D Festival 7 : Entretien [Marielle Morales]

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Rushing Stillness

Marielle Morales / Mala Hierba Mercredi 7 juin • 20:30 À l’heure où les hommes accélèrent leur course, dénaturent leur environnement, domestiquent et tentent de contrôler chaque parcelle d’existence, il semble rester peu de place à la contemplation et aux processus organiques. « Rushing Stillness » est une chorégraphie qui explore l’idée de la durée, cet espace-mouvement du Temps. Entre réalité, distorsion, humour et étrangeté, « Rushing Stillness » crée des outils scéniques pour déjouer nos perceptions du temps et nous proposer une expérience de la temporalité et de ses mécanismes de transformation à travers l’espace, le corps et le geste. Chorégraphie Marielle Morales / Interprétation Louis-Clément Dacosta, Marielle Morales, Agathe Thevenot / Lumières Marc Lhommel / Son Michiel Soete / Scénographie Arnaud Meuleman / Coproduction Les Brigittines, Théâtre Marni, Fédération Wallonie-Bruxelles - Service de la Danse, CDC de Toulouse - Midi-Pyrénées / Avec le soutien de CDC du Val de Marne, La Briqueterie, CDC Lille Roubaix, le Gymnase,TAKT Dommelhof, Mosaico Danza/festival

Photo © Sara Sampelayo

Danse


Peux-tu nous parler un peu de ce projet ? Comment et d’où est-il né ? Comment envisages-tu le rapport au public dans ce projet ? Marielle : Il me semble que nous sommes sur-informés et harcelés intellectuellement dans notre vie quotidienne aujourd’hui. C’est pourquoi mon travail est principalement basé, dans sa méthodologie, sur la recherche et la construction de «couches», de strates, qui viennent se déposer dans les corps des interprètes, tout comme les strates qui se construisent dans le regard du public. Nous tentons un dialogue avec les interstices de l’imaginaire, pour redonner sa place au voyage ouvert, et surtout un espace où chacun peut s’emparer de la performance et la faire sienne. Il n’y a aucune tentative en force de faire réfléchir le spectateur, ou de lui montrer un angle de vue qui pourrait provoquer une culpabilité. Au contraire, la poésie permet à chacun de s’emparer de son interprétation. Aucune morale. Mais une éthique forte sous-jacente. La ressentir est déjà un pas dans le processus réactionnel. Rushing Stillness offre une vision entre des êtres « migrants » et leur cohabitation avec une planète qui hurle de douleur et se métamorphose implacablement, ce qui nous connecte au processus du temps, la durée, ce défilement continu, alerte et inaperçu dans nos sociétés, cette danse du temps. Notre objectif est d’habiter le temps. Le temps d’un spectacle. Le spectateur a la possibilité de s’installer dans le processus de SON temps, sur le moment. Il voit et se voit. Le public sent plus que ce qui est vu car il n’y a pas de sens littéral a priori. Nous nous adressons aux sens. Ceux-là mêmes qui nous caractérisent à tous et sont universels à la fois. La suggestion ou l’induction me paraissent, notamment à travers l’image, avoir un autre type de résonance intérieure. En ce sens, Rushing Stillness donne à voir, pose le spectateur en témoin et non en voyeur dont on essaierait d’activer la réaction. Ton solo « Espiritu I », présenté il y a deux ans au D Festival, ouvrait ce cycle de pièces chorégraphiques sur le Temps. L’intergénérationnel est un motif récurrent sur les scènes contemporaines. Est-ce un trait de notre époque ou une réalité plus personnelle liée à la maturité ? Marielle : Explorer les temporalités, c’est aussi tenir compte du temps culturel de chacun. Il me semblait intéressant de confronter les ressentis des interprètes quant à la durée, à la sensation du «mouvement» du temps, selon leur âge. Les différentes générations parlent avec des corps et des histoires différentes. La maturité a son mot à dire et de nos jours nombreux sont les interprètes de 40 ou 60 ans. Tous les corps et les êtres ont à dire. Et cela a à voir avec l’image. La danse, en tant qu’images en mouvement, est un médium avant tout visuel et émotionnel, qui offre une des meilleures plateformes à l’étude de l’image et son rapport avec le temps.


Comment ce processus introspectif se traduit-il en mouvements ? Marielle : Nous avons cherché une nature de mouvement, une qualité et un état en constante transformation. Le sens littéral a été gommé, poli et dénaturé par les diverses strates que nous avons traversées et est simplement venu se déposer dans un fond subliminal. Nous avons travaillé avec les traces, ce qui reste, les empreintes. Tout en dépliant nos mouvements, nous sculptons le temps et jouons avec l’oeil du spectateur. Le moteur des interprètes est une cartographie établie pour chaque corps, des chemins qui traversent les volumes du corps et la répétition de ces chemins durant toute la performance. De là naît une manière singulière de se déplacer, de se mouvoir et de rencontrer les autres dans l’espace, Ainsi tissés, les mouvements les plus quotidiens semblent dénaturés, étranges et surréalistes. La cartographie corporelle nous permet de transformer la durée des mouvements, gestes et intentions car les moteurs ne sont plus ceux que l’on utilise habituellement. Grâce à ces outils, se révèle un mouvement du Temps devenu matière, intense et palpable, comme un Présent de forme ronde et irradiante, opposée à l’intention linéaire qu’en a fait l’homme des calendriers. La durée est intensifiée, sublimée et s’ancre plus que jamais dans le présent. Chaque point du parcours de la durée ou du processus prend une importance capitale et peut se vêtir de langage symbolique. Plus de début, plus de fin... un simple chemin hallucinatoire infini et presque irréel se dessine devant le spectateur durant toute la performance.

Meilleur spectacle de danse 2015-2016 par les Prix de la Critique mariellemorales.com


theatremarni.com

lestanneurs.be

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senghor.be


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