ART FASHI ON CULT URE - N°3
SÉRIE NOIRE
Écrire avec ses tripes Parler avec son cœur Photographier avec passion Écouter, pour ne pas seulement entendre Communiquer sans compromis… Write with your guts Speak with your heart Photograph with passion Listen, not only to hear Communicate without compromise…
OU LA CONTINUITÉ DE L’ESPOIR BY MARIE JUNCKER-COTTEN
ZEBULE c’est comme un roman d’amour convulsif : depuis plusieurs mois et bientôt plusieurs années, des rencontres nous amènent chaque fois un peu plus loin. Initialement magazine web, il pouvait faire penser à une petite idylle sans lendemain… Finalement, grâce au soutien des photographes, rédacteurs, stylistes, attachés de presse, peintres, acteurs, producteurs, coiffeurs, maquilleurs, musiciens, amis et lecteurs, nous voici prêts et fers de vous dévoiler notre premier magazine papier distribué dans le monde entier ! A l’instar de Pierre Soulages, célèbre peintre du noir, de l’outrenoir et de la lumière, nous brûlons de désir que ZEBULE soit pour vous le magazine de l’ombre et de la lumière. Car comme le disait si justement May Sarton “Sans obscurité, rien ne naît, sans lumière rien ne s’épanouit…” Alors ouvrez ce numéro “Série noire” pour y découvrir notre palette de couleurs, de reliefs et de refets. Bienvenue dans la bulle de ZEBULE ! Champaaaagne !!! ZEBULE is like a convulsive love story: for several months and soon several years, our encounters take us a little further each time. Initially a web magazine, which might bring to mind a brief affair without a future... But at last, thanks to the support of photographers, writers, stylists, press attachés, painters, actors, producers, hair stylists, makeup artists, musicians, friends and readers, here we are, ready and proud to unveil our frst paper magazine distributed around the world! Like Pierre Soulages, the famous painter of black, of “Outrenoir” and of light, we burn with the desire that ZEBULE be your magazine of the shadow and the light. Because as May Sarton so aptly put it, “Without darkness, nothing comes to birth, as without light, nothing fowers.” So open this Série Noire issue to discover our palette of colours, our landscapes and refections. Welcome to the world of ZEBULE! Champaaaagne !!!
Thibault Grabherr
Sophie Faucillion
Fondateur de ZEBULE Magazine, Directeur de la Publication
Conseillère Editoriale
contact@zebulemagazine.com Maria Levant Marie Juncker-Cotten
Traductrice
Rédactrice en Chef et Directrice Photo mjuncker@zebulemagazine.com
Simone McKenzie Développement et communication aux Etats-Unis
Sébastien Kosinski
simonem@zebulemagazine.com
Directeur Artistique Print / Web Benoit Cotten David Turmine
Responsable pré-presse
Directeur Artistique Print Claudine Tzoanis Adelheid Blankestijn
Administratif
Rédactrice en chef Adjointe Ont collaboré : Kittiya Anjimakorn, Alexis Barbera, Jovei Blink, Pauline Bocquentin, Melissa Boucher, Vincent Bousserez, Thibault Breton, Cyril Burget, Diane Cazelles, Cécile Chatel, Toontham Chancholsamhut, Jonathan Cobb, Dima Dionesov, Adeline Gauvain, Boris Gayrard, Jocelyn Guillon, Yulia Lukashova, Daniel Meiner, Amélie Moutia, Sylvie Neves, Florent Petitfrere, Pichayasuda Pinyovitayawong, Raja, Marie Revelut, Juan Romero, Flavien Rousé, Marion Soyer, Jirat Subpisankul, ChoHang Siu, Jacques Uzzardi, Anouchka de Williencourt, Wil Wu, Yusuke, Gilles-Marie Zimmermann.
ZEBULE est une publication Trimestrielle édité par la société Le Pub des Créateurs N°3 de Juillet, Août, Septembre 2013 Société par actions simplifée au capital de 31 200 € Adresse du siège social : 18 rue Villeneuve, 92110 CLICHY RCS NANTERRE sous le numéro B 529 327 322 Numéro de TVA intracommunautaire : FR 06 444549349 E-mail : contact@zebulemagazine.com Gestion de la diffusion Internationale NUMERO0 Tel : + 33 9 82 42 63 09 marie@numero0.fr Export Pineapple Media All rights reserved. ISSN en cours Commission paritaire : en cours ISBN : 978-2-9545356-0-9 Dépôt légal à parution.
Commande en ligne : http://www.kdpresse.com/ZEBULEMAGAZINE/
SÉR IE N OIR E
SOMMAIRE COUVERTURE
Wakanda par Anouchka de Williencourt
RENCONTRES
Julien Fournié, de Z à A Octavio Pizarro : son pays et Paris
008
Wakanda Fashion Radiation Dark Silent Fallen Angels
022
Piquante Poésie L’Aigle Noir
072
F.S, confdentiel ou pure fction ! Le parfum : une hégémonie mystérieusement invicible La Petite Robe Noire : un symbole emblématique Le Dalhia noir, part d’ombre ou feur réminiscente
086
L’illuminatrice Diane Cazelles Les gisants s’abandonnant dans l’intensité des nuances La ronde de nuit de Melissa Boucher
104
69.13° N 51.06° 69.13° N
120
MODE
BEAUTÉ ATTRAPE-CŒUR
ART
VOYAGE
RE N
CONTR ES
de
É I N R U O F N E I JUL
à
BY MARIE JUNCKER-COTTEN PORTRAIT BY GILLES-MARIE ZIMMERMANN FASHION PHOTOGRAPHS BY THIBAULT GRABHERR
“
Singin about a revolution because were talking about a change its more than just evolution well you know you got to clean your brain the only way that we can stand in fact is when you get your foot of our back
”
NINA SIMONE
Voyages : “J’en ai plusieurs en prévision en Russie et en Amérique
Voyages: “I anticipate several to Russia and South America for
du Sud, pour la nouvelle campagne de publicité avec Dassault
the new public relations campaign with Dassault Systèmes. The
Systèmes. Le projet s’expatrie pendant trois ans : nous verrons du
project is emigrating for three years: we will see “Fournié Fashion
“Fournié Fashion Lab” dans le monde entier ! Ce sont des process
Lab” around the world! They are very complicated processes
très lourds mais qui me permettent de développer mon univers via
but which allow me to develop my universe via new
les nouvelles technologies. C’est très enrichissant de pouvoir
technologies. It is very enriching to be able to collaborate with
collaborer avec une telle équipe. Un jour, j’aimerais aussi organiser
such a team. Some day I’d like to organize fashion shows in
des déflés dans d’autres contrées, là où nous ne le faisons pas
other countries, where we don’t do them yet, to see how my
encore, pour voir comment y serait compris mon travail.”
work would be understood.”
Premiers Gênes : “J’ai enlevé tout ce qui était superfétatoire, tout
Early Hindrances: “I took out everything that was superfuous,
ce qui pouvait enlever la lisibilité de mes lignes, un peu à la
anything that could interfere with the legibility of my lines, a bit
manière d’un calligraphe japonais : en allant à l’essentiel et pour
in the way of Japanese calligraphy: by going to the essential,
être dans la justesse du trait, il faut un niveau de fnitions extrême,
and to be in the aptness of the line, you need an extremely high
réduire les couleurs, penser au graphisme et à la pureté. C’est
level of fnishing touches, to reduce colours, think of graphics
ma première collection avec aussi peu de couleurs.
and purity. This is my frst collection with so few colours.
09
Il y a du blanc, du noir, de l’anthracite, du nude et du bleu nuit.
There is white, black, anthracite, nudity and midnight blue.
Tout est épuré, très structuré : les poitrines et hanches sont mises
Everything is clean, very structured: breasts and hips are
en avant, les tailles rétrécies, les épaules petites et les jambes
emphasized, waists narrowed, shoulders small and legs even
sont d’autant plus allongées grâce aux sublimes talons en virgule
longer thanks to Walter Steiger’s sublime curved heels!”
de Walter Steiger !” Good-luck charm: “The pendant I always wear: the toreador Porte-bonheur : “Le pendentif que je porte toujours : la veste de
jacket my mother gave me long ago. That said, you can’t say
toréador que ma mère m’a offerte il y a longtemps. Cela dit, on
I’m materialist or superstitious. I become attached to people
ne peut pas dire que je sois matérialiste ou superstitieux. Je
rather than objects. Human relations are paramount for me.”
m’attache aux gens plutôt que de m’accrocher aux objets. Les rapports humains, pour moi, c’est primordial.”
Obsessions: “When you are creative you often keep telling the same stories, because the same obsessions keep coming back.
Obsessions : “Quand on est créatif, on raconte souvent les
Fortunately, there are different ways to get there and different
mêmes histoires car ce sont toujours les mêmes obsessions qui
universes in which we can make others voyage. Whatever it is,
reviennent. Heureusement, il y a différentes manières d’y arriver
creation remains a personal domain and it seems to me that it is
et différents univers dans lesquels nous pouvons faire voyager
important to stay true to what you are. At one of my
autrui. Quoiqu’il en soit, la création reste du domaine personnel
retrospectives, in Stockholm and Singapore, my obsessions
et il me semble que c’est important de rester en adéquation avec
jumped out at me: anatomic cuts, geometry, trompe-l’œil,
ce que l’on est. Lors de mes rétrospectives, à Stockholm et à
innovative materials, zippers, shaded or clashing colours,
Singapour, mes obsessions m’ont sauté aux yeux : découpes
feminine vulnerability, a futuristic vision of women, a natural
anatomiques, géométrie, trompe-l’œil, matières innovantes,
fuidity, clothing structure... Haute couture is clothing surgery!
zippers, dégradés ou choc des couleurs, vulnérabilité féminine,
Above all, I am obsessed with women (laughs). With my friend
vision futuriste de la femme, nonchalance des portées, structure
Nicolas Degennes we love to break down their gestures, habits,
du vêtement… La haute couture c’est la chirurgie du vêtement !
regards, makeup, their attitudes...”
Par dessus tout, je suis obsédé par les femmes (rires). Avec mon ami Nicolas Degennes nous aimons détailler leurs gestes, leurs
Fashion: “It’s serious, it’s a profession! We have to stop thinking
habitudes, leurs regards, leurs maquillages, leurs attitudes…“
only about the fashy side of fashion, reducing it to that. You need ten years to become a good designer because you can’t
Mode : “C’est sérieux, c’est un métier ! Il faut cesser de ne penser
create a whole universe in only two collections. Moreover, let’s
qu’au côté bling-bling de la mode, de la réduire à cela. Il faut
not forget that fashion gives us an image of the society of our
“La première chose que fait une personne qui trouve ou change de travail est d’adapter son vestiaire à ses nouvelles fonctions. Dire que l’habit ne fait pas le moine c’est faux !” “Te frst thing you do when you start work or change jobs is to adapt your wardrobe to your new position. To say that clothes don’t make the man is untrue !”
dix ans pour devenir un bon designer car on ne peut pas créer
time and that clothing is a non-verbal sociological message. It is
un véritable univers en deux collections seulement. Au
interesting to know how to study that aspect, too: for example,
demeurant, n’oublions pas que la mode donne une vision
the frst thing you do when you start work or change jobs is to
sociétale de notre époque et que le vêtement est un message
adapt your wardrobe to your new position. To say that clothes
sociologique non verbal. Il est intéressant de savoir étudier cet
don’t make the man is untrue!”
aspect là aussi : par exemple, la première chose que fait une personne qui trouve ou change de travail est d’adapter son
Mum: “She has a healthy perspective while being very happy
vestiaire à ses nouvelles fonctions. Dire que l’habit ne fait pas le
for me. The artistic path is always a bit harrowing for parents.
moine c’est faux !”
