Université Libre de Bruxelles Faculté d’Architecture La Cambre Horta
Pistes pour l’élaboration d’une filière terre crue belge
Travail de fin d’études présenté par Louise Vanden Eynde en vue de l’obtention du grade de Master en Architecture
Sous la direction de Thomas Vilquin Année académique 2021 2022
Depuis quelques années, il y a un regain d’intérêt pour les matériaux de construction naturels. En effet, le réchauffement de la planète, dû aux émissions de gaz à effet de serre rejetées par nos modes de vie modernes, inquiète et nous oblige à nous interroger sur notre impact environnemental.
Toujours plus conscient de cette réalité, de nombreuses initiatives voient le jour dans différents secteurs. Celui de la construction polluant, très énergivore et producteur de déchets, n’y échappe pas.
En cela, l’utilisation de matériaux naturels en construction, quoique toujours trop peu utilisés, laisse entrevoir de belles perspectives. Pourtant, ces initiatives sont encore timides notamment à cause d’une certaine méfiance à l’égard de ces matériaux victimes de nombreux préjugés.
Afin de lutter contre cette injustice, du producteur à l’ouvrier mettant en œuvre le matériau fini, les professionnels du secteur (bois et paille en Belgique et terre crue en France) se sont rassemblés formant ce qu’on appelle une « filière ». En Belgique, la terre crue n’en profite pas encore malgré ses nombreux atouts (naturelle, abondante, réversible, peu énergivore…) Cette absence de réseau l’empêche de se développer au delà de l’auto construction à l’exception de certaines initiatives relativement isolées (ex : BC). La création d’une telle filière permettra aux professionnels du secteur de faire face à l’ensemble des difficultés auxquelles se heurte l’utilisation de la terre crue en construction (méconnaissance, prix élevés, manque de professionnels qualifiés et de réglementation…) et d’encourager la généralisation de ce mode de construction plus soucieux de l’environnement.
Pour ce faire, ce mémoire propose des pistes pour créer une filière terre crue en Belgique en répondant à la question de recherche suivante « Comment développer une filière de construction en terre crue en Belgique ? ».
Pour cela nous esquisserons d’abord les contours de la filière grâce à l’étude et à la comparaison de différentes filières de matériaux naturels utilisés en structure en Belgique et en France. Les similitudes dégagées de cette analyse seront utilisées comme des recommandations afin de constituer la filière.
Enfin, une feuille de route pour la mettre sur pied sera proposée.
Mots clé : Matériaux naturels Filière Terre crue Belgique Roadmap
Remerciements
Je remercie mon promoteur Thomas Vilquin pour son suivi et ses conseils avisés ainsi que toutes les personnes que j’ai pu rencontrer sans qui ce travail n’aurait pas été possible : Gabin Wurtz (AMACO), Anton Maertens et Jasper Vanderlinden (BC Materials), Romain Bajeux (BeTerre), Odile Van der Meeren et Stephen Toumpsin, Hervé Jacques Poskin (Cluster Eco Construction), les membres du RBfCP, Emmanuel Malfeyt et Quentin Laffineur (Ecobuild)
Avant-propos
Ce mémoire est d’abord le fruit d’un questionnement personnel en réponse à plusieurs expériences vécues avec la terre crue.
Mon premier contact avec cette matière a eu lieu lors du workshop organisé par BC Materials pendant la SIP 2019. Cette découverte m’a tout de suite plu, en particulier le fait d’apprendre à manipuler la terre, ce qui m’a permis de percevoir le processus de construction dans son ensemble. Ce fut une bonne première approche.
Plus tard, l'atelier « architecture construite », m’a donné l’occasion d’expérimenter par moi même ce matériau ancestral. Avec mon binôme, nous avons notamment conçu et construit un abri de jardin en terre crue : résultat de nos expérimentations et preuve du potentiel de l’utilisation de ce matériau en construction
Par la suite, j’ai eu l’opportunité de participer activement à un stage pour enfants organisé par Archisanat « Construire en terre et en paille » . En initiant les enfants à la construction en terre à la fois de manière théorique avec des explications simples et ludiques, mais aussi de manière pratique en les laissant « mettre la main à la terre », je partageais déjà mes récents apprentissages. Je pense que ces trois différentes approches d’apprentissages « par le faire » : en apprenant en autonomie en guidant m’ont permis d’en apprendre beaucoup en très peu de temps sur la construction en terre crue.
Enfin, la réalisation de mon mémoire sur ce sujet m’a fait découvrir une nouvelle approche en approfondissant et en complétant mes connaissances sous un angle nouveau : celui de la recherche scientifique.
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION 13 1. CONTEXTE GÉNÉRAL 13 2. LA TERRE, UNE MATIÈRE POUR CONSTRUIRE ....................................................................................................... 14
ÉTAT DE L’ART 16 4. PROBLÉMATIQUE ET QUESTION D’ÉTUDE ........................................................................................................... 18
MÉTHODOLOGIE 19 CHAPITRE 2 : PRÉLIMINAIRES
21 1. FILIÈRE 21 2. CONSTRUIRE EN TERRE CRUE 23
2.1. Historique 23
2.2. Un matériau en terre crue : de l’extraction à la mise en œuvre en passant par la phase de transformation. 25
2.2.1. Phase 1 : La récupération de la matière première .....................................................................................25 2.2.1.1. Tests et certifications 25 2.2.1.2. Extraction de la matière 27
2.2.2. Phase 2 : La transformation de la matière en matériau 29
2.2.3. Phase 3 : La mise en œuvre du matériau 32 2.2.3.1. Demande 32 2.2.3.2. Conception 32 2.2.3.3. Construction 34
2.3. Les acteurs impliqués 35 2.3.1. Les producteurs et les fournisseurs de terre crue 35 2.3.2. Les revendeurs de matériaux en terre crue ...............................................................................................36 2.3.3. Les artisans ................................................................................................................................................38 2.3.4. Les formateurs et les organismes de formation : 40 2.3.5. Les fédérations : 40 2.3.6. Les chercheurs/chercheuses : 40 2.3.7. Les experts (référents techniques, bureaux d’étude, ingénieurs) 40 2.3.8. Les architectes et leur réalisation 41 2.4. Synthèse par phases 47 4. CONSTRUIRE EN PAILLE .................................................................................................................................. 49 4.1. La paille 49 4.2. Son potentiel pour la construction ................................................................................................. 49 4.3. Du champ au chantier 51 5. CONSTRUIRE EN BOIS
53 5.1. Le bois 53 5.2. Son potentiel pour la construction
Chapitre 1 : Introduction
Ce premier chapitre abordera d’abord le contexte général de la construction en proposant d'emblée une solution pour réduire l’impact énergétique de ce secteur, à savoir l’utilisation de la terre crue.
Celle ci sera ensuite évoquée plus longuement en abordant ses avantages mais aussi les difficultés qu’elle rencontre. L’une d’elles fera alors l’objet d’une question d’étude. En passant en revue les différentes parties du travail, la méthodologie adoptée pour y répondre sera expliquée de même que la conclusion vers laquelle ce travail tend
1. Contexte général
Nul ne l'ignore, l'empreinte écologique du secteur de la construction est conséquente; au point de compter parmi les plus polluants au monde. Cela est notamment dû à son importante consommation de matières premières, ses émissions de CO2 et sa production de déchets1
Afin de lutter contre ce constat, les professionnels de la construction se sont d’abord attelés à la réduction de la consommation énergétique des bâtisses. En effet, en augmentant les performances énergétiques des bâtiments neufs puis des rénovations (par exemple en les isolant afin d’éviter les déperditions de chaleur et en privilégiant l’utilisation des énergies renouvelables), on constate une réduction significative de l’impact énergétique. Néanmoins, il est important d’approfondir la réflexion en se penchant sur l’énergie grise, peu évoquée, littéralement cachée dans nos murs : celle utilisée, en amont, pour produire les matériaux de construction. Ainsi une réflexion sur leur provenance et sur l’énergie nécessaire pour leur production doit être prise en compte. Dès lors, privilégier des matériaux locaux en favorisant la réutilisation mais aussi encourager l’emploi de matériaux naturels, qu’ils soient d’origine biosourcée ou géosourcée, permet de réduire encore plus les émissions de CO2 émises par le secteur2.
1 Site web de BC Materials, page « Concept », consultable sur https://www.bcmaterials.org/fr_11_concept.html, consulté le 25/11/2020.
