Quarterly
PERSPECTIVES ON BANKING
Les nouveaux chemins de l’argent L’avis de Max Jadot et José Zurstrassen sur le financement alternatif Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect
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édito
L’ABC du financement alternatif.
La Belgique revit. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir créer, à faire grandir ou à soutenir une entreprise. Non, notre pays ne compte pas encore 28.000 start-ups, comme San Francisco et sa banlieue. Cela dit, on le sent au nombre et au niveau des starters: une nouvelle vague de chefs d’entreprises déferle sur le Royaume. La question du financement reste épineuse. Les starters persévérants trouvent généralement des ressources. Souvent, hélas, celles-ci ne sont pas suffisantes pour une croissance rapide et ambitieuse. C’est pourquoi le financement alternatif, qui permet de financer autrement l’entrepreneuriat, fait couler beaucoup d’encre. Le crowdfunding est l’un de ces "nouveaux" modes de financement. Il permet aux starters de tester rapidement leurs produits et d’attirer des clients qui feront également office d’ambassadeurs. Et ce n’est pas tout: le crowdfunding par crédit et via vente d’actions pourrait refondre en profondeur le paysage économique belge. Peut-être les business angels et autres fonds d’investissement auront-ils alors un rôle différent à jouer. Ils ne seront plus les premiers financiers – puisque le "crowd" assumera ce rôle – mais interviendront à un stade ultérieur, durant la phase de croissance et la période de stabilisation. À ce moment, ils pourront également apporter une valeur ajoutée aux chefs d’entreprises qui investissent, surtout s’ils font effectivement appel à leurs connaissances. Andreessen Horowitz aux États-Unis, Rocket Internet en Allemagne comptent parmi les nouveaux fonds de ce type. Ce sont des venture builders, qui ne se contentent pas d’investir mais participent également à la construction de l’entreprise. Ces bouleversements pourraient également redessiner le paysage financier. Tout un chacun peut devenir chauffeur de taxi (Uber), exploitant d’hôtel (Airbnb) et, bientôt, investisseur, selon ses possibilités et ses capacités. Nous vivons une période particulière. Tout le monde ne doit pas devenir chef d’entreprise, mais chacun le peut. Les possibilités sont si nombreuses: des petites activités qui s’organisent dans le salon d’un appartement aux grandes entreprises portées par l’innovation, des équipes multidisciplinaires d’envergure aux groupes les plus modestes, voire aux individus ordinaires. Soutenir les financements alternatifs revient dès lors à soutenir l’entrepreneuriat – sous toutes ses formes, et pour tout le monde. Nous ne pouvons rater ce train. Car c’est un moment unique pour relancer l’entrepreneuriat comme moteur de la société, à travers toutes les couches de la population. || Bart Becks Founder, angel.me General partner, VentureWise
B NQ B NQ est une plateforme de contenu de cross médias consacrée à la banque socialement responsable et moderne. Au travers de la diffusion d'informations, B NQ entend ouvrir le débat et le dialogue sur la base de récits remarquables, innovants et concrets. Ce magazine a été publié le 24 juin 2015 www.lecho.be/bnq
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Oser la croissance, débat avec Sophie Manigart, Reginald Vossen, Katrin Geyskens et Peter Vandekerkhove.
Point de vue: “On n’est qu’au début de la vague”, Olivier Witmeur et Peter De Keyzer.
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18 Business angel Cédric Donck un métier d’avenir.
22 Capital-risque pour le grand public, José Zurstrassen et Max Jadot.
30 Crowdfunding selon Anne-France Simon: Mécénat 2.0.
Ours Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect. Coordination : Veronique Soetaert Lay-out : Christine Dubois, Laure Jans-Cooremans Photos : Frank Toussaint E.R. : WalterTorfs, rue des Sols 2, 1000 Bruxelles
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Capitaux et conseils Roland Duchâtelet, chef d’entreprise
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Les crédits ont joué un rôle de catalyseur dans la révolution industrielle, affirme l’entrepreneur Roland Duchâtelet. Quid des financements alternatifs? “Le crowdfunding est un mirage. En revanche, les business angels et les fournisseurs de capital-risque sont intéressants. Parce que les starters puisent auprès d’eux non seulement des financements, mais aussi des conseils.”
a percée du crédit en tant qu’élément fondamental de notre économie est la conséquence de l’essor des banques au 18e siècle, avec la création monétaire qui l’a accompagné. Les inventeurs et les entrepreneurs ont subitement eu la possibilité de rester quelque temps dans le rouge avant de tirer profit de leurs produits. Avec les brevets qui permettaient de protéger la propriété intellectuelle des inventeurs, le crédit a changé fondamentalement notre économie. Il a joué un rôle majeur de catalyseur de la révolution industrielle. L’essor des crédits a entraîné la création de capital. Auparavant, les réserves de liquidités en attente d’être affectées à des projets intéressants étaient proportionnellement très faibles, et donc dénuées de toute pertinence économique. On ne pouvait pas tirer grand-chose de terres agricoles mises en fermage. Et encore moins d’un château. Tout a changé lorsque les terres ont pu être mises en gage contre un prêt. Ceux qui disposaient de propriétés ont subitement eu la possibilité de les utiliser comme ‘capital’. Cette notion de ‘capital’ comme ‘facteur de production’ de l’économie n’est d’ailleurs née qu’à la fin du 19e siècle. Le lien entre la monnaie et la valeur de l’or s’est peu à peu distendu au 20e siècle. Et que constatons-nous? Que la possibilité de financement est surtout déterminée par les pouvoirs publics. Au cours de ces dernières décennies, la Chine a enregistré la plus forte croissance connue de l’Histoire sans une once de capital. Les Chinois ont simplement créé de l’argent sous forme de crédits. Et cela s’est avéré très efficace. Aux États-Unis d’abord, et désormais en Europe, les banques centrales jouissent d’une position déterminante dans le financement des entreprises et des ménages en saturant les banques de liquidités. L’intervention des banques centrales comme autorités de régulation constitue une avancée indéniable, même s’il subsiste de grandes marges d’amélioration dans la gestion et la réorientation de notre économie. Les banques centrales considèrent les banques commerciales comme des maillons intermédiaires dans l’octroi de crédits. Une attitude logique, dans la mesure où les banques connaissent leurs clients et ont accumulé une très grande expertise. Elles
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sont, mieux que quiconque, à même de décider qui doit bénéficier d’un financement ou non. Et si elles se trompent, elles en assument les conséquences au niveau de leur compte de résultat. Qu’en est-il du financement alternatif? Les cotations en Bourse et les obligations d’entreprises ne sont pas saines pour les petites entreprises, parce que les investisseurs peuvent difficilement les vendre. Leurs cours sont aisés à manipuler. Le crowdfunding est un mirage qui comporte les mêmes problèmes que les formes de financement précédentes, mais au carré! En revanche, les business angels et les fournisseurs de capital-risque sont intéressants. Car au-delà des capitaux, ils fournissent de bons conseils aux petites entreprises. L’aide de chefs d’entreprises expérimentés est un atout important: ils connaissent les nombreux risques inattendus de l’entrepreneuriat. L’Histoire a prouvé que le crédit était essentiel à l’innovation et au progrès. Le produit le plus attrayant et unique d’une banque est le crédit aux entreprises. Aucun autre ‘magasin’ n’en propose. Une banque peut se différencier, assurer son avenir et jouer pleinement son rôle social. || Roland Duchâtelet, chef d’entreprise
LES COTATIONS EN BOURSE ET LES OBLIGATIONS D’ENTREPRISES NE SONT PAS SAINES POUR LES PETITES ENTREPRISES. Roland Duchâtelet
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L’ABC du financement alternatif Il peut être tentant de chercher une autre façon de dénicher de l’argent pour votre entreprise… Mais en quoi consiste précisément le financement alternatif? Tour d’horizon en 8 concepts-clés.