And yet, ending my medical studies to become a fashion designer neither disappointed nor surprised her, because she
Maman : “Elle a beaucoup de recul tout en étant très heureuse
had always seen me drawing, since I was three years old; I had
pour moi. La voie artistique est toujours un peu angoissante pour
my piano teacher’s diploma and I come from a family of artists:
des parents. Pourtant, arrêter mes études de médecine pour
my grandfather was project manager for Le Corbusier, my father
devenir designer de mode ne l’a ni déçu ni étonné car elle m’a
founded a rock group... So she absolutely didn’t prevent me
toujours vu dessiner depuis l’âge de trois ans, j’ai eu mon
from following this path, however she hoped I would prove
diplôme de professorat de piano et je suis issu d’une famille
myself. In the beginning, when it was diffcult, she was there to
d’artistes : mon grand-père était maître d’œuvre pour Le
support me, and now that my fashion house is developing, she
Corbusier, mon père avait fondé son groupe de rock… Elle ne
reminds me that it can all end quickly: protect myself from
m’a donc absolument pas empêché de suivre cette voie, elle
dangers, keep my head on my shoulders and continue straight
souhaitait en revanche que je fasse mes preuves. Au début,
ahead are her guiding words!”
quand c’était diffcile, elle était là pour me soutenir et maintenant que ma maison de couture se développe, elle me rappelle que
Loyalty: “Since the beginning I’ve worked with the same people:
cela peut vite s’arrêter : se protéger des aléas, garder la tête
Madame Jacqueline my seamstress, Jean-Paul Cauvin who I knew
sur les épaules et rester droit sont pour elle les maîtres mots !”
at Torrente, my assistant David, my artist friend Ambraude… I extol loyalty in friendship, in love, in work! And then in creating
Fidélité : ”Depuis mes débuts je travaille avec les mêmes
my fashion house I could choose who I wanted to work with, and
personnes : Madame Jacqueline ma couturière, Jean-Paul
the same people also chose me. Right now, I can trust my team
Cauvin que j’ai connu chez Torrente, David mon assistant,
completely and delegate without fear. Because you have to know
Ambraude mon amie artiste… Je prône la fdélité en amitié, en
that one of my faults is to be a control freak when it comes
amour, dans le travail ! Et puis en créant ma maison de couture
to details, fnishing touches. For a while I delegated very little.
j’ai pu choisir avec qui travailler et ces mêmes personnes m’ont
Since then my creative briefs have become much more concise
aussi choisi. A cet instant, je peux faire totalement confance en
and the understanding much quicker, so we always begin a little
mon équipe et déléguer sans crainte. Car il faut savoir qu’un de
later each time and fnish earlier. I am really far from the image-
mes défauts est d’être psychorigide quant aux détails, aux
making system and I fnd it very healthy to know how to get to
fnitions. Pendant un temps, je ne déléguais que très peu.
the point, surrounded by people who are dear to me, in order
Depuis, les briefs créatifs sont devenus beaucoup plus concis et
to be more purely creative -- and that can be felt, I think, through
la compréhension plus rapide donc nous commençons chaque
my creations.”
fois plus tard et fnissons plus tôt. Je suis vraiment loin du système de fabrication d’image et je trouve très sain de savoir aller à
Doubt: “Never. No doubts, no regrets. Since fear doesn’t avoid
l’essentiel, entouré de personnes qui me sont chères, afn d’être
danger I think you have to consecrate yourself fully to your projects,
dans une créativité plus pure et cela se ressent, je pense, au
believe in them, and take responsibility for your choices. Our
travers de mes créations.”
generation needs that. In any case, you have to love risk-taking to create a fashion house during an economic crisis, right? And each
Doute : ”Jamais. Ni doute, ni regret. La peur n’évitant pas le
collection is a challenge. A motto? Too fast, too furious.”
danger je pense qu’il faut se consacrer pleinement à ses projets, y croire et assumer ses choix de vie. Notre génération a besoin de cela. De toutes façons, il faut aimer le goût du risque pour monter sa maison de couture en pleine crise, non ? Chaque
collection
est
d’ailleurs
un
challenge. Une devise ? Too fast, too furious.” Critique : ”Elle est constructive. Un déflé, une collection c’est de la transpiration, de
“Ni doute, ni regret. La peur n’évitant pas le danger je pense qu’il faut se consacrer pleinement à ses projets, y croire et assumer ses choix de vie.” “No doubts, no regrets. Since fear doesn’t avoid danger I think you have to consecrate yourself fully to your projects, believe in them, and take responsibility for your choices.”
la souffrance, des rires, un investissement personnel et fnancier, des remises en question, de l’enthousiasme, l’envie de montrer quelque chose
Criticism: “It is constructive. A fashion show, a collection, is sweat,
en se livrant à nu tout en sachant que cela ne plaira pas à tout
suffering, laughter, a personal and fnancial investment, questioning,
le monde. Ce passage est obligatoire et nous permet
enthusiasm, the desire to show something while baring yourself --
d’apprendre, de progresser. Il faut savoir écouter la critique
knowing that it won’t please everyone. This step is obligatory and
pour la comprendre.”
allows us to learn, to progress. You have to know how to hear criticism to understand it.”
Col•re : ”Ca arrive mais deux heures après c’est oublié. Je ne suis absolument pas rancunier. Etant d’origine espagnole et de signe
Anger: “It happens, but two hours later it’s forgotten. I am not at all
astrologique bélier, j’ai tendance à crier assez fort pendant cinq
vindictive. Being of Spanish origin and of the astrological sign Aries,
minutes seulement. J’ai besoin d’extérioriser et de dire les choses :
I tend to shout rather loudly for just fve minutes. I need to get things
je crie quand ça ne va pas mais je sais être reconnaissant quand
out and say things: I yell when things aren’t okay but I know how to
tout va bien. Finalement dans les mauvais moments, je suis plus
be grateful when things are going well. In the end, at bad times,
énervé contre moi-même pour avoir mal expliqué une idée ou
I am more upset with myself for having badly explained an idea or
parce que je n’ai pas été assez attentif… On apprend de ses
because I haven’t been attentive enough... You learn from your errors,
erreurs, il faut savoir se remettre en question tous les jours.”
you have to know how to question what you’re doing every day.”
Barbe : ” Je porte la barbe depuis très longtemps, en été comme
Beard: “I’ve worn a beard for a very long time, summer and
en hiver et pour n’importe quelle circonstance. La première fois
winter and for any occasion. The frst time Jean-Paul Gaultier
que Jean Paul Gaultier m’a vu arriver avec la crête et la barbe,
saw me coming with this hair and this beard, he told me, ’You
il m’a dit ”Tu es beau comme ça, ne change rien !” Alors depuis,
are beautiful like that, don’t change anything!’ So I haven’t
je n’ai rien changé !”
changed anything since!”
Ami(e)s designers : ”Alexandre Vauthier, Christophe Josse,
Designer friends: Alexandre Vauthier, Christophe Josse, Maurizio
Maurizio Galante, Les On aura tout vu… Quoique l’on puisse
Galante, the On Aura Tout Vu designers… Whatever you may
dire, et que l’on apprécie ou non leurs univers, je peux vous
say, and whether or not you appreciate their universe, I can
affrmer que toutes ces personnes sont franches, honnêtes,
assure you that all these people are straightforward, honest,
respectueuses et talentueuses. Certes ils ne font pas de
respectful and talented. Certainly they make no concessions, like
concession, comme moi, mais ce n’est pas un mal ! Nous
me, but that’s not bad! We represent this “new wave of
représentons cette ”nouvelle vague de créateurs”, pour cela nous
designers” -- for that we have to support each other and that’s
devons nous soutenir et c’est ce que l’on fait : on ne se regarde
what we do: we don’t treat each other like china dolls, we don’t
pas en chien de faïence, on ne se fait pas de coups bas, on ne
make low blows, we don’t distrust each other. It’s just the
se méprise pas. A l’inverse, on arrive tous ensemble, conscients
opposite: we’re getting there together, conscious of the human
des valeurs humaines et créatives que nous partageons. Tout seul
and creative values we share. Alone you are nothing, unity is
on n’est rien, l’union fait la force !”
strength!”
Addict : ”Aux femmes ; au rimel qui coule ; à Jodelle Ferland et
Addictions: “To women; to mascara that runs; to Jodelle Ferland
Ellen Page ; à L’Arrache-cœur de Boris Vian ; aux flms d’horreur ;
and Ellen Page; to Heartsnatcher by Boris Vian; to horror flms;
à la paëlla de ma maman ; au bordeaux et au champagne ;
my mother’s paella; to Bordeaux wines and champagne; to
à Madame Jacqueline ; à la musique et plus particulièrement à
Madame Jacqueline: to music and especially Diana Ross, Ravel,
Diana Ross, Ravel, Ashford & Simpson, Dimitri from Paris,
Ashford & Simpson, Dmitri from Paris, Defected In The House;
Defected in the house ; aux comics américains ; aux chaussures
American comics, Walter Steiger’s shoes; Serge Lutens...”
de Walter Steiger ; à Serge Lutens…”
CTAVI PIZARR SON PAYS ET PARIS.
BY SIMONE MCKENZIE & SOPHIE FAUCILLION PHOTOGRAPHY BY THIBAULT GRABHERR
Né à Vida del Mar, près de Santiago, Octavio a été élevé dans une famille de juristes qui, en tout état de cause, appropriait à l’art, au design et à la mode une déférence absolue. Ses souvenirs d’enfance sont heureux et teintés de bleu, fuchsia et jaune citron. La lumière de l’été, la Cordillera de los Andes, l’océan et l’attention raffnée de sa grand-mère se sont progressivement répandus en étoffes galbant ses amours enfantins. Son obnubilation : conquérir Paris ! La ville incontournable pour assouvir l’envie de se réaliser dans la mode. Successivement assistant couture de la Maison Scherrer, directeur artistique chez Jacques Fath (avec toute la liberté que délivre une carte blanche), chargé du prêt-à-porter chez Guy Laroche, il acquiert l’indiscipliné dédale du fonctionnement d’une société, celui des studios de création et bien sûr, l’instinct stylistique. Mais laissons le parler… Born in Vida del Mar, not far from Santiago, Octavio was raised in a family of legal practitioners. This family valued art, design, and fashion above anything else. His childhood memories are fond ones, tinged with blue, fuchsia, and lemon yellow. The summer light, the Cordillera de los Andes, the ocean, and the refned attention his grandmother blessed him with slowly merged into the fabrics that draped his childlike delight. His obsessive ambition: to conquer Paris, the unavoidable city for those yearning to make it in fashion. Successively, he was assistant designer at Scherrer’s, art director at Jacques Fath fashion house (where he was given free rein), and head of ready-to-wear at Guy Laroche. This greatly contributed to his understanding of a company’s intricate functioning, as well as how creative workstations perform. It’s also how he acquired stylistic instinct. Let’s listen to what he has to say.
