Réensauvagement COMMENT L’HOMME LE PLUS RICHE DU DANEMARK A RENDU LES HIGHLANDS AUX ÉCOSSAIS “NOUS POUVONS MENER LES RECHERCHES DONT NOUS RÊVIONS SUR ALZHEIMER” L’entrepreneur Urbain Vandeurzen et le biologiste Bart De Strooper “PARTAGER UN PEU DE CE QU’ON A EST ENRICHISSANT POUR TOUT LE MONDE” Le couple d’entrepreneurs Dominiek Dumoulin et Griet Meganck (United Petfood) FONDATION BRUSSELS PHILHARMONIC Quand des investisseurs prêtent des instruments d’exception aux musiciens
vie des grandes fortunes
La
Certains voient une experte bancaire.
Nous, nous voyons la partenaire pour votre patrimoine. Quelqu’un qui vous connaît personnellement et qui s’appuie sur l’expertise de l’un des plus grands groupes qu’elle peut vous conseiller investissements en fonction de vos objectifs et de votre situation personnelle.
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DONNER PLUS QUE DE L’ARGENT
Une randonnée de 154 km le long de la West Highland Way, en Écosse: c’est le défi que se sont récemment lancé notre collègue Jan et son amie Sara. Non sans raison. Leur objectif? Récolter des fonds pour les recherches menées par l’Université de Gand sur la maladie de Parkinson, la patholo gie neurodégénérative qui connaît la croissance la plus rapide au monde et qui touche également leur famille. Quelques jours plus tard, un appel était lancé à la rédaction pour parrainer des collègues qui s’apprêtent à courir et à pédaler au bénéfice de la lu e contre le cancer, une maladie qui frappe douloureusement de nom breuses personnes autour de nous.
Jour après jour, les scientifiques essaient de comprendre comment la maladie de Parkinson, le cancer et d’autres maladies apparaissent et – surtout – comment les traiter et les comba re. Mais pour cela, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Des pouvoirs publics et des universités, mais aussi de généreux donateurs. Petits et grands. De tous ceux qui le peuvent. Même en ce e période de turbulences économiques.
C’est le sujet de ce e édition de Wealth, qui met les donateurs à l’honneur.
bain Vandeurzen, mène des recherches dont lui et ses collègues ne pouvaient que rêver. Ou comme la chercheuse Damya Laoui, spéciali sée dans l’étude du cancer et qui, grâce aux collectes de fonds d’une ancienne malade du cancer, Yamina Krossa, travaille au développement d’un vaccin des tiné à prévenir toute rechute. «C’est le bon moment pour faire un don. Trop de malades a eints du cancer en décèdent en core.»
Comme le chirurgien Réginald Moreels, dont vous découvrirez qu’il est à nouveau «en mission» au Nord-Kivu, au Congo. Là où personne d’autre ne veut ou ne peut aller. Ce qui reste, à 72 ans, sa principale motivation.
SOMMAIRE
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Griet Meganck et Dominiek Dumoulin: «Beaucoup de gens sou rent énormément. Nous ne pouvons pas les ignorer»
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Réginald Moreels: «Nous allons là où personne ne va»
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L’urgence, moteur du philanthrope moderne
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«Ce numéro met à l’honneur les donateurs et ceux à qui les dons apportent courage et espoir.»
Katrien Verstraete Coordinatrice Wealth
Mais pas n’importe comment, comme le souligne le couple d’entrepreneurs Dominiek Dumoulin et Griet Meganck: «La philanthropie ne se limite pas à donner de l’argent. Partager une partie de ce qu’on a est enrichissant pour tout le monde», expliquent-ils. Ils n’ont accepté notre proposition d’interview qu’après que nous ayons insisté. Dans l’espoir d’«ainsi inspirer les autres à se montrer un peu plus généreux.»
Jan Van Geet a, lui aussi, hésité. Le patron du groupe immobilier VGP a décidé il y a trois ans de verser chaque année 2% des bénéfices de son entre prise à une fondation qui investit dans des projets liés à la biodiversité, au patrimoine culturel et à la justice sociale, en Belgique et à l’étranger. «En réalité, je préfère travailler dans l’ombre. La fondation ne peut être une forme de lobby déguisé. Si vous en tendiez les récits des personnes qui viennent nous demander de l’aide, vous comprendriez que ce sont eux, les héros.»
Ce numéro de Wealth parle aussi de ceux à qui les dons apportent courage et espoir.
Comme l’autorité mondiale de la maladie d’Al zheimer, Bart De Strooper, qui, grâce aux campagnes de levées de fonds de l’entrepreneur-investisseur Ur
Les musiciens du Brussels Phil harmonic témoignent eux aussi de leur reconnaissance. Ils jouent sur 18 instruments à cordes de quali té exceptionnelle, dont la valeur totale se monte à deux millions d’euros, et qui sont la propriété de collectionneurs privés. De ce e fa çon, tout le monde peut bénéficier de ces sons magnifiques.
Grâce à des bourses et des en couragements, de jeunes viticul teurs et sommeliers prome eurs réalisent leurs ambitions: produire du vin et en faire profiter les autres.
Nous sommes aussi allés à la rencontre de Tho mas MacDonell, en charge du «réensauvagement» de 29.000 hectares de Highlands écossais à la de mande du milliardaire et magnat de la mode Anders Povlsen, l’homme le plus riche du Danemark et plus grand propriétaire foncier privé au Royaume-Uni. Sa mission: restaurer la nature et la biodiversité originelles.
Les autres récits du présent numéro illustrent à quel point les dons peuvent réellement faire la diffé rence. Peut-être vous inciteront-ils à franchir le pas? Vous trouverez sans aucun doute (peut-être même dans votre environnement immédiat) un projet cor respondant à vos intérêts, à vos moyens et qui vous convaincra. «Il ne s’agit pas uniquement de donner de l’argent, mais aussi de donner confiance», conclut Urbain Vandeurzen.
VGP: «Nous ne voulons pas transformer nos activités de philanthropie en lobbying caché»
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«Le pire qui puisse arriver à un instrument est de se retrouver derrière une vitrine»
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Urbain Vandeurzen et Bart De Strooper: «Nous pouvons mener des recherches dont nous n’aurions pas osé rêver»
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Charles Lachaux, meilleur jeune vigneron au monde: «Je ne fais pas du vin pour les spéculateurs mais pour les amateurs»
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Damya Laoui et Yamina Krossa: «Nous aimerions aussi avoir un Marc Coucke comme mécène»
44
Comment l’homme le plus riche du Danemark a rendu les Highlands aux Écossais
«Wealth» est une publication de Mediafin. Supplément de L’Echo du 17 novembre 2022.
Édition: Florence Petrantò, Lay-out: Ilse Janssens, Photo: Tim Ricour, Couverture:
Directeur de rédaction: Isabel Albers, Éditeur responsable: Peter Quaghebeur,
Coordination: Muriel Michel, Katrien Verstraete,
Peter Cairns/Northshots, Rédacteur en chef: Paul Gérard,
avenue du Port 86c, boîte 309, 1000 Bruxelles.
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«BEAUCOUP DE GENS SOUFFRENT ÉNORMÉMENT. NOUS NE POUVONS PAS LES IGNORER»
4 wealth novembre 2022
Pour Dominiek Dumoulin et Griet Meganck, gérants de United Petfood, une entreprise d’aliments pour chiens et chats de 800 millions d’euros, la philanthropie est une seconde nature. «Cet été, nous avons fait un barbecue avec 27 Ukrainiens. Cela doit leur faire du bien de se changer les idées de temps en temps.»
TEXTE: SOFIE VANLOMMEL PHOTOS: JONAS LAMPENS
Pendant que Dominiek Dumoulin (51 ans) et sa femme, Griet Meganck (52 ans), posent un peu gauchement pour le photographe –«Vous voyez comme on se débrouille bien!» –, trois chiens suivent a entivement la scène du regard: deux robustes golden retrievers à poils clairs, Jara et Elvis, et un jeune et fou gueux labrador noir de quatre mois, Jack. Un concentré d’énergie, lance Griet Meganck. «Nous ne chômons pas.» «Jara, la plus âgée, a déjà 13 ans et nous devons nous faire à l’idée qu’elle nous qui era bientôt», explique Do miniek Dumoulin. «Regardez comme elle se traîne. Et elle ne veut plus jouer.» C’est ce qui explique la nouvelle recrue. «Les chiens sont de vrais animaux de compagnie. Je dis toujours à ceux qui en adoptent un: si vous le pou vez, prenez-en deux.»
Les discrets copropriétaires de United Petfood, de venu le leader européen de l’alimentation pour chiens et chats, font tout pour éviter de se retrouver sous les
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projecteurs. En règle générale, ils refusent poliment toute interview. Notre première demande de rencontre pour discuter de leurs nombreux projets philanthropiques a également essuyé un refus. Ils ont toutefois fini par changer d’avis, après quelques hésitations. «La raison pour laquelle nous avons accepté de vous rencontrer est que nous espérons pouvoir inspirer d’autres personnes et les encourager à se montrer plus généreuses.»
Ils montrent une photo du groupe de réfugiés ukrai niens dont ils s’occupent, principalement des femmes et des enfants et un homme, tous assis à une longue table au soleil. «Cet été, nous avons fait un barbecue avec 27 Ukrainiens. Cela doit leur faire du bien de se changer les idées de temps en temps.»
«Pendant la Première Guerre mondiale, ma grandmère s’est réfugiée en France, raconte Dominiek. Dans de telles circonstances, il est normal de donner un coup de main. Peu après l’invasion de l’Ukraine par la Rus sie, nous avons eu des contacts avec un client de United Petfood qui vit à 30 km de Kharkiv, à proximité de la frontière russe. Nous avons immédiatement fait appel à notre réseau pour trouver des logements. Un de nos amis, promoteur immobilier, a mis deux logements-té moins à disposition. Une connaissance qui se préparait à louer une habitation l’a gardée libre. Nous avons pu ainsi accueillir 27 personnes. Le CPAS de Courtrai nous a aussi beaucoup aidés».
«Je suis restée en contact via Whatsapp avec Paulina, une personne que je n’avais jamais rencontrée, enchaîne Griet. Elle m’envoyait des messages comme ‘Une famille va bientôt arriver’. La première fois que je suis allée à la gare de Bruxelles-Midi, j’avais vidé mon coffre pour y caser toutes les valises. Un jeune couple m’a endait
avec un sac à dos, un PC portable et un sac en plastique avec de la nourriture. Ils n’avaient rien d’autre! Grâce à un ami entrepreneur, propriétaire de Brooklyn, ils ont tout de suite pu aller choisir de nouveaux vêtements.»
«Le deuxième groupe est arrivé en Sko da, continue Dominiek. Six Ukrainiens, un chien et un chat. Ils ont qui é Khar kiv li éralement sous les bombes. Les hommes et les grands-pères sont restés en Ukraine».
Pour Griet, «l’aide humanitaire est finalement une question d’empathie: nous pourrions être à leur place. Si une telle chose vous arrivait, ne seriez-vous pas content que quelqu’un vous aide et vous reme e sur les rails? Ces personnes avaient une très belle vie, ils faisaient de la voile en été sur leur bateau et du VTT le week-end. Aujourd’hui, ils transportent et empilent des boîtes dans des usines et des entrepôts des alentours. Leurs maisons ont été détruites. Malgré tout ce stress et ces incertitudes, ils sont très courageux. Ils se sont très vite mis au travail et ont immédiatement commencé à apprendre le néerlandais.»
Le couple parraine aussi le projet du docteur Réginald Moreels dans l’est du Congo (cf. encadré) et participe au fi nancement de See and Smile, une orga nisation qui opère les yeux, les dents et
Dominiek Dumoulin est entrepreneur et fonda teur de United Petfood, créée en 1994 et devenue le leader européen du secteur de l’alimentation pour chiens et chats. L’en treprise emploie 1.700 personnes et compte 20 établissements dans huit pays. Griet Meganck est indépendante. Le couple a sept enfants et vit à Courtrai. Il soutient les projets du docteur Réginald Moreels (Uni chir) et est partenaire de l’entreprise sociale Close the Gap au Kenya. Il soutient See and Smile depuis Courtrai, le Fonds Marleen Temmerman, le travail de sœur Jeanne Devos en Inde, de Jennie Vanlerberghe en faveur des droits des femmes en Afghanistan et Warriors Against Cancer à Cour trai. Le couple est actif dans le cadre des Lions de Buda et de Lys et par raine des participants au Lions Fonds Lisa, qui aide des jeunes souhaitant poursuivre des études supérieures et qui n’en ont pas la possibilité.
6 wealth novembre 2022
Dominiek Dumoulin et Griet Meganck
«Nous ne voulons pas nous contenter de donner de l’argent. Parfois, le recours à notre réseau joue un rôle beaucoup plus important.»
Griet Meganck Copropriétaire de United Petfood
L’analyse des experts
Publireportage
De plus en plus d’entrepreneurs s’adressent à une banque privée pour la gestion de leur patrimoine professionnel et privé. C’est un choix judicieux. Aujourd’hui, le banquier privé est un interlocuteur clé. Un expert pluridisciplinaire. Un bâtisseur de ponts qui, tel un «compagnon de route», aiguillera utilement l’entrepreneur dans son parcours patrimonial.
Entretien avec Nicolas Chauvin, Head of Estate Planning Brussels and Wallonia.
Qu’apporte Degroof Petercam à un entrepreneur ?
« Une approche patrimoniale holistique. Chez nous, un banquier privé fait à la fois o ffi ce de confident et de compagnon de route pour l’entrepreneur », explique Nicolas Chauvin. « Avec lui sont abordés tous les aspects de son patrimoine privé et professionnel, tout au long de sa vie, y compris pour sa famille. Il peut bâtir des ponts à di fférents stades de la vie de l’entrepreneur entre son patrimoine privé et son entreprise. L’on peut dès lors le qualifier de « compagnon de route » en ce sens qu’il accompagne l’entrepreneur dans la gestion de son patrimoine tout au long de son parcours. »
L’entrepreneur n’est-il pas déjà suffisamment entouré de conseillers en tous genres ?
Le banquier peut en outre jouer un rôle de « traducteur » en expliquant la portée de conseils techniquement avisés et parfois complexes dans un langage compréhensible ! »
Comment faites-vous la différence ?
« Au sein de la banque, nous disposons d’un large éventail d’expertises pointues. Nos juristes spécialisés en droit civil et en droit fiscal sont à même d’élaborer des planifications patrimoniales sur mesure, souvent en collaboration avec le(s) conseiller(s) du client. Dans ce cadre, le banquier privé fera le pont en aval entre le client et nos di fférents spécialistes. Nos banquiers privés, aidés le cas échéant par nos di fférents experts, maîtrisent parfaitement le volet fiscal d’instruments financiers classiques comme les actions, les obligations mais aussi plus spécifiques tels que les fonds de Private Equity. D’autres aspects comme, par exemple, les sicav RDT, les fusions et acquisitions, les plans de stock-options ou la pension peuvent également être examinés. »
Vous avez mentionné le rôle de confident du banquier privé ?
avocats sont dans leur mettre en œuvre… au niveau de bancaire.
« En e ffet, un entrepreneur est généralement bien entouré. Mais si, par exemple, les comptables ou les avocats sont techniquement compétents dans leur domaine, leurs solutions ne sont pas toujours aisées à mettre en œuvre… au niveau de la pratique bancaire.