2 TÉTREL, Maud, « Je pollue la planète depuis des années. Je ne travaille pas dans le pétrole… je suis architecte », dans le 18h39, le 8 janvier 2020, consultable sur https://www.18h39.fr/articles/je pollue la planete je suis architecte.html, consulté le 21/06/2022.
L’utilisation de la terre crue, à la fois réutilisable, naturelle et peu énergivore, comme matériau de construction est donc une solution à prendre en compte afin de rendre la construction plus durable et écologique.
2. La terre, une matière pour construire
En plus des qualités intrinsèques de cette matière naturelle et saine la terre crue est un bon régulateur hygrométrique ; montée en murs massifs, elle procure une inertie thermique et une isolation acoustique intéressante. De plus, ce type de construction permet de répondre aux trois enjeux du développement durable : social, économique et environnemental. D’un point de vue environnemental, la terre crue est réutilisable à l’infini si elle n’est pas stabilisée au ciment. C’est une matière abondamment disponible tant en région rurale qu’urbaine (grâce aux nombreux chantiers) et pouvant être mise en œuvre sous tous les climats. En effet, on trouve des constructions en terre crue plus ou moins anciennes sur tous les continents habités3.
3 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 1 L’architecture de terre crue aujourd’hui Module 1 : Diversité de la construction en terre crue aujourd’hui Cours vidéo Consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/bf90a08e4f3d4b6a8b79c090a55223f8/d93588f3fa3 a4b4ebf640c605c2c1527/, consulté le 17/11/2020
Elle est aussi facile à retravailler : un peu d’eau suffit à la rendre à nouveau malléable et elle permet des réparations faciles. De plus, elle est utilisable en structure (la structure
circulaire, déjà encouragée par la potentielle réutilisation infinie de cette matière. En outre, cela incite à une économie locale et donc met en valeur les compétences d’artisans de la région et privilégie la main d’œuvre proche répondant ainsi à l’enjeu social.
4 Site web d’Ecoconso, L’énergie grise des matériaux de construction, consultable sur : https://www.ecoconso.be/fr/L energie grise des materiaux de, consulté le 27/06/2022.
Autre argument favorable : l’utilisation de la terre crue en construction est compatible voir complémentaire avec d’autres matériaux5 qu’ils soient naturels, qu’ils proviennent d’une filière de récupération ou qu’ils soient « traditionnels ». Cette complémentarité peut être intéressante notamment pour le pallier le manque d’isolation thermique de la terre crue.
3. État de l’art.
Comme argumenté ci dessus, la terre crue possède de nombreux avantages. Malheureusement, son utilisation en construction est soumise à plusieurs problèmes qui freinent son développement.
Le mémoire de Dimitri Rosar « Bâtir en terre crue en Belgique : les obstacles d’aujourd’hui et les enjeux de demain »6 met notamment en lumière certains problèmes, réellement rencontrés et relatés lors d’interviews par des acteurs identifiés et impliqués dans la construction en terre crue ainsi que différentes solutions proposées afin d’y remédier.
Problèmes Solutions
La qualité de la terre extraite Privilégier l’utilisation de terre prête à l’emploi : traitée, sèche et de composition constante conditionnées en big bag
La sensibilité de la matière à l’eau La protéger en utilisant des toitures débordantes, des enduits à la chaux, des stabilisants
La mauvaise isolation thermique de la terre crue Développer de nouveaux systèmes constructifs, ajouter des fibres végétales Le coût élevé du matériau Demander des subventions pour compenser les prix 15 à 60% plus chers
La méconnaissance du matériau et des techniques de construction utilisées Combiner les rôles de concepteur et de bâtisseur
5 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 1 L’architecture de terre crue aujourd’hui Module 1 : Diversité de la construction en terre crue aujourd’hui Script vidéo Consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/bf90a08e4f3d4b6a8b79c090a55223f8/d93588f3fa3 a4b4ebf640c605c2c1527/, consulté le 04/11/2020.
6 ROSAR, Dimitri, Bâtir en terre crue en Belgique : les obstacles d’aujourd’hui et les enjeux de demain, p53 65 (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Isabelle Prignot, 2020)
L’absence de textes réglementaires, normatifs, AT,…
Normaliser les éléments en terre Requalifier le statut des terres excavées Certifier les mélanges Obtenir des labels
L’allongement des délais de chantiers Privilégier la préfabrication
La faible visibilité de ce mode de construction Davantage de communications et d’interactions professionnelles
La limitation de l’offre et de la demande Promouvoir le matériau pour augmenter la demande et donc baisser les prix
Pour ce travail, on peut les regrouper en 4 grands groupes :
Le manque de règlementation entrainant des problèmes d’assurance pouvant être remédié en légiférant la construction en terre crue.
Le manque de professionnels possiblement être résolu par la mise en place de formations reconnues.
Les « défauts » du matériau en lui même (sensibilité à l’eau, faible résistance mécanique, mauvais isolant thermique, mise en œuvre compliquée) pourraient être solutionné par l’innovation et des recherches scientifiques.
La méconnaissance du matériau et des techniques de construction que l’on peut pallier grâce à l’information et à la sensibilisation du grand public, des politiques et des professionnels et des futurs professionnels de la construction, en développant un marketing promotionnel.
Si ces différents obstacles freinent la construction en terre crue, l’existence d’une filière pourrait, comme nous le verrons par la suite, présenter une solution globale. Pour ce faire des pistes de développement de la filière ont aussi été évoquées par Dimitri Rosar dans son mémoire. Il propose deux leviers pour développer la filière terre crue belge7
La communication et la sensibilisation : en accueillant ou en développant des évènements et des expositions pour faire découvrir la terre crue au grand public. La recherche : afin d’améliorer les savoirs et les savoir faire.
De plus, ces pistes peuvent : encourager la collaboration entre secteurs, régions, pays…, favoriser l’émergence d’initiatives
mettre en avant l’innovation aider à la reconnaissance du matériau auprès du secteur du bâtiment aller vers une normalisation de ce mode de construction
Pourtant même avec une filière, des problèmes peuvent encore subsister voire émerger. On peut notamment le constater en France comme l’écrit Elvire Leylavergne dans son mémoire « La filière terre crue en France : enjeux, freins et perspectives » 8 Si son travail s’attarde sur la proposition de pistes pour renforcer la filière terre crue française, il met aussi en évidence ses points faibles. Parmi eux, il y a le manque de coordination du réseau ; la filière terre crue française est répartie sur deux niveaux, un national et plusieurs régionaux, eux mêmes parfois subdivisés en antennes locales.
4. Problématique et question d’étude
Le manque de structuration de la filière terre crue française relevé dans le mémoire d’Elvire Leylavergne a aussi été évoqué lors d’une discussion avec des professionnels du secteur pendant ma recherche de question d’étude.
Après de nombreuses recherches, je me suis rendue compte qu’il n’existait, à ce jour, aucune filière de construction en terre crue en Belgique. Même s’il existe, comme nous le verrons plus tard, des réseaux plus globaux pour l’écoconstruction soutenant entre autres la terre crue ou des réseaux dédiés à la terre crue mais trop incomplets pour constituer une filière (ex : EarthBuild).
Ce travail se veut dans la continuité des travaux déjà réalisés et propose de s’attarder sur la manière de développer une filière terre crue en Belgique. Les matériaux naturels répondent à la fois aux enjeux du changement climatique et du développement durable ainsi qu’aux exigences de confort.
Ce mémoire va répondre à la question d’étude suivante « Comment développer une filière de construction terre crue en Belgique ? » ainsi qu’aux sous questions suivantes : « Quels sont les contours de la future filière terre crue belge ? » « et « Comment la mettre en place ? ».
8 LEYLAVERGNE, Elvire, La filière terre crue en France : enjeux, freins et perspectives (Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Patrice Doat, 2012)
5. Méthodologie
Après cette introduction, nous aborderons les préliminaires afin de définir les critères d’analyse et de mieux comprendre le sujet et les termes utilisés.
Un troisième chapitre traitant de l’étude personnelle analysera des filières suivant la méthodologie explicitée ci dessous.
Après la composition du corpus, les différentes filières sélectionnées seront d’abord examinées selon une grille d’analyse en suivant les critères définis dans les préliminaires. Ensuite, elles seront étudiées sous le prisme de la méthode d’analyse FFOM9, plus nuancée, qui permet d’identifier leurs forces, leurs faiblesses, leurs opportunités et leurs menaces.
