QUANTIFIED SELF ET E-HEALTH Par Ahmed JEBRANE
Une tendance contemporaine clé émergeant dans la science des mégadonnées est le quantified self (QS) des individus engagés dans l'auto-suivi de tout type d'informations biologiques, physiques, comportementales ou environnementales. Il existe des opportunités pour les scientifiques du Big Data de développer de nouveaux modèles pour soutenir la collecte, l'intégration et l'analyse de données QS, ainsi que pour diriger la définition des ressources de base de données en libre accès et des normes de confidentialité pour l'utilisation des données personnelles. Les applications QS de nouvelle génération pourraient inclure des outils pour rendre les données QS significatives dans le changement de comportement, établir des références et la variabilité des mesures objectives, appliquer de nouveaux types de techniques de reconnaissance de formes et agréger plusieurs flux de données d'auto-suivi provenant d'électronique portable, de biocapteurs, de téléphones mobiles, données génomiques et services basés sur le cloud. La vision à long terme de l'activité QS est celle d'une approche de surveillance systémique à base de flux continu des informations personnelles d'un individu, proposant en conséquent des suggestions d'optimisation des performances en temps réel. Un aspect intéressant de l'activité QS est qu'il s'agit fondamentalement d'un phénomène quantitatif et qualitatif car il comprend à la fois la collecte de données métriques objectives et l'expérience subjective de l'impact de ces données. Une partie de cette dynamique est explorée alors que le soi quantifié devient le soi qualifié de deux nouvelles manières: en appliquant les méthodes QS au suivi de phénomènes qualitatifs tels que l'humeur, et en comprenant que la collecte de données QS n'est que la première étape de la création boucles de rétroaction pour le changement de comportement. À long terme, le moi quantifié peut devenir en outre transformé en un exoself étendu, car la quantification des données et l'auto-suivi permettent le développement de nouvelles capacités sensorielles qui ne sont pas possibles avec les sens ordinaires. Le corps individuel devient un objet plus connaissable, calculable et administrable grâce à l'activité QS, et les individus ont une relation de plus en plus intime avec les données car elles médiatisent l'expérience de la réalité.
Le moi quantifié commence à être un phénomène courant puisque un grand nombre de personnes suivent actuellement leur poids, leur régime alimentaire ou leur routine d'exercice, pendant que d’autres surveillent d'autres facteurs tels que la glycémie, la tension artérielle, les maux de tête ou les habitudes de sommeil. De plus, une partie des internautes américains effectuent le suivi des données de santé en ligne, pendant que beaucoup d’autres se sont inscrits aux alertes de santé par SMS, sachant qu'il existe plus de 40 000 applications de santé pour smartphone disponibles aujourd'hui sur le marché. La gamme d'outils utilisés pour le suivi et l'expérimentation QS s'étend du podomètres Fitbit, les trackers de sommeil myZeo , aux traqueurs de fitness Nike + et Jawbone UP. De nombreuses solutions QS associent l'appareil à une interface Web pour l'agrégation de données, l'affichage infographique, des recommandations personnelles et des plans d'action. Un nombre croissant de nouveaux flux de données personnelles sont générés par le biais de dispositifs d'auto-suivi quantifiés, de biocapteurs, de dispositifs Internet des objets sans fil, de données de réseaux sociaux de santé et de données de médias sociaux. Il y a une critique selon laquelle l'auto-suivi n'est pas de la science, et cette critique pourrait être vraie si une définition étroite de la science est considérée. Cependant, ce qui émerge, c'est la notion d'écosystème beaucoup plus large en termes de ce qui constitue la science. Ce spectre comprend des scientifiques professionnels à une extrémité du continuum et des scientifiques citoyens, des participants au réseau social de la santé et des auto-suiveurs à l'autre. Kaggle, un site Web de concours de données participatif, se rapporte directement au big data et possède le plus grand groupe de data scientists au monde (60 000), un nombre bien plus élevé que ceux officiellement employés dans ce domaine. Le site recrute des personnes possédant des compétences pertinentes pour rivaliser dans la recherche de solutions aux défis du Big Data posés par de vrais clients. Ceci est un exemple de ressource participative basée sur Internet complétant les méthodes scientifiques traditionnelles. De même, les initiatives de santé participatives de QS étendent la portée et les capacités du système de santé publique traditionnel.
