Piergiorgio Milano Danse acrobatique somnambule 7 > 9.06 – 19:00 Marni LABO Forme courte 25’ Soirée composée avec Isaac y Diola 20:00 SALLE
Direction, création, interprétation Piergiorgio Milano Regard extérieur Florent Hamon Dramaturgie Elsa Dourdet Supervision Claudio Stellato Spectacle lauréat du prix Equilibrio 2015, Auditorium parco della Musica Rome Première de la version longue en mars 2017 aux Halles de Schaerbeek
© Manuela Giusto
Pesadilla
Un homme commun, perdu dans ses rêves, dans l’insuccès constant de ses tentatives de rester éveillé. Une victime dont le quotidien narcoleptique ne peut que basculer dans un univers absurde. Il rencontre toutes sortes de contradictions de la vie moderne comme la vitesse et les accélérations en rupture avec nos rythmes intérieurs ; des métaphores visuelles traduisant son stress le traversent. Il subit les impertinences technologiques et la frénésie urbaine. Aux croisements du burlesque et de l’étrange, Pesadilla associe humour noir et mélancolie en racontant la fragilité d’un homme partagé entre un rêve les yeux ouverts et une vie les yeux fermés.
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Entretien avec Piergiorgio Milano Nous avons constaté que, dans les spectacles programmés pour cette édition du D Festival, la dimension politique de l’art vivant est plus présente que jamais. Comment te situes-tu en tant qu’artiste et chorégraphe par rapport à ça ? Comment l’abordes-tu dans ta pratique et dans Pesadilla en particulier ? Je dirais que je me situe davantage dans une démarche de conscientisation vis- à-vis du mode de vie de la société occidentale d’aujourd’hui. Dans Pesadilla, je parle de la pression quotidienne du monde du travail et du besoin de plus en plus grand de décompenser, récupérer. Nous passons un tiers de notre vie à dormir, en moyenne, dès lors, je me demande qui de la réalité ou des rêves qui a la plus grande emprise sur nous? Comment se satisfaire d’une condition qui ne nous permet pas d’être ce que l’on desire ? La pièce parle de la fatigue quotidienne, cette « fatigue d’être soi » qui nous habite et nous écrase parfois: inhibition, insomnie, anxiété, indécision… Elle l’altère et distord notre sommeil, troublant et démultipliant nos personnalités. Il nous faudrait alors rassembler une énergie considérable pour exister simplement, en dehors des responsabilités et des initiatives que nos sociétés contemporaines nous imposent. Dans cet espace-temps suspendu, à la frontière de l’éveil et du sommeil, j’invite l’humour grinçant et la mélancolie, l’étrange et le burlesque à se rencontrer. Comme « Laisse ! » d’Alexis Rouvre et Tiziano Lavoratornovi qui ouvrira le festival, Pesadilla représente une fenêtre vers le cirque dans la programmation contemporaine du D Festival.
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Qu’est-ce qui vous différencie votre travail de celui des autres chorégraphes tels que Maria Clara Villa Lobos, Marielle Morales, Mauro Paccagnella? Comment en tant que chorégraphe et interprète, conjuguez-vous le cirque et la danse dont les frontières sont de plus en plus poreuses? Il est vrai que Pesadilla sort du cadre conventionnel de la danse contemporaine, qu’on associe à une certaine esthétique. J’emmène mon bagage de circassien contemporain et y ajoute des accointances avec l’univers du clown. Physiquement, sur scène, ça se traduit par la roulade, glissade, remontée en arche, chutes, ligne, densité, forme, acrobatie, fulgurance, ralenti, reverse, suspension, animalité féroce ou drôle, geste, équilibre, descente au sol, accident, rebondissement,... Le vocabulaire du spectacle et son ensemble sont composés dans une continuité du cirque avec la danse et le théâtre comme le souligne par le jury du prix Equilibrio : “Nous avons constaté dans Piergiorgio la capacité à inventer de multiples chemins narratifs au service d’une idée inspirée par la vie quotidienne, peuvent être d’intérêt pour tous les publics. Nous avons apprécié sa capacité à utiliser une liberté de geste sur la frontière entre les différentes techniques chorégraphiques et du cirque. ” Je cherche à explorer et à assouplir la frontière entre le geste théâtral, la danse et l’acrobatie. Les silhouettes de dessin animés sont pour moi une grand source d’inspiration: j’aime leur capacité à se transformer, la possibilité d’un corps partagé entre une explosivité sans limite et un plasticité de la forme, au-
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delà du naturel. Le solo travaille autour de la question: Comment habiter le mouvement en passant par les extrêmes pour y générer des ruptures, qui libèrent de la tension et suscitent le rire. Les intentions théâtrales apparaissent dans des changements d’états et d’énergies, de direction, incarnés dans un corp en pauses et en accélérations. Aux gestes du quotidien s’opposent l’état intérieur du personnage. « Se perdre chez soi, marcher en rond, tomber les pieds par terre », je choisis d’exprimer cela par un travail de recherche au sol très sportif. J’aime revisiter le clown par le prisme de la danse. Tout est mouvement et le résultat d’un chemin intérieur dans l’espace mental du personnage et dans sa dynamique dans le temps. Je m’attache à trouver un langage théâtralement compréhensible sans perdre la beauté que le geste dansé est capable de transmettre. L’erreur, le vide, questionne ici non pas, le rapport du personnage et du public, mais le rapport entre le personnage et sa propre vie. Dans ce monde, nous sommes tous des clowns. Nous avons tous un public imaginaire qui nous regarde.
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