Capital-risque Également appelé venture capital. Les fournisseurs de capital-risque apportent des fonds en prenant une participation temporaire dans le capital d’une société, en accordant un prêt subordonné ou en souscrivant un emprunt obligataire. Outre l’argent, ils lui font généralement bénéficier de leur expertise de management. Afin que l’opération soit intéressante, l’entreprise doit présenter un potentiel de croissance suffisant pour réaliser un rendement supérieur à la moyenne. Les fournisseurs de capital-risque calculent généralement leur rendement à venir en se basant sur la plus-value attendue à la vente de leurs actions. Le capital-risque peut provenir d’opérateurs privés et publics. Parmi les premiers, citons les business angels. Dans la seconde catégorie, on trouve notamment la Société fédérale de participations et d’investissement.
Friends, family & fools
Crowdvoting Il y en a plus dans deux têtes que dans une… et dans trois que dans deux. Tel est le fondement du concept de la “sagesse des foules”. Le crowdvoting traduit cette faculté d’appréciation commune en décisions concrètes. Les membres du groupe votent en ligne en faveur des projets qu’ils souhaitent soutenir financièrement. Si un nombre suffisant de personnes y croient, l’entreprise bénéficie immédiatement d’un coup de pouce appréciable au cas où elle collecte effectivement des fonds via le crowdfunding.
Le chef d’entreprise peut tenter de convaincre des membres de son entourage direct d’investir dans sa société, par exemple par le biais d’un prêt subordonné. Ils compteront donc parmi les derniers créanciers remboursés en cas de liquidation. Ce type de prêt aide le chef d’entreprise à solliciter d’autres sources de financement, puisqu’il est presque considéré comme un apport de fonds propres. Une autre option? Transformer les trois “F” en actionnaires en échange de leur apport.
Crédit fournisseur Il permet de ne pas payer immédiatement les biens et services achetés. En différant le paiement des factures, l’entreprise se ménage des moyens financiers plus importants pendant un certain temps. C’est une forme attrayante de financement alternatif, surtout lorsque les frais sont réduits.
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La force du nombre Factoring Cette forme de financement d’entreprise consiste à céder tout ou une partie de son portefeuille clients à une société d’affacturage. L’entreprise vend donc ses factures sortantes à un partenaire qui recouvre les créances à l’échéance. La société d’affacturage assume ainsi le risque de voir le client endetté ne pas honorer ses engagements. Le factoring est un service assez coûteux, surtout intéressant pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est élevé.
Financement mezzanine Le terme “mezzanine”, issu du domaine de la construction, signifie “étage intermédiaire”. Ce moyen de financement se situe entre le crédit bancaire et le capital-risque. C’est un prêt subordonné combinant des éléments de dettes et de fonds propres. Ces prêts sont souvent associés à des warrants qui donnent, au fournisseur du crédit, le droit d’acheter à un prix prédéterminé un pourcentage donné du capital en actions, par exemple en cas d’entrée en Bourse ou de vente de l’entreprise.
Leasing Le leasing, également appelé location-financement, permet aux entreprises en pleine expansion de préserver leur fonds de roulement. La société de leasing achète les biens d’investissement qu’elle loue au preneur de leasing pour une période donnée. Pour ce dernier, c’est une manière de financer des locaux, des marchandises ou de l’équipement sans consentir de lourds investissements. Les formes les plus usuelles de leasing portent sur les voitures, les machines et le matériel informatique.
Capital d’amorçage Capital nécessaire pour mettre sur pied une entreprise. L’argent sert à financer la recherche et le développement du concept. En cas de succès, l’entreprise aura besoin de capitaux supplémentaires pour entamer la production commerciale effective et la vente. Même si tout se passe bien, elle devra alors se tourner vers un autre type de financement: le capital de croissance.
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a foule a toujours deux visages. Une foule de supporters très en voix peut pousser son équipe à se dépasser. Même pendant une minute de silence, ce groupe de personnes peut faire forte impression. Dans les deux cas, l’impact dépasse celui de la somme des supporters individuels. Ceci dit, il n’en faut pas beaucoup pour que cette même masse de supporters se manifeste moins positivement, des chants d’insultes aux explosions de violence. Les groupes d’individus sont capables du meilleur mais aussi, hélas, du pire. De collaborations, d’échanges d’idées et de motivations d’une part, de comportements bassement grégaires d’autre part. La foule a souvent été le catalyseur de bouleversements ou d’événements importants. Pensez à la chute du mur de Berlin ou à la lutte pour les droits civiques aux États-Unis: autant d’exemples de la force positive de la masse. Mais rappelez-vous également du Cambodge, du Rwanda ou de l’Allemagne nazie, et voyez ce qui s’est passé quand la foule s’est changée en meute… La foule joue également un rôle dans l’économie. Charles Mackay regrettait surtout la perte de la capacité de réflexion. C’est ce qu’il décrit en 1841 dans son livre Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds. Les exemples les plus connus? La crise du cours de la tulipe, les procès en sorcellerie, les sectes et les croisades. La foule devient un troupeau de moutons aveugles avançant vers un seul but. Dans l’histoire économique récente, les crises financières de début 2000 et 2008 peuvent être considérées comme l’archétype d’un comportement grégaire. Une vision en apparence totalement opposée à celle exposée par James Surowiecki dans son livre The Wisdom of Crowds (2004). Il y décrit la manière dont un groupe de personnes arrive souvent à de meilleures conclusions ou appréciations que les membres individuels dudit groupe, même les plus brillants. L’exemple typique est celui du bœuf au marché au bétail. Les visiteurs avaient été invités à estimer le poids de l’animal. Résultat? L’estimation moyenne du groupe était plus précise que celles des experts. Friedrich Hayek aboutit à une conclusion comparable dans sa théorie des marchés: tous les participants anonymes au marché disposent collectivement d’une masse de connaissances qu’aucune instance ou personne ne pourra jamais accumuler. Les technologies de communication modernes facilitent l’exploitation de la sagesse des foules. Les idées et connaissances circulent rapidement et simplifient la collaboration. La foule aura toujours le potentiel de se transformer en troupeau de moutons. N’oublions cependant pas qu’elle offre également de magnifiques possibilités de prospérité et de progrès. Deux visages. Peter De Keyzer, économiste en chef de BNP Paribas Fortis
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Oser la croissance Quelle est l’importance des financements alternatifs? Quel est le rôle dévolu au secteur bancaire? Et quelles sont les possibilités offertes par le crowdfunding? Quatre spécialistes mettent de l’ordre dans le chaos.
De gauche à droite: Sophie Manigart (Vlerick Business School et UGent), Reginald Vossen (BAN Vlaanderen), Katrin Geyskens (Capricorn Venture Partners et Belgian Venture Capital & Private Equity Association) et Peter Vandekerckhove (BNP Paribas Fortis)
ne culture du starter prend peu à peu naissance dans notre pays. Un nombre croissant de petites entreprises innovantes voient le jour. Il serait dommage d’en rester là. Chacun de ces starters doit s’extraire de cette phase le plus rapidement possible. Car si notre économie a besoin de quelque chose, c’est bien de “jeunes pousses” qui deviennent de grandes entreprises de croissance à fort ancrage local. Or, pour encourager ce phénomène, il faut trouver l’équilibre entre capital et financement externe. C’est la conclusion de quatre spécialistes qui, chacun depuis son propre domaine, passent au crible les défis actuels en matière de financement des entreprises: Katrin Geyskens (partenaire chez Capricorn Venture Partners et présidente de la Belgian Venture Capital & Private Equity Association), Sophie Manigart (professeur à la Vlerick Business School et à l’Université de Gand), Peter Vandekerckhove (CEO de Retail & Private Banking BNP Paribas Fortis) et Reginald Vossen (directeur général du Business Angels Netwerk Vlaanderen).