015
Courtesy of Octavio Pizarro
Quelle est l’influence de vos racines et éducation chiliennes
How have your Chilean roots and background influenced
sur votre savoir-faire ?
your design?
Pour concevoir mes collections, une partie de mon inspiration
My collections are inspired in part by my DNA, my country, and
me vient de mon ADN, de mon pays et du continent latino-
the Latin American continent. I’m always astonished by the
américain. Je suis toujours étonné par la puissance du “fait-main”
power of South America’s ’handmade’: no two products are the
de l’Amérique du Sud. Rien ne s’équivaut, c’est comme une
same. It’s all about perfect imperfections and learning to work
imperfection parfaite, où l’on apprend à connaitre des matériaux
new materials such as alpaca, which is still relatively unknown
tels que l’alpaga, peu connu en Europe. Des matières d’une
in Europe. There is an incredible modernity to these fabrics when
modernité improbable lorsqu’elles s’appliquent à la mode ! Pour
they are used in fashion! To me, it’s bringing together two worlds,
moi, c’est un mélange de deux mondes, deux façons de voir la
two ways of seeing reality, beauty, and life. To separate the two
réalité, la beauté et la vie. En les dissociant, on perd de la
weakens the outcome. That’s why my collections are modern
puissance : d’où ces collections modernes et insolites dans un
and unusual, they are written in my own language.
langage qui m’est propre. What inspired you to work in fashion? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la mode ?
I’ve always loved fashion, the energy in this line of work and
J’ai toujours aimé la mode, l’énergie présente dans ce travail,
that of the artists, photographers, designs and trends. To me, art,
celle des différents artistes et photographes, modèles et
design, and decoration are essential: when I start off on a
tendances. Pour moi, l’art, le design et la décoration sont
collection, I spontaneously draw the shape that I’ve had in mind
essentiels : lorsque je commence une collection, je dessine
and then substantiate it through lines, proportions and volumes.
spontanément la forme qui m’obnubile et je la personnalise à travers la ligne, la proportion et le volume. Quels grands créateurs ont été pour vous une inspiration et pourquoi ?
Who were some of the designers you were inspired by and why? Yves Saint Laurent, for the way he beheld women. His modernity, his chic tracing that is so French. Alexander McQueen for his volumes and technique, his torment and his enthusiasm in using
Yves Saint Laurent, sa façon de voir la femme, sa modernité, sa
innovative fabrics for his collections.
ligne chic tellement française. Alexander McQueen pour ses
Mrs Vionnet, for the way she constructs her pieces, the timeless
volumes, sa technique, son âme torturée et son enthousiasme
modernity she has, up until this day!
pour l’utilisation de nouveaux matériaux dans ses collections. Mme Vionnet, pour la construction de ses pièces, sa modernité
After working for Jean Louis Scherrer, Jacques Fath and Guy
surpassant le temps... jusqu’à ce jour !
Laroche, what key lessons did you learn from each fashion house?
Après avoir travaillé avec Louis Scherrer, Jacques Fath et Guy Laroche, quelles leçons essentielles avez-vous apprises dans ces maisons ?
My frst job as an assistant at Scherrer’s taught me how a fashion house is properly operated. For instance, I’ve learned about internal policy, the way people work. I was initiated to Lesage embroidery and to the different fabrics: a useful knowledge to
Mon premier emploi en tant qu’assistant auprès de la Maison
acquire since I still use it today. My second work experience
Scherrer m’a appris le bon fonctionnement d’un maison de
was with Jacques Fath, where I was the art director for four
couture : sa politique interne, sa façon de travailler. Je me suis
years. It was an excellent opportunity, since I had free rein in
initié à la broderie de Lesage, aux différentes étoffes : un
the creative process. I was also confronted to internal issues as
apprentissage utile représentant la base de mon travail. Ma
a designer and a sales executive. I’ve learned to honour the
seconde expérience est celle des quatre années en tant que
image of an institution such as Jacques Fath. The third fashion
directeur artistique chez Jacques Fath. Une excellente opportunité,
house was Guy Laroche! This was also an essential experience
car j’avais carte blanche dans le processus de création.
because of its technical aspects. I had to tackle cost problems
J’ai aussi été confronté aux problèmes internes en évoluant en
by simplifying the collection. It’s a skill that’s still of use today, as
tant que créateur et responsable commercial. J’ai appris le
my collections need that same performance.
respect de l’image d’une grande maison telle que Jaques Fath. Ma troisième maison, c’était Guy Laroche ! Une expérience également essentielle car plus technique : j’ai dû faire face à la résolution de problèmes de coûts, en élaborant une collection plus épurée. Cette expérience me sert encore, car mes collections exigent les mêmes performances. Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer votre propre collection en 2005 ? Mon propre langage, ma maturité en tant que créateur, le désir de montrer mon point de vue sur la mode. Et puis, de nouvelles propositions se présentent dans la vie, l’occasion de faire quelque chose de frais et de novateur... Quels sont les obstacles que vous avez dû surmonter lors du lancement de votre collection, et comment avez-vous procédé ? La mode est un art appliqué, et en tant que tel des capitaux sont nécessaires aux rapides rendements de l’entreprise. C’est un problème que rencontrent de nombreux créateurs indépendants. S’ajoute le problème du montant de la production lié aux petites quantités et aux délais de production. Une bonne équipe est primordiale, un designer ne peut exister seul !
What motivated you to launch your own line in 2005? My own discourse, my maturity as a designer, the desire to show my point of view on fashion. Also, new overtures that come forth in life, enabling me to do something fresh and new… What obstacles did you encounter when you launched your own line and how did you overcome them? Fashion is a form of applied arts. Hence, capital is needed for rapid return on investment. It’s a problem many independent designers face. On top of this, production amounts are also an issue, in relation to small quantities and production deadlines. A good team is of the essence, a designer cannot perform on his own! What’s your advice for young designers looking to launch their own line? They need a clear picture of the project, quality of fashioning, funding, and above all a sales team. This is more important than the press service in the beginning. How diffcult is it working with alpaca and creating scarves, stoles and intricate knits with this material?
Que conseilleriez-vous à de jeunes créateurs qui souhaitent
Alpaca has only been used for a few years now. Buyers didn’t even
lancer leurs propres collections ?
know about its origins. Depending on quality, the wool is more or
Un projet clair, la qualité dans la confection, des fonds et surtout une équipe de vente, qui est plus importante que la presse au commencement.
less soft to the touch. It’s different from cashmere in its thermal characteristics and it’s easy to work. It’s an outstanding material. Has travelling infuenced your design?
C’est diffcile de travailler l’alpaga ? De faire des écharpes,
Absolutely. My life is spread out over different cities: Santiago,
des étoles et des tricots compliqués avec ce matériau ?
London, Paris, Lima, and Buenos Aires. In order to be inspired,
L’alpaga n’est vraiment utilisé que depuis quelques années. Je pense être l’un des premiers créateurs à travailler ce matériau. Les acheteurs ignoraient jusqu’à son origine. C’est une laine plus ou moins douce selon la qualité qui diffère du cachemire par ses qualités thermiques et sa facilité à manipuler. C’est une matière d’exception.
I need to be touched by the culture, the history, and appearance of the places I go to on my adventures as a tourist. Which are your early childhood memories around fashion and did you always know you wanted to be a designer? My grandmother was the one who played the biggest role in
Vos voyages ont-ils infuencé votre travail ? Absolument. Ma vie est partagée entre plusieurs villes : Santiago, Londres, Paris, Lima et Buenos Aires. Lors de mes aventures touristiques, j’ai besoin d’être touché à la fois par la culture, l’histoire et l’image du lieu afn d’inspirer mon travail. Quelles sont vos souvenirs d’enfance liés à la mode et avez-vous toujours voulu devenir créateur ?
my childhood: the way she dressed, her jewellery, her love of fashion, and her furs. She was exquisitely feminine. These memories of her will never leave me. Besides, my mother inherited her refnement. Since I was a child, I’ve always been interested in art, design, and French culture. What I wanted to be as a child was a painter. This love of painting has morphed into my love of fashion, to which I have always been drawn. At age fourteen, I started drawing. At age seventeen, I did my frst show and when I was twenty, I had my frst showroom.
C’est ma grand-mère qui a le plus marqué mon enfance : sa façon de s’habiller, ses bijoux, son amour de la mode, ses fourrures et son exquise féminité. Des images à tout jamais imprimées dans ma mémoire. D’ailleurs ma mère a hérité de ce raffnement. Depuis que je suis tout petit, je me suis toujours intéressé à l’art, au design et à la culture française : enfant, je voulais être peintre. Cet amour du dessin s’est transformé en amour de la mode, un domaine qui m’a toujours attiré. À quatorze ans, j’ai commencé
How would you describe the Octavio Pizarro woman? I like women with a strong personality, who work and are independent, who hold their own opinions, love fashion, love to seduce and know what they want! What would your style advice be for women?
à dessiner. À dix-sept ans, j’ai fait mon premier déflé et à vingt
A beautiful black dress, always. A reexamined dinner jacket, a
ans, j’ai eu mon premier show-room.
black leather coat. I like large scarves, and I like shoes and bags. Accessories are essential!
Comment décririez-vous la femme Octavio Pizarro ? J’aime la femme au caractère bien trempé, professionnelle, indépendante, avec ses propres opinions, qui aime la mode, qui aime séduire et sait ce qu’elle veut ! Quels seraient vos conseils de style pour les femmes ? Toujours une belle robe noire, un smoking revisité, un manteau de cuir noir. J’aime les grandes écharpes, les chaussures et les sacs. Les accessoires sont essentiels !
Désormais à son compte, achevant sa troisième collection de prêt-à-porter et accessoires, Octavio Pizarro se nourrit de la ville où la mode ne meurt jamais car ses ressources ne cessent de l’inspirer. Son désir le plus fort est de répandre son talent et de le faire grandir à travers la “fashion sphère” ! Now set up on his own and fnishing his third collection of ready-to-wear fashion and accessories, Octavio Pizarro feeds of the city where fashion never dies and inspiration arises naturally. His strongest desire is to let his talent spread and expand over the fashion sphere!