Un tableau récapitulatif synthétisera les différentes données et permettra de comparer les résultats et de faire des observations générales.
Les points les plus fréquents mis en évidence pourront finalement être retenus comme des recommandations pour la création d’une filière terre crue belge.
Une fois les contours de la filière définis, un dernier chapitre synthétisera ces différentes informations pour aboutir à la proposition d’une feuille de route, base du processus de mise sur pied de la filière. Il se conclura par des perspectives futures envisageables.
9 Méthode d’analyse permettant de mettre en évidence les forces et les faiblesses de l’objet analysé (facteurs internes) de même que les opportunités et les menaces (facteurs externes) liés à son contexte.
Chapitre 2 : préliminaires
Ce deuxième chapitre fournit des informations sur le sujet de recherche : qu’est ce qu’une filière l’utilisation de la terre crue, de la paille et du bois en construction.
1. Filière
Thibaut Bidet Mayer et Louisa Toubal décrivent le concept de filière dans leur publication datant de 2013 « À quoi servent les filières ? »10. Ils expliquent que ce dernier est apparu dans les années 50 et a évolué en fonction de son contexte et qu’aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur la définition du mot filière car plusieurs sens peuvent lui être attribués11
Il est donc important de définir ce terme tel qu’il sera employé dans ce travail.
Nous prendrons (en la précisant) comme référence la définition du dictionnaire en ligne Larousse qui définit ce terme comme un : « ensemble des phases d’un processus de production qui permettent de passer de la matière au produit fini vendu sur le marché » 12 Première précision, ce mémoire étant développé dans le cadre d’études en architecture, nous ne nous limiterons non à la phase de vente du produit fini, mais nous l'étendrons à la pose du matériau.
Deuxième précision, dans le point suivant, nous ne nous arrêterons pas à la description des différentes phases de ce processus comme le suggère la définition du Larousse. En effet, déterminer les différentes phases de vie d’un matériau en terre crue permettra surtout d’identifier tous les acteurs qui interviennent dans ce processus et qui formeront la filière. Car, selon Bidet Mayer et Toubal, le concept de filière s’est développé en réponse à une faiblesse de l’industrie française : son « manque de solidarité entre les entreprises d’une même chaîne de valeur. »13 Ainsi, au moins un acteur de chaque étape du processu s de la construction devra être représenté au sein de la filière.
Les trois piliers importants d’une filière sont donc : ses membres, leur coordination et leur communication interne et externe. L'analyse systématique de ces différents critères pour
10
BIDET MAYER, Thibaut et TOUBAL Louisa, A quoi servent les filière ?, Paris, Presses des MIMES, 2013.
11 Ibid p 15 16.
12 Site web du Larousse, définition du mot filière, consultable sur https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fili%C3%A8re/33720, consulté le 10/02/2022
13 BIDET MAYER, Thibaut et TOUBAL Louisa, A quoi servent les filière ?, Paris, Presses des MIMES, 2013, p 11.
chaque filière permettra de délimiter leur contour en déterminant leur structure et leur fonctionnement.
Pour mieux les cerner, il est donc important de comprendre la façon dont elles se sont constituées depuis leur création (qui , comment et quand) en passant par leur situation actuelle (où se situent elles ? Comment s’organisent elles ? Comment se financent elles ? Quel est leur niveau d’intervention ?) pour finir par leur pérennisation (quels ont été les apports créés et relayés ?) et si une intervention extérieure a facilité leur développement.
Quant aux filières de matériaux naturels en particulier, il est indispensable que les acteurs y trouvent un intérêt et fassent preuve de motivation afin de travailler ensemble dans un but commun. Afin d’identifier ce dernier, on peut prendre comme référence les enjeux. (cf. supra p18 : Les matériaux naturels répondent à la fois aux enjeux du changement climatique et du développement durable ainsi qu’aux exigences de confort.)
Ainsi, l’objectif de la filière sera une réponse à ceux ci et peut consister en la promotion du matériau représenté dans la construction.
Cet objectif sera atteint notamment si des missions sont élaborées et axées sur des actions prioritaires (pas toujours utilisé par les filières) Suivant l’exemple du rapport final d’AsTerre14, les différentes actions de la future filière terre crue belge peuvent être fixées sur base des difficultés évoquées par Dimitri Rosar dans son mémoire ainsi que sur les pistes de solutions qu’il propose (cf. supra p16 18). Ces dernières peuvent être regroupées en quatre axes qui peuvent faire office de critères d’analyse pour d’autres filières de matériaux naturels :
La législation : pour faire évoluer la réglemention
La formation : des professionnels et futurs professionnels
L’innovation : technique notamment par la recherche L’information et la sensibilisation : des professionnels et futurs professionnels (pour générer l’offre), du grand public et des pouvoirs publiques (pour générer la demande).
Ainsi l’analyse des filières se fera en deux parties :
La description de la filière
La description de ses activités effectives
14 ASTERRE, Construire en terre crue, rapport final sur les obstacles au développement de la construction en terre crue en France, 2013.
2. Construire en terre crue
Pour l’élaboration d’une filière terre crue belge, l’analyse de différentes filières et une étude préliminaire sur ce matériau s’avèrent nécessaires. Pour cela, j’évoquerai : un historique de la filière terre crue belge les différentes phases de vie d’un matériau en terre crue. les futurs acteurs de la filière une synthèse qui résumera ces différentes informations.
2.1. Historique
L’ouvrage Terra Europae15 explique que, par le passé, en Belgique, ce sont les techniques du torchis et de la bauge qui ont été les plus utilisées. La plus connue est celle du torchis, très répandue du fait des grandes quantités de bois disponibles et des sols argileux.16
Figure 3. Carte du patrimoine belge en terre crue (Terra Europae, 2011)
En Belgique, ce mode de construction est pourtant peu intégré dans notre terroir, ce qui a conduit à sa disparition rapide ; même si des traces sont encore visibles à Bokrijk, véritable conservatoire de l'habitat traditionnel. Contrairement à la France qui a conservé une véritable tradition de cette culture constructive au point de faire partie de l'identité et de l'histoire locale. De nombreux édifices sont encore visibles témoignant d'une volonté de protection de ce savoir faire.
La révolution industrielle a favorisé l’utilisation des briques de terre cuite et de l’acier et le déclin s’est accéléré depuis la relance économique qui suivit la seconde guerre mondiale. Le besoin rapide de reconstruction à moindre frais et la perte des savoir faire allant de pair avec la disparition des artisans ont été autant d'arguments favorisant l'essor de nouveaux matériaux et techniques de construction. Comme les préoccupations écologiques n’étaient pas prioritaires à cette époque, le béton s’est imposé laissant de côté les pratiques ancestrales dont celles liées à la terre crue.
Néanmoins, toujours dans Terra Europae17, une première initiative de regroupement de professionnels utilisant la terre crue a été formée, dans les années 1990, sous le nom de TerraMorpho. Cette association créée par le constructeur Peter Willems et les architectes Herman Remmers, Stéphan Ardui, Alexis Versele, Sjap Holst et Oswald Dellicour a réintroduit la technique de construction de paille d’argile développée en Allemagne par Franz Volhard, version moderne du torchis18. L'intérêt de construire avec des matériaux écologiques renaissant a permis l’édification d’une trentaine de maisons individuelles avec cette technique en Belgique. Cependant, depuis quelques années, la tendance au profit de matériaux écologiques plus performants énergétiquement a accéléré, de nouveau, la disparition de cette ancienne technique19.
Toujours en Belgique, une nouvelle tentative de filière a émergé il y a quelques années. Trois producteurs de matériaux en terre crue en étaient les fondateurs: Terre d’Hautrage, Argio et Argibat. D’autres acteurs occupaient aussi le terrain parmi lesquels des architectes spécialisés en terre crue comme Pierre Deru qui, avec Argio, l’utilisait même de manière structurelle. Vision trop grande, demande pas assez élevée, machines non performantes... autant de difficultés qui ont eu raison de ce projet ambitieux .Cette belle aventure a pris fin il y a trois/quatre ans à la disparition de ces figures marquantes (tous les trois ayant fait faillite bien que Argio et Argibat se soient reconvertis dans les enduits de terre).
