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La Responsabilité Sociale des Entreprises : les aspects relatifs au travail
Réseau Pacte Mondial Maroc
Les Expertises CGEM
Digest
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Dans le contexte de la mondialisation, la RSE est un des leviers ayant pour ambition de promouvoir l’éthique dans le libre échange et prévenir que la compétition économique ne s’exacerbe au prix d’une surexploitation effrénée des travailleurs et des ressources naturelles. Mais au-delà de cette conjoncture, elle traduit la nécessité pour les entreprises de renforcer l’écoute de leurs clientèles et de partager avec la société, l’aspiration à mettre l’activité économique au service du progrès humain. L’émergence et le renforcement actuel de la prise de conscience de la nécessité d’adopter la RSE comme démarche managériale stratégique semble favorisé par la tendance à l’uniformité des modes de consommation dans une économie globalisée et par la vocation des valeurs universelles à servir de standards éthiques à mesure que se modifie le rôle régulateur des États dans les échanges internationaux.
RSE S Désormais, le simple respect de leurs obligations légales par les entreprises ne suffit plus à rassurer les citoyens/consommateurs. Ils attendent souvent de l’organisation économique qu’elle leur garantisse, non seulement les meilleurs produits, aux meilleurs prix, mais aussi que leur processus de fabrication soit intégralement respectueux de la dignité de la personne et du milieu naturel.
Les entreprises sont tenues de rendre compte de leur conduite à cet égard, tant à leurs parties prenantes qu’à l’opinion publique. Le challenge qu’elles doivent relever ainsi est à la mesure de l’opinion qu’on se fait de leur rôle dans l’évolution contemporaine. Il n’est pas surprenant alors, que l’exigence d’un comportement éthique des entreprises ait pris naissance d’abord en relation avec les activités des sociétés multinationales, pour atteindre ensuite leurs sous-traitants et s’étendre inéluctablement bien au-delà de la sphère de l’économie.
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RSE avail vail La dynamique des réformes économiques, politiques et sociales qui anime notre pays ne pouvait pas manquer de s’en imprégner. Notre organisation avait, d’ailleurs, exprimé auparavant son engagement sur des questions de même nature, en faisant la promotion de l’éthique des affaires et de l’entreprise citoyenne.
Parallèlement à sa participation active au projet « Développement durable grâce au pacte mondial » à partir de 2005 sous les auspices du BIT, avec plusieurs partenaires, la CGEM s’est dotée d’une Charte de responsabilité sociale puis d’un Label RSE. Elle a également adhéré au Pacte Mondial des Nations Unies, affichant ainsi, tant au plan national qu’international, la volonté de ses membres de partager et de promouvoir les valeurs fondamentales en matière de rapports de travail, de droits humains, de protection de l’environnement et de lutte contre la corruption.
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Label CGEM Nous sommes convaincus que la souscription des entreprises marocaines à cette politique renforce leur mise à niveau et accroît leur compétitivité. Elle constitue aussi une condition essentielle pour améliorer l’attractivité des territoires et encourager l’investissement direct étranger dans un contexte mondial de délocalisations constantes. Elle est également de nature à contribuer efficacement au développement humain et à la lutte contre la précarité et la pauvreté. Sans nul doute, sa réussite repose essentiellement sur une implication accrue et soutenue des PME qui forment le maillage principal de notre économie. Beaucoup parmi elles s’y sont déjà engagées et fournissent des efforts remarquables pour progresser sur cette voie, malgré leurs multiples préoccupations. Mais les résultats, en termes d’efficacité
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et de pérennisation de leur activité, qu’elles en escomptent, sont la clef de leur succès et du développement harmonieux de notre pays.
C’est pour leur rendre hommage et accompagner l’intégration des valeurs de la RSE dans les entreprises que le présent guide a été conçu. Il est consacré principalement aux aspects de la RSE relatifs au travail, à l’instar du classeur pour la formation des formateurs qui a été élaboré dans le cadre du projet précité « Développement durable grâce au pacte mondial » et auquel il emprunte la plupart des recommandations. Sa rédaction a été confiée au professeur Rachid Filali Meknassi qui a assuré la coordination nationale de ce projet jusqu’à 2008.
RSE S Le chapitre introductif présente l’évolution du concept RSE, ses instruments normatifs, ses méthodes ainsi que son évolution actuelle tant au Maroc qu’à l’étranger. Les chapitres suivants traitent des conditions de sa mise en oeuvre au sein des entreprises. Ils s’attachent tous à présenter les normes internationales, à commenter les dispositions pertinentes du Code du travail et à dégager les pistes de progrès. En commençant par le dialogue social, ce guide traite de l’égalité et de la non discrimination, de l’éradication du travail forcé, de l’élimination du travail des enfants, du renforcement de la santé au travail ainsi que de la promotion de la formation.
L’intérêt que présente ce guide dépasse la sphère de la responsabilité sociale ‘’stricto sensu’’ et invite tous ceux qui sont interpellés par le développement des ressources humaines à en faire le meilleur usage possible. Abdelmalek KETTANI Président - Commission Label
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RSE avail vail Sommaire Edito
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Introduction à la RSE
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I. Génèse et aboutissements actuel de la RSE II. Mise en œuvre de la RSE III. Les supports normatifs de la RSE
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Le dialogue social
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I. Le cadre légal des rapports collectifs de travail II. La consolidation du dialogue social par des partenariats durables
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L’éradication du travail forcé et du travail des enfants
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I. L’éradication du travail forcé II. L’élimination du travail des enfants
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L’égalité et la non discrimination au travail
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I. Signification du principe de non discrimination II. Le concept de travail de valeur égale III. Les multiples manifestations de la discrimination IV. Intérêts à valoriser la diversité dans les lieux du travail V. Les ressorts de l’égalité de chance dans l’emploi et la profession VI. La promotion de l’égalité par l’entreprise
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La santé au travail
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I. Définition de la santé et de la sécurité au travail II. Une responsabilité collective, organisée autour de l’entreprise III. Les normes internationales IV. Les prescriptions du Code du travail V. Les voies de la promotion de la sécurité et de la santé au travail
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Formation et développement des compétences
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I. Les normes internationales II. Le cadre institutionnel national III. Les voies de l’investissement dans le capital humain
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La « responsabilité sociale de l’entreprise » exprime l’engagement de ses dirigeants à intégrer dans son fonctionnement régulier les préoccupations afférentes aux valeurs universelles fondamentales, aux ressources humaines et aux intérêts de ses différentes parties prenantes. Une entreprise socialement responsable est celle qui s’oblige, au-delà de ses obligations légales, à considérer de manière systématique les différents intérêts qui sont affectés par son fonctionnement afin d’obtenir le meilleur impact de ses activités sur ses travailleurs, ses partenaires et sur le développement durable, de manière générale. La vocation commerciale de l’entreprise ne s’en trouve point modifiée. Elle est néanmoins assujettie aux finalités sociétales qu’elle cherche à donner à son oeuvre. La notion de RSE comme la conception de l’entreprenariat qu’elle véhicule sont connues depuis les années cinquante. Elles rencontrent, cependant, dans le contexte de la globalisation, un succès fulgurant qui les érige en modèle distinctif et en outil de compétitivité des entreprises. Le rayonnement actuel de la responsabilité sociale est assuré, d’un côté par l’attitude des grands donneurs d’ordres économiques qui marquent la préférence pour les entreprises socialement responsables et d’un autre côté par le comportement des consommateurs qui deviennent, grâce aux progrès de la communication, extrêmement attentifs à l’origine des produits et des services qu’ils achètent.
L’orientation des entreprises sur cette voie est soutenue aussi par les pouvoirs publics, les organisations internationales et de plus en plus par les grands mouvements sociaux transfrontaliers. Cette convergence est due principalement à l’impact considérable que les échanges libres à l’échelle de la planète exercent sur l’investissement, l’emploi, et la production en entraînant sur les sociétés et le milieu naturel, des conséquences que les pouvoirs publics peuvent difficilement corriger. Dès lors, l’adoption par les grands opérateurs économiques d’une attitude nourrie de valeurs universelles est de nature à irradier le fonctionnement global de l’économie et à concilier la compétition commerciale avec le développement durable. Dans un contexte de concurrence ouverte et de déréglementation subséquente, les objectifs que se fixent les États et la communauté internationale dans les domaines de l’environnement et du respect des droits humains fondamentaux s’avèrent irréalisables sans un appui décisif et une autorégulation de la part des acteurs économiques principaux. Cette évolution s’est dessinée dès les années soixante-dix à l’égard des multinationales qui étaient accusées de graves violations des droits humains et de dévastation de la nature. Elle a pris une ampleur inégalée avec la mondialisation et l’essor extraordinaire de la communication et du consumérisme. Ses premiers supports internationaux s’adressent principalement aux multinationales. Mais progressivement, le mouvement a gagné tous les acteurs économiques pour
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finir par englober toutes les organisations institutionnelles. Il va de soi que les moyens qui peuvent être développés sur cette voie ne sont pas identiques pour toutes les entreprises. Les PME qui peuvent, à juste titre, invoquer leurs faibles capacités à concevoir et à mettre en place une stratégie en la matière, ne manquent pas néanmoins d’atouts efficaces pour enregistrer des progrès rapides sur la voie de la RSE et en imprégner leur milieu. La flexibilité de leur structure, comme l’accumulation des déficits sociaux et environnementaux dans leur milieu d’implantation constitue souvent pour elles un gage de succès.
I. Génèse et aboutissement actuel de la RSE La responsabilité dont il s’agit réfère au respect de valeurs fondamentales et non pas à l’accomplissement d’obligations juridiques telles qu’elles peuvent être sanctionnées légalement. L’entreprise ne cherche pas pour autant à se soustraire à sa responsabilité juridique. Elle en répond à l’instar de tout autre sujet de droit, tant en ce qui concerne les normes légales que ses engagements contractuels. Elle se prévaut cependant d’aller volontairement au-delà de ses simples obligations légales, pour des considérations qui sont alors forcément d’ordre moral, spirituel ou éthique. A la différence des obligations légales dont on répond en justice, la RSE ne présente qu’une faible teneur juridique. On est comptable principalement devant les parties prenantes et l’opinion publique.
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On peut concevoir qu’elle puisse se traduire, dans certains cas, par des obligations juridiques, mais leur source sera constituée par une convention ou par une faute commise dans sa mise en oeuvre et non dans la responsabilité sociale stricto sensu. Pour comprendre cette nuance, il faut remonter aux origines spontanées de la RSE au milieu du siècle précédent. En effet, telle qu’elle est apparue aux U.S.A, elle n’exprime aucune préoccupation des milieux patronaux pour la question sociale. Elle se rattache plutôt à un courant humaniste d’inspiration religieuse et morale qui prône l’accomplissement du bien dans tous les actes de la vie courante. L’entrepreneur qui épouse cette attitude agit essentiellement comme un individu libre qui n’a pas d’obligation à l’égard de sa communauté. Il est néanmoins pétri de valeurs religieuses et morales qui lui enseignent d’éviter les abus, d’accomplir le bien et d’être charitable à l’égard des plus démunis. C’est en cherchant son propre salut par la définition d’un comportement conforme à ces valeurs qu’il se conduit en être responsable. L’émergence de la responsabilité sociale de l’entreprise exprime originellement ce rapport individuel, volontariste et d’essence spirituelle à l’égard de la société, entendue comme milieu de vie et non comme communauté ayant des besoins collectifs. L’expression « corporate social responsability » qu’on traduit par « responsabilité sociale de l’entreprise » a été utilisée pour la première fois en 1953 par le pasteur protestant Bowen. La doctrine qu’elle véhicule n’est pas étrangère à la pratique qui s’est développée à partir des années vingt dans les milieux industriels protestants américains et à laquelle la grande crise économique a
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donné un coup d’arrêt. Le concept demeure donc imprégné par cette culture anglo-saxonne, ce qui explique les malentendus que suscite son transfert dans d’autres cultures, notamment celles qui considèrent la personne comme un être social qui a des droits et des devoirs à l’égard de la société. Parallèlement au déclin du modèle économique et social qui s’est instauré depuis la seconde guerre mondiale autour des fonctions régulatrices de l’État, le mouvement en faveur de la libéralisation des économies soulignait l’aptitude de l’économie à réaliser les objectifs de développement durable sans les contraintes des réglementations. La doctrine qui l’a exprimé n’est pas é t ra n g è re a u d éve lo p p e m e n t d e s concepts d’« entreprise éthique » et de celui d’entreprise « citoyenne » qui soulignent la nécessité pour l’entreprise de considérer les intérêts de son milieu d’implantation et de répondre de sa conduite à cet égard. Les multinationales ont largement contribué à ce mouvement d’idées pour changer la mauvaise image que leur a valu le comportement de certaines d’entre elles, mais surtout pour promouvoir le processus de libéralisation des marchés et développer des pratiques mieux adaptées à la globalisation. Il n’est pas étonnant alors qu’elles fassent l’objet des premières orientations institutionnelles internationales en la matière, représentées par les « Principes directeurs à l’intention des entreprises internationales », adoptés en 1976 par l’Organisation pour le Commerce et le Développement Economique (OCDE) et par la « Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et les politiques sociales » adoptée par le Conseil d’Administration de l’OIT l’année suivante.
Aucun de ces deux instruments n’évoque explicitement la RSE. Mais par leur contenu, comme par les mécanismes de suivi qu’ils instituent, ils tendent à fixer aux entreprises multinationales les règles de conduite qu’elles sont invitées à intégrer volontairement dans leur mode de fonctionnement et à en assurer la promotion et le suivi par des procédures non contraignantes. Plus récemment, le secrétaire général des Nations Unies s’est adressé aux participants au Forum économique mondial de Davos pour leur demander de se joindre à une initiative internationale rassemblant les entreprises, les agences de l’ONU, la société civile et le monde du travail pour promouvoir une dizaine de valeurs fondamentales. Le Pacte Mondial qui a été ainsi proposé en 1999 à leur adhésion renfermait 9 principes portant sur les droits humains, les droits au travail et l’environnement. A la suite de l’adoption en 2002 de la convention de Mérida contre la corruption, cette préoccupation a fourni à ce pacte son dixième principe. Entre-temps, l’Union Européenne a soutenu ces actions par un « Livre vert sur la responsabilité sociale des entreprises. » (2001) De par leur existence même, ces documents atténuent forcément les divergences q u i p e u ve n t a p p a ra î t re e n t re u n e conception libérale de la RSE qui l’inscrit dans le prolongement de ses origines anglo-saxonnes et une autre plus soucieuse de son encadrement juridique. Ce rapprochement conceptuel trouvera bientôt son aboutissement dans le standard 26000 qui est en cours d’élaboration, après l’abandon de l’objectif d’établir une norme de certification ISO 26 000. Autant d’indicateurs et de normes qui permettent de mieux cerner les enjeux, les méthodes et les contenus de la RSE.
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Quelques définitions de la RSE L’Organisation Internationale du Travail définit la RSE en ces termes :
“ La RSE traduit la façon dont les entreprises prennent en considération les effets de leurs activités sur la société et affirment leurs principes et leurs valeurs tant dans l’application de leurs méthodes et procédés internes que dans leurs relations avec d’autres acteurs. La RSE est une initiative volontaire dont les entreprises sont le moteur et se rapporte à des activités dont on considère qu’elles vont plus loin que le simple respect de la loi.” Source : http://ec.europa.eu/employment social/soc-dial/csr/greenpaper.fr.pdf
Dans le Livre Vert de l’Union Européenne de 2001, on trouve la définition suivante :
“ C’est l’intégration volontaire des préoccupations sociales et environnementales des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes. Etre socialement responsable signifie, non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir “davantage”dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes. ” Source : Initiative focale sur la responsabilité sociale des entreprises : orientations stratégiques (GB.295/MNE/2/1) ; http//www.ilo.org/public/french/standards/relm/gb295/pdf/mne-2-1.pdf
Dans les travaux préparatoires du futur standard 26 000, on trouve la définition suivante :
“
Actions d’un organisme pour assumer la responsabilité de l’impact de ses actions sur la société et l’environnement pour autant que ses actions soient cohérentes avec les intérêts de la société et du développement durable, fondées sur un comportement éthique, le respect de la loi en vigueur et les instruments gouvernementaux, et intégrées aux activités habituelles de l’organisme. ”
Source : Michel Capron, Françoise Quarel-Lanoizelée, La responsabilité sociale d’entreprise, La découverte, Collection - Repères , 2007, p 23
Caractères de la RSE • Les actions réalisées doivent être volontaires, inspirées par des considérations éthiques ; • Elles ne se confondent pas avec les obligations légales de l’entreprise et viennent dans leur prolongement ; • Elles s’intègrent dans le fonctionnement régulier de l’entreprise et ne constituent pas des pratiques occasionnelles ou périodiques ; • Elles expriment une intention de prévenir et de réparer les conséquences dommageables de son fonctionnement sur le milieu environnemental ainsi que sur les différentes composantes de la société, notamment les actionnaires, les travailleurs, les clients, les fournisseurs et les autres parties prenantes.
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II. Mise en oeuvre de la RSE Trouvant son fondement principalement dans l’éthique, la RSE ne se conçoit que dans l’entreprise qui s’oblige au respect de ses obligations légales. Il ne saurait donc y avoir de conflit entre la responsabilité juridique de l’entreprise et sa responsabilité sociale. Dans son fonctionnement régulier, l’entreprise socialement responsable conduit ses activités en conformité avec la loi, tout en cherchant à leur faire produire les meilleurs effets sur l’environnement et sur les différentes parties qui en sont affectées. L’engagement qu’elle prend traduit une volonté librement exprimée d’enrichir par les valeurs éthiques toutes ses activités en leur conservant leur nature et leurs objectifs commerciaux. En se déclarant socialement responsable, l’entreprise assure à ses clients et fournisseurs qu’elle s’applique toujours à satisfaire leurs attentes et à agir au mieux de leurs intérêts communs. Audelà de ce cercle, elle annonce la diligence avec laquelle elle entend traiter tous les intérêts qu’elle croise, lorsqu’ils sont à caractère environnemental et social. Ce faisant, elle donne forcément une image favorable d’elle-même qui sert ses intérêts commerciaux et l’intègre au sein d’un cercle virtuel d’opérateurs partageant ces mêmes valeurs. La RSE revêt en conséquence une dimension managériale essentielle et affiche ouvertement son utilité commerciale. Ses objectifs stratégiques sont clairement annoncés et déclinés en actions concrètes qui servent de supports à son système
de communication. C’est par celui-ci que les parties prenantes reçoivent l’assurance que tout est mis en œuvre pour les servir au mieux et que se déclenche le processus de dialogue et d’apprentissage qui est indispensable pour toute démarche en RSE. L’entreprise peut se référer dans l’élaboration de sa stratégie aux différents instruments élaborés par les organismes publics ou professionnels tant internationaux que nationaux. De nombreuses ressources documentaires et d’assistance par le conseil sont disponibles, notamment les guides d’auto-diagnostic. Leur usage permet d’identifier les domaines dans lesquels l’entreprise peut progresser rapidement. Ils se présentent généralement sous forme de questionnaire permettant d’évaluer les forces et les faiblesses de l’entreprise en rapport avec la RSE. En cela, leur démarche n’est pas éloignée de celles de qualité (type ISO 9000 ou EFQM). Parmi les modèles les plus courants figure le « guide de la performance globale » du CJD, le programme « Dynamique PME » de CSR Europe et le bilan sociétal. Au niveau supérieur, on trouve des dispositifs plus complexes qui visent la standardisation globale du management de la RSE : en France SD 21 000 (guide pour la prise en compte du développement durable dans la stratégie des entreprises) ; au Royaume Uni le projet Sigma tel qu’il a été normalisé sous la référence BS 89 000. Les besoins d’une harmonisation internationale ont conduit l’ISO à lancer en 2005 le processus d’élaboration d’une norme RSE : ISO 26 000. Sa discussion a
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conduit à un consensus visant l’adoption d’un standard plutôt que d’une norme. Les entreprises ouvertes sur l’échange international sont, à un moment ou un autre de leur évolution, invitées à s’engager sur cette voie. Nombreuses sont celles qui anticipent ces sollicitations. Bien plus que l’amélioration de leur renommée, ces entreprises cherchent par ce moyen à s’inscrire dans un itinéraire de rigueur et de progrès qui les incite à rester à l’écoute du marché et de leur société. De fait, le rayonnement de la RSE ne profite pas seulement à l’entreprise, mais à l’ensemble de son milieu professionnel et économique. De plus en plus de territoires cherchent à valoriser leurs atouts et leurs productions en se distinguant par une adhésion collective à la RSE, à l’instar de la région toscane en Italie ou de plusieurs zones off shore à travers le monde. Pour leur part, les autorités locales, les organisations professionnelles et les promoteurs de l’investissement conjuguent leurs efforts pour généraliser cette pratique au grand profit des entreprises installées sur leur territoire, mais également des populations environnantes et du développement durable. A fortiori, lorsqu’il s’agit d’aménagement de nouvelles zones industrielles ou commerciales, cette orientation est de nature à leur garantir le maintien de standards élevés et de procurer à toute l’activité économique qui s’y déroule des avantages concurrentiels décisifs. Cette évolution récente se confirme à l’échelle internationale dans le cadre du débat engagé entre les experts chargés de l’étude du standard 26 000. Tant par la diversification des profils des participants que par les thèmes exposés, il
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se confirme que cette responsabilité interpelle désormais toutes les organisations de quelque nature qu’elles soient. Elle doit aussi couvrir tous les aspects de la vie en société, d’où la proposition de substituer à la traduction de l’expression anglophone « social responsability » celle de responsabilité sociétale, donnant jour au concept de responsabilité sociétale des organisations (RSO). Nul doute que dans le standard ISO 26 000 qui est en cours d’élaboration, comme dans le Pacte Mondial des Nation Unies qui est mis en oeuvre depuis 1999, les fondamentaux demeurent constitués par l’environnement, les droits humains, notamment des droits fondamentaux au travail et la lutte contre la corruption. L’universalité de ces valeurs et l’intérêt stratégique que revêt leur respect dans le contexte de la globalisation confèrent à la RSO une importance politique de premier plan. Motivations des entreprises : • Accroître la capacité d’attirer et de fidéliser une clientèle de qualité ; • Développer un milieu de travail attractif pour des collaborateurs compétents et motivés ; • Améliorer le climat de travail dans l’entreprise ; • Augmenter la productivité et la qualité de la production à long terme ; • Renforcer la capacité de gestion des risques ; • Faciliter l’accès aux crédits ; • Consolider l’image de marque et la réputation de l’entreprise en tant que facteurs essentiels de compétitivité ; • Soutenir les rapports professionnels ainsi que les relations avec les institutions et les partenaires.
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Le Maroc, qui s’est engagé sur la voie du libre échange et qui s’est doté au terme d’un long processus de dialogue social d’un Code du travail conforme aux normes internationales, peut tirer le meilleur profit de ce contexte. L e s A s s i s e s d e l’ I n v e s t i s s e m e n t Socialement Responsable organisées en 2005 ont exprimé l’intérêt que le gouvernement porte à la question. L’Organisation de la Francophonie a choisi notre pays successivement en 2006 et 2008 pour y organiser des rencontres internationales sur cette thématique. Sa présence dans les débats qui se déroulent pour l’élaboration du standard 26 000 est très remarquée. Les bureaux d’expertise les plus prestigieux dans ce domaine s’y installent pour répondre à une demande des entreprises qui se confirme avec le temps.
Pour leur part, les partenaires sociaux ont déployé, dans le cadre du projet « Développement durable grâce au pacte mondial » (BIT 2005-2009), de nombreuses actions de sensibilisation et d’information orientées principalement vers les entreprises et les organisations professionnelles. La CGEM a été un acteur principal de cette évolution. Elle a aussi montré la voie à suivre en adhérant au Pacte Mondial, en adoptant une Charte de la responsabilité sociale et en se dotant d’un Label auquel peuvent postuler les entreprises, au terme d’une procédure d’évaluation conduite par un bureau indépendant. La dynamique ainsi mise en place est destinée à améliorer l’attractivité économique du pays et à soutenir la mise à niveau des entreprises. Son rythme demeure suspendu à la réactivité des PME qui constituent l’essentiel du tissu économique.
Extraits du message Royal lu aux participants aux Assises de l’investissement socialement responsable : - « Ma conviction première est que l'investissement constitue, d'abord et avant tout, un moyen qui doit trouver sa finalité dans le progrès et la justice sociale, dans l'émancipation et le bien-être des femmes et des hommes, dans la cohésion sociale, la protection du milieu naturel et le respect des droits et des intérêts des générations futures (…) » . - « Le développement humain et la sauvegarde de l'environnement doivent être les critères cardinaux tant des investissements que de nos politiques économiques et de nos stratégies de croissance ». - « C'est justement dans cet esprit que Nous avons choisi, d'impulser et de promouvoir, de façon ferme et résolue, les chantiers de développement social et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, dans le cadre de l'Initiative Nationale de Développement Humain que Nous avons lancée et que Nous avons érigée en chantier de notre Règne ». - « La responsabilité sociale des investisseurs a pour pendant et pour condition la responsabilité sociale des entreprises. A cet égard, Nous suivons avec intérêt et satisfaction l'action des entreprises marocaines qui se sont volontairement engagées dans cette voie ».
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La normalisation marocaine et les aspects liés au travail L’activité de normalisation entreprise par la Direction de la Normalisation et de la Promotion de la Qualité relevant du Ministère de l’Industrie du Commerce et des Nouvelles Technologies témoigne, d’une part de la demande du marché en la matière, à laquelle elle répond par l’établissement de normes marocaines, et d'autre part, de la place qu’elle a acquise dans la dynamique de normalisation internationale. Elle a dirigé le réseau du groupe francophone de Normalisation de la responsabilité sociétale et contribue aux travaux du groupe arabophone pour la préparation du standard 26 000, actuellement en cours. Les normes marocaines établies en la matière concernent spécialement le management des aspects sociaux dans l’entreprise à travers la norme NM 00.5.600 : Système de Management des aspects sociaux dans l’entreprise, établie par l’arrêté du Ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Énergie et des Mines du 17 août 2001 (B.O. N° 4936 du 20 septembre 2001) et qui a été révisé en 2007 (arrêté du Ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Mise à Niveau de l’Économie N° 231-07 du 9 février 2007, publié au B.O.N° 5504 du 1er mars 2007). Les autres normes qui touchent aux aspects sociaux portent sur : • NM 00.5.610 : Généralités de l’audit social ; • NM ISO 9000 : Systèmes de management de la qualité - Principes essentiels et vocabulaire ; • NM ISO 9001 : Systèmes de management de la qualité - Exigences ; • NM ISO 9004 : Systèmes de management de la qualité - Lignes directrices pour l’amélioration des performances ; • NM ISO 14001 : Système de Management environnemental ; • NM 00.5.800 : Systèmes de management de santé et de sécurité au travail – Guide ; • NM 00.5.801 : Systèmes de management de santé et de sécurité au travail – Exigences. • NM 00.5.601 : Norme de mise en conformité sociale : exigences et évaluation des organismes. Homologuée en 2008 dans le cadre du « PAN » Plan d’Action National de mise en conformité sociale initié par le Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et visant à inciter les organismes marocains à appliquer la réglementation en vigueur afférente à la législation sociale.
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III. Les supports normatifs de la RSE
1. Le Pacte Mondial
Le Pacte Mondial (1), la Déclaration sur les multinationales de l’OIT (2), les Principes Directeurs de l’OCDE (3), constituent les principales sources normatives internationales de la RSE. Au niveau national, la Charte et le Label de la CGEM s’inscrivent parfaitement dans leur esprit (4).
Le Pacte Mondial se présente matériellement comme une énumération de 10 principes inspirés directement de la C h a r te d e s d ro i t s h u m a i n s , d e l a Déclaration de Rio de Janeiro sur le développement durable (1992), de la Déclaration des principes et des droits fondamentaux au travail de l’OIT (1998)
Les dix principes du Pacte Droits de l’homme : Principe 1 : Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’homme dans leur sphère d’influence ; et Principe 2 : A veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l’homme. Travail : Principe 3 : Les entreprises sont invitées à soutenir et respecter la liberté d’association et à reconnaître le droit de négociation collective ; Principe 4 : L’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire ; Principe 5 : L’abolition effective du travail des enfants ; et Principe 6 : L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Environnement : Principe 7 : Les entreprises sont invitées à appliquer l’approche de précaution face aux problèmes touchant l’environnement ; Principe 8 : A entreprendre des initiatives pour promouvoir une plus grande responsabilité en matière d’environnement ; et Principe 9 : A encourager le développement et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement. Transparence : Principe 10 : Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l'extorsion de fonds et les pots-de-vin.
Consulter : www.unglobalcompact.org et www.pactemondialmaroc.org
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ainsi que de la Convention des Nations Unies Contre la corruption (2002). Il concrétise l’appel lancé en 1999 au Forum économique mondial de Davos, par Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU à l’époque, pour que les entreprises intègrent les principes de ce Pacte dans leur activité quotidienne et agissent en vue de leur rayonnement. L’adhésion au Pacte est ouverte également aux organisations professionnelles et aux autres composantes de la société civile pour engager un partenariat aux fins de promouvoir ces valeurs universelles sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire. Les adhésions sont reçues au Bureau du Pacte Mondial au siège de l’ONU (UNGC) sur simple déclaration, faite selon un modèle type. Elles engagent les entreprises à : • Prendre les mesures pour intégrer ses principes dans leurs stratégies et pratiques quotidiennes ; • Faire connaître l’adhésion aux actionnaires, salariés, clients, fournisseurs et à l’opinion publique en général, par les moyens de communication usuels, • Communiquer les progrès réalisés par l’envoi d’un rapport annuel. Une assistance leur est prêtée à cette fin. Les entreprises adhérentes sont invitées à décrire leurs bonnes pratiques et à les faire publier sur le site du Pacte, en vue de leur partage. Aucun dispositif de suivi ou de contrôle n’est prévu. L’objectif n’est ni d’évaluer, ni de contrôler le comportement des entreprises, mais de les inciter à s’engager et à progresser dans la mise en œuvre des principes qui concernent directement leurs activités. Plus de 2500 entreprises participent au Pacte Mondial, représentant divers secteurs industriels et régions géographiques.