MO D E
PHOTOGRAPHER: ANOUCHKA DE WILLIENCOURT REALIZATION: MARIE JUNCKER-COTTEN & MARIE REVELUT Dress: Bernhard Willhelm - Necklace: Césarée - Bracelet: Vincent Richard de Latour
023
Skirts: Azzedine Ala•a - Necklace and bracelets: Vincent Richard de Latour - Scarf: Ambas
Top: Martin Grant Hat: Augustin Teboul Pants: Jean-Claude Jitrois Belt: Paule Ka Shoes: Limi Feu Necklace: Vincent Richard de Latour
Jacket: Franck Sorbier Handbag: Cartier
Dress and vests: Azzedine Alaïa Belt: Véronique Leroy Shoes: Limi Feu
Dresses: Karoline Lang and Paule Ka - Shoes: Hexa by Kino - Gaiters: Augustin Teboul
Model: Marion Soyer Photo assistant: Sylvie Neves @ studio Daguerre Hair and Make-Up: Raja Producer: Marie Juncker-Cotten Dress: Azzedine AlaĂŻa - Top: Peachoo + Krejberg - Legging: Augustin Teboul - Shoes: Vic Matie
PHOTOGRAPHER: VINCENT BOUSSEREZ REALIZATION: MARIE JUNCKER-COTTEN
Shirt and skirt: Julien Fournié - Shoes: Walter Steiger - Necklace: Césarée - Tulle: Repetto
Dress: Julien Fournié Shoes: Walter Steiger Necklace and bracelet: Césarée
Playsuit: On Aura Tout Vu - Handbag: Kobja - Necklace: Césarée - Watch: Nina Ricci
Dress and shoes: Franck Sorbier - Bracelet ”Clou”: Cartier
Dress: Clarisse Hieraix - Shoes: Christian Louboutin
Dress: Serkan Cura - Bracelet: Vincent Richard de Latour
Model: Olga R. @ Crystal Accessories stylist: Marie Revelut Make-Up: Jacques Uzzardi with Nars cosmetics Hair: Juan Romero Make-Up assistant: Amélie Moutia Stylist assistant: Cécile Chatel Producer: Marie Juncker-Cotten Special thanks to Cyril Burget
Dress: Clarisse Hieraix - Shoes: Christian Louboutin - Necklace: Césarée
Dark PHOTOGRAPHER: FLORENT PETITFRERE REALIZATION: JOVEI BLINK
Windbreaker: Sailor - Skinny jeans: Cheap Monday - Boots: Jeremy Scott
Top: Boris Bidjan Sabri Blazer: Black Barrett by Neil Barrett Shorts: H&M Sneakers: Puma
Vintage sweater: Maison Martin Margiela Skinny jeans: Cheap Monday Shirt and studded biker custom stylist’s own Boots: Jeremy Scott Necklace: Jimmy Choo
Shirt: Alexander McQueen - Coat: Maison Martin Margiela - Tie and kilt: Jovei Blink - Oxfords: DSquared2 - Beanie: Comme des Fuckdown - Sunglasses: Ksubi
Top: Rick Owens Skirt: Jovei Blink Boots: Jeremy Scott Necklace: Jovei Blink
Shirt: Alexander McQueen Coat: Maison Martin Margiela Tie and kilt: Jovei Blink Oxfords: DSquared2 Beanie: Comme des Fuckdown Sunglasses: Ksubi
Shirt and sweater: McQ by Alexander McQueen - Kilt and tie: Jovei Blink
Top: H&M Kilt: Jovei Blink Coat: Maison Martin Margiela Oxfords: DSquared2 Shirt with badges, eye-patch and hat all stylist’s own
Model: Dima Dionesov @ Rad Model Management Hair & Make-Up: Wil Wu Photo Assistant: Jonathan Cobb
PHOTOGRAPHER : THIBAULT GRABHERR REALIZATION : JIRAT SUBPISANKUL WITH MARIE JUNCKER-COTTEN
Dress and shoes: Sanshai
059
Total look Phinitnan Kanghae
Dress: Chatnupon Kuechan - Necklace: Phinitnan Kanghae
Top, skirt and necklace: Wisharawish Akarasan
Total look: Natnicha Opassuksa
Left - Total look: Purinu Wongsathapornsakul Right - Top and hat: Atip Chookiat
Model: Kusuma @ Apple Model Management Hair: Toontham Chancholsamhut Make-Up: Kittiya Anjimakorn Stylist assistant: Pichayasuda Pinyovitayawong Producer: Flavien RousĂŠ with Daniel Meiner @ Wilhelmina One Thailand
SP
ATELIER - BOUTIQUE SANDRINE PHILIPPE 6, rue Hérold - 75001 Paris www.sandrinephilippe.com
BEAU
T
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PHOTOGRAPHER: THIBAULT BRETON - MAKE-UP ARTIST: JACQUES UZZARDI
075
Model: Amandine @ Women Management Photo assistant: Adeline Gauvain Post Production: Jocelyn Guillon
PHOTOGRAPHER: CHOHANG SIU HAIR & MAKE-UP: JUAN ROMERO WITH REDKEN PRODUCTS MODEL: YULIA LUKASHOVA
AT TRAPE
CÃŽU R
FRANCK SORBIER
Confdentiel pure ou
BY SOPHIE FAUCILLION ILLUSTRATIONS BY PAULINE BOCQUENTIN@ABEL14 PORTRAIT BY ALEXIS BARBERA
Un matin du brumeux mois de mars, je rencontrais Franck Sorbier, le plus confdentiel prisme de la planète Couture. 1942, “La Chanson du Vitrier” noircit le Moleskine de Prévert. 2000, FS présente ses manipulations de froissements d'étofes aux sombres mouvements d'ourlets dans les jardins de la Fondation Cartier. L'homme, c'est certain, est un alchimiste du noir ! Posséderait-il le ténébreux romantisme de Roméo ? “J'ai le manteau de la nuit pour me soustraire à leur vue.”(1) One morning of a foggy March, I met Franck Sorbier, the best kept secret prism on Planet High Fashion. In 1942, “La chanson du vitrier” (“Te Song of the Glazier”) blackened Jacques Prévert’s notebook. In 2000, FS presented his crumpled fabrics with sombre hemline movements in the gardens of the Cartier Foundation. Te man, it is certain, is an alchemist of black! Does he possess Romeo’s mysterious romanticism? “I have night’s cloak to hide me from their eyes.”(1)
fction ! Intérieur nuit : un café rue du Faubourg Saint-Denis
Night interior: a café on the rue du Faubourg Saint-Denis.
FS est assis seul à une table de quatre, quatre verres de whisky
FS sits alone at a table for four, four whisky glasses having
abusés de ses lèvres. Son regard divague, il pense à cette flle
fed on his lips. His glance roams, he thinks of the girl who
disparue, celle qu'il avait aperçue un soir il y a dix ans. Son œil
disappeared, the one he’d caught a glimpse of ten years
se discipline et replonge dans “Le Grand Sommeil”, un collector
ago. His eye catches itself and returns to The Big Sleep,
de la “Série noire” de la grande époque de Marcel Duhamel :
Raymond Chandler’s classic from the great epoch of
“Elle se leva lentement, et s'approcha en ondulant dans sa robe
hardboiled detective thrillers: “She got up slowly and swayed
noire collante de tissu mat. Elle avait de longues cuisses, et elle
towards me in a tight black dress that didn't reflect any light.
marchait avec un certain petit air que j'avais rarement remarqué
She had long thighs and she walked with a certain something
chez les libraires. Elle était blond cendré, les yeux gris, les cils
I hadn't often seen in bookstores. She was an ash blonde with
faits, et ses cheveux en vagues arrondies découvraient des
greenish eyes, beaded lashes, hair waved smoothly back
oreilles où brillaient de gros boutons de jais. Ses ongles étaient
from ears in which large jet buttons glittered. Her fingernails
argentés. Malgré son attirail, elle devait être beaucoup mieux
were silvered. In spite of her get-up she looked as if she
sur le dos. Elle s'approcha de moi en déployant un sex-appeal
would have a hall bedroom accent.She approached me with
capable d'obliger un homme d'affaires à restituer son déjeuner,
enough sex appeal to stampede a business men's lunch and
et, secouant sa tête, remit en place une boucle de cheveux doux
tilted her head to finger a stray, but not very stray, tendril of
et brillants... pas très dérangée d'ailleurs. Elle eut un sourire
softly glowing hair. Her smile was tentative, but could be
hésitant qu'on n'aurait pas eu de mal à rendre aimable.”(2)
persuaded to be nice.”(2)
Fondu au noir
Fade to black.
Extérieur nuit : quartier latin.
Night exterior: Latin Quarter.
FS marche, ombre fantomatique, ne sachant où aller ni que
FS walks, a shadow phantom, not knowing where to go or what
choisir. Sa seule obsession, revoir un sourire rouge sanguin de
to choose. His only obsession to see again the blood-red smile
femme vêtue de noir : l'Arlequin, Action Ecole, le Champo ?
of a woman in black – which cinema: l'Arlequin, Action Ecole,
Fritz Lang, Alfred Hitchcock, Orson Welles ? Non ! Son humeur
le Champo? Fritz Lang, Alfred Hitchcock, Orson Welles? No!
a un arrière-goût trop amer.
The aftertaste of his mood is too bitter.
Fondu au noir.
Fade to black.
087
Intérieur nuit : cinéma l'Action Christine.
Night interior: the Action Christine cinema.
Le regard de FS se fond vers le trouble sourire clownesque d'un
FS’s glance dissolves in the troubled clownish smile of a mixed-
dahlia noir se perturbant dans les affres d' “Une nuit du chasseur”,
up black dahlia in The Night of the Hunter, in The Enforcer,
dans “Le vent à abattre”, auprès d'une femme dangereuse “They
near a dangerous woman, They Drive by Night: “Someone
drive by night “: “Quelqu'un a-t-il une allumette ?”(3)
got a match?”(3)
FS ressent soudain l'urgence de s'enfuir de la trop pesante
FS has the sudden urge to fee the oppressive obscurity of the
obscurité de la petite salle noire.
small dark cinema.
Fondu au noir
Fade to black.
Extérieur nuit : 4, rue Christine
Night exterior: 4, rue Christine.
FS sourit et repense à ce vieux flm de 1932 : “Une allumette pour
FS smiles and thinks again of the old 1932 flm: Three On a
trois”... Bogey, trench-coat, chapeau mou, Helmut Newton... FS
Match... Bogey, trench coat, trilby, Helmut Newton... FS had
avait été voir, il y a de cela un an, sa rétrospective au Grand
been to see it, the year before, at the Grand Palais retrospective.
Palais. Mais le poétique noctambule que Paris ne cesse de hanter
But the poetic night owl haunted by Paris decides to make for
décide de fler vers Belleville... Vers Brassaï ! Les rues Ramponeau,
Belleville… To Brassaï! The streets Ramponeau, Denoyez and
Denoyez et celle des Envierges dévorent le crépuscule déjà bien
that of the Envierges devour the advancing twilight: “Night is not
entamé : “ La nuit n'est pas le négatif du jour ; les surfaces ne
the negative of day; surfaces do not cease to be white for
cessent pas d'être blanches pour devenir noires : en réalité, se
becoming black: in reality, they are the same.”(4) Isn’t this what
sont les mêmes images.” N'est-ce pas ce qu'expérimentent Goya
Goya and Géricualt experimented with, their brushstrokes
et Géricault lorsque leurs traits nous confrontent à la réalité obscure
confronting us with the obscure reality of the absurdity of our
de l'absurdité de nos guerres et de nos naufrages ? FS s'illumine
wars and wrecks? FS is illuminated in dark romanticism:
dans le romantisme noir : “Le romantisme est une grâce, céleste
“Romanticism is a grace, celestial or infernal, to whom we owe
ou infernale, à qui nous devons des stigmates éternels.”
eternal stigmata.”(5)
Fondu au noir
Fade to black.