Un aspect important de l'auto-suivi est qu'il relie déjà le quantitatif et le qualitatif dans le sens où l'activité QS comprend fondamentalement à la fois la collecte de données et l'expérience subjective de l'impact de ces données. Les auto-suiveurs ont une relation de plus en plus intime avec les données car elles médiatisent l'expérience de la réalité. Dans l'auto-suivi, les individus effectuent des études et appliquent ensuite les résultats pour améliorer leur qualité de vie. L'expérimentateur QS est à la fois participant, praticien et bénéficiaire des études. Le cycle d'expérimentation, d'interprétation et d'amélioration transforme le moi quantifié en un moi amélioré de «qualité supérieure». Le moi quantifié fournit aux individus des moyens de se qualifier eux-mêmes, grâce auxquels un certain niveau de performance peut être atteint ou dépassé. C'est une façon dont le moi quantifié mène au moi qualifié. L'auto-suivi 1.0 pourrait être conceptualisé comme le suivi de phénomènes quantitatifs de base facilement mesurables tels que les pas parcourus, les heures de sommeil et les régimes de nutrition et d'exercice. L'auto-suivi 2.0 est du domaine du suivi des phénomènes qualitatifs tels que l'humeur, l'émotion, le bonheur et la productivité. La tendance contemporaine à établir des mécanismes de suivi pour les phénomènes qualitatifs comme l'humeur a deux méthodes principales: soit l'auto-suivi entre des descripteurs qualitatifs comme des mots pour surveiller l'activité ou entre des nombres où les phénomènes qualitatifs ont été modulés sur des échelles quantitatives (par exemple, mon humeur aujourd'hui est de 7 sur une échelle de 10 points). Kevin Kelly, fondateur d'une communauté de soi quantifiée et leader d'opinion, a articulé une perspective intéressante selon laquelle le moment actuel de l'auto-quantification n'est qu'une étape intermédiaire vers autre chose - le futur soi. Ce futur soi est celui qui est spatialement élargi, avec une large gamme d'exosens - l'exoself. En fait, le moi en tant que concept est un trope qui n'est apparu que récemment dans le cadre de l'histoire humaine, évoluant peut-être au même rythme que les cultures importantes et complexes de la modernité. Le concept de soi continue de changer à mesure que les individus réagissent aux changements de culture et de technologie. Les activités QS sont un nouveau moyen de permettre la création
constante de soi. De plus, il y a maintenant la notion de soi connecté étendu dans le sens où les individus projettent leurs données vers l'extérieur sur le monde (par exemple, les téléphones mobiles et autres appareils envoyant continuellement des requêtes ping à l'emplacement et à d'autres données) tandis que les données du monde sont projetées de nouveau sur le monde. individu (par exemple, les nœuds du réseau remarquent les mouvements et communiquent des informations personnalisées). Les téléphones mobiles, l'informatique portable et d'autres outils technologiques sont des dispositifs de suivi utilisés à la fois par les humains et dans le climat omniprésent des données. La quantification des données et l'auto-suivi permettent des capacités qui ne sont pas possibles avec les sens ordinaires. Le climat déjà omniprésent des données pourrait s'intensifier encore plus à brève échéance. Une ère complètement nouvelle de l'informatique personnelle pourrait approcher sous la forme de l'électronique portable. Un impact pourrait être que finalement le suivi automatisé de beaucoup plus de types de données quantitatives et qualitatives serait possible. Beaucoup plus d'individus pourraient s'engager dans des activités de QS si elles étaient plus faciles, moins chères et surtout automatisées. À l'heure actuelle, la grande majorité des personnes dans le monde (85%) ont accès à un téléphone portable, 1 milliard ont un smartphone. Les téléphones portables et les tablettes ont été les plates-formes technologiques les plus rapidement adoptées à ce jour, et la plate-forme informatique portable (par exemple, les montres intelligentes, les patchs jetables, les lunettes augmentées, etc.) pourrait avoir une adoption encore plus rapide. Les téléphones portables sont des appareils QS et l'électronique portable est encore plus délibérément une plate-forme d'auto-suivi. L'électronique portable pourrait faciliter l'auto-suivi automatisé car de grandes quantités de données sont téléchargées sur le cloud pour être traitées par des millions d'agents (c'est-à-dire des individus normaux) dans leur vie quotidienne. L'écosystème de données QS pourrait inclure des appareils électroniques portables associés à des téléphones mobiles et des services de Big Data basés sur le cloud, de sorte que le climat continu des informations
personnelles de l'individu puisse fournir des suggestions d'optimisation des performances en temps réel. L'exoself étendu peut avoir des capacités de régulation et de contrôle sans précédent. Une fois équipé d'appareils QS, un corps individuel devient un objet connaissable, calculable et administrable. La technologie Exoself pourrait être une sorte de perspective à la quatrième personne qui facilite le transport des humains dans un nouveau domaine de soi étendu et éventuellement dans différents groupes de soi unis. Il existe un paradoxe selon lequel, d'une part, les humains sont de plus en plus dépendants de la technologie pour tout, y compris pour interagir avec le monde extérieur, tandis que, d'autre part, la technologie fournit une relation plus riche, plus détaillée, contrôlable et personnelle avec le monde. En fin de compte, la technologie QS exoself aide à catalyser le progrès vers une société future plus avancée en augmentant les produits humains les plus vantés: le choix, la compréhension, la conscience et la liberté. Depuis le début de cette décennie, les géants