Et l’engouement s’est essoufflé de plus en plus… De nos jours, seules rescapées au niveau wallon, les argilières d’Hins sont encore présentes sur les salons.20
Au vu des enjeux actuels, l’utilisation de la terre crue reste un vrai potentiel pour une construction écologique. Ainsi la mise en place d’une filière terre crue belge serait nécessaire pour promouvoir ce mode de construction, élément parmi d'autres vers une décarbonisation de la construction. 17 Ibid
2.2. Un matériau en terre crue : de l’extraction à la mise en œuvre en passant par la phase de transformation.
Afin d’identifier les acteurs de la filière, il est important de comprendre les différentes étapes de production d’un matériau en terre crue : de la récupération de la matière première en passant par la transformation de la matière en matériau jusqu’à sa mise en œuvre.
2.2.1. Phase 1 : La récupération de la matière première 2.2.1.1. Tests et certifications
Avant tout, il est important de connaitre la terre que l’on utilise. Pour ce faire, différents tests de terrain et en laboratoires peuvent être pratiqués.
Premièrement, les tests de terrain sont réalisés sur place. Ils sont tant qualitatifs qu’indicatifs. Nécessitant une certaine expérience, ils sont purement sensoriels et donnent une première estimation de la nature de la terre. Facilement réalisables, ils font appel aux cinq sens : l’odorat, l’ouïe, le goût, le toucher et la vue. D’après mon expérience personnelle, de la BD de Léa Rinino « Terre, freins et tensions de la filière terre crue française »21, des vidéos de la chaîne YouTube d’AMACO22 et le module de la séquence 3 du MOOC d’AMACO « Construire en terre crue aujourd'hui »23 : on peut sentir la terre pour en vérifier l’absence d’humus, l’écouter en la faisant rouler près de son oreille pour entendre les crissements des grains de sable, la goûter pour déceler sa teneur en argile collant sur la langue ainsi que la présence de sable crissant sous la dent.
On peut aussi simplement la manipuler avec les mains sous ses différents états (cf. infra p 29)
Le test du toucher au creux de la main est assez complet pour cela.
Il faut d’abord manipuler la matière sèche pour y déceler la présence de cailloux.
En pulvérisant les agrégats, on pourra aussi évaluer la quantité d’argile qu’elle recèle : elle sera élevée si la tâche est ardue.
21 RININO, Léa, Terre : freins et tensions de la filière terre crue française, 2021
22 Amàco l’atelier matière à construire, Essais de terrain pour la construction en terre crue, consultable sur https://www.youtube.com/playlist?list=PLr_Fjwu4UMLEantOq558RiZyIbsPBOsrt, consulté le 21/11/2020.
23 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 3 La terre, des matières premières Module 3 : Comment caractériser la terre à construire Script vidéo Consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/a980d4ea64c14f95a91a1adc8b2aacdd/fb839879ed9 34f81aa2b051f818716a6/, consulté le 17/11/2020.
En y ajoutant un peu d’eau, la terre passe à l'état plastique ce qui permet de réaliser une boule sur laquelle on imprime l’empreinte du pouce.
En l'imprégnant d'eau, on peut évaluer le temps d’absorption et donc estimer la teneur en argile ; plus le temps est long plus sa présence est significative.
Enfin, en ajoutant encore un peu d’eau sur la boule, la terre, désormais à l’état visqueux, s’étale sur la paume de la main.
En y versant à nouveau de l’eau afin d’évacuer les particules fines (argile et limon) la quantité de sable, qui reste sur la main, peut enfin être évaluée.
D’autres tests tactiles peuvent être aussi réalisés comme :
Le test du boudin/du cigare permet d’évaluer la plasticité de la terre en débitant des boudins plus ou moins longs (en dessous de 5cm la terre est peu cohésive, entre 5 et 10cm elle est moyennement cohésive et très cohésive au delà de 10cm).
Le test du lavage des mains a pour but d’ évaluer la présence de sable détectable par son aspect granuleux et d’argile par son aspect huileux. Celle ci est confirmée si le lavage de main est aisé (terre sableuse) ou non (terre argileuse qui colle).
Le test de la pastille permet d’évaluer trois aspects de la terre. D’abord son retrait et son gonflement en fabricant une pastille, puis sa cohésion sèche en la cassant en deux : le bruit caractéristique émis indiquera son taux d’argile.
Le test du bocal permet de visualiser les différents éléments constitutifs de la terre. Visibles par strates, les éléments les plus lourds flottent à la surface tandis que les plus fins sont déposés au fond du récipient.
Deuxièmement, les tests en laboratoire24 sont des tests scientifiques, plutôt quantitatifs, pratiqués de manière moins empirique en suivant des méthodes d'analyse et des protocoles plus rigoureux. Ils seront plus fiables car moins subjectifs. Ils permettent de mesurer et d'analyser les propriétés de la terre afin d’en définir les performances avec précision. Ils sont notamment utiles pour une question de certification indispensable aux ingénieurs qui engagent leur responsabilité et sont nécessaires pour des questions d’assurance.
Parmi ceux ci on peut notamment noter :
Test de résistance à la compression ex : test de l’éprouvette Test de granulométrie Test géotechnique
Courbes granulométriques ex : fuseau granulaire (fuseau limite de distribution granulaire du pisé)
…
Il existe donc, comme on a pu le voir, différents tests pour analyser les propriétés de la terre. Il est important d’en mener plusieurs afin d’arriver à une conclusion objective.
Les deux grands types de tests (sur le terrain et en laboratoire) nécessitent des compétences, des expériences différentes mais sont néanmoins complémentaires même si leurs coûts divergent.
Le test ultime est de réaliser un prototype à l’échelle 1 :1 avec la terre et la technique utilisée puis de la laisser telle quelle durant les quatre saisons même si ça allonge considérablement les délais de chantier.
Dans tous les cas, il n’est pas envisageable de construire avec de la terre polluée, sans un minimum d’argile et contenant des matières organiques.
2.2.1.2. Extraction de la matière
Pour construire en terre, la matière première doit tout d’abord être extraite. Elle peut dès lors être issue des carrières ou des déblais de chantiers.
Dans le premier cas, la terre est potentiellement extraite loin du chantier, ce qui implique son transport augmentant ainsi le coût du projet mais surtout les dépenses énergétiques.
Le deuxième cas permet d’obtenir une matière première, de prime à bord moins coûteuse. En effet malgré l’absence de coût de transport, il est impératif qu’elle ne soit pas polluée. Dans le premier cas les terres sont livrées certifiées avec fiche technique par les carrières. Leur prix inclut les analyses de références. Sinon, on doit faire appel à un laboratoire agréé soit en amont par carottage soit en aval d’après des échantillons prélevés par un expert en étude de pollution des sols 25
Notons que nous sommes dans l’hypothèse où la terre extraite est valorisée en tant que matériau de construction. Cela signifie que, sur place, elle n’est pas utilisée comme remblai et, en sortant du centre de stockage temporaire, elle ne sera pas à nouveau utilisée comme remblai ou emmenée en centre d’enfouissement technique comme
25 PEREIRA GONCALVES, Anaïs, Terres de Bruxelles, p 91 (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Bernard Deprez, 2017)
illustré sur le schéma ci dessous qui décrit le parcours classique des terres expliqué par Anaïs Pereira aux pages 90 à 101 de son mémoire intitulé « Terres de Bruxelles ».26
De plus, vu le nombre de tonnes de terres extraites chaque année, les centres de stockage temporaires sont vite satu rés Afin de lu tter contre cet engorgement, la meilleure solution est, si possible, de réutiliser cette terre directement sur le chantier en la transformant en matériau de construction27.
2.2.2. Phase 2 : La transformation de la matière en matériau
Pour transformer la matière en matériau, il faut mélanger un certain type de terre avec une certaine quantité d’eau puis la rendre plus ou moins dense en la versant, en la tassant ou en la compactant. Ces facteurs dépendent évidemment de la technique de construction que l’on veut utiliser (même si aujourd’hui, ce n’est plus limitatif). Le test de Carazas illustre très bien ce fait. Il combine ces différentes actions, enlevant plus ou moins d’air, avec différents état de la matière.