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Une quinzaine d’entreprises et d’organisations marocaines ont adhéré au Pacte Mondial, parmi lesquelles figure la CGEM.
2. La Déclaration sur les multinationales de l’OIT Cette Déclaration revêt un intérêt particulier en raison d’abord de sa dimension tripartite. En effet, l’Organisation Internationale du Travail (OIT), n’est pas seulement la plus ancienne organisation du système des Nations Unies (1919), mais elle brille surtout par l’originalité de sa constitution. Toutes ses décisions sont prises en effet par des instances représentant les gouvernements, les employeurs et les travailleurs. Elles expriment ainsi, de manière permanente, les préoccupations réellement partagées par les acteurs politiques, économiques et sociaux mondiaux. Les normes internationales de travail sont élaborées par cette organisation sous forme de conventions qu’elle soumet à la ratification des États membres, en vue de leur intégration dans leur droit national et de recommandations qui sont adoptées selon la même procédure par la Conférence Internationale du Travail, en vue d’inspirer les politiques législatives et les pratiques nationales, sans revêtir, toutefois, d’effet obligatoire. En tant qu’organisme spécialisé dans les questions de travail et de protection sociale, cette organisation développe une activité constante pour promouvoir des orientations internationales et des politiques nationales, en mesure de relever les défis économiques et sociaux contemporains. C’est pourquoi, la plupart des codes de conduite et des initiatives qui voient le jour en matière de RSE font référence à ses normes, ou plus généralement à ses positions.
La Responsabilité Sociale des Entreprises : les aspects relatifs au travail.
En tant que lieu principal de dialogue social à l’échelle mondiale, il était donc naturel que cette organisation intervienne dans le débat qui s’est développé au cours des années soixante-dix au sujet de la contribution de l’investissement international au développement des pays d’accueil. La « Déclaration tripartite de principes sur les entreprises multinationales et la politique
sociale » qui l’a sanctionnée en 1977 constitue, sans doute, une référence normative historique en matière de responsabilité sociale de l’entreprise dans la mesure où une organisation relevant des Nations Unies s’y s’adresse directement aux entreprises tout en formulant des recommandations pour les gouvernements et les organisations d’employeurs et de travailleurs.
Contenu de la Déclaration sur les multinationales Cinq thèmes principaux sont abordés par la Déclaration.
1. Politique générale Les premières recommandations concernent le développement durable et le respect des droits humains sur les lieux du travail. Elles soulignent aussi le respect des lois en vigueur et des engagements conventionnels librement consentis tout en tenant compte des pratiques locales. Les entreprises sont invitées à consulter les gouvernements et, le cas échéant, les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de l’harmonisation de leurs activités avec les politiques nationales, les priorités de développement, les objectifs sociaux et les structures du pays d’accueil.
2. Emploi Les principes à suivre en la matière se rapportent à la promotion de l’emploi direct et indirect, à l’égalité de chance et de traitement et à la sécurité de l’emploi. Les gouvernements sont invités à engager des politiques actives pour promouvoir l’emploi productif. De leur côté, les entreprises multinationales devraient : - Prendre en considération les politiques d’emploi des pays d’accueil avant et pendant l’engagement de leurs activités, en recourant à des consultations tripartites ; - Donner la priorité aux travailleurs du pays d’accueil en matière d’emploi, d’épanouissement professionnel et de promotion ; - Tenir compte des techniques génératrices d’emplois directs et indirects ; - Encourager la fabrication et l’intégration de pièces, d’équipements et de produits locaux en vue de promouvoir la transformation sur place des matières premières. Les entreprises sont également encouragées à développer les meilleures pratiques en matière d’égalité de chance et de traitement pour lutter contre toute forme de discrimination. Elles doivent faire de la qualification, de la compétence et de l’expérience, leurs critères de recrutement, de placement, de formation et de perfectionnement de tout le personnel. En matière de stabilité de l’emploi, les recommandations formulées ont trait à la planification active, au respect des obligations et aux procédures de licenciement. Les multinationales sont appelées à communiquer, à temps, toute information utile pour atténuer les répercussions nuisibles de leurs décisions.
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3. Formation Gouvernements et entreprises sont encouragés à coopérer pour améliorer l’employabilité et les compétences des travailleurs. Les multinationales sont encouragées à fournir à leurs travailleurs une formation adéquate et à participer au développement de compétences et de l’orientation professionnelle, y compris en dépêchant un personnel de formation qualifié et en permettant aux cadres nationaux de consolider leur expérience à l’étranger.
4. Conditions de travail et de vie Ce chapitre couvre l’âge de travail, la santé et la sécurité ainsi que les salaires et les conditions de travail. Les recommandations sur l’âge de travail mentionnent l’âge minimum légal d’accès au travail et l’adoption de mesures efficaces pour l’élimination des pires formes de travail des enfants. Celles qui portent sur la sécurité et la santé au travail invitent au respect des standards les plus élevés et au transfert de l’expérience des multinationales, y compris au moyen d’accords avec les travailleurs et leurs organisations. Les mesures particulières concernent : - L’information systématique ; - La communication sur les risques particuliers et les mesures de protection, notamment celles qui concernent les produits nouveaux ; - La coopération tripartite à l’échelle nationale et internationale. Les autres recommandations formulées à ce sujet visent l’octroi de conditions de salaires et de prestations aussi favorables que celles qui sont accordées pour des emplois similaires dans le pays d’accueil et à défaut d’éléments de comparaison, elles devraient permettre de satisfaire les besoins essentiels des travailleurs.
5. Relations professionnelles Les recommandations retenues en la matière versent dans le respect du droit d’organisation des travailleurs. Elles incitent les entreprises à soutenir leurs organisations professionnelles et à promouvoir le dialogue social notamment en fournissant les informations utiles et en facilitant la négociation et la conclusion de conventions collectives. Elles les invitent aussi à organiser l’examen des réclamations et le règlement des conflits de travail. Comme elle fait l’objet de mises à jour régulières, elle est considérée comme le principal support normatif international régissant les aspects de la RSE liés au travail. L’objectif initial de cette Déclaration était d’encourager les entreprises multinationales à contribuer au développement économique et social et à résoudre, au
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mieux, les problèmes que peut soulever leur implantation. Ses recommandations sont inspirées des normes internationales et doivent recevoir application aussi bien dans le pays de rattachement que dans ceux où elles s’implantent. Le Bureau International du Travail assure le suivi de la Déclaration sur les multinationales par des enquêtes et une procédure d’interprétation.
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Une enquête quadriennale est conduite auprès des gouvernements, des organisations des travailleurs et de celles des employeurs dans tous les États membres au moyen d’un questionnaire. L’exploitation de ses résultats permet au conseil d’administration de formuler des recommandations et des mises à jour. Huit opérations de ce genre ont eu lieu jusqu’à présent, la dernière publication s’y rapportant date de mars 2006. La procédure d’interprétation est ouverte, quant à elle, aux gouvernements et aux organisations professionnelles. Elle peut être engagée en cas de différend sur la signification à donner à un principe. Elle a pour objet d’améliorer l’application du contenu de la Déclaration à la lumière des cas spécifiques.
3. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales L’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique est une structure intergouvernementale qui compte trente États membres, les plus industrialisés à économie de marché. Les employeurs y sont représentés par le Comité Consultatif économique et industriel (BIAC) et les travailleurs par la Commission Syndicale Consultative (TUAC). Elle développe, avec 70 autres États ainsi qu’avec les ONG et d’autres acteurs de la société civile, une coopération active, gage de rayonnement de ses recommandations et pratiques.
Contenu des principes directeurs de l’OCDE Les Principes directeurs couvrent de très nombreux aspects de l’activité des entreprises à travers 9 chapitres affectés successivement aux principes généraux, à la communication, l’emploi, les relations professionnelles, l’environnement, la corruption, les intérêts des consommateurs, la science et technologie, la concurrence et la fiscalité. Concernant spécialement les questions liées au travail, les recommandations reprennent les principes et les droits fondamentaux au travail. Elles soulignent aussi le traitement favorable et égalitaire à réserver aux personnels nationaux ainsi que les efforts à déployer en matière d’emploi, de formation et de coopération avec les représentants des travailleurs et des gouvernements. Elles reprennent également les obligations de diligence et d’information en cas d’adoption de décision préjudiciables aux travailleurs tels que la fermeture ou les licenciements. Les efforts à apporter dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail y figurent, notamment celles qui concernent l’information et la formation. Au chapitre des relations professionnelles, les recommandations retiennent la promotion de la négociation collective en vue de la conclusion de conventions collectives efficaces, les consultations tripartites, la fourniture d’informations constructives et correctes, la négociation de bonne foi. D’autres recommandations concernent la formation, l’égalité et la non discrimination, et les partenariats et le respect des droits de l’homme.
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Les Principes directeurs adoptés en 1976 et révisés en 2000 sont des recommandations émanant des gouvernements qu’ils adressent aux multinationales. Mais ces destinataires premiers sont encouragés à obtenir leur application de la part de tous leurs partenaires, notamment les PME. Bien qu’ils soient dépourvus de force obligatoire, ces principes revêtent une autorité morale en raison de leur origine intergouvernementale et des procédures de réclamation qui permettent d’en assurer un suivi de proximité. Ils ne doivent pas néanmoins être considérés comme étant supérieurs aux lois et règlements nationaux des pays d’accueil. De manière générale, ils vont au-delà des obligations légales des entreprises et se rapportent ainsi à leur responsabilité sociale. Ces principes visent en particulier à : • Harmoniser les activités des multinationales avec les politiques gouvernementales ; • Entretenir la confiance entre les multinationales et les pays d’accueil ; • Améliorer l’environnement de l’investissement direct étranger ; • Renforcer la contribution des multinationales au développement durable. Le suivi de leur mise en œuvre est confié à deux organes : les Points de Contact Nationaux (PCN) et le Comité de l’investissement.
dans une réunion périodique destinée à partager les expériences et à améliorer les pratiques. Une table ronde sur la RSE est organisée en marge de cette réunion. Une entreprise multinationale qui viole ces principes peut faire l’objet, de la part du gouvernement d’accueil, d’une ONG ou d’une autre partie prenante, d’un recours auprès d’un PCN ou à défaut de son siège. Celui-ci lui donne suite au moyen d’un forum de discussion, de conciliation ou de médiation ou encore en la portant devant le Comité de l’investissement ou d’autres experts. L’objectif est de trouver des solutions constructives et conjointes aux problèmes soulevés, sans en arriver aux sanctions. La procédure est confidentielle afin d’accroître son efficacité. A son terme, le PCN rend public les résultats, après accord des parties. Le Comité de l’investissement est l’organe responsable de la surveillance de la mise en œuvre de la Déclaration. Il se compose des représentants des gouvernements membres. Il consulte régulièrement le TUAC et le BIAC lorsqu’il examine des questions relevant des Principes directeurs. Il diligente notamment une procédure de clarification destinée à fournir des informations complémentaires sur l’application des Principes.
Chaque pays membre de l’OCDE établit u n P C N p o u r m e t t re e n œ u v re l a convention aux plans de la communication, de la coopération et du traitement des différends. Il établit un rapport annuel de ses activités et le présente
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4. La Charte et le Label RSE de la CGEM La CGEM a élaboré une Charte de Responsabilité Sociale et s’est dotée d’un Label pour la RSE. La Charte de Responsabilité Sociale de la CGEM a été adoptée par le Conseil National de l’Entreprise le 14 décembre 2006.
Elle comprend en préambule une formule d’engagement de ses membres sur la voie de la RSE. Outre la souscription aux objectifs du développement durable, elle recouvre la promotion des droits fondamentaux, la prise en compte des intérêts et attentes des parties prenantes, et l’intégration de ce processus dans la stratégie et le management de l’entreprise. La Charte présente, à titre indicatif, les objectifs principaux de la RSE qu’elle structure autour de 9 axes thématiques.
Axes de la Charte de Responsabilité Sociale de la CGEM 1. Respecter les droits humains 2. Améliorer en continu les conditions d’emploi et de travail et les relations professionnelles 3. Protéger l’environnement 4. Prévenir la corruption 5. Respecter les règles de la saine concurrence 6. Renforcer la transparence du gouvernement d’entreprise 7. Respecter les intérêts des clients et des consommateurs 8. Promouvoir la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitants 9. Développer l’engagement sociétal
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Un exemple d’entreprise socialement responsable : Jet Sakane Spécialisée dans la promotion immobilière, Jet Sakane emploie une cinquantaine de travailleurs masculins et autant de travailleuses, répartis entre les cadres administratif, technique et commercial. La liberté syndicale est prévue dans le règlement intérieur. Les rapports avec les représentants élus des travailleurs ont pour cadre les réunions périodiques avec les cinq délégués élus des salariés et la participation de leur délégué en qualité de membre au Comité de direction et à celui de sécurité et d’hygiène. Un plan de formation est établi annuellement. Il est consacré en grande partie au dialogue social ainsi qu’à la sécurité et à la santé au travail. Un intérêt particulier est accordé à la prévention des accidents et des maladies professionnelles. Les sous-traitants s’engagent par le cahier des prescriptions spéciales à se conformer à toutes les normes de sécurité dans les chantiers et aux procédures de stockage et d’élimination des déchets. Le contrôle du respect effectif de ces obligations est obtenu par le recours à des astreintes qui peuvent atteindre 20% du montant des marchés. Les préoccupations pour l’environnement et le bien être des clients sont au coeur du nouveau concept de copropriété que propose l’entreprise. Ses ensembles immobiliers réservent 30% des superficies aux espaces verts et prévoient des équipements sociaux et collectifs. La gestion décennale de la copropriété lui permet d’y déployer des actions à caractère social : cours d’alphabétisation et en informatique, crèches, soutien scolaire, services communs à l’occasion des fêtes, réparations et entretiens courants au moindre prix, prévention des risques, sécurité… etc.
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La notion de dialogue social évoque les échanges qui ont lieu entre les employeurs, les travailleurs et l’État. Au sens étroit, elle est employée pour désigner spécialement les relations bilatérales ou tripartites qui se déroulent entre les pouvoirs publics et les organisations des travailleurs et des employeurs. Mais l’expression est de plus en plus utilisée pour décrire les relations diverses qui se développent au sujet des questions de travail et de la protection sociale entre les différents représentants de ces intérêts socio-économiques. La formule n’est pas consacrée par le droit, à la différence des expressions de « rapports collectifs de travail », de « négociation collective » ou « d’accords collectifs de travail » auxquelles elle se substitue couramment. Elle doit manifestement son succès au fait qu’elle exprime mieux la profonde transformation des rapports collectifs de travail et une plus grande participation des acteurs économiques et sociaux à la prise de décision. Alors que le langage antérieur soulignait la conflictualité des relations collectives de travail et focalisait leur solution sur la négociation avec le syndicat, cette formule met en relief plutôt le processus de concertation et de coopération autour de la question sociale, sans préjuger de son contenu ni de ses acteurs. En ce sens, il correspond bien à l’évolution récente des rapports collectifs de travail à l’échelle de l’entreprise ainsi qu’au développement de la gouvernance économique dans une économie néolibérale ouverte à la compétition à l’échelle planétaire. Au niveau de l’entreprise, la participation des représentants des travailleurs s’est instituée pour anticiper les conflits à caractère social. Au plan territorial et sectoriel, l’existence de nombreuses institutions paritaires et de procédures de consultation des parte-
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naires sociaux à l’occasion de la prise des décisions économiques et sociale contribue aussi à prévenir les contestations et à renforcer la paix sociale. Le dialogue social exprime partout une aspiration contemporaine des travailleurs, des entreprises et des pouvoirs publics, à développer des canaux multiples de communication pour réduire les risques de conflits et renforcer au mieux la considération des intérêts des travailleurs dans la prise de la décision économique. Il trouve ses repères dans le cadre juridique et institutionnel, mais ce sont les acteurs sociaux qui lui imprègnent son rythme et assurent son efficacité (Cf. paragraphe 2, p36).
I. Le cadre légal des rapports collectifs de travail Le Code du travail a profondément réaménagé les relations collectives de travail. Ainsi, le droit d’organisation des travailleurs s’est renforcé par de nouveaux organes et prérogatives (1). Des mesures incitatives ont été adoptées pour promouvoir la négociation collective et la conclusion des conventions collectives (2). Le cadre institutionnel global du dialogue a été également renforcé (3).
1. Le droit d’organisation Le droit d’organisation comprend la liberté syndicale et la liberté d’association qui sont reconnues aux travailleurs et aux employeurs pour leur permettre d’exprimer leurs intérêts collectifs et de les défendre dans le respect de la loi. Son inscription en tête des droits et des principes fondamentaux au travail pro-
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clamés par Déclaration de l’OIT de 1998 rappelle la nature constitutionnelle qu’elle lui reconnaît depuis la création en son sein du Comité de la Liberté Syndicale. Au Maroc, le droit syndical a été reconnu d’abord au profit de la population européenne sous réserve de son exercice dans le cadre de sections locales de syndicats français. Il devait connaître cependant, un essor rapide, particulièrement vers la fin de la deuxième guerre mondiale, ce qui a permis l’éclosion d’un syndicalisme national puis nationaliste dans les principales villes et centres miniers. Au lendemain de l’indépendance, la liberté syndicale a été proclamée par le dahir de juillet 1957, lequel avait été précédé, au mois d’avril, par l’adoption d’une loi sur les conventions collectives inspirée des normes internationales les plus pertinentes en la matière. L’évolution postérieure a été marquée par l’accentuation du pluralisme syndical et l’affaiblissement du dialogue social dans un contexte sociopolitique difficile. La Déclaration tripartite de 1996 entre le gouvernement, la CGEM et les syndicats des travailleurs devait marquer la renaissance de ce dialogue et préparer le terrain pour l’adoption d’un Code du travail qui améliore les normes relatives à la liberté syndicale (A) et à la représentation élue des travailleurs (B). A- La liberté syndicale Le Code du travail réaffirme les quatre principes fondamentaux sur lesquels repose la liberté syndicale en droit international et en améliore la formulation comparativement à la législation de 1957 ; il s’agit : • Du droit reconnu à chaque travailleur et à chaque employeur de constituer une organisation de leur choix, d’y adhérer et de la quitter librement sous réserve d’ac-
quitter les cotisations dues (art 398, 402); • De la liberté de mener leurs activités et d’établir leurs programmes sans ingérence (art 396, 414-418) ; • Du droit de se regrouper en unions ou fédérations à l’échelle nationale ou internationale (art 399, 400) ; • De l’interdiction de leur dissolution administrative (426). Le Code du travail procède aussi à l’extension de l’objet du syndicat. A la différence du dahir de 1957 qui le limite à la défense des intérêts économiques et professionnels de ses adhérents, l’article 396 du code y inclut notamment la promotion des intérêts individuels et collectifs des catégories qu’il encadre. Le mandat de représentation du syndicat se trouve ainsi confirmé eu égard aux intérêts catégoriels qu’il protège et non plus par rapport à ceux de ses membres effectifs. Son rang de partenaire social national se trouve également évoqué par la mention de sa contribution à l’élaboration de la politique économique et sociale de l’État et la confirmation de sa fonction consultative dans les questions relevant de son domaine d’action (art 396). La protection de son indépendance est renforcée par la réaffirmation de la règle de non ingérence dans les affaires syndicales. Il est ainsi rappelé tant aux organisations de travailleurs qu’à celles des employeurs qu’elles doivent s’abstenir de toute intervention directe ou indirecte visant à influencer la constitution, la composition, le fonctionnement et l’administration de leurs structures réciproques. L’article 397 considère que l’infraction est constituée, notamment lorsque l’employeur ou une personne agissant pour son compte ou pour celui d’une organisation patronale cherche à favoriser la création d’un syndicat ou à le financer pour le soumettre à son contrôle.
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La protection des biens du syndicat demeure acquise par l’insaisissabilité de ses locaux de réunion et de formation ainsi que du patrimoine de ses mutuelles (art 407-410). De même, le droit qui lui est reconnu d’ester en justice l’autorise, désormais, à introduire des demandes en réparation du préjudice direct ou indirect affectant non seulement l’intérêt collectif relevant de son objet, mais également les intérêts individuels des personnes qu’il encadre ou défend (art 404). En ce qui concerne sa formation et son administration, le syndicat demeure régi par le principe de la simple déclaration. Les restrictions du dahir de 1957 relatives à l’âge d’adhésion au syndicat sont supprimées, ce qui permet à tout salarié d’en devenir membre à l’âge de 15 ans. En revanche, la condition de nationalité est maintenue pour participer à la direction d’un syndicat. Seuls donc les Marocains jouissant de leurs droits civils et politiques et n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation judiciaire pour avoir commis l’une des infractions énumérées à l’article 416 peuvent participer à l’administration d’un syndicat. Les mêmes règles s’appliquent pour la constitution des unions et fédérations syndicales. Les plus représentatives parmi elles sont désignées pour siéger aux instances consultatives et prendre part aux procédures collectives (art 423). Mais sans doute, l’innovation la plus importante du Code est constituée par l’élaboration de critères pour la désignation des syndicats les plus représentatifs. En effet, dans le contexte du pluralisme syndical et de la présomption de représentativité que la loi accorde à toute organisation professionnelle légalement constituée, il est souvent difficile de dis-
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tinguer les syndicats qui encadrent effectivement les catégories professionnelles auxquelles ils appartiennent et ceux qui ne disposent pas d’une telle base socioprofessionnelle. De toute façon, il n’est pas admissible de laisser à l’Administration ou à la partie antagoniste le pouvoir de choisir, de manière discrétionnaire, l’organisation partenaire, au détriment d’autres organisations qui pourraient se prévaloir d’une représentativité similaire. C’est pourquoi, le droit international et les législations internes ont recouru à des règles préétablies pour régler cette question. Les critères, qui sont variables selon les pays, intègrent des éléments d’ordre quantitatif permettant de tenir compte du nombre des adhérents, mais aussi des critères d’ordre qualitatif destinés à s’assurer qu’il s’agit d’une organisation professionnelle apte à encadrer l’action collective et à aboutir à des accords collectifs. La règle établie n’a pas pour autant comme objectif de procéder à un classement des syndicats selon leur représentativité. Les critères retenus par le Code pour reconnaître les syndicats les plus représentatifs varient selon qu’il s’agit de représentativité à l’échelle du pays ou au niveau de l’entreprise (art 425). Au plan national, l’organisation syndicale doit réunir les conditions suivantes : • Avoir obtenu au cours des dernières élections des délégués des salariés dans les secteurs public et privé, au moins 6% des effectifs totaux élus ; • Faire preuve d’une indépendance syndicale effective ; • Disposer d’une capacité réelle à conclure les conventions collectives.
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Au niveau d’une entreprise ou d’un établissement déterminé, il doit être tenu compte, pour désigner les syndicats les plus représentatifs, de deux éléments seulement : • Avoir obtenu 35% des sièges des délégués de l’entreprise ou de l’établissement ; • Disposer de la capacité contractuelle. La mise en oeuvre de ces critères permet de reconnaître simultanément à plusieurs organisations professionnelles la qualité de syndicat le plus représentatif à l’échelle nationale. L’UMT, la CDT, l’UGTM remplissent ces critères. La FDT les a rejoints à la suite de sa création, par scission de la CDT. Les élections des représentants des travailleurs qui ont lieu tous les 6 ans permettent d’actualiser ces données. En revanche, à l’échelle de l’établissement ou de l’entreprise, le seuil de 35% des délégués élus ne permet d’attribuer cette qualité qu’à deux syndicats, au plus. Les critères ainsi posés confirment clairement l’articulation étroite qui existe entre la représentation volontaire et libre telle qu’elle s’organise sous forme de syndicat et celle qui est imposée par la loi par le biais des représentants élus des salariés. B- La représentation collective par les délégués élus L’élection des représentants des salariés dans leur établissement de travail était organisée par le dahir de 1962 sous la dénomination de délégués du personnel. Elle a été reconduite par le Code du travail dans des conditions similaires sous l’appellation de délégués des salariés (livre III titre II).
Les fonctions des délégués des salariés consistent à : • Présenter à l’employeur toutes les réclamations relatives à l’irrespect des conditions légales et conventionnelles de travail ; • Saisir l’agent chargé de l’inspection du travail de ces doléances lorsqu’aucun accord n’a été obtenu à leur sujet. Les élections sont organisées obligatoirement au niveau de chaque établissement employant de manière habituelle au moins 10 salariés. Au-dessous de ce seuil, il peut être convenu par écrit, entre l’employeur et ses travailleurs de mettre en place cette forme de représentation. La durée de 6 ans du mandat du délégué élu a été confirmée par voie réglementaire. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’activité saisonnière, elle est réduite à la durée de la campagne. Les élections doivent avoir lieu dans ces circonstances, entre le 56ème et le 60ème jour suivant le début de la campagne. Autrement, la date des élections est fixée par voie réglementaire pour tous les établissements. En dehors de cette échéance, des élections sont organisées dans les établissements nouvellement assujettis à cette obligation en raison de leur ouverture récente ou par suite de l’augmentation de leurs effectifs. Des élections partielles sont également prévues lorsque le nombre des délégués élus et suppléants tombe au-dessous du nombre requis par la loi. On désigne autant de délégués que de suppléants, le nombre des candidats à élire étant fixé selon le nombre des salariés employés habituellement comme suit :
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Délégués Délégués Nombre de salariés titulaires suppléants De 10 à 25 1 1 De 26 à 50 2 2 De 51 à 100 3 3 De 101 à 250 5 5 De 251 à 500 7 7 De 501 à 1000 9 9 Pour chaque +1 +1 tranche supplémentaire de 500 salariés Les opérations se déroulent selon deux collèges électoraux distincts, l’un réservé aux cadres et assimilés, l’autre aux employés et ouvriers. Tous les salariés âgés de 16 ans au moins et disposant de 6 mois d’ancienneté au minimum dans l’établissement sont électeurs. En revanche, pour se porter candidat, il faut être âgé de 20 ans au moins et disposer d’une ancienneté d’une année dans l’établissement, cette condition étant réduite à 6 mois de travail au cours de la campagne antérieure, lorsqu’il s’agit d’établissements saisonniers. Des règles d’incompatibilité sont prévues à l’égard des proches parents de l’employeur. Les élections se déroulent selon le suffrage de liste, sous la supervision d’une commission électorale et la responsabilité de l’employeur qui demeure tenu de l’obligation d’organiser ces élections (art 446). Ses modalités sont déterminées par le Code du travail et certaines d’entre elles peuvent faire l’objet d’accords internes sous forme simplifiée ou par convention collective. La désignation finale s’effectue à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Le vote est secret et les résultats ne sont
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définitifs au premier tour que si la participation enregistrée est de 50% au moins. Outre l’arrivée du terme, le mandat des délégués prend fin par le décès, la démission, l’extinction du contrat de travail et la déchéance, en raison d’une condamnation pénale pour les infractions prévues à l’article 438. Un délégué élu peut être destitué de son mandat par désaveu de ses collègues. La procédure instituée à cet effet impose qu’il ait accompli, au moins, la moitié de son mandat et que l’acte de désaveu soit établi par écrit et signé par 2/3 de ses électeurs (art 435). Un délégué qui cesse ses fonctions pour quel que motif que ce soit est immédiatement remplacé par son suppléant. Les délégués des salariés bénéficient, pour l’accomplissement de leurs missions, de certaines prérogatives et d’une protection légale. L’employeur doit mettre à leur disposition un local pour leur réunion et leur désigner des lieux notamment aux points d’accès au travail pour l’affichage de leurs annonces. Ils bénéficient chacun d’un crédit de temps rémunéré comme temps de travail, d’au moins 15 heures par mois, pour accomplir les tâches relevant de leur mission, aussi bien à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur. Ils ont le droit d’être reçus collectivement par l’employeur ou son représentant, une fois par mois au moins, ainsi qu’en cas d’urgence. Ils peuvent également requérir cette rencontre individuellement en tant que représentant d’un établissement, service, chantier ou spécialité professionnelle pour discuter de questions concernant particulièrement une catégorie déterminée de travailleurs. A chacune
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de ces occasions, l’objet de la réunion doit être notifié à l’employeur, deux jours au moins auparavant, et transcrit dans un registre spécial, lequel doit recueillir aussi la réponse de l’employeur dans les six jours. Ce document doit être mis à la disposition des salariés de l’entreprise au moins une fois par quinzaine pour qu’ils puissent en prendre connaissance. Aucune sanction disciplinaire consistant en une mutation de service, changement de tâche, mise à pied ou licenciement ne peut être prononcée à l’encontre des délégués des salariés par l’employeur sans avoir été préalablement approuvée par l’inspecteur du travail. Ces mesures de protection administrative demeurent de rigueur six mois après la fin du mandat et bénéficient également aux candidats non élus, durant les trois mois qui suivent la date de la proclamation des résultats du vote. Néanmoins, en cas de faute grave, l’employeur peut prononcer la suspension immédiate du délégué salarié protégé tout en saisissant immédiatement l’inspecteur du travail de la demande d’approbation de la sanction envisagée. La décision de l’inspecteur doit être prise sous huitaine. La procédure de protection instituée en leur faveur a été étendue au délégué syndical au sein de l’entreprise, tel qu’il a été institué dans les entreprises de 100 salariés au moins et doté d’un mandat particulier, notamment dans le cadre de la négociation collective.