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Les jeunes entreprises se plaignent souvent des difficultés qu’elles rencontrent à trouver des fonds pour leurs projets. Les problèmes de financement sont-ils plus fréquents qu’autrefois? Sophie Manigart: “Je pense au contraire que les entreprises n’ont jamais financé leurs projets aussi facilement, car les initiatives
sont beaucoup plus nombreuses que voici dix ou quinze ans. La grande différence réside surtout dans la position moins dominante des banques dans le financement des entreprises. L’époque est révolue où les chefs d’entreprises ne pouvaient s’adresser qu’à leur agence bancaire locale, où ils étaient certains d’obtenir un crédit. Aujourd’hui, les gérants d’entreprises doivent se montrer beaucoup plus créatifs et envisager des alternatives. C’est à ce niveau que fréquemment, le bât blesse. Les patrons sont souvent peu au fait du volet financier de leur entreprise.” Peter Vandekerckhove: “Les banques sont confrontées à une concurrence accrue des sources de financement alternatif. Cela dit, leur poids demeure plutôt limité en volume total. Il faut dire que le secteur bancaire déploie de lourds efforts. Chacune de nos agences bancaires dispose d’un responsable pour les starters, nous
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> avons des coachs spécialisés et organisons des week-ends starters. BNP Paribas Fortis a financé 100.000 starters ces cinq dernières années, et je suppose que nos collègues ne sont pas restés les bras croisés. On recense beaucoup plus de starters financés par les banques que par des business angels ou du crowdfunding. De plus, nous sommes actifs dans le private equity, nous collaborons avec MyMicroInvest et Co.Station, nous avons un incubateur, etc.” Katrin Geyskens: “Il ne faut pas non plus loger toutes les jeunes entreprises à la même enseigne. Un petit groupe de starters actifs dans la haute technologie et la biotechnologie attire certes l’attention, mais ces entreprises n’étaient pas davantage financées par les banques auparavant. Les sociétés de ce type doivent de toute manière survivre plusieurs années sans revenus, ce qui les oblige à faire appel au capital-risque ou au financement par fonds propres. D’autre part, vous trouverez aussi de jeunes entreprises dans des secteurs ou services plus traditionnels.” Quelles sont les entreprises qui éprouvent le plus de difficultés en matière de financement? Sophie Manigart: “Il est, quoi qu’il en soit, très difficile d’obtenir de l’argent pour les entreprises qui n’en sont encore qu’à leurs balbutiements et n’ont même pas de prototypes. À ce moment, les business angels n’ouvriront pas encore leur portefeuille, les risques seront trop grands pour les banques et il est beaucoup trop tôt pour s’adresser à un fonds de capital-risque. Pourtant, il existe des solutions pour ces entreprises: pensez aux prêts gagnant-gagnant, qui permettent de collecter des capitaux auprès d’amis et de connaissances afin de démarrer une activité. Trop peu d’entreprises connaissent cette possibilité. Idem pour le financement mezzanine, qui offre une solution dans une phase ultérieure. Pour les entreprises plus matures, les prêts subordonnés peuvent combler le gouffre qui sépare le financement bancaire du financement sur fonds propres. Nous devons mettre toutes ces possibilités vraiment plus en évidence.” En fait-on assez pour aider les starters dans notre pays? Sophie Manigart: “Notre pays manque surtout d’un véritable climat de croissance. Ces dix à quinze dernières années, les pouvoirs publics ont – à raison – déployé des efforts considérables pour soutenir les starters. Et cette approche a porté ses fruits, car les starters sont beaucoup plus nombreux qu’auparavant. Peut-on s’en satisfaire pour autant? Que voulons-nous, au fond? Créer des centaines de petites entreprises sympas qui emploient cinq personnes chacune? Ou désirons-nous de véritables entreprises de croissance? Nous devons encore parcourir un très long chemin dans ce domaine. Tout comme ils ont créé un climat propice aux starters voici une décennie, les pouvoirs publics doivent développer un environnement favorable aux entreprises de croissance.”
Katrin Geyskens: “Lorsque nous fournissons du capital-risque à un starter, l’objectif est que l’entreprise en question sorte le plus rapidement possible de cette phase. De nombreux starters sont fascinés par tout ce qui se passe dans les incubateurs. Ils aiment suivre des séances de pitching ensemble, boire un petit café et développer leurs réseaux. Tôt ou tard, il faut pourtant en sortir pour plancher sur son propre projet et s’occuper de ses clients dans le calme. Mieux vaut gagner des clients qu’un prix d’excellence!” Reginald Vossen: “Certaines entreprises restent beaucoup trop longtemps dans cette phase de starter. Les gérants d’entreprises belges pourraient sortir un peu plus vite de leur coquille. Une forme de fausse modestie nous pousse à différer sans cesse la commercialisation d’un produit jusqu’à ce que nous soyons convaincus qu’il est totalement prêt. Nous devons nous en départir. Nos voisins du Nord attendent beaucoup moins longtemps et développent ainsi une tout autre dynamique. C’est ce mode de pensée qui nous aidera à franchir de nouvelles étapes.” Dans leur quête de capitaux, des entreprises prometteuses se retrouvent souvent entre des mains étrangères. L’État doit-il consentir davantage d’efforts pour ancrer les entreprises belges? Reginald Vossen: “Parfois, il est tout simplement nécessaire d’accepter l’offre d’une entreprise. Pour un starter belge, c’est la chance d’avoir accès à un réseau de distribution mondial. Essayez d’en développer un avec une petite entreprise débutante. Vous n’y parviendrez pas. C’est pourquoi nous ne devons jamais regretter, voire rejeter les entreprises qui attirent l’attention de grands acteurs internationaux.”
Reginald Vossen
Sophie Manigart: “Pour certaines entreprises, c’est effectivement une étape essentielle. D’un point de vue politique cependant, je trouve dommage que le mouvement inverse soit beaucoup plus rare. Une économie saine a besoin d’un cocktail équilibré de grandes et petites entreprises locales. De grands groupes comme Umicore et Bekaert existent depuis plus de 100 ans et sont terriblement importants pour l’économie locale, car une foule de petites entreprises gravitent autour d’eux. Malheureusement, peu de nouvelles entreprises belges ont le potentiel de devenir les Umicore ou Bekaert de demain. Quant à l’État, il a surtout tenté d’attirer de grandes entreprises étrangères – et celles-ci ont créé beaucoup de valeur – mais nous avons pu remarquer que leur ancrage était d’un tout autre ordre que celui des entreprises locales.” Que peuvent l’État et les régions pour stimuler l’ancrage local des entreprises? Des mesures
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Katrin Geyskens
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Sophie Manigart
d’encouragement fiscal en faveur du capital-risque peuventelles apporter une solution? Katrin Geyskens: “L’État et les régions assument déjà un grand rôle en tant qu’actionnaires de nombreux fonds de capitalrisque. On peut donc raisonnablement se demander s’il n’est pas préférable de rechercher des mesures permettant d’activer une partie de l’épargne dormante des particuliers. Dans ce contexte, l’initiative d’Alexander De Croo est intéressante. Elle consiste à prévoir une déduction fiscale pour les particuliers qui investissent dans les starters, soit directement, soit par l’entremise de fonds. Les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension et les compagnies d’assurances, devraient être eux aussi incités à revenir dans le capital-risque.”
Peter Vandekerckhove
Peter Vandekerckhove: “Je serais très prudent face à l’idée de faire refluer l’épargne vers le capital-risque. C’est très difficile, car nous devons naturellement veiller à ce que ces particuliers ne perdent pas leur épargne. Je pense néanmoins qu’en collaboration avec les autorités, un fonds diversifié pourrait mobiliser une partie de l’épargne. Pour autant, nous devons expliquer et couvrir suffisamment les risques. S’il est possible de diversifier sensiblement les investissements et d’intégrer quelques garanties, cette idée n’est pas évidente à mettre en pratique et nécessite la mise en place d’un cadre légal.” Sophie Manigart: “L’activation de l’épargne est surtout une solution de court terme; à long terme, un meilleur cadre légal financier est indispensable. Des recherches ont démontré que le financement d’entreprises augmente naturellement en présence d’un cadre légal cohérent et bien exécuté. Les particuliers comme les entreprises ont besoin de stabilité. Or, c’est ce qui manque à notre pays. Essayez donc d’obtenir l’application d’un contrat auprès d’un tribunal, ou de prévoir ce que vous allez récupérer d’un débiteur en faillite! Ce type d’incertitude met inévitablement un frein au financement. Une telle réforme ne coûterait pas trop cher mais accroîtrait nettement la demande de capital-risque.” Reginald Vossen: “Une nouvelle structure facilitant la création de fonds s’avère également nécessaire. Jusqu’à présent, il fallait toujours mettre sur pied une société anonyme classique. C’est
BEAUCOUP DE STARTERS SONT FASCINÉS PAR LES INCUBATEURS. ILS AIMENT BOIRE UN PETIT CAFÉ ENSEMBLE ET DÉVELOPPER LEURS RÉSEAUX. TÔT OU TARD, IL FAUT POURTANT EN SORTIR. >
Katrin Geyskens, Capricon Venture Partners
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DE NOMBREUX DOSSIERS APPARAISSANT AUJOURD’HUI SUR LES PLATEFORMES DE CROWDFUNDING ONT ÉTÉ REFUSÉS PAR DES BUSINESS ANGELS.