du Web, implantés dans la Silicon Valley en Californie, semblent tous avoir ce méme nouveau centre d’intérêt: la santé. En effet, une hausse exponentielle de leurs investissements dans ce domaine a été observée, comme mentionné dans un chapitre en amont. Le cofondateur d’Apple, Steve Jobs atteint d’un cancer du pancréas, aurait expressément demandé à ses cadres de se lancer sur le secteur de la santé. Quant à Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, il semble persuadé de poursuivre une mission dictée par Dieu, mais pas celui des églises, synagogues ou mosquées, mais sûrement celui du transhumanisme. Dans une lettre ouverte à sa première fille, publiée sur Internet lors de sa naissance en décembre 2015, le jeune papa expliquait vouloir éradiquer toutes les maladies et améliorer le potentiel humain. En voici la version integrale qu’il est interessant de lire. Lettre à notre fille « Chère Max, Ta mère et moi n’avons pas encore de mots pour décrire l’espoir que tu nous donnes pour le futur. Ta vie est pleine de promesses, et nous espérons que tu vivras heureuse et en bonne santé afin d’en profiter
pleinement. Tu nous as déjà donné une raison de réfléchir au monde dans lequel tu vas vivre. Comme tous les parents, nous voulons que tu grandisses dans un monde meilleur que le nôtre. Pendant que les gros titres annoncent surtout les mauvaises nouvelles, de bien des manières, le monde progresse. La santé s’améliore. La pauvreté diminue. La connaissance augmente. Les gens échangent. La technologie dans chaque domaine progresse et cela signifie que ta vie sera bien meilleure que la nôtre aujourd’hui. Nous avons un devoir envers tous les enfants. Nous allons contribuer à ce que cela arrive, pas seulement parce que nous t’aimons, mais aussi parce que nous avons un devoir moral envers tous les enfants de la génération future. Nous croyons que chaque vie a la même valeur, y compris celles des générations à venir, qui seront bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. Notre société a l’obligation d’investir maintenant pour améliorer la vie de ceux qui vont naître demain, et pas seulement celle de ceux qui sont déjà là. Or actuellement, nous n’orientons pas toujours nos ressources collectivement vers les opportunités et les problèmes que ta génération va rencontrer. Prenons l’exemple de la maladie. Actuellement, nous dépensons 50 fois plus d’argent pour guérir les malades que nous n’en investissons dans la recherche qui nous empêchera de tomber malades. La médecine est devenue une vraie science depuis à peine 100 ans, et nous avons déjà pu vaincre certaines maladies et faire de gros progrès pour d’autres. Alors que la technologie s’accélère, nous devons avoir comme objectif de prévenir et guérir toutes ou presque toutes - les autres maladies, dans les 100 ans à venir. Aujourd’hui, la majorité des gens meurent de cinq choses : de problèmes cardiaques, du cancer, d’un accident vasculaire cérébral, de maladies neurodégénératives et de maladies infectieuses. Or, nous pouvons progresser plus vite sur ces problèmes et sur d’autres. Une fois que nous nous serons assuré que ta génération et celle de tes enfants ne souffriront plus de maladies, nous aurons la responsabilité collective de s'investir davantage pour le futur pour que cela devienne réel. Ta mère et moi allons y prendre notre part. Éradiquer les maladies va prendre du temps. Cinq à dix ans ne suffiront pas pour faire la différence. Mais sur le plus long terme, les graines semées aujourd’hui vont pousser, et un jour, toi ou tes
enfants vont vivre ce que nous ne pouvons qu’imaginer : un monde sans maladie. Il y a tellement d’opportunités comme celle-ci. Si le monde s’intéressait davantage à ces grands défis, nous pourrions laisser à ta génération un monde meilleur. Nos espoirs pour ta génération se concentrent sur deux points : améliorer le potentiel de chaque être humain et promouvoir l’égalité. Améliorer le potentiel humain consiste à repousser les limites pour atteindre une vie plus intense, plus belle. Pourrez-vous apprendre et vivre 100 fois plus de choses que nous le pouvons aujourd’hui ? Notre génération pourra-t-elle soigner les maladies pour que vous viviez plus longtemps et en meilleure santé ? Promouvoir l'égalité. Pourrons-nous connecter toute la planète de façon à ce que vous ayez accès à chaque idée, chaque personne et chaque opportunité dans le monde ? Pouvons-nous utiliser davantage d’énergies propres pour que vous puissiez inventer des choses que nous ne pouvons concevoir aujourd’hui, tout en protégeant l’environnement ? Pouvons-nous cultiver l’esprit d’entreprise afin que vous puissiez entreprendre n’importe quoi tout en apportant des solutions pour la paix et la prospérité ? Promouvoir l’égalité consiste à s’assurer que chacun puisse accéder à ces opportunités, quel que soit le pays, la famille ou les circonstances de sa naissance. Notre société doit accomplir cela non seulement pour la justice ou par charité mais aussi pour le génie/la grandeur du progrès humain. Aujourd’hui, on se prive du potentiel que tant de gens ont à offrir. La seule façon d’utiliser tout notre potentiel est de fédérer les talents, les idées et les contributions de chaque individu dans le monde. Notre génération pourra-t-elle éradiquer la pauvreté et la faim ? Pourrons-nous fournir à chacun un service de santé de base ? Pouvons-nous construire des communautés qui accueillent et intègrent ? Pourrons-nous entretenir la paix et la compréhension entre les peuples et les nations ? Pouvons-nous offrir le même pouvoir à tout le monde – femmes, enfants, minorités sous-représentées, immigrés et non- connectés ? Si notre génération choisit les bons investissements, la réponse à chacune de ces questions sera "oui". Avec un peu d’espoir cela arrivera de notre vivant.