Intérieur nuit : métro
Night interior: the Parisian métro.
(4)
(5)
Montée de l'aube, il est temps de rejoindre Victor Hugo : “Nous
Dawn rises, time to rejoin Victor Hugo: “We have no other
n'avons pas d'autre choix que le noir.”(6)
choice but black.”(6)
FS ferme les yeux.
FS closes his eyes.
Si les surréalistes font orgie de l'inconscient, de l'ivresse et du
If the Surrealists made an orgy of the unconscious, of intoxication
rêve pour mieux fonder la création dans le parachèvement et le
and dreams, to better meld creation in the perfection and the
triomphe du romantisme, j'étais certaine en sortant du 106,
triumph of romanticism, I was certain on leaving 106, boulevard
boulevard de Sébastopol que Franck Sorbier, le “drôle
de Sébastopol, that Franck Sorbier, that funny chap, confronts
d'oiseau”, se confrontait de même aux anges du bizarre !
the angel of the odd!
(1) (2) (3) (4) (5) (6)
ÒRoméo et JulietteÓ, Shakespeare ÒLe grand sommeilÓ, Raymond Chandler Humphrey Bogart ÒParis la nuitÓ, Paul Morand Charles Baudelaire Victor Hugo
LE PARFUM
Une hŽgŽmonie mystŽrieusement
invincible Au 18’s, Néferten, fls de Ptah et de Sekhmet, mit à bas à Paris
In the 18th century, Nefertem, daughter of Ptah and Sekhmet,
sous un étal du marché à poissons, un homme qui compta parmi
gave birth to a boy in a fsh market stall in Paris. He was to
les plus doués et les plus tristement célèbres de son époque :
become very gifted and equally notorious under the name Jean-
Jean-Baptiste Grenouille. Son royaume : l’évanescent panthéon
Baptiste Grenouille. The king in the realm of evanescent scents.
des odeurs !
“Il était avide, son but était de posséder tout ce que le monde pouvait ofrir comme diférentes senteurs, à la seule condition que ces senteurs soient nouvelles ! Des milliers et des milliers d’odeurs formant un invisible mélange dont il disséquait les plus infmes particules.”(1)
“He was eager, his obsession was to possess everything the world could ofer him in terms of diferent scents. His sole condition was the scents should be novel ones! He created invisible blends with thousands and thousands of essences, dissecting up to their tiniest particles.”(1)
(1) Patrick Süskind, « Le Parfum », trad.de l'allemand p. Lortholary B. Paris, Fayard, 1986.
Que ferais-je sans elle ? Ton odeur ! Si l’on n’écoute plus ou ne se souvient plus ce que de vieilles mains racontent, plus mystérieuse, plus impalpable, plus inefable, la mémoire olfactive est presque terrifante de par les souvenirs mémorables qu’elles propagent à travers notre chair. Oui ! Les odeurs se moquent du temps et possèdent l’infernal pouvoir de nous soumettre ou de rêveusement nous abandonner à de profonds désirs. Aux cours de mes pérégrinations j’ai croisé et tenté quatre nez, plus imposant même que celui de Cyrano : celui associé de Nose, ceux uniques d’Arty Fragrance et du Labo et celui totalement amoureux du verbe, Passion Papier.
(2) Elisabeth de Feydeau
What would I do without it? Your scent! If we no longer listen nor remember what the elders tell us, beware. What’s more mysterious, less tangible, just as inexpressible? Olfactory memory has an almost terrifying quality. Te vivid recollections it brings back to mind and body. Indeed, fragrances are impervious to time and have the devilish faculty to subdue us, or persuade us to dreamily give in to our profound desires. On my wanderings, I met and successfully cajoled four “noses”- even more impressive than Cyrano’s: the frst one is a partner at Nose. Ten came the remarkable ones with Arty Fragrance and Labo, and another one with Passion Papier, completely enamoured with words.
Premi•re tentation...
First Temptation...
Sis au 20, rue Bauchemont dans le 2ème arrondissement de Paris,
Located at 20, rue Bauchemont in Paris’ second arrondissement,
Nose est un concept store, né sous l’impulsion de trois mystérieux
Nose is a concept store. Brought into being by the initiative of
fous fascinés par les senteurs : Nicolas Cloutier Romano Ricci et
three mysterious men, all madly fascinated by fragrances:
Mark Buxton. Espace consacré à la beauté olfactive et boutique
Nicolas Cloutier, Romano Ricci, and Mark Buxton. The place is
“one line”, Nose est totalement sanctifé aux marques de
devoted to olfactory beauty and also has an online boutique.
créateurs et obnubilé par l’intime idée maîtresse d’établir un
Nose is exclusively devoted to creative brands, and it’s consumed
diagnostic parfum (une base de données unique au monde). Il
by the main thrust of establishing a perfume diagnostic using a
est certain que les trois compagnons parcourent le monde tel un
unique database. Certainly not unlike a Jean-Baptiste Grenouille,
Jean-Baptiste Grenouille voulant capturer toutes les odeurs :
the three friends travelled the world intent on capturing all its
résultat une sélection de plus de 50 nez audacieusement rares,
exhalations. The harvest is a selection of more than ffty daringly
de cosmétiques et de parfums d’ambiance emblématiques. Alors
rare fragrances, signature cosmetics and emblematic environment
identifez vous olfactivement et formulez vos désirs de bouquet
scents. So do not hesitate, fnd your olfactory self and express
sur le www.nose.fr !
your desire for perfume at www.nose.fr
Seconde tentationÉ
Second Temptation...
“Les parfums possèdent cette magie de nous transporter en moins
"Fragrances can magically transport us elsewhere within a split
d’une seconde leurs nuances, leurs accents, leurs vibrations nous
second. Their nuances, their accents and vibrations sweep us
entraînent, tantôt dans le passé, tantôt vers l’avenir. Echo entre le vécu
away either into the past or the future. As an echo between
et le revécu, ils provoquent le réveil de la mémoire et sont des
experience and reminiscence, they awaken memories and stir
bouillonnements de vie ancienne c’est cette présence dans l’absence,
up images of past lives. It is this presence within the absence
qu’il m’a plus de recréer.”(2) On ne présente plus Elisabeth de Feydeau
that I enjoyed creating.”(2) Elisabeth de Feydeau needs no
et j’espère qu’un jour vous aussi vous aurez la chance de l’écouter
introduction and I hope that you too will get to hear her speak
évoquer sa passion des odeurs. Auteur de plusieurs éditions
of her passion for fragrances. She is the author of several
consacrées aux fragrances et pour un temps responsable des affaires
publications on fragrances and was formerly Cultural Affairs
culturelles chez Chanel et Bourgeois, elle met en place et gère le
Director at Chanel and Bourjois, for whom she founded and still
conservatoire. Véritable chercheuse des odeurs oubliées, elle crée
manages the conservatory. She chases lost fragrances and is
“Arty Fragrance”, une collection de bougies authentiques et inspirée
the originator of "Arty Fragrance", an exclusive collection of
en particulier de la vie, des coutumes et des jardins du château de
candles inspired particularly by the Palace of Versailles’ lifestyle,
Versailles. Flammes réanimant l’art de vivre à la française au temps
etiquette, and also its gardens. These candle fames reignite the
des rois, ces odeurs pendant des siècles consumées, se redifusent
quintessentially French art of living in the era of kings. The scents
grâce à l’exhumation d’anciens écrits dont celui du royal parfumeur
of centuries past are brought back to life by historic texts,
de Marie Antoinette. Composé de deux collection, l’une inspirée de
including those by Marie Antoinette’s royal perfumer. There are
la cour (“La Fleur du Roy”, “Délice des Libertins”, “Le Rêve de la
two collections, one inspired by the court ("La Fleur du Roy",
ème
Reine”) et l’autre évoquant l’esprit baroque de la France du 18
"Délice des Libertins", "Le Rêve de la Reine") and one evoking
siècle(“La Montespan”, “Barocko”, “Les précieuses”), ces fammes
the baroque spirit of 18th-century France ("La Montespan",
audacieusement intemporelles vous ferons oublié le temps d’une
"Barocko", "Les précieuses"). These timeless candles will dismiss
consumation d’une mèche d’Arty Fragrance votre abris quotidien,
from your mind the notion of time, as the Arty Fragrance candle
même s’il ne s’agit que d’une petite chambre de bonne.
burns in your daily abode, even if yours is just a maid’s chamber.
Troisième tentation...
Third Temptation…
Du numéro 6, 7, 8 peu importe, Le Labo envoute de fragrances
Number 6, 7, or 8. No difference at all. Le Labo captures the
improbables la rue de Bourbon Le Château. Filtres magiques, elles
improbable fragrance of Rue de Bourbon Le Château. These
prospèrent viscéralement du carré Buci à la place Furstenberg.
magic flters will transport you from Carré de Buci to Place de
Autant dire qu’elles possèdent le monde ! Véritable laboratoire aux
Furstenberg. Put simply, they hold the world in them! A mysterious
alambics fumants et aux précieuses foles, le cabinet de curiosité
laboratory of bubbling, precious vials and pots. This cabinet of
olfactif insuffe 12 senteurs aussi irrésistibles qu’évoquantes : “Le
curiosities emits twelve fragrances, all irresistibly evocative. "Le
Labdanum 18” étant mon absolu ! Que fais-je devenir sans lui ?.
Labdanum 18" is my absolute favourite! What would I do
Récemment l’offcine a répandu des huiles de parfums, évidemment
without it? Recently, the lab poured some perfume oils, essential
essentielles, sur l’espace sensoriel. Ces huiles ultimes se déclinent
ones of course, on the sensory space. These new oils are
à travers les 24 fuseaux horaires et de leur moitié, les 12 parfums
available across 24 time zones and everywhere in between.
classiques de la collection mais également à travers la mythique
That’s the twelve classic collection perfumes plus the mythical
13
ème
note exclusive à chaque ville :“Vanille 44” pour paris !
13th note that is exclusive to each city. "Vanille 44" for Paris!
Quatrième tentation…
Fourth Temptation...