« Confident ou personne de confiance parce que si le banquier privé doit naturellement pouvoir offrir une large expertise technique, il doit également faire preuve d’une grande maturité. Son empathie, son recul et son expérience lui permettront notamment d’aborder certaines questions délicates lors de la transmission d’une entreprise. Mes enfants sont-ils en mesure de gérer conjointement l’entreprise ? Lequel de mes enfants est réellement en mesure d’assurer la pérennité de l’entreprise ? Des questions parfois sensibles mais incontournables et qui requièrent d’avoir établi un degré de confiance elevé avec nos clients. »
Vous cherchez un « compagnon de route » ? Prenez alors un rendez-vous sans engagement avec un banquier privé chez Degroof Petercam. Il sera heureux d’examiner avec vous les possibilités envisageables pour vos actifs et votre entreprise. Grâce au code QR, il est facile de fixer un rendez-vous. A bientôt !
Un banquier privé comme « compagnon de route » : un gage de réussite pour les entrepreneurs.
Nicolas Chauvin Head of Estate Planning Brussels and Wallonia chez Degroof Petercam
les enfants souffrant d’un bec-de-lièvre dans plusieurs pays africains. Au Kenya, ils sont partenaires commer ciaux de l’entrepreneur social Olivier Vanden Eynde qui, avec Close the Gap, dirige un centre de recyclage et de récupération de matériel informatique dans la ville portuaire de Mombasa et gère un centre de formation et un incubateur d’entreprises. Toujours à Mombasa, ils soutiennent la gynécologue Marleen Temmerman et son travail sur la santé sexuelle.
Ces activités sont très di érentes, comment les sélectionnez-vous?
Dominiek Dumoulin: Nous soutenons surtout les pro jets où les frais généraux et administratifs ne sont pas trop élevés et où les gens font réellement la différence. Ils sont le moteur, nous donnons simplement un peu de carburant. Nous suivons notre instinct. Si nous ne sentons pas bien les choses, nous nous abstenons. Il nous arrive aussi de nous tromper. Mais c’est bien pire d’être indifférent. Cela fait chaud au cœur de voir que ce que nous donnons est utilisé à bon escient et directement pour ceux qui en ont besoin. Et que ce ne soit pas noyé dans la masse.
Griet Meganck: Nous nous rendons aussi régulière ment sur place et nous emmenons parfois nos enfants. Ici, nous vivons tous très bien. Nos enfants doivent éga lement apprendre à penser aux autres. Il faut se rendre dans ces missions pour constater l’impact potentielle ment important de petits gestes, comme les lune es que nous aidons à collecter pour See and Smile ou les médicaments qui sont achetés pour les missions. Là-bas, les médecins opèrent des malades souffrant de cataracte avancée. Ils perme ent li éralement à des aveugles de recouvrer la vue; c’est presque comme dans la Bible (elle rit). Non pas que nous soyons tellement croyants. Nos connaissances médicales sont minimes mais, malgré tout, nous pouvons aider. Je m’occupais de l’adminis tration tandis que Dominiek se chargeait des panneaux avec les petites le res pour les premiers tests oculaires.
DD: Marnix Claeys, le président et moteur de l’associa tion, est notre ophtalmologue. Chaque année, il se rend en Afrique avec plusieurs dentistes et ophtalmologues pour opérer gratuitement pendant quelques semaines, de huit heures du matin à huit heures du soir. Lorsque nous arrivons le matin, deux à trois cents personnes sont déjà là à les a endre. Il faut un peu de temps pour que les médecins s’habituent à ces conditions. L’un d’eux s’est un jour rendu directement d’Afrique en Norvège. Lorsqu’il a ouvert sa valise, des cafards en sont sortis, ramenés du Burundi. Ici aussi, nous avons de la pauvreté, c’est sûr, mais là-bas, elle est très répandue et extrême. C’est bien simple: ces gens n’ont rien.
À quel point vous impliquez-vous personnellement dans ces projets?
GM: Nous ne voulons pas nous contenter de donner de l’argent. Parfois, le recours à notre réseau joue un rôle beaucoup plus important. Lorsque Réginald a besoin de certains équipements, nous cherchons des fournisseurs susceptibles de nous accorder une belle ristourne ou d’aider d’une autre façon. Souvent, il s’agit de trouver la bonne personne. Les gestionnaires de la marque de vêtements Filou & Friends sont des amis. Pendant l’été, ils ont distribué des colis aux familles ukrainiennes
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«En réalité, nous faisons nous-mêmes peu de choses. Nous apportons un soutien financier et moral. Nous essayons de trouver de l’aide supplémentaire.»
Dominiek Dumoulin Copropriétaire de United Petfood
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avec enfants. Ils vont recommencer cet hiver. Ce sont des vêtements d’anciennes collections, mais cela n’a pas d’importance.
DD: En réalité, nous faisons nous-mêmes peu de choses. Nous ap portons un soutien financier et moral. Nous essayons de trouver de l’aide supplémentaire. Nous réfléchissons avec eux à la mise en œuvre d’idées d’activités commerciales.
GM: Prenez le centre chirurgical du docteur Moreels. Nous réflé chissons à la manière dont le centre peut générer des revenus et nous étudions s’il est possible de l’exploiter commercialement.
DD: À terme, l’objectif est de rendre le projet autosuffisant. Nous préférons soutenir les associations qui apprennent à pêcher au lieu de distribuer du poisson. Raison de plus pour investir dans une entreprise comme Close the Gap au Kenya (qui soutient l’entrepreneuriat local, NDLR). Lorsque vous échangez avec eux, vous discutez d’égal à égal. Si vous donnez de l’argent, la relation est totalement di fférente. Ça ne peut pas durer comme cela très longtemps car vous ne pouvez pas éternellement faire des dons. Finalement, ce sont les entreprises qui créent du progrès et de la richesse pour tout le monde. C’est, selon moi, la seule façon d’avancer collectivement, y compris dans des zones qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés.
Que trouvez-vous le plus gratifiant?
DD: Nous trouvons très enrichissant de nous asseoir autour de la table avec les forces motrices des projets et d’apprendre d’elles, ou de les me re en contact les unes avec les autres afin de faire naître de nouvelles
idées. Il en sort d’incroyables rencontres. Nous avons aussi rencontré Desmond Tutu, l’ancien archevêque sud-africain. Ce fut une expérience inoubliable.
Bon nombre des projets que vous soutenez se situent en Afrique. Y a-t-il une raison particu lière à cela?
GM: Nous y avons beaucoup voyagé et nous nous y sen tons bien. Les gens, les parfums. C’est un continent très spécial. Nous sommes très engagés en Belgique.
DD: Mais où que vous alliez, les besoins sont énormes. Via le Lions Club – dont nous sommes tous deux membres –, nous avons déjà fait plusieurs fois du bénévolat au refuge pour sans-abri de Courtrai.
GM: Une fois, même, le soir de la Saint-Valentin (elle rit).
DD (imperturbable): Entre le 1er novembre et début mars, il y a chaque soir un volontaire présent pour aider. Nous y avons vu toutes sortes de choses. Un homme ivre sur le point de se jeter dans la Lys, un jeune de 15 ans venu s’inscrire dans un froid glacial et que les parents refusaient de venir chercher. Vous pouvez vous retrouver dans ce genre de situation plus vite que vous ne le pensez.
GM: J’y ai rencontré un monsieur très distingué, avec deux luxueuses valises. C’était un ancien dentiste qui s’est retrouvé dans une situation très difficile après une séparation.
DD: Ou bien des gens qui ont tout perdu à cause de leur toxicomanie. De nombreuses personnes souffrent beaucoup. Nous n’avons pas le droit de détourner le regard.
Je suis en colère quand je lis que des enfants meurent de faim en Somalie, en proie à une guerre civile. Et que nous ne réussissons pas à acheminer de la nourriture, alors que des convois pourraient être organisés par l’Europe et les États-Unis. Si le monde dépense 2.000 milliards de dollars en armement et si l’Arabie saou dite organise les Jeux d’hiver asiatiques, il devrait être possible de faire en sorte que chaque personne ait suf fisamment à manger, non?
Comment décidez-vous du montant de vos dons?
DD: C’est très personnel. Aujourd’hui, 300 milliards d’euros dorment sur des comptes d’épargne qui ne rapportent rien. Les gens font de beaux voyages, du ski, des city-trips. Il faut continuer, certes, mais partager une petite partie de ce qu’on a est enrichissant pour tout le monde. Imaginez que chaque personne qui en a la possibilité me e de côté 1 ou 2% de ses revenus: vous seriez surpris de voir le montant qui pourrait se libérer.
Est-ce que cela vaut aussi pour vous?
DD: Nous ne pensons pas en termes de pourcentage mais nous analysons les besoins et la façon dont nous pouvons les satisfaire. Lorsque nous nous sommes mariés, nous n’avons pas demandé de cadeaux, mais des dons pour
and Smile.
Combien avez-vous reçu?
DD: Beaucoup!
GM (elle rit): Oui, c’était pas mal.
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«L’aide humanitaire est finalement une question d’empathie: nous pourrions être à leur place. Si une telle chose vous arrivait, ne seriez-vous pas content que quelqu’un vous aide et vous reme e sur les rails?»
Griet Meganck Copropriétaire de United Petfood
LE PRIVATE EQUITY INTERNATIONAL
www.integra.fund
Le private equity, qui consiste à investir dans des entreprises non cotées en Bourse, ne cesse de gagner en popularité. Principal acteur belge du secteur, Integra facilite l’accès au capital-investissement international: “Nous construisons un portefeuille diversifié de fonds et de co-investissements actifs en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en Océanie.”
Toutes les entreprises prospères ne procèdent pas à une introduction en Bourse, car – et ces derniers mois l’ont à nouveau démontré – les marchés sont volatils et réagissent souvent de manière émotionnelle. “Par conséquent, un nombre croissant d’entreprises matures et rentables quittent la Bourse ou n’y entrent jamais – pensez à Resilux et Sioen, notamment”, note Ralf De Clercq, cofondateur du fonds d’investissement Integra. “Qui restera? Des start-up technologiques qui ont besoin d’argent. Ce n’est certes pas un problème en soi mais, pour les investisseurs qui veulent que leur portefeuille reflète l’ensemble de l’économie, la Bourse ne suffit pas.”
Ces entreprises de premier plan sont de plus en plus détenues par des fonds d’investissement privés internationaux, accessibles uniquement aux investisseurs professionnels. Pour l’investisseur individuel, même celui
qui dispose d’un patrimoine confortable, l’accès et plus encore la sélection demeurent un exercice complexe.
Les investissements minimums s’élèvent fréquemment à plusieurs millions, ce qui rend la diversification gourmande en capital, mais il est aussi beaucoup plus difficile d’obtenir de bonnes informations sur ces fonds et donc d’opérer la sélection nécessaire.
Sélection, sélection, sélection
C’est pourquoi Ralf De Clercq, Johan Heirbrandt et Bernard Hendrikx ont lancé Integra en 2018. Forts d’une vaste expérience du capital-investissement acquise dans le secteur bancaire, ils souhaitaient élargir les possibilités offertes aux clients belges fortunés par le biais d’un fonds propre. “Le private equity ne se limite pas à l’accès à quelques fonds, il exige une sélection approfondie”, prévient Ralf De Clercq. “La localisation est à l’immobilier ce qu’est la
sélection au capital-investissement. Pour réaliser cette sélection, il faut avoir accès à de très nombreux fonds. Nous utilisons un réseau construit durant plus de 15 ans ainsi que l’analyse de centaines de fonds de private equity dans le monde. Parmi ceux-ci, Integra effectue un tri rigoureux afin de constituer un portefeuille de fonds et de co-investissements de premier ordre.”
Pour Integra, il faut que les fonds choisis aient une vision des entreprises sous-jacentes. “Ils doivent apporter une véritable valeur ajoutée sur le plan opérationnel, par exemple en favorisant l’internationalisation ou la numérisation.”
Une telle sélection implique le déploiement d’une équipe d’envergure. Celle d’Integra, composée de huit personnes – la plus importante de Belgique pour les investissements en fonds et co-investissements –, voyage énormément pour visiter les fonds
et les sociétés sous-jacentes dans lesquels elle investit. “La semaine prochaine, je serai aux États-Unis pour rencontrer une série de fonds sur le terrain et effectuer une due diligence approfondie. Cette façon de procéder est essentielle, selon nous. Nous n’employons pas de vendeurs, uniquement des professionnels de l’investissement.”
Les investisseurs d’Integra bénéficient ainsi d’une diversification qu’il leur serait difficile d’obtenir sans le fonds, et, partant, de rendements un peu plus élevés que ce qu’offre habituellement le private equity. “En général, un portefeuille diversifié de capital-investissement rapporte environ 15% net par an”, chiffre Ralf De Clercq. L’approche d’Integra porte ses fruits, puisque le rendement de son premier fonds est bien supérieur à cette moyenne. L’entreprise est par ailleurs en train de lancer son deuxième fonds, baptisé Integra Global Fund.
À PROPOS D’INTEGRA
- Fondé en 2018
- Partenaires: Ralf De Clercq, Johan Heirbrandt et Bernard Hendrikx
- Gère plus de 330 millions d’euros confiés par 260 investisseurs
- Répartition sur deux fonds, dont le second, Integra Global Fund, est actuellement en phase de levée de fonds
- Plus de 200 sociétés d’Amérique du Nord et d’Asie en portefeuille
www.integra.fund
“Pour les investisseurs qui veulent que leur portefeuille reflète l'ensemble de l'économie, la Bourse ne suffit pas.”
offre aux entreprises, organisations et organismes publics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision, leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo. Integra est responsable du contenu.
est incontournable pour un portefeuille d’investissements diversifié
RALF DE CLERCQ COFONDATEUR DU FONDS DE PRIVATE EQUITY INTEGRA
Ceci est une publicité. Les investisseurs intéressés par le Fonds Integ ra Global sont sur le point d’acheter un produit qui n’est pas facile et peut-ê tre diffi cile à comprendre. Cet article concerne une offre non publique de parts d’un organisme de placement collectif alternatif en Belgique, conformément aux exemptions applicables conc ernant les offres publiques prévues par la législation relative à la publication d’un prospectus et la loi OPCA. Un investisse ment dans un tel produit implique un risque élevé et ne convient qu’aux inves tisseurs professionnels et sophistiqués qui comprennent et acceptent les différents risques. Un tel investissem ent ne peut être effectué que sur la base de la documentation fi nale du fonds qu i peut être obtenue comme suit : par e-mail envoyé à GP@integra.fund. Les performances passées auxquelles il es t fait référence dans le présent document ne sont pas des indicateurs des per formances futures.
RÉGINALD MOREELS: «NOUS ALLONS LÀ OÙ PERSONNE NE VA»
Dans une des régions les plus déchirées du globe, à Beni, dans l’est du Congo, l’infatigable chirurgien Réginald Moreels construit un poste médical et un centre de formation. «Ici, il n’y a personne, à part une mission aussi onéreuse qu’inutile des Nations unies.»
TEXTE: SOFIE VANLOMMEL PHOTO: JONAS LAMPENS
Nous l’appelons quelques jours avant son départ pour un nouveau séjour d’un mois au Congo. C’est la 25e fois que Réginald Mo reels part à l’étranger pour apporter une aide médicale dans des zones oubliées et dépourvues de tout. «En mission», dit-il luimême à juste titre. Il s’envolera bientôt vers l’Ouganda, en compagnie de deux infirmiers et d’un anesthésiste stagiaire qui se sont portés volontaires pour prodiguer des soins médicaux en tant que bénévoles pendant un mois. Il leur faudra sept heures de route pour traverser l’Ouganda, passer la frontière à Kasindi, et en suite encore une heure et demie à travers la puissante et gigantesque forêt congolaise des Virunga, où vivent également les gorilles. D’ici là, Radio Tam Tam aura fait son travail. L’arrivée du médecin aura été annoncée sur les radios locales et dans les prêches du dimanche. «‘Le Blanc est arrivé, le docteur, le vieux est là.’ Depuis des années, je suis le seul médecin blanc qui se rend dans la région. Ils me connaissent.»