Investir sur le long terme. Cette mission - développer le potentiel humain et promouvoir l’égalité - implique une nouvelle approche de la part de ceux qui viseront ces objectifs. Nous devons faire des investissements sur le long terme sur 25, 50 et même cent ans. Les plus grands défis nécessitent de voir loin et ne peuvent se résoudre avec une vue à court terme. Nous devons nous engager directement auprès de ceux que l’on sert. Nous ne pouvons pas responsabiliser et donner un pouvoir aux gens si on ne comprend pas leurs besoins et ceux de leurs communautés. Nous devons concevoir une technologie pour apporter le changement. De nombreuses institutions mettent de l’argent dans ces projets, mais l’essentiel du progrès vient des gains de productivité obtenus grâce à l’innovation. Nous devons participer à la vie politique et plaider pour façonner les débats. Beaucoup s’y refusent, or, pour être durable le progrès doit être défendu par des groupes. Dans chaque domaine, nous devons soutenir des leaders forts et indépendants. Devenir partenaires de personnes spécialistes est plus efficace que d’essayer de porter seuls les efforts. Nous devons prendre des risques maintenant pour en tirer les leçons demain. Nous sommes au début de notre apprentissage et nous tenterons pas mal de choses qui ne marcheront pas, mais nous écouterons et nous avancerons. Notre expérience faite de nos compétences personnelles, l’accès à internet, notre système d’éducation et de santé a formé notre philosophie de vie. Notre génération a grandi dans des classes où nous avons tous appris les mêmes choses au même rythme, quels que soient nos centres d’intérêt ou nos besoins. Un enseignement personnalisé à la carte. Ta génération fixera les objectifs en fonction de ce que vous voulez devenir ingénieur, professionnel de santé, écrivain ou leader politique. Tu bénéficieras de technologies qui optimiseront ta façon d’apprendre et qui t'aideront là où tu en as besoin. Tu iras plus vite sur les sujets qui t’intéresseront et tu seras aidée dans les domaines qui seront plus difficiles. Tu découvriras des matières qui ne sont pas encore enseignées dans nos écoles. Tes professeurs auront de meilleurs outils et davantage de données pour t’aider à atteindre tes objectifs. Encore mieux, les étudiants du monde entier auront la possibilité d’utiliser des outils éducatifs personnalisés via Internet, même s’ils
n’ont pas de bonnes écoles à proximité. Bien sûr, la technologie ne suffira pas à donner à chacun les mêmes chances dans la vie, mais l’apprentissage personnalisé peut être le moyen d’offrir à chaque enfant, une meilleure éducation et l’égalité des chances. Nous sommes en train de construire cette technologie et les résultats sont prometteurs. Non seulement, les élèves réussissent mieux leurs tests, mais ils gagnent aussi en compétence et en confiance. Ce voyage ne fait que commencer. La technologie et l’enseignement vont considérablement s’améliorer pendant ta scolarité. Ta mère et moi avons tous les deux enseigné et nous avons vu ce qu’il faut faire pour que ça marche. Il faut travailler avec les meilleurs spécialistes de l’éducation afin d’aider les écoles du monde entier à adopter l’enseignement personnalisé. Il faut collaborer avec les municipalités et c’est pour cela que nous avons commencé dans notre région de la baie de San Francisco. Il va falloir inventer de nouvelles technologies et tester des idées. Il y aura des erreurs de commises et il faudra beaucoup apprendre avant d’aboutir. À partir du moment où l’on a compris le monde à créer pour ta génération, nous avons la responsabilité en tant que société, de concentrer nos investissements vers le futur, pour que cela arrive. Ensemble, nous pouvons le faire. Et quand ce sera fait, l’enseignement personnalisé n’aidera pas seulement les élèves des bonnes écoles, cela donnera les mêmes chances à toute personne disposant d’une connexion internet. Pour beaucoup de gens dans le monde, Internet sert de ligne de vie. Pour ta génération, une grande partie des opportunités seront accessibles à partir du moment où chacun disposera d’internet. Les gens pensent souvent qu’internet est juste un divertissement et un moyen de communication. Mais pour beaucoup de gens dans le monde, internet sert de ligne de vie. En fournissant l’éducation quand il n’y a pas d’école. En apportant les informations nécessaires à la santé, pour éviter certaines maladies ou pour avoir des enfants en bonne santé, quand il n’y a pas de docteurs à proximité. Internet fournit des services financiers quand il n’y a pas de banque. Donne accès à l’emploi et à des opportunités professionnelles quand on ne vit pas dans un environnement économique favorable. Internet