“Passion Papier, le parfum”, édition u Steidl “Au moment où j’ouvre
"As I opened one of the books I used to plunge into when I was
un des livres où jeune encore et neuf au monde je plongeais si
young and new to the world, I was seized by the old paper’s
avidement l’odeur m’assaille du vieux papier : comme le chien
scent. Like a dog marking and protecting his vast territory with
dont la trace marque le domaine et protège le vaste royaume, je
its scent, I am surrounded by books imbued with them: the
suis ceint de livres imprégnés d’odeurs : le lecteur hume.”(3)
reader smells."(3)
Novembre 2013, “Paris Photo” est vu par David Lynch. Si
In November 2013, David Lynch saw "Paris Photo". As Roland
Roland Barthes révèle émotionnellement dans la “Chambre
Barthes reveals with emotion in the "Camera Lucida", he loves
Claire” qu’il aime la photo contre le cinéma dont il n’arrive
photography even more than flm. This said, he cannot do
cependant pas à séparer, cette nouvelle édition du grand livre
without flm. This new large format edition has stirred some
ouvert de la photographie affute sa perturbation. Des milliers et
diffcult memories. Thousands and thousands of images of the
des milliers d’images passées, présentes, parfois terrifantes,
past and present - sometimes terrifying, sometimes ironic,
quelque fois ironiques, subitement humoristiques embarquent
sometimes suddenly humorous - take the spirit on an aimless trip.
l’esprit dans un trouble vagabond. Pause…
Pause…
Passionnées et fétichistes d’éditions, je m’enfuis gamberger vers le
As I’m a passionate book fetishist, I hurried for some deep
corner de Steidl. Un recueil retient mon attention “Passion Papier, le
thinking at Steidl’s shop. A collection grabs my attention, "Passion
parfum”. Des mots et une fragrance : l’improbable odeur du papier
Papier, le parfum". Words and fragrance: the improbable smell
publiée. Ineffable, indéfnissable, puissante, incontrôlable, le bouquet
of published paper. Ineffable, elusive, powerful, uncontrollable,
olfactif du papier ne peut-être que passion !. Surtout quand celui-ci
paper’s fragrance couldn’t be anything else but passion!
est capté par le nez, on ne peut plus averti, de Gerhard Steidl !
Especially when it’s captured by Gerhard Steidl’s fne nose!
“Il avait assez de parfum pour asservir le monde entier si il le désirait. Il pouvait aller à Versailles et se faire baiser les pieds par le roi, il pouvait écrire au pape une lettre parfumé et se présenter comme le nouveau messie. Il pouvait tout cela et bien encore. Il possédait un pouvoir plus puissance que celui de l'argent, de la peur ou celui de la mort, le pouvoir invincible de commander l'amour de l'humanité.”
“He had enough perfume to enslave the whole world if he wanted to. He could go to Versailles and have his feet kissed by the king, he could write the pope a perfumed letter and present himself as the new messiah. He could do all this and much more. He had a power greater than that of money, fear, and death. Te invincible power to command the love of mankind.”
Si Proust début 20’s fânait du côté de chez Swann tout en humant
Proust, in the early ’20s, was strolling by Swann’s Way when
une petite madeleine. Au commencement de ce siècle débutant il
he caught whiff of a little madeleine. So we should make haste,
est urgent de ne plus perdre son temps et se tourner vers l’étrange
starting out on this new millennium, to appreciate the strange
enfeurage de ces quatre alchimistes pour mieux se percevoir !
enfeurage these four alchemists have concocted!
(3) ”Traces” Gunter Grace
LA PETITE ROBE NOIRE
Un symbole
emblématique
Le “Dahlia Noir” de Givenchy, “La Petite Robe noire” de Guerlain, “La Parisienne” d’YSL… Une déferlante de sensuelles fragrances ne fait qu'attiser le mythe de la petite robe noire : un mythe typiquement parisien. Le mieux, pour s'initier à cette mystérieuse légende : allonger ses pas jusqu'aux jardins du Palais-Royal. Didier Ludot, fascinant historien de la mode, y a consacré deux temples : l'un consacré au vintage, l'autre exclusivement à la fameuse petite robe noire qu'il ne cesse de revisiter.
Dahlia Noir by Givenchy, La Petite Robe Noire by Guerlain, Parisienne by YSL… A wave of sensual fragrances fanning the fames of the mythical little black dress: so typically Parisian. In order to learn more about this mysterious legend, hurry over to the Palais-Royal gardens. Didier Ludot, fascinating fashion historian, has consecrated two temples there: one devoted to vintage, the other exclusively to the famous little black dress to which he never ceases to return.
De par sa vibration de voix, sa passion et ses connaissances
The vibration of Didier Ludot’s voice, his passion, and his astute
aiguisées, écouter Didier Ludot, c'est revivre l'histoire de la sombre
knowledge will make you relive the entire history of the dark
et sobre tenue. Il vous racontera son entrée dans les mœurs à
and sober appearance. He will tell you how it came into
travers notamment le vingtième siècle : “D'abord, l'apanage de
fashion, mostly over the twentieth century: “First the privilege
quelques-unes, intellectuelles et artistes pour la plupart, telle Kiki
of a few, intellectuals and artists for the most part - such as Kiki
de Montparnasse, la petite robe noire va rapidement entrer dans
of Montparnasse-, the little black dress quickly became the
les mœurs et s'installer dans un siècle qui ne la lâchera plus.” Elle
norm and it spread over the century, which would end up not
arrivera même à franchir l'immensité de l'Atlantique, toujours à
letting go.” The look even crossed the Atlantic Ocean, always
la recherche du nouveau “chic parisien”. Durant les années trente,
on the lookout for new “Parisian chic.” In the thirties, fashion
avec l'explosion des Maisons de Couture, telles Balenciaga,
houses such as Balenciaga, Madeleine Vionnet, and Elsa
Madeleine Vionnet et Elsa Schiaparelli, biaisaient l’étoffe
Schiaparelli knew great success and delved into the sublime
ténébreuse. Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, Rochas
nuance. All through the Second World War, Rochas as well as
ou encore Carven la simplifent : restrictions obligent !
Carven simplifed it: restrictions were required!
Dans l'euphorie de l'après-guerre, les zazous font swinguer le noir pendant que Dior fait de même avec le “new look”. En 1957, Yves Saint Laurent reprendra le fambeau en la “trapézant”. L’année 1960, c'est l'apothéose de la petite robe noire. Il faut entendre parler Didier Ludot de la Nouvelle Vague et de ses icônes toutes vêtues de la famboyante et mystérieuse nuance : “Monica Vitti est noire comme la notte, c'est en noir qu'Anita Ekberg mène La dolce vita à Rome, qu'Ingrid Bergman séduit Anthony Perkins à Paris ou qu'Audrey Hepburn prend son petit déjeuner chez Tiffany à New York. C'est l'emblème qui permet à Anna Karina d'assurer qu'Une femme est une femme. C’est ainsi qu’elle deviendrait la plus pétillante des Danoises à la terrasse du Flore, sous l’œil amoureux de Jean-Luc Godard...” Depuis, la petite robe noire ne cesse de rayonner à travers les collections, le monde, les générations : Petit Bateau imagine en 1992 une ligne de la “so Parisian dress” dédiée aux petites flles, qu'elles soient sages ou espiègles. Mais n'oublions pas dans cette épopée le rôle essentiel de Gabrielle Chanel, dont le noir et l'élégance emblématiques ont été réveillés en 1983 par Karl Lagerfeld. D'ailleurs, en novembre 2012, lors de Paris Photo, le “noir Chanel” est interprété à même le corps à travers l'exposition “La Petite Veste Noire”. Une performance qui tourbillonnera dans le monde entier : de Séoul à Berlin en passant par Hong Kong, Londres, Taipei… Dernière escale prévue : Dubaï ! In the post-war euphoria, the hepcats made black hip, while Dior did the same with the “New Look.” In 1957, Yves Saint Laurent picked up the torch by shaping it as a trapezium. The year 1960: the little black dress’ apotheosis. You have to hear Didier Ludot talk about the New Wave and its icons, all dressed in the famboyant and mysterious shade: “Monica Vitti wears black like la notte, it’s in black that Anita Ekberg brings La dolce vita to Rome, that Ingrid Bergman seduces Anthony Perkins in Paris or that Audrey Hepburn has her breakfast at Tiffany’s in New York. It is the emblem permitting Anna Karina to state that A Woman is a Woman and to become the most brilliant Dane on the café de Flore’s terrace, looked upon by the loving eye of Jean-Luc Godard...” Since then, the little black dress has never stopped radiating through collections, and the world, across generations: in 1992, Petit Bateau imagined a line of the “so Parisian dress” dedicated to little girls, either wellbehaved or mischievous. But let’s not forget Gabrielle Chanel’s essential role in this tale. To her, black and emblematic elegance was instigated by Karl Lagerfeld, in 1983. In November 2012, at the Paris Photo Fair, “Chanel Black” came alive in the exhibition La Petite Veste Noire. A performance whirling around the world: from Seoul to Berlin, passing through Hong Kong, London, Taipei... Last stop planned: Dubaï!
LE DAHLIA NOIR
Part dÕombre ou
fleur rŽminiscente
Originaire des régions sensuellement chaudes du Mexique et de Colombie le dahlia était mystérieusement utilisé au quotidien par les Aztèques. Fleur hybride, il exalte plus de quarante variétés aux formes, aux dimensions et aux coloris variés… Sauf le bleu !
Originally from the sensuously warm regions of Mexico and Columbia, the dahlia was enigmatically used in daily life by the Aztecs. A hybrid fower, it exhilarates in over forty varieties with varied forms, sizes and colours… Except blue!
1946, “Le Dahlia bleu” de George Marshall affole, attise et
1946, George Marshall’s flm The Blue Dahlia terrifes, saddens
bouscule les salles obscures. Une femme est sauvagement
and shakes up cinema audiences. A woman is savagely
assassinée. Pure fction !
assassinated. Pure fction!
1947, “Le Dahlia” existe, il est noir… et c'est une femme. “Tout
1947, The Dahlia exists, it is black...and it’s a woman. “All she
ce qu'elle voulait, c'était parader en robe noire moulante sur
wanted was to parade around in a tight black dress on
Hollywood Boulevard”, comme la décrit James Ellroy, géniteur
Hollywood Boulevard,” as described by James Ellroy, literary
littéraire d'Elisabeth Short, alias le Dahlia noir, retrouvée
father of Elisabeth Short, alias the Black Dahlia, a bloody doll
sanglante poupée disloquée le 15 janvier dans un apocalyptique
found broken on the 15th of January in an apocalyptic empty
terrain vague de la Cité des Anges. Meurtre surréaliste, haut relief
lot of the City of Angels. Surrealist murder, high relief composite
composite du “Minotaure” et des “Lèvres rouges découpées” de
of Minotaur and Observatory Time -- the Lovers of Man Ray
Man Ray (ami du démoniaque George Hill Hodel), l'œuvre inclut
(friend of the demonic George Hill Hodel), the crime included
le temps de sa composition : dans le torse de la victime libéré
the time of its composition: in the torso of the victim freed of its
de son pilastre, une montre bat la funeste mesure du temps. Une
pilaster, a watch ticked a macabre measure of time. An
obsession du réalisateur des “Mystères du château de Dé”.
obsession of the creator of The Mysteries of the Chateau of Dice. .