2- Le droit de la négociation et des conventions collectives Depuis l’abrogation tacite du dahir de 1946 sur la conciliation et l’arbitrage, la négociation collective ne relevait plus d’aucun dispositif légal particulier. Laissée au libre jeu du rapport des forces entre les parties, elle s’est limitée à la résolution des conflits collectifs de travail, aboutissant souvent à la conclusion de protocoles d’accords au détriment des conventions collectives. Le Code du travail encourage la négociation collective dans le cadre d’un dialogue social pérenne pour aboutir à la conclusion de conventions collectives en tant que moyen d’adaptation et d’extension des droits sociaux. A- Le droit à la négociation collective Tel qu’il est régi par les conventions de l’OIT et l’abondante doctrine interprétative à laquelle elles ont donné lieu, le droit à la négociation collective est indissociable de la reconnaissance effective de la liberté syndicale. Il en découle pour les États, l’obligation d’adopter des mesures destinées à soutenir la négociation de bonne foi entre les parties concernées, sans pour autant altérer leur pouvoir de décision. C’est cet équilibre que les dispositions novatrices du Code du travail cherchent à atteindre en prescrivant des mesures promotionnelles du dialogue social, un dispositif d’encadrement de la négociation collective et une procédure de règlement des différends collectifs de travail. La qualification de négociation collective est réservée implicitement par le Code du travail à celle qui se déroule avec le syndicat le plus représentatif (art 92).
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Elle peut avoir pour objet, indifféremment : • Les conditions de travail et de l’emploi ; • L’organisation des rapports entre les employeurs et les travailleurs ; • L’organisation des relations entre les syndicats, les employeurs ou leurs organisations. La négociation peut se dérouler soit à l’échelle de l’entreprise, soit au niveau du secteur d’activité ou au plan national, entre d’une part, un ou plusieurs employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs et d’autre part un ou plusieurs syndicats les plus représentatifs. Sa fréquence devrait être annuelle, mais les parties peuvent en décider autrement, notamment par convention collective. L’initiative de la négociation collective peut être prise par chacune des parties. L’autre partie en est saisie par écrit et doit faire parvenir sa réponse au cours de la semaine. Les deux parties conviennent ensuite de la date du début de leurs pourparlers dans les quinze jours suivants. Elles peuvent leur fixer une échéance ne dépassant pas deux semaines à compter de leur commencement. L’accord auquel elles parviennent à ce sujet doit être formulé par écrit et copie en sera adressée au Département chargé du travail. La négociation se déroule entre les deux délégués choisis respectivement par chaque partie sans possibilité pour l’autre partie de le récuser. Le Code prévoit la possibilité de se faire assister par des conseillers de son choix. Il prescrit aussi bien aux négociateurs qu’aux administrations publiques concernées d’éclairer les pourparlers par toutes les informations utiles. Les résultats de la négociation collective sont consignés dans un procès verbal ou dans un accord établi sous toute autre
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forme pourvu qu’il soit signé par les parties. Copie en est communiquée au Département chargé du travail qui en adresse, à son tour, un exemplaire au Conseil de la Négociation Collective. A fortiori, les négociations peuvent être couronnées par la conclusion d’une convention collective. B- Le Droit de la convention collective Les dispositions du Code du travail régissant la convention collective reprennent, pour l’essentiel, les règles du dahir de 1957 précité. Elles s’inscrivent d’emblée dans le prolongement des mesures relatives à la négociation collective en conférant l’exclusivité de la conclusion des conventions collectives aux syndicats les plus représentatifs. Ces accords se présentent sous forme d’un accord conclu sous forme écrite entre un ou plusieurs syndicats de travailleurs d’un côté et de l’autre, par un ou plusieurs employeurs ou/et leur(s) organisation(s) professionnelle(s). Ces conventions doivent obligatoirement faire l’objet d’une procédure de dépôt administratif et judiciaire pour être opposables (art 106). Le contenu de la convention collective est déterminé librement par les parties. L’article 105 du Code du travail énumère, à titre indicatif, les matières qui peuvent donner lieu à des stipulations conventionnelles. Le champ d’application de la convention collective relève aussi de la liberté conventionnelle. Il est déterminé par les parties signataires, conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés. A défaut de précision dans le texte même de la convention, le domaine d’application territorial est limité au ressort du tribunal auprès duquel elle fait l’objet de dépôt. Il
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ne peut être étendu à un autre territoire que pour autant que les parties signataires en fassent un dépôt similaire au greffe du tribunal de 1ère Instance concerné. Les stipulations de la convention collective ont une force obligatoire pour les parties signataires et leurs membres adhérents. L’employeur engagé directement ou par l’entremise de l’organisation qui le représente est toutefois tenu de les appliquer à l’ensemble des salariés qui relèvent de son champ d’application, qu’ils soient ou non membres d’un syndicat cosignataire, sauf disposition plus favorable pour eux . La convention collective prend effet le quatrième jour qui suit son dépôt auprès de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Sa durée peut être soit indéterminée, soit arrêtée par les parties à une date précise dans la limite de trois ans ou établie à l’échéance de réalisation d’un ouvrage. Dans le premier cas, elle peut faire l’objet d’une dénonciation par l’une des parties signataires, au moyen d’un préavis d’un mois, adressé aux cosignataires et dépositaires. A son terme, la partie dénonciatrice s’en trouve désengagée, mais la convention continue de produire ses effets entre les autres parties. L’extinction d’une convention collective par l’arrivée du terme ou en raison de sa dénonciation ne prive pas les salariés des droits qu’elle leur a conférés. Ceux-ci sont maintenus jusqu’à la conclusion de nouveaux contrats de travail ou d’un autre accord collectif, dans le respect des droits conférés par la convention échue. L’application de bonne foi des stipulations de la convention est requise par le Code. Les signataires doivent éviter
toute action de nature à en compromettre l’exécution loyale. La violation des stipulations de la convention collective ouvre droit à des dommages-intérêts à l’encontre des organisations cosignataires ou de leurs membres responsables de violations de ses prescriptions. Tant les parties signataires que leurs membres peuvent s’en prévaloir, soit individuellement soit collectivement. L’adhésion ultérieure à la convention collective est permise à tout syndicat de travailleurs et à tout employeur ou organisation d’employeurs, moyennant une simple notification de cette décision aux autorités auprès desquelles son dépôt a été effectué (greffe du tribunal et Département du travail). Par cet acte, l’assujettissement à ses prescriptions s’étend aux relations entre tous les signataires. L’extension administrative de la convention collective par arrêté du Ministre chargé du travail est également prévue. Elle est obligatoire lorsque la convention collective couvre déjà les 2/3 des salariés de la profession dans le champ territorial que lui ont donné ses signataires. Elle est facultative lorsqu’elle concerne seulement 50% de ces effectifs. Seules les conventions collectives conclues et déposées conformément à la loi produisent des effets de droit sur les contrats de travail en cours et futurs. Plusieurs cas de figure sont envisageables ; il peut s’agir : • D’un accord d’entreprise ou d’établissement qui engage un seul employeur à l’égard d’un ou de plusieurs syndicats (comme la convention collective d’IAM ou de la CTM-LN) ; • D’une convention collective inter-
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entreprises ou de branche qui se conclut entre plusieurs employeurs et un ou plusieurs syndicats de travailleurs ; • D’une convention collective sectorielle ou de branche signée entre un groupement professionnel et un ou plusieurs syndicats de travailleurs (comme celle du secteur bancaire conclue entre l’USIB/UMT et le GPBM) ; • D’une convention collective territoriale conclue par des entreprises ou leur groupement et un ou plusieurs syndicats pour recevoir application exclusivement dans une zone déterminée (zone industrielle, franche, région touristique… etc.) Dans toutes ces hypothèses, la convention collective produit les effets de droit sur tous les contrats de travail relevant de son champ d’application, abstraction faite de l’adhésion des travailleurs au syndicat signataire. Le bénéfice de ses dispositions découle tant de la volonté de l’entreprise de supporter les obligations consenties que de celle du syndicat de représenter tous les travailleurs. On dit que la convention collective revêt en même temps une dimension conventionnelle découlant de la volonté exprimée par les parties signataires et une dimension normative que la loi lui attache, en tant que source de droits nouveaux auxquels les travailleurs doivent accéder, sans discrimination. C’est dans cet esprit que la convention collective demeure ouverte à la signature unilatérale et volontaire d’autres syndicats ou employeurs dès lors que leur adhésion ne restreint pas son champ d’application tout en renforçant l’adhésion autour d’elle.
négociations collectives aboutissent à la signature de simples procès verbaux ou d’accords sous forme simplifiée qu’on qualifie souvent de « protocoles d’accords ». Leurs effets légaux sont forcément plus atténués et les parties signataires, comme les travailleurs, ne peuvent pas s’en prévaloir devant les tribunaux. Ils constituent plutôt des « gentlemen’s agreements » qui consacrent l’accord auquel les parties sont parvenues et un engagement moral de leur part. Plusieurs raisons historiques et circonstancielles expliquent le faible succès des conventions collectives alors même qu’elles constituent un excellent moyen d e p ro m o t i o n d u d i a lo g u e s o c i a l , d’adaptation de la législation aux besoins spécifiques des entreprises et de pérennisation des relations entre les syndicats et les entreprises. A leur tête, on trouve la faible connaissance de cette institution par les entreprises et les syndicats de base, le caractère occasionnel et parfois violent des négociations collectives, la faible organisation des travailleurs dans un cadre syndical, une certaine conflictualité entre les syndicats… etc. Les rédacteurs du Code du travail ont manifestement parié sur la négociation collective et la convention collective pour promouvoir les rapports collectifs de travail et les droits des travailleurs. Mais, sans doute, les progrès sur cette voie demeureront suspendus au succès du dialogue social et aux progrès de la culture de la participation.
Mais force est de constater que la pratique des conventions collectives demeure exceptionnelle au Maroc. La plupart des
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3- Les institutions de participation Forts de l'expérience du dialogue social qu'ils ont entretenu depuis 1996, les partenaires sociaux ont enrichi la législation du travail d'un cadre promotionnel de la participation au niveau de l'entreprise (A) mais également au plan provincial et national (B). A- Le cadre institutionnel de la communication et de la concertation dans l'entreprise Les innovations majeures du Code du travail en la matière sont constituées par le Comité d'entreprise, le Comité de sécurité et d'hygiène et le délégué syndical. Mais la communication dans l'entreprise est appelée aussi à se développer à travers d'autres canaux. a. Le Comité d'entreprise Toute entreprise employant habituellement cinquante salariés au moins, est tenue d'installer un Comité d'entreprise constitué de : - L'employeur ou de son représentant ; - Deux représentants des travailleurs choisis parmi les délégués des salariés ; - Un ou deux représentants syndicaux dans les entreprises dotées de cette forme de représentation syndicale. La mission de ce Comité est strictement consultative. Mais, d'une part, il est saisi de plein droit de questions importantes qui affectent la vie de l'entreprise et d'autre part, ses attributions peuvent être élargies par voie d'accord collectif. Sa compétence régulière le porte à délibérer sur : • Les futures transformations technologiques ou structurelles ; • La stratégie de production et les moyens d'amélioration de la rentabilité ; • Les projets sociaux en faveur des travailleurs ;
• Les programmes de formation qu'ils soient sous forme d'apprentissage, de formation-insertion, d'alphabétisation ou de formation continue. L'article 466 du Code du travail, qui énumère ces attributions, déclare que le Comité d'entreprise est également chargé du « bilan social de l'entreprise, lors de son approbation ». Ni la fréquence de l'établissement de ce bilan ni les parties qui doivent l'établir et l'approuver ne sont précisées. Ce Comité se réunit au moins tous les six mois. Il dispose de toutes les données et documents nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Ses membres peuvent inviter à ses réunions tout autre salarié de l'entreprise dont la présence est utile à leurs délibérations. b. Le Comité de sécurité et d'hygiène Dans le but d'associer les travailleurs à la préservation de leur santé et de leur sécurité au travail, un Comité de sécurité et d'hygiène a été institué dans les entreprises qui emploient 50 salariés au moins. Il est composé, sous la présidence de l'employeur ou de son représentant : • Du chef du service de sécurité ou à défaut d'un cadre technique supérieur nommé par l'employeur ; • Du médecin du travail de l'entreprise ; • De deux délégués des salariés désignés par leurs collègues ; • D'un ou de deux représentants syndicaux, le cas échéant. Les tâches principales de ce Comité consistent à : • Détecter les risques professionnels ; • Veiller à l'application des mécanismes de prévention et des règles d'hygiène et de sécurité ;
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• Contribuer à la protection de l'environnement à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise ; • Initier des améliorations portant sur les méthodes et procédés de travail ainsi que sur le choix du matériel et des équipements de travail ; • Proposer des solutions pour la réadaptation professionnelle des salariés handicapés ; • Formuler des avis sur le fonctionnement de la médecine du travail ; • Renforcer l'éducation en matière de santé et de sécurité au travail ; • Établir un programme annuel de prévention des risques professionnels. Le Comité se réunit trimestriellement et autant de fois que nécessaire, sur convocation de son président. Il est convoqué de manière systématique à la suite de tout accident ayant eu des conséquences graves ou qui pouvait les entraîner. A la suite de l'avènement d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle, il doit diligenter une enquête menée par un membre représentant les salariés et d'un autre représentant l'entreprise. Le Comité doit également rédiger un rapport annuel sur l'évolution des risques professionnels dans l'entreprise. c. Les représentants syndicaux dans l'entreprise En vue de permettre aux syndicats les plus représentatifs de disposer d'une représentation dans les lieux de travail, le Code prévoit la désignation de représentants des syndicats dans les entreprises qui occupent habituellement 100 salariés au moins. La prérogative bénéficie au syndicat le plus représentatif ayant obtenu le plus grand nombre de voix aux dernières élections des représentants des salariés dans l'entreprise ou l'établissement.
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Le nombre des représentants à désigner est fixé selon les effectifs employés comme suit : Effectifs 100 à 250 salariés 251à 500 501 à 2000 2001 à 3500 3501 à 6000 Plus de 6000
Représentants 1 2 3 4 5 6
Les représentants des syndicats sont choisis parmi les membres du bureau syndical de l'entreprise. La loi n'impose pas qu'ils aient la qualité de représentants des salariés. On devrait comprendre aussi qu'à défaut de bureau syndical au niveau de l'entreprise, il appartient au syndicat concerné de choisir ses représentants parmi ses membres travaillant dans l'entreprise. Le(s) représentant(s) des syndicats a pour mission de : • Présenter le cahier des revendications ; • Défendre les revendications collectives ; • Engager les négociations collectives et y prendre part. Les représentants des syndicats bénéficient, au même titre que les délégués élus des salariés, du droit de disposer d'un local, du tableau d'affichage, de la libre circulation, du crédit du temps d'absence rémunérée et de la protection administrative en cas de mutation, de sanction disciplinaire ou de licenciement. Comme eux, leur indemnité de licenciement est doublée. Conformément aux normes internationales de travail, l'employeur doit éviter tout comportement de nature à favoriser la représentation élue au détriment de la présence syndicale. Il est invité aussi à encourager la coopération entre ces deux formes de représentation des travailleurs.
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L'efficacité de toutes ces instances est suspendue à leur bonne intelligence mutuelle et à la communication qu'elles entretiennent au sein de l'entreprise. d. La communication dans l'entreprise Elle s'articule autour des fonctions des représentants du personnel et des instances auxquelles ils participent, des mesures prévues dans le règlement intérieur ainsi que dans les obligations légales mises à la charge de l'employeur par le Code du travail. Parmi les innovations du Code du travail qui visent à doter l'entreprise d'un cadre normatif adapté à ses besoins, figure l'obligation faite à toutes celles qui emploient 10 salariés au moins de se doter d'un règlement intérieur propre (art 138). Ce règlement, ainsi que tous les autres supports normatifs applicables dans l'entreprise, doivent être communiqués à tout salarié à l'occasion de son recrutement et notifiés à tous les travailleurs à chacune de leur modification ; il s'agit notamment : • De la convention collective ; • Des conditions de sécurité et d'hygiène ; • Des informations sur la paye, la CNSS, et l'assurance relative aux accidents de travail et aux maladies professionnelles. L'information des salariés ou l'obtention de l'autorisation des représentants des travailleurs est également rendue nécessaire pour l'employeur à plusieurs occasions, en particulier lors : • De l'établissement ou de la modification du règlement intérieur ; • De licenciements pour motif économique ou technologique ; • De la réduction de la durée normale du travail (art 186). Au niveau national et à l'échelle locale, les canaux du dialogue social sont tout aussi importants.
B. Les organes publics de promotion du dialogue social et de traitement des conflits collectifs Le dialogue social est manifestement plus visible lorsqu'il mobilise les centrales syndicales, les organisations d'employeurs et les autorités gouvernementales à l'échelle nationale. Les déclarations tripartites qui l'ont émaillé formellement en 1996, 2000 et 2003 comme les rencontres annuelles auxquelles il donne lieu sous la présidence du premier Ministre, constituent des moments forts pour son développement. Sa pérennité et son succès demeurent, cependant, tributaires d'un travail de préparation et de concertation permanentes entre les parties, pour le renforcement duquel le Code du travail a mis en place des institutions de concertation et de traitement des différends collectifs. On se limitera à désigner ces mécanismes et à évoquer leurs missions principales en passant en revue d'abord les instances qui opèrent à l'échelle nationale, puis au plan local. a. Le Conseil de la Négociation Collective Cette instance, qui est instituée auprès du Département chargé du travail et présidée par son Ministre, est composée des représentants des organisations des travailleurs et des employeurs les plus représentatives, ainsi que des re p ré s e n t a n t s d e s d é p a r t e m e n t s concernés. Elle a pour mission de promouvoir la négociation collective par l'établissement et l'étude de son bilan annuel, la formulation de recommandations destinées notamment aux grandes entreprises ainsi que l'interprétation des clauses litigieuses des conventions collectives lorsqu'elle est sollicitée à ce sujet (art 101-103).
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b. Le Conseil de Médecine du Travail et de la Prévention des Risques Professionnels Présidé également par le Ministre du travail et disposant d'une composition tripartite, il a pour fonctions principales de promouvoir la médecine du travail et son inspection ainsi que les mesures d'hygiène, de sécurité et de prévention des risques professionnels (art 332- 334). c. Le Conseil Supérieur de la Promotion de l'Emploi et les Conseils Régionaux et Provinciaux Le Conseil Supérieur de la Promotion de l'Emploi est également de composition tripartite et présidé par le Ministre chargé du travail. Il est appelé à coordonner la politique gouvernementale en la matière et à formuler des avis sur les orientations de la politique gouvernementale à ce sujet, notamment en ce qui concerne l'insertion des jeunes. Il est également chargé de : • Soutenir le dialogue social relativement au « processus de production » ; • Évaluer les mesures publiques adoptées, en particulier celles qui bénéficient du soutien financier de l'État ; • Coopérer avec les autres institutions concernées par ces questions (enseignement, démographie, développement social …) ; • Réunir les données sur la situation de l'emploi et ses perspectives, les analyser et établir un rapport annuel de restitution qu'il adresse au gouvernement (art 522- 525).
que des différends qui n'auraient pas trouvé leur solution au niveau de la Commission provinciale d'enquête et de conciliation. Elle est saisie par les parties concernées ou par le président de la Commission provinciale (art 564-566). e. Les Commissions provinciales et locales A l'échelle locale, on trouve d'abord la Commission provinciale d'enquête et de conciliation laquelle est placée sous la présidence du Gouverneur. De composition tripartite, cette commission peut être saisie soit par le délégué du Département du travail, soit par les parties concernées (art 557-563). En matière de préservation de l'emploi, il est institué également une Commission tripartite chargée de donner un avis consultatif au gouverneur à l'occasion des demandes d'autorisation de licenciement de travailleurs pour motif technologique, économique ou structurel, que doivent lui soumettre les entreprises employant plus de 10 salariés, avant de procéder au renvoi des travailleurs (art 67-68). Toutes ces institutions ne sont pas encore effectives et éprouvent parfois des difficultés à s'implanter et à se développer. Leur épanouissement ne peut s'obtenir que par un engagement soutenu des principaux acteurs pour les animer et en faire les supports d'une culture du dialogue social qui prend racine dans les lieux du travail.
d. La Commission Nationale d'Enquête et de Conciliation Présidée par le Ministre du travail, cette commission tripartite est saisie des conflits collectifs qui dépassent le territoire d'une seule province ou préfecture ainsi
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II. La consolidation du dialogue social par des partenariats durables Il se dégage de l'enquête réalisée en 2006 par le ministère de l'emploi pour évaluer le degré d'effectivité du Code du travail sur la base des indicateurs relatifs au dialogue social, que les entreprises qui ont réussi à se mettre en conformité avec les innovations du nouveau Code qu'il a introduites constituent plutôt l'exception. Dans l'hôtellerie et la restauration, le taux de conformité atteint 42%, mais ce rapport n'est que de 27% dans les industries minérales et de 26% dans les activités alimentaires. Les secteurs qui recourent massivement à la main d'œuvre demeurent ceux qui enregistrent les résultats les plus médiocres, soit 1 0 % s e u le m e n t dans la branche textile/habillement et 7% dans la branche BTP. Quant à l'absence totale des institutions représentatives des salariés dans les exploitations agricoles, elle s'explique par leur assujettissement récent au droit commun du travail. A l'exception de la région de Marrakech qui atteint un niveau de conformité de 14%, les autres régions enregistrent toutes un taux de conformité inférieur à 7%. Les causes de ce bilan inquiétant sont imputées, selon la même étude, à plusieurs facteurs concordants. Du côté des employeurs, on déplore principalement l'ignorance de leurs obligations légales et l'absence d'une culture de dialogue social. Par contre, du côté des travailleurs, on retient surtout leur sous encadrement professionnel et la prédominance d'une logique de conflictualité
entretenue souvent par une attitude de méfiance à l'égard des employeurs. Face au déficit du dialogue bilatéral entre l'employeur et la collectivité des travailleurs, les représentants de l'État observent le plus souvent une neutralité prudente et une certaine apathie que renforce le manque de moyens logistiques, une communication insuffisante et une faible évaluation de leurs performances. Au vu de ces résultats, le ministère du Travail a engagé avec les partenaires sociaux un programme de mise en conformité portant sur les institutions représentatives du personnel, le règlement intérieur, les conditions de travail, la protection sociale, la santé au travail et l'emploi des mineurs. Par ailleurs, le déroulement des élections des délégués des salariés en 2009 est susceptible d'améliorer ces résultats et d'élargir les opportunités de mise en place des Comités nouvellement introduits par le Code du travail. La consolidation institutionnelle des rapports collectifs de travail à l'échelle de l'entreprise constitue manifestement une condition élémentaire pour nourrir la culture du dialogue social, améliorer l'effectivité des droits et bâtir la société démocratique. Cette articulation forte explique pourquoi les entreprises socialement responsables investissent beaucoup dans le dialogue social (1), en s'adaptant à leur contexte (2) en vue de développer des partenariats durables (3).
1. Promouvoir une culture du dialogue social La léthargie des rapports collectifs du travail, notamment dans les PME, est souvent banalisée par les employeurs et perçue comme une fatalité, en raison des liens personnels qui se tissent entre
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le chef d'établissement et ses salariés et de l'absence de toute volonté de leur part de se prévaloir des obligations légales dans leurs relations respectives. Cette situation demeure courante dans les entreprises familiales et chaque fois que le mode de gestion est fortement imprégné par la présence paternelle du patron. Elle tend aussi à se répandre même parmi les entreprises de taille moyenne dans le contexte de crise de l'emploi, de sous encadrement syndical et de faible qualification professionnelle des travailleurs. Il faut admettre, toutefois, qu'elle entretient un comportement de dépendance personnelle et ne participe pas de la formation de l'esprit de corps dans l'entreprise. Lorsque le tissu économique du pays est formé principalement de PME, cette situation peut constituer un obstacle majeur au relèvement des capacités des travailleurs, à la structuration des rapports professionnels et au développement de la citoyenneté. Loin d'être antagoniste de la cohésion sociale dans l'établissement ou un facteur d'atténuation de la loyauté des travailleurs à son égard, le renforcement du comportement professionnel est impératif dans un contexte économique et technologique en perpétuel changement. Pour les travailleurs, il constitue la voie de maintien de leur employabilité par le renforcement du savoir-faire et l'affinement du savoir être. Pour l'entreprise, il facilite l'introduction des innovations, autorise l'adaptation des organisations et améliore la flexibilité globale. Pour tous, il permet de renforcer la cohésion et les solidarités autour des intérêts de l'entreprise et non en raison des liens d'allégeance ou de clientélisme. En tant que microcosme social intégré au système de production et d'échange
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des richesses, l'entreprise assure aussi un rôle central dans la transmission des connaissances techniques et des valeurs socioculturelles parmi ses travailleurs et ses différentes parties prenantes. En raison de leur prédominance et de leur large répartition territoriale, les PME héritent d'un rôle stratégique à ce titre. Elles peuvent aussi bien renforcer les archaïsmes dans les conduites collectives que féconder les relations professionnelles des valeurs modernes de non discrimination, de légalité et de rigueur comportementale. L'entreprise socialement responsable ne saurait donc se prévaloir du faible attachement de ses travailleurs à leurs droits individuels et collectifs pour se détourner de sa responsabilité en matière de promotion du dialogue social. Elle ne saurait non plus atteindre les objectifs qu'elle se fixe en matière de respect de droits humains, des principes fondamentaux au travail et de performance économique en se permettant de reproduire en son sein des pratiques et des modes de fonctionnement contraires à ces valeurs. En réalité, l'attitude de désintérêt ou de rejet qu'exprime le personnel à leur employeur au sujet de l'institutionnalisation de la relation collective de travail traduit souvent son ignorance en la matière ou la crainte confuse que la reconnaissance formelle des rapports collectifs de travail ne se fasse au prix de la négation du lien personnel qui l’attache à l'employeur. Dans les deux cas, elle représente un défi de plus que l'entreprise doit relever. Si le droit en vigueur oblige l'entreprise à mettre en œuvre de manière formelle les institutions et les procédures collectives, sa responsabilité sociale comme la recherche de l'efficience économique et de la sécurité juridique devraient la pousser à créer les conditions favorables
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pour la réalisation de cet objectif (A). L'un des problèmes délicats qui se posent parfois sur cette voie est celui de l'équilibre des rapports entre la représentation syndicale et élue des travailleurs (B). A. L a fo r m a l i s a t i o n d e s re l a t i o n s collectives de travail De nombreuses entreprises, notamment de taille moyenne ou petite s'accommodent du désintérêt de leurs salariés pour l'organisation collective du travail. Certaines parmi elles invitent d'ailleurs le ministère chargé du travail à faire le constat de l'absence de candidats aux élections des délégués des salariés aux fins de désengager leur responsabilité légale à ce sujet. La pratique d'établissement d'un PV dit de carence s'est ainsi affirmée même dans des entreprises relativement importantes. Pareil comportement de la part du travailleur peut exprimer, pour autant qu'il soit spontané, la crainte que sa candidature soit interprétée comme une velléité de revendication ou de contestation qui susciterait, en retour, la méfiance ou l'hostilité de l'employeur à son égard. Elle peut aussi manifester une attitude de reconnaissance à son égard ou émaner d'un sentiment confus de fraternité ou d'allégeance soucieux d'inscrire la relation de travail dans une dépendance personnelle et non juridique. Mais à moins d'exprimer une attitude concertée de protestation, par laquelle les travailleurs veulent dénoncer la faible perméabilité de l'entreprise au dialogue et au respect du droit, une telle situation est généralement le fruit d'un mode de gestion de type paternaliste ou familial peu favorable à la construction d'une communauté autonome de travail consciente de ses droits et de sa contribution collective au développement de l'entreprise. Il exprime autant la passivité des travailleurs qu'une volonté, au moins implicite de
l'employeur, de l'entretenir en évitant d'investir dans la formation et la structuration des relations de travail. Sans doute, il n'appartient pas à l'employeur de favoriser l'adhésion de ses travailleurs à un syndicat. Une telle action constituerait d'ailleurs le délit d'ingérence dans l'action syndicale prévu et réprimé pénalement. Mais dès lors que les normes internationales de travail et la loi correspondante lui confient pour mission d'organiser les élections des délégués du personnel, de soutenir l'exercice de leur mandat au sein de l'entreprise, de reconnaître la liberté syndicale, et d'engager la négociation collective, il est clair que la préparation des conditions favorables à l'exercice de ces droits relève au moins partiellement de sa responsabilité. En effet, telles qu'elles ressortent des conventions de l'OIT, notamment n° 87, 9 7 e t 1 3 5 , m a i s é g a le m e n t d e l a Déclaration des principes et des droits fondamentaux au travail de 1998 et des instruments internationaux relatifs à la RSE, les obligations des entreprises afférentes au droit d'organisation et de négociation collective ne consistent pas en leur respect formel mais plutôt dans leur mise en œuvre effective et leur promotion. En ce sens, le respect du droit d'organisation engage à la protection contre toute discrimination antisyndicale ou à l'égard des représentants élus des travailleurs. Il relève de la responsabilité de l'entreprise d'assurer à ses travailleurs que leur participation aux institutions représentatives et au dialogue social n'est pas contraire à la conduite professionnelle qui est attendue d'eux pour autant qu'elle s'effectue dans les limites légales. En protégeant et en valorisant les mandats des représentants élus et
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syndicaux, elle signifie ouvertement à l'ensemble des travailleurs que leurs intérêts collectifs s'intègrent aux objectifs de l'entreprise et que c'est par la concertation et le dialogue qu'ils doivent être identifiés et mieux pris en compte. B. La complémentarité des formes de représentation collective Certes, le champ de l'exercice de la liberté syndicale dépasse l'espace de l'entreprise et peut s'imposer à elle comme une contrainte externe. Le droit permet en effet au syndicat de décider seul de ses statuts et de son programme d'action. C'est à lui que revient la décision de créer un bureau syndical parmi les travailleurs d'une entreprise ou de faire adhérer ses membres à une structure plus élevée, au niveau de la localité, de la province, de la profession, ou du pays. L'employeur ne peut s'immiscer dans ces options ni les favoriser sans violer le principe de la liberté syndicale. Les rapports entre l'entreprise et les syndicats qui se prévalent de la représentation de ses travailleurs trouvent leurs repères dans le respect de cette liberté et l'intérêt qu'elles éprouvent à engager le dialogue. La loi n'impose la reconnaissance du représentant syndical dans l'entreprise qu'en faveur du syndicat le plus représentatif ayant obtenu le plus grand nombre des délégués des salariés dans les élections qui se déroulent dans l'entreprise de 100 salariés au moins. Mais en l'absence d'un représentant désigné de cette façon, les travailleurs demeurent libres de constituer un bureau syndical dans leur entreprise ou d'adhérer à un syndicat existant et de présenter à leur employeur un cahier de revendications. D'ailleurs, le Code du travail établit les critères du syndicat le plus représentatif dans toute entreprise dans laquelle se déroulent les élections des délégués
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des salariés et impose sa reconnaissance subséquente et l'engagement d'une négociation collective à sa demande. Au vrai, ces mesures sont destinées davantage à encadrer la compétition loyale entre les centrales syndicales dans le contexte de pluralisme syndical, qu'à indiquer à l'entreprise la conduite qu'elle doit adopter dans ses rapports avec les syndicats. En effet, l'une des conséquences de la liberté syndicale et de la participation des organisations des travailleurs et des employeurs à l'orientation des politiques publiques, est souvent la multiplication de centrales syndicales aux sensibilités différentes. Au niveau national, comme à l'échelle des professions et des entreprises, ces structures poussent leurs ramifications et donnent lieu parfois, à des rapports conflictuels. La notion de syndicats les plus représentatifs a été élaborée en droit international puis intégrée dans les législations nationales pour mettre à la disposition des pouvoirs publics une base objective pour le choix de leurs partenaires au dialogue et réduire les risques de comportement discriminatoire en la matière. Elle n'a pas pour objet de conférer un monopole de représentation au syndicat le plus fort du moment, mais de désigner les syndicats qui recueillent la plus large représentativité et à ce titre devraient être les interlocuteurs privilégiés des autres partenaires sociaux. Cette attitude permet d'entretenir des rapports pérennes avec les organisations qui disposent véritablement d'audience sociale et de les encourager à coopérer ensemble et à convenir, s'il y a lieu, du mode de leur représentation collégiale. Entre l'institution des délégués élus des
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salariés et le syndicat il existe une communauté d'objectifs mais aussi une différence dans les fonctions. Les représentants élus des salariés sont des mandataires de leurs collègues de travail, désignés au niveau de chaque établissement, pour présenter à son chef les doléances et les réclamations afférentes aux conditions de travail et au respect du droit en vigueur. Leur élection est obligatoirement organisée au sein des établissements et leurs missions sont définies précisément par la loi. Pour sa part, le syndicat est une association librement constituée par ses membres pour la défense de leurs propres intérêts et ceux des catégories socioprofessionnelles auxquelles ils appartiennent. Cet objet leur permet d'engober la présentation des réclamations telle qu'elle est exercée par les délégués élus, mais aussi d'organiser l'action collective, de présenter des revendications et de négocier pour leur satisfaction. De nombreuses législations, comme le Code du travail, réservent au syndicat exclusivement, le pouvoir d'engager la négociation collective et de conclure une convention collective. En cas de pluralité de prétendants à ce rôle, la priorité est donnée aux plus représentatifs d'entre eux. Les délégués élus partagent donc avec les syndicats la mission de veiller au respect du droit et des bonnes conditions de travail. A cette fin, ils disposent des avantages qui leur sont conférés à l'intérieur de l'établissement et auxquels ne peut prétendre le syndicat que par voie d'accord passé avec l'entreprise, ou par suite de la désignation du délégué syndical telle qu'elle est permise dans les entreprises de 100 salariés, au moins. Dans les faits, il ne saurait y avoir une séparation hermétique entre les deux institutions. La loi reflète d'ailleurs leur interconnexion réelle, en articulant sur les résultats des élections des délégués élus des salariés,
le critère quantitatif du syndicat le plus représentatif, aussi bien à l'échelle de l'entreprise qu'au plan national. Le mode de scrutin de liste qui a été retenu dans ces élections exprime, lui-même, la volonté d'encourager des coalitions et de faciliter, par ce moyen, au syndicat la présence dans l'établissement. Une grande partie des travailleurs élus aux fonctions de délégués des salariés ne se réclament toutefois d'aucune organisation syndicale et se présentent sur des listes dites « Sans Appartenance Syndicale ». Cette situation n'est pas rare à travers le monde. En effet, le mouvement syndical se développe généralement dans les grands bassins industriels et éprouve des difficultés à pénétrer les structures de travail dans lesquelles prédominent les relations personnelles ou de type artisanal. La faible syndicalisation des travailleurs exprime aussi une tendance mondiale dans le contexte de la globalisation et de l'individualisation des carrières professionnelles. L'animation du dialogue central requiert alors l'adaptation de ses moyens.