est si important que pour 10 nouvelles personnes connectées, une personne sortira de la pauvreté et un nouvel emploi sera créé. Pourtant la moitié de la population mondiale, soit 4 milliards de personnes, n’ont toujours pas accès à internet. Si notre génération peut leur donner une connexion, nous pourrons alors sortir de la pauvreté, des centaines de millions de personnes. Nous pourrons aussi permettre à des centaines de millions d’enfants d’accéder à l’éducation et sauver des millions de vies en empêchant les gens de tomber malades. C’est un autre effort de long terme que l’on pourra mener grâce aux technologies de pointe et en travaillant ensemble. Nous devrons inventer des solutions techniques moins coûteuses pour connecter les zones encore non connectées. Il faudra travailler avec les gouvernements, les ONG et les entreprises. Il faudra accompagner les collectivités pour comprendre leurs besoins. Des gens compétents auront des points de vue différents mais nous ferons de notre mieux pour réussir. Tous ensembles, nous pouvons réussir et créer un monde plus juste. Construire des communautés humaines fortes et en bonne santé. La technologie ne pourra résoudre les problèmes toute seule. Concevoir un monde meilleur commence par la construction de communautés humaines fortes et en bonne santé. Les enfants ont davantage de possibilités quand ils peuvent apprendre. Et ils apprennent mieux quand ils sont en bonne santé. La santé ça commence très tôt, avec une famille aimante et une bonne alimentation dans un environnement stable et sûr. Les enfants qui traversent des épreuves traumatisantes tôt dans leur vie, ont souvent une santé mentale et physique plus fragile. Des études montrent que des bouleversements physiques ont une incidence sur le développement du cerveau et réduisent les capacités cognitives. Ta mère qui est médecin et éducatrice a déjà constaté cela. Les enfants en mauvaise santé ont du mal à développer tout leur potentiel. Quand on se demande si on aura à manger ou un toit, si on a peur d’être violé ou tué, il est difficile de se réaliser pleinement. Si tu as peur d’être envoyé en prison plutôt qu’au lycée à cause de ta couleur de peau, si ta famille risque d’être expulsée à cause de sa situation, ou si tu risques d’être battu à cause de ta religion, de ton orientation sexuelle ou de ton identité sexuelle, il est
alors difficile de te réaliser pleinement. Il est nécessaire que nos gouvernements comprennent que tous ces sujets sont liés. C’est la philosophie de la nouvelle école que ta mère est en train de créer. En travaillant en partenariat avec les établissements scolaires, les services de santé, les associations de parents et les pouvoirs locaux et en s’assurant que chaque enfant est bien nourri et soigné dès le plus jeune âge, nous pourrons résorber toutes ces inégalités. Et c’est seulement à partir de là que nous pourrons offrir l’égalité des chances. Cela prendra plusieurs années avant de vivre dans un monde meilleur, il y a tellement de choses que notre génération peut accomplir. Aujourd’hui, ta mère et moi nous engageons à consacrer nos vies à faire le peu que nous pouvons pour relever ces défis. Je vais continuer à diriger Facebook pour les nombreuses années à venir, mais ces sujets sont beaucoup trop importants pour que l’on attende que tu grandisses ou que nous vieillissons. Si on commence tant qu’on est encore jeune, on aura l’espoir de voir nos efforts se concrétiser. Chan Zuckerberg Initiative. Alors que tu démarres la prochaine génération de la famille Chan Zuckerberg, nous démarrons la Chan Zuckerberg Initiative, qui va réunir des gens du monde entier, afin de développer le potentiel humain et d’assurer l’égalité à tous les enfants de la prochaine génération. Nos domaines d’intervention privilégiés seront l’apprentissage personnalisé, le traitement des maladies, le développement des connexions à internet et la construction de collectivités solides. Nous allons céder 99% de nos parts de Facebook - soit près de 46 milliards de dollars – durant notre vie, pour réaliser cette mission. Nous savons que c’est une petite contribution comparée aux moyens et aux talents consacrés par ceux qui travaillent déjà sur ces sujets. Mais nous ferons ce que nous pourrons, tout en travaillant en parallèle avec beaucoup d’autres. Nous donnerons plus d’informations dans les mois à venir, dès que nous aurons trouvé notre rythme de vie familiale, à notre retour de congés maternité et paternité. Nous savons que vous avez des tas de questions sur nos motivations et sur la façon dont nous allons nous y prendre.