Katrin Geyskens: “Les fournisseurs de capital-risque analysent la comptabilité d’une entreprise de fond en comble et posent des questions très approfondies. Le chef d’entreprise doit donc investir beaucoup de temps et d’énergie pour les convaincre. Parfois, il semble plus aisé de faire jouer la sagesse des foules sur une plateforme de crowdfunding. Pour autant, soyons honnêtes: je crains que la Belgique soit trop petite pour que ce système fonctionne efficacement. Le risque existe que des entreprises collectent des fonds auprès de nombreux particuliers à une valorisation beaucoup trop élevée, ce qui compliquera ensuite considérablement l’obtention de financements complémentaires.”
Reginald Vossen, Business Angels Netwerk Vlaanderen
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ridicule. Un gestionnaire de fonds doit payer des impôts avant même de pouvoir constituer des réserves pour l’avenir! Ce qui provoque une sortie continue de ressources et porte préjudice à la bonne gouvernance.” Quel regard portez-vous sur un phénomène comme le crowdfunding, qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois? Sophie Manigart: “Il recèle une grande plus-value en tant que nouveau canal de financement pour les chefs d’entreprises. Évidemment, il existe plusieurs formes de crowdfunding. Je peux par exemple m’imaginer acheter des produits ou accorder des prêts via une plateforme de crowdfunding, comme cela se fait beaucoup aux Pays-Bas, mais je n’achèterais jamais d’actions sur une plateforme de ce type. Lorsque j’investis, j’aime évaluer moi-même le chef d’entreprise et le projet dans le détail. Une analyse difficile à organiser via le crowdfunding. De plus, que se passe-t-il une fois que vous avez acheté une action? Il faut pouvoir sortir du capital tôt ou tard... Je ne comprends pas pourquoi nous plaçons autant l’accent sur l’equity en Belgique.” Peter Vandekerckhove: “Il convient de distinguer plusieurs formes de crowdfunding. Parlons-nous de participation au capital, de prêts peer-to-peer, de simples contreparties ou de donations? Je vois ces deux dernières formes se développer; quant aux premières, tout l’art consiste à éviter les accidents. Les investisseurs doivent être conscients des risques qu’ils prennent, car en fin de compte, il s’agit de capital-risque. De surcroît, la formule présente des inconvénients potentiels pour le chef d’entreprise lui-même. Que doit-il faire pour continuer à croître et à nouveau collecter des capitaux alors qu’il est déjà confronté à une myriade de petits actionnaires? C’est la raison pour laquelle je vois davantage dans le crowdfunding une manière de collecter des donations ou des prêts. Cette procédure procure de la visibilité à l’entreprise, une bouffée d’oxygène, et lui permet de passer à une autre forme de financement.” Ne croyez-vous pas à la sagesse des foules? Peter Vandekerckhove: “J’y crois, naturellement, et nous y participons avec MyMicroInvest, Co.Station, Ulule et d’autres initiatives. Il faut cependant faire attention à ne pas tomber dans la surévaluation et imaginer que ces initiatives brasseront de grands volumes à court terme.”
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Reginald Vossen: “De nombreux dossiers apparaissant aujourd’hui sur les plateformes de crowdfunding sont connus des business angels depuis des mois, voire des années. Souvent, ces entreprises se sont déjà adressées à plusieurs reprises à des professionnels, mais n’ont pas été considérées comme suffisamment abouties ou n’ont pas pu être financées à la valorisation adéquate. Or, on ne résout pas le problème en le répartissant sur des milliers de personnes.” Les formes de financement sont-elles essentiellement concurrentes? Ou y trouve-t-on également une certaine complémentarité? Reginald Vossen: “En fin de compte, nous devons tous collaborer autant que possible. Et c’est d’ores et déjà le cas. Des business angels ont œuvré avec la plateforme de crowdfunding MyMicroInvest pour une évaluation du marché d’un projet donné. En effet, un business angel qui doit analyser un dossier voudra surtout jauger l’enthousiasme du marché pour cette idée. Le crowdfunding s’y prête parfaitement.” Katrin Geyskens: “Les fonds de capital-risque et les business angels collaborent de plus en plus souvent. Certains business angels disposent d’une grande connaissance du secteur, précieuse pour les fonds. À ce niveau, force est de constater que les deux parties sont complémentaires, ce qui nous permet de couvrir ensemble une grande partie du spectre: les business angels pour les investissements de quelques centaines de milliers d’euros, les fonds de capital-risque pour des montants de plusieurs millions d’euros.” Peter Vandekerckhove: “Les banques constituent un autre maillon important. Nous évoluons de plus en plus vers un rôle de grand ordonnateur entre toutes ces possibilités de financement. Nous ne sommes plus à l’époque où la seule possibilité à notre disposition, pour aider une entreprise, consistait à lui proposer un crédit. Aujourd’hui, nous évaluons ensemble les possibilités du capital-risque et même du crowdfunding, et nous lui montrons la voie vers les instances adéquates. Cette fonction de conseil est appelée à gagner en importance. Un nouvel équilibre se forme. Tout le monde en tirera profit.” ||
© Dieter Telemans
Alexandre De Croo: “Celui qui veut bénéficier de la réduction d’impôt doit conserver ses actions pendant quatre ans. Cela décourage les spéculateurs.”
‘Nous rapprochons les investisseurs des start-ups’
tissements dans une micro-entreprise start-up, et de 30% pour les investissements dans une PME start-up. Chaque année, vous pouvez investir un maximum de 100.000 euros et la start-up peut lever jusqu’à 250.000 euros par ce biais. Chaque investisseur peut participer à hauteur de 30% maximum au capital de la start-up.”
Le financement alternatif est appelé à connaître un succès grandissant, selon Alexander De Croo (Open VLD), vice-Premier-ministre et ministre de l’Agenda numérique. Le gouvernement encourage dès lors le crowdfunding en proposant un régime fiscalement avantageux.
Ces incitants fiscaux ne concernent-ils que les startups? Alexander De Croo: “Elles forment un élément essentiel de notre économie. Leurs retombées positives sur l’économie sont nombreuses: les start-ups deviennent – espérons-le – des entreprises de moyenne ou grande envergure, et créent des emplois, investissent, etc. En outre, les startups fournissent souvent des services et outils à d’autres entreprises et offrent ainsi, à d’autres entités matures, un surcroît de croissance. Enfin, les start-ups stimulent les entreprises plus âgées en matière d’innovation.”