Légende :
Sec = sec au toucher et impossible de modeler
Humide = humide au toucher, légèrement modelable en boule friable Plastique = facilement modelable, non fiable, ne colle pas aux doigts
Visqueux = difficilement modelable, colle aux doigts mais ne coule pas Liquide = qui coule
Sans oublier un dernier état de la terre : sec après séchage = la terre ne se déforme plus au toucher et est de couleur plus claire
Il faut noter que ce test s’applique généralement à différents types de terre pour les comparer. Ainsi l’obtention d’un matériau de qualité passe notamment par l’utilisation pertinente de la terre. Même si des reformulations sont possibles, certaines terres conviennent mieux à certaines techniques de construction. Une terre fine et argileuse est par exemple mieux adaptée à la terre allégée. L’ajout de fibres rend la terre adaptée à la bauge et au torchis. D’autre part, une terre graveleuse, contenant une part importante de grains dont la taille est supérieure à 2 cm, est à privilégier pour le pisé et la terre coulée. Néanmoins, connaitre le patrimoine en terre crue de la région est aussi primordial car il démontre plus encore la faisabilité de construire en terre à un endroit précis. En effet des exemples démontrent que la culture constructive locale peut prendre le pas sur les caractéristiques de la terre. On peut notamment trouver du pisé tant fin que graveleux.
La bonne combinaison de terre, d’eau et d’air définie, la transformation de la matière en matériau peut être réalisée à divers endroits, soit :
Sur site, on peut utiliser la terre disponible ou en amener depuis d’autres sites ou la faire venir de carrières ce qui implique des coûts de transport tant économiques
qu’énergétiques. Cela implique la location de matériels devant être transportés sur le chantier ainsi que, en fonction de la technique utilisée (voir ci dessous), un espace de production et de séchage. Si les machines sont louées à des carrières, il se peut que, dans le cas d’éléments préfabriqués, fabriquer ces matériaux soit plus onéreux que d’amener directement les matériaux finis transformés par les carrières.
Dans les carrières, la matière peut être transformée à proximité du site d’extraction. Le matériau fini est directement conduit vers le chantier par transport routier par exemple. Le fait de fournir des mélanges prêts à l’emploi est aussi une option.
En usine, préfabriquer les matériaux permet d’éviter les temps de séchage sur chantier. L’élément déjà sec permet de rester dans des délais de chantiers habituels même si le cout carbone de cet acheminement n’est pas négligeable.
La préfabrication permet en outre de répondre plus massivement à la demande.
Quel que soit le lieu de transformation, l’acheminement de matériels et/ou de terres sur chantier est incontournable. Dès lors, là où la production ne nécessite que très peu d’énergie, la seconde cause de consommation énergétique est le transport. Il est donc important de privilégier les circuits courts.
Un autre paramètre à prendre en compte, lorsque l’on met en œuvre la terre crue, est son temps de séchage.
En effet, les techniques propices à la préfabrication, tels que les adobes (première forme de préfabrication) ou les BTC, nécessitent un temps de séchage avant la pose sur chantier juste après le modelage. Alors que des techniques où la préfabrication n’est pas toujours utilisée, comme pour la bauge, le pisé, le torchis, la terre coulée et les enduits doivent sécher après leur pose sur chantier. La protection contre les intempéries lors du séchage est donc différente. Alors que dans le premier cas, un endroit couvert est nécessaire, le deuxième nécessite « d’assurer la protection des parties laissées brutes au cours du chantier. […] Une protection doit être mise en place contre l’abrasion, les projections salissantes et l’eau de pluie. Particulièrement, un mur en terre doit être protégé de la pluie en tête de mur à toutes les phases sensibles du chantier, en particulier avant mise hors d’eau. » 28
28 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 5 : Les points clés pour mener un projet en terre crue Module 2 : Intégrer l’ouvrage en terre lors d’un chantier Cours vidéo Consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/000f919f6633460784a79dada0d919e2/fbf15e60f91e 4e65bf95e5a8b3f54012/, consulté le 29/11/2020
2.2.3. Phase 3 : La mise en œuvre du matériau
2.2.3.1.
Demande
Pour qu’un tel bâtiment sorte de terre, il faut avant tout une demande. Celle ci peut émaner de particuliers mais aussi d’institutions publiques.
Ces dernières peuvent en effet favoriser les ouvrages en terre crue par des édifices de grande envergure, véritables vitrines de ce mode de construction.
En matière de politique environnementale, une taxe carbone encouragerait l’emploi de matériaux naturels dont la terre crue, Le "privé" (organismes à marketing fort) peut également valoriser son image de marque par des choix de construction durable.
Toute publicité étant bonne à prendre, ces initiatives pourront dès lors faire découvrir et inciter les non initiés à privilégier ce matériau de construction.
En outre, il est important de ne pas négliger l’information et la sensibilisation du grand public mais aussi celle des professionnels notamment à travers des présentations, des expositions, des salons et autre marketing de masse qui pourraient être mis en place par la filière.
La sensibilisation des maîtres d'œuvre, des architectes, des ingénieurs, des entrepreneurs devrait idéalement commencer dès leurs études en inscrivant la construction en terre crue parmi les cours de base en matériaux de construction au même titre que tous les matériaux traditionnels plus classiques. De plus, leur formation doit être encouragée afin de pouvoir répondre à une plus grande demande (la demande créera l'offre) et ainsi développer le marché. Cela permettra entre autres aux architectes, ainsi assez armés, de recommander avec confiance ce matériau auprès de leurs clients sans surévaluer les prix par exemple.
2.2.3.2. Conception
Il existe plusieurs points d’attention lorsque l’on veut concevoir une construction en terre crue, car ce sont des architectures contextualisées dépendantes de leur territoire.
Par exemple, il faut tenir compte du climat sous lequel la terre crue va évoluer même si, comme expliqué précédemment, il existe des constructions en terre crue sur tous les continents habités et donc sous tous les climats.
En conséquence, bien que construire en terre crue sous nos latitudes soit tout à fait possible, il est nécessaire d'être attentif à certains points.
En effet, même si les façades en terre crue résistent bien à la pluie, absorbant l’eau avant de sécher, la présence prolongée d’une grande concentration d’eau peut occasionner une érosion importante faisant perdre à la terre sa résistance mécanique.29 L’érosion contrôlée ou encore l’utilisation de détails techniques complexes sont d’autres solutions pour lutter contre ce problème.
Dans tous les cas, l’adage « de bonnes bottes et bon chapeau » est pris au pied de la lettre par la mise en œuvre d’une grande toiture débordante ainsi que des soubassement étanches afin de lutter à la fois contre le ruissellement et les remontées capillaires.
Les zones sismiques, même si rares en Belgique, sont un autre élément à prendre en compte lors de la conception. Utiliser une technique porteuse est possible, mais nécessite des garanties obtenues sous réserve de justifications, d’évaluations ou d’autres études de faisabilité. Néanmoins, des techniques de remplissage sont à privilégier puisque la structure support joue le rôle parasismique. « Ainsi, les éléments de remplissage, en particulier un torchis bien fibré avec son comportement ductile (qui se déforme sans rompre), permet de limiter la chute d’éléments dangereux. »30
La clé est donc d’anticiper le plus possible en amont du projet. Ainsi, faire appel et tenir comptes de l’avis d’experts : artisans, bureaux d’études, ingénieurs… afin de mener au mieux son projet est préférable.
29 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 4 : La conception avec le matériau terre Module 1 : Principes de conception d’un bâtiment en terre crue Cours vidéo, consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/78591e1c2b284c9ca0ea76ccbfd9633f/d71db70178c 14f2c87ff643e806bfa16/, consulté le 23/11/2020.
30 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 2 : Des techniques de construction variées Module 3 : techniques de remplissages Cours vidéo, consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/78591e1c2b284c9ca0ea76ccbfd9633f/d71db70178c 14f2c87ff643e806bfa16/, consulté le07/11/2020.
2.2.3.3.
Construction
Une fois le projet dessiné, il faut le construire. Pour cela, faire appel à des personnes qualifiées pour la mise en œuvre, tels que des artisans, des référents techniques, des entrepreneurs ou autres ouvriers spécialisés, est primordial afin de fournir un travail de qualité.
Au moment de la réalisation des travaux, une attention particulière est nécessaire lors de la mise en œuvre sur chantier : « il est nécessaire de protéger les têtes de murs de la pluie et d’empêcher un effet piscine des dalles avant la pose de la couverture »31.