En devenant parents nous entrons dans un nouveau chapitre de nos vies, et nous en profitons pour remercier ceux qui ont rendu cela possible. Nous pouvons accomplir cela car nous avons derrière nous, un grand groupe solide. La construction de Facebook a créé les richesses nécessaires à la création d'un monde meilleur pour la prochaine génération. Chaque membre de la communauté Facebook joue un rôle dans ce projet. Nous pouvons relever ces challenges uniquement en soutenant les spécialistes – mentors et partenaires et tous les gens incroyables dont les contributions ont déjà servi à la construction de ces projets. Nous ne pouvons servir notre communauté, ni accomplir notre mission que si nous sommes entourés d’une famille aimante, d’amis encourageants et de merveilleux collègues. Nous vous souhaitons d’avoir autant de relations inspirantes dans vos vies. Max, nous t’aimons et nous avons la responsabilité de te laisser un monde meilleur, pour toi et tous les enfants. Nous te souhaitons une vie pleine d'amour, d’espoir et de joie à partager. Nous avons hâte de voir ce que tu vas apporter à ce monde. Avec tout notre amour, Maman et papa. Une lettre au-delà du transhumanisme. Or, lorsqu’il est question de santé où la confiance est un élément essentiel et décisif. Sommes-nous prêts à confier aux GAFAMII au-delà de nos données personnelles, même la partie la plus intime de notre vie, nos constantes vitales, voire notre ADN, jusque-là hors de leur portée ? Le pari du nouvel Eldorado des GAFAMII est d’ores et déjà cartographié et les concessions minières du gold rush sont en cours d’établissement sur la base de ce qui est appelé la Médecine 4P (préventive, prédictive, personnalisée et participative). Et les entreprises de la Silicon Valley ne veulent pas laisser passer leur chance d’en être les acteurs principaux. Les espoirs se fondent surtout dans la génomique, ou les progrès sont rapides et effectifs. Le coût des techniques de séquençage du génome ayant chuté drastiquement (passant de 3 millions de dollars il y a dix ans à 1 000 $ aujourd’hui), de nouvelles thérapies dites de précision ou personnalisées se développent.
Pour revenir au transhumanisme, ce substantif a été forgé en 1957 par le biologiste Julian Huxley. Frère d’Aldous Huxley, l’auteur du Meilleur des mondes, on pourrait s’attendre à ce que Julian Huxley, premier directeur de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, fût vacciné contre toute tentation eugéniste. Or, c’est tout le contraire. En 1941, au moment même où les nazis gazaient les malades mentaux, Julian Huxley écrivait avec une certaine audace : Une fois pleinement saisies les conséquences qu’implique la biologie évolution , elle, l’eugénique deviendra inévitablement une partie intégrante de la religion de l’avenir, ou du complexe de sentiments, quel qu’il soit, qui pourra, dans l’avenir, prendre la place de la religion organisée. En 1957 notre ami Julian dépose ce “nouveau principe” : « La qualité des personnes, et non la seule quantité, est ce que nous devons viser : par conséquent, une politique concertée est nécessaire pour empêcher le flot croissant de la population de submerger tous nos espoirs d’un monde meilleur. Il s’agit bien d’améliorer la “qualité” des individus, comme on améliore la “qualité” des produits, et donc, probablement, d’éliminer ou d’empêcher la naissance de tout ce qui apparaîtrait comme anormal ou déficient. Le better world de Julian n’est pas si éloigné du brave new world d’Aldous fortement inspiré dans son livre par la tempête de William Shakespeare. Les transhumanistes affirment pouvoir améliorer l'homme et ses capacités physiques et cognitives, réduire la souffrance, vaincre les maladies, ralentir le vieillissement et pourquoi ne pas supprimer la mort grâce à la technologie. Le projet phare des transhumanistes, l’élément essentiel de leur thèse NBIC (nano-bio-info-cognitif), est basé sur quatre technologies apparues au cours des dernières décennies : ● la nanotechnologie est la technologie qui permet de travailler au niveau moléculaire ; ● la biotechnologie correspond à l’ensemble des sciences du vivant ; ● les sciences de l’information; ● la cognition correspond aux sciences du cerveau, qui vont de la psychologie à l’intelligence artificielle en passant par les neurosciences.