2. L'adaptation du dialogue social au contexte de l'entreprise La représentation des travailleurs au niveau de l'entreprise et de ses différents établissements peut s'effectuer par des représentants qui revendiquent ou non l'appartenance à un même syndicat. La conscience que les représentants élus ou syndicaux ont de leur mandat représentatif peut-être aussi relativement différente de ce qui est prévu par le Droit. Autant des syndicalistes peuvent revendiquer que l'employeur leur reconnaisse la représentativité exclusive des travailleurs pour négocier en leur nom sans avoir à faire état des effectifs qui les ont mandatés, autant les délégués élus peuvent invoquer
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le mandat électif pour prétendre au mandat de négociateur en l'absence de syndicats représentatifs. La prolifération des protocoles d'accord en lieu et place des conventions collectives tend d'ailleurs à confirmer que les mandats spéciaux et les accords collectifs sous forme simplifiés, constituent une pratique dérogatoire très étendue. En fait, chaque fois que la représentation collective légale fait défaut ou se trouve paralysée, notamment après désaveu des délégués élus ou des représentants syndicaux, l'employeur n'a guère d'autres choix que de traiter avec des représentants de fait, sans considération des mandats de droit. Les conventions internationales, comme les dispositions du Code du travail relatives à la solution des conflits collectifs admettent parfaitement ces situations. La pratique dégage aussi des modes de représentation non-conformes au cadre institutionnel qui participent néanmoins à l'encadrement du dialogue social et auxquels les travailleurs sont attachés, dans la mesure où ils répondent à l'urgence ou correspondent davantage au mode de fonctionnement de leur communauté de travail. Si de telles solutions expriment un nécessaire pragmatisme pour maintenir le dialogue social et respecter la volonté collective, elles doivent néanmoins se consolider rapidement par l'autorité du droit. Tant en matière d'organisation de la représentation élue des travailleurs, que dans le cadre de la prévention et de la résolution des conflits, le Code du travail prévoit la possibilité de négocier de tels arrangements et de les consacrer dans le règlement intérieur ou par voie d'accord collectif sous forme simplifié. En marge du cadre légal, il est parfaitement concevable de développer des modes de consultation et d'association des travailleurs
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à la prise de certaines décisions. A travers les réunions d'information, les cercles de qualité, la désignation de tuteurs en formation, la constitution de commissions paritaires pour la promotion et la discipline, ou de Comités de gestion des œuvres sociales, il est possible d'élargir le champ du dialogue et des initiatives concertées, en y intégrant ou non les représentants élus ou syndicaux des travailleurs. A fortiori, les entreprises qui ne sont pas tenues d'organiser les élections des délégués du personnel, ni de se doter de Comités d'entreprise et de sécurité et d'hygiène, peuvent mettre en place volontairement ces institutions par voie de règlement intérieur ou d'accord collectif. Ces mêmes supports peuvent servir pour assurer la répartition appropriée des sièges des délégués entre les différents établissements ou conférer aux représentants des attributions complémentaires Des procédures spéciales de consultation ou de codécision peuvent également être instituées à propos de questions importantes pour la carrière du travailleur, sa vie familiale ou l'avenir de l'entreprise : horaires et durée du travail, implantation des établissements, gestion des chantiers… etc. Les canaux institutionnels du dialogue social peuvent ainsi être renforcés, relayés ou complétés par d'autres supports dans le but de renforcer la participation et de permettre la construction de partenariats autour du travail.
3. La consécration des progrès par des partenariats autour du travail Sur le plan institutionnel, les relations collectives de travail demeurent conçues pour gérer de manière pacifique les intérêts antagonistes des travailleurs et des actionnaires. D'un côté, elles protègent
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l'expression d'un pouvoir collectif qui revendique le respect de la loi et l'amélioration des conditions de travail ; d'un autre côté elles visent à sauvegarder la liberté d'entreprendre et à encourager la conclusion d'accords volontaires. L'attitude et le discours des organisations professionnelles contribuent aussi à entretenir cette vision, pour des raisons historiques mais aussi pour organiser les plus larges coalitions possibles autour des intérêts ainsi identifiés. Nul ne conteste cependant que dans une compétition économique ouverte à l'échelle de la planète, le développement de l'emploi et l'amélioration des conditions des travailleurs sont tributaires essentiellement de la compétitivité des entreprises et des territoires. Les performances qui sont requises de l'entreprise pour rester dans la course requièrent d'elles une mise à niveau permanente tant de ses moyens technologiques et matériels que de ses ressources humaines. La flexibilité de l'emploi, la qualité des produits et la rentabilité finale ont pour corollaire l'employabilité du travailleur, sa qualification continue et la capacité de l'organisation à répondre aux exigences des marchés. L'entreprise, comme ses travailleurs, sont de plus en plus placés face à des défis communs qu'il faut relever par la voie de la coopération (A). C'est en effet par l'effort commun au plus près des problèmes posés qu'on peut développer les bonnes pratiques et adapter celles qui ont vu le jour ailleurs (B) A. Relever les défis communs Un dialogue social de qualité accroît la motivation et la loyauté des travailleurs. De nombreuses études établissent que la concertation intégrée à un processus visant « le travail décent », accroît la productivité, les revenus et les profits à la fois.
En abordant avec les travailleurs les contraintes de la compétitivité qui pèsent sur elle, mais aussi les bénéfices mutuels qui peuvent en être tirés, l'entreprise neutralise les objections et les préjugés selon lesquels les efforts demandés aux salariés ne seraient pas forcément compensés par un partage équitable des fruits du travail ni par le renforcement de la stabilité de l'emploi. Dans le contexte actuel de l'augmentation de l'intensité de la concurrence, de la réduction du cycle de vie des produits et des mutations technologiques constantes, la concertation régulière au sein de l'entreprise devient un outil de base de sa gestion. A mesure qu'elle se structure et se nourrit régulièrement de l'information, elle se montre mieux disposée à accepter les compromis. Au niveau de la gestion des risques, le dialogue social permet de renforcer la prédictibilité nécessaire à la stabilisation des activités de l'entreprise et d'améliorer ses facultés d'anticipation des incidents ou, du moins, d'atténuation de leurs effets négatifs. Chaque fois que l'entreprise fait face à des changements brusques, sa capacité à leur faire face s'apprécie en fonction des rapports de confiance qu'elle a su établir au préalable avec l'ensemble de ses travailleurs et de l'intérêt qu'elle suscite auprès d'eux pour affronter la situation. Dans les circonstances de surcroît exceptionnel de travail ou à l'inverse, de baisse durable d'activité, ainsi que dans les contextes de mutation structurelle, technologique ou économique, l'entreprise qui parvient à des solutions acceptées par les travailleurs conserve entièrement l'autonomie de ses décisions, à la différence de celle qui découvre à ces occasions, les procédures de consultation prévues par la loi et qui risque de déclencher en les
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empruntant, le déferlement de toutes les frustrations et craintes accumulées individuellement et collectivement par les travailleurs. L'entreprise socialement responsable associe à sa propre prospérité la sécurité économique et le bien-être de ses travailleurs. L'information, la formation et le dialogue permanents renforcent leurs capacités mutuelles de gagner la compétitivité sur les marchés de l'échange et de l'emploi à la fois. La recherche de la performance devient un objectif partagé par les actionnaires, les travailleurs et les parties prenantes à mesure que leurs intérêts immédiats et évolutifs sont identifiés et pris en compte. Le dialogue social permet d'organiser l'entreprise sur cette base et de donner à chaque partie l'opportunité d'exprimer ses attentes et de formuler ses besoins pour construire, avec les autres, les meilleurs compromis possibles. C'est pourquoi, les relations collectives de travail ne peuvent pas se réduire à leur expression institutionnelle. Si l'attachement de l'entreprise socialement responsable au respect du droit lui impose de se conformer à ses prescriptions, notamment en matière d'institutions représentatives et de négociation collective, la bonne intelligence du dialogue social l'invite à insuffler à ce cadre institutionnel la dynamique de participation réelle en multipliant les bonnes pratiques. B. Adopter les bonnes pratiques La responsabilité sociale de l'entreprise requiert d'elle qu'elle adopte ouvertement des mesures destinées à respecter la liberté syndicale. A tous les niveaux de prise de décision, il doit être clairement prescrit de s'abstenir de : • Toute ingérence dans la décision d'un salarié de se syndiquer, en reconnaissant
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que tous les travailleurs sont libres de rejoindre le syndicat de leur choix ou de le constituer, sans que cela n'influence de quelle que manière que ce soit leur situation dans l'entreprise, ni leur carrière professionnelle ; • Toute discrimination antisyndicale en adoptant des démarches et des procédures appropriées, notamment en matière d'information, de recrutement, de promotion et d'affectation à des postes ; • L'immixtion dans l'activité des représentants des travailleurs en général et dans l'exercice de l'action syndicale en particulier, dès lors qu'elle ne constitue pas une perturbation illicite de l'entreprise. Des pratiques comme la libre collecte des cotisations syndicales, l'affichage des avis des représentants des travailleurs, les réunions libres et pacifiques sur les lieux de travail contribuent souvent à instaurer de bonnes relations entre la direction et les travailleurs. Le respect de la liberté syndicale engage l'entreprise à reconnaître les syndicats les plus représentatifs. Son attitude favorable à la négociation collective participe de cette reconnaissance, car le refus de l'employeur de négocier décourage les travailleurs à s'organiser et prive l'entreprise du dialogue qu'elle doit entretenir avec eux. En pratique, les critères légaux destinés à désigner les syndicats les plus représentatifs peuvent s'avérer infructueux. C'est le cas, par exemple lorsqu'aucun syndicat ne parvient à recueillir le seuil des 35% des délégués élus, ou de changement d'appartenance syndicale par les représentants des travailleurs ou encore de majorités différentes obtenues aux niveaux de l'établissement, de l'entreprise et du groupement d'entreprises dotés d'une même structure de ressources humaines. La voie du dialogue
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et de la contractualisation constitue alors la meilleure solution pour éviter la fragmentation de la représentation collective et le renforcement de la cohésion au sein de l'entreprise. La représentation et la négociation collectives ont aussi besoin de moyens pour être efficaces. C'est pourquoi la loi oblige l'employeur à doter les représentants des travailleurs de certains avantages matériels (local, tableau d'affichage, crédit d'heures d'absence… etc.). Leur mise en œuvre peut être avantageusement associée à des actions complémentaires destinées à renforcer leur efficience, dans le respect de la liberté de représentation, notamment dans les domaines de la communication, de la formation et des œuvres sociales. La consolidation des relations collectives de travail peut être recherchée aussi par l'établissement d'une consultation régulière, mutuellement approuvée, sur les questions d'intérêt commun. A la différence de la négociation collective qui se déroule obligatoirement avec le syndicat le plus représentatif, la consultation des représentants du personnel n'est soumise à aucune restriction ni condition. Elle ne doit pas, toutefois être utilisée pour affaiblir la présence syndicale. Il ne saurait y avoir de modèle idéal de consultation et de communication, dans la mesure où son efficacité est suspendue à son aptitude à s'adapter au type d'organisation, aux exigences culturelles et aux compétitions qui peuvent traverser la communauté de travail. La pérennité du dialogue social nécessite qu'il soit aussi soutenu par des mécanismes d'écoute et de traitement des différends, tant individuels que collectifs. Les travailleurs doivent avoir la possibilité de déposer des plaintes ou des réclamations
tant individuelles que conjointes auprès de leur administration et d'obtenir qu'elles soient traitées de manière objective et transparente, sans risque de rétorsion quelconque. Un moyen d'encouragement de ces procédures consiste à donner de la visibilité à ces procédures lorsque les cas traités permettent d'améliorer les règles en vigueur. La qualité des rapports individuels et collectifs de travail se trouve également améliorée lorsque les conflits individuels et collectifs sont portés devant des instances paritaires ou tierces chargées de la conciliation volontaire ou de la médiation. L'adoption de politiques et de codes de bonnes pratiques, d'éthique, de gouvernance d'entreprise ou de déontologie constitue aussi un moyen de plus en plus utilisé pour améliorer le fonctionnement général de l'entreprise, y compris la qualité des relations de travail. Certaines grandes entreprises ont eu recours à ces supports pour faire face aux accusations d'abus dont elles ont fait l'objet ou pour éviter de se trouver dans de telles situations à la suite d'agissements isolés de leurs cadres ou filiales. Leur efficacité a assuré leur expansion, aussi bien par voie conventionnelle que par action volontaire unilatérale. A l'image du Code Spécifique des Bonnes Pratiques de Gouvernance des PME et Entreprises Familiales élaboré par un groupe de partenaires nationaux pilotés par le Ministère des affaires économiques et générales et par la CGEM, plusieurs codes sectoriels ou académiques sont proposés à l'adhésion des entreprises à ce titre. Le code précité constitue d'ailleurs lui-même une annexe au Code Marocain des Bonnes Pratiques de Gouvernance d'Entreprise, publié quelques mois auparavant.
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Label CGEM C L'éradication
Tra RSE SE du travail forcé et du travail des enfants
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L'interdiction de l'esclavage a représenté historiquement l'un des premiers pas sur la voie de la reconnaissance de l'universalité des droits humains. Pourtant, l'OIT recense encore plus de douze millions de personnes contraintes d'accomplir un travail contre leur volonté. Près du cinquième d'entre elles sont mobilisées de force par les États ou par des groupes pour être affectées à des tâches de nature militaire ou civile. Les autres font l'objet d'une exploitation à caractère économique. Le phénomène affecte tous les pays et ses manifestations modernes prospèrent souvent à l'abri du regard de la société dans les sphères de non droit et de marginalisation socioculturelle (prostitution, migration clandestine, communautés fermées… etc.). Au sens de la convention n° 29 de l'OIT, le travail forcé est constitué par tout « service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré ». Son interdiction trouve sa source aussi bien dans cette convention que dans d’autres conventions internationales portant notamment sur l'esclavage, les pratiques comparables à l'esclavage, le servage, la servitude pour dettes. Le critère permanent de son identification demeure l'exercice de la contrainte ou de la menace de répression à l'encontre de la personne que l'on assujettit à l'accomplissement du travail pour autrui. D'autres indicateurs peuvent faciliter, dans les faits, de le reconnaître, mais ils ne suffisent pas à eux seuls pour retenir cette qualification. Parmi eux, on peut penser notamment à la faible contrepartie matérielle obtenue par le travailleur, aux mauvaises conditions de travail (durée, pénibilité, indétermination des tâches) et d'hébergement, (dortoirs mal entretenus, caches, dépendances désaffectées… etc.), aux liens de subordination qui peuvent
exister à l'égard des membres de sa fa m i l le ( t r a v a u x d o m e s t i q u e s d u conjoint et des enfants… etc.). A fortiori, les contraintes économiques et sociales qui poussent le travailleur à accepter d'exécuter les prestations demandées à des conditions manifestement inéquitables voire immorales ne peuvent pas fonder, à elles seules, une telle qualification. Il n'est pas rare, non plus, que le travail forcé soit imposé par la puissance publique, dans le contexte notamment de réquisitions et de mobilisation dans des programmes dits d'intérêt national. Mais la convention n° 29 de l'OIT exclut de sa définition tous les services accomplis sur ordre de l'État au titre : • Du service militaire obligatoire ; • Des obligations civiques normales ; • Du travail exigé comme conséquence d'une condamnation de justice ; • Du travail requis en cas de force majeure ; • Des travaux publics accomplis dans l'intérêt direct de la communauté. Cependant, l'évolution postérieure à son adoption en 1929 a révélé que ces dérogations constituent une source potentielle d'exploitation économique. C'est pourquoi, la convention n° 105(1) en a limité la portée en énumérant les circonstances dans lesquelles la puissance publique n'est pas admise à recourir au travail obligatoire ou à l'autoriser, tant comme mesure administrative que sous forme de sanction judiciaire. Conformément à ses dispositions, les États doivent s'abstenir d'ordonner l'exécution du travail en tant que : • Règle de coercition, de sanction ou d'éducation politique à l'égard des opposants ; • Moyen de mobilisation et d'utilisation de la main d'œuvre à des fins de développement économique ; • Instrument de développement du travail ;
(1) Convention n° 105 sur le travail forcé (1957), ratifiée par le dahir du 20 mai 1957 ; B.O. 2818 du 2 novembre 1966
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• Sanction de la participation à une grève ; • Mesure de discrimination raciale, sociale, nationale ou religieuse.
I. L'éradication du travail forcé
La définition donnée par la convention 29 doit dès lors être interprétée à la lumière de ces restrictions.
L'esclavage se pratiquait encore au Maroc au début du XXème siècle. Mais, en raison sans doute de sa faible importance quantitative et économique, son interdiction au début du siècle dernier n'a pas rencontré de résistance sociale, de telle sorte qu'il avait pratiquement disparu à la veille de l'indépendance. Le langage en garde, cependant, des traces vivaces. Les comportements et les valeurs socioprofessionnelles peuvent en rester imprégnés et entretenir ainsi certaines pratiques qui en dérivent historiquement.
L'interdiction du travail forcé doit être aussi interprétée à la lumière de la formulation positive qui lui a été donnée par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en reconnaissant à tout individu le « droit au travail » lequel est entendu comme le droit de « choisir librement le travail », d'accéder à des « conditions de travail justes et équitables » et de bénéficier d'une « protection contre le chômage ». L'objectif d'éradication du travail forcé se double alors de celui de la protection des travailleurs contre les abus qui peuvent menacer l'exercice du libre travail. Les mesures visant la protection des personnes les plus exposées à ce risque participent à sa réalisation. Dans de nombreuses régions du monde, la vulnérabilité des travailleurs face au travail forcé est entretenue par un héritage socioculturel de ségrégation à l'égard de castes présumées inférieures, des populations aborigènes, ou de communautés issues de l'émigration. Les femmes et les enfants sont les plus affectés à cause de la pression supplémentaire qu'ils subissent en raison de l'autorité exercée sur eux par leurs propres groupes. L'OIT estime que les victimes du travail forcé sont majoritairement de sexe féminin (56%) et pour moitié, des mineurs. L'éradication du travail forcé ne peut donc être dissociée de la lutte contre la discrimination et de l'élimination du travail des enfants.
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Pendant plusieurs siècles, une manifestation particulière du travail forcé a été constituée par les corvées en milieu rural. Dans de nombreuses régions du pays, il s'agissait de pratiques coutumières de travail collectif ayant pour objet la réalisation et l'entretien d'ouvrages d'intérêt général ou collectif : pistes, greniers, fortifications, cours et conduites d'eau… etc. Mais sous la dénomination de « touiza », par laquelle on désignait ces travaux communautaires, on a pu aussi astreindre des groupes vulnérables à l'accomplissement de besognes au profit de puissants chérifs, caïds ou autres amghars. Au début du protectorat, ces pratiques ont été détournées aussi au profit de son administration, pour pacifier et ouvrir des régions à son autorité. Dans le cadre des relations privées de travail, le code des obligations et contrats déclare, depuis son entrée en vigueur en 1913, « nulle et rend nulle l'obligation qui en dépend, toute condition ayant pour effet de restreindre ou d'interdire l'exercice de droits et libertés appartenant à toute personne humaine, telles que celles de se marier, d'exercer ses droits civils ». Toute
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restriction à la liberté de travail tombe sous le coup de cette interdiction générale. Mais le législateur ajoute, concernant précisément le contrat de travail ou de louage d'ouvrage, « est nulle toute convention qui engagerait les services d'une personne sa vie durant ou pour un temps tellement étendu qu'elle lierait l'obligé jusqu'à sa mort » (art 727). Aucune obligation juridique ne peut donc être valablement constituée dans des rapports contractuels lorsqu'elle a pour effet de restreindre la liberté de travail du contractant. Dans les rapports avec la puissance publique, la question se pose généralement à propos de l'emploi des travailleurs dans le cadre des réquisitions civiles et militaires, du service national obligatoire et des travaux forcés. En matière de services obligatoires pour l'État, la question a perdu tout intérêt depuis l'abolition du service militaire et la suppression du service civil. Pour leur part, les réquisitions sont toujours autorisées, mais leur champ est limité aux périodes de calamités, catastrophes et troubles graves à l'ordre public. Quant aux travaux forcés, ils ne figurent plus comme sanction dans le Code pénal. Certes, les détenus peuvent être appelés à travailler dans le cadre de l'exécution de leur peine. Mais il s'agit d'un travail librement consenti, rémunéré ou constituant une mesure de rééducation. Les auteurs des exactions qui en découlent sont passibles de sanctions pénales : abus d'autorité commis par les fonctionnaires contre les particuliers (art 224 et s du Code pénal), éventuellement séquestration (article 436 et s. du Code pénal). Pour renforcer ce dispositif légal, le Code du travail a insisté dans son préambule sur le respect des droits et principes fondamentaux au travail et prescrit dans son article 10 la prohibition de toute
réquisition de salariés pour l'exécution d'un travail forcé ou contre leur gré. Dans un tel contexte juridique le risque d'implication d'une entreprise dans la pratique du travail forcé devrait être quasiment nul. Mais dans le contexte d'ineffectivité de la loi, l'entreprise socialement responsable doit développer une vigilance particulière, notamment en ce qui concerne ses sous-traitants, pour éviter d'être complice de pratiques assimilées au travail forcé. La soustraction du travail accompli dans le cadre de la famille élargie à la législation du travail peut donner lieu à des formes dérivées de ces pratiques. Il en va de même des conduites illicites. L'entreprise socialement responsable doit donc prendre les mesures de prévention appropriées pour : • S'assurer que le règlement intérieur et le contrat de travail ne contiennent pas de dispositions ambiguës ou équivoques, pouvant avoir pour effet de restreindre la liberté du travailleur de démissionner ; • Entourer les cautions, les retenues sur salaires ainsi que les avances et les crédits au personnel, des précautions visant à sauvegarder la liberté du travailleur de s'en délivrer à tout moment pour garantir sa liberté de travail ; • Éviter toute mesure de nature à restreindre la liberté du travailleur d'aller et de venir ou de proposer ses services, telles que la confiscation des documents d'identité, le refus de délivrer les attestations de travail et de salaires… etc. Lorsque les travailleurs demandent des services de ce genre, s'assurer qu'ils conservent la possibilité d'accéder à tout moment à leurs documents et d'en disposer librement ; • S'interdire les contrats de marchandage, par lesquels les contractants s'enga-
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gent à faire effectuer le travail par autrui. En cas de nécessité de recourir à de telles conventions, il faut s'assurer que le travailleur qui exécute le travail a donné son consentement libre et que le salaire qu'il perçoit est conforme aux prescriptions légales ; • Mettre en place une procédure destinée à donner suite à toute information établissant l'existence du travail forcé dans l'entreprise ou chez ses sous-traitants ; • Adopter des pratiques visant à s'assurer que le salaire soit versé directement au travailleur en réduisant les risques de tout prélèvement indu fait contre sa volonté ; • Exercer une influence positive sur les partenaires en exigeant notamment : - que les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise soient titulaires de contrats réguliers de travail qui garantissent leur liberté (intérimaires, agents mis à disposition… etc.) ; - que les produits ou les services fournis à l'entreprise soient réalisés par des travailleurs majeurs, en situation régulière. • Accorder un intérêt spécifique à la condition des travailleurs migrants et des autres catégories de travailleurs particulièrement exposés à ce risque (handicapés mentaux, jeunes issus de l'exode rural... etc.) ; • Soulever la question de la liberté du travail avec les représentants des travailleurs et leur assurer une formation sur les risques juridiques et commerciaux qu'engendre pour l'entreprise son implication, même involontaire, dans des rapports de travail forcé (réputation et image de marque, procès et poursuites pénales, retombées sur le marché du travail... etc.). L'importance du secteur informel fait, sans doute, que le risque le plus élevé pour les entreprises marocaines en matière de travail forcé provient de l'engagement des enfants.