Afin de lutter contre la pénibilité du travail, l’automatisation des procédés peut être envisagée par exemple en faisant appel à l’assistance d’engins de levage ; ce qui permet en plus de gagner du temps. En effet, la mécanisation augmente le rendement tout en diminuant la main d’œuvre et donc le prix d’une construction en terre. Ainsi, si l’on veut ne pas privilégier cette piste, le développement d’une économie locale à l’échelle humaine est à privilégier.
Enfin, afin de faciliter le passage vers ce mode de construction plus vertueux, il peut être envisageable de privilégier des techniques s’adaptant aux compétences des professionnels (maçonnerie, calepinage, manutention…) et aux outils de production existants tels que les BTC, adobe…
31 MOOC Bâtiment Durable AMACO, Construire en terre crue aujourd'hui, Session 3, 2020 Séquence 4 : La conception avec le matériau terre Module 3 : Spécificités techniques des constructions en terre crue Cours vidéo, consultable sur https://www.mooc batiment durable.fr/courses/course v1:AMACO+2019MOOCBAT04+SESSION03/courseware/1bfbcd931aca4ad9a60e38b4aa574790/b0f0a87e89 b34cbb839c842416fa193b/, consulté le 23/11/2020.
2.3. Les acteurs impliqués
Lors des différentes étapes de production, plusieurs acteurs entrent en jeu, chacun à un poste clé.
Une liste non exhaustive a été créée sur base des recensements des acteurs réalisés par Dimitri Rosar32 et Anaïs Pereira33 dans leur mémoire Lavie, Mango Itulamya dans sa thèse34.
Exceptés les personnes physiques, les personnes morales ont leur site web répertorié en annexe (annexe 1) ; preuve de leur existence.
2.3.1.
Les producteurs et les fournisseurs de terre crue
On peut diviser cette catégorie d’acteurs en deux groupes en fonction de la provenance de la terre : des carrières ou des chantiers.
Carrière Terres excavées
Précisions
« (…) possède une carrière d'argiles à Hautrage d'une superficie totale de 14ha. » 35 Les argilières d’Hins (Namur) ✓
Lebailly (Hainaut) ✓
Proposent des enduits, des mélanges à pisé et de l’argile en vrac dans le Brabant Wallon Walterre (Wallonie) ✓
S’occupe de « (…) la gestion, traçabilité et valorisation de terres excavées en Wallonie »36
32 ROSAR, Dimitri, Bâtir en terre crue en Belgique : les obstacles d’aujourd’hui et les enjeux de demain, p39 51 (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Isabelle Prignot, 2020)
33 PEREIRA GONCALVES, Anaïs, Terres de Bruxelles, p81 89 (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Bernard Deprez, 2017)
34 MANGO ITULAMYA, Lavie, Valorisation des gisements argileux pour la fabrication des blocs de terre comprimée, p37 38 (Université de Liège, Thèse de Doctorat, sous la dir. du prof. Nathalie Fagel, 2019)
35 Site web Lebailly, consultable sur: http://www.ernest lebailly.be/fr/argiles, consulté le 28/04/2022.
36 Site web de Walterre, consultable sur https://walterre.be, consulté le 08/03/2022
De Meuter (Bruxelles) ✓
Expert en démolition et travaux de terrassement qui s’occupe, entre autres, de la récolte et du recyclage des terres excavées en Région Bruxelles Capitale. Ils travaillent actuellement en collaboration avec BC Materials. Hoslet ✓
« Spécialisé dans la production et la vente de matériaux en vrac : sable, (…), graviers »37 Elle « exploite une sablière depuis plus de trente cinq ans à Chaumont Gistoux »38 2.3.2. Les revendeurs de matériaux en terre crue Il peuvent vendre des matériaux prêts à être mis en œuvre ou des mélanges prêts à l’emploi.
Revendeur matière première Enduits BTC Mélange pisé prêt à l’emploi
Mélange terre prête à l’emploi
Autres
BC materials (De Meuter) ✓ ✓ ✓ Argio ✓ Avant Tadelakt
Argibat ✓ Avant
+ formations + « volonté de création d’un réseau d’applicateurs professionnels
37 Site web de Hoslet, consultable sur : https://www.hoslet.be/fr/section/accueil, consulté le 28/04/2022.
38 Site web de Hoslet, page « sablière » consultable sur : https://www.hoslet.be/fr/section/sabliere/sabliere/intro, consulté le 28/04/2022.
agréés à travers la Belgique »39
Peter Steen & Co (Lebailly) ✓ ✓ Stuc & Staff16 ✓
Comptoir des argiles ✓ Carodec (Argilière d’Hins) ✓
+ formation + importation produit Claytec NB : entre parenthèses noms des fournisseurs des revendeurs.
Comme le montre le dernier revendeur, on peut ajouter à cette liste les importateurs
Ces derniers, à première vue étrangers à la filière doivent néanmoins être mentionnés car ils sont aussi une première forme de partenariat international.
Revendeur matière première (importateurs) Enduits BTC Mélange pisé prêt à l’emploi
Mélange terre prête à l’emploi
Autres
Druwind revend des produits Claytec ✓ ✓ 39 Site web d’Argibat, page « Actualités », consultable sur https://www.argibat new.com/fr/actualites/argibat new partenaire des professionnels en finition base dargile, consulté le 20/06/2022.
(Allemagne) à Waine, Liège40
Ecobâti revend des produits Argilus (France) à Liège, Tournais, Bruxelles, Wavre, Arlon, Namur, Sprimont
+ formations
✓ ✓
✓ ✓ stucs d’argile
+ « (…) l’HP2A, une alternative écologique au ciment, à base d’argile. »41 Ecomat revend des produits Tierrafino (Pays Bas) dans le Limbourg et à Anvers42
2.3.3. Les artisans Ils sont la catégorie d’acteurs la plus représentée. La plupart exerce dans le gros œuvre au sein d’entreprises. Comme nous pouvons le voir dans le tableau ci dessous, « Ils sont généralement spécialisés dans une ou plusieurs techniques de mise en œuvre de la terre crue (…) »43
40 ROSAR, Dimitri, Bâtir en terre crue en Belgique : les obstacles d’aujourd’hui et les enjeux de demain, p.47 (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Isabelle Prignot, 2020) 41 Ibid 42 Ibid 43 Ibid p39
Techniques
Artisans
Het
Enduits argile (int)
Enduits chaux (ext)
Matériaux d’isolation Pisé murs
Pisé dalles Maçonneries Autres
Leemniscaat44 (Anvers) ✓ ✓ ✓ Odiloon Creation (Bruxelles) ✓ ✓ Bouwen met Leem (Bruges)
✓ ✓ ✓ Sol en terre crue + tadelakt Aardig Gedacht (Bruges) ✓ ✓ Druwind (Liège) ✓ BC materials (Bruxelles) ✓ ✓ ✓ ✓ Mortier d’argile Paille Tech (Namur) ✓ 44 a notamment participé à l’élaboration d’un mur en pisé « The Wall » à Tirlemont et à l’édification de la maison régionale d’Edegem « Fort V ».
2.3.4. Les formateurs et les organismes de formation :
Elea centre de formation en construction durable situé dans les locaux du cluster éco construction
BC Materials
Carodec
Ecobâti
2.3.5. Les fédérations :
Cluster wallon : cluster Éco construction
Cluster bruxellois: Ecobuild
Cluster flamand: Vlaams Istituut voor Bio Ecologisch Bowen en Wonen (VIBE)
2.3.6. Les chercheurs/chercheuses :
Pauline Lefebvre (ULB)
Gaëlle Faguet (ULB)
Dalia Perziani (ULB)
Erik Pelicaen (UHasselt)
2.3.7. Les experts (référents techniques, bureaux d’étude, ingénieurs)
Cédric Evrard (ingénieur)
BC (expert en terre crue)
Util (ingénieur)45
45 a notamment suivi les projets présentés par la suite : The Wall, La tour d’observation de Negenoord, Fort V à Edegem
2.3.8. Les architectes et leur réalisation
BC architects and studies a, entre autres, réalisé le Fort V, Edegem, 2015 (19 000 BTC porteuses)
Figure 7. Fort V (BC, 2015,consutable sur : https://www.bcmaterials.org/fr_152_fort v.html, consulté le 28/04/2021 )
De Gouden Liniaal Tour d'observation de Negenoord, 2016 (240m3 de pisé)
Figure 8. Tour d'observation de Negenoord (BC, 2015, consultable sur https://www.bcmaterials.org/fr_154_negenoord.html, consulé le 28/04/2021)
Figure 9 The Wall (BC, 2017, consultable sur : https://www.bcmaterials.org/fr_151_the wall.html, consulté le 28/04/2021 )
A2RC Musée Source O’Rama, Chaufontaine, 2005 (mur pisé 16,4m3)
Figure 10. Musée Chaufontaine (A2RC 2005, consultable sur https://www.a2rc.be/copie de fiche 118 cho new, consulté le 28/04/2021)
Karbon a, entre autres réalisé, la Maison bi familiale à Gembloux dont le remplissage est en briques de terre crue.