Koen Geens, ancien ministre des Finances, a déjà entrepris des démarches afin de faciliter les projets de crowdfunding. Ces mesures ont-elles produit leurs effets? Alexander De Croo: “Le crowdfunding est certainement plus répandu qu’auparavant. Le gouvernement s’interroge à présent sur les seuils d’accès actuels: sont-ils trop restrictifs, notamment en comparaison avec ce qui prévaut dans d’autres pays de l’UE? Par ailleurs, nous encourageons le crowdfunding en le rendant fiscalement attrayant. Concrètement, nous accordons une réduction fiscale à l’impôt des personnes physiques sur l’investissement en capital, ainsi qu’une exonération du précompte mobilier sur les intérêts des emprunts.” Votre plan start-up prévoit également une réduction d’impôts pour les business angels qui investissent dans des start-ups innovantes. Qu’en est-il exactement? Alexander De Croo: “Les business angels ne sont pas seuls concernés. Tout contribuable qui croit dans le potentiel d’une entreprise naissante peut investir dans son capital. L’incitant fiscal se compose d’une réduction fiscale à l’impôt des personnes physiques. Pour bénéficier de l’intégralité de la réduction, il faut cependant conserver les actions pendant quatre années. Concrètement, nous proposons une réduction fiscale de 45% pour les inves-
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Ne craignez-vous pas, avec ces nouvelles mesures, d’attirer essentiellement les spéculateurs? Alexander De Croo: “Ces nouvelles mesures ont pour ambition de rapprocher les investisseurs des start-ups. Bien entendu, l’investissement comporte toujours des risques. Cela dit, les investisseurs qui souhaitent bénéficier d’une réduction d’impôts doivent conserver leurs actions pendant au moins quatre années. Ce qui garantit une certaine continuité et décourage les investissements purement spéculatifs.” Que pensez-vous d’un label de qualité pour les plateformes proposant des projets de crowdfunding en ligne, une requête de BAN Vlaanderen? Alexander De Croo: “Cette requête se justifie totalement. Le gouvernement a entamé des discussions avec la FSMA, l’organe de contrôle du secteur financier, afin d’attribuer ce label aux plateformes en ligne. Le plus rapidement possible.”
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Comment se passer des banques… Les méthodes de financement non traditionnelles ont le vent en poupe. Quelles leçons tirer du succès des prêts peer-to-peer, des business angels, du capital-risque, du private equity?
epuis la crise financière, les organismes de financement traditionnels sont moins friands de certains types de dossiers. Cela explique l’intérêt croissant pour le financement alternatif. En 2014, ce marché pesait près de 3 milliards d’euros en Europe, soit un montant une fois et demie plus élevé que l’année précédente. Le Royaume-Uni concentre un peu plus de 2,3 milliards de cette somme, le deuxième marché par ordre d’importance étant la France avec 154 millions d’euros.
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Le crowdfunding peine à se développer en Belgique. Montants récoltés via le crowdfunding, par habitant € 2,00
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Pays-Bas
France
Belgique
Le bureau de recherche Massolution estime le marché mondial du crowdfunding à 34,4 milliards de dollars (31 milliards d’euros) cette année, et prévoit qu’il atteindra 100 milliards de dollars en 2025. À l’inverse de ce qu’on observe chez nos voisins, le crowdfunding ne suscite qu’un enthousiasme très modéré en Belgique. Selon les chiffres des consultants EY et KPMG, les Belges n’ont investi que quelque 2,2 millions d’euros par ce biais en 2014, soit environ 20 centimes par habitant. Ce montant a certes progressé de 80% par rapport à l’année précédente, mais il demeure très inférieur à ceux qui prévalent dans les autres pays européens. Le montant investi par crowdfunding s’établissait par exemple à 1,75 euro par habitant au Royaume-Uni, 1,50 euro aux Pays-Bas et environ 1,10 euro en France.
Sources: KPMG, 2014, Crowdfunding in Belgium • EY, 2012, Funding the Future • EY & University of Cambridge, 2015, Moving Mainstream
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Des risques bien diversifiés pour de meilleurs rendements. Les grandes entreprises peuvent trouver de l’argent sur le marché du private equity, des fonds qui travaillent en dehors de la Bourse avec les capitaux d’acteurs institutionnels ou de riches particuliers. Lorsqu’il s’agit d’un investissement dans une entreprise, on parle de venture capital ou capital-risque. Si les risques sont importants, les rendements potentiels sont à l’avenant. Le fonds de private equity investit typiquement entre 2,5 et 5 millions d’euros par recapitalisation et vise une rentabilité nette annuelle de 15 à 20% sur l’ensemble du portefeuille. Comme tous les investissements ne rencontreront pas forcément le même succès, l’objectif par projet individuel s’avère généralement beaucoup plus élevé. L’horizon d’investissement est la plupart du temps compris entre cinq et dix ans. En 2014, la Belgique arrivait en 15e position dans le classement mondial EY des pays les plus attrayants pour les investissements en private equity et capital-risque. Selon la banque de données VentureSource de Dow Jones, les fonds de capital-risque ont investi 182,5 millions d’euros dans des entreprises belges cette année-là. Le meilleur résultat depuis 2008. Source: EY
Un fonds de private equity investit entre et millions d’euros par recapitalisation.
2,5 5
l Financement alternatif l
1million d’euros de factures rachetées par an. Les business angels n’apportent pas que de l’argent, mais aussi leur expertise. Les business angels (BA) sont généralement des chefs d’entreprises, en exercice ou pas, qui investissent dans des entreprises débutantes prometteuses ou en forte croissance. Outre leur argent – entre 25.000 et 150.000 euros en moyenne – ils apportent leur expérience et leur expertise. Après plusieurs années de croissance, ils quittent l’entreprise en vendant leurs parts. Pour les entreprises en début de croissance, les business angels sont une source de financement beaucoup plus importante que le capital-risque et le crowdfunding. Selon les chiffres de l’EBAN, le réseau européen des business angels, les BA ont investi quelque 5,5 milliards d’euros en 2013. L’organisation sectorielle européenne recense 350 business angels en Belgique, qui ont financé au total 67 entreprises et ainsi permis la création de 332 emplois. L’investissement moyen s’élevait à 150.000 euros, soit 28.500 euros par BA. En matière de financement, le business angel collabore généralement avec d’autres parties, et souvent d’autres business angels. Ils ne sont que 3% à prendre l’ensemble de l’investissement dans une entreprise à leur propre compte.
Où les start-ups lèvent-elles des fonds en Europe?
1%
26%
73% Business angels Capital-risque Crowdfunding
Source: EBAN, 2014, Statistics Compendium 2014
Supprimer les intermédiaires pour réduire les coûts. Avec un prêt peer-to-peer, une personne fournit un crédit en ligne à une autre sans passer par une intermédiaire traditionnel comme la banque. Le prêteur bénéficie donc d’un taux d’intérêt plus élevé, alors que l’emprunteur paie moins cher. Les plateformes P2P les plus connues en Europe proviennent toutes du Royaume-Uni: Zopa, Funding Circle et RateSetter. Il existe plusieurs variations sur ce thème. On en trouve un bon exemple en Belgique. Edebex, abréviation d’Electronic Debt Exchange, est un marché en ligne où des entreprises vendent des factures impayées afin de disposer rapidement de liquidités. Il s’agit souvent de PME qui se voient opposer une fin de nonrecevoir par leur banque. C’est une sorte de version en ligne du factoring, à cette différence près qu’Edebex ne se trouve pas à l’autre bout de la transaction: les factures sont rachetées par des investisseurs privés ou des entreprises affichant un excédent de liquidités. Actuellement, les factures ainsi négociées représentent 1 million d’euros par an. En tant qu’intermédiaire, Edebex perçoit une commission de 3% sur le montant de la facture. (voir aussi page 17)
L’aide européenne dépasse les simples subsides. Lorsqu’on évoque la Banque européenne d’investissement (BEI), les entreprises pensent surtout au financement de grands travaux d’infrastructure. Pourtant, elles peuvent, grâce à elle, décrocher des financements alternatifs. La BEI motive en effet les bailleurs de fonds privés en prêtant elle-même environ un tiers du montant de l’investissement. En raison de sa note de solvabilité élevée, la BEI ne verse que très peu d’intérêts, ce qui lui permet de réduire le coût des crédits aux entreprises. De plus, la collaboration avec la BEI leur procure une plus grande crédibilité financière, car la banque d’investissement étudie en profondeur les dossiers avant d’accorder un crédit.