S’il est dorénavant possible de redonner une vue partielle aux aveugles par des greffes d’implants rétiniens électroniques que les chirurgiens viennent placer dans le fond de l’œil , et s’il est possible d’imaginer un membre bionique du corps humain contrôlé par la pensée, connecté, capable de soulever des charges énormes, et si des implants intra corticaux aident à lutter contre les maladies neurodégénératives tels que l’Alzheimer et le Parkinson, et si Elon Musk développe en ce moment même en partenariat avec sa Start-Up Neuralink un implant cérébral capable de redonner la parole et la mobilité aux personnes paralysées, et si en exploitant les cellules-couches on arrivera à fabriquer des organes in vitro à l’aide d’imprimantes 3D, il faudrait s’attendre dans les années à venir au concept de l’humain augmenté. Nos pensées ne seront plus d’origine biologique, puisqu’elles émaneront d’un nuage artificiel en réseau gérés par les seigneurs des réseaux. Fabrice Hadjadj, écrivain et philosophe français, directeur de l'Institut Philanthropos a dit une fois que l’homme cherche un au-delà. Il est par essence transhumain. Mais comment s’accomplit le “trans” du transhumain ? Est-ce par la culture et l’ouverture au Transcendant ? Ou est-ce par la technique et la manipulation génétique ? Est-ce à travers le mystère de la parole ? Ou est-ce par la volonté de puissance ? La grandeur de l’homme est-elle dans la facilité technique de vivre ? Ou bien est-elle dans cette déchirure, dans cette ouverture comme un cri vers le Ciel, dans cet appel vers ce qui nous transcende réellement ? Remarquez qu’un transhumanisme dont l’homme serait le producteur n’est pas un vrai transhumanisme : il ne tourne pas vers l’au-delà de l’humain, mais vers l’“en-deçà”, réduisant l’homme à un objet technique performant. Or, la merveille de l’homme n’est pas dans sa performance, sans quoi il ne serait que prouesse mécanique et il faudrait mettre au rebut tous les faibles. Sa merveille est dans le mystère de sa présence étonnée. Elle n’est pas dans son efficience, mais dans l’épiphanie de son visage, quel qu’il soit, même si ce visage est difforme, même si c’est le visage d’un crucifié. Notre modernité en est donc arrivée à ce point extrême, parce que nous avons désormais la possibilité de réaliser concrètement le transhumanisme en termes techniques et de considérer les hommes
que nous sommes comme des bricolages archaïques et obsolètes. Mais cette dernière extrémité est aussi une grâce. Elle nous permet, par opposition, de mieux accueillir ce qui fait notre humanité : non pas un développement horizontal de notre puissance, mais une élévation verticale de notre parole. Il s’agit de poser la question de l’homme et de reconnaître que ce qui fait sa spécificité n’est pas d’être un super animal plus puissant que les autres, mais d’être ce réceptacle qui recueille toute créature avec amour, pour la tourner, par sa parole, par sa prière, par sa poésie, vers sa source mystérieuse. Dennis Gabor, prix Nobel de Physique, hongrois, a dit la chose suivante: « Tout ce qui est techniquement faisable, possible, sera fait un jour, tôt ou tard. ». Evidemment, aujourd’hui penser à créer un super humain semble être un objectif hors d’atteinte .Néanmoins cette théorie fait rêver et permet de relativiser les innovations actuelles, qui sont moins sensationnelles et les présenter par étapes comme des moyens permettant d’améliorer la santé sans que cela ne soulève aucune résistance dans la société. Le quantified-self est une de ces étapes. Il s’agit d’une forme d’auto surveillance permanente des individus, qui se développe grâce aux nouvelles technologies. Les smartphones, montres et autres objets connectés nous permettent de mieux nous connaître en mesurant les données relatives à notre corps et notre activité physique. Les implications positives que ces technologies peuvent avoir pour les patients et les professionnels de santé sont incontestables. Elles peuvent permettre le dépistage précoce de certaines pathologies, de prévenir des risques spécifiques ou tout simplement d’aider le médecin à suivre l’évolution d’un patient atteint d’une maladie chronique entre deux rendez-vous. Face au risque de réutilisation et de réinterprétation des données, il a été recommandé aux utilisateurs d'outils de quantified self de ne pas utiliser leur réelle identité pour partager leurs données, de ne pas automatiser ce partage vers d'autres services (réseaux sociaux, etc.), de ne publier les données qu'en direction de cercles de confiance et d'effacer ou de récupérer leurs données lorsqu'un service n'est plus utilisé. S'il s'agit d'une prétendue utilisation médicale (un suivi de pathologie, par exemple),