22 juin, 1958, la mère de James Ellroy, Geneva Hilliker Ellroy,
22 June 1958, the mother of James Ellroy, Geneva Hilliker Ellroy,
est assassinée. Son corps s'abandonne aux cotés de la mort sur
is murdered. Her body is left for dead in a vacant lot. An
un terrain vague. Une affaire non élucidée. Une enfance
unsolved crime. A childhood scorched by strange anonymous
calcinée par d'étranges démons anonymes. Ellroy transfère : en
demons. Ellroy transfers: in 1987, The Black Dahlia rolls off the
1987, “The Black Dahlia” passe sous les rotatives de la
presses of the Mysterious Press. Success is terrifying, to the point
“Mysterious Press”. Le succès est terrifant, jusqu'à faire tourner
of turning the flm reels of Brian de Palma. One part of the
en 1996 les bobines de Brian de Palma. Une part d'ombre à
shadow half revealed, but “stripped bare by her orphan, even”
demi révélée, mais “remise à nu par l'orphelin même”. James
James Ellroy reveals his own dark side.
Ellroy révèle sa propre part d'ombre. “And you know what! He was very impressed when I played “Et vous savez quoi ! Il a été très impressionné quand j'ai joué
my scene of Scarlett... If you want to know, I’m telling you
ma scène de Scarlett... Si vous voulez, je la dis pour vous parce
because you are a very good-looking man...”(1)
que vous êtes un très bel homme...”(1)
“As God is my witness, as God is my witness they're not going
“Je jure devant Dieu, je jure devant Dieu que je ne me laisserai
to lick me. I'm going to live through this and when it's all over, I'll
pas abattre! J'aurai le dernier mot et lorsque ce cauchemar sera
never be hungry again. No, nor any of my folk. If I have to lie,
terminé, je jure devant Dieu que je ne connaitrai jamais plus la
steal, cheat or kill. As God is my witness, I'll never be hungry
faim. Non ! Ni moi-même, ni les miens ! Dussé-je mentir, voler,
again.”(2) Hunger, or the end? In 2011, like a phoenix consuming
tricher ou tuer, je jure devant Dieu que je ne connaitrai jamais
itself in the fames to better feed the fever of the common people
la faim.”(2) La faim ou la fn ? 2011, tel un phénix se consumant
from its ashes, the Black Dahlia is reborn in the powerful
dans les fammes pour mieux enfévrer de ses cendres le commun
fragrance gushing from the very nose of the artistic director of the
des mortels, le Dahlia noir se réincarne en puissance olfactive
Maison Givenchy, Riccardo Tisci, alias Mr. Fire. His partner, Mr.
jaillissant du nez même du directeur artistique de la Maison
Ice: the perfumer François Demachy. The fragrant explosion
Givenchy, Riccardo Tisci, alias Mr Fire. Son binôme, Mr Ice : le
reveals a powdery, woodsy, disturbing and sensual mix of rose,
parfumeur François Demachy. L'attentat odorifque se révèle
iris and mimosa partnered with patchouli, sandalwood and the
poudré, boisé, troublant et sensuel mélange de rose, d’iris et de
tonka bean, a passionate tango of fre and ice.
mimosa associés au patchouli, au santal et à la fève tonka, un fougueux tango du feu et de la glace.
“He was the one who answered it. I was the sceptic. He was the one who proved it.”(3) A woman firting dangerously with black,
“Il fut celui qui y répondit. J'étais le sceptique. Il fut celui qui
as if abandoned to the works of the Marquis de Sade, imaginary
prouva.”
Femme firtant dangereusement avec le noir, comme
and fatal fower arousing desire, fragrance of a night or a life...
abandonnée aux œuvres du marquis de Sade, feur imaginaire et
The Black Dahlia will always be charismatic, fashionable and
fatale attisant le désir, fragrance d'une nuit ou d'une vie… Le Dahlia
unsolvable.
(3)
noir restera à tout jamais charismatique, couture et non élucidé.
(1) ÒThe Black DahliaÓ, Brian de Palma (2) ÒGone with the WindÓ, Victor Fleming (3) ÒMy dark PlacesÓ, James Ellroy
099
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AR T
BY ADELHEID BLANKESTIJN
LÕILLUM
Colorons ces puissantes peintures pleines d’élan de quelques éclaircissements. La lumineuse Diane Cazelles elle-même m’a conté son parcours. Et si je lui en sais le meilleur gré, c’est parce que mon appréciation de son art s’en est trouvée transformée. Moi qui ne percevais qu’une lueur ténue sur un fond sonore - fougue et rumeur j’en vois à présent clairement tout l’éclat. Car ne nous méprenons pas à confondre puissance et violence, teintes sombres et sombre esprit. Ici, c’est de force vitale qu’il s’agit, vive de félicité et riche de chaleur.
INATRICE DIANE CAZELLES
Diane est née d’une impulsion ancienne jaillie d’un petit fef enclavé dans les terres d’Auvergne. De là, se dispersant à peine, se sont transmis les traits ataviques qui ont sculpté notre sujet. Elle est la descendante d’une fliation des plus inspirées, toute d’artistes composée : poètes, musiciens, professeur de dessin… À onze ans déjà, l’enfant gribouillait, bien installée dans le bureau encombré de son grand-père, qui, se souvient-elle, feurait bon la peinture et le parchemin.
Riche de sa prédisposition, elle rentre à l’École des Beaux Arts de Clermont-Ferrand, puis poursuit ses études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. “Inscrite parallèlement à l’École du Louvre, je mène de front “en comble“ ces deux enseignements.“ Là, les artistes pluridisciplinaires de la Renaissance italienne inspirent la plasticienne. Comme le disait d’Edmond de Goncourt : “Le plasticien est tout. Voyez Michel-Ange ou Raphaël : ils sont architectes, poètes, etc. (…) Le plasticien est un être universel”. Merci Maître, c’est tout à fait ce qu’il me plairait d’illustrer ! Car le parcours épars de Diane Cazelles s’oriente dans tous les sens. Sans pour autant manquer d’une admirable cohérence. Photo de mode, stylisme, conception de décors et de scénographies… Elle passe à l’acte en journaliste autodidacte, car “là aussi il s’agit de raconter des histoires, relater des rencontres et d’alimenter l’imaginaire.“ Diane expose sa prose dans des magazines d’art de vivre, de voyage, de luxe, mais aussi dans de beaux ouvrages, tel Made in banlieues, illustré des photographies de Guillaume de Laubier. D’ailleurs, la photographie, qu’elle soit sienne ou d’autrui, elle aime s’en saisir pour peindre par-dessus. C’est ainsi qu’elle lui insuffe le mouvement d’une seconde vie. Excellent prétexte pour faire du grand format, dit-elle, se délectant de tout ce qui est végétal et naturel : arbres, cailloux, l’humain dans la nature ; tout ce qui est pur, terres arides et ocres paysages... Diane, animiste dans l’âme, a fait de nombreux voyages en Afrique afn d’y faire autant de reportages. C’est ce qui a nourri, au fl des années, son travail de journaliste comme celui de plasticienne. Pour achever ce rapide portrait, évoquons avec certitude que la prime passion de Madame Cazelles est la peinture. Un support apprécié est caché dans le livre oublié, délaissé au siècle dernier. Elle le récupère pour en réinterpréter les pages jaunies, qui s’offrent, en désespoir de cause, en fond littéraire à ses coups de brosse. Et quant aux techniques mises en œuvre, avant les pastels secs et gras, les mines de plomb, l’encre de chine, la térébenthine… et la Valentine… la favorite reste l’incontournable peinture à l’huile.
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DIANE CAZELLES, THE LUMINOUS ONE Let’s colour this mighty, fowing art with some light-hearted revelations. Te luminous Diane Cazelles herself has told me all about it. For this I am thankful, as she has taught me how to appreciate her work properly. Now I see clearly that what I thought to be a subtle glow in the clamour - just rumbling ardour - has a true light and shine to it. Indeed, let’s not mistake might for violence, nor dark shades for gloomy dispositions. What you see before you is sheer vital force, alive with glee and full of warmth.
Diane was born into an ancient clan settled long ago in the remote region of Auvergne, nestled in the heart of France. From there and then on, atavistic traits slowly spread to ultimately sculpt our subject. She is the heiress of a deeply inspired lineage made up of all kinds of artists: poets, musicians, and art teachers. Aged just eleven, the child already scribbled away, sitting comfortably in her grandfather’s cluttered study that, she remembers, smelt of paint and parchment. Thriving on this predisposition, she enters Clermont-Ferrand’s School of Fine Arts and goes on to study at the Parisian École Nationale Supérieure des Beaux-Arts. “I was also enrolled in the École du Louvre at the time, following the two instructions simultaneously.” That’s when she came to be inspired by the multidisciplinary visual artists of the Italian Renaissance. It’s exactly like Edmond de Goncourt said: “The visual artist can do anything. Take Michelangelo or Raphael: they’re architects, poets, etc. (…) The visual artist is a universal being.” Thank you, Master, for these wise words that make my point exactly! Indeed, Diane Cazelle’s scattered trajectory only seems to disseminate in many directions, but to it there is an admirable consistency. Fashion photography, fashion design, theatre design, scenography… On top of this, she’s also a self-taught journalist, as “it’s also story-telling, recalling people’s stories, fring the imagination.” Diane writes for lifestyle, travel, and luxury magazines and has also published some gorgeous books. Made in banlieues is one of them. In it, you can admire Guillaume de Laubier’s photography. Speaking of photography, whether her own or someone else’s, she loves to rework it by painting directly onto it. A method she uses to breathe a second life of motion into it. “An excellent opportunity to work on large-format”, she comments. She loves adding greenery and natural elements, such as trees and rocks. Humans in nature inspire her, as everything that is pure: from the arid earth to ochre landscapes. Diane, who is animistic, has very often travelled to Africa on reporting assignments. Over the years, this has nurtured her work both as a journalist and a visual artist. As a fnishing note to this short portrait, les us state with certainty that Mrs Cazelle’s primary passion is painting. An inspiration much appreciated by the artist is found hidden in forgotten books, left aside and abandoned sometime last century. She rehabilitates their yellowed pages that offer themselves, in desperation, as a literary background to her brushstrokes. Finally, regarding her favourite techniques: chalk and oil pastels, lead pencils, Indian ink, turpentine… and Valentine paint, but frst and foremost she cherishes the unavoidable oil paint.
Cyril Burget LES GISANTS S’ABANDONNANT DANS L’INTENSITÉ DES NUANCES !
BY SOPHIE FAUCILLION
Jeudi 21 février 2013, la rédaction me prit d'aller interviewer un peintre faisant jaillir de ses toiles des gisants : Cyril Burget. L'adresse ! Ho ! Stupeur ! Un ancien entrepôt situé dans la zone industrielle de Vitry sur Seine. Moi qui ne prolonge jamais mes pas Paris extramuros et dors jour et nuit près du Père Lachaise, l'un des plus fabuleux musée se recueillant sur la statuaire mortuaire. La pluie inonde l'asphalte et je maudis les dieux de toute la mésosphère !