Figure 11. Maison bi familiale à Gembloux (Karbon'architecture et urbanisme, 2015, consultable sur http://karbon.be/fr/projets/habitat_individuel/maison_bi familiale_a_gembloux/, consulté le 28/04/2021)
Stephen Toumpsin a, entre autres, réalisé une maison à Liège (Stavelot) en 2014 en utilisation la terre du chantier comme enduit.
Figure 13 Maison enduit terre du chantier (2014, consultable sur https://www.maisonsetarchitectes.be/projets/batiment exemplaire de wallonie elle me botte, consulté le 08/06/2022)
2.4. Synthèse par phases
Après avoir parcouru les différentes étapes de vie d’un matériau en terre crue ainsi que les différents acteurs qui entrent en jeu dans ce processus, nous pouvons maintenant définir clairement le terme filière tel qu’il sera abordé dans ce travail.
Sera donc considéré comme filière tout réseau dont au moins un acteur existant ou pouvant exister, par phase, sera représenté. Les différentes phases vont de l’extraction de la matière première à sa transformation en matériau fini mis en œuvre sur chantier.
PHASE 1
LA RECUPERATION DE LA MATIERE PREMIERE
Tests et certifications
EXPERTS
(artisans, laboratoires…)
Extraction PRODUCTEURS (carrières, entreprises de terrassement )
PHASE 2
TRANSFORMATION DE LA MATIERE EN MATERIAUX
PRODUCTEURS, REVENDEURS, MAITRE D’ŒUVRE ((semi)industriels, carrières, ouvriers…)
+ organismes de formation
PHASE 3 : LA MISE EN OEUVRE
Demande
MAITRES D’OUVRAGE (particulier, privé, public…)
Conception
MAITRES D’ŒUVRE (architectes, ingénieurs, bureaux d’étude…)
Construction
MAITRES D’ŒUVRE (artisans, entreprises de construction…)
+ organismes d’information, de sensibilisation ou de formation
4. Construire en paille
Si on se réfère à la filière paille existante, il s'avère rapidement nécessaire d'étudier en détail la paille elle même en tant que matériau, comme précédemment pour la terre crue, et son passage du champ au chantier.
4.1.
La paille
La paille est bien connue dans nos régions, car très répandue en Belgique. N’étant pas utilisée dans l’alimentation humaine, elle est souvent délaissée. Son utilisation dans un autre domaine, par exemple celui de la construction, ne viendrait donc pas concurrencer la filière agro alimentaire mais bien la compléter en exploitant la ressource dans son ensemble.
La valoriser, en plus d’éviter le gaspillage, permettrait d’offrir un complément de revenu à l’agriculteur, en diversifiant ainsi son activité.
4.2.
Son potentiel pour la construction
Quand on pense à la paille, on fait souvent référence à la paille de blé qui est la plus utilisée en constructio n O r, elle désigne la partie longue des céréales : la tige. Il en existe donc plusieurs variétés (blé, orge, avoine, épeautre, seigle, riz, maïs, sorgho…), chacune ayant ses propres caractéristiques : plus ou moins haute et creuse malgré tout reconnu e pour sa dureté et sa finesse.
Vu sa polyvalence, son emploi est possible dans d’autres filières notamment en biométhanisation. Il est toutefois important que son application en construction ne vienne pas concurrencer celle acquise par les agriculteurs. Utilisée, entre autres, comme litière ou dans l’alimentation animale, elle est aussi indispensable comme paillage pour protéger et revigorer les sols. Pourtant, la paille utilisée en construction peut être récupérée lors de la déconstruction et valorisée en rentrant à nouveau dans le schéma classique de revalorisation agronomique comme litière pour le bétail par exemple47.
De plus, toute paille n’est pas adaptée à la construction, les ballots doivent répondre à certains critères très stricts.
Sachant « qu’une maison individuelle représente l’équivalent de 500 bottes de paille, soit la production de 2,5 hectares de champs (1% de la production de paille équivaut à 1 500
47 APROPAILLE, La paille matière première, vadémécum issu de la recherche vers une reconnaissance de l’usage de la paille come matériau de construction, s.d., p86
construction)»48, on peut voir, au vu des informations concernant le volume de paille produit annuellement en Belgique et référencé dans le tableau ci dessous, « qu’il n’y a donc pas de conflit avec les besoins agricoles en paille. »49 Néanmoins, bien que ces chiffres ne soient pas récents et sachant que la construction a besoin d’un format particulier de ballot, une seule partie de la production totale est pertinente. Surface moyenne annuelle belge (ha/an)
Production moyenne annuelle en Belgique (t/an)
Évolution de la quantité de paille de 2007 à 2012 en Belgique (clair) et en Wallonie (foncé) Blé tendre 200 220 823 174 Orge d’hiver 43 937 164 674 Épeautre 10 381 43 716 Avoine 4 348 14 5674 48 INTERREG NORTH WEST EUROPE UP STRAW, La construction en paille, la nature au service de la performance, 2020, p2.
Seigle 517 1 781
Figure 16 Données moyennes réalisées sur les années 2007 à 2012 concernant les céréales les plus cultivées en Belgique et susceptible d’être utilisées dans la filière « construction en paille » (Recherche aPROpaille, La paille matière première, Vers une reconnaissance de l’usage de la paille come matériau de construction, p22 26)
Figure 17 Quantité totale de paille produite (blé tendre, orge d’hiver, épeautre, seigle, triticale) de 2007 à 2012 (Recherche aPROpaille, La paille matière première, Vers une reconnaissance de l’usage de la paille come matériau de construction, p93)
4.3. Du champ au chantier
Dans les champs, la machine coupe la plante au niveau du chaume, Les grains sont ensuite séparés de la paille. Elle est transformée en ballots au moyen d'une presse. Différentes densités peuvent leur être conférées en fonction de l’usage choisi. Les ballots seront ensuite stockés dans des infrastructures répondant à différents critères : les protéger des intempéries ainsi que garantir une bonne ventilation entre les ballots et les parois de l'entrepôt afin qu’ils sèchent.
Figure 18 Composition des céréales (consultable sur https://jeretiens.net/difference entre foin et paille/, consulté le 05/03/2022)
Il faut aussi être attentif à l’éventuelle présence de rongeurs qui endommageraient les ficelles des ballots leur enlevant tout rôle structurel.50
50 APROPAILLE, La paille matière première, vadémécum issu de la recherche vers une reconnaissance de l’usage de la paille come matériau de construction, s.d., p57
Ses mises en œuvre sont multiples : remplissage/cloisonnage, isolant, porteu r.
La paille est donc un matériau naturel biosourcé, c’est à dire provenant de la biomasse végétale. Elle possède un bilan carbone neutre car, en plus d’être biodégradable et renouvelable, elle a capté du CO2 tout au long de sa croissance. C’est un matériau sain si sa production n’a pas été polluée par divers pesticides. Contrairement aux idées reçu es, elle est pe u inflammable ; grâce à la compacité élevée des ballots. Homogènes et peu transformés, ces derniers, à destination de la construction, sont assez réglementés. Ainsi taille, densité et taux d’humidité doivent être scrupuleusement respectés.
E lle peut être utilisée de manière très locale, ce qui permet de travailler en circuit court réduisant ainsi les temps de trajet et les émissions de gaz à effet de serre (GES ) tou t en valorisant les ressou rces, les savoir faire de nos régions et l’économie locale. Elle est aussi appropriée pour l’auto construction, ce qui permet de réduire les coûts.
De plus, elle possède des qualités isolantes qui assurent un bon confort thermique et acoustique. Ses très bonnes performances comme isolant naturel permettent d’éviter les déperditions thermiques et donc de réduire la consommatio n de d’énergie
5. Construire en bois
Comme pour la paille, l’étude du bois en tant que matériau de construction est nécessaire pour comprendre le fonctionnement de sa filière.
