphique qui crée des outils scéniques afin de jouer et se déjouer de la perception de la durée, ce mouvement duTemps (ou temporalité)… Une expérience physique pour le spectateur…un trompe l’œil permanent qui nous perd et se matérialise sous des formes singulières et surprenantes, entre réalité, distorsion, humour et étrangeté. Une étude sur les temporalités et leur mécanisme de transformation à travers le corps, l‘espace et le geste.

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Entretien avec Marielle Morales Nous avons constaté que, dans les spectacles programmés pour cette édition du D Festival, la dimension politique de l’art vivant est plus présente que jamais. Comment vous situezvous en tant qu’artistes et chorégraphes par rapport à cette dimension politique ? Comment l’abordes-tu dans ta pratique (et dans ce spectacle en particulier si ça te paraît pertinent) ? Bien sûr, La dimension politique de l’art vivant est incontestable. Derrière une création, il y a une réflexion, une idée, une réaction organique, une observation du monde … et a surgi le besoin de dire, sublimer, reproduire, utiliser son regard d’artiste. En ce sens, la performance ou les happenings peuvent être de véritables déclencheurs de réflexion. Qu’il s’agisse de dénoncer, critiquer, ou donner à voir , contempler, l’artiste communique, et, est déjà dans une action contestataire, dans son référant. C’est le ou les médiums choisis qui en feront une oeuvre artistique. Non le contenu. L’artiste reste (espérons pour longtemps) celui qui peut dénoncer, observer le monde et en transcender les aspects les plus négatifs mais aussi les positifs, les donner à voir selon son prisme. Même si cela n’est pas dramaturgisé, il y a toujours un axe critique. Il semblerait effectivement que les masses soient devenues plutôt paresseuses, au vu des moyens mis en place pour leur confort, et rechignent à réagir en face de situations urgentes telles que la faim dans le monde, la solidarité ou les catastrophes environnementales vers lesquelles nous nous dirigeons. En tant qu’artiste, tout comme en tant que personne, je réagis, mais ne fais pas explicitement de discours politique. J’utilise plutôt le langage symbolique, plus inconscient car il s’agit toucher le public de façon sensorielle et non intellectuelle, de manière transversale et non frontale et immédiate. En effet, il me semble que nous sommes déjà sur-informés

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et harcelés intellectuellement. C’est pourquoi, mon travail est principalement basé, dans sa méthodologie, sur la recherche et la construction de «couches», de strates, qui viennent se déposer dans les corps des interprètes, tout comme les strates qui se construisent dans le regard du public. Nous tentons un dialogue avec les interstices de l’imaginaire, pour redonner sa place au voyage ouvert, et surtout un espace où chacun peut s’emparer de la performance et la faire sienne. Le public sent plus, que ce qui est vu car il n’y a pas de sens littéral à priori. Nous nous adressons aux sens. Ceux-là mêmes qui nous caractérisent à tous et sont universels à la fois. La suggestion ou l’induction me paraissent, notamment à travers l’image, avoir un autre type de résonance intérieure. En ce sens, Rushing Stillness donne à voir, pose le spectateur en témoin et non en voyeur dont on essaierait d’activer la réaction. Rushing Stillness parcourt surtout la cohabitation avec une planète qui hurle de douleur et se métamorphose implacablement, et nous connecte au processus du temps, la durée, ce défilement continu, alerte et inaperçu dans nos sociétés, cette danse du temps. Notre objectif est d’habiter le temps. Le temps d’un spectacle. Le spectateur a la possibilité de s’installer dans le processus de SON temps, sur le moment. Il voit et se voit. C’est déjà pour moi un un acte politique face à l’accélération frénétique que connaissent les sociétés, que de poser ce regard et amener à une forme de contemplation. Luxe absolu de nos jours. «Il me semble que l’une des fonctions

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principales de l’engagement artistique est de repousser les limites de ce qui peut être fait et de montrer aux autres que l’art ne consiste pas seulement en la fabrication d’objets à placer dans des galeries: qu’il peut exister, avec ce qui est situé en dehors de la galerie, un rapport artistique qu’il est précieux d’explorer». (Dennis Oppenheim). Lors de la précédente édition du D festival, vous avez présenté le solo « Espiritu I » qui ouvrait ce cycle de pièces chorégraphiques sur le Temps. L’intergénérationnel est un motif récurrent sur les scènes contemporaines. Est-ce un trait de notre époque ou une réalité plus personnelle liée à la maturité ? Explorer les temporalités, c’est aussi tenir compte du temps culturel de chacun . Il me semblait intéressant de confronter les ressentis des interprètes quant à la durée, à la sensation du «mouvement» du temps, selon leur âge. Les différentes générations parlent avec des corps et des histoires différentes. La maturité a son mot à dire et de nos jours nombreux sont les interprètes de 40 ou 60 ans. Tous les corps et les êtres ont à dire. Et cela a à voir avec l’image. La danse, en tant qu’images en mouvement, est un médium avant tout visuel et émotionnel, qui offre une des meilleures plateformes à l’étude de l’image et son rapport avec le temps. Comment ce processus introspectif se traduit-il en mouvements ? Nous avons cherché une nature de mouvement, une qualité et un état en constante transformation. Le sens littéral a été gommé, poli et dénaturé par les diverses strates que nous avons traversées et est simplement venu se déposer dans un fond subliminal. Nous avons travaillé avec les traces, ce qui reste, les empreintes.Tout en dépliant nos mouvements, nous

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sculptons le temps et jouons avec l’oeil du spectateur. Le moteur des interprètes est une cartographie établie pour chaque corps, des chemins qui traversent les volumes du corps et la répétition de ces chemins durant toute la performance. De là naît une manière singulière de se déplacer, de se mouvoir et de rencontrer les autres dans l’espace, Ainsi tissés, les mouvements les plus quotidiens semblent dénaturés, filtrés, étranges et surréalistes. La cartographie corporelle nous permet de transformer la durée des mouvements, gestes et intentions car les moteurs ne sont plus ceux que l’on utilise habituellement. Grâce à ces outils, se révèle un mouvement du Temps devenu matière, intense et palpable, comme un Présent de forme ronde et irradiante, opposée à l’intention linéaire qu’en a fait l’homme des calendriers. La durée est intensifiée, sublimée et s’ancre plus que jamais dans le présent. Chaque point du parcours de la durée ou du processus prend une importance capitale et peut se vêtir de langage symbolique. Plus de début, plus de fin… un simple chemin hallucinatoire infini et presque irréel se dessine devant le spectateur durant toute la performance.

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