Réginald Moreels (72 ans) a été secrétaire d’État et sénateur. Mais il est et reste avant tout médecin. Fonda teur de Médecins sans frontières en Belgique, il en fut pendant des années le président. Il a travaillé comme chirurgien dans les régions les plus dangereuses, de la Somalie à la Syrie.
Depuis 2014, il travaille au Nord-Kivu, au Congo, à partir de la ville de Beni. «Une ville sûre», souligne-t-il,
mais elle se situe à l’épicentre d’une des régions les plus dangereuses au monde. Le sol regorge de trésors comme l’or, les diamants, le coltan et le cobalt. Ses champs et ses forêts sont le terrain de jeu d’un enchevêtrement de milices, souvent soutenues par les pays voisins qui lorgnent sur ces richesses minérales. Les Nations Unies en ont dénombré 50, explique-t-il, des rebelles tutsis congolais M23, associés aux enfants soldats et aux viols, à l’ADF, récemment affilié à Al-Qaïda. «Il y a également des décapitations dans la région...»
Le conflit est qualifié «de silencieux» mais il a fait des millions de morts au cours des dernières décennies. Des centaines de milliers de personnes se sont enfuies ou vivent dans des camps. Chaque jour compte son lot de victimes suite aux affrontements entre l’armée et les rebelles ainsi qu’entre citoyens. «Les gens sont massacrés dans les champs.» Les organisations internationales qualifient la région de «zone rouge» et pratiquement aucune aide n’est fournie. Aucune négociation de paix significative n’est en cours. «C’est le blabla internatio nal classique», estime Réginald Moreels, qui s’est rendu auprès du pape François et du roi Philippe pour plai der pour une solution. Près de 1,5 million de personnes doivent se débrouiller sans soins médicaux dignes de ce nom. Les césariennes et les opérations d’urgence sont pratiquées par des médecins généralistes. «Ici, il n’y a personne, à part une mission aussi onéreuse qu’inutile de l’ONU. Nous allons là où les autres ne vont pas: c’est ce qui me motive.»
En rangs serrés, les habitants font la queue lorsqu’il commence ses consultations à l’hôpital local, qui compte deux salles d’opération et 20 lits. Tumeurs, accouche ments, fistules, complications, hernies inguinales, ex croissances dues au manque d’iode dans l’alimentation. «Nous allons être submergés. Les gens reportent leurs soins aussi longtemps que possible en a endant notre arrivée.»
Il a fondé l’Unichir (Surgical Project Beni), avec le soutien d’Architectes sans frontières, d’Ondernemers voor Ondernemers, d’Ingénieurs sans frontières et de l’hôpital Saint-Jean à Bruges. Outre l’envoi d’équipes de professionnels de la santé – qui se déplacent bénévole ment et temporairement pour intervenir – et de matériel médical, un centre permanent de soins et de formation pour les travailleurs de la santé est en cours de construc tion. «Nous effectuons une sélection rigoureuse et nous exigeons la meilleure qualité. Ensuite, cela deviendra un projet des Congolais. Le centre est là pour durer.»
Il a besoin d’un million d’euros pour commencer et de 1,5 million d’euros pour le budget de fonctionnement. Le nouveau centre devrait ouvrir ses portes au cours de l’été 2023, mais la collecte de fonds reste un vrai cassetête. Même si le projet peut compter sur le soutien im portant de Dominiek Dumoulin et de sa femme, Griet Meganck. «Le meilleur soutien imaginable.» C’est ainsi
12 wealth novembre 2022
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qu’il qualifie le couple d’entrepreneurs. «Sur les plans logistique, financier et humain.»
Réginald Moreels travaille également à un modèle d’exploitation pour le centre de soins. «Je suis contre la gratuité des soins, sauf après un tremblement de terre ou une autre catastrophe de ce type. Ici, il n’y a pas d’as surance maladie, c’est pourquoi nous souhaitons ‘mu tualiser’ une partie des frais en faisant payer les patients selon leurs possibilités. Les Congolais pauvres paieraient moins et les riches – il existe des Congolais millionnaires – paieraient beaucoup plus, en échange par exemple d’une chambre particulière. Si nous pouvons démontrer que cela fonctionne, d’autres se diront peut-être: ‘Sapristi, c’est intéressant’. C’est aussi un de nos objectifs.»
«Ici, il n’y a pas d’assurance maladie, c’est pourquoi nous souhaitons ‘mutualiser’ une partie des frais en faisant payer les patients selon leurs possibilités.»
Réginald Moreels Chirurgien
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RÉPONDRE À L’URGENCE, LE MOTEUR DU PHILANTHROPE MODERNE
La philanthropie, autrefois l’apanage des élites, a gagné toutes les composantes de la société. Quels que soient votre motivation et vos moyens, di fférentes pistes s’off rent à vous.
C’est au plus fort des crises que la philanthropie donne le meilleur d’elle-même.
On est donc servis… «Il y a eu la crise du covid – qui a suscité une mobilisation exceptionnelle –, les inonda tions, la crise énergétique et le climat qui s’impose durablement en toile de fond. Et à l’avenir, les crises ne vont sans doute faire que s’enchaîner et se superposer à un rythme toujours plus soutenu», expose Jérémie Leroy, directeur à la Fondation Roi Baudouin (FRB). L’accélération des défis renforce la prise de conscience, et la motivation des philanthropes a chan gé. «Aujourd’hui, on n’agit plus par idéal, mais pour répondre à l’urgence», constate Silvia Steisel, administratrice déléguée de la Fondation Degroof Petercam.
Par conséquent, les bienfaiteurs n’af fichent plus le même visage non plus. La philanthropie, autrefois l’apanage des élites, a gagné toutes les composantes de la société. La vieille tante Yvonne sans hé ritiers et des lignées de philanthropes qui perpétuent spontanément la tradition
sont rejoints par des jeunes, des familles et des entrepreneurs de 40-50 ans ayant ont fait fortune. Des gens de tous horizons qui veulent faire quelque chose mainte nant, de leur vivant, sans a endre qu’il ne soit, peut-être, trop tard! Chacun avec ses moyens – fussent-ils modestes – et ses caractéristiques. En quête de sens.
Les modèles inspirants des élites restent certes un socle essentiel. Bill Gates, MacKenzie Sco (l’actionnaire d’Ama zon), et plus récemment Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, ont marqué les esprits. Un formidable coup de projec teur, une force de frappe financière hors norme, et un bon baromètre des causes prioritaires. Mais l’évolution des techno logies, les nouveaux outils et les nouvelles façon de communiquer ont révolutionné les modes de récolte et de redistribution des dons et permis de rallier ces autres pu blics, désireux que les choses aillent vite.
Un glissement s’opère de ce fait éga lement au niveau des thématiques. «Le traditionnel trio de prédilection que sont la santé, la lu e contre la pauvreté, la culture et le patrimoine cèdent du ter rain au réchauffement climatique et à la biodiversité», constate Jérémie Leroy.
14 wealth novembre 2022
TEXTE: MURIEL MICHEL
«La philanthropie ne se limite pas à alimenter une fondation. Pour œuvrer à l’intérêt général, les gens peuvent donner du temps, des moyens, du mobilier, de l’argent et des compétences.»
Ludwig Forrest Conseiller en philanthropie à la Fondation
Roi Baudouin
1QUELLE THÉMATIQUE PRIVILÉGIER?
La philanthropie naît toujours d’une mo tivation personnelle et émotionnelle. «Un voyage qui doit se réfléchir, se discuter et mûrir», explique Jérémie Leroy. La FRB fait d’ailleurs du conseil sur mesure, et propose divers outils pour toutes les thé matiques et à toute les échelles. De la plus locale à la planète entière. «Parfois, les gens arrivent avec une idée bien précise. En l’explorant, on les amène à découvrir d’autres champs d’action et outils qui se raient susceptibles d’accroître l’envergure et le pouvoir de leur action philanthro pique», poursuit-il.
Pour identifier son moteur, le phi lanthrope doit se poser un question essentielle: que veut-il changer dans ce monde? «Les causes urgentes étant aussi les plus complexes, elles sont difficiles à appréhender. Les (néo)philanthropes ne savent souvent pas par quoi commencer et ni comment faire. Ils ont donc ten dance à faire confiance aux associations qui œuvrent déjà sur le terrain. Cet aveu de faiblesse est une a itude assez neuve», constate Silva Steisel.
«La philanthropie ne se limite évi demment pas à alimenter une fondation. Pour œuvrer à l’intérêt général, les gens peuvent donner du temps, des moyens, du mobilier, de l’argent et des compétences», ajoute Ludwig Forrest, conseiller en phi lanthropie à la FRB.
Faire un don, investir dans une socié té non cotée, se lancer dans la venture philanthropie (accompagner des asso ciations et leur offrir une expertise pour les aider à se professionnaliser, à amélio rer leur organisation et leur gestion)… La finance fait également partie des so lutions.
les jeunes qui mordent à Be er sont sur tout désireux de faire leur chemin, leurs propres choix, de trouver une cause de prédilection et d’être partie prenante aux solutions. Ils veulent créer du lien avec une association, intégrer une communau té rassemblée autour de mêmes valeurs», ajoute-t-elle.
2LES OUTILS
«À la FRB, il est possible de créer un fonds avec un capital à votre nom, à partir de 75.000 euros. Un exemple? Vous êtes célibataire sans enfants et propriétaire d’un appartement. À votre décès, vous transme ez ce bien immobilier à la Fon dation qui lance un fonds, à votre souve nir et à votre nom, selon vos vœux, avec une garantie de pérennité sur le très long terme», détaille Jérémie Leroy. «Une autre personne lèguera un capital dont on ne prélève qu’une partie chaque année, ce qui garantit une pérennité à long terme. Certains versent une somme chaque an née et souhaitent qu’elle soit dépensée dans les 18 mois. Tout est possible…»
3BETTER: PREMIER PAS DU PARCOURS D’UN FUTUR PHILANTHROPE
Be er est la porte d’entrée idéale pour les néophilanthropes. «Une plateforme digitale destinée aux ‘millennials’ (30-45 ans) pressés d’embarquer dans la philan thropie, et qui ne savent ni que faire ni par où commencer», résume Marie Logé, cofondatrice de Be er. Et ce, alors que la Belgique compte chaque année davan tage de donateurs, mais qui effectuent des dons plus modestes.
Via un abonnement solidaire digital (à partir de 5 euros par mois), Be er permet à ses utilisateurs de découvrir, chaque mois, une association rigoureusement sélectionnée. «À ce jour, le montant men suel moyen est de 17 euros. Il faut le voir comme un abonnement découverte de 12 causes dans la thématique choisie par la personne», assure Marie Logé.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les thématiques de prédilection changent de façon radicale au gré de l’actualité. «En début d’année, la thématique des réfugiés était choisie par 10% des visiteurs du site. C’est monté à 50 ou 60% avec le déclen chement de la guerre en Ukraine. Mais fin septembre/début octobre, tous les visiteurs ont choisi la pauvreté comme priorité», précise-t-elle. Des options di rectement dictées par l’urgence, la volonté d’être utile directement et d’avoir un im pact très rapide sur le terrain.
«Alors que leurs aînés donnaient avant tout par tradition, habitude ou amitié,
4DONS, LEGS (EN DUO)…
Les dons à la FRB, comme à toutes les ASBL disposant de l’agrément fédéral, ouvrent le droit à une a estation fiscale qui per met de récupérer 45% du montant (min. 40 euros) via votre déclaration fiscale. Si l’argent est légué par testament, au décès du légataire des droits de succession réduits (7% en Wallonie et à Bruxelles, voire de 0% en Flandre depuis juillet 2021) sont prélevés.
Lorsqu’une personne n’a que de la famille éloignée – qui sera donc forte ment taxée – dont elle souhaite faire son héritier, le legs en duo est une solution avantageuse. Ce e technique consiste à léguer une partie de son patrimoine à ce e personne et l’autre partie à une association ou une fondation, faible ment taxée en droits de succession, qui se chargera de payer la totalité des droits de succession. Comme cela représente une charge administrative et financière, le montant légué à la bonne œuvre doit être assez important pour que l’opération soit suffisamment «rentable» pour elle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Région flamande a mis fin au legs en duo et instauré des droits à taux zéro pour les legs aux associations et fondations. ■
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VGP: «NOUS NE VOULONS PAS TRANSFORMER NOS ACTIVITÉS DE PHILANTHROPIE EN LOBBYING CACHÉ»
16 wealth novembre 2022
Au Tadjikistan, la Fondation VGP soutient des projets visant à protéger l’habitat des yacks (ci-dessous) et des léopards des neiges (à droite).
Des léopards des neiges au Kirghizistan aux danses bourguignonnes à Anvers: ces dernières années, le groupe d’immobilier logistique VGP a investi, via sa propre fondation, dans une grande variété de projets caritatifs. Malgré le changement de conjoncture, il est important de continuer à faire tourner ce moteur philanthropique.
TEXTE: PIETER SUY PHOTOS: NABU
Les «Basses Danses», un manuscrit aussi rare que luxueux rassemblant la musique et la chorégraphie de 58 danses populaires il y a 500 ans à la cour de Marguerite d’Autriche, a jusqu’à présent vécu caché dans les coffresforts de la Bibliothèque royale, à Bruxelles.
Mais avec le soutien de la Fondation VGP, qui investit dans la philanthropie une partie des béné fices du groupe immobilier VGP, les chercheurs espèrent augmenter la notoriété de ce document enluminé d’or et d’argent auprès d’un large public. Plus tôt cet automne, déjà, les majestueuses «Basses Danses» dont raffolaient les Bourguignons ont été à nouveau jouées sur scène, à Anvers.
Selon Jan Van Geet, moteur de VGP, ce projet est l’exemple parfait de ce que représente sa fondation. «Il est possible d’avoir un impact important, même avec
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des moyens limités. Dans ce cas, nous voulions promouvoir un volet de la culture flamande qui avait presque disparu dans les limbes. Mais outre le patrimoine culturel, notre fondation est également active dans des projets de lu e contre les inégalités sociales et la promotion de la biodiversité.»
Sols tourbeux ukrainiens
Trois ans après sa création, la fondation est présente un peu partout dans le monde. L’an dernier, des collaborateurs de la Fondation VGP se sont rendus dans les montagnes enneigées du Kirghizistan pour protéger des léopards des neiges et apprendre aux populations locales à défendre leurs troupeaux sans me re en danger ce e espèce menacée.
La fondation est aussi présente en Ukraine, où elle participe à une initiative visant à restaurer les sols tourbeux, qui captent d’énormes quantités de CO2. «Ce projet se poursuit malgré la guerre», précise Jan Van Geet. «Nous restons bien entendu a entifs à l’évolution de la situation.»
Les projets soutenus par la Fondation VGP sont à des années-lu mière des activités quotidiennes du groupe immobilier, qui traverse aujourd’hui d’énormes turbulences boursières. Mais ces dernières an nées, au moment où VGP connaissait une croissance fulgurante sur le marché immobilier, Jan Van Geet a compris qu’il avait l’obligation morale de compenser l’impact des activités de son entreprise.