La BEI prête 1/3 du montant de l’investissement. I 15 I
Capital-risque: des hormones de croissance en échange d’une participation temporaire Vous êtes en quête de moyens supplémentaires pour lancer votre entreprise ou en financer la croissance, mais la banque refuse de vous accompagner? Vous pouvez vous tourner vers le capital-risque… si vous remplissez les conditions requises.
e capital-risque ou venture capital (VC) est la forme de financement la plus associée aux entreprises débutantes ou ambitieuses. Elle est principalement destinée aux entreprises qui souhaitent investir dans leur croissance mais ne peuvent se tourner vers les banques en raison d’un risque trop élevé, de fonds propres trop limités ou de garanties insuffisantes. Un fonds de capital-risque
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injecte des capitaux dans l’entreprise et en devient actionnaire (généralement minoritaire). Cette participation est toujours temporaire. Après plusieurs années – sept en moyenne, selon l’Agence flamande pour l’entreprise – le fonds revend ses actions. C’est la "sortie". Celle-ci coïncide généralement avec la vente de l’entreprise dans son ensemble, mais un management buy-out ou une introduction en Bourse sont également envisageables. L’essentiel est que le capitalrisque renforce les fonds propres. En d’autres termes, le fournisseur de capi-
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LE CAPITAL-RISQUE EST LA FORME DE FINANCEMENT LA PLUS ASSOCIÉE AUX ENTREPRISES DÉBUTANTES OU AMBITIEUSES.
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Transformer les factures en cash Au moins un quart des défaillances d'entreprises sont liées à des problèmes de trésorerie. Edebex, place de marché en ligne pour les factures en cours, offre une solution complémentaire aux dispositifs existants. Son fondateur et CEO, Xavier Corman, présente son mécanisme, une sorte d'affacturage “peer-to-peer” entre entreprises.
tal-risque partage entièrement le risque opérationnel. À titre de compensation, il espère enregistrer une plus-value significative à sa sortie. Cette plus-value fait office de rémunération pour son investissement. Le fournisseur de capital-risque est davantage qu’un financier, puisqu’il joue un rôle actif dans son investissement. Généralement, des représentants du fonds de capital-risque siégeront au conseil d’administration, où ils apporteront un soutien actif au management et en contrôleront les activités. En outre, le venture capitalist dispose d’un réseau étendu auquel l’entreprise peut faire appel. Le capital-risque aide ainsi à obtenir d’autres formes de financement. Le capital-risque n’est pas adapté à toutes les entreprises. Seules celles qui présentent un potentiel de croissance suffisant entrent en considération. Et il vous faudra beaucoup d’énergie et de préparation pour attirer l’attention d’un fonds de capitalrisque. Ceux-ci demandent au minimum un plan d’affaires étayé et une preuve de bonne gestion. Le processus d’approbation s’étale souvent sur plusieurs mois. En Belgique, on trouve à la fois des sociétés publiques (PMV, LRM, etc.) et des fonds privés. Ces derniers sont le plus souvent liés à des banques ou à de grands groupes financiers. ||
Le système bancaire de l'avance sur facture n'existe plus depuis quelques années. Dès lors, comment les sociétés peuvent-elles rentabiliser ponctuellement leurs factures ouvertes non arrivées à échéance? L'affacturage (factoring) implique un engagement sur l'ensemble des factures, qui ne convient pas à toutes les firmes. C'est ce constat qui a incité Xavier Corman à fonder Edebex. Sur cette plateforme réservée aux entreprises, une société A peut céder à une société B une facture, afin de disposer d'un surcroît de trésorerie. Un exemple? Pour une créance de 12.500 euros arrivant à échéance dans 45 jours, la société A reçoit 12.302 euros dans les 72 h. Le tout sans devoir présenter de dossier de crédit, de caution, ni de garantie, et sans engagement sur le volume. “Le prix dépend, bien entendu, de l'éloignement de l'échéance et du risque présenté par le débiteur”, déclare Xavier Corman. “Ce risque, nous l'évaluons à partir des données de notre partenaire, l'assureur-crédit Euler Hermes. Un algorithme déve-
loppé par nos soins propose un prix de rachat à la société B, qui est libre de l'utiliser ou non.” Les acheteurs sont généralement des TPE et PME, “qui, contrairement à ce que l'on pense, disposent au total de milliards de liquidités!”, lance le chef d'entreprise. Leurs fonds ne sont donc bloqués que quelques semaines, et la rentabilité reste bonne, surtout au vu de celle affichée en ce moment par les marchés. “Outre la mise en relation, nous nous chargeons de sécuriser la transaction: nous contactons le débiteur, qui donne son accord écrit, confirmant le montant, l'échéance et le fait que la prestation soit terminée ou la marchandise livrée”, reprend le CEO. “Et nous souscrivons automatiquement une assurance-crédit: en cas de défaut de paiement, vous êtes assuré de toucher 70 à 90% du montant concerné, en fonction du risque du débiteur.” Généralement, les vendeurs de créances sont des TPE disposant de créances sur des grands comptes. Tous les secteurs sont concernés. Le montant moyen des factures est 15.000 euros, l'échéance moyenne de 45 jours. Adhérer à la plateforme coûte 150 euros par an, auxquels il faut ajouter 25 euros par facture, et une commission de 2,75% de son montant.
PRÊT GAGNANT-GAGNANT: LE CRÉDIT DES PARTICULIERS Avec le Prêt gagnant-gagnant, le gouvernement flamand entend encourager les particuliers à mettre des ressources financières à la disposition des PME. Bien qu’initialement créé pour soutenir les entreprises qui démarrent, depuis 2011, toute PME dont le siège d’exploitation est établi en Flandre peut solliciter ce type de prêt qui connaît, depuis lors, un grand succès. Plusieurs conditions doivent cependant être remplies. Le prêt a notamment une durée fixe de huit ans et est par définition subordonné. En cas de faillite, le créancier est donc presque certain de perdre sa mise. Pour adoucir la pilule, la Flandre a prévu une réduction d’impôts unique de 30% sur le montant non remboursé. Les PME peuvent emprunter un maximum de 200.000 euros par ce biais, mais auprès de plusieurs créanciers. Les particuliers ne peuvent en effet prêter plus de 50.000 euros. Le taux d’intérêt est lui aussi limité, même si les créanciers sont gratifiés d’une réduction d’impôts annuelle de 2,5% sur le montant ouvert.
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Business angel, un métier d'avenir Selon Cédric Donck, business angel (BA) spécialisé dans les sociétés Internet, la Belgique manque de BA. Des "anges", partenaires et financiers, qui jouent un rôle crucial dans les premières phases de développement des entreprises.
uand on entend "business angel", on pense à un mécanisme de financement. Une vision trop étroite, selon Cédric Donck: "Le premier atout des BA, c'est l'expérience. Ils connaissent le secteur concerné et les phases de croissance d'une entreprise. Ensuite, leur réseau et leur crédibilité s'avèrent précieux pour soutenir des entrepreneurs en herbe. Ce n’est qu’après ces deux premières phases que leur apport en capital permet à la société de passer de la phase de développement à la rentabilité." Les fonds d'investissements, puis les banques prennent le relais dès que le modèle d'affaires a démontré sa pérennité et sa capacité à générer des bénéfices. Le BA est donc un partenaire à part entière, présent dans le capital et associé à la politique de l'entreprise. "Contrairement aux fonds d'investissements, les BA ne se fixent pas de date de sortie du capital lors de leur entrée", précise Cédric Donck. "Une étude du réseau européen EBAN montre qu'ils y restent en moyenne
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sept ans." Après avoir connu plusieurs succès personnels comme entrepreneur dans le secteur du web, Cédric Donck figure à présent dans le capital d'une quinzaine de sociétés à Bruxelles, à Paris et à Madagascar. Et il y a investi entre 50.000 et 150.000 euros. Les risques de cette activité? Si la société échoue, le BA perd sa mise, comme un parieur malchanceux.
