La peau de l'ombre Karine Ponties / Dame de Pic Mardi 6 > Jeudi 8 Juin • 20:00 Quatre pieds, deux têtes ; au centre deux corps confondus, déséquilibres qui parcourent leurs distances intérieures pour se gagner l’un l’autre, dans un perpétuel besoin de chavirer hors de soi. La peau de l’ombre est une plongée dans l’intimité fusionnelle d’un parasite et son hôte, entre ressemblance et dissemblance. Un corps-à-corps entre équilibre et dévoration. De ce dialogue absurde et tragique, chacun surgit de l’autre, y trouve l’accord. Chorégraphie Karine Ponties / Interprètes Anne-Charlotte Couillaud & Shantala Pèpe / Collaboration artistique et éclairages Guillaume Toussaint Fromentin / Musique originale David Monceau / Costumes Laurence Hermant / Production Dame de Pic/Cie Karine Ponties - Coproduction Théâtre Marni dans le cadre du D-Festival / Avec le soutien de Charleroi Danses et de Carthago Delenda Est
Photo © Andrea Messana / Inoutput
Création danse
Quelles sont vos influences, qu’est-ce qui vous inspire? Karine : Mes sources d’inspirations viennent rarement de la danse mais plutôt du dessin, de films d’animations, de films, de poésie de romans… Je suis sensible a des artistes comme Jan Svankmayer, Eidrigevicius,le cinéma des frères Quay, Youri Norstein, Alexandre Petrov, Stefan Zsaitsits, Thierry Van Hasselt, Stefano Ricci, Beatrice Alemagna, les dessins de Vladimir Kokolia, les films de Guy Maddin, la poésie de Roberto Juarroz, Gerrassim Luca, Novarina… C’est d’abord intuitif, j’ai trébuché sur ces œuvres qui contiennent des plis, de l’extraordinaire et de l’extravagance, parfois un travail d’orfèvrerie, un travail artisanal et beaucoup de secrets dans lesquels on se love ou on s’attarde. Des oeuvres d’une légèreté apparente mais qui appellent l’œil, le regard, qui interrogent, attirent, parce qu’à l’intérieur se cachent des histoires, des personnages, des reliefs, des pensées, des associations d’éléments qui amènent à penser – des secrets, des anamorphoses, des visages, des formes insoupçonnées - et s’y perdre. Elles sont présentes en moi et je ne sais pas exactement comment cela ressort dans la création, des fois c’est juste un détail. Je laisse venir les questions, les impressions même parfois troubles et elles se retrouvent quelque part dans le processus de création, parfois malgré moi. On retrouve dans cette nouvelle création l’univers qui vous est propre : votre sens de l’absurde, l’exploration de l’intimité, de l’organique et des relations humaines. Karine : Ce duo est en effet dans une suite logique de mon travail, où, de pièce en pièce, je ne cesse de donner de nouvelles formes à un questionnement aigu et inépuisé du monde. Selon moi, c’est dans la matière même que se trouve quelque chose que l’on cherche sans savoir exactement de quoi il s’agit. Une matière d’autant plus riche qu’elle est composite, stratifiée, saturée en somme de mille possibilités. Il s’agit de se mettre à l’écoute de cette voix qui parle secrètement dans la matière, et lui frayer la voie sur le corps en métamorphose perpétuelle. Traduire en jouant, en jouant avec les langues, en cherchant un rythme organique et en essayant de faire tomber les frontières à l’intérieur de soi, pour explorer l’univers du territoire de l’entre-deux, sans jamais fixer le sens, restant ouvert à chaque imaginaire, fuyant, fragile. Passionnément et détaché, en suspens, en suspension, envahi par le doute, toujours en questionnant plus fortement le fait d’être sur scène. Creuser en profondeur une inadaptation au réel dans une sincérité du corps. Ce que le corps peut pour nous, entre la joie de l’égarement et cet inconnu que nous avons derrière la tête. Un perpetuel devenir agissant, un arpenteur qui prend la mesure du monde dans l’éternelle fuite en avant où il se mesure à lui. Accrocher le rythme du monde, se laisser emporter dans ce flux et porter en nous une espèce de danse intérieure, de nos désaccords avec nous-mêmes.
L’improvisation fait partie intégrante de votre processus créatif. Quelle part laissez-vous aux propositions de vos interprètes ? Karine : Je travaille de manière exhaustive, sur base d’improvisations dirigées en gardant une trace systématique sur support vidéo, en supplément des notes de travail. Cette recherche nécessite du temps et un dialogue entre tous ceux qui acceptent de s’y investir. C’est une manière très brute de créer par le labeur, d’une certaine difficulté, sur l’endurance, parce que la matière à dégrossir est souvent en oppositions, contradictoire. Dans cette matière aux antipodes, mon but est de débusquer chez les opposés des liens possibles. Comme un chercheur, un alchimiste qui trouve l’accord d’un infime mélange de substances instables. Il faut ensuite que les interprètes réapprennent ce qui est sorti dans ces improvisations dirigées qui sont très longues et où arrive le moment où le corps lâche prise, ce moment de grâce. Dans la faiblesse et le lâcher prise quelque chose arrive de tout à fait sincère. Je cherche dans cette écriture un langage qui réunit les contradictions et les mouvements d’incohérence de l’être lui-même. Le travail de création est pour moi un travail de partage, de collaboration. Parce que sur un plateau, c’est un assemblage, un enchâssement, une combinaison de compétences qui créent la singularité. Créer ensemble c’est raffiner un matériau brut profiter du fait d’être ensemble pour aiguiser la matière, avoir plusieurs angles de vue sur une chose, et d’échanger nos similitudes bien sûr, mais surtout mettre à profit nos différences. Le rapport entre mouvement, son, lumière, scénographie sont encore trop souvent pyramidaux. C’est l’inverse que nous cherchons. Les dimensions lumineuse et sonore occupent une place aussi fondamentale sur scène que celle des corps. C’est pour cela que j’ai besoin de la convoquer dès le début de la création. Guillaume Toussaint Fromentin, qui m’accompagne dans la création à la dramaturgie et aux lumières, assiste et nourrit les improvisations. Il suit le processus d’écriture de la chorégraphie et quand il construit la lumière je réagis aussi à ses propositions. C’est un aller-retour constant entre nous deux, assez organique et intuitif. Il en va de même avec David Monceau qui compose la musique. Quelle est votre démarche ? Que cherchez-vous à véhiculer ? Karine : Par l’écriture qui se développe au fil des pièces, je cherche à exprimer la vie du corps dans sa fragmentation, l’énigme d’un corps à corps, et toutes ces petites variations qui font qu’un être nous paraît toujours extraordinaire. Ma recherche s’articule autour de la traduction. Traduire, réécrire, non pas nous dans le monde, mais le monde en nous, comme des êtres vivants parmi d’autres êtres vivants. Une traduction comme médiation entre la pluralité des cultures et l’unité de l’humain. L’essence de la traduction est d’être ouverture-dialogue-métissage-décentrement. Traduire donc, et proposer une écriture, un langage qui part du corps dans lequel il y a plusieurs langues car il n’y a pas qu’un seul désir. La danse n’est pas un but en soi pour moi, d’un point de vue esthétique ou formel, elle est plus un moyen pour que le corps soit une expérience à mener, pour éprouver ses limites, ses identité(s) et ses devenirs. Il ne suffit pas de donner à voir. Il s’agit de donner à créer, à se re-créer. damedepic.be
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