Il applique cependant le principe «on n’est jamais si bien servi que par soi-même». «Chez VGP, nous construisons de nombreux entrepôts et nous avons donc un impact important sur les communautés lo cales», explique-t-il. «Je négocie souvent moi-même avec les communes
dans lesquelles nous sommes actifs. On me demande fréquemment comment nous comptons compenser l’augmenta tion du trafic ou des nuisances sonores provoquées par nos projets. Les lobbies locaux nous demandent de participer à des projets n’ayant souvent qu’un impact limité ou pour lesquels l’intérêt personnel prévaut. L’idée première de la fondation est que nous pouvons obtenir de meil leurs résultats en décidant nous-mêmes de ce que nous faisons de notre argent.»
Depuis le lancement de la fondation, VGP a investi environ 19 millions d’euros dans 29 projets. «Pour sélectionner ces projets, je me suis entouré de spécialistes dans ce domaine. Nous comptons notam ment parmi nos administrateurs Olaf Tschimpke, qui fut pendant des années le président de Nabu, le deuxième plus grand fonds de protection de la nature au monde.»
Anne De Paepe, ancienne rectrice de l’Université de Gand, et la styliste Ann Demeulemeester siègent également au conseil d’administration. «Dès le début, nous nous sommes mis d’accord sur un
18 wealth novembre 2022
«Outre le patrimoine culturel, notre fondation est active dans des projets de lu e contre les inégalités sociales et la promotion de la biodiversité.»
Jan Van Geet Patron de VGP
Des cavaliers partent à la recherche de braconniers de panthères des neiges au Kirghizistan.
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certain nombre de principes à respecter: la fondation ne peut pas servir d’outil de promotion pour VGP et elle ne peut être un lobby déguisé, comme je le vois sou vent autour de moi.»
Effet secondaire positif, les activités de la fondation poussent les collaborateurs de VGP à se lancer dans le volontariat. «Notre équipe portugaise organise par exemple des journées de bénévolat où nos collaborateurs vont repeindre des écoles pour enfants handicapés», raconte Jan Van Geet. «Et en République tchèque, nous plantons des arbres dans des forêts décimées par les scolytes (insectes coléop tères, NDLR). Je fais d’ailleurs partie de l’équipe qui replante les arbres.»
Turbulences boursières
Mais le très discret patron de VGP ne veut pas en faire un plat. «Je ne veux pas me servir de ces projets pour me retrouver à la une des journaux. En réalité, je préfère travailler dans l’ombre. Peut-être que les choses évolueront mais, aujourd’hui, je préfère me concentrer sur l’entreprise. Si vous entendiez l’histoire de ceux qui in troduisent un dossier auprès de notre fon dation… C’est très émouvant. Ce sont eux, les héros. Prenez l’exemple de notre projet en Slovaquie, baptisé ‘My Buddy’ (mon co pain, NDLR). Là-bas, de nombreux enfants sont retirés de la garde de leurs parents en raison de problèmes d’alcoolisme ou de drogue. Ces enfants se retrouvent alors dans une institution publique où ils ne sont guère traités comme des individus. ‘My Buddy’ forme des volontaires qui sont prêts à devenir des ‘buddies’ – des espèces de parents de substitution – pour ces en fants, ce qui augmente leurs chances de réussir dans la vie.»
Actuellement, l’entreprise de Jan Van Geet n’a pas la vie facile en bourse. Depuis le début de l’année, l’action du groupe –
Le «Manuscrit des basses danses», composé de 25 feuilles de parchemin noir contenant de la musique et du texte, est considéré comme l’un des points forts de la culture bourguignonne et habsbourgeoise. Avec le soutien de la Fondation VGP, il a fait l’objet de recherches approfondies.
jusqu’à tout récemment encore la coqueluche des inves tisseurs – a perdu près de 68% (début novembre 2022) en raison de la hausse des taux et du report de la création d’une nouvelle coentreprise avec son partenaire Allianz. Ce e situation ne menace-t-elle pas le fonctionnement de la Fondation VGP? Chaque année, l’entreprise lui verse 2% de ses bénéfices annuels.
«Si nous ne faisons pas de bénéfices, ce n’est bien entendu pas possible», réagit Jan Van Geet. «Toutes les ONG sont confrontées au même problème: elles ont été créées durant des périodes où tout allait bien et sont dépendantes de la conjoncture. Lorsque les choses vont moins bien, leurs sources de revenus se tarissent. C’est ce que j’essaie d’éviter avec notre fondation. Non seulement en continuant à investir directement dans des projets caritatifs, mais aussi en faisant en sorte que certaines initiatives génèrent elles-mêmes un rendement. Ainsi, les spectacles organisés par notre volet patrimoine culturel génèrent un revenu qui est intégralement reversé à la fondation.»
La Fondation VGP
> Le groupe immobilier VGP dispose de sa propre fondation phi lanthropique depuis 2019. La Fondation VGP soutient des projets au tour de la biodiversité, du patrimoine culturel et de la justice sociale.
> Chaque année, VGP verse 2% de ses béné fices annuels à la fonda tion. Depuis sa créa tion, la Fondation a dé jà investi 19 millions d’euros dans 29 projets.
> Il s’agit notamment d’initiatives de conser vation de la nature au Kirghizistan et au Ta djikistan, ainsi que de projets locaux tels que la Capelderij à Buggen hout, un centre de conseil pour les jeunes ayant des problèmes comportementaux et émotionnels.
> Les projets sont sélec tionnés par un conseil d’administration au sein duquel lequel siègent, outre Jan Van Geet, l’homme fort de VGP, Anne De Paepe, l’ancienne rectrice de l’UGent, et la créatrice de mode Ann Demeule meester, entre autres.
Il poursuit avec un autre exemple: «À Rumst, nous avons racheté le Tibur Hof, un lieu historique que nous comptons transformer pour y organiser des événements. Nous y louerons également des bureaux et les revenus locatifs reviendront à la fondation. Si nous voulons réel lement avoir un impact, nous devons faire en sorte que nos efforts s’inscrivent dans la durée et éviter que ce que nous avons réalisé dans le passé se perde dès que le vent conjoncturel tourne.»
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20 wealth novembre 2022
«Nous faisons en sorte que certaines initiatives caritatives génèrent elles-mêmes un rendement. Ainsi, les spectacles organisés par notre volet patrimoine culturel génèrent un revenu qui est intégralement reversé à la fondation.»
Jan Van Geet Patron de VGP
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«LE PIRE QUI PUISSE ARRIVER À UN INSTRUMENT EST DE SE RETROUVER DERRIÈRE UNE VITRINE»
Pour un musicien professionnel, disposer d’un instrument de premier ordre est essentiel. Afin d’adoucir les prix astronomiques des violons, altos et autres violoncelles, la société Brussels Philharmonic Orchestra a créé une fondation. Trois musiciens nous parlent des instruments qu’ils ont reçus en prêt de la part d’investisseurs et dont tout le monde peut aujourd’hui profiter.
23 wealth novembre 2022
TEXTE: PIETERJAN NEIRYNCK / PHOTOS: KATRIJN VAN GIEL
EMMANUEL TONDUS
«Je ne supporte pas que des collectionneurs me ent leurs instruments de musique derrière une vitrine et n’en jouent jamais», explique Emmanuel Tondus (41 ans), qui joue de puis des années sur un violoncelle de 1865 fabriqué par Ludovico Rastelli, un des rares luthiers professionnels de Gênes. «Plus l’instrument est ancien, plus il a de la valeur. Aujourd’hui, celle-ci peut a eindre le prix d’un petit studio. Il n’est pas rare de voir un violoncelle changer de proprié taire pour 165.000 euros.»
Comme près de 20 autres collègues de l’orchestre bruxel lois, Emmanuel Tondus joue sur un instrument appartenant à un cercle d’investisseurs privés. Ces derniers collaborent au sein de la Fondation Brussels Philharmonic, qui a vu le jour en 2013 avec l’aide de la banque privée Puilaetco Dewaay et du cabinet d’avocats Delboo Deknudt. La fondation compte aujourd’hui 18 instruments – violons, violoncelles et contre basses – d’une valeur totale de plus de deux millions d’euros.
«Il y a deux ans, j’ai rencontré la propriétaire de mon violoncelle. Elle est passionnée de musique ainsi que sa fille, qui joue également du violoncelle pendant son temps libre», raconte Emmanuel Tondus. Ce n’est bien sûr pas une obligation. Des financiers purs et durs participent aussi au projet. Participatiemaatschappij Vlaanderen (PMV) – le bras financier du gouvernement flamand – fait par exemple partie des investisseurs. En échange de leur contribution, ils sont étroitement impliqués dans le fonctionnement de l’orchestre.
En dehors du Rastelli, Emmanuel Tondus possède un autre violoncelle, qu’il a acquis pour 45.000 euros. «Je comprends qu’un tel achat ne soit pas à la portée de tout le monde. L’orchestre compte 19 nationalités différentes et certains musiciens viennent de pays moins favorisés. La fondation a donc une grande valeur ajoutée. Elle offre aux musiciens de talent l’opportunité de jouer sur des instru ments de qualité», poursuit le violoncelliste, qui joue depuis 14 ans dans l’orchestre Brussels Philharmonic. «Nous avons de bons musiciens, une excellente ‘vibe’ et, grâce à la fonda tion, nous jouons sur d’excellents instruments.»
24 wealth novembre 2022
«Il n’est pas rare de voir un violoncelle changer de propriétaire pour 165.000 euros.»
Emmanuel Tondus Violoncelliste
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BELGIQUE
CRISTINA CONSTANTINESCU
«On arrive toujours à destination, que l’on roule en Toyota ou en Ferrari, mais l’expérience n’est pas la même.» C’est avec ce e métaphore que Cristina Constantinescu souligne l’importance de la fondation. «Il est beaucoup plus difficile d’obtenir une belle sonorité ou de produire un son portant très loin avec un instrument de moins bonne qualité. C’est très important car, avec le Brussels Philharmonic, nous voulons faire partie du top mondial. Les chefs d’orchestre invités nous disent souvent: ‘Waouw, quelle qualité avec les cordes!’ N’est-ce pas un beau compliment?»
Cristina Constantinescu, qui est roumaine, vit depuis 22 ans en Belgique et parle couramment le néerlandais, joue depuis six ans sur un violon de la famille de luthiers anversois Hofmans. «Mon violon date de 1650 et j’en prends grand soin. Ma maison doit être chauffée jour et nuit, car il doit être conservé à une température constante. En fait, c’est étonnant que ce bout de bois ait résisté aussi longtemps –pour le dire de façon quelque peu irrévérencieuse.»
Elle travaille régulièrement jusqu’à cinq heures par jour sur sa «vieille dame», confie-t-elle. «En plus des répé titions à Bruxelles, il est important de jouer tous les jours. C’est comme le sport de haut niveau: vous devez garder la forme ainsi que celle de votre instrument. Je dois maintenir mon niveau technique aussi constant que possible afin de contrôler parfaitement mon instrument. Il faut également prendre le temps de l’accorder, car il est essentiel que le ‘la’ soit toujours joué à une certaine fréquence.»
Pour la violoniste, la fondation doit se développer et acquérir une plus grande notoriété. «Si un investisseur place de l’argent dans un instrument de musique, cela peut réellement faire la différence, non seulement pour le musicien, mais aussi pour l’art et la culture en général. Je trouve important que le grand public puisse voir et entendre ces instruments», conclut-elle.
26 wealth novembre 2022
violon date de 1650 et j’en prends grand soin. Ma maison doit être chauffée jour et nuit, car il doit être conservé à une température constante.»
«Mon
Cristina Constantinescu Violoniste
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«J’appelle cela un mariage de sons: l’instrument apporte une certaine pale e de sonorités et moi une certaine façon de jouer.
Les deux doivent se rencontrer», explique l’Allemand Stephan Uelpenich qui, après des études en sciences musicales à Bonn, s’est retrouvé chez nous via différents orchestres. «Au début, je trouvais la vie ici difficile, mais je voulais absolument parler une langue du pays. J’ai donc acheté un livre, ‘Nederlands voor begin ners’ (le néerlandais pour débutants). Lorsque je suis arrivé dans l’orchestre, je l’ai mis de côté. Mes collègues m’ont aidé à parler le néerlandais et même les dialectes.» (il rit)
Au sein du Brussels Philharmonic, il joue sur un alto italien dont il préfère ne pas dévoiler la valeur exacte. «Il est possible d’acheter un nouvel instrument de qualité à partir de 30.000 euros. Mais mon violon alto a été fabriqué en 1900 et est un des rares à être encore en excellent état. C’est un instrument de grande valeur», ajoute-t-il. «Les anciens instruments ont leur propre ca ractère: le son n’évolue plus.»
Malgré tout, la magie n’a pas opéré tout de suite avec «son» violon alto. «Ce fut difficile au début. J’ai dû m’habituer au son, qui était complètement di fférent de celui de mon propre alto. Mais on finit par s’adapter. J’ai joué de longues notes pendant des jours, dans des dynamiques différentes. Et c’est d’ailleurs une bonne chose pour l’investisseur. Plus vous jouez, plus la qualité de l’instrument s’améliore, ce qui augmente sa valeur. Le pire que l’on puisse faire à un instrument de musique est de le me re sous verre.»
À 60 ans, Stephan Uelpenich est un des musiciens les plus ex périmentés de l’orchestre bruxellois. «Lorsque je devrai rendre l’instrument, je serai certainement très triste. Mais cela fait partie du jeu. En tant que musicien, vous jouez un certain temps avec l’instrument, qui est ensuite transmis à un successeur. C’est ainsi que je vois les choses: nous ne faisons que passer dans la longue histoire de ce violon alto.» ■
La Fondation Brussels Philharmonic
> L’orchestre sympho nique Brussels Phil harmonic compte au total 82 musiciens. Il est né en 1935, dans le giron de l’Institut national de radio diffusion, l’ancien nom de la chaîne de radio publique belge.
> La fondation a vu le jour en 2013, à l’ini tiative de Gunther Broucke, l’intendant du Brussels Philhar monic. Elle est le fruit d’une collabo ration entre la banque privée Pui laetco Dewaay et le cabinet d’avocats Delboo Deknudt.
> Via la fondation, 2,7 millions d’euros ont pu être collectés, essentiellement au près de particuliers. La fondation compte aujourd’hui 18 ins truments: 9 violons, 3 altos, 4 violon celles et 2 contre basses.
28 wealth novembre 2022
STEPHAN UELPENICH
«Plus vous jouez, plus la qualité de l’instrument s’améliore, ce qui augmente sa valeur.»
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30 wealth novembre 2022
«NOUS POUVONS MENER DES RECHERCHES DONT NOUS N’AURIONS PAS OSÉ RÊVER»
Avec l’aide d’une soixantaine de familles d’entrepreneurs, dont Mark Zuckerberg, l’entrepreneur Urbain Vandeurzen a déjà collecté plus de 40 millions d’euros pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Mais cela ne se fait pas en un claquement de doigts. «Les entrepreneurs veulent des résultats et c’est aux chercheurs de les convaincre», estime le biologiste de renommée mondiale Bart De Strooper. «Nous devons défendre nos recherches comme de vrais vendeurs, y compris auprès de la Fondation Bill et Melinda Gates.»