elle recommande de faire vérifier la fiabilité du dispositif par un professionnel de santé compétent. La séparation entre notre vie réelle et virtuelle, online, est de plus en plus serrée. Le quantified self a débuté avec les smartphones, qui deviennent prolongement de nous-même. D’ici une dizaine d’années, plusieurs centaines d’objets de la vie quotidienne seront connectés sans que nous y prêtions la moindre attention. Cette ultra connectivité a et aura forcément un impact sur notre mode de vie. La mémoire, par exemple, a évolué négativement depuis que certaines données, comme les numéros de téléphone (que nous retenions auparavant par cœur), sont immédiatement accessibles via les répertoires numérisés. Nous sommes donc en train de sous-traiter notre capacité humaine chez la technologie. L’Apple Watch, la Fitbit ou la Xiaomi Bip sont les principaux outils. Elles enregistrent des paramètres personnels (rythme cardiaque, tension, hydratation…). La dernière génération de ces montres possède des innovations inédites: elle peut détecter et alerter les secours en cas de rythme cardiaque anormal ou de chute. S’ajoutent à cela diverses applications : Respiration incite à faire un travail de relaxation pendant la journée et de la méditation en pleine conscience, Lifesum rappelle qu’il faut s’hydrater toutes les heures, Steaks qu’il faut manger sainement à tous les repas… Indissociables du hardware, les softwares d’Apple sont donc aussi en pointe dans le domaine de la e-santé. Health Kit, l’application santé d’Apple, qui permet de partager ses données d’activité et de santé avec des applications tierces, se trouve dans tous les IPhones, Apple Watch ou IPod et est donc utilisée au quotidien par l’ensemble des utilisateurs d’objets de la marque. Enfin, Researchkit permet aux utilisateurs qui le souhaitent de partager leurs données d’activité et de santé avec des chercheurs. Google-Alphabet est la première entreprise de la Silicon Valley à avoir investi massivement dans le domaine de la santé. Au moins quatre succursales d’Alphabet sont dédiées au secteur médical, notamment Verily, qui est la branche science et vie d’Alphabet. Alors que le 15 août 2018, Apple revendiquait plus de 75 organismes partenaires parmi les établissements de soins américains, sa participation au projet Fast Healthcare Interoperability Resources
(FHIR), destine à rendre interopérables les données de santé, devrait lui permettre de convaincre encore quelques hôpitaux de le rejoindre. Pour concurrencer Apple sur ce terrain, l’entreprise de Bill Gates a lancé un projet inédit dans l'e-santé au début du mois d'août 2018 : Microsoft a en effet créé un consortium avec Amazon, IBM, Oracle, Salesforce et Google pour faciliter l’interopérabilité des données de santé, avec le concours de l’association américaine de régulation des données de santé Direct Trust. Une preuve de plus de l’intérêt des GAFAMI pour ce marché d’avenir qui, pour rassurer leurs clients, emploient deux stratégies : la mise en place de politiques sociales et la création de fondations dédiées à la santé. Enfin, il ne faut pas oublier la fondation créée par l’inventeur de Microsoft, qui tient un rôle particulier sur la scène de la santé mondiale. La Fondation Bill et Melinda Gates, qui a plus de budget annuel que l’Organisation mondiale de la santé, est devenue la plus grande fondation caritative du monde et donc un acteur majeur de la santé. Elle a déjà versé plusieurs milliards de dollars dans l’International AIDS Vaccine Initiative pour le développement d’un vaccin contre le virus du SIDA et dans la lutte contre les maladies touchant particulièrement les pays du Sud comme la malaria, la dengue ou encore la poliomyélite. D’après un rapport de l’organisation non gouvernementale ‘’Global Justice Now’’ en 2016, la Fondation est fustigée pour ses liens avec les pratiques d’évasion fiscale de Microsoft, son manque de responsabilité, sa coopération étroite avec les multinationales, son soutien à des systèmes de santé et d’éducation privés et sa défense des plantes génétiquement modifiées. Néanmoins, ses apports conséquents au budget de l’OMS sont vitaux pour l’organisation, qui n’a d’autres choix que suivre l’agenda fixe par Bill Gates, son épouse et Warren Buffet avec un grand clin d’œil pour la Démocratie. Dans les années à venir, il est clair qu’un patient pourrait avoir le choix entre aller à l’hôpital public ou dans une clinique Apple, ou il aura de bien meilleures chances d’être diagnostiqué et soigné avec une médecine extrêmement technologique, mais en acceptant de laisser un chèque de toutes ses données vitales à l’entreprise.