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II. L’élimination du travail des enfants Le travail des enfants demeure important à travers le monde. En 2000, l'OIT recensait près de 246 millions de jeunes travailleurs âgés de 5 à 17 ans. Grâce à la campagne internationale associant les États, les syndicats de travailleurs et les organisations des employeurs, ce chiffre a régressé de 11% pour se situer à 218 millions en 2004. En quatre années seulement le nombre des enfants de cette tranche d'âge a ainsi diminué pour ne représenter qu'un travailleur sur 6 en 2004, contre un travailleur sur 6 en 2000. Mieux encore, les résultats les plus spectaculaires ont été obtenus face aux travaux dangereux (-26%) et dans la tranche d'âge de 7 à 14 ans (-33%). Encouragé par ce succès, le B.I.T. a renforcé sa mobilisation pour partager avec tous les États la conviction portée par le titre du rapport qu'il a consacré à ce sujet en 2006, en l'occurrence : « La fin du travail des enfants : un objectif à notre portée ». Le Maroc, qui a été classé à partir des années soixante-dix, parmi les pays qui recourent massivement au travail des enfants, maintient des taux d'occupation infantile élevés comparativement avec les pays de la Zone Mena et des pays qui ont un niveau de développement comparable. La volonté des pouvoirs publics et des partenaires sociaux de se débarrasser de ce fléau a conduit à l'adoption de plusieurs mesures dont les plus saillantes sont représentées par l'adhésion au Programme focal international pour l'éradication du travail des enfants (IPEC), le soutien à la scolarisation des enfants, le relèvement de l'âge légal de travail et la préparation de mesures protectrices pour les activités les plus concernées par ce phénomène : gens de
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maison (domestiques) et micro entreprises artisanales. Les progrès demeurent cependant lents tant au plan normatif que du respect des dispositions légales proclamées. En milieu rural, il n'est pas rare que les enfants apportent aux exploitations familiales leur contribution comme « aides-familiaux ». Leur engagement comme bergers ou comme travailleurs occasionnels se pratique aussi à une large échelle. Dans le milieu urbain et péri urbain, leur présence dans les petits commerces, ateliers et établissements de production artisanale n'est pas rare. Elle est moins visible sans être totalement absente dans les activités industrielles informelles, notamment dans les quartiers périphériques. L'abandon familial, la pauvreté des ménages ainsi que l'inadéquation du système d'éducation aux besoins du marché de l'emploi constituent des facteurs déterminants du travail des enfants. La tradition sociale et culturelle valorise aussi ce phénomène comme en témoignent de nombreux adages très persuasifs. Dans les zones rurales et péri urbaines notamment, les garçons sont encouragés à demeurer dans la sphère professionnelle du père, tandis que la petite fille se destine plutôt au travail domestique. Faute d'alternative économique pour la famille, on valorise le travail précoce en prétendant qu'il forge le caractère de la personne et contribue au relèvement de ses capacités. Il constitue en tous cas pour beaucoup d'enfants livrés à leur sort ou dont les parents sont incapables de subvenir aux besoins du foyer, la seule solution pour faire face aux nécessités. L'éradication du travail des enfants se rattache à la lutte contre la pauvreté, à la généralisation de la scolarisation, au
progrès de l'emploi des adultes et de façon plus générale, à l'amélioration de la prise en charge par l'économie des besoins de base de la population. Aussi, la Conférence Internationale du Travail a adopté en 1999 la convention n° 188 sur les pires formes du travail des enfants, indiquant ainsi la voie à suivre pour atteindre l'objectif d'éradication du travail des enfants que l'organisation a inscrit en 1998 parmi les principes et les droits fondamentaux au travail. Dans les normes internationales de travail, le « travail des enfants » désigne les activités qui constituent en raison de l'âge précoce auquel elles sont exercées, un risque pour le développement physique, psychologique, social, mental et spirituel de l'enfant. L'expression est à distinguer de celle de l'emploi des jeunes, laquelle recouvre le champ de travail salarié permis aux travailleurs mineurs. Quant à la notion des « pires formes de travail des enfants », elle s'applique spécialement aux activités illicites et dangereuses notamment en rapport avec la drogue, la pornographie, la prostitution et les services publics ou armés, ainsi qu'aux travaux présentant des risques pour la santé, la moralité ou la sécurité de l'enfant. Jusqu'à l'âge de 18 ans, tous les enfants doivent être spécialement protégés contre les risques constitués par les « pires formes de travail ». C'est là un premier objectif à atteindre pour traduire valablement l'obligation d'élimination immédiate et effective du travail des enfants. La détermination légale de l'âge d'accès au travail contribue aussi à la réalisation de cet objectif. La législation du travail l'avait fixé à 12 ans en 1948. Mais depuis la ratification par le Maroc de la convention n° 135 sur l'âge minimum (1973) et la fixation de l'âge de scolarisation obligatoire à 15 ans révolus, l'harmonisation du
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droit en vigueur rendait nécessaire de relever ce seuil à cette limite. Ce fut l'œuvre du Code du travail qui a également interdit les travaux dangereux aux mineurs et aménagé un régime protecteur aux salariés de 16 à 18 ans. Il en découle que les normes relatives à l'âge du travail et à l'emploi des jeunes concernent exclusivement les activités salariées relevant du champ d'application du Code du travail. Par contre les rapports de travail subordonné qui se déroulent dans les établissements de l'artisanat employant moins de cinq salariés et ceux qui s'effectuent dans le cadre du service domestique demeurent libres jusqu'à l'adoption des mesures législatives particulières annoncées à leur égard par le Code du travail. De même, les activités accomplies en dehors du cadre du salariat, notamment dans le cercle familial, échappent légalement à tout encadrement légal, exception faite des règles du Code pénal. Le respect de la législation du travail contribue ainsi à endiguer le travail des enfants. La mise en œuvre des mesures de contrôle et de répression est également de nature à étendre l'effectivité de son dispositif aux activités informelles et non structurées. Mais au-delà de ce champ, c'est surtout par des actions promotionnelles, l'éducation, la sensibilisation et le relèvement des capacités des entreprises et des familles que des progrès peuvent être obtenus sur la voie de l'élimination du travail des enfants. En l'absence d'une définition exhaustive des pires formes du travail des enfants, la recommandation n° 190 précise que les autorités compétentes doivent déterminer leur consistance, en concertation avec les partenaires sociaux, en tenant compte
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particulièrement des risques inhérents aux travaux qui : • Exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques ou sexuels ; • Se déroulent en profondeur terrestre ou aquatique ou à des hauteurs dangereuses ainsi que dans des espaces confinés ; • S'effectuent avec des machines, du matériel ou des outils dangereux ; • Impliquent de manipuler ou porter de lourdes charges; • S'exécutent dans un milieu malsain pouvant, par exemple, exposer des enfants à des substances, des agents ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé ; • Se réalisent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l'enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de travail. Le droit du travail marocain a interdit d'employer les mineurs dans les carrières et travaux souterrains effectués au fond des mines (art 179 CT) ainsi que dans les travaux susceptibles d'entraver leur croissance, d'aggraver leur état (art 180 CT) ou qui présentent des risques de danger excessif excédant leur capacité. En ce qui concerne le travail de nuit, un régime protecteur a été adopté en faveur des jeunes de 16 à 18 ans pour limiter cette faculté à 12 nuits par an quand il s'agit de récupérer le temps de travail perdu accidentellement (art 172175) et à une nuit seulement lorsque l'entreprise doit prévenir des accidents, organiser des sauvetages ou réparer des dégâts imprévisibles (art 172-176).
La Responsabilité Sociale des Entreprises : les aspects relatifs au travail.
Au-delà du champ d'application de la législation du travail, notamment dans ses rapports éventuels avec les établissements non structurés, l'entreprise socialement responsable devrait : • Exiger le respect de l'âge minimum du travail par ses propres services et leurs fournisseurs ; • Utiliser les mécanismes adéquats et fiables pour vérifier l'âge lors des procédures de recrutement ; • Conférer une responsabilité particulière au médecin du travail en la matière ; • Accorder un intérêt particulier à la question lorsqu'il est fait recours au travail à domicile, en vérifiant si les enfants sont scolarisés et dans quelle mesure ils participent à la réalisation des travaux confiés à leurs parents ; • Mettre en place un système d'écoute et de suivi pour détecter les risques d'implication de l'entreprise dans le travail des enfants de ses sous-traitants ; • Exercer une influence positive sur la profession et la filière de production en favorisant notamment des mesures visant à encourager les parents à scolariser les enfants et à les soustraire au travail. Selon la nature de leurs activités, certaines entreprises sont forcément plus exposées que d'autres à développer des rapports avec des utilisateurs potentiels du travail des enfants. En raison de l'importance des effectifs impliqués et de la diversité des relations de travail qui y prédominent, les activités agricoles, forestières, agro-industrielles, de recyclage des biens, ou de transformation de produits naturels présentent, par exemple, des risques manifestement très élevés pour les entreprises de se trouver impliquées indirectement dans l'emploi des enfants.
Il en va de même de l'emploi des produits de l'artisanat ou des services à domicile. Dans de nombreuses situations, le phénomène est tellement banalisé qu'une PME éprouvera de grandes difficultés à le combattre ou à s'en isoler seule. Il est important alors que la question soit abordée de manière pragmatique, de concert avec les services publics et les autres parties prenantes pour envisager tous les impacts possibles des décisions à prendre, notamment pour éviter de pousser les enfants dans des formes de travail encore plus dangereuses. Autant que possible, on devrait encourager ou proposer des solutions de remplacement durables. Qu'elles soient ou non confrontées directement à ce phénomène, les entreprises peuvent apporter leur contribution à l'éradication du travail des enfants. Le soutien des projets et des actions engagées par les ONG, les pouvoirs publics ou les organisations professionnelles offre un terrain valorisant à cette fin. Nombreuses sont les initiatives prises à cet effet, notamment à travers le financement ou le parrainage des écoles, le tutorat des enfants en difficulté scolaire ou avec la loi. Les champs de l'apprentissage, de la formation alternée ou sur le tas, de l'accompagnement des enfants des salariés pauvres et d'alphabétisation offrent aussi des opportunités d'action efficace pour sortir les enfants du cycle de la pauvreté et encourager les parents à investir dans leur avenir au lieu de chercher à compléter le revenu familial par leur travail. L’IPEC (International Program for the Elimination of Child Labour - Programme International pour l'élimination du Travail des Enfants) a mis au point un instrument essentiel d'observation et de suivi du travail des enfants : Child Labour Monitoring System qu'il est
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possible de consulter à l'adresse suivante : http://www.ilo.org/public/french/ standards/ipec/themes/clm/index.htm.
Pack Souss : un modèle de soutien scolaire L'entreprise Pack Souss a été créée en 1971 à Aït Melloul (région d'Agadir). Elle est spécialisée dans le conditionnement et l'exportation des agrumes. Elle emploie 320 salariés dont 80 femmes. En 2006, l'entreprise a mis en place un programme de soutien scolaire au profit des enfants de son personnel. Mais en raison du succès qu'il a rencontré, il s'est transformé rapidement en activité d'appui à la scolarisation des enfants des milieux défavorisés. Ce programme profite actuellement à 662 enfants et devrait atteindre rapidement 1 000 élèves des quartiers périphériques, grâce notamment à l'appui d'associations constituées à cette fin. Depuis 2008, une crèche a été également ouverte dans le cadre d'un projet, étalé sur 3 ans, de renforcement des prestations sociales. L'intérêt pour cette action s'est imposé lorsqu'il a été relevé qu'aucun enfant des travailleurs n'avait poursuivi d’études au-delà du niveau du collège. L'enquête empirique effectuée à la suite de ce constat a démontré une faible capacité des parents à assurer le suivi de la scolarité de leurs enfants et une démotivation manifeste tant de ceux-ci que de leurs éducateurs : en 15 ans de carrière, un professeur avait tenu seulement deux réunions avec les parents d'élèves. Les jeunes filles arrêtaient de suivre les cours seulement en raison du défaut de latrines dans les écoles. L'association créée avec l'appui de l'entreprise s'est fixé comme objectif de soutenir la scolarisation des jeunes, avec pour objectif d'obtenir un taux de réussite de 60% au niveau du baccalauréat. Le travail d'appui a été dispensé au départ dans les locaux de l'entreprise. Le déplacement qu'il imposait aux enfants était source de fatigue pour eux. Grâce à une convention conclue avec le Ministère de l'Éducation Nationale, les cours ont pu être transférés dans les locaux scolaires et donner lieu ainsi à l'engagement d'un enseignant spécialement affecté au soutien scolaire. La motivation des élèves et des parents a été stimulée de diverses manières, notamment par l'octroi de fournitures scolaires et l'attribution de prix pouvant atteindre 5 000 Dh pour la réussite au baccalauréat. Cinq centres ont vu le jour, donnant lieu à des partenariats avec deux associations de quartiers, ce qui a permis d'étendre l'appui à 300 élèves des douars voisins. Les activités parascolaires (excursions et théâtre) et les travaux de réfection des locaux scolaires ont aussi contribué à réduire considérablement les absences. Une classe d'appui est désormais ouverte dès que 7 enfants de même niveau sont réunis. La priorité est donnée aux mathématiques et aux matières scientifiques.
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L'idéal de l'égalité est au cœur de la justice. Il est à la base de la démocratie et le fondement de l'État de droit. Il constitue la condition indispensable à la reconnaissance des autres droits fondamentaux et un indicateur essentiel d'évaluation de leur respect effectif.
précises et contraignantes, soit pour accélérer l'élimination de formes particulières de discrimination comme celles qui sont fondées sur la race, la couleur ou le sexe, soit pour l'exclure dans les espaces de socialisation massive, comme l'entreprise.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) s'ouvre ainsi sur la proclamation selon laquelle « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Il en ressort que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qu'elle proclame « sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». L'énumération des motifs inadmissibles de discrimination est clairement donnée seulement à titre indicatif, comme le confirme l'emploi de l'adverbe « notamment ».
De manière générale, les lieux de travail constituent un parfait indicateur de la cohésion sociale. Ils reflètent, par excellence, la diversité humaine et sociale qui existe au sein de la société. Ils peuvent ainsi témoigner à travers la sous représentation de certaines catégories sociales la place particulière qui leur est échue parmi les communautés existantes. L'écart entre la rémunération des travailleurs et travailleuses, la concentration des travailleurs de couleur dans certaines activités ou la faible présence des handicapés dans la plupart des métiers peuvent ainsi relater la discrimination au travail laquelle trouve souvent ses origines dans la société et non seulement dans l'entreprise.
La règle de l’égalité est ainsi érigée en valeur absolue et universelle pouvant être invoquée par tous. Mais son respect effectif demeure un idéal auquel doivent s’attacher tous les individus ainsi que les groupes, les nations et les États auxquels ils appartiennent. A cette fin, la DUDH préconise la voie de l’enseignement et de l'éducation, de manière à atteindre cet objectif « par des mesures progressives d'ordre national et international ». Mais, depuis l'adoption des pactes internationaux sur les droits civils, politiques d'une part, et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part, les États héritent d'obligations précises pour obtenir leur respect et en deviennent comptables à l'égard de la communauté internationale. De nombreuses autres conventions ont permis aussi de renforcer cette obligation par des normes
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Mais les lieux de travail peuvent aussi constituer l'espace idoine pour modifier les comportements sociaux archaïques et servir de vecteur pour éliminer les inégalités. En effet, toute entreprise a objectivement intérêt à s'entourer des meilleures compétences et à préférer le mérite à toute autre considération, dans le choix de ses travailleurs comme dans l'attribution des responsabilités. Elle est également soumise dans son fonctionnement à une réglementation impérative sur laquelle elle peut s'appuyer pour renforcer l'égalité dans l'emploi et écarter la discrimination dans l'exercice du travail. En tant que partenaire au dialogue social, elle est aussi appelée à développer des solutions collectives dont l'impact sur l'égalité peut être extrêmement important, bien au-delà de l'entreprise.
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On ne s'étonnera pas, en conséquence, de relever que l'Organisation Internationale du Travail a été depuis sa création en 1919 portée à accorder à l'égalité et à la non discrimination au travail un intérêt particulier. Les normes qu'elle a adoptées en quatre vingt dix ans d'activité constituent un témoignage précieux des progrès que le droit international a enregistré à ce sujet. En avance par rapport au droit de l'époque, la constitution de cette organisation soulignait déjà que l'égalité de chance et de traitement représentait pour elle une valeur « d'une importance particulière et urgente » pour guider sa politique. Son article 8 précise, de son côté, que les règles de travail « devront assurer un traitement économique applicable à tous les travailleurs résidant dans le pays ».
droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. C'est d'ailleurs à la demande de la Commission des Droits de l'Homme relevant du Conseil Economique et Social de l'ONU que l'OIT a élaboré une étude approfondie sur l'égalité au travail qui a abouti, notamment, à l'adoption en 1950 de la convention n° 100 sur l'égalité dans l'emploi et la profession, ainsi que sur la recommandation n° 90 sur l'élimination de la discrimination dans l'emploi et la profession. La poursuite de ces efforts a donné lieu, en 1958, à la convention n°111 et à la recommandation sur l'égalité de salaire qui renferme le concept de « travail de valeur égale ».
En 1938, une résolution a été adoptée dans le contexte de développement du fascisme en Europe, pour demander aux États de renoncer à toute mesure d'exception au principe de l'égalité de traitement « qui tendrait notamment à établir des discriminations entre les travailleurs appartenant à certaines races ou confessions ».
La Déclaration relative aux principes et aux droits fondamentaux au travail adoptée en 1998 a franchi un pas décisif sur la voie de l'égalité au travail en proclamant que l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession et l'égalité des salaires sont des valeurs constitutionnelles qui engagent les États membres à respecter les conventions n°100 et 110 précitées, abstraction faite de leur ratification par eux.
La Déclaration de Philadelphie de 1944, qui a été intégrée dans sa constitution, a franchi un pas décisif sur la voie de l'égalité totale en déclarant en substance que : « tous les êtres humains quels que soient leur race, leur croyance, ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales (…) ». Cette avancée a été suivie quatre ans plus tard par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui a érigé ce principe en droit fondamental de la personne humaine en le formulant en des termes généraux, ouvrant la voie à son application aux
Les pouvoirs publics, les entreprises et les organisations des travailleurs partagent désormais à l'échelle mondiale, l'objectif d'élimination de la discrimination au travail. Ils sont soutenus dans leur action par toutes les politiques de coopération, de développement humain et de responsabilité sociale des entreprises. Non seulement le Pacte mondial, la Déclaration de l'OIT sur les multinationales, les Directives de l'OCDE et le Livre vert de l'Union Européenne lui consacrent une place centrale, mais la plupart des accords cadres, des chartes d'éthique et des codes de conduite l'érigent aussi en valeur essentielle et proposent des solutions pratiques pour prévenir l'inégalité, sanctionner
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les comportements discriminatoires et favoriser l'égalité effective de chance. Cette évolution est perceptible au Maroc tant au niveau de la politique générale de développement que dans le domaine du travail, en particulier. La réforme du statut de la femme, les mesures en faveur des handicapés et l'INDH sont révélateurs de cet effort public. Par ailleurs, le dialogue social, le Code du travail et les nombreux programmes soutenus par les entreprises, les ONG et les pouvoirs publics en faveur des catégories vulnérables, témoignent de l'amélioration de la prise en compte de cette question sur les lieux du travail. Le consensus social obtenu à ce sujet, ainsi que la mise en conformité du cadre institutionnel avec les normes universelles ne suffisent cependant pas à infléchir tous les comportements. Dans un contexte général de rareté de l'emploi, les entreprises font l'objet de sollicitations tant internes qu'externes pour déroger à l'égalité dans l'emploi et la profession. De même, malgré les progrès enregistrés par la condition juridique de la femme, celle-ci n'arrive pas encore à se débarrasser, dans la pratique, de certaines formes de discrimination professionnelle dérivant de son intégration tardive au marché du travail ou de préjugés qu'une partie de la société continue d'avoir à son égard. De façon générale, l'accès inégal à l'éducation, à la formation et aux infrastructures ne manque pas d'altérer l’égalité de chance des travailleurs vulnérables tels que les handicapés, les ruraux et les jeunes issus des milieux défavorisés. Dans un tel contexte, les valeurs universelles d'égalité et de non discrimination éprouvent parfois des difficultés à triompher de coutumes et d'usages qui entretiennent des formes de préférence
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fondées sur la solidarité familiale, ethnique, religieuse ou politique. Il n'est pas rare que l'égalité soit à la fois revendiquée dans son principe et bafouée ouvertement par conformité sociale. Partout, la marche vers l'égalité commence par la proclamation de la règle et ne se gagne que progressivement par l'engagement des forces les plus vives de la société. Ainsi, parmi les États membres de l'ONU au moment de l'adoption de la DUDH, certains avaient encore des lois racistes, d'autres des empires coloniaux et tous pratiquaient une ségrégation systématique à l'égard des femmes, sans parler des statuts réservés aux populations aborigènes, aux malades ou aux étrangers. De nos jours, des millions de travailleurs continuent à faire régulièrement l'objet de discrimination en raison de leur ascendance, de leur nationalité, de leur sexe ou couleur, soit dans leur propre pays, soit en tant qu'immigrés ou réfugiés. Mais l'adhésion au principe est absolument universelle et tous les États s'appliquent à le traduire dans leur Droit. Le plus décisif demeure cependant d'opérer les transformations socioculturelles nécessaires pour son respect effectif. En prenant part activement à ce processus, l'entreprise socialement responsable se distingue des autres précisément parce qu'elle intègre dans son fonctionnement, malgré les difficultés éventuelles du contexte, une règle dont le caractère fondamental est consacré en droit et dont le respect conditionne l'adhésion aux autres valeurs universelles. Cette démarche peut être partagée et soutenue par d'autres acteurs, aussi bien à l'intérieur de l'entreprise, que dans son environnement externe. Elle n'est pas cependant à l'abri de résistances et de remises en cause. C'est pourquoi, elle doit reposer sur une compréhension renseignée du concept
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de non discrimination (I). En matière salariale, l'application de salaire égal pour un « travail de valeur égale » permet de comprendre comment la ségrégation sociale peut entretenir l'inégalité au travail (II). L'identification des formes courantes de discrimination au travail en sera facilitée (III), ce qui permettra de mieux saisir l'intérêt à encourager la diversité (IV) en agissant sur les facteurs de promotion de l'égalité (V) et en développant les moyens appropriés pour y parvenir dans les lieux de travail (VI).
I. Signification du principe de non discrimination L'égalité dans l'emploi et la profession signifie tout simplement qu'aucune personne ne doit être traitée de manière défavorable pour des motifs sans rapport avec les aptitudes nécessaires à l'accomplissement du travail considéré. Tous les individus doivent bénéficier des mêmes chances pour accéder au travail et exercer leur profession. Les formes de discrimination qui sont re c o n n u e s l e p l u s f a c i l e m e n t e t condamnées comme telles sont celles qui se basent sur les caractéristiques naturelles des personnes : la ségrégation en raison de la couleur, de la race ou du sexe a été ainsi la mieux combattue. Mais dès lors que l'on admet qu'une personne ne peut pas être écartée de l'exercice d'un droit en raison de ses attributs naturels, la même attitude s'impose à l'égard des discriminations fondées sur l'ascendance sociale ou nationale ou sur l'appartenance à une communauté religieuse, linguistique ou autre. De même, la protection des libertés individuelles
et collectives fondamentales conduit à sanctionner toute atteinte à leur exercice légal et à qualifier de discrimination toute exclusion affectant des personnes en raison de leur opinion, de leur appartenance syndicale ou de leur activité politique, spirituelle… etc. Condamnable en soi, la discrimination au travail se double toujours, pour la victime, de la privation de l'exercice d'autres droits : au travail, à un salaire juste, à la santé… etc. En revanche, sa prévention dans les lieux de travail contribue à son élimination dans la société et à l'amélioration de l'accès des personnes et des catégories concernées à d'autres droits fondamentaux. En effet, la discrimination s'inscrit fréquemment dans les comportements professionnels et les pratiques sociales à la fois. Elle puise généralement sa force dans la mémoire commune pour s'imposer avec force dans les contextes d'instabilité économique, politique ou sociale. Ainsi, la peur du terrorisme ravive des attitudes xénophobes à l'égard des travailleurs dont l'ascendance nationale ou la religion est commune à des communautés cataloguées comme étant terroristes. La crise de l'emploi peut aussi susciter des réactions similaires à l'égard des groupes vulnérables comme les immigrés, les femmes et les personnes âgées… etc. La discrimination s'exprime moins par la ségrégation formelle que par la préférence donnée à d'autres travailleurs. Elle s'opère souvent de manière inavouée, voire inconsciente, tellement elle correspond à une exclusion répandue dans la société. Elle participe du comportement social banal lorsqu'il s'agit de communautés fortement différenciées par la langue maternelle, l'enclavement spatial,
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les pratiques spirituelles ou la mobilité sociale. Les personnes qui appartiennent à ces groupes, éprouvent alors de grandes difficultés à s'insérer dans les structures de l'éducation, des soins et de l'habitat. Les obstacles qu'elles rencontrent sur le marché de l'emploi aggravent leur marginalisation et reproduisent leur exclusion sur plusieurs générations. Toute différentiation entre les personnes ne constitue pas, cependant, une discrimination. Les exigences liées aux caractéristiques objectives d'un emploi ne sauraient être qualifiées de discriminatoires, comme par exemple disposer de performances physiques, d'une expérience de vie dans un milieu déterminé, ou appartenir au même sexe que les utilisateurs d'un service ou office donné. Des mesures spéciales destinées à rétablir l'égalité de chance en faveur d'une catégorie défavorisée en raison de sa situation, comme les règles de protection de la maternité ou de l'handicap, ne constituent pas, non plus des discriminations. Une considération particulière doit être donnée aussi à la situation dans laquelle la priorité est donnée à une catégorie de personnes en vue de favoriser leur insertion sociale ou limiter l'exclusion dont elles font l'objet. La politique dite de discrimination positive par laquelle on désigne ces pratiques est mise en œuvre dans de nombreux pays. Les controverses qu'elle soulève parfois traduisent les difficultés d'identification des différentes inégalités au travail et de les corriger par des mesures appropriées. La question des salaires en fournit une illustration éloquente.
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II. Le concept de travail de valeur égale Le principe de non discrimination en matière salariale est souvent exprimé par l'adage « à travail égal, salaire égal ». Cette règle peut signifier qu'aucune différence dans la rémunération ne devrait exister entre deux travailleurs qui accomplissent un même travail. Mais la convention n° 100 concernant l'égalité de rémunération entre la main d'œuvre féminine et la main d'œuvre masculine ne s'arrête pas à cette égalité formelle. Elle recourt à une formulation plus subtile, celle de « travail de valeur égale ». Son approche permet de mieux appréhender l'égalité de salaire et oriente mieux la recherche et l'élimination des formes occultes de discrimination au travail... La notion de travail de valeur égale évoque des travaux différents mais dont la valeur peut être considérée objectivement comme étant identique. Dans une même entreprise, les multiples tâches sont accomplies par plusieurs personnes dont les qualifications et les aptitudes sont différentes. Il ne suffit pas d'assurer l'égalité de rémunération entre les personnes qui accomplissent les mêmes prestations. Il faut aussi s'attacher à étendre cette règle aux personnes qui assurent des prestations différentes mais d'importance équivalente. Ainsi, parmi les fonctions d'administration qui étaient confiées systématiquement aux femmes, figuraient celles de secrétaires ou encore de dactylographes. A l'intérieur de l'une ou l'autre de ces catégories, on pouvait contrôler le respect de l'égalité de salaire entre les travailleuses qui accomplissaient le même travail. Mais le
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salaire de référence servi à ce titre pouvait s'avérer inférieur à celui qui était servi aux travailleurs classés dans des catégories différentes mais comparables quant aux aptitudes et aux qualifications exigées (comme les agents de bureau, les commis ou les agents de service). C'est pour éviter de possibles discriminations occultées par les différences inhérentes aux tâches, elles-mêmes correspondant à une répartition sexuelle du travail, que la convention invite à tenir compte de la valeur du travail accompli. Les travaux sont de valeur égale lorsqu'ils apportent objectivement une contribution similaire à l'entreprise. La comparaison de la valeur du travail est forcément complexe lorsqu'il s'agit de fonctions différentes. Les grilles salariales en vigueur peuvent favoriser ou défavoriser la rémunération d'emplois déterminés en reproduisant de manière inconsciente les clichés sociaux établis par référence aux personnes qui les occupent. C'est précisément, ce qu'il y a lieu de combattre en recourant à des critères multiples et objectifs tels que les responsabilités, les qualifications, les efforts, les conditions de travail, sa pénibilité, ainsi que les résultats. Au sens que lui donne la convention précitée, le terme rémunération comprend « le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, ainsi que tous autres avantages payés directement ou indirectement en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur, en raison de l'emploi de ce dernier ». L'évaluation de la rémunération doit prendre en considération tous les avantages annexes, abstraction faite du sexe de la personne. Ainsi par exemple, l'attribution des allocations familiales, de la prime de rentrée scolaire ou de
congé ne peut pas être réservée par l'employeur au seul travailleur de sexe masculin en prétendant que la charge de la famille incombe à l'homme. Toute différenciation de salaire basée sur l'origine des travailleurs, leur sexe ou autres caractéristiques sans lien avec l'accomplissement de la prestation est au contraire, à écarter. La règle de salaire égal pour un travail de valeur égale a été retenue par l'article 346 du Code du travail en ces termes « Est interdite toute discrimination entre les deux sexes pour un travail de valeur égale ».