TEXTE: TOM MICHIELSEN PHOTOS: KATRIJN VAN GIEL
Si le nombre de grues de chantier est révéla teur de la croissance et de la santé d’un cam pus scientifique, alors l’UZ Leuven, toujours en pleine expansion, se porte comme un charme. Notre visite au «bâtiment ON5» du Gasthuisberg – où nous devons rencontrer l’investisseur-philanthrope Urbain Van deurzen et le chercheur de renom Bart De Strooper pour discuter de leur expérience en matière de philanthropie et de collecte de fonds – est un vrai parcours d’obstacles entre les différents chantiers et les routes défoncées. D’ail leurs, des études internationales le confirment: dans le classement de l’agence de presse Reuters, la KU Leuven occupe depuis déjà quatre ans la première place en tant qu’université la plus innovante d’Europe.
C’est là que se trouve notamment le campus biomé dical du Gasthuisberg. «Le kilomètre carré le plus intel ligent d’Europe.» C’est par ces mots que le recteur, Luc Sels, qualifie ce e «ville high-tech dans la ville» qu’est
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devenu le Gasthuisberg au fil du temps, non sans une certaine dose d’esprit de compétition et de chauvinisme. «Je sors tout juste du conseil d’administration de la KU Leuven et les plans d’agrandissement de l’UZ (hôpital universitaire, NDLR) pour les prochaines années sont impressionnants», confie Urbain Vandeurzen tandis qu’il nous serre la main. En 1980, ce capitaine d’industrie, ingénieur et ancien étudiant de la KU Leuven, fut un des cofondateurs de LMS, une spin-off de haute technologie spécialisée dans les systèmes de tests et les logiciels de simulation pour l’industrie automobile et aéronautique, vendue à Siemens en 2012 pour la somme de 700 mil lions d’euros.
Pas une seconde il n’a pensé à empocher le revenu de ce méga contrat pour passer le reste de ses jours, les doigts de pieds en éventail, sur une île tropicale. Urbain Vandeurzen a réinvesti cet argent dans de nombreuses autres entreprises par l’intermédiaire de son family office VMF Invest qui, à son tour, est le principal investisseur de son propre fonds de private equity, Smile Invest. Il a également investi dans Droia, le fonds de biotechnologie de l’ancien entrepreneur en construction Luc Verelst, et dans Fund+, créé par le fondateur de Thrombogenics, Désiré Collen.
En 2013, à la demande de la KU Leuven, il est devenu président d’Opening the Future, une campagne de mé cénat en faveur de la recherche sur les maladies neuro dégénératives, dont lui-même est le principal bailleur de fonds. Ce n’est donc pas une coïncidence si nous le rencontrons avec, à ses côtés, Bart De Strooper, une au torité mondiale de la maladie d’Alzheimer. Ce dernier dirige à Louvain le laboratoire de recherche sur les ma ladies neurodégénératives, qui fait partie du Vlaams Instituut voor Biotechnologie (VIB ou Institut flamand de biotechnologie). Depuis quelques années, il gère aussi le Dementia Research Institute à Londres.
Lors de la première campagne d’Opening the Future, entre 2013 et 2018, dix millions d’euros ont été récoltés. Cet argent a été réparti sur 20 projets de recherche fon damentale sur les maladies neurodégénératives. Des scientifiques de haut vol, comme Bart De Strooper et le chercheur Patrik Verstreken, spécialisé dans la maladie de Parkinson, ont ainsi eu l’opportunité de mener des recherches fondamentales qui n’auraient jamais vu le jour sans ce e initiative. «J’ai sauté de joie lorsque j’ai entendu que nous allions enfin bénéficier des moyens et de l’a ention sur lesquelles les recherches contre le cancer s’appuient depuis de nombreuses années», se souvient Bart De Strooper. «Ce fut aussi la première fois que j’ai personnellement participé à une campagne de sensibilisation sur la maladie d’Alzheimer et que nous étions aussi bien encadrés. C’était vraiment fantastique.»
Levier international
La première campagne s’est élargie. Après quelques années, Opening the Future s’est également dotée d’une plateforme internationale, Mission Lucidity, qui
a convaincu la fondation du créateur de Facebook, le milliardaire Mark Zucker berg, et de sa femme, Chan. Dix millions d’euros supplémentaires se sont ainsi retrouvés dans le projet. «Aujourd’hui, on peut dire que la première campagne a généré un impact de 50 millions d’eu ros, grâce à l’effet de levier international», déclare fièrement Urbain Vandeurzen. «Pour convaincre les grands entrepre neurs internationaux, mais aussi les 30 entrepreneurs belges et riches familles ayant jusqu’ici participé à notre levée de fonds, il est important d’avoir un dis
cours à 100% rationnel. J’ai appris cela des Anglo-Saxons. Vous aurez beau insister sur l’importance de l’innovation, il vaut mieux tenter de toucher les donateurs en leur expliquant qu’ils pourraient, eux aussi, leurs amis ou des membres de leur famille, être un jour a eints par la maladie d’Alzheimer.»
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à Ur bain Vandeurzen et à Bart De Strooper. «J’ai remarqué chez ma mère – elle est décédée il y a dix ans – à quel point le processus de dégénérescence était dou loureux», se souvient le premier. «Les patients perdent non seulement la mé moire, mais aussi leur personnalité et leur conscience, c’est-à-dire tout ce qui fait de nous des humains.»
«Alzheimer tue deux fois», renchérit le second, dont la mère sou ff re égale ment depuis longtemps de la maladie. «Alzheimer tue d’abord les personnes mentalement, et ensuite physiquement, car de nombreux organes vitaux ne sont plus gérés par le cerveau.»
Bart De Strooper Professeur à la KU Leuven et autorité mondiale de la maladie d’Alzheimer
Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies neurodégénéra tives constituent le principal défi médical des prochaines décennies. Pires encore que le cancer et les pathologies cardio
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«Pour tenter de toucher les donateurs, mieux vaut être à 100% rationnel, en leur expliquant qu’ils pourraient, eux aussi, ou leurs proches, être un jour a eints par la maladie d’Alzheimer.»
Urbain Vandeurzen Entrepreneur-investisseur
«Alzheimer tue d’abord mentalement, puis physiquement, de nombreux organes vitaux n’étant plus gérés par le cerveau.»
vasculaires réunis. L’an dernier, on comp tait 55 millions de personnes souffrant de démence (l’exacerbation symptomatique des maladies d’Alzheimer et de Parkin son). D’ici 2050, ces malades devraient être au nombre de 140 millions. En Bel gique, on dénombre aujourd’hui 140.000 patients et les estimations avancent un chi ff re de 250.000 personnes a eintes d’ici 30 ans. Aujourd’hui, les soins aux patients a eints de démence sévère se montent, dans le nord du pays, à près de quatre milliards d’euros par an et ces coûts devraient continuer à augmenter.
«Le défi consiste à ralentir le long et douloureux processus de dégénérescence qui aboutit au décès du patient», explique Bart De Strooper. «Le problème, c’est que la maladie d’Alzheimer est déjà à l’œuvre dans le cerveau 10 à 15 ans avant les pre miers symptômes de démence. Si vous voulez avoir de bonnes chances de pro fiter du traitement, vous devez être dia gnostiqué précocement. C’est également important si nous voulons développer et tester des médicaments.»
C’est précisément ce que visent bon nombre des 20 projets d’Opening the Future. «Le grand avantage de la philan thropie, c’est que nous pouvons allouer les
COMMENT URBAIN VANDEURZEN «MET SON ARGENT AU TRAVAIL»
La part des 700 millions d’euros encaissée par Urbain Vandeurzen après la vente de l’entreprise technologique LMS à Siemens est un secret bien gardé. C’est un fait qu’il a mobilisé une partie importante de ces capitaux au service de la lu e médico-scienti fique contre toutes sortes de pathologies. Avec ses 350 millions d’euros, le fonds d’investissement qu’il a créé, Smile Invest, auquel participent une quarantaine de familles d’entrepreneurs, est un des plus grands du Benelux. Il détient une participation dans 14 entreprises spécialisées en sciences de la vie, comme Rovers Medical
Devices (instruments utilisés pour prélever des cellules) et Hospidex, un distributeur de matériel médical.
En outre, il a investi, par le truchement de son véhicule d’inves tissement VMF Invest – dans lequel sa femme et ses deux enfants sont impliqués – dans les fonds Droia et Fund+. Le premier est le fonds de l’ancien entrepreneur de construction Luc Verelst, qui investit dans de jeunes sociétés de développement de mé dicaments prome eurs. Fund+ a lui été créé par le fondateur de Throm bogenics et pionnier de la biotechnologie, Désiré Collen. Au total, Urbain Vandeurzen investit
directement et indirec tement dans environ 75 entreprises, dont la plus importante est miDia gnostics, qui a mis au point un test médical sur puce électronique.
En 2013, soit un an après la vente de LMS, il a été sollicité par la KU Leuven – l’université où il a fait ses études –pour diriger le projet de mécénat Opening the Future, axé sur les mala dies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, SLA ou maladie de Charcot, autisme). Ces dix dernières années, il a réussi à collecter plus de 40 millions d’euros grâce à deux campagnes de levées de fonds, dont il est lui-même le princi pal donateur.
fonds à de la recherche à haut risque», explique Bart De Strooper. «Nous pouvons prendre des chemins dont les scientifiques ne pouvaient que rêver. Et c’est précisément ce type de recherche qui permet de faire des percées.»
Une étude sur la souris
Ses confrères et lui se creusent par exemple la tête de puis des années pour essayer de comprendre pourquoi certains patients Alzheimer, diagnostiqués grâce à la présence des «plaques amyloïdes» spécifiques (fragments de protéines) dans le cerveau, développent des signes
de démence et d’autres pas. «Nous avons pu étudier ce phénomène dans le cadre d’une étude sur des souris, qui nous a beaucoup appris sur le mécanisme sous-jacent. Aujourd’hui, nous disposons notamment d’un modèle perme ant de tester des thérapies et nous avons entretemps réussi à empêcher les cellules cérébrales de souris de mourir en leur injectant une certaine substance. Une entreprise américaine est en train de faire des essais cliniques avec ce produit.»
Si l’on vous dit que le cerveau de souris est remplacé par un réseau neuronal installé sur une puce électro nique, vous penserez que c’est de la science-fiction. «Mais c’est la réalité: vu que les chercheurs ne peuvent prélever des cellules cérébrales sur les patients, ils prélèvent les cellules souches de cellules de la peau, qu’ils reprogram ment pour les transformer en cellules cérébrales. Elles sont ensuite placées sur une puce électronique pour former un réseau neuronal sur lequel il est possible de diagnostiquer la forme précise d’Alzheimer ou de Par kinson dont souffre le patient.»
«Brain on a Chip» est un des grands projets phares de Mission Lucidity, qui a également réussi à convaincre l’Initiative Chan Zuckerberg de me re un million d’euros sur la table. Ce qui rend le projet unique est le fait que les équipes de recherche fondamentale de la KU Leuven et du VIB ont comblé le fossé avec les cliniciens de l’UZ Leuven et des ingénieurs de l’Imec, le centre de recherche en technologies numériques et nanotechnologies. «Per sonne dans le monde n’est capable de nous imiter, car nous avons l’Imec.»
Entre-temps, la deuxième campagne d’Opening the Future est en voie d’a eindre ses objectifs. Elle a à nouveau réussi à collecter près de dix millions d’euros
L’AN PROCHAIN, OPENING THE FUTURE LANCERA SA TROISIÈME CAMPAGNE DE COLLECTE DE FONDS
En 2013, la KU Leuven a créé Opening the Future, un projet philanthro pique visant ce que l’on appelle les «major donations». Ces dix dernières an nées, la fondation a réussi à convaincre une soixantaine de familles fortunées, qui ont chacune versé un montant moyen de 300.000 euros par donation. Si on ajoute à cela le cofinancement, notamment de la KU Leuven elle-même, le montant récolté en deux campagnes s’élève à plus de 40 millions d’euros. Des fondations étrangères, comme l’Initia tive Chan Zuckerberg, ont été séduites par le projet.
Avec les fonds récoltés lors de la pre mière campagne, la fondation a pu me ner des recherches fondamentales sur les pathologies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, de Parkinson, la SLA, l’autisme, etc. Elle s’est lancée à l’international avec Mission Lucidity et a jeté un pont vers l’institution technolo gique Imec.
La deuxième campagne a permis de financer Core Lab, un super laboratoire issu de la collaboration multidiscipli naire entre la KU Leuven, l’UZ Leuven, le VIB et l’Imec. La technologie de pointe qui permet de cartographier des milliers
de cellules d’un patient malade et d’étu dier les relations sous-jacentes entre ces cellules peut donner un solide coup de pouce aux recherches sur les maladies neurodégénératives et sur le cancer.
L’an prochain verra le lancement de la troisième campagne de collecte de fonds d’Opening the Future. «S’il ne tenait qu’à moi, nous poursuivrions nos recherches sur les maladies neurodégénératives pour boucler la boucle vers les pa tients», a déclaré son président, Urbain Vandeurzen. «Mais la décision finale reviendra au conseil d’administration de la KU Leuven.»
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auprès de généreux donateurs, auxquels viendront s’ajouter dix millions d’euros de l’université. Cet argent est aujourd’hui utilisé pour financer la construction d’un super laboratoire qui, selon Bart De Stroo per, «perme ra d’aborder les problèmes biologiques et les maladies d’une façon révolutionnaire. Cela est rendu possible parce que nous sommes en mesure de cartographier, non plus uniquement quelques cellules, mais des centaines de milliers de cellules à la fois ainsi que leurs interactions. Lorsque nous comprendrons mieux ce phénomène, nous devrions être capables de décoder le mécanisme bio logique qui se cache derrière la maladie d’Alzheimer».
Ce e technologie – connue sous le nom de «Spatial Multiomics» – a été re développée au sein d’une équipe multi disciplinaire composée de chercheurs, de cliniciens et d’ingénieurs. «Les bio-infor maticiens jouent aussi un rôle de premier plan en analysant et en interprétant les milliards de données produites par le laboratoire grâce au deep learning et à l’intelligence artificielle. Pour cela, nous aurons besoin de technologies du futur telles que la puissance de calcul de l’infor matique quantique. Je suis convaincu que les grandes percées de demain auront lieu au point de rencontre entre les techno logies biomédicales et digitales. Et nous ferons ainsi d’une pierre deux coups car la technologie peut également accélérer les recherches sur le cancer.»
Urbain Vandeurzen met cependant en garde: «Il s’agit ici de recherche fon damentale approfondie, dont les résul tats ne seront pas visibles rapidement par le monde extérieur. La lu e contre la maladie d’Alzheimer ressemble à un ma rathon, mais nous ne savons pas si nous en sommes au kilomètre 10, 20 ou 30. La seule certitude est que nous ne sommes pas encore au kilomètre 40».
Des recherches de longue haleine
N’est-ce pas un message di fficile à faire passer auprès des donateurs? «Vu qu’il s’agit d’entrepreneurs de haut niveau, ils sont bien entendu orientés résul tats», poursuit-il. «Nous devons donc les convaincre, non seulement de donner de l’argent, mais aussi de faire confiance aux chercheurs. À l’inverse, lors des rencontres avec les donateurs, les scientifiques
doivent expliquer clairement que le cerveau humain est l’organe le plus complexe qui existe et pourquoi les recherches sont si longues. Mais cela ne signifie pas pour autant que nous n’ayons aucune obligation de résultat. Non seulement dans la recherche, mais aussi au niveau du financement futur. Ils s’a endent à ce qu’il y ait un certain effet d’entraînement car l’argent a ire l’argent.»
«Lorsqu’un donateur hésite, c’est souvent parce qu’il a déjà été approché pour d’autres projets. Certains versent des fonds notamment au profit de projets éducatifs pour les enfants, pour la recherche contre le cancer ou s’oc cupent de mécénat culturel. La moitié d’entre eux réagit cependant positivement.»