Un homme, ni barbu, ni ridé par le temps, m'accueille armé d'un
Simple interprétation de la vie, l'homme sera rayonnant ou à
parapluie pour, à tâtons, me guider vers de sombres couloirs
jamais déglingué. Cyril dévoile la cruelle réalité de la société à
menant à son sanctuaire. Franchissant enfn l'enceinte du lieu
travers ses gisants en apesanteur, s'oppressant ou s'apaisant à la
sacré, la révélation est immédiate. Des maisons incendiées
frontière radicalement délimitée de couleurs chaudement froides.
entrelacées de lianes végétales s'achevant en os, des squelettes
Les visages sont d'une terrible pureté, les sourires acérés, les
soudés d'éléments fusionnels, des « Entrelacs », des lits
lèvres muettes, les regards fermés, leur tenue strictement
suavement froissés ou strictement tirés au carré… Que des
extrémiste. Des anges d'huiles et de résille n'ayant rien à envier
grands formats ! Et puis les Gisants ou les « In Between ».
à l'effrayante froideur des héros dostoïevskiens.
Silence... Les toiles se tendent, les traits exultent et les ombres s'affrontent comme autant de pouvoirs extrêmes capables
Des traits simples, épurés, des couleurs vives et sombres
d'exacerber les tensions de l'émotion invisible. Créatures
marquent l'affrontement obsédant de l'enthousiaste de la vie ou
célestes, les « In Between » de Cyril Burget tourmentent le regard
de l'effondrement face au cynisme du monde.
et convulsent les mots. Un déferlement d'huiles, de couleurs, de courbes, de lignes franches et de nylon. Cyril Burget peintre
Cyril Burget, peintre au portrait atypique, chimiste dans les ateliers
encore méconnu, car n'appartenant pas au sérail, exprime le
du Louvre, chef de projet dans une start-up, thésard en sociologie
mal de vivre et la violence de la mort, dénonce l'indifférence et
structurant la tension de vie du métro parisien, osant jusqu'à la
le mépris des dominants envers les dominés (il faut voir ces SDF
nudité sur un autel d'église déchu pour une perpétuelle
gisants à même le trottoir encapuchonnés et recroquevillés sur
renaissance, court désormais Paris intramuros pour se poser
eux-mêmes ! Une mort socialement radicale !). Il pointe son
angéliquement dans l'antre d'une galerie. Alors galeristes ou
pinceau, charge la couleur, alourdit les contours, estompe les
adeptes de Kahnweiler soyez aux aguets, franchissez l'extramuros
corps, et perpétue de fantomatiques silhouettes.
et cherchez les gisants de Cyril Burget !
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Cyril Burget
EFFIGIES GIVING THEMSELVES UP TO AN INTENSITY OF NUANCES !
Tursday, 21 February 2013, my editor asks me to interview a painter making efgies spring from his canvas: Cyril Burget. Te address! Ho! Astonishment! A former warehouse in the industrial park of Vitry sur Seine. I, who never step outside the walls of Paris and sleep day and night near the Père Lachaise cemetary, one of the most fabulous efgy museums. Rain foods the asphalt and I curse the gods of the mesosphere! A man neither bearded nor wrinkled by time welcomes me armed
Simple interpretation of life, humans will be radiant or forever
with an umbrella, to gropingly guide me to the dark corridors
destroyed. Cyril unveils the cruel reality of society through his
leading to his sanctuary. Crossing the threshold of the sacred place
weightless recumbent effgies, oppressing or soothing at the
at last, the revelation is immediate. Burned houses entwined by
radically delineated frontier of warmly cold colours. The faces are
plant vines ending in bones, skeletons joined to fusional elements,
dreadfully pure, smiles sharp, lips mute, regards closed, dress
“Entrelacs,” beds pleasantly wrinkled or strictly made... Everything
strictly extremist. Angels of oil paints and nets have nothing to envy
oversize! And the “In Between”, the recumbent effgies... Silence.
the terrifying coldness of Dostoevskian heroes.
The canvases strain, the brushstrokes exult and the shadows face off like so many extreme powers capable of exacerbating the
Simple lines, uncluttered; vibrant and dark colours mark the
tensions of invisible emotion. Celestial creatures, Cyril Burget’s “In
haunting confrontation of the enthusiast of life with collapse in the
Between” torment the regard and convulse words in a wave of
face of the world’s cynicism.
oils, colours, curves, strong lines and nylon. Cyril Burget, painter still little-known because not a member of the seraglio, expresses
Cyril Burget, atypical portrait painter, chemist in the ateliers of the
profound discontentment and the violence of death, denounces
Louvre, start-up project manager, doctoral candidate in sociology
indifference and the distrust of the dominant towards the dominated
structuring the tension of Parisian métro life, daring nudity on the
(you have to see the hooded homeless recumbent on the sidewalk,
altar of a fallen church for a perpetual renaissance, now runs
folded in on themselves! a socially radical death!). He points his
through Paris itself to alight angelically in the lair of a gallery.
brush, flls it with colour, thickens the contours, blurs the bodies and
Gallery owners or Kahnweiler adepts be on the watch: cross the
perpetuates phantom-like silhouettes.
city boundaries and look for the effgies of Cyril Burget!
BY ADELHEID BLANKESTIJN
Pas âme qui vive… Dans la ligne de mire de Melissa Boucher personne ne s’aventure, point de masse ne s’y bouscule. D’un côté, ce que cela est apaisant de se noyer dans la solitude de l’image, de n’y voir s’agiter personne. C’est un vaste tableau assourdi, qui inspire à prendre lentement mesure du premier rôle qu’y tient la lumière. Ni homme, ni femme ; pas un chat qui passe là par hasard. Pas même un oiseau ne tente, dans le ciel, de voler la vedette à cette lumière. Elle seule permet à notre regard de prendre possession des lieux. Elle seule illumine les secrets et les peurs de ces endroits esseulés. Dans les cours et les couloirs sombres, elle brille habilement par son absence. Sur une porte de garage, une lueur s’épand à travers de fnes branches ciselées. Discrète, elle s’offre en silencieux spectacle, car nul besoin de trop en faire. L’immensité de la nuit règne alors que la lumière se promène, une invitée d’honneur qui danse seule. Nuls traits humains ne s’illuminent, uniquement des lignes bâties, destinées à abriter et à défendre ses occupants. Mais les constructions, comme le miroite le halo lumineux, ont succombé à la dérive autoritaire. Désormais, les habitants sont prisonniers de ces lieux sévères, et les visites sont strictement interdites. Y compris, faut-il le préciser, celles des forces de l’ordre. Avouez, n’auriez-vous pas gardé le silence et affché une déférence circonspecte si vous aviez pris un instant la place de Melissa Boucher : seule, encerclée par la nuit et la narquoise déréliction ? Ne vaudrait-il pas mieux passer son chemin ? Là justement est le message. Ces constructions tacites et sévères abritent un mystère, l’énigme d’une vacuité qui n’est qu’apparente. Car en effet, la vie est partout, mais elle se cloisonne derrière des portes closes. Dehors, plus libre et plus légère que la vie elle-même, la lumière veille.
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Not a soul... No one’s standing in Melissa Boucher’s line of sight. Here, there’s no crowd jostling and shoving. In a way, it’s calming to wade into the picture’s loneliness. Just seeing that absolutely no one is about. There is an impression of muffed vastness that inspires us to slowly grasp the importance of light. Not one man, not one woman. Not even a cat on its hurried way. Not a bird fying to distract us from light almighty. Without it, our eyes would not see. Light is what is shed on these lonely place’s secrets and fears. Light skillfully shines by its absence, cornered by the shadowy courts and corridors. On a garage door - fltering through fne branches it rests delicately. It’s a show but it’s discrete, just a silent performance because it needs not show off. The all-encompassing night is queen, and light’s only the guest of honor who dances all alone. No human faces are lit up, only constructed edges and walls built to house and protect. But the halo of light around these buildings lays bare they’ve given in to authoritarian ways. Now, people are trapped in this austere place, and visits are strictly forbidden. Needless to say, this includes law enforcement. Admit it, would you not be silent and behave with cautious deference if, for just a moment, you were in Melissa Boucher’s shoes: alone, surrounded by gloom and dereliction? Would it not be safer to keep walking? That’s where the message lies. Unutterably severe buildings house a mystery, the mystery of emptiness that is not really empty. Life is everywhere, but it’s locked behind closed doors. Outside, forever free and buoyant, light remains on watch.
VOY A GE
69.13ยก N 51.06ยก W
TEXT & PHOTOGRAPHS BY BORIS GAYRARD
“Sous une lumière douce, difuse et virginale, les modes de vie ancestraux font place à une société consumériste.”
“In a sof, difuse, and virginal light, the traditional way of life yields to a consumer society.�
Les coordonnées géographiques “69.13° N 51.06° W” désignent sur le globe terrestre la position exacte du fjord de Sermeq Kujalleq à l’ouest du Groenland. Le long de la baie, là où les hommes vivent, les maisons et les églises de bois déclinent leurs façades rouges ou marrons, les barques attendent d’être réparées, les usines se sont installées. Face à la mer, l’homme contemple les blocs de glace qui glissent lentement à la surface au moment de la fonte de la calotte. C’est l’été. Autour de lui, dans le silence du Grand Nord, l’espace immense se fssure au son des blocs qui se détachent et s’enfoncent dans l’eau. Seul, l’homme rêve à ce désert blanc où du cœur d’un ciel infni lui revient l’écho d’une chute mille fois répétée. L’été se termine bientôt. Sous la surface grise de l’horizon, là où la mer et le ciel se confondent, l’eau bruit peut-être de la glace qui commence à se reformer, des éléments qui continuent leur lente évolution. Au loin, derrière la façade des maisons, l’homme regarde ses bateaux briser la banquise et se perdre à l’horizon. Dans cette série, je constate de la déliquescence du monde arctique : sous une lumière douce, diffuse et virginale, les modes de vie ancestraux font place à une société consumériste. L’épure de formes et de couleurs met alors en exergue - en une fulgurante évidence les dégâts irrémédiables qui en résultent : le cadre de vie mute, le climat change, les glaces se désagrègent. En une lente torpeur, la Terre et l’Homme se fssurent, c’est une mort blanche annoncée.
On the globe of the Earth, the geographical coordinates “69.13 ° N 51.06 ° W” indicate the precise location on the west coast of Greenland of the Sermeq Kujalleq fjord. Along the bay, where the people live, the red and brown fronts of wooden houses and churches fade, small boats wait to be repaired, factories have settled. Facing the sea, a man contemplates the blocks of ice slowly sliding onto the surface as the icecap melts. It’s Summer. Around the man lies the silence of the Great North, punctuated by the immense area cracking to the noise of the blocks breaking loose and sinking. Alone, the man dreams of the white desert. From the heart of an infnite sky, he can hear the echo of a plunge, repeated a thousand times over. The summer will soon end. Under the grey surface of the horizon, where sea and sky get confused, the water murmurs. Perhaps it’s the ice re-forming, elements going forth with their slow evolution. In the distance, behind the houses’ front, the man watches his boats breaking up the ice foe and vanishing on the horizon. In this series, I notice the decline of the Arctic world: in a soft, diffuse, and virginal light, the traditional way of life yields to a consumer society. The sketch of shapes and colors then brings out - in a dazzlingly obvious way - the irreparable damage that has been done: the living environment is mutating, climate is changing, the ice is disintegrating. In a slow torpor, the crack between Earth and Man grows, it’s a white death foretold.
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