III. Les multiples manifestations de la discrimination La règle de l’égalité est aussi formulée en termes non équivoques par l’article 9 du Code du travail : « Est interdite (…) toute discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, le handicap, la situation conjugale, la religion, l'opinion politique, l'affiliation syndicale, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, ayant pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement (…) ». Manifestement inspirée de la convention n° 100 précitée, cette disposition invite à être interprétée à la lumière de la
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doctrine de l’OIT, d’autant que le préambule de ce même code déclare que « les droits protégés et dont l'exercice, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, est garanti par la présente loi comprennent les droits contenus dans les conventions internationales du travail ratifiées d'une part, et les droits prévus par les conventions principales de l'Organisation Internationale du Travail, qui comprennent notamment (…) l'interdiction de la discrimination en matière d'emploi et de profession (…). » La discrimination est directe lorsqu’elle s’exprime à travers des règles, des attitudes ou des pratiques qui visent ouvertement à écarter une catégorie d’individus ou à les défavoriser par rapport aux autres : les exemples les plus éloquents sont constitués par les lois raciales, la subordination du travail de la femme mariée à l’autorisation de son époux, la clause de célibat, ou l’exigence d’un contrôle médical d’embauche incluant la grossesse ou la séropositivité. La discrimination est indirecte lorsqu’elle découle de mesures ou de considérations apparemment neutres, mais dont la mise en œuvre exclut, en fait, des individus de l’exercice de leurs droits ou réduit leurs chances d’en bénéficier. Il en va ainsi par exemple, des horaires de travail ou de formation qui ne tiennent pas compte des contraintes de parents d’enfants en bas âge, ou de l’absence d’accessibilités pour les handicapés. La race et la couleur ne renvoient pas restrictivement aux facteurs génétiques. Leur mention désigne plus largement, les communautés et les divers groupes qui s’identifient par des caractéristiques liées à leur origine commune, lesquelles peuvent être d’ordre biologique, physique, culturel, religieux, ethnique ou autre. Le
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comportement assimilé au racisme est celui qui consiste à attribuer à une personne des habiletés moindres pour la simple raison qu’elle appartient à un groupe identifié socialement par ses origines ou ses croyances. L’origine nationale réfère plutôt à l’intégration récente des individus au sein de la nation. Sa prise en compte affecte les citoyens naturalisés ou dont les parents étaient d’origine étrangère. Elle a pour effet de distinguer les citoyens « de souche » des autres en prêtant implicitement à ces derniers des qualités inférieures. La discrimination par l’origine nationale peut remonter parfois à plusieurs générations. Elle peut même viser des populations indigènes ou installées sur le territoire depuis plusieurs générations. Elle peut se confondre alors avec la discrimination en raison de la race et de la couleur, avec laquelle elle partage des préjugés similaires. Le sexe et la situation conjugale désignent des formes de discrimination qui affectent soit l’homme ou la femme en raison de leurs différences biologiques et des représentations sociales qu’elles entretiennent, soit leur situation matrimoniale et les responsabilités familiales qui en découlent. L’inégalité sexuelle fait simplement référence aux différences biologiques entre l’homme et la femme. Par contre, la notion de genre évoque les attributs sociaux qui sont imputés à ces différences en termes de valeurs, d’attitudes, de rôles et de comportement. La discrimination sexuelle a été perçue d’abord comme une inégalité à l’égard de la femme. L’attention qu’elle a gagnée a permis de développer une connaissance approfondie de ses différentes manife-
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stations et de repérer ainsi des comportements dont peuvent être victimes les hommes également. Les mesures pour la combattre recouvrent la prise en compte des différences naturelles, universelles et permanentes, mais aussi celles qui sont socialement construites. L’égalité des genres dans les lieux de travail engage à renforcer ses ressorts en matière de visibilité, d’habilitations et de participation. Certaines distinctions fondées sur le statut matrimonial ou familial (célibataire, marié, divorcé, avec ou sans enfants) peuvent constituer des discriminations à l’égard des deux sexes : la clause de célibat par laquelle on s’autorise à modifier la situation de la personne en cas de mariage et la préférence pour une tranche d’âge déterminée se rattachent à cette même catégorie de discrimination. Le harcèlement sexuel constitue une manifestation spécifique de la discrimination fondée sur le sexe. Il recouvre tout comportement physique et tout message verbal ou autre de nature ou à connotation sexuelle qui n’est pas sollicité par la partie à laquelle il est adressé, s’avérant déplacé ou agressif à son égard et constituant de ce fait une atteinte à sa dignité. Il peut s’agir d’une insulte, d’un compliment déplacé, d’une plaisanterie, d’une remarque inappropriée sur les attributs physiques, d’une invitation malvenue, d’un geste explicite, d’un regard équivoque, de sous-entendus, ou de l’évocation hors contexte de la situation matrimoniale, d’un effleurement, d’un geste associé à la sexualité… etc. Le harcèlement sexuel suppose aussi un rapport d’autorité au travail à l’égard de la victime ou du moins, une relation qui permet de percevoir le comportement incriminé comme une condition ou une menace affectant l’exécution du travail. Le Code du travail n’en donne pas une
définition précise, mais le considère comme une faute grave de l’employeur. Les actes de tout salarié détenteur d’une autorité déléguée au travail sont donc susceptibles d’être constitutifs de cette faute dès lors qu’ils se rattachent à l’exercice du pouvoir de direction. La définition pénale du harcèlement sexuel est, quant à elle, plus restrictive. Elle ne se limite pas non plus, aux relations de travail. Aux termes de l’article 503-1 du code pénal « Est coupable de harcèlement sexuel et puni de l’emprisonnement de un à deux ans et d’une amende de 5 000 à 50 000 dirhams quiconque, en abusant des pouvoirs que lui confèrent ses fonctions, harcèle autrui, en usant d’ordres, de menaces, de contraintes, ou de tout moyen, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». La religion est généralement évoquée comme facteur de discrimination à l’égard de membres de communautés minoritaires, ce qui tend à l’assimiler à la discrimination fondée sur la race ou l’ascendance nationale. Mais lorsqu’elle est invoquée à l’égard de coreligionnaires, elle tend à se rapprocher de la discrimination fondée sur l’opinion politique ou l’origine sociale. La source du litige peut être aussi constituée par la volonté du travailleur d’avoir une pratique religieuse dans les lieux de travail ou plus simplement par la manifestation de sa croyance par des signes que l’employeur ou les collègues considèrent trop ostentatoires ou portant atteinte au fonctionnement de l’entreprise : port du neguab qui cache entièrement le visage de la femme, d’une tenue identifiée à un courant religieux catalogué comme violent… etc. L’appréciation de ces conduites doit faire appel au principe de la proportionnalité et prendre en considération à la fois les impératifs de l’organisation du travail et la liberté de manifester la religion.
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L’opinion politique des travailleurs peut également constituer un motif de discrimination aboutissant à sanctionner indûment un individu en raison de son affiliation à un mouvement politique ou de sa participation à des activités ou à des manifestations qui dérangent les idées établies. Dès lors que ces actions demeurent extérieures à l’exécution par le travailleur de ses obligations professionnelles, elles ne devraient pas influer négativement sur sa situation. L’appartenance syndicale exprime la même préoccupation tout en faisant l’objet d’une vigilance accrue. La discrimination à ce titre constitue une violation du principe de l‘égalité, mais également de celui de la liberté syndicale telle qu’elle est protégée par les conventions n° 97 et n° 98 de l’OIT, lesquelles revêtent également une nature constitutionnelle pour cette organisation. Le préambule du Code du travail exprime cette préoccupation. Son article 9 formule aussi l’interdiction qui a été également renforcée dans le dahir du 16 juillet 1957 sur les syndicats professionnels depuis sa réforme par la loi n° 11-98. Son § 3 énonce ainsi : « est interdite toute mesure discriminatoire entre les salariés, fondée sur l’appartenance ou l’activité syndicale, notamment en ce qui concerne l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation, professionnelle, l’avancement, l’octroi des avantages sociaux, le licenciement et les mesures disciplinaires ». L’article 23 de ce texte renforce la sanction pénale en retenant une amende de 3.000 à 5.000 dh qui peut être portée, en cas de récidive, de 5.000 à 10.000 dh ou/et à une peine d’emprisonnement pouvant atteindre un an.
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Le handicap a pendant longtemps été confondu avec l’incapacité au travail. Or, à l’évidence, une incapacité physique partielle, qu’elle soit de naissance ou acquise postérieurement, n'entraîne pas forcément une inaptitude professionnelle. Mais malgré les efforts de formation et de réadaptation, les handicapés demeurent victimes de préjugés qui diminuent leurs chances d’accéder à un emploi correspondant à leurs capacités. Près d’une personne humaine sur cinq naît avec un handicap et la moitié des insuffisances physiques des adultes ne sont constatées ou acquises qu’après l’âge de 16 ans. Partout à travers le monde, les personnes handicapées souffrent d’inégalité dans l’accès au travail et les obligations légales instituées en leur faveur ne sont pas respectées. Leurs conditions de travail sont également médiocres et leur rémunération inférieure à celle des autres travailleurs. Leurs chances d’insertion professionnelle se réduisent à mesure que leur handicap est important. Au Maroc, leur faible visibilité sur les lieux de travail et à l’inverse, leur forte présence parmi les populations pauvres reflètent l’exclusion professionnelle qu’ils subissent. Leur employabilité est réduite, dès le départ, en raison de l’inadaptation à leur état des infrastructures d’éducation et de formation. Mais même ceux qui arrivent à acquérir une qualification professionnelle ont peu de chances d’être accueillis dans des lieux de travail, rarement dotés des accessibilités nécessaires. Les mesures protectrices du Code du travail demeurent souvent ineffectives, voire sans objet : Cf. art 36-136-139-144-166-176179-181-214-281-327-338.
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L’état de santé, le patrimoine génétique, la contamination par le VIH/SIDA, l’âge, le mode de vie et l’orientation sexuelle constituent les nouveaux champs d’action contre la discrimination, en particulier dans l’emploi. En effet, en raison de leur fragilité physique certaines personnes n’arrivent pas à se faire embaucher ou à accéder à des responsabilités. La préférence de nombreux employeurs va spontanément vers des travailleurs plutôt jeunes et valides qui présentent peu de risques d’absence pour maladie et qui seraient toujours disponibles pour accomplir des heures supplémentaires et effectuer des déplacements. Pendant longtemps, la femme a fait l’objet de discrimination à cause de la diminution relative de sa disponibilité professionnelle en raison de la maternité et de ses occupations familiales. Les transformations sociales ont considérablement modifié le regard social porté sur sa place au travail. Il n’en va pas de même des personnes qui continuent de faire l’objet de telles appréhensions défavorables en raison de leur âge, de leur condition de santé, de leur mode de vie ou de leur orientation. Seul le lien entre l’état de santé actuel de la personne et ses aptitudes à accomplir le travail requis doit être pris en compte, notamment à l’occasion de la visite d’embauche. Tous les autres examens médicaux devraient être écartés ainsi que toute décision fondée sur les risques de fréquence de maladie. Dans certains pays, la préférence fondée sur l’état de santé donne jour à la discrimination génétique. Des employeurs, encouragés parfois par les assureurs, ont eu recours au test génétique pour déterminer le degré d’exposition des travailleurs au risque de maladie et retenir ainsi les plus vaillants. Pareille
pratique n’est tolérable que lorsqu’elle a pour objet de déterminer l’aptitude physique du travailleur à résister à l’exposition à certains produits ou matériaux dangereux, tels que les radiations et les émanations chimiques. Pour éviter de constituer une discrimination, elle doit, dans tous les cas, s’entourer de critères d’objectivité, de proportionnalité et d’adéquation. Pour sa part, la contamination par le VIH/SIDA a donné lieu à des discriminations systématiques qui ont ému l’opinion publique et favorisé des réactions énergiques de la part de la justice, du législateur et de l’OIT. En aucun cas les contrôles médicaux ne peuvent être rendus obligatoires. Lorsqu’ils ont lieu, notamment dans le cadre de la médecine du travail ou de la visite d’embauche, la discrétion doit être garantie au travailleur et les résultats des analyses ne doivent être communiqués qu’avec son accord. Sa séropositivité ne justifie aucune mesure différenciée à son encontre, sachant que les personnes porteuses du virus ne souffrent pas forcément du SIDA et leur état n’aboutit pas forcément à la maladie. L’OIT a élaboré un Recueil de directives pratiques sur « le VIH/SIDA et le monde du travail » aux fins de réduire les risques de propagation de l’épidémie et d’influer positivement sur les comportements à l’égard des personnes atteintes de cette maladie, aussi bien au sein de leur famille que dans leur lieu de travail. L’élimination de la discrimination à l’encontre des porteurs du VIH/SIDA est essentielle pour soulager les victimes de ce fléau et se donner les chances de contrer la propagation du virus en encourageant les personnes à subir les tests, à accéder aux soins et à développer
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une conduite appropriée. A l’évidence, leur discrimination contribue à les diaboliser, souvent en leur attribuant injustement de mauvaises conduites morales, surtout lorsqu’ils ont attrapé le virus à la naissance ou par toute contamination accidentelle (transfusions, injections, soins dentaires… etc.). Pareille attitude ne peut que favoriser la propagation silencieuse du mal. La discrimination fondée sur l’âge des travailleurs tend aussi à se propager. Elle affecte à la fois les plus jeunes et les plus âgés. Les premiers sont souvent orientés sur les emplois précaires : apprentissage, stage-insertion, travail temporaire. Leur faible expérience professionnelle est confondue avec le manque de qualification quand bien même leur compétence et leur rendement peuvent être aussi élevés que ceux des autres travailleurs. De même, les personnes âgées de plus de 45 ans rencontrent souvent des attitudes défavorables à leur embauchage ou hostiles à leur maintien au travail sur la base de présupposés souvent non fondés, tels que la détérioration de la résistance physique, la faible capacité d’adaptation ou la baisse de productivité avec l’âge. De telles discriminations cachent souvent une volonté de disposer d’une force de travail flexible et accommodante. Or, de nombreuses études et expériences ont démontré que la diversité démographique dans l’entreprise est un moyen de renforcer la transmission du savoir faire, l’esprit d’équipe et la loyauté. Le parrainage des jeunes par les plus anciens constitue, entre autres, un excellent moyen de formation et de motivation réciproques. Le recyclage et la formation qui doivent l’accompagner représentent une opportunité pour l’entreprise de renouveler ses procédés et ses méthodes tout en valorisant ses ressources.
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Enfin, le mode de vie des individus ne devrait influer sur leurs droits que dans la mesure où il affecte négativement l’exécution du travail. La lutte contre le tabagisme par exemple est d’utilité publique et sauvegarde la santé de tous. L’interdiction de fumer dans les lieux de travail relève parfaitement des attributions de l’entreprise. En revanche, toute mesure à l’encontre de travailleurs qui refusent d’arrêter de fumer constitue une immixtion dans leur vie privée et une discrimination au travail. Pareillement, des politiques pour lutter contre l’obésité sont admissibles et peuvent s’intégrer dans les mesures de santé au travail : cantines, suivi médical, prévention du cholestérol… etc. Elles deviennent sources d’inégalité lorsqu’elles permettent de défavoriser une personne en raison de sa faible adhésion à ces consignes ou des mauvais résultats qu’elle a obtenus, alors même que sa charge pondérale n'entraîne aucun effet sur l’exécution du travail. Une orientation sexuelle différente de la norme reconnue est souvent cause de moquerie, de violence verbale, psychologique ou physique. Les allégations d’homosexualité ou de comportements similaires donnent lieu à des manifestations de haine et à des comportements discriminatoires attentatoires à la dignité de la personne et à sa vie privée. Depuis qu’il est question que l’orientation sexuelle découle de la constitution hormonale des personnes, le respect de leur dignité et de leur liberté sexuelle est de plus en plus réclamé. Il passe par l’élimination de la discrimination à leur égard. Nonobstant l’idéologie dominante et la propre appréciation que l’on peut avoir personnellement de certaines formes de discrimination, la règle à observer est intangible : toutes les décisions relatives à l’emploi et à l’exécution du travail doivent
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être prises sur la base des seules considérations relatives à l’aptitude de la personne à effectuer le travail. Seul le mérite doit servir de critère de choix, dès lors qu’il correspond aussi de la performance pour l’entreprise.
l’opportunité d’exercer les tâches qui correspondent le mieux à leurs talents ni d’attribuer les responsabilités aux plus compétents. Elle est souvent à l’origine de stress et d’une faible motivation des travailleurs, ce qui ne manque pas de se répercuter sur leur rendement.
IV. Intérêts à valoriser la diversité dans les lieux du travail
De plus, la discrimination est toujours source d’insécurité juridique. Une lecture avisée du Code du travail donne la mesure de tous les efforts qui doivent être fournis encore par les entreprises pour se conformer à ses prescriptions en matière d’égalité de chance et de traitement dans l’emploi et la profession. Dès lors que le progrès est consacré sur le plan légal, la revendication de son effectivité ne tardera pas à suivre. Elle pourra alors entraîner de douloureux redressements avec des effets rétroactifs pour l’ensemble du personnel. Cette simple éventualité peut être la cause d’évaluations négatives au terme des procédures d’audit et de certification sociale, mais aussi à l’occasion de transactions avec des partenaires soucieux de conformité juridique et de responsabilité sociale.
La discrimination dessert la cohésion au sein de l’entreprise et crée des tensions qui peuvent être sources de conflits. Son élimination contribue à l’amélioration de la compétitivité et au progrès social. Il est un fait, cependant, que de nombreuses inégalités qui sévissent dans les lieux de travail sont favorisées par leur large diffusion dans la société et par leur enracinement socioculturel : clientélisme, ségrégation sexuelle…etc. Leur élimination passe par une prise de conscience partagée par les travailleurs dans le cadre d’un dialogue social. Elle doit constituer un objectif intégré dans un processus de mise à niveau qui comprend la conformité juridique et le renforcement des compétences. Les cadres, comme les autres travailleurs doivent être convaincus que ce processus est indispensable aussi bien pour l’entreprise que pour l’évolution individuelle et collective. La discrimination prive l’entreprise de candidats motivés et qualifiés et donne à croire à des éléments valables parmi ses travailleurs que leur carrière dépend moins de leurs performances que de critères subjectifs qui commandent la gestion des ressources humaines. L’inégalité dans l’attribution des tâches et des responsabilités ne permet pas, non plus, de donner aux travailleurs
La tolérance à son égard, aussi bien parmi les travailleurs que les partenaires de l’entreprise, ne met pas à l’abri de scandales ternissant gravement son image de marque. Même en l’absence d’une crise, la discrimination représente une cause de vulnérabilité extérieure qui peut être exploitée par des concurrents ou à l’occasion d’un conflit individuel ou collectif. Au Maroc, comme à l’étranger, de nombreuses entreprises ont payé lourdement, en termes de renommée, des comportements discriminatoires de leurs cadres. L’exacerbation de la concurrence à l’échelle mondiale et la révolution de la communication exposent toutes les entreprises et leurs territoires à
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la dégradation de leur attractivité lorsque des affaires de ce genre sont portées devant l’opinion publique. La prévention s’avère alors nécessaire pour tirer partie au mieux de l’égalité et de la non discrimination.
V. Les ressorts de l’égalité de chance dans l’emploi et la profession Etant en relation étroite avec les inégalités qui sévissent dans la société, la discrimination au travail nécessite le concours de tous les partenaires sociaux pour être combattue. L’efficacité des actions à entreprendre s’avère, en effet, largement dépendante de leur cohésion socioculturelle et de leur intégration aux objectifs de développement du pays. La réforme de la législation fait obligatoirement partie d’autres actions de développement et sa réussite est suspendue tant à leur progression globale qu’à l’engagement de mesures d’accompagnement visant notamment la sensibilisation du public cible et la formation des principaux acteurs : magistrats, cadres de l’administration, représentants syndicaux… etc. Aucune réforme juridique ne peut réussir si elle est mal assimilée par les personnes auxquelles elle s’adresse et plus encore si les autorités chargées d’obtenir son respect ne sont pas imprégnées de son esprit, convaincues de son utilité et outillées pour réussir sa pénétration dans leur sphère d’action. Compte tenu de leur fonction de conseil, les inspecteurs du travail sont particulièrement désignés pour présenter les
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nouvelles règles, expliquer l’intérêt des travailleurs et de l’entreprise à les mettre en œuvre et leur apporter l’appui et l’assistance à cette fin. Le rôle des magistrats n’est pas moindre. A titre d’exemple, l’arrêt de la Cour Suprême déclarant contraire à l’ordre public social la clause de célibat inscrite dans le contrat de travail des hôtesses de l’air a marqué une étape intéressante sur la voie de la consécration de l’égalité sexuelle au sein de la compagnie aérienne considérée, comme dans les autres entreprises. De même, la substitution du tribunal de la famille au juge du chraâ, constitue en soi un signal décisif en faveur d’une lecture de la relation matrimoniale plus soucieuse de légalité et moins imprégnée de la doctrine du fikh. De par la loi, l’entreprise est sommée de se conformer au principe de l’égalité dans l’emploi et la profession. A elle seule, la règle générale posée par l’article 9 du Code du travail l’engage à assurer la conformité de ses règles et des relations qui y prédominent avec ce principe. Pour sa part, l’article 346, qui énonce l’égalité de salaire pour un travail de valeur égale, justifie l’analyse critique de la grille des rémunérations pour détecter les sources et les manifestations de la discrimination au sein de l’entreprise. L’application de toutes les mesures particulières de protection des catégories les plus exposées à la ségrégation (représentants des travailleurs, femmes, handicapés, jeunes) devrait aussi structurer la politique de lutte contre les discriminations au travail. Il est indéniable cependant, que la discrimination indirecte dont peuvent être victimes des travailleurs trouve souvent ses origines dans des sources
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externes. Le comportement des travailleurs tend généralement à reproduire dans les lieux de travail, les discriminations répandues dans la société. De même les positions acquises dans la chaîne des responsabilités génèrent toujours des résistances aux efforts d’élimination des inégalités. La voie du dialogue et de la formation est incontournable pour reconnaître les discriminations et agir pour leur élimination. Le dialogue social s’avère donc nécessaire aussi bien pour définir les objectifs de la lutte contre la discrimination que pour trouver leur formulation adéquate et engager les moyens pour les atteindre. L’égalité dans l’emploi invite d’abord à poser des critères clairs dans la définition des postes afin d’éviter le pantouflage (création de postes sur mesure pour les siens), et de permettre une compétition loyale dans la sélection des candidats. La préférence donnée au personnel en activité, aux anciens agents licenciés ou à des travailleurs occasionnels doit être formulée clairement et justifiée par les impératifs légaux et des critères de compétence. Les caractéristiques sociales, culturelles, linguistiques ou territoriales ne doivent être admises que pour autant qu’elles contribuent à définir la capacité et l’aptitude à occuper l’emploi. La mise en œuvre de politiques transparentes pour assurer l’égalité de chance devant l’emploi peut toutefois rencontrer, dans un contexte socioculturel donné ainsi que dans les circonstances de rareté de l’emploi, l’hostilité des travailleurs permanents. Certaines entreprises agro-industrielles rencontrent ainsi une résistance de la part de leurs travailleurs lorsqu’elles cherchent à engager des travailleurs temporaires pour faire face au surcroît de travail. Le caractère saisonnier
de l’activité et du revenu afférent les poussent à demander le dépassement du crédit des heures supplémentaires autorisées et le cas échéant, à limiter les recrutements à leurs proches parents. Cette attitude s’explique au plan sociologique lorsqu’on se rappelle qu’il était courant, notamment sous le protectorat, que les employeurs recourent à des « chefs d’équipe » dits « caporaux » pour recruter la main d’œuvre et diriger le travail. De telles pratiques subsistent dans certaines branches d’activités agricoles et de BTP. Même disparues formellement, elles gardent un impact sur les usages professionnels dans certaines régions. La communauté de travail au sein de l’entreprise peut ainsi se transformer en un communautarisme qui empêche carrément la liberté de travail de s’exercer. L’entreprise peut s’y accommoder en espérant y gagner en cohésion interne et en paix sociale. Mais cette situation la place dangereusement en conflit avec la loi, renforce les rigidités en son sein et empêche sa structuration et son fonctionnement sur une base professionnelle. Ce comportement collectif ne manque pas non plus de produire des effets négatifs sur la famille et le territoire en y confortant des dépendances de type patriarcal qui empêchent l’exercice d’autres droits individuels et collectifs. Des situations voisines se constituent lorsque des influences politiques, syndicales ou tribales gênent le libre accès au travail dans une entreprise ou un territoire donné. La répartition des tâches et des responsabilités constitue un facteur clef de promotion de la diversité et de lutte contre les discriminations. Elle doit atteindre un juste équilibre entre les souhaits des travailleurs et les exigences de la marche de l’entreprise. Une gestion prévisionnelle des ressources humaines équitable doit être renseignée au sujet des
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responsabilités familiales et adossée à une politique de formation ouverte sur la participation. A l’inverse, lorsque l’attribution des postes s’effectue de manière improvisée, elle aboutit souvent à l’affectation des travailleurs les plus dociles aux tâches les moins valorisantes et à reconduire les discriminations sociales, ce qui perpétue la répartition sexuelle du travail et la ségrégation fondée sur l’origine sociale. Cette conduite empêche de découvrir les talents et entretient des pratiques qui découragent l’effort. La définition précise du poste n’a pas seulement pour effet de participer à l’élimination de la discrimination dans l’embauchage et la promotion, mais aussi dans la rémunération puisqu’elle contribue à la définition de la valeur du travail. Elle doit permettre aux grilles de rémunération de retenir des critères communs permettant de rapprocher les prestations pour fixer un salaire similaire aux catégories de travaux comparables. Leur articulation sur les qualifications, les responsabilités, les objectifs de l’entreprise, et les résultats devrait soutenir aussi la juste évaluation de la performance et la promotion subséquente. L’égalité de chance qui doit guider les décisions à tous ces niveaux impose de prendre en considération le seul mérite de l’individu, entendu au sens de sa capacité professionnelle à mobiliser ses habiletés, ses compétences et ses connaissances pour obtenir le meilleur résultat dans la fonction qui lui est attribuée. Son maintien n’est pas évident, tellement les rapports de travail sont nourris de préjugés sociaux et de considérations subjectives. D’où l’importance d’établir des procédures neutres ainsi que des critères qualitatifs et quantitatifs précis, auxquels on peut recourir ouvertement pour justifier les choix retenus.
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VI. La promotion de l’égalité par l’entreprise La responsabilité sociale de l’entreprise, telle qu’elle est encouragée par le Pacte mondial, les Directives de l’OCDE et la Déclaration de l’OIT, invite les organisations à accorder une priorité à la non discrimination au travail et à soutenir, au sein de la société, les actions destinées à développer un climat général d’égalité et d’accès aux opportunités. A cet effet, il est important pour l’entreprise de s’assurer que sa propre organisation se conforme aux prescriptions légales en la matière et qu’elle n’est pas complice de partenaires qui pratiquent ouvertement la discrimination. Tout en tenant compte de son milieu culturel, elle doit développer, dans le cadre d’un dialogue ouvert, une stratégie progressive permettant de prévenir les discriminations et de promouvoir leur élimination par un effort collectif. La formation sur les mesures légales qui ont trait à la discrimination est la pierre d’achoppement de la réussite de cette démarche. L’organisation doit être parfaitement imprégnée des mesures instituées par la loi ainsi que de leurs finalités tant au travail qu’au niveau de la société. Une bonne assimilation de la règle doit être vérifiée notamment en ce qui concerne : • L’égal accès à l’emploi, à la promotion, à la formation, aux responsabilités et aux conditions de travail ; • L’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ; • La mise en œuvre des mesures destinées à assurer l’égalité sexuelle au travail, notamment les mesures régissant spécialement le travail des femmes ;
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• La protection des travailleurs handicapés ; • La prise en compte des responsabilités familiales, notamment dans l’organisation du travail, des heures supplémentaires et de la formation. Des procédures transparentes doivent être mises en œuvre pour éliminer les pratiques discriminatoires mêmes involontaires qui peuvent s’observer parmi les cadres et les travailleurs ; notamment : • Des méthodes et des tests impartiaux pour définir et rendre publiques les opportunités d’emploi et de promotion ; • Des critères aussi objectifs que possible ainsi que des instances compétentes et neutres pour décrire les qualifications requises et évaluer le mérite respectif des personnes postulantes ; • Une responsabilité de veille sur l’égalité confiée à un haut cadre auquel sont reconnues les attributions spécifiques pour suivre l’évolution de la diversité, traiter des problèmes de discrimination et proposer les solutions à la direction ; • Un programme de formation permettant une sensibilisation sur la question et une contribution au relèvement des capacités des travailleurs défavorisés ; • Un mécanisme clair d’identification des problèmes de discrimination et de leur résolution dans les meilleurs délais, intégrant des procédures simples de réclamation et de recours, assurant, s’il le faut, l’anonymat. La stratégie à suivre devrait être le fruit d’un dialogue interne, sensible aux pesanteurs socioculturelles. Elle devrait éviter la stigmatisation tout en affirmant sans ambiguïté l’objectif d’élimination progressive de toute forme de discrimination. Elle peut trouver ses repères parmi les mesures suivantes, recommandées par un manuel du BIT de formation des
formateurs sur la RSE : • Un engagement clairement exprimé par les dirigeants de l’entreprise en faveur de la promotion de la diversité et de l’élimination de la discrimination ; • Un diagnostic de départ permettant de prendre la mesure de la conformité des règles d’organisation et des pratiques aux principes et valeurs de mérite et de non discrimination et d’apprécier la perception de leur mise en œuvre par les travailleurs (questionnaires, focus groupes, analyse statistique, étude du contentieux, mesures disciplinaires… etc.) • Formulation d’une politique axée sur les pratiques discriminatoires et définissant les mesures à suivre ; • Communiquer autour de cette politique avec le personnel et les parties prenantes de l’entreprise ; • Assurer une formation en matière d’égalité de chance et de diversité à tout le personnel, et s’assurer de ses effets auprès des personnes nouvellement engagées et des catégories les plus exposées à commettre ou subir des discriminations ; • Fixer des objectifs réalistes, publics et mesurables pour progresser sur la voie de la diversité ; • Mettre en place et soutenir des mesures et des actions destinées à promouvoir la diversité et l’égalité • Suivre les résultats de manière régulière et modifier, à leur lumière, la politique suivie et les objectifs à atteindre. L’égalité et la non discrimination offrent aussi à l’entreprise socialement responsable l’opportunité de prolonger ses actions internes par des initiatives dont les effets directs sur les familles des travailleurs et le milieu sont importants : appui et formation aux enfants, soutien des ONG… etc.