Ce qui signifie que l’autre moitié ne participe pas. N’est-ce pas un avantage qu’Urbain Vandeurzen connaisse pratiquement tout l’entrepreneuriat flamand? «Ce n’est pas parce que je les connais qu’ils feront un don. La plupart d’entre eux financent déjà d’autres ini tiatives. Je peux difficilement aller frapper à la porte d’un entrepreneur en lui disant: ‘Tu es plus riche que moi? Ne pourrais-tu pas verser un petit quelque chose?’ Ça ne marche pas comme ça. Je peux uniquement montrer l’exemple et leur demander de réfléchir à la possibilité de faire un don.»
«L’objectif ultime consiste à faire en sorte que leur charte familiale prévoie qu’une partie de la fortune fa miliale soit consacrée au mécénat. Plusieurs familles en sont déjà à leur troisième don, ce qui crée une tradition
philanthropique, y compris auprès des enfants du pater familias.»
Mark Zuckerberg et Bill Gates
Au niveau international également, il faut commencer par entrouvrir la porte. «À l’Initiative Chan Zuckerberg, nous aurons bientôt une chance d’obtenir un finance ment complémentaire si nous pouvons montrer que nous avons déjà obtenu un cofinancement. À la Fondation Bill et Me linda Gates, nous n’en sommes qu’au dé but vu que la maladie d’Alzheimer vient tout juste d’apparaître sur le radar. Par fois, il faut avoir la chance que leurs pro grammes coïncident avec nos recherches. Lorsqu’on est sélectionnés, c’est la force de persuasion de nos chercheurs qui entre en jeu. Ils doivent aussi ‘vendre’ leurs projets à l’équipe scientifique de la fondation.»
Où en est la motivation de Bart De Strooper et d’Urbain Vandeurzen? Alors qu’il y a des années, le scientifique a été séduit par l’idée de faire œuvre de pion nier sur le terrain inexploré de la maladie d’Alzheimer – «dans les années 1980, ce e maladie occupait tout au plus une page dans mes cours de médecine» –, l’histoire est différente pour l’ingénieur-entrepre neur. «En Europe, la philanthropie était encore très modeste. J’ai trouvé passion nant de tenter de la développer en Bel gique. LMS, la première grande spin-off de l’université, a également joué un rôle dans ma décision. Jusqu’alors, j’avais construit toute ma carrière sur le capital intellectuel de mon alma mater. Lorsque j’ai été nommé administrateur, j’ai trouvé important de lui donner quelque chose en retour.» ■
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«La lu e contre la maladie d’Alzheimer ressemble à un marathon, mais nous ne savons pas si nous en sommes au kilomètre 10, 20 ou 30.»
Urbain Vandeurzen Entrepreneur-investisseur
«Ce n’est pas parce que je connais de nombreux entrepreneurs qu’ils feront un don. Je ne peux que donner l’exemple.»
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Urbain Vandeurzen Entrepreneur-investisseur
Charles Lachaux: «Même le président Emmanuel Macron m’a félicité».
© BÉNÉDICTE MANIÈRE
36 wealth novembre 2022
CHARLES LACHAUX , ÉLU MEILLEUR JEUNE VIGNERON AU MONDE EN 2021, SOUHAITE PROTÉGER LES CONSOMMATEURS CONTRE L’EXPLOSION DES PRIX DU VIN.
«JE NE FAIS PAS DU VIN POUR LES SPÉCULATEURS MAIS POUR LES AMATEURS»
Son nom circulait déjà depuis longtemps dans l’univers du vin mais, depuis que Charles Lachaux a obtenu «l’oscar du vin» en tant que Best Rising Star, la notoriété du jeune viticulteur et le prix de ses bouteilles ont li éralement décollé. «Mais je ne veux pas que mon vin devienne un trophée pour les spéculateurs. La place du vin est dans les verres», souligne le représentant de ce e sixième génération de viticulteurs bourguignons.
«J
e dois reconnaître que j’ai cru que c’était une blague lorsque j’ai reçu l’e-mail m’an nonçant que j’avais remporté le prix de meilleur jeune viticulteur au monde. Je ne connaissais ni l’organisation ni le prix. Et lorsque j’ai vu qui étaient les sponsors – Rolls-Royce, Gucci, Virgin Galactic, etc. –, je me suis dit que ce n’était pas normal. J’ai classé l’email sans réagir», se souvient Charles Lachaux. Ce e méfiance pouvait se comprendre. L’an dernier, c’était en effet la première fois que les Golden Vines Awards étaient présentés par Liquid Icons, une fondation créée par le regre é Gérard Basset, ancien meilleur sommelier au monde, et dont l’objectif est de promouvoir l’œnolo gie avec les rece es des collectes de fonds et de ventes aux enchères de vins prestigieux (lire encadré en p.39). «Jusqu’à ce qu’un copain me conseille de prendre cet e-mail au sérieux.» Ce n’était donc pas une blague. «Vous pouvez être fier, toutes mes félicitations», a rapidement réagi le président français Emmanuel Macron dans un message posté sur Instagram.
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TEXTE: STÉPHANE GODFROID
Charles Lachaux Viticulteur
Ce qui n’est pas non plus une blague, c’est que les vins du «jeune dieu» Charles Lachaux sont chéris, recherchés partout dans le monde et… extrêmement chers. Petit exemple: pour sa cuvée Les Champs d’Argent 2019, élaborée à base de raisin aligoté, il faut débourser aujourd’hui 1.654 euros (TVA comprise, selon Wine-Sear cher, NDLR), soit 33 fois plus que le prix de vente de départ (environ 50 euros). Mais Charles Lachaux reste modeste: «Je sais d’où je viens. Et où je vais».
Comme de nombreux jeunes, il a mis du temps à savoir ce qu’il voulait faire dans la vie. La reprise du domaine fami lial n’était pas écrite dans les astres. Et pourtant. «Lorsque j’avais 16 ans, j’ai aidé mes parents pendant trois mois durant l’été. Et ce fut un véritable coup de foudre.
Je me suis immédiatement inscrit à l’école du vin au Lycée viticole, à Beaune.»
Depuis 2012, Charles gère le domaine familial Arnoux-Lachaux, avec sa mère Florence et cinq collaborateurs à temps plein. «Je suis responsable de l’ensemble des volets techniques de la production du vin. Mais, en réalité, tout le monde fait tout. C’est notre principal atout. C’est tout un art de bien collaborer au sein d’une petite équipe.» Le frère cadet de Charles, Max, rejoindra bientôt l’équipe à Vosne-Romanée. Il poursuit actuellement des études de viticulture en Suisse et fera bientôt un stage chez le viticulteur Luca Roagna, dans le Piémont.
Depuis quelques années, Charles Lachaux développe en outre son propre projet viticole, sous son propre nom. Et
il n’a pas raté son départ. L’an dernier, lors de la soirée de gala londonienne des Golden Vines Awards, il s’est retrouvé – élégant en noir et blanc – sous les projecteurs. Mais il ne connaît que trop bien le côté difficile, peu gla mour de la fabrication du vin. «L’âme du ‘vigneron’ a ire et fait rêver. Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. J’ai vu de nombreux hommes d’affaires se lancer soudain dans la viticulture. Ils achètent un domaine, investissent beaucoup d’argent, mais n’ont pas une formation suffi sante. J’ai aujourd’hui 33 ans et cela fait presque 17 ans que je suis dans le métier, soit la moitié de ma vie. Je suis donc bien placé pour le dire: c’est du dur labeur.»
Un rêve devenu réalité
Avant son couronnement mondial et tout le tintouin in ternational, la qualité des vins de Bourgogne de Charles Lachaux avait déjà été remarquée par plusieurs œno logues amateurs et professionnels. «Heureusement!», réagit-il en riant. «Mais ce e reconnaissance représente malgré tout un énorme coup de pouce pour la réputation de nos vins», reconnaît-il. «Vous savez, auparavant, je rê vais que des convives dans un restaurant regardent avec envie la table d’à côté en disant: ‘Tu as vu? Ils boivent un Lachaux‘, comme cela arrive souvent avec des bouteilles de Roumier, Romanée-Conti, etc. Ce rêve est devenu réali té», continue-t-il, avec un mélange de fierté et d’embarras. «Mais», ajoute-t-il rapidement, les yeux pétillants, «ce que j’apprécie encore plus, c’est que les amateurs de vins nous écrivent pour nous parler de leurs émotions au moment où ils dégustent un de nos vins. Cela m’apporte une satisfaction incroyable. J’ai moi-même eu l’occasion de déguster de nombreux grands vins. Je connais donc ce sentiment».
Suivre sa propre voie «Mes parents m’ont rapidement donné carte blanche et m’ont permis de suivre ma propre voie. Aujourd’hui, ça marche à merveille», poursuit Charles Lachaux, enthou siaste. «Je déteste la vinification telle qu’on l’enseigne à l’école. L’accent mis sur l’œnologie, les enzymes, etc., cela brise la magie. Au moment des vendanges, lorsque je me promène dans les caves et que je sens les arômes de fermentation, c’est de la magie pure. Et le début de l’ensemble du processus. Je travaille de manière biolo gique et biodynamique. Je laisse pousser les raisins aussi naturellement que possible. Je ne retire pas les herbes entre les ceps, je ne travaille pratiquement plus la terre… L’agriculture, en général, a tendance à faire des choses peu naturelles. Je laisse la nature suivre son rythme.» Au risque de récolter moins de raisins? «C’est effectivement le cas», explique-t-il. «Pourtant, j’essaie d’intervenir le moins possible. Je n’appelle pas ça de l’agriculture, mais du jardinage. Nous enlevons ici et là quelques mauvaises
et c’est tout. Mais je tiens à le souligner: je ne pro duis pas des vins naturels. Je trouve d’ailleurs ce terme dangereux.»
Est-ce vrai que qu’il vendange plus tôt que les autres viticulteurs de la région? «En effet. Pourquoi? Je laisse en
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herbes
«J’apprécie que les amateurs de vins nous écrivent pour nous parler de leurs émotions au moment où ils dégustent un de nos vins. Cela m’apporte une satisfaction incroyable.»
© JENS VAN VLEM
viron cinq fois plus de feuilles sur les vignes, ce qui réduit de trois quarts la récolte. Grâce à la photosynthèse, ces raisins arrivent plus rapidement à maturité phénolique, mais… avec un potentiel plus réduit en termes d’alcool. C’est ce qui apporte ce e élégance unique. C’est aussi une façon de s’adapter aux changements climatiques.»
Acheter du vin pour le boire
Ce e élégance, combinée au prestige international des vins Lachaux, séduit de plus en plus d’acheteurs. La rareté du vin a fait exploser les prix sur les sites de vente. «Quel que soit le vin, il ne devrait pas faire l’objet de spécula tion», soupire Charles Lachaux. «Cela ne m’intéresse pas du tout de vendre mon vin à l’un ou l’autre spéculateur qui possède déjà une collection de 20.000 bouteilles et veut absolument y ajouter mes vins… Cela ne sert à rien. J’achète moi-même beaucoup de vin et je le bois. C’est aussi ce que je souhaite pour mes vins. Ils ne doivent pas être conservés comme des trophées, ils sont là pour être bus. «N’est-ce pas agréable d’avoir acheté un de mes vins à 100 euros et de remarquer qu’il vaut aujourd’hui dix fois plus? La simple idée de boire une bouteille de plus de 1.000 euros n’est-elle pas amusante?»
Charles Lachaux rappelle également qu’investir dans le vin est risqué. «Qui vous dit que ce e bouteille que vous avez achetée à prix d’or ne sera pas bouchonnée? Qui peut garantir que ce vin pourra se conserver 30 ans? Il s’agit d’un produit périssable.»
Vin et NFT
«Vu que les prix ont explosé ces derniers mois, je souhaite protéger le marché ainsi que les véritables amateurs», poursuit Charles Lachaux, qui vient de décider de ne plus proposer ses vins via le circuit habituel, mais via deux autres canaux. Le premier est ses importateurs. «Je leur ai demandé de sélectionner rigoureusement les restaurants et bars à vins sérieux, où mes vins peuvent être propo sés.» En Belgique, ce e tâche a été confiée à la maison De Windmolen. «J’ai une relation particulière avec ce e maison. Ils sont créatifs et, pour eux, le vin passe avant le business. Entre-temps, nous sommes devenus copains et ils ont déjà participé à deux vendanges. J’ai vécu avec eux des moments inoubliables qui me donnent encore la chair de poule.»
Le deuxième canal de vente est la plateforme en ligne Crurated. Ses vins vendus par ce biais reçoivent un NFT, c’est-à-dire un non-fungible token (jeton non fongible, NDLR). Il s’agit d’un certificat de propriété enregistré sur une blockchain et qui garantit l’authenticité et l’ori gine de la bouteille. «C’est une toute nouvelle approche de vente directe au consommateur», explique Charles Lachaux. Une autre illustration de la façon, pour le viti culteur français, de suivre sa propre voie. ■
LA FONDATION GÉRARD BASSET
Les Golden Vines® Awards ont été organisés pour la première fois en 2021 par Liquid Icons, fondée quelques années plus tôt par Gérard Basset et son ami Lewis Chester. Gérard Basset est décédé en 2019 et était à l’époque le seul à détenir à la fois les titres de Master of Wine, Master Sommelier, Wine MBA, World’s Best Sommelier et Wine Management de l’OIV, l’Organisation internationale de la vigne et du vin.
Les organisateurs souhaitent, d’une part, récompenser les «stars» du monde des vins fins et, d’autre part, récolter des fonds pour la Fondation Gérard Basset. Celle-ci finance des programmes d’éducation au vin, avec une a ention particulière pour la diversité et l’inclusion. Les publics cibles sont entre autres des étudiants en œnologie issus de groupes minoritaires, des étudiants victimes de discrimi nation de genre dans leur pays/région ou issus de milieux défavorisés.
L’année dernière, la Fondation Gérard Basset a récolté 1,2 million d’euros. Cet argent servira notamment à financer l’apprentissage du vin et la formation de six jeunes som meliers et vignerons d’Ukraine et d’Arménie, qui recevront 20.000 euros chacun.
La fondation tire ses fonds de donations provenant principalement de ventes aux enchères de vins, dont les bouteilles sont offertes par les domaines les plus prestigieux de la planète tels que Krug, Cheval Blanc, Angélus, Yquem, Clos de Tart, Romanée-Conti, Luca Roagna, Frescobaldi, Antinori, Pingus, Barca Velha, Egon Müller, Opus One, Do maine de la Côte, Screaming Eagle, Penfolds, etc.
La liste des cinq candidats préselectionnés pour les Golden Vines Awards 2021 a été élaborée par pas moins de 442 professionnels de renom originaires de 55 pays. Parmi eux, on dénombrait 57 Masters of Wine, 31 Master Somme liers, 140 DipWSET et 77 Advanced Sommeliers. L’élection se fait sur la base d’enquêtes détaillées pour le Gérard Basset Global Fine Wine Report.
L’an dernier, les candidats sélectionnés pour le Golden Vines World’s Best Rising Star Award étaient:
> Charles Lachaux (Bourgogne) – lauréat
> Eva Fricke (Allemagne)
> Chris et Andrea Mullineux (Afrique du Sud)
> Filipa Pato et William Wouters (Portugal)
> David et Nadia Sadie (Afrique du Sud)
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LES VINS DE CHARLES LACHAUX SONT IMPORTÉS EN BELGIQUE PAR LA MAISON DE WINDMOLEN, SLUIS 2E2, À EKE, EN FLANDRE ORIENTALE.