Écrémage darwinien Typiquement, un entrepreneur développe d'abord son idée avec ses fonds propres ou l’aide de ses proches, puis fait appel aux BA pour la phase suivante. "Il est difficile de trouver la première centaine de milliers d'euros", reprend l'homme d'affaires belge. "Et c'est sans doute une bonne chose. Une sorte d’écrémage darwinien, qui élimine les projets médiocres et les entrepreneurs qui n'ont pas les épaules pour devenir patrons." Il existe des BA professionnels et d'autres amateurs. Ces derniers sont souvent des cadres expérimentés ou des entrepreneurs, pensionnés ou en activité, désireux de venir en aide aux jeunes pousses. C'est à leur intention que Cédric Donck a co-créé la Virtuology Academy (virtuology-university.com). Le premier programme de formation intensive de six jours démarre cet été et est destiné à leur donner les clés essentielles du métier de BA.
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Cédric Donck, entrepreneur et business angel: “Le premier atout des business angels est leur expérience.”
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"Je reçois 20 à 25 dossiers de start-up par mois, mais j'en finance seulement un par trimestre", résume Cédric Donck. "Ces statistiques sont à peu près comparables à celles de mes homologues. Le métier n'existe véritablement en Belgique que depuis cinq ou six ans, et nombre de projets qui mériteraient d'être financés ne le sont pas, faute de BA. Bref, on manque de BA! Mais cela ne s'improvise pas. Il faut connaître un minimum les aspects juridiques, les valorisations et les modèles d'affaires. À mes yeux, devenir BA est une occasion formidable de poursuivre sa vie professionnelle, après plusieurs succès, sans être directement aux manettes."
Quelques succès belges récents "En 2011, j'ai investi dans Mobilosoft, une société qui optimise la présence numérique des grands noms du commerce traditionnel", lance le business angel bruxellois. "En pratique, il s'agit de rendre chaque point de vente en ligne bien visible. En tout, j'ai investi 70.000 euros en plusieurs phases. J'étais le seul BA au début; d'autres m'ont rejoint par la suite." Aujourd'hui, la firme emploie 11 personnes dans ses trois antennes de Bruxelles, Paris et Barcelone, et réalise un chiffre d'affaires de 500.000 euros. Elle est très rentable, a une croissance organique et d'excellentes perspectives pour les 10 années à venir. Son fondateur a reçu des propositions de rachat, auxquelles il n'a pas donné suite. Autre beau succès récent, Blue2Purple, une firme qui permet aux annonceurs de payer pour être référencés sur Google. De grands comptes belges lui font confiance. "J'ai investi 120.000 euros en 2009. Aujourd'hui, l'entreprise réalise un CA de 7,5 millions d'euros et fait travailler 25 personnes", se félicite l'entrepreneur. "J'investis aussi beaucoup dans le Big Data. Comme la plateforme Stylonomy, présente sur les marchés américain et français, qui rassemble les meilleurs articles des sites d’e-commerce
en les proposant au prix le plus intéressant en fonction des thématiques. ." Les activités de BA de Cédric Donck s'étendent jusqu'en Afrique, où il finance le principal site de petites annonces de Madagascar, comparable à Craigslist, Kapaza et Le Bon Coin. L'idée est de tester le marché avant de s'étendre aux pays d'Afrique francophone. "Immobilier, auto, jobs, objets… tout y est. Le marché a 10 ans de retard par rapport à nous. On s'était fait connaître en achetant la page d'accueil des cybercafés là-bas car 80% des gens n'ont pas d'ordinateur. Aujourd'hui, avec les nouveaux smartphones à 50 euros, les clients passent massivement au mobile. Donc on s'adapte!" Globalement, l'entrée en lice des BA étant relativement récente en Belgique, il n'y a pas encore eu de sortie fracassante de capital, avec des millions d'euros de bénéfice à la clé. "Cela dit, Jean Zurstrassen a déjà réalisé une très belle opération en revendant sa participation dans Ogone, la société de clearing de paiement en ligne", conclut Cédric Donck. ||
MES HOMOLOGUES ET MOI-MÊME RECEVONS CHACUN 20 À 25 DOSSIERS PAR MOIS, ET NOUS EN FINANÇONS UN PAR TRIMESTRE. AUTANT DIRE QU'ON MANQUE DE BUSINESS ANGELS EN BELGIQUE! I 19 I
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Un potentiel important pour les petites sociétés
Projets financés 120 100 80 60 40 20 0
L’essor de l’Internet ouvre aux chefs d’entreprises un canal de financement supplémentaire. Pour les start-ups surtout, le crowdfunding peut être un cadeau du ciel.
2012
Crowdinvestin
Totaal
e crowdfunding est une manière relativement récente de collecter de l’argent tout en diversifiant le risque d’un investissement auprès de nombreux bailleurs de fonds. Il est surtout en vogue au sein des start-ups qui ne peuvent s’adresser aux banques, par exemple parce qu’elles n’ont elles-mêmes guère de capital à apporter en garantie. Les banques ont de bonnes raisons d’être aussi réticentes. La marge commerciale sur un prêt ne dépasse pas les 2%. Cela signifie que, si une entreprise sur cinquante fait faillite, la banque ne réalise aucun profit. Sachant que, même en période de conjoncture économique favorable, à peine la moitié des PME survivent plus de cinq ans, on peut comprendre que les starters doivent se financer avant tout sur fonds propres et avec l’aide de leurs parents et amis. Grâce à l’Internet cependant, un canal de financement important a vu tout récemment le jour. Aujourd’hui, des start-ups s’adressent, pour financer leurs ambitions, directement à de petits bailleurs de fonds par le biais du crowdfunding. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas le canal bancaire traditionnel. Ainsi MyMicroInvest, le pionnier du crowdfunding en Belgique, collabore-t-il avec BNP Paribas Fortis. Le fait qu’un chef d’entreprise trouve cent personnes prêtes à investir 1.000 euros chacune dans son idée constitue malgré tout une preuve de l’efficacité du concept. Dans
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ces conditions, la banque sera plus encline à accorder un crédit complémentaire.
Plusieurs catégories On distingue trois types de crowdfunding. Dans tous les cas, les investisseurs récupèrent généralement leur mise si le montant visé n’est pas atteint. Dans le cas du donationbased funding, il n’est pas question de rétribution, par exemple parce que l’argent est investi dans une œuvre caritative. Dans le deuxième type de crowdfunding, le rewardbased funding, les investisseurs reçoivent une contrepartie pour leur apport, par exemple sous la forme d’une entrée à la pièce de théâtre réalisée grâce à leur argent. Une enquête du consultant KPMG révèle que 95% des investisseurs belges investissent moins de 300 euros dans ces types de crowdfunding. La moitié de ces projets récoltent moins de 50.000 euros. Le troisième type de crowdfunding tourne en revanche autour du rendement financier. C’est notamment le cas du crowdlending, système dans lequel les bailleurs de fonds attendent un revenu périodique ainsi que le remboursement de leur mise au terme d’une période donnée. S’ils se voient attribuer des actions, on parle alors de crowdinvesting. Ce type de crowdfunding ne représente encore qu’une partie limitée du marché. Selon KPMG, la plupart
SI UN CHEF D’ENTREPRISE TROUVE 100 PERSONNES PRÊTES À INVESTIR 1.000 EUROS CHACUNE DANS SON IDÉE, CELA PROUVE L’EFFICACITÉ DE SON CONCEPT. I 20 I
des projets basés sur le crowdinvesting collectent en Belgique des sommes comprises entre 35.000 et 70.000 euros. Dans ce type de crowdfunding, l’investisseur ne peut compter automatiquement sur des dividendes. Souvent, son action ne prend de la valeur que lorsque l’entreprise entre en Bourse ou que le management rachète des actions. Cela suppose naturellement que l’entreprise ne fasse pas banqueroute entretemps, et que les investisseurs ne perdent pas (une partie de) leur argent, ce qui, malheureusement, constitue un risque réel.