5.1. Le bois
La forêt belge s’étend sur près d’un quart du territoire. Grâce à une gestion durable et responsable, sa superficie ne cesse d’augmenter, offrant toujours plus de bois de qualité. 51
En fonction des essences (ex : douglas pour la construction et épicéa pour la pâte à papier) et des transformations successives plus ou moins élaborées, il peut prendre des formes et des usages multiples : combustible, emballage, mobilier, construction… Effectivement, lors de sa première transformation (cf. infra p56 57) dont nous reparlerons plus tard, les déchets produits sont revalorisés.
« En effet, les entreprises valorisent les dosses sous forme de plaquettes qu’elles destinent soit à la fabrication de pâte à papier soit aux usines de panneaux. Quant aux écorces, elles sont utilisées sous forme de compost ou servent de combustible pour l’alimentation des séchoirs internes. »52
Comme cela est expliqué dans le podcast datant de 2021 d’Anne Sophie et Mathieu Goyen
« Les Archi.culteurs » 53 (et relaté dans les prochaines lignes jusqu’au point 4.2,) parmi les nombreuses essences de bois existantes, on peut distinguer deux grands types de bois : les feuillus et les résineux.
Une première différence réside dans l’appellation même de ces deux types. Alors que les résineux produisent de la résine, ce n’est pas le cas des feuillus. De plus, sauf exception, les feuillus perdent leurs feuillent en hiver. Mais ils sont surtout structurellement différents.
Alors qu’un résineux est composé d’un long tronc principal pourvu de branches périphériques, le feuillu, lui, a un tronc avec des branches situées en hauteur.
Les résineux présentent l’avantage d’un passage aisé dans les machines. Les feuillus, moins rectilignes, plus courts et plus larges, nécessitent l’adaptation des machines compliquant ainsi le travail.
51 Site web Houtinfobois, consultable sur : https://www.houtinfobois.be/la foret et le bois/la foret/, consulté le 20/06/2022
53 GOUYEN, Anne Sophie et Mathieu, Les Archi.culteurs, 2021
Il en résulte que 85% du bois utilisé dans la construction sont des résineux car ils offrent un rendement supérieur, parfois malheureusement au détriment de la forêt.
Un autre impact sur la sylviculture est lié aux effets de mode. Le douglas, par exemple, est très tendance en construction. Or si les modes et les systèmes de production peuvent évoluer très rapidement, ce n’est pas le cas de la forêt. Sachant qu’il faut attendre au minimum 80 ans avant la coupe d’un arbre, voire 100 120 ans, et que les arbres de grande taille sont de meilleure qualité.
Le bon compromis serait en tenant compte de la repousse très lente des arbres, contrairement à la paille qui se récolte chaque année, d’avoir une vision sur le long terme, loin des fluctuations du marché.
Pour cela, on peut par exemple se tourner vers une structure forestière de type irrégulière qui abrite des arbres de tous âges, de toutes dimensions. Elle permet une production continue contrairement à une structure forestière régulière qui abrite des arbres du même âge, de dimensions similaires, ce qui engendre une coupe simultanée laissant la forêt à nu pendant de nombreuses années.
5.2. Son potentiel pour la construction
Le bois est l’un des plus anciens matériaux utilisés dans la construction car « au même titre que la terre et la pierre, le bois est l’un des trois matériaux premiers54
Ses applications sont multiples : il est utilisé tant en structure, comme revêtement ou encore comme isolant.
En Belgique, on compte 12 13% de nouvelles construction en bois55. C’est un mode de construction ancré dans notre pays et dont la fiabilité est démontrée tant par des anciennes que des nouvelles constructions. De plus son utilisation est encouragée par divers labels, mettant en avant la qualité des produits et par des primes à la construction initiées par les politiques.56 Ceci est notamment dû aux nombreux avantages que ce matériau procure.57
54 PEREIRA GONCALVES, Anaïs, Terres de Bruxelles (Université Libre de Bruxelles, Mémoire de fin d’études, sous la dir. du prof. Bernard Deprez, 2017) dans Anger, R., & Fontaine, L. (2009). Bâtir en terre. Du grain de sable à l’architecture. Paris, Belin / Cité des sciences et de l’industrie. p 52
55 Hervé Jacques Poskin, directeur du Cluster Eco Construction
56 Site web Houtinfobois,, page « Construction en bois », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/applications/construction en bois/, consulté le 20/06/2022 57 Ibid
Écologiquement parlant, le bois est naturel et renouvelable. Sa production est peu consommatrice en énergie et il est recyclable ou revalorisable en fin de vie. Il est de plus un véritable puits de CO2 indispensable à sa croissance. Il le stocke de manière temporaire dans ses fibres constituant ainsi la matière même du bois.
Au niveau socio économique, ce matériau peut favoriser les circuits courts, encourageant ainsi une économie locale et mettant en valeur les savoirs et savoir faire locaux. De plus, encourager une utilisation locale du bois permet de lutter contre l’illogisme de l’exportation de bois belge et l’importation de bois exotique qui entraine coûts, pollution et dépendance.
En ce qui concerne l’architecture58, le bois peut être utilisé, comme évoqué précédemment, comme élément structurel. Vu ses performances mécaniques et contrairement à la paille et à la terre, une construction en bois (caractérisée par le fait que tous les éléments portants sont en bois59) n’est pas limitée à R+2/R+3, ce qui permet de construire en hauteur réduisant ainsi l’étalement urbain.
A l’intérieur de nos maisons, le bois procure un certain confort. C’est un bon régulateur hygrométrique (s’il n’est pas traité) qui se distingue par sa très faible conductivité thermique. Il offre ainsi une isolation thermique et acoustique. Chaud au toucher, il apporte une sensation de bien être, une ambiance confortable et une atmosphère chaleureuse qui réchauffent nos intérieurs.
De plus, cela le rend aussi très avantageux en terme de consommation énergétique.
« La construction en bois constitue, de ce fait, une technique durable et prometteuse, permettant la construction de maisons basse énergie ou passives. »60
Enfin, contrairement à certaines idées préconçues, le bois offre une bonne résistance au feu. En effet, lorsqu’il brûle, une couche de charbon se forme en surface, ce qui permet de ralentir sa combustion. Ainsi, surdimensionner les éléments structuraux en bois permet de leur garantir une grande résistance au feu.61
58 Site web Houtinfobois,, page « Pourquoi le bois ? », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/la foret et le bois/pourquoi le bois/, consulté le 20/06/2022
59 Site web Houtinfobois,, page « Construction en bois », consultabke sur : https://www.houtinfobois.be/applications/construction en bois/, consulté le 20/06/2022.
60 Ibid
61 Site web Houtinfobois,, page « Pourquoi le bois ? », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/la foret et le bois/pourquoi le bois/, consulté le 20/06/2022
5.3. De la forêt au chantier
Avant d’être mis en œuvre dans les bâtiments sous la forme de poutres, colonnes, revêtements, fibres… le bois doit passer par divers stades. Tout commence par la production sylvicole qui a été évoquée précédemment.
Puis, la transformation de la matière en matériau qui se fait en deux temps.
Lors de la première transformation, l’arbre est scié, tranché, déroulé, séché et imprégné. Une deuxième phase transforme le bois (entre autres) en éléments de construction, que l’on peut ensuite mettre en œuvre sur chantier.62
Enfin, sa mise en œuvre sur chantier peut être assez rapide. Les éléments en bois sont généralement préassemblés, ce qui permet de travailler en filière (quasi) sèche, s’affranchissant ainsi au maximum des aléas climatiques.
Cette rapidité d’exécution permet en outre de faire des économies financières. Autre argument économique, une habitation en bois est beaucoup plus légère qu’une habitation traditionnelle et nécessite donc des fondations moins importantes. Cette technique permet en outre de bâtir sur des terrains à faible portance.63
62Site web Houtinfobois,, page « La filière bois belge », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/la foret et le bois/la filiere bois belge/, consulté le 20/06/2022
63 Site web Houtinfobois,, page « Construction en bois », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/applications/construction en bois/, consulté le 20/06/2022
Figure 19.Organigramme de la filière bois belge (Site web Houtinfobois,, page « La filière bois belge », consultable sur : https://www.houtinfobois.be/la foret et le bois/la filiere bois belge/, consulté le 20/06/2022