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«NOUS AIMERIONS AUSSI AVOIR UN MARC COUCKE COMME MÉCÈNE»
Alors qu’elle est saluée par tous comme étant une scientifique innovante et de talent, la Prof. Dr. Damya Laoui doit sans cesse chercher du financement pour son vaccin prome eur contre les rechutes après un cancer. Depuis quatre ans, Yamina Krossa l’aide à trouver des fonds. «Nous avons encore besoin de 1,2 million d’euros. Parfois, je rêve qu’un bienfaiteur tombe du ciel.»
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La chercheuse Damya Laoui (assise) et l’entrepreneuse sociale Yamina Krossa (en rose) lu ent ensemble contre le cancer. La seconde lève des fonds pour la première.
TEXTE: FLOOR EELBODE PHOTOS: KATRIJN VAN GIEL
Lorsqu’elles sont assises côté à côte, les gens pensent qu’elles sont de la même famille, ex pliquent l’entrepreneuse so ciale Yamina Krossa et la cher cheuse Prof. Dr. Damya Laoui. Il y a cinq ans, leurs chemins se sont croisés suite à un article publié par nos confrères du Tijd et, depuis lors, elles ont uni leurs forces pour développer, dans les laboratoires de la VUB, un vaccin destiné à prévenir les rechutes après un cancer: Damya Laoui dans son laboratoire et Yamina Krossa en tant que chargée de la collecte de fonds.
Le vaccin utilise des cellules immuni taires de la tumeur elle-même pour «pa ralyser» le cancer. Les résultats obtenus avec des souris font rêver mais le chemin est encore long avant de pouvoir aider les
premiers patients. Car, à chaque étape, il faut trouver du financement. «Tout est bienvenu», explique Damya Laoui. «Plus nos moyens sont importants, plus la probabilité de réussir les études cliniques sera grande.»
Comment vous êtes-vous rencontrées?
Yamina Krossa: À 38 ans, j’ai eu un cancer du sein. Comme ma reconstruction mammaire n’était pas rem boursée, j’ai organisé une levée de fonds qui a donné naissance à l’ASBL Benetiet, via laquelle nous collections des fonds pour soutenir financièrement des femmes dans la même situation. Mais, suite à notre lobby, la ministre de la Santé de l’époque, Maggie De Block (Open VLD), a changé les modalités de remboursement. De ce fait, Benetiet n’avait plus de raison d’être.
Nous disposions encore de 40.000 euros dans notre caisse et nous souhaitions offrir cet argent à un projet de recherche contre le cancer. Eh oui, il n’y a pas de hasard. Ce week-end-là, j’avais lu dans De Tijd que le Massachu se s Institute of Technology (MIT) saluait l’esprit d’in novation de Damya. Je lui ai immédiatement envoyé un mail: «Pouvez-vous faire quelque chose avec cet argent?» Damya Laoui: J’ai pensé qu’un de mes collègues était en train de me faire une blague.
YK: Mais ce n’était pas une farce. Dans ma naïveté, je pensais que Damya pouvait travailler un an avec 40.000 euros. J’ai ensuite appris que ses recherches coûtaient environ 3.000 euros par semaine.
DL: Et aujourd’hui, c’est même beaucoup plus. Les produits que nous utilisons coûtent déjà 10.000 euros par semaine, sans compter les équipements et le salaire de mes collaborateurs.
YK: J’étais tellement déçue! J’ai demandé à Damya ce qui se passerait si elle ne réussissait pas à collecter cet argent. «Le projet s’arrêtera», a-t-elle répondu. Mais ses recherches sont tellement importantes et promet teuses! C’est là que j’ai pensé que je pouvais m’occuper de la collecte de fonds et transformer ces 40.000 euros en 400.000 euros.
Et ensuite?
DL: Beaucoup de gens ne savent pas que nous devons consacrer beaucoup d’énergie pour trouver des moyens financiers. Je passe 25 à 50% de mon temps à solliciter des bourses auprès du FNRS (Fonds national de la re cherche scientifique), de la Fondation contre le cancer, de Kom op tegen Kanker, d’institutions étrangères, etc. C’est frustrant. Je fais de la recherche, je donne cours, j’accompagne des scientifiques et, le soir et pendant le week-end, je rédige des demandes de bourses de re cherche, dont les chances d’obtention ne sont que de 10 à 20%. Donc, lorsque Yamina a proposé de chercher des fonds, ce fut une véritable libération. Cela m’a permis de respirer un peu.
«Les gens
Damya Laoui Chercheuse
Yamina Krossa Entrepreneuse sociale
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ne comprennent pas toujours ce que nous faisons en recherche fondamentale et n’en voient pas l’utilité. Mais c’est précisément grâce à ces recherches que les hôpitaux peuvent avancer.»
«Je rêve qu’un jour viendra où, après un diagnostic de cancer, les patients recevront un vaccin qui empêchera le cancer de récidiver. Je connais ce e angoisse de la rechute.»
Recevez-vous de nombreux dons?
DL: Certaines personnes lèguent leur patrimoine à la recherche contre le can cer. Dans ce cas, il nous arrive de recevoir une partie de ces fonds. Mais la plupart du temps, l’argent est versé aux médecins. Les gens ne comprennent pas toujours ce que nous faisons en recherche fondamen tale et n’en voient pas l’utilité. Mais c’est précisément grâce à ces recherches que les hôpitaux peuvent avancer.
L’industrie pharmaceutique ne peut-elle pas vous aider?
DL: De nombreuses sociétés pharmaceu tiques sont intéressées, mais cela ne fait pas partie de leurs priorités. Nous travail lons sur des thérapies personnalisées à partir des cellules des patients. Ce n’est pas rentable pour l’industrie pharmaceu tique. En outre, il faudra encore beaucoup de temps avant d’obtenir des résultats. Les groupes pharmaceutiques préfèrent investir dans des projets qui leur per me ent d’encaisser des bénéfices à un horizon de deux ans.
Où en sont vos recherches actuellement?
DL: Le vaccin fonctionne super bien sur les souris pour le cancer du sein et des poumons. Nous avons aujourd’hui col lecté de l’argent qui nous perme ra d’être en ordre de marche au niveau adminis tratif pour mener une étude clinique au cours des quatre prochaines années. Nous comptons commencer par une étude sur le cancer du poumon, vu que nous pouvons plus facilement recruter des patients. Mais ce type d’étude prend du temps. Nous saurons assez rapidement si le vaccin est sûr, mais nous avons be soin de cinq à dix ans, pour évaluer son efficacité.
Comment
fonctionne
pour les réinjecter ensuite dans l’orga nisme du patient.
Ces cellules migrent alors vers tous les ganglions lymphatiques et mobilisent les «soldats» (appelés cellules T) qui peuvent détruire les cellules cancéreuses. En cas de métastases – impossibles à détecter à ce stade par les médecins –, nous faisons en sorte que celles-ci soient détruites. Les cellules dendritiques créent également une réponse de mémoire. Si le cancer se développe à nouveau cinq ou dix ans plus tard, une armée de soldats de mémoire est prête à a aquer immédiatement.
Est-ce concluant?
à tout le monde, à l’intérieur et en dehors de mon réseau. Certains ont vendu des gaufres, d’autres ont couru, roulé à vélo, organisé des concerts, etc. Et nous avons mis sur pied des conférences payantes.
À la fin de l’an dernier, je ne pensais pas que nous réussirions. Nous étions en pleine crise du coronavirus et j’étais un peu découragée car mon réseau était très sollicité. Mais lorsque nous avons été invitées au podcast du comédien Alex Agnew, cela a ouvert de nouvelles portes. Tout d’un coup, nous avons reçu beaucoup de dons et d’invitations.
Alex Agnew a également promis de nous verser un euro par ticket vendu lors de sa tournée. En 2018, il a vendu 150.000 billets d’entrée; mais ça c’était avant la crise du covid. Il faudra patienter pour connaître le ré sultat, mais il y a de fortes chances que nous arrivions à dépasser les 400.000 euros. Alex Agnew est un vrai héros.
À quoi serviront ces 400.000 euros?
DL: Nous avons entre autres besoin d’un appareil pour purifier les cellules dendritiques en milieu hospitalier. L’appareil coûte environ 300.000 euros. Le solde sera utilisé pour faire tourner le labo.
Ces 400.000 euros ne su isent donc pas pour démarrer les études cliniques?
DL: Non. Pour cela, nous avons besoin de plus ou moins 1,2 million d’euros. Chaque fois que nous faisons les comptes, le chiffre augmente. Suite à la pandémie, cer tains produits que nous utilisons dans le laboratoire ont beaucoup augmenté. Par exemple, le prix des gants de protection a été multiplié par trois. À cause de l’indexa tion, nous devons également augmenter les salaires de nos collaborateurs, mais les bourses n’augmentent pas de la même façon. C’est un problème.
Le monde politique et celui des entreprises ne peuvent-ils pas vous aider?
le vaccin?
DL: Dans une tumeur, on ne trouve pas uniquement des cellules cancéreuses, mais aussi des cellules du système im munitaire, comme les cellules dendri tiques, sur lesquelles nous travaillons. Lorsqu’une personne est a einte d’un cancer et que la tumeur est enlevée, nous isolons les bonnes cellules dendritiques
DL: Chez les souris, oui. Il se peut que le patient développe un tout autre type de tumeur, mais c’est peu probable. De nombreux gènes impliqués dans le cancer sont les mêmes dans toutes les tumeurs.
Entre-temps, où en est votre collecte de fonds pour vos re cherches?
YK: Nous avons jusqu’ici récolté 380.000 euros. J’en suis ravie. J’ai demandé de l’aide
DL: La seule chose que nous puissions obtenir du monde politique est qu’il investisse davantage dans la recherche. Je ne vois pas pourquoi je devrais demander à un homme politique de me donner plus d’argent et pas à mes col lègues, qui mènent aussi d’excellentes recherches. Nous demandons plus d’argent pour la science. C’est tout et ce serait déjà bien.
YK: Nous essayons aussi de trouver de riches entre preneurs. Où que j’aille, je remarque à quel point le can cer est présent dans la société. Il n’épargne personne, y compris les riches. Nous avons entre autres contacté Marc Coucke et sa femme, mais entre-temps, ce dernier a investi dans le magnifique projet de l’ASBL Stop Cancer Côlon de Luc Colemont. Un projet tout aussi important, mais nous aussi aimerions avoir notre Marc Coucke ou notre Madame Coucke. (elle rit)
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«Je passe 25 à 50% de mon temps à solliciter des bourses.»
Damya Laoui Chercheuse
«Où que j’aille, je remarque à quel point le cancer est présent dans la société. Il n’épargne personne, y compris les riches.»
Yamina Krossa Entrepreneuse sociale
Bio Damya Laoui
La Prof. Dr. Damya Laoui est diplômée en bioingénierie de la VUB à Bruxelles et a fait son post-doctorat à l’EPFL à Lausanne, en Suisse. Elle travaille à la VUB et au VIB (Vlaams Instituut voor Biotechnologie) à la mise au point d’un vaccin contre le cancer. En 2017, le Massachuse s Institute of Technology (MIT) l’a élue parmi les «Innovators under 35 Europe». Un an plus tard, elle a été couronnée par le magazine New Scientist comme «Talent scientifique 2018». Elle a obtenu le prix Franc qui-Collen en 2020.
Bio Yamina Krossa
Yamina Krossa est directrice générale a.i. et partnership manager chez Boost for Talents, une initiative de la Fondation Roi Baudouin, qui s’adresse aux jeunes talentueux et motivés issus de milieux économiquement fragiles afin de les aider à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur. Elle a elle-même guéri d’un cancer du sein et a fondé en 2015 l’ASBL Benetiet afin de collecter des fonds pour aider les femmes à fi nancer leur chirurgie reconstructrice. Grâce à son lobbying, la ministre de la Santé de l’époque, Maggie De Block (Open VLD), a modifié les modalités de remboursement de la chirurgie de reconstruction. Depuis 2018, Yamina Krossa collabore avec le Fonds Yamina Krossa de la VUB, qui collecte des fonds au bé néfice des recherches menées par la Prof. Dr. Damya Laoui. Le Fonds ambitionne de collecter au moins 400.000 euros. Mais en réalité, les besoins sont beaucoup plus importants.
DL: Il m’est arrivé à deux reprises qu’un CEO me dise: «400.000 euros? Mais ce n’est pas grand-chose! Je pourrais les sortir de ma poche». Ils m’ont donné leur carte de visite et je leur ai envoyé un e-mail, mais je n’ai plus jamais eu de nouvelles.
YK: Or, c’est le moment de faire un don. La mortalité par le cancer est beaucoup trop élevée. Je sais qu’il faudra encore a endre un peu avant de lancer notre étude clinique, mais si nous ne collec tons pas suffisamment d’argent et que nos recherches s’arrêtent, rien ne se passera, c’est certain.
Le temps que vous consacrez à des conférences ne peut être passé dans votre laboratoire. Cette situation ne crée-t-elle pas des tensions?
DL: Yamina me demande uniquement de participer aux événements les plus im portants dont dépend une grosse somme d’argent. En même temps, ces conférences me donnent beaucoup d’énergie. Le pu blic me pose parfois des questions très naïves, mais très pertinentes. Je donne en moyenne deux conférences par mois et j’essaie de m’y tenir.
Vous avez presque atteint votre objectif de 400.000 euros. Que se passera-t-il ensuite?
YK: Nous allons fêter cela. Je rêve qu’un jour viendra où un patient cancéreux recevra un vaccin qui lui évitera une re chute. Je connais l’angoisse de la rechute. J’ai souffert d’une tumeur très agressive. À l’époque, les médecins m’ont dit que si je faisais une rechute, c’était fini. J’en ai encore parfois des sueurs froides. Le vaccin arrivera trop tard pour moi, car on a besoin de la tumeur primaire pour le développer, mais ce serait fantastique si, à l’avenir, d’autres patients pouvaient échapper à ce e angoisse.
DL: D’ici là, il est très important de se tester soi-même. Un cancer du sein pris à temps a de fortes chances de guérir. Si vous arrivez trop tard – et parfois, «trop tard» peut arriver très vite –, vous n’avez pratiquement aucune chance de vous en sortir.
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COMMENT L’HOMME LE PLUS RICHE DU DANEMARK A RENDU LES HIGHLANDS AUX ÉCOSSAIS
Un tiers de la superficie de l’Écosse est aux mains d’un seul homme: le milliardaire danois Anders Povlsen, actif dans la mode. Il a mobilisé sa fortune pour restaurer les milieux naturels et relancer la biodiversité. Exploration dans les Highlands. «Il faut laisser la forêt se débrouiller seule.»
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Le parc national de Cairngorms à Glenfeshie, en Écosse. Ici, il faut planter plus d’arbres.
Le gravier crisse sous les larges pneus de son pick-up bleu foncé lorsque Thomas MacDo nell passe la marche arrière et appuie résolument sur l’accé lérateur. Le véhicule recule à toute vitesse dans la forêt de pins. Avec une seule main, il guide la voi ture sur le sentier, dans la direction d’où nous venons. «Je dois dire à Clint de ne pas tout couper», murmure-t-il. Lorsqu’il remonte dans la voiture un peu plus tard, il semble content. «Notre petit détour fera la différence entre la vie et la mort pour les grimpereaux qui vivent ici. Ce ne sont que des oiseaux, mais ils n’ont que moi.»