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LGMC : De bonnes pratiques pour soutenir le travail des femmes LGMC a été constituée en 1964. Elle emploie un millier de travailleurs répartis entre son siège et ses établissements installés à Casablanca, El Jadida, Safi et Agadir. Elle poursuit une démarche qualité reposant sur les certifications et les labels, qui l’ont conduite sur la voie de la RSE. Occupant une main d’œuvre essentiellement féminine, elle a entrepris un audit social selon le genre, axé sur l’inégalité des chances, la difficulté de conjuguer la vie familiale avec l’exercice de la profession, le harcèlement sexuel et les conditions sociales des salariées. Les résultats ont mis en exergue l’importance de l’analphabétisme (57%) et les difficultés de concilier vie professionnelle et vie familiale. Par contre, ils ont exprimé l’absence de harcèlement sexuel, et un haut degré de satisfaction au sujet de l’égalité entre les hommes et les femmes (90%) et de l’image de l’ouvrière dans l’entreprise ( 83%). Le programme mis en place pour renforcer l’égalité et la non discrimination a visé les relations collectives, pour une meilleure prise compte de la dimension genre et l’organisation du travail en nommant des femmes à la tête des lignes de production (caporal). Son extension aux tâches de responsabilité dans la direction technique trouve ses limites dans l’indisponibilité de qualifications féminines correspondantes sur le marché du travail. La formation à la qualité qui a été assurée a porté sur les droits et les devoirs des travailleuses. Un système de réclamations permet de veiller sur le respect des règles et de traiter les problèmes posés aux femmes. Parmi les réponses apportées pour améliorer l’image de la travailleuse dans son milieu, figure un programme de sensibilisation dirigé vers les riverains. De même, la mise à la disposition des travailleuses, à titre gratuit, de cartes de paiement bancaire a permis de protéger le paiement de leur salaire et de diminuer les risques d’agression le jour de paie. L’alphabétisation fait également partie des actions sociales et de formation mises en place par l’entreprise.
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RSE
avail va E L a santĂŠ au travail
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Les mesures relatives à la santé et à la sécurité au travail traduisent depuis le début du XIXème siècle, l’évolution des risques industriels et l’adaptation progressive de leur traitement aux plans juridique, social et économique. Le développement anarchique des régions industrielles a ainsi poussé les villes et les États à adopter des dispositifs appropriés d’aménagement de l’espace, dont les éléments saillants ont été constitués par la législation relative à l’hygiène, la salubrité et la commodité publiques, puis par la réglementation des établissements classés et enfin par le droit de l’urbanisme. De son côté, l’augmentation du nombre et de la gravité des accidents du travail, par suite du développement industriel, rendaient impératif l’amélioration des mesures de prévention et la reconnaissance d’une responsabilité exclusive de l’employeur. La préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs est ainsi devenue progressivement une question d’intérêt public, encadrée par des dispositifs normalisés et par des mécanismes destinés à renforcer la socialisation de son traitement. Son objet a été étendu de la prévention des risques à la sauvegarde du meilleur état de santé possible du travailleur. Sa mise en oeuvre appelle en conséquence son intégration aux objectifs publics de sécurité, de santé et de développement durable. Une nouvelle définition de la santé et de la sécurité a ainsi vu le jour (I), pour l’ériger en responsabilité collective organisée autour de l’entreprise (II). Les normes internationales expriment cette évolution (III), qui gagne progressivement la législation marocaine (IV). L’entreprise socialement responsable trouve dans ce domaine un terrain particulièrement favorable pour
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améliorer les comportements et réduire les risques d’altération tant de la sécurité et de la santé des gens que de leur milieu (V).
I. Définition de la santé et de la sécurité au travail Le droit à la santé est défini par le pacte international sur les droits, économiques, sociaux et culturels (PIDSEC) en ces termes : « le droit qu’a toute personne humaine de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». Le même pacte prévoit parmi les mesures que les États doivent développer pour assurer le plein exercice de ce droit figure: « b) (…) l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle ; c) la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres ainsi que la lutte contre ces maladies ». Le rôle dévolu à l’État pour la prévention et le traitement des fléaux ne fait guère de distinction entre leur origine professionnelle ou non. La même mission d’intérêt général justifie que l’État prenne les mesures appropriées pour affronter aussi bien les maladies professionnelles que les endémies et les autres pathologies. En conformité avec cette approche qui invite les États à concevoir les conditions de travail dans la perspective d’une politique d’hygiène et de santé publiques, l’OMS et l’OIT ont adopté dès 1950 une définition conjointe de la santé au travail qui considère qu’elle doit « avoir pour finalité d’assurer le niveau le plus élevé
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du bien-être physique, psychique et social des travailleurs ». Le document précise qu’elle doit chercher en particulier à: • Prévenir tout dommage causé à la santé des travailleurs par les conditions de travail ; • Protéger les travailleurs contre les risques inhérents à tous facteurs nuisibles à leur santé ; • Veiller sur leur affectation à des emplois convenant à leurs capacités physiologiques et psychologiques ; • Agir pour adapter le travail à l’homme. D e p u i s lo rs , p l u s d e s o i x a n te - d i x conventions et autant de recommandations ont été consacrées par l’OIT à la santé et à la sécurité au travail dans les différentes branches d’activité. Leur contenu témoigne de l’évolution de la perception de cette question, à la lumière notamment du progrès des sciences et des techniques, de la prise de conscience des problèmes environnementaux et d’une meilleure maîtrise des risques. Tous les partenaires sociaux s’accordent maintenant pour considérer que l’instauration d’une « culture mondiale de la sécurité au travail » constitue une composante essentielle de l’objectif de « travail décent » qu’ils se sont fixés en 2006. Les législations nationales et régionales jouent aussi un rôle important dans la production de mesures et de méthodes novatrices de préservation de la santé au travail. Les directives de l’Union Européenne sur la « sécurité et la santé au travail » constituent ainsi la partie dominante de la volumineuse réglementation du travail communautaire. En plus de leur transposition dans les législations nationales des États memb re s , ce l le s - c i évo l u e n t a u ss i d e manière plus autonome aux rythmes
des avancées de la science et de l’audace dont font preuve les tribunaux dans l’interprétation des obligations relatives à la préservation de la santé et de l’environnement. D’une attitude de prescription de mesures de prévention sur les lieux de travail, on est passé à une approche pro active qui préconise la prise en compte de la chaîne des responsabilités aboutissant à l’altération de la santé, en raison du travail. Ainsi, la convention n° 155 de l’OIT (1981) invite les États et les partenaires sociaux à se concerter sur des actions à développer aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau des entreprises. En amont, la politique nationale de santé et de sécurité au trav a i l d o i t ê t re re n s e i g n é e p a r le s connaissances scientifiques portant notamment sur la médecine du travail, la psychologie, l’hygiène industrielle, la toxicologie, l’éducation, la sécurité des machines, l’ergonomie et les risques d’incendie et naturels. En aval, les actions sectorielles et des entreprises « doivent définir et appliquer une politique visant à prévenir les accidents et les atteintes à la santé qui résultent du travail ou qui sont liés au travail, ou surviennent au cours du travail, en réduisant au minimum les causes de ces risque inhérents au milieu du travail ». L’extension de la mission de prévention pour englober toutes les atteintes possibles à la santé du travailleur en rapport avec son travail, éprouve encore des difficultés à se concrétiser, tant elle ébranle l’organisation classique des missions d’hygiène, de sécurité et de médecine du travail. Généralement, les employeurs ont un sens plus aigu de leur responsabilité à l’égard de la sécurité de leurs travailleurs que de leur santé. L’une fait partie de l’organisation
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du travail ainsi que de l’autorité qu’ils exercent à ce titre et trouve ses repères dans des mesures réglementaires. L’autre leur semble relever d’un savoir faire plus difficile à atteindre, surtout pour les PME. En fait, le comportement qui est attendu de l’entreprise dans le but d’éliminer les risques que le travail peut représenter pour la sécurité et la santé du travailleur, réfère moins à une responsabilité légale fondée sur la conformité aux prescriptions impératives qu’à un type d’organisation au travail inclusif permettant de déceler le plus rapidement possible les facteurs d’altération de la santé et de la sécurité à l’occasion du travail. Tout comme le Droit retient la responsabilité de l’entreprise en cas d’avènement d’un accident de travail, abstraction faite de toute notion de faute, il considère désormais qu’elle se doit de préserver la santé et la sécurité au travail en raison principalement de son aptitude à réduire les facteurs de risques et à renforcer la sécurité et la santé sur les lieux de travail. C’est en tant qu’organisation technique et communauté de travail qu’elle doit assumer son rang dans la chaîne de responsabilité qu’on cherche à sécuriser. Un lieu de travail sûr ne garantit pas la santé des travailleurs, par contre, l’objectif de préservation de leur santé passe par l’élimination des risques d’atteinte à leur sécurité physique. L’entreprise est moins le sujet de cette obligation qu’un lieu où elle s’exerce.
II. Une responsabilité collective, organisée autour de l’entreprise Cette nouvelle vision a été portée par un mouvement d’idées plus global qui préconisait sur le plan doctrinal « la réforme de l’entreprise ». Ses propositions relatives à la santé au travail préconisaient le concept de « sécurité intégrée » qui consiste à prendre en considération le risque industriel dans tout le processus de fabrication, d’installation et d’utilisation des équipements et des produits dangereux. L’adoption en 1981 de la convention de l’OIT reflète ce mouvement d’idées. L’année suivante, la Loi Auroux instituait en France le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le renforcement du rôle de l’entreprise et de ses travailleurs dans ce domaine devait se traduire aussi par les mesures portant sur les ingénieurs de sécurité et la réforme des services de médecine du travail. Le régime prescriptif basé sur le triptyque norme-contrôle-sanction demeure en vigueur, mais sa mise en œuvre devient plus participative pour faire de la sécurité et de la santé au travail une responsabilité partagée. Les résultats obtenus dans tous les pays industrialisés confirment l’efficacité des réformes réalisées sur cette voie. Pourtant, le bilan mondial ne cesse de s’aggraver. L’OIT estime à 2,5 millions le nombre de personnes qui décèdent annuellement à la suite d’un accident du travail ou d’une
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maladie professionnelle. Plus de 270 millions de travailleurs sont gravement blessés et 160 millions atteints de maladies liées au travail. Selon les mêmes sources, les coûts de ces sinistres avoisinent 4% du PIB. Dans les pays du sud, l’installation des activités industrielles polluantes et dangereuses s’accompagne souvent d’une aggravation du risque industriel et sanitaire en raison de la faiblesse des dispositifs de prévention et de l’ignorance des dangers encourus. L’insuffisance des moyens d’information et de contrôle de la chaîne de production, de distribution et d’utilisation des matières dangereuses est source de danger permanent pour la santé des travailleurs, des consommateurs et des riverains. Deux exemples récents illustrent ces risques : celui de la contamination du lait pour nourrissons par des produits toxiques, provoquant le décès de dizaines de jeunes Chinois et celui du déversement de déchets contaminés industriels dans une décharge municipale d’Abidjan provoquant là aussi des dégâts graves pour la vie, la santé, les ressources hydriques et le milieu urbain d’une population démunie. Pour l’entreprise, les atteintes à la sécurité et à la santé au travail entraînent des surcoûts directs matérialisés par la révision des primes d’assurance, les dépenses engendrées par la réparation des dommages non couverts, ainsi que par la perturbation de la production et une baisse temporaire de la productivité. S’y ajoutent des effets indirects attachés à la démotivation des travailleurs, à la détérioration des relations au travail, à la dégradation de la renommée de l’entreprise et aux réactions négatives
des partenaires et des clients (coresponsabilité des chantiers, immixtion des services de contrôle… etc.). Mais la société supporte aussi un coût économique et social élevé en termes de détérioration d’équipements publics, de perturbation de services publics et de prise en charge sociale des victimes et de leurs familles, dans la mesure où une grande partie d’entre elles n’accèdent pas à une couverture suffisante. Les accidents du travail privent aussi le pays d’agents productifs dont la formation a été coûteuse pour la communauté. Leur fréquence contribue à altérer l’attractivité du pays et à alimenter d’autres fléaux sociaux comme les accidents de la circulation. Les risques engendrés par le travail sur la santé du travailleur peuvent passer inaperçus. Ainsi, des durées de travail excessives, des horaires pénibles et le stress entraînent l’épuisement des travailleurs et réduisent leur résistance physique, physiologique et psychologique. De même le tabagisme passif, la pollution du milieu et l’alimentation au travail influent directement sur l’état de santé d’un grand nombre de travailleurs en aggravant les risques d’atteintes pulmonaires et d’accidents cardio-vasculaires. L’insécurité au travail et les risques industriels peuvent aussi dépasser la sphère des lieux de travail et menacer directement la santé des consommateurs ou d’autres travailleurs mal informés. Ils peuvent représenter, comme on l’a vu, une menace directe pour l’environnement et la santé publique. Les normes juridiques cherchent à couvrir cette complexité dans une perspective de sécurité globale.
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III. Les normes internationales La convention n° 155 concernant la sécurité et la santé des travailleurs et le milieu du travail (1950) demeure la pièce maîtresse du dispositif normatif de l’OIT en la matière. Dans sa continuité, la convention n° 161 sur les services de santé au travail (1958) étend la notion de service médical du travail au concept de santé au travail pour affirmer la transdisciplinarité qu’il requiert. Enfin, l’approche holistique contemporaine de la question s’exprime avec éclat dans la convention n° 187 sur le cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail (2006). La convention n° 155 a vocation à s’appliquer à tous les travailleurs salariés et dans tous lieux de travail relevant des secteurs public et privé, sauf exclusion dûment justifiée par l’État. Dans le sens qu’elle lui donne, le terme « santé » ne vise pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité ; « il inclut aussi les éléments physiques et mentaux affectant la santé directement liés à la sécurité et à l’hygiène au travail » (art 3-e-). Les États sont invités à « définir, mettre en application et réexaminer périodiquement, une politique nationale cohérente en matière de sécurité, de santé des travailleurs et de milieu du travail » destinée notamment à prévenir les accidents et les atteintes à la santé ayant pour cause le travail ou survenus à l’occasion de son exécution. Les efforts à entreprendre doivent tendre « à réduire au minimum les causes des risques inhérents au milieu du travail ». La convention désigne les champs à couvrir par les politiques nationales et
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indique des principes destinés à guider leur formulation. On y relève notamment : • La conception, l’essai, le choix, le remplacement, l’installation, l’utilisation et l’entretien des composantes matérielles du travail ; • Les liens de ces composantes avec les personnes ainsi que l’adaptation des équipements, du temps, de l’organisation et des procédés du travail aux capacités mentales et physiques des travailleurs ; • La formation et la formation complémentaire pour que les niveaux de sécurité et d’hygiène maximums soient atteints ; • La communication et la coopération au niveau du groupe du travail et de l’entreprise et à tous les autres niveaux appropriés, y inclus le niveau national ; • La protection des travailleurs contre toutes mesures disciplinaires consécutives à des actions effectuées en conformité avec cette politique ; • L a définition des responsabilités respectives des pouvoirs publics, des employeurs, des travailleurs et des autres personnes concernées, en tenant compte du caractère complémentaire de ces responsabilités ; • L’évaluation régulière de cette politique par secteurs, en vue d’identifier les problèmes, de dégager les moyens de les résoudre et de définir l’ordre des priorités (art 11). Au niveau de l’entreprise, la convention préconise une coopération des employeurs et des travailleurs et/ou de leurs représentants en tant qu’« élément essentiel des dispositions prises». Les employeurs demeurent tenus d’assurer le déploiement des mesures de prévention appropriées, la fourniture des équipements de protection et la
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mise en place de moyens pour faire face aux situations d’urgence. Parmi les dispositions qui doivent être rendues obligatoires dans les lieux de travail figurent : • L’information à assurer aux représentants des travailleurs au sujet des mesures prises, en leur offrant la possibilité de vérifier son opportunité auprès de leurs organisations ; • La formation appropriée des travailleurs et de leurs représentants sur la sécurité et la santé au travail ; • Le droit des travailleurs de vérifier eux-mêmes les mesures de prévention adoptées pour préserver leur sécurité et leur santé au travail (art 19). En cas de danger imminent, la convention reconnaît au travailleur le droit de retrait, en ces termes : « le travailleur signalera immédiatement à son supérieur hiérarchique direct toute situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé et, jusqu’à ce que l’employeur ait pris des mesures pour y remédier, en cas de besoin, celui-ci ne pourra demander aux travailleurs de reprendre le travail dans une situation où persiste un péril imminent » (art 20). La convention n° 161 définit le service de santé au travail comme étant celui qui est investi de fonctions essentiellement préventives et chargé de conseiller à la fois l'employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l'entreprise en ce qui concerne : • Les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail ; • L'adaptation du travail aux capacités des travailleurs, compte tenu de leur état de santé physique et mentale.
Ce service dont la marche devrait être ouverte à la participation des travailleurs et de leurs représentants, doit avoir pour fonctions : • D’identifier et d’évaluer les risques d'atteinte à la santé sur les lieux de travail ; • De surveiller les facteurs du milieu de travail et les pratiques de travail susceptibles d'affecter la santé des travailleurs, y compris les installations sanitaires, les cantines et le logement, lorsqu’ils constituent des facilités fournies par l'employeur ; • Donner des conseils sur la planification et l'organisation du travail, y compris la conception des lieux de travail, le choix des machines et leur entretien ainsi que sur les substances utilisées dans le travail ; • Participer à l'élaboration des programmes d'amélioration des pratiques de travail et à l'évaluation des nouveaux équipements ; • Conseiller, informer et contribuer à la formation dans les domaines de l'ergonomie, de la santé, de la sécurité et de l'hygiène au travail, ainsi qu'en matière d'équipements de protection individuelle et collective ; • Surveiller la santé des travailleurs et promouvoir l'adaptation du travail à leurs aptitudes ; • Contribuer aux mesures de réadaptation professionnelle ; • Organiser les premiers secours et les soins d'urgence ; • Participer à l'analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles. La convention institue une obligation d’information des travailleurs au sujet des risques pour la santé inhérents à leur travail. Elle prescrit à l’employeur et aux travailleurs d’informer les services de santé au travail « de tout facteur
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connu et de tout facteur suspect du milieu de travail susceptibles d'avoir des effets sur la santé des travailleurs » (art 14). Elle précise, en outre que « les services de santé au travail doivent être informés des cas de maladie parmi les travailleurs et des absences du travail pour des raisons de santé, afin d'être en mesure d'identifier toute relation qu'il pourrait y avoir entre les causes de cette maladie ou de cette absence et les risques pour la santé qui pourraient se présenter sur les lieux de travail. Le personnel qui fournit des services en matière de santé au travail ne doit pas être requis par les employeurs de vérifier le bien-fondé des raisons de l'absence du travail ». D’où l’évidence de la neutralité et de l’indépendance professionnelle qui est prescrite pour ces services, à l’égard tant de l’employeur que des travailleurs. L a co n ve n t i o n n ° 1 8 7 a d o p te u n e démarche promotionnelle pour atteindre ces mêmes objectifs dans les pays qui n’ont pas encore intégré les normes inter-nationales sur la sécurité et la santé au travail dans leur législation. Elle préconise l’élaboration, dans un cadre tripartite, de stratégies nationales visant l’amélioration continue de la sécurité et de la santé au travail afin de : • Prévenir les lésions, maladies et décès d’origine professionnelles ; • Veiller à la mise en place progressive d’un environnement de travail sûr et salubre ; et • Promouvoir la ratification des conventions de l’OIT s’y rapportant. L’objectif visé est de favoriser une culture de prévention en matière de sécurité dans laquelle « le droit à un milieu de travail sûr et salubre est respecté à tous les niveaux, où les gouvernements, les
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employeurs et les travailleurs s’emploient activement à assurer un milieu de travail sûr et salubre par la mise en place d’un système de droits, de responsabilités et d’obligations définis et où le principe de prévention se voit accorder la plus haute priorité ». Le Code du travail puise dans ces normes une partie de son inspiration.
IV. Les prescriptions du Code du travail La santé et la sécurité au travail relèvent des prescriptions générales relatives aux conditions de travail et des mesures particulières traitant d’une part, de l’hygiène et de la sécurité des salariés et d’autre part de la médecine du travail. Les obligations générales sont constituées d’abord par les dispositions de l’article 24 qui énoncent que « de manière générale, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés, dans l’accomplissement des tâches qu’ils exécutent sous sa direction (…). ». A l’occasion de tout recrutement, l’employeur est tenu d’informer par écrit le travailleur sur « les dispositions légales et les mesures concernant la préservation de la santé et de la sécurité et la prévention des risques liés aux machines ». Il doit également lui notifier l’organisme d’assurance qui couvre les accidents de travail et les maladies professionnelles. Toute modification de ces données doit lui être communiquée dans les mêmes formes.
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Les dispositions spéciales régissant l’hygiène et la sécurité des travailleurs sont formulées par les articles 281 et suivants. Elles reproduisent largement la législation antérieure en imposant à l’employeur les principales obligations suivantes : • Maintien des locaux de travail en un état de propreté, d’hygiène et de salubrité susceptible de préserver la santé des salariés ; • L’approvisionnement en eau potable des chantiers en les dotant de conditions de logement et d’hygiène satisfaisantes ; • L’aménagement des locaux de travail de manière à assurer la sécurité des travailleurs et les accessibilités aux handicapés parmi eux ; • L’interdiction d’acquisition par achat ou location, de machines ou de composants non munis de dispositifs de protection ; • La mise en place de dispositifs de sécurité particuliers à certains lieux ou matériaux (puits, trappes, pièces mobiles… etc.) ; • La prohibition d’utiliser des produits dangereux dans l’irrespect des prescriptions en vigueur ; • L’information relative aux conditions d’utilisation des machines dangereuses et à porter sur l’emballage des produits dangereux ; • Les précautions à prendre pour le transport des charges lourdes.
peine de fermeture temporaire d’une durée allant de 15 jours à 6 mois, avec maintien des salaires. En cas de récidive, la fermeture définitive peut être prononcée.
Le Code qualifie de faute grave, l’inobservation par le salarié des prescriptions d’hygiène et de sécurité à l’occasion de l’exécution des travaux dangereux et annonce l’adoption de mesures sectorielles complémentaires.
Le service médical du travail a également fait l’objet de réforme par le Code du travail. Il doit désormais être autonome dans chaque entreprise employant 50 salariés au moins ainsi que dans les établissements qui exposent les travailleurs à des travaux dangereux au sens de la législation sur les accidents du travail. Les autres entreprises qui n’atteignent pas cette taille peuvent adhérer simplement à un service inter-entreprises.
Le juge qui sanctionne l’entreprise en cas d’inobservation des règles d’hygiène et de sécurité peut lui ordonner la réalisation de travaux dans les six mois. Il peut également assortir la condamnation d’une
Le Comité de sécurité et d’hygiène constitue la principale innovation du Code. Il est institué dans les entreprises occupant 50 salariés au moins. Placé sous la présidence de l’employeur, il comprend le chef du service de sécurité ou un cadre technique spécialement désigné à cet effet, ainsi que le médecin du travail et deux délégués élus des salariés auxquels s’ajoutent, lorsqu’il s’agit d’entreprises de 100 salariés, au moins, un ou deux délégués syndicaux. Le Comité a pour missions de : • Détecter les risques professionnels pour les travailleurs, développer le sens de la prévention et veiller sur les dispositifs de protection ; • Protéger l’environnement à l’intérieur et aux alentours de l’entreprise ; • Formuler des avis quant au fonctionnement du service de la médecine du travail et des propositions sur la réadaptation des travailleurs handicapés ; • Procéder à des enquêtes à la suite des accidents du travail ; • Établir un programme annuel de prévention contre les risques professionnels ; • Présenter un rapport annuel d’activité.
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L’un comme l’autre ont pour mission principale d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d’hygiène dans les lieux de travail, les risques de contamination et l’état de santé des travailleurs. Ils sont appelés à procéder aux examens médicaux nécessaires, notamment pour vérifier l’aptitude à l’occasion de l’embauchage de tout salarié nouveau. Le refus de la part du chef d’entreprise des propositions du service médical du travail portant sur des mesures individuelles de réaffectation des travailleurs ou de transformation de postes doit être motivé. En cas de persistance du désaccord, l’inspecteur du travail peut être saisi. Le médecin du travail demeure cependant un salarié de l’entreprise et son conseiller en ce qui concerne : • La surveillance de l’hygiène, des nuisances et la prévention des accidents ; • La vérification de l’adaptation du poste de travail à l’état de santé du travailleur ; • L’amélioration des conditions de travail, y compris l’adaptation des techniques et l’étude des rythmes de travail. Un Conseil de médecine du travail et de prévention des risques professionnels tripartite a été institué sous la présidence du Ministre de l’emploi. Il a pour mission de formuler des propositions relatives à l’amélioration de la médecine du travail et de son inspection, aux accidents de travail, à l’hygiène et à la sécurité professionnelles. Les innovations introduites par le Code du travail marquent manifestement un progrès certain par rapport au cadre institutionnel antérieur. Les conditions de leur application ont été précisées par l’arrêté du 12 mai 2008 du Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle.
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V. Les voies de la promotion de la sécurité et de la santé au travail La méthode préconisée par la RSE rejoint parfaitement les orientations des instruments relatifs à la sécurité et à la santé au travail. Elle peut donc parfaitement inspirer les actions des entreprises sur la voie de la consolidation de la participation, de la préservation de l’environnement et d’une meilleure prévention des risques de santé au travail. Les actions que l’entreprise peut déployer dans le prolongement de ses obligations légales en matière de sécurité et de santé au travail concernent principalement : • L’information des autorités, des travailleurs et de leurs représentants sur les risques afférents aux produits, aux installations et aux équipements utilisés ainsi que sur les moyens qu’elle met en œuvre pour les réduire et gérer leurs effets ; • La formation des salariés sur les questions de santé, de sécurité et de protection de l’environnement, notamment la prévention des accidents et les conduites à tenir en cas de danger ou de sinistre ; • L’implication des travailleurs et de leurs représentants dans la diffusion, la mise en œuvre, l’évaluation et la révision des mesures de sécurité et de santé au travail. Les dégâts humains et matériels les plus graves que les entreprises marocaines aient eu à subir en raison d’accidents industriels, notamment les incendies et les explosions, sont imputables à l’amé-
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nagement inapproprié des lieux de travail, à l’insuffisante formation des travailleurs sur les questions de sécurité et à l’inefficience du dispositif de secours. L’observation de règles rudimentaires dans l’utilisation des produits dangereux et la maîtrise de la conduite à tenir en cas de sinistre auraient pu éviter leur avènement ou réduire considérablement leurs effets. La faible prise en compte par certaines entreprises de la sécurité et de la santé au travail peut s’illustrer aussi par le nombre élevé des accidents mortels dus au surmenage et au manque de sommeil des chauffeurs, par les conditions d’alimentation des travailleurs pendant les pause-repas et par les conditions de leur transport, notamment dans les zones péri-urbaines et rurales. Des mesures simples peuvent réduire considérablement l’insécurité et la salubrité au travail tout en produisant un impact important sur le milieu de vie des travailleurs et l’environnement de l’entreprise. Un diagnostic participatif même sommaire, peut marquer le départ d’une politique progressive de sécurité et de santé au travail soucieuse de conformité avec les prescriptions légales et d’efficacité pratique. L’évaluation des risques en constitue l’élément saillant. Il s’agit simplement d’analyser les lieux du travail et de connaître leur utilisation pour déterminer les sources éventuelles de leur insalubrité ou d’insécurité. Ce travail devrait être effectué périodiquement pour prendre en considération de nouveaux facteurs de risques inhérents soit aux installations (vétusté, détérioration des équipements, changement de voisinage immédiat) soit
au comportement humain (accroissement des effectifs, absence de formation à l’hygiène et à la santé au travail, changement des horaires… etc.) La gestion des risques n’est rien d’autre que la manière avec laquelle la direction de l’entreprise entreprend de traiter les dangers potentiels qui sont décelés et d’organiser son système d’alerte pour déceler les problèmes nouveaux qui risquent de se poser. L’association des travailleurs à cette stratégie est essentielle. Souvent, ils ont une perception précise des risques qu’ils encourent et d’excellentes idées pour les réduire. Leur apport à ce processus permet aussi d’identifier les besoins en formation et de renforcer leur adhésion aux mesures de prévention et d’hygiène retenues. La désignation, parmi eux, de superviseurs de la sécurité et de la santé au travail et de secouristes permet de pérenniser la vigilance et de réduire les effets des sinistres. La rotation partielle de ces attributions peut aussi améliorer l’implication et la formation de tous. L’évaluation périodique des progrès réalisés renforce l’engagement de l’entreprise et maintient la mobilisation des travailleurs. Elle peut s’effectuer par des questionnaires, des boîtes à idées, des réunions des superviseurs ou des responsables de la sécurité. Le service de la médecine du travail doit prendre une part active dans la validation de la politique de sécurité et de santé au travail et autant que possible, les autres ressources disponibles doivent être sollicitées : conseil de l’inspection du travail, des services communaux, de la protection civile…etc.