Cinq minutes plus tôt, Thomas Mac Donell était en pleine discussion avec son employé Clint, en train d’arracher des pins au moyen d’une grosse machine. «Je lui ai demandé de laisser certains arbres debout, mais de couper leur cime. Cela tue l’arbre qui finit par pourrir. Ce qui at tire certains insectes dont le grimpereau se nourrit. Il perce un petit trou dans les arbres morts et y construit son nid. Ces
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TEXTE: MARIE VAN OOST PHOTOS: PETER CAIRNS/NORTHSHOTS
«Auparavant, cet endroit était un lieu stérile. Aujourd’hui, nous voyons revenir des martres communes, des chats sauvages et des balbuzards. Il est important de perme re à la terre de réaliser son potentiel écologique.»
oiseaux ont besoin de cet habitat, mais il manque clai rement de vieux arbres morts.»
Ces quelques mots résument bien l’essence même du travail que Thomas MacDonell accomplit avec ses équipes dans les Highlands écossais: le réensauvage ment. Nous sommes à Glenfeshie, un des 13 «estates» écossais du milliardaire danois de la mode, Anders Povlsen (lire encadré en p.47). Celui-ci est le propriétaire de Bestseller, le groupe d’habillement qui chapeaute des marques comme Only, Vero Moda, Jack & Jones, et est actionnaire principal des boutiques en ligne Asos et Zalando. Avec ses 89.000 hectares, il est le plus grand propriétaire foncier privé au Royaume-Uni et s’est donné pour mission d’y restaurer la nature. Le réensauvagement (rewilding) est le terme générique qui désigne les ini tiatives de restauration de la biodiversité en rendant la nature plus «sauvage», c’est-à-dire en essayant de rendre autant que possible à un domaine ou à une région son habitat naturel d’origine.
Incontournable dans l’univers de la mode, Anders Povlsen préfère néanmoins se tenir en retrait dans la vie de tous les jours. Il ne parle que rarement aux médias, et uniquement pour des interviews sur les ambitions de Wildland. «Les Highlands ne sont plus un environ nement naturel», a-t-il expliqué au quotidien britan nique The Times en 2020. «À certains endroits, il n’y a
plus aucun arbre à des kilomètres à la ronde, uniquement des bruyères mauves. Lorsque nous creusons dans la tourbe, nous découvrons qu’il y avait une forêt à cet endroit. Nous voulons restaurer cet état originel.»
Restaurer les processus naturels
«Nous avons besoin de ces processus naturels comme la décomposition, mais ils ont disparu dans presque toute l’Écosse, à cause de décisions humaines motivées par des intérêts économiques», explique Thomas MacDonell. «Ils ont commencé par aba re les arbres pour construire des navires. Ensuite, les moutons – pour l’industrie lainière – et les cerfs – pour la chasse – ont dominé dans les Highlands. Par conséquent, les terres ont été surpâturées pendant des années, ce qui est désastreux pour la biodiversité. C’est ce qui explique les paysages que nous voyons aujourd’hui. Il ne reste que 6% de la forêt d’origine.»
L’assèchement des zones humides est un autre problème auquel les Highlands sont confrontés. Thomas MacDonell montre une colline recouverte d’une couche dorée de mousse de tourbe. «Auparavant, les fermiers pompaient l’eau du sol pour y élever des moutons, mais le changement climatique et le réchauffement de la planète jouent aussi un rôle dans l’assèchement des zones humides. Les zones asséchées me ent souvent la tourbe à nu, et la tourbe dégage du CO2.»
En 2006, lorsqu’il a acheté le domaine de Glenfeshie, Anders Povlsen (qui vient tout juste de fêter ses 50 ans) a créé avec sa femme, Anne (44 ans), la société Wildland, dans une tentative de restaurer ces processus naturels. Thomas MacDonell y travaille en tant que directeur de la conservation et est responsable de la protection et de la régénération
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Thomas MacDonell, directeur de la conservation auprès de Wildland
Le grimpereau, me nacé d’extinction, vit dans les forêts écossaises d’Anders Povlsen.
Anders Povlsen (50 ans)
> L’homme le plus riche du Danemark. Sa fortune est estimée à 11,5 milliards d’euros.
> Propriétaire de Bestseller, l’entreprise de mode fondée par ses parents en 1975. Maison mère de marques comme Only, Vero Moda et Jack & Jones.
> Actionnaire principal du magasin en ligne britannique Asos (participation de 27%) et plus grand actionnaire individuel de son équivalent allemand Zalando (participation de 10%).
> Plus grand propriétaire foncier au Royaume-Uni, avec 29.000 hectares de terrains dans les Highlands écossais.
> Fondateur et propriétaire de Wildland, une entreprise qui s’est donné pour mission la restauration et la protection de la nature en Écosse.
> Il possède également des terres dans les Carpates, en Roumanie, où il construit une réserve naturelle dédiée à la protection des loups, des ours et des lynx.
> Marié à Anne Povlsen, avec qui il a eu sept enfants. En 2019, trois d’entre eux ont perdu la vie dans un a entat à la bombe dans un hôtel au Sri Lanka.
de la nature. Aba re des arbres pour a eindre cet ob jectif semble contradictoire. Mais il le faut, explique-t-il. Pour illustrer ses propos, il s’arrête au bord de la route et baisse la vitre. «Un bois ne pousse pas comme ça na turellement», dit-il en montrant une parcelle de terrain où de nombreux conifères apparemment identiques sont serrés les uns contre les autres. Il fait sombre entre les troncs.
«Il est évident que ces arbres ont été plantés, mais trop densément, ce qui empêche le passage de la lumière. Normalement, des buissons de genévrier poussent sur le sol. Ils constituent une source de nourriture essentielle pour certains oiseaux. En réduisant le nombre d’arbres, nous perme ons à nouveau à la lumière de pénétrer dans le sous-bois et à d’autres essences de se développer. En outre, la plupart des arbres qui ont été plantés ici dans les années 1970 sont des pins d’Amérique du Nord. Ce sont les mauvais arbres au mauvais endroit. Si on veut restau rer le paysage, on n’a d’autre choix que de les aba re.»
Une autre mesure controversée porte sur le contrôle de la population de cervidés. Lisez: supprimer les ani maux «excédentaires». «Nous avons réduit le nombre de cerfs de 45 à 1 par kilomètre carré», continue Thomas MacDonell. «C’est une réduction drastique qui a choqué de nombreuses personnes. Mais c’est le niveau naturel. Vu que la chasse était très populaire et rapportait beau
coup d’argent, on a laissé se développer beaucoup plus de cerfs que ce que les terres pouvaient supporter et les forêts n’ont cessé de décroître pendant des années.»
Premiers résultats visibles
Les premiers résultats de ces mesures commencent à être visibles. Tho mas MacDonell manœuvre prudemment à travers les nombreux nidsde-poule et bosses qui ponctuent la route. À notre gauche, le paysage se déroule tel un tapis persan: jaune or, brun rougeâtre et vert foncé se chevauchent à l’infini dans une vaste vallée. À droite, au-dessus de la colline, la vue est moins spectaculaire, presque innocente: de jeunes pins et bouleaux sortent maladroitement du sol. Certains ne mesurent pas plus d’un mètre de haut.
«Ils ont tous poussé naturellement ces dernières années», poursuit Thomas MacDonell. «Nous n’allons rien planter. Nous laissons simple ment pousser les arbres qui peuvent grandir ici. C’est important, étant donné que les différentes espèces d’arbres a irent différentes plantes et animaux, car ils leur apportent de la nourriture et un abri. C’est cela, le réensauvagement. Auparavant, cet endroit était un lieu stérile, sans aucun animal appartenant à cet habitat. Aujourd’hui, nous voyons reve nir des martres communes, des chats sauvages et des balbuzards. Il est important de perme re à la terre de réaliser son potentiel écologique.»
Il semble satisfait. Soulagé, même. Ce fut un saut dans l’inconnu, reconnaît-il. «Après l’élimination de tant de cerfs, il a fallu trois ans pour constater les premiers résultats et voir pousser les premières plantes. Ce fut une période difficile.» Ingénieur en mécanique de formation,
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il s’est retrouvé presque par hasard à ce poste. Il a dirigé son propre garage pendant 20 ans. Sa femme travaillait comme chef coq dans une des maisons de campagne de Glenfeshie lorsqu’Anders Povlsen a acheté le domaine. «La responsabilité de l’aba age des cerfs était un réel problème. À chaque fois, les managers démissionnaient ou étaient licenciés. J’ai toujours été intéressé par la nature et je me suis donc présenté. C’était une décision controversée, mais j’étais prêt à relever le défi parce que j’étais convaincu par l’idée du réensauvagement.»
Thomas MacDonell est aussi celui qui a convaincu Anders Povlsen de me re en place un plan global de réensauvagement, peu après leur première rencontre en 2005. «70% des terrains que nous possédons en Écosse tombent sous les lois de conservation du projet Natura 2000, un réseau européen de réserves naturelles protégées. Cela a forcé les propriétaires à regarder leurs terres différemment.» D’après lui, Anders Povlsen – qui était tombé amoureux des Highlands lorsqu’il y venait en vacances pendant son enfance – avait d’abord vu des opportunités dans la chasse. «Mais il m’a suivi dans l’idée d’un réensauvagement du domaine.»
Un des secteurs les plus polluants de la planète Thomas MacDonell décrit le milliardaire comme un homme «très ordinaire». «Dans un pub, vous ne pourriez pas le distinguer des autres Écossais. Il est très a aché à ce pays.» Il n’en reste pas moins qu’il est surprenant qu’un magnat de la mode comme lui – la fast fashion est un des secteurs les plus polluants de la planète – s’exprime ainsi sur le climat. «Il y a certainement du vrai dans ce e question», a répondu Anders Povlsen au Times. «Mais je ne peux pas avoir l’ambition de res taurer la nature sans avoir les moyens pour la financer. Je suis actif dans
le secteur de la mode et je ne peux pas me perme re de me lever un beau matin et de décider de tout vendre et de lâcher mon entreprise et le secteur.» Selon l’homme d’affaires, la pandémie a marqué un tournant: «Je pense que nous finirons par trouver des méthodes de travail plus intelligentes, plus efficaces, plus rapides et plus du rables. Cela signifie-t-il que nous polluerons moins et que nous ferons du meilleur travail? Nous l’espérons tous».
Les Povlsen sont les seuls bailleurs de fonds du projet Wildland. Ils financent la totalité des frais de fonction nement de l’organisation, ce qui représente 25 millions de livres sterling par an. «Pour assurer la durabilité envi ronnementale, vous devez d’abord assurer la durabilité financière», ajoute Thomas MacDonell. «Combien vaut le panorama? Cela a toujours représenté une difficulté pour les terres en Écosse, en particulier s’il ne s’agit pas de terrains agricoles, si elles ne ‘produisent rien’ et donc ne rapportent rien.»
Aujourd’hui, Wildland emploie 80 personnes et en registre chaque année une perte de trois millions de livres sterling. «C’est là, à mon avis, que réside la phi lanthropie», poursuit-il. «Anders et Anne ont acheté des terres d’une beauté folle, où il est en réalité très diffi
de gagner de l’argent, et encore moins de faire des bénéfices. Vous ne pouvez pas y construire de maisons
l’agriculture détruirait les terres… Sans leurs dons, nous ne pourrions jamais y arriver.» Mais pour Thomas MacDonell, la voie à suivre est de créer une entreprise
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cile
et
«Je pense que nous finirons par trouver des méthodes de travail plus intelligentes, plus efficaces, plus rapides et plus durables. Cela signifie-t-il que nous polluerons moins et que nous ferons du meilleur travail? Nous l’espérons tous.»
Anders Povlsen, milliardaire danois et PDG
Glenfeshie, en Écosse. Laisser les arbres pourrir est important pour la bio diversité.
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dans laquelle «la terre peut subvenir à ses besoins». C’est l’objectif de l’entreprise en louant quelques co ages et lodges sur le domaine.
Miser sur l’authenticité
Thomas MacDonell m’emmène à l’impressionnante maison de cam pagne: Glenfeshie Lodge, un mini-château pouvant accueillir 14 per sonnes. Aménagée dans le style Ralph Lauren – «comme les Américains imaginent une maison écossaise traditionnelle» –, elle offre aux invités une expérience totale. Chaque chambre est ornée de bois de cerfs, de fusils de chasse et de peintures animalières. La totalité du sol est recou verte d’un épais tapis, les lits sont décorés de coussins en velours aux glands dorés, et la vaisselle de la cuisine traditionnelle est à carreaux vert foncé. «Nous recherchons le luxe ultime», poursuit Thomas Mac Donell. «En accord avec l’environnement phénoménal, nous essayons d’être aussi authentiques que possible: lorsque les invités arrivent, le feu brûle dans la cheminée et l’odeur des scones fraîchement cuits s’échappe du four.»
Prix pour une semaine: 37.000 livres sterling. En s’adressant prin cipalement à un public riche, Wildland espère réussir en dix ans à financer tous les coûts de la gestion du domaine grâce aux revenus du tourisme. À l’heure actuelle, l’entreprise compte 13 résidences: en plus de Glenfeshie Lodge, elle propose des chambres luxueuses dans une formule bed & breakfast et la location de co ages.
Entre-temps, l’homme d’affaires consacre des moyens énormes à l’agrandissement des terrains situés plus au nord. «Nous avons déjà investi environ 50 millions de livres dans de nouvelles instal lations hôtelières qui devraient ouvrir leurs portes au cours des deux pro chaines années.» Le projet le plus prestigieux porte sur la rénovation de l’Aldourie Castle, sur les rives du célèbre Loch Ness, acheté en 2014 par Anders Povlsen pour 15 millions de livres. «Avec ce château, nous misons véritablement sur le segment supérieur du marché», explique Thomas MacDonell. «Je pense à 10.000 livres par nuit. Cela peut sembler beaucoup, mais certaines personnes sont prêtes à payer ce prix pour une expérience unique. Et surtout: une nature magnifique pour de nombreuses années encore.»
Dans le bureau, au Glenfeshie Lodge, on découvre sur le lourd meuble de bureau laqué des photos encadrées d’enfants souriants. Ce sont les
enfants du milliardaire. Il les a perdus en 2019 dans un a entat tragique au Sri Lanka. Sa femme et lui s’étaient rendus en avril de ce e année-là au Sri Lanka avec leurs quatre enfants, en partie pour des vacances, en partie pour visiter d’éven tuels autres projets de protection de la nature. Ils résidaient à l’hôtel Shangri-La à Colombo, la capitale économique du pays. Le dimanche de Pâques, le 21 avril, la ville a été bombardée à plusieurs endroits et 270 personnes ont perdu la vie. Parmi elles, trois des quatre enfants de la famille Povlsen, en train de prendre leur petit-dé jeuner: Alfred (5 ans), Agnès (12 ans) et Alma (15 ans). Seule Astrid, la cade e, a survécu à l’a entat.
Après le drame, Anders Povlsen a reçu, selon ses propres dires, une quantité énorme de le res de soutien et de sym pathie de la part des Highlanders. Cela lui a donné un élan supplémentaire pour persévérer dans son projet Wildland. «Cela me touche et me motive», a-t-il dé claré lors de l’interview au Times. «Ici, en Écosse, nous avons l’impression d’être des pionniers.» ■
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«Certaines personnes sont prêtes à payer 10.000 livres par nuit pour un hébergément si vous y associez une expérience unique et, surtout, une nature magnifique.»
Thomas MacDonell, directeur de la conservation auprès de Wildland
À gauche, Glenfeshie Lodge, un mini-château luxueux pouvant accueillir 14 personnes. Ci-dessous, le Kennels Co age peut être réservé pour six personnes.
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