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Des initiatives locales ou sectorielles sont aussi de nature à susciter un effet d'entraînement dans la zone d’implantation, parmi les clients et les fournisseurs, ainsi que dans la profession.
De bonnes pratiques dans la protection de la santé et de l’environnement - Food & Feed Additifs Depuis sa création en 1999, FEED & FOOD ADDITIFS a développé une stratégie qui la positionne aujourd’hui comme leader en nutrition animale. Inscrivant son développement dans une démarche continue d’amélioration de la qualité de ses produits et services en investissant aussi bien sur le plan matériel qu’humain, elle est actuellement certifiée ISO 9001 V.2000 et accréditée ISO 17025. Soucieuse du respect des règles d’hygiène et consciente de l’implication de l’alimentation animale dans la sécurité des produits alimentaires, FEED & FOOD ADDITIFS s’est engagée dans un programme destiné à renforcer la prévention des risques de santé et d’accident aussi bien à l’égard de ses collaborateurs que de son environnement. Parmi ses résultats remarquables, le fait qu’elle n’a déploré au cours des deux dernières années aucun accident du travail ni maladie professionnelle concernant aussi bien des ouvriers que du personnel d’encadrement. La maîtrise et le respect des bonnes pratiques de fabrication constituent un sujet de préoccupation important pour l’entreprise. A cet effet, elle s’est dotée d’une deuxième ligne de production à dosage automatique qui a réduit considérablement l’émanation des poussières. Pour la poursuite de ses objectifs, FEED & FOOD ADDITIFS investit dans des compétences humaines confirmées et met à leur disposition son expertise pratique issue du terrain. La formation continue constitue pour elle un vecteur essentiel de développement. Elle s’efforce de renforcer et d’enrichir les compétences de ses collaborateurs pour leur garantir un niveau élevé et leur permettre de construire leur projet professionnel au fur et à mesure des expériences acquises. Par son adhésion au pacte mondial des Nations Unies, elle renforce son engagement dans l’amélioration des conditions du travail, la protection de l’environnement et la lutte contre la corruption. Cette approche volontaire est ancrée dans la culture et les valeurs de l’entreprise et trouve aussi son expression dans les actions de partenariat qu’elle developpe avec la société civile.
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avail va E F ormation et dĂŠveloppement des compĂŠtences
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Pendant longtemps, l’organisation de la production industrielle recourait au fractionnement du travail en des tâches simples afin de réduire au strict minimum, ses besoins en travailleurs qualifiés et en formation. De nos jours, l’envahissement des technologies, la normalisation de la qualité et la mise en concurrence directe des entreprises dans un marché mondial globalisé imposent un alignement permanent sur les standards les plus élevés et une réactivité forte aux transformations de la demande. La qualité des ressources humaines devient, dans ce contexte, la condition première pour maintenir la compétitivité de l’entreprise. Par ailleurs, le rythme du progrès technologique et de la communication ne permet plus au système général d’éducation et de formation de demeurer au plus près des besoins en qualifications nouvelles, obligeant ainsi les entreprises à agir en permanence pour relever les capacités professionnelles des travailleurs. En fait, l’avènement d’une économie du savoir entraîne l’ébranlement ininterrompu à la fois des acquis scientifiques et des cloisons entre les différents champs de connaissances. La formation continue n’a plus pour objet d’acquérir les innovations techniques dans sa profession, ni de se recycler dans une spécialité voisine, mais plutôt de développer son aptitude à apprendre et de maintenir sa qualification dans la profession grâce à une adaptabilité au changement professionnel, social et culturel. Pour la génération qui arrive à la retraite et celle qui a accédé au travail dans les années cinquante, il était possible encore d’acquérir, par la formation sur le tas, une compétence rudimentaire pour exercer pendant toute sa vie un métier comme artisan, commerçant, O.S. ou ouvrier qualifié, tout en étant illettré. De
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nos jours, l’invasion de la signalétique, la diffusion des techniques numériques et la transformation technologique des instruments de travail ne permettent plus à de tels profils de se maintenir. L’exercice convenable d’une profession quelconque exige de disposer d’une éducation de base donnant accès aux moyens de communication courants ainsi que de la faculté d’acquérir et de développer des habiletés professionnelles, de façon régulière.L’investissement dans le savoir devient une nécessité pour l’entreprise, le travailleur et l’État. Pour les entreprises, la disponibilité d’une main d’oeuvre qualifiée constitue un atout majeur pour la consolidation de leur position sur les marchés. Non seulement elle améliore l’attractivité des territoires dans le contexte actuel des délocalisations, mais elle représente également un levier pour la création de PME répondant aux normes des marchés mondiaux. La dynamique qui se déclenche ainsi permet de réduire la fracture numérique et technologique et d’autoriser un développement autocentré. En mettant l’investissement dans les ressources humaines au cœur de la stratégie de développement économique et social, on souligne la centralité de l’homme dans le processus de développement et on reconnaît la place nouvelle qu’il acquiert dans une économie dont la richesse première est le savoir. Le système d’éducation et de formation cherche à s’adapter à cette évolution. Aussi bien la réforme de l’enseignement et de l’éducation que celle de la formation professionnelle tendent à briser les cloisons entre la formation pour l’emploi et la formation au cours de l’emploi, entre l’éducation et la formation professionnelle et entre les objectifs de l’État, ceux des entreprises et ceux des travailleurs, dès lors qu’il s’agit d’investissement dans les
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ressources humaines. Cette évolution est inscrite dans les normes internationales (I). Le cadre institutionnel marocain la confirme et annonce la poursuite des réformes en ce sens (II). Leurs effets pratiques demeurent cependant suspendus à l’adhésion des entreprises et des travailleurs à une stratégie de formation le long de la vie, pour garantir le maintien de la flexibilité des ressources humaines de l’entreprise et de l’employabilité de tous les travailleurs (III).
I. Les normes internationales L’intérêt de l’OIT pour la promotion de l’emploi par la formation s’est exprimé dans les années soixante-dix par une convention relative au congé éducation payé et surtout par la convention n° 142 (1975) dont les orientations de base demeurent valides. Mais c’est surtout la recommandation n° 195 (2004) qui exprime la nouvelle problématique de la formation tout le long de la vie et ses effets sur les rôles classiques respectifs de l’État, de l’entreprise et des travailleurs. La convention n° 142 sur la mise en valeur des ressources humaines (1975) invite les États à développer des politiques et des programmes complets et concertés d'orientation et de formation, en établissant, en particulier, grâce aux services publics de l'emploi, une relation étroite entre leur contenu et le marché de l'emploi. Ces programmes et politiques doivent prendre en compte les rapports existant entre les objectifs de mise en valeur des ressources humaines et les autres objectifs économiques, sociaux et culturels. Ils ont pour finalité de renforcer la capacité de l'individu à comprendre son milieu de
travail et son environnement social, mais aussi de relever les aptitudes professionnelles de tous et de faciliter à chacun le développement de ses habilités en harmonie avec ses aspirations personnelles.. C’est pourquoi, la convention invite les États à développer la flexibilité et la complémentarité des systèmes d'enseignement, d'orientation et de formation professionnelles. Elle préconise de construire un système d’information et d’orientation axé sur l’emploi qui s’adresse, de la manière la plus large possible, aux enfants, aux adolescents et aux adultes afin de réunir à propos de chaque profession, tous les renseignements utiles, afférents notamment aux possibilités qu’elle offre en matière d’éducation technique, de formation professionnelle, d'emploi actuel et futur, de promotion, de conditions de travail, de sécurité et d’hygiène… etc. La nécessité de promouvoir la formation pendant toute la carrière est exprimée par l’obligation d’étendre progressivement les divers systèmes de formation professionnelle « pour répondre aux besoins des adolescents et des adultes, tout au long de leur vie, dans tous les secteurs de l'économie, dans toutes les branches de l'activité économique et à tous les niveaux de qualification professionnelle et de responsabilité. ». La recommandation 195 sur la mise en valeur des ressources humaines (2004) s’inscrit dans cette même orientation tout en mettant l’accent sur l’importance de l’éducation et de la formation tout au long de la vie pour la promotion « des intérêts des individus, des entreprises, de l'économie et de la société dans son ensemble, particulièrement au vu du défi essentiel consistant à parvenir au plein emploi, à l'élimination de la pauvreté, à l'insertion
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sociale et à une croissance économique durable dans l'économie mondialisée ». Elle appelle les États à concevoir et appliquer des stratégies de mise en valeur des ressources humaines, d'éducation et de formation tout au long de la vie qui : • Contribuent au développement de l'employabilité dans le cadre de politiques conçues pour créer des emplois décents et atteindre un développement économique et social durable ; • Accordent la même importance aux objectifs économiques et sociaux dans le contexte de la mondialisation de l'économie et d'une société fondée sur le savoir, l'acquisition des connaissances et l'accroissement des compétences ; • Requièrent de nouvelles approches afin de répondre à la demande de compétences et au défi de la transformation des activités de l'économie informelle en un travail décent pleinement intégré à la vie économique ; • Soutiennent l'investissement public et privé dans les infrastructures nécessaires à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation et la formation. La recommandation rappelle que l'éducation et la formation « sont un droit pour tous » et que leur exercice tout au long de la vie doit être obtenu par la coopération entre les partenaires sociaux : les gouvernements en investissant et en créant les conditions nécessaires pour renforcer l'éducation et la formation à tous les niveaux, les entreprises en formant leurs salariés et les individus en développant leurs compétences et en organisant au mieux leur parcours professionnel. La stratégie nationale en la matière devrait être étroitement liée à la politique de l’emploi et constituer un cadre de référence
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incitatif et motivant aux plans national, régional, local ainsi qu’aux niveaux sectoriel et de l'entreprise. Elle devrait identifier et traiter les besoins spécifiques, notamment des jeunes, des personnes peu qualifiées, des handicapés, des migrants, des travailleurs âgés, ou d’autres catégories en situation d'exclusion sociale, ainsi que des travailleurs des petites et moyennes entreprises, de l'économie informelle et du secteur rural. L’acquisition de l’éducation et de la formation tout le long de la vie est conçue par les entreprises comme un objet prioritaire du dialogue social et de partenariat, mais aussi comme un impératif économique et social qu’elles doivent assumer dans leur propre intérêt, dans celui de leurs travailleurs et de la société en entier, notamment lorsque le déficit en la matière est important en raison des défaillances du système d’éducation et de l’importance du secteur informel.
II. Le cadre institutionnel national Le Code du travail proclame le droit des travailleurs à la formation y compris par les programmes de lutte contre l’analphabétisme, selon les conditions à fixer par voie réglementaire. Celles-ci sont constituées jusqu’à présent, uniquement par les mesures qui régissent les contrats spéciaux de formation. En fait, depuis la création en 1974 de l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion du Travail, les entreprises acquittent une taxe de la formation professionnelle que collecte la
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CNSS au profit de cet établissement public. Par ce moyen, les entreprises financent, d’une part la formation pour l’emploi que l’Office assure à quelques 200 000 jeunes à travers ses établissements de formation répartis sur l’ensemble du territoire, et d’autre part, la formation continue que les employeurs assujettis organisent pour leurs salariés dans le cadre de contrats spéciaux de formation. Les réformes successives de la formation en cours d’emploi favorisent les actions collectives et planifiées tout en laissant aux entreprises la faculté d’organiser des actions individuelles et spontanées. Pour être éligibles, les entreprises doivent avoir versé régulièrement la taxe précitée entre les mois de juillet de l’année en cours et le mois de juin de l’année antérieure. Les actions de formation organisées individuellement par l’entreprise peuvent avoir pour objet l’alphabétisation fonctionnelle des travailleurs incluant des compétences linguistiques et les connaissances de base ou toute qualification technique. Elles peuvent être soit occasionnelles ou conjoncturelles, dites non planifiées (ANP), soit insérées dans un programme annuel dit de formation planifiée (FP) que l’entreprise établit au terme d’un diagnostic rigoureux. Dans tous les cas, les formations peuvent être dispensées par les entreprises elles-mêmes lorsqu’elles disposent de structures appropriées, ou par les organismes publics ou privés agréés. Les remboursements sont plafonnés à 50% du produit de la taxe collectée par entreprise. Ils sont effectués à des taux variant entre 40% et 90% ; toutefois les formations qui portent sur l’alphabétisation fonctionnelle ou qui sont organisées en actions groupées peuvent bénéficier
de remboursement hors plafonds. Des groupements sont constitués sous forme d’associations entre les organisations et/ou les Fédérations professionnelles des entreprises pour inciter l'entreprise à « intégrer la formation en cours d'emploi en tant que facteur déterminant de sa compétitivité » et renforcer les moyens nécessaires à l'identification et à l'expression d'une demande de formation en cours d'emploi répondant à ses objectifs de développement. Neuf Groupements Interprofessionnels d’Aide au Conseil (GIAC) encadrent ainsi des secteurs comme celui des services (GIAC Tertiaire), des TP (GIAC TP), des technologies (GIAC technologies), pêches, textile-cuir… etc. Actuellement, une concertation est avancée entre les partenaires sociaux en vue de confier la gestion des contrats spéciaux de formation directement aux GIAC. De son côté, l’apprentissage a fait l’objet d’une réforme législative dans le cadre de la charte de l’éducation et de l’institution d’un enseignement obligatoire jusqu’à l’âge de quinze ans. Il est désormais défini comme étant « l’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice d’une activité professionnelle permettant aux apprentis d’acquérir une qualification favorisant leur insertion dans la vie active ». Il se déroule à 80% en entreprise ; cependant 10 à 20% du temps de l’apprentissage doit être consacré à la formation générale et technologique qui s’organise dans le cadre de conventions passées entre l’administration responsable et les partenaires concernés : chambres ou organisations professionnelles, ONG, établissements de formation. La relation entre l’entreprise et l’apprenti devra être désormais régie par un contrat écrit signé par les parties et déposé auprès d’un centre de formation agréé.
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`Toute cette évolution du cadre institutionnel de la formation pour l’emploi et de la formation continue confirme la place centrale qu’acquiert pour l’entreprise l’investissement dans le capital humain ainsi que la nécessaire mutualisation des moyens en la matière.
III. Les voies de l’investissement dans le capital humain La fréquentation des travailleurs qualifiés et des lieux de travail a constitué depuis toujours un moyen d’acquisition ou d’amélioration de la qualification à un métier ou une profession. L’entreprise moderne hérite naturellement de cette fonction. Par l’échange de connaissances entre les travailleurs, mais aussi par son organisation, ses méthodes et ses instructions, elle contribue forcément à développer le savoir-faire de ses salariés et à façonner leur comportement professionnel. Toutefois, les qualifications élevées dont elle a besoin, ainsi que les besoins de se doter d’une organisation des plus rigoureuse ne l’autorisent plus à laisser au temps et à la spontanéité de la formation sur le tas, la mission d’adapter et d’améliorer les aptitudes professionnelles de ses travailleurs. Le recours à la formation structurée devient incontournable. L’entreprise y pourvoit de différentes manières, en fonction de ses effectifs, de son secteur d’activité, des niveaux de qualification dont elle dispose et de son exposition au changement technique et commercial.
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L’apprentissage informel est utilisé pour améliorer les compétences des travailleurs par un échange interne de connaissances et de pratiques. Il est souvent aussi la voie principale pour acquérir « l’esprit de l’entreprise » ou la mémoire collective qu’elle conserve et qu’elle entend partager en son sein pour forger une identité commune et un esprit d’équipe. La formation des travailleurs par leurs collègues exprime l’existence de cette communauté de travail et la renforce. Le modèle de l’apprenti confié à un travailleur expérimenté, souvent plus âgé, pour diriger ses premiers pas dans l’entreprise n’a pas totalement disparu. Mais bien d’autres techniques d’organisation du travail permettent aussi de faciliter l’intégration des nouveaux travailleurs, d’inciter au partage des connaissances et du savoir-faire, de combattre les inconvénients de la division du travail et de renforcer le sens des responsabilités. Parmi elles, on distingue : • Le monitorat, par lequel on confie un travailleur à un « mentor » ou « tuteur » qui l’aide à acquérir une qualification lui permettant d’accéder à l’exercice autonome d’une tâche ou d’un emploi ; • L’ é l a rg i ss e m e n t d e s t â c h e s q u i consiste à confier aux travailleurs une gamme d’activités plus vaste et un travail plus varié. Un atelier spécialisé dans la coupe peut, par exemple, se voir confier aussi l’assemblage et la maîtrise d’une partie plus étendue de l’ensemble du processus de fabrication ; • L’enrichissement des tâches qui vise à combattre le caractère répétitif et peu stimulant d’une activité en y intégrant au travail qu’il requiert d’autres composantes, sans pour autant remettre en cause l’organisation générale du processus. Le travail d’un atelier peut ainsi englober des missions en amont
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ou en aval portant sur la vérification des matériaux, le contrôle du produit, son enregistrement… etc. • Le roulement des tâches qui permet au travailleur d’évoluer dans plusieurs postes pour bénéficier d’expériences différentes, renforcer son savoir-faire et acquérir une compréhension de l’ensemble du processus de fabrication et de l’organisation du travail. L’apprentissage formel est organisé par contre autour de structures et de compétences spécialisées. Dans les PME, il se déroule souvent à l’extérieur de l’entreprise ou avec l’appui de formateurs professionnels. A mesure que l’entreprise prend de l’ampleur et se dote d’une fonction de développement, elle éprouve le besoin de disposer d’une structure interne dédiée à cette activité, de dispenser la formation méthodique à tous ses travailleurs et de les encourager à partager leurs connaissances et la résolution de leurs difficultés. Les modalités les plus courantes pour ce faire s’inspirent de celles qui sont les plus employées dans la formation des adultes et la communication interne à l’entreprise, notamment : • Les cours, les séminaires, et les workshops (ateliers) : leur organisation impose l’unité de lieu ainsi qu’un minimum d’engagement et de disponibilité de la part des apprenants. Ils peuvent couvrir tous les sujets et poursuivre des objectifs multiples : présentation de nouveaux procédés ou méthodes, amélioration des connaissances dans un domaine donné, perfectionnement technique, sensibilisation sur une question nouvelle, présentation d’une innovation ou réforme… etc. Ils peuvent aussi poursuivre des objectifs connexes, tels que la solution de problèmes communs à plusieurs services,
la préparation d’un consensus sur une question délicate, la valorisation d’un travail… etc. • Les conférences : elles mettent en scène un orateur ou des orateurs experts pour apporter un message nouveau ou sensibiliser l’auditoire sur une question déterminée. Elles sont indispensables lorsque les sujets à traiter requièrent une expertise rare. Mais elles peuvent aussi être fort utiles dans un processus de mûrissement d’un débat sur un thème ou de sensibilisation sur une question précise ; • Les vidéoconférences : grâce aux nouveaux moyens de communication, les vidéoconférences permettent de mettre en contact direct plusieurs personnes se trouvant dans des endroits différents. Elles réduisent considérablement les coûts et rendent accessibles des personnalités ou des experts de premier plan. On y recourt aussi en tant que supports didactiques ou attractifs à des cours, séminaires et workshops : • Les autres modes d’apprentissage à distance sont constitués par les différents moyens de mise en contact entre l’apprenant et le formateur ou l’expert dans le cadre d’un programme ou d’un cycle organisé : CD-rom ou cours par correspondance, suivi par internet, messagerie… etc. La conception de politiques de formation aussi bien au niveau national que dans l’entreprise nécessite la coopération la plus large des acteurs. L’État doit assurer, comme le souligne la recommandation n° 195, un rôle central dans la formulation des politiques d’éducation et de formation ainsi que dans l’investissement nécessaire pour accroître l’offre de formation. Il lui revient toujours d’assurer l’accès à tous
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à l’éducation fondamentale et de mettre en place les mécanismes de lutte contre l’illettrisme des adultes. Il lui appartient aussi de formuler un cadre institutionnel incitatif pour encourager la mise en place d’infrastructures et de programmes de formation offrant la liberté de choix aux apprenants, tout en visant à pourvoir le marché de l’emploi des qualifications voulues. La consultation des acteurs économiques et la conclusion de partenariats à cette fin s’avèrent nécessaires pour assurer l’adéquation de la formation à l’emploi ainsi que la complémentarité entre la formation pour l’emploi et au cours de celui-ci. Le dialogue social est indispensable pour concevoir un cadre systémique permettant la complémentarité des différentes composantes de l’appareil de l’éducation-formation et leur articulation permanente au marché de l’emploi. Il est nécessaire aussi pour organiser la prise en charge financière des activités, développer des politiques sectorielles et trouver les équilibres impératifs entre les aspirations des travailleurs et les objectifs des entreprises afin de servir au mieux d’un côté l’employabilité des travailleurs et leur épanouissement et de l’autre côté, la compétitivité et la flexibilité du travail. Le principe de responsabilité partagée est à la base des partenariats public / privé souhaitables à l’échelle des territoires et des branches d’activité. La coopération entre les différentes collectivités publiques et les opérateurs économiques est indispensable à la mobilisation de l’investissement privé en faveur des activités de formation. L’encouragement des structures privées de formation permet de diversifier l’offre dans ce domaine, de valoriser la prise en charge de la demande et de permettre un partage
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équitable du coût entre les travailleurs bénéficiaires et les employeurs. Pour l’entreprise, la formulation d’un plan de formation est souvent intégrée à une stratégie de développement. Le diagnostic sur lequel il se construit permet d’identifier les points forts et les faiblesses des ressources humaines. Sa mise en œuvre vise le relèvement des capacités tel qu’il est justifié par les objectifs de compétitivité. Mais du moment qu’il s’agit de l’amélioration des capacités professionnelles des travailleurs, il participe aussi au renforcement de leur adaptabilité au changement, ce qui se traduit au plan individuel par l’amélioration de leur employabilité. La formation constitue pour l’employeur un investissement dans le capital humain dont il attend un retour en termes de rentabilité. Mais en même temps, elle constitue un message qui rassure le travailleur quant à la stabilité de son emploi dans l’entreprise et à son avenir professionnel. L’intégration de l’apprentissage au travail contribue à faire de l’entreprise une « organisation apprenante » capable d’attirer le personnel le mieux qualifié et de le conserver. Elle peut alors maintenir des compétences de haut niveau et entretenir au mieux l’aptitude de ses ressources humaines à affronter la compétition permanente. Pour le travailleur, une formation revendiquée ou acceptée constitue une sorte de salaire indirect. Elle répond à un besoin de plus en plus ressenti de suivre l’évolution du savoir et d’améliorer les compétences personnelles pour progresser dans un marché de travail des plus instable. Elle exprime aussi de la part de l’employeur une reconnaissance de ses aptitudes professionnelles et une
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valorisation de son travail. L’engouement des cadres pour le coaching illustre parfaitement le besoin de cette reconnaissance et de performance personnelle. La formation tout au long de la vie du travailleur tire son succès de l’adéquation entre l’impératif de relèvement permanent des capacités au travail et la satisfaction des aspirations des travailleurs au plan professionnel et social. Elle ne peut être efficace que pour autant qu’elle est voulue et adaptée aux perspectives réelles de travail et de carrière. L’élaboration d’un cadre paritaire pour l’identification des besoins et la sélection des postulants devrait faciliter l’intéressement et la motivation des travailleurs. Leur consultation à l’occasion de la définition des priorités et des moyens de la formation est essentielle pour assurer le meilleur rapport coût-efficacité. Elle ouvre la voie non seulement à l’adhésion des bénéficiaires au programme mais surtout à l’amélioration de l’impact de la formation sur l’organisation du travail. De son côté, l’association des travailleurs à l’élaboration du diagnostic doit permettre d’identifier les obstacles à l’acquisition des compétences, à leur utilisation et à leur partage. Elle est de nature à vaincre des inquiétudes qu’ils peuvent avoir, en raison: • De l’âge avancé, du faible niveau de connaissances de base ou des difficultés qu’ils éprouvent à suivre une formation de type académique ; • Des conséquences d’un éventuel échec sur leurs rapports avec les collègues ; • De leur affectation à un emploi qu’ils ne souhaitent pas avoir, fût-il du niveau supérieur ou mieux rémunéré ; • De l’insuffisante valorisation de leur travail actuel ou de l’absence de récompense attachée à l’acquisition de nouvelles compétences.
Pour les personnels stables et bien rémunérés, la principale motivation consiste moins dans la revalorisation du salaire que dans le témoignage de confiance en leur capacité professionnelle. Ils en attendent légitimement davantage d’autonomie, une promotion ou toute autre forme de valorisation morale de leur travail. La validation des compétences acquises prend une importance particulière dans la perspective d’un apprentissage le long de la vie. Il ne suffit pas, en effet, que l’amélioration des aptitudes et de la qualification du travailleur soit admise par son employeur ; encore faut-il qu’elle soit reconnue sur le marché du travail. Les organismes de formation offrent de manière quasi systématique, la possibilité de certifier leurs formations et en font souvent un argument de vente de leurs services. Les formations internes sont aussi de plus en plus sanctionnées par la délivrance d’attestations de participation. La multiplication des systèmes et des méthodes d’évaluation des compétences témoigne d’un besoin commun de sanctionner la qualification professionnelle obtenue par une reconnaissance objective. La certification indépendante des compétences peut constituer pour les parties un levier de leur coopération. La recommandation n° 195 évoque implicitement cette perspective en déclarant que les États devraient « développer un cadre national de qualifications qui facilite l’éducation et la formation tout au long de la vie, aide les entreprises et les services de l’emploi à rapprocher demande et offre de compétences, guide les individus dans leur choix d’une formation et d’un parcours professionnel et facilite la reconnaissance des connaissances, des compétences et des expériences préalablement acquises ».
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La certification des compétences est portée par quatre mouvements convergents : • La définition par les systèmes institutionnels d’éducation et de formation de niveaux de qualité et de modes d’établissement de cadres de formation (réglementation des moyens et des niveaux d’accès, équivalences, curricula et normes… etc.) ; • L’inclusion dans les systèmes de certification et d’audit de normes référant directement ou de manière indirecte aux qualifications professionnelles ;
• L’adoption par les partenaires sociaux de systèmes de qualification basés sur les compétences : on en recense plus de 350 en Europe ; • L’élaboration par des entreprises, des groupes d’entreprises ou des secteurs d’activité de processus de certification des compétences des travailleurs et de formations, aux fins d’augmenter la productivité ou de faciliter la mobilité professionnelle (pétrochimie, automobile, métaux, industrie pharmaceutique… etc.).
Groupe GFI Maroc : Développement des ressources humaines et insertion des diplômés chômeurs par la formation Le groupe GFI est spécialisé dans l’ingénierie informatique. L’entreprise a été créée en 1987. Elle emploie actuellement dans chacune de ses filiales Intégration et Offshoring 70 personnes. A la veille du bug informatique de 2000, l’entreprise devait faire face à un besoin élevé en personnels qualifiés. Les informaticiens étaient introuvables sur le marché, alors que le phénomène des diplômés chômeurs était déjà d’actualité. Elle a alors entrepris de sélectionner et de former en six mois un groupe de vingt jeunes parmi les titulaires de diplômes d’ingénieur en agronomie et de licences es-sciences. A cette fin, elle a développé un modèle de formation adapté, incluant une mise à niveau en langue et savoir être. Dix-neuf parmi eux demeurent à ce jour au service de GFI. Leur intégration explique le faible turnover dans l’entreprise malgré les bouleversements et la concurrence que le secteur connaît. Tous ces employés bénéficient en effet d’avantages sociaux tels que la couverture sociale complémentaire (CIMR), celle de santé du travail (médecin conventionné, vaccination contre la grippe), l’aide au logement et le crédit à l’acquisition de voiture. La formation continue dispensée au personnel comprend la qualification de type technique mais aussi la formation diplômante. L’esprit d’équipe est entretenu par une gestion ouverte des ressources humaines et par la consolidation de la cohésion interne, ce qui s’illustre notamment par l’organisation de rencontres ouvertes aux membres de la famille. La stabilisation des relations se manifeste aussi à l’égard de la clientèle : près de 150 entreprises sont ainsi fidélisées grâce à la continuité des relations humaines et professionnelles dans les relations de conseil et de maintenance. Pour partager cette expérience et promouvoir l’insertion des jeunes dans le marché du travail à une large échelle, l’entreprise a engagé, en partenariat avec la CGEM un projet pilote de formation à l’adresse de 20 jeunes de la ville de Ouezzane incluant un stage au sein de l’entreprise. Les résultats ont été concluants : 2 lauréats ont été recrutés directement par elle, tandis que les 18 autres ont pu trouver des emplois in situ.
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Tra RSE SE Ce document est réalisé par Rachid FILALI MEKNASSI, Professeur à l’Université Mohammed V, Expert du B.I.T.
et financé par le Projet Développement Durable grâce au Pacte Mondial au Maroc.
Le Projet Développement Durable grâce au Pacte Mondial au Maroc et la CGEM ne sauraient être tenus pour responsables en cas d'erreur ou pour toute conséquence liée à l'utilisation des informations contenues dans ce document. Toutes les informations concernant le Label sont régulièrement mises à jour sur le site de la CGEM : www.cgem.ma
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