Enthousiasme modéré Les chiffres de KPMG révèlent que la Belgique accuse un net retard sur ses voisins en matière de crowdfunding. En 2013, nos voisins du Nord avaient par exemple investi plus de 30 milliards d’euros dans cette forme de financement, contre à peine 2,2 milliards d’euros en Belgique. Cet enthousiasme modéré a plusieurs explications. Le concept du crowdfunding reste très peu connu chez nous, à la fois des chefs d’entreprises et des investisseurs. En outre, les montants qui peuvent être récoltés et investis sont soumis à des règles strictes. La législation belge plafonne notamment le montant que peut atteindre un projet de crowdfunding à 300.000 euros, avec un maximum de 1.000 euros par investisseur. Les entreprises qui souhaitent collecter davantage de fonds sont contraintes d’établir un prospectus. Un processus long et coûteux, qui doit du reste être soumis à l’approbation de la FSMA, l’autorité des marchés financiers. ||
Montants récol par habitant €2,00
€1,50
€1,00
€0,50
0 G.-B.
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par crowdfunding Total
Pour une campagne de crowdfunding efficace 2013 g
2014*
Donations/Reward-based
Choisissez la bonne plateforme, restez modeste et investissez-vous dans la communication.
Crowdlending
La Belgique compte actuellement une dizaine d’initiatives de crowdfunding. La plupart ont un but spécifique. AppsFunder, par exemple, vise le financement d’applications mobiles. Bolero Crowdfunding se concentre sur les participations financières dans les Croissance attendue des montants entreprises. Socrowd cherche à aprécoltés via le crowdfunding Total porter une bouffée d’oxygène fi€7.000.000 nancière à des initiatives durables dans le secteur social, culturel et €6.000.000 des soins. Quant à MyMicroInvest, €5.000.000 il collecte des fonds à la fois au€4.000.000 près du grand public et d’inves€3.000.000 tisseurs privés pour le financement de start-up. €2.000.000 La plupart des plateformes de €1.000.000 crowdfunding récupèrent 5 à 10% du montant collecté au titre de 2012 2013 2014 2015 2016 rémunération de leurs services. Certaines y ajoutent une commission Totaal Crowdinvesting forfaitaire. Donations/Reward-based Crowdlending Dans la mesure où ces sites Web et leurs projets sont encore relativement récents, il est difficile d’apprécier leur efficacité réelle et les facteurs qui l’influencent. Heureusement, une enquête a récemment été conduite par deux économistes de l’Université de Bologne. Massimiliano Barbi et Marco Bigelli tés via le crowdfunding, ont focalisé leurs travaux sur Kickstarter. Cette plateforme de crowdfunding populaire, qui existe depuis avril 2009, se concentre sur le reward-based funding. Kickstarter affiche aujourd’hui 85.000 projets financés avec succès au compteur, pour un montant total de 1,7 milliard de dollars. Un petit échantillon de leurs conclusions:
Pays-Bas
France
Source: KPMG, 2014 ‘Crowdfunding in Belgium’
Belgique
Plus les montants sont élevés, moins la probabilité est grande de réaliser l’objectif: 60% des projets qui recherchent 2.000 dollars au moins atteignent leur but. Ce pourcentage tombe à 17% pour les projets de 50.000 dollars et plus.
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L’Éléments qui aident à trouver plus facilement des financiers: une présentation vidéo du projet, une campagne brève, des contreparties plus élevées et une FAQ.
Une communication claire et un dialogue intense avec les investisseurs intéressés sont essentiels mais peuvent prendre beaucoup de temps, par exemple parce que de nouvelles questions sur le produit ou le service sont postées chaque jour sur les forums. La réputation est essentielle. Ceux qui ont déjà mené à bien un projet de crowdfunding voient leurs chances de récolter le montant visé augmenter de 20 à 90%. Les projets ont plus de succès lorsqu’ils sont présentés par des femmes plutôt que par des hommes. Dans ce cas, leur financement provient surtout d’autres femmes. Plus de 90% des projets ayant abouti sont devenus des entreprises qui ont créé 2,2 nouveaux emplois en moyenne.
12% des projets se clôturent sans un centime d’aide. Le crowdfunding n’est cependant pas une option pour toutes les start-up. Il les contraint en effet à dévoiler leurs idées et leurs stratégies, ce qui peut être problématique si celles-ci sont faciles à copier. Enfin, le crowdfunding n’est pas destiné à tous les investisseurs. Certaines plateformes exigent que les particuliers prouvent qu’ils sont informés des risques avant d’investir dans une entreprise. Une solution possible consiste à impliquer un co-investisseur expérimenté dans le crowdfunding, comme un business angel ou un fournisseur de capital-risque. Ceux-ci excellent dans l’analyse critique et détaillée d’un plan d’affaires, ce qui n’est pas le point fort de la plupart des petits investisseurs.
Max Jadot (à gauche) et José Zurstrassen (à droite): "Une banque et une plateforme de crowdfunding se complètent à merveille, parce qu’elles proposent un large éventail de possibilités de financement."
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Capital-risque pour le grand public vec notre plateforme, nous donnons aux épargnants la possibilité de soutenir les jeunes starters, nous leur ouvrons les portes du capital-risque, une catégorie d’actifs plus risquée qui était jusque-là réservée à quelques privilégiés”, indique José Zurstrassen, cofondateur et président de MyMicroInvest. Par le biais de cette forme d’investissement, les entreprises – souvent de jeunes starters ou des entreprises émergentes – s’adressent à la fois au grand public et à des investisseurs professionnels pour un prêt ou une participation au capital. “Certains de nos clients ont des besoins que nous ne pouvons satisfaire avec des produits bancaires traditionnels”, prolonge Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis. “Grâce au partenariat avec MyMicroInvest, nous leur proposons le crowdfunding comme forme de financement alternatif.”
© WIm Kempenaers
Voici six mois, BNP Paribas Fortis et MyMicroInvest se sont associés pour faciliter l’accès au crowdfunding. Les entreprises qui ne peuvent être financées par un prêt bancaire traditionnel peuvent ainsi faire le plein de capital-risque.
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Banque traditionnelle et plateforme de crowdfunding sontelles complémentaires? Max Jadot: “Nous nous complétons bien parce que nous proposons ensemble un large éventail de possibilités de financement. Certains clients – comme les starters innovants et les PME – nous soumettent des projets intéressants pour lesquels ils ne disposent pas d’un capital suffisant, mais nous ne pouvons pas, à ce moment, leur fournir des crédits traditionnels. Après une analyse approfondie par nos coaches, nous les renvoyons désormais vers la plateforme de MyMicroInvest. Ils ont une chance d’y récolter le capital nécessaire pour se développer rapidement. Une fois que leur entreprise a acquis la maturité requise, nous pouvons les aider en leur accordant un prêt bancaire classique.” José Zurstrassen: “Plusieurs entreprises s’étant financées par le crowdfunding reviennent ensuite vers la banque pour un financement classique par dette. La boucle est ainsi bouclée. Notre partenariat nous permet également de savoir où se trouvent les interlocuteurs adéquats pour les chefs d’entreprises individuels au sein de la banque, alors qu’ils ignorent parfois à
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qui s’adresser. Il est important que de jeunes entreprises puissent rencontrer, dans la banque, une personne familiarisée avec les starters et les entreprises de croissance.” D’où la nécessité de s’associer? Max Jadot: “La mission d’une banque consiste à convertir les dépôts d’épargne en crédits, non à jouer les fournisseurs de capital-risque finançant les fonds propres d’une entreprise. Pour autant, nous souhaitons aider les acteurs innovants disposant d’un projet solide à aller de l’avant, ce qui nous a obligés à rechercher un partenaire externe.” José Zurstrassen: “Nous ne sommes pas uniquement une plateforme de crowdfunding, mais également une entreprise technologique innovante à même d’établir de manière automatisée des prospectus qui répondent à la directive européenne. Dès qu’un prospectus a été approuvé par l’organe belge de régulation, nous pouvons collecter des capitaux dans d’autres pays pour le compte d’une entreprise. Nous avons dû rechercher un partenaire disposant d’un réseau européen étendu pour réaliser nos ambitions internationales.” La collaboration avec une grande banque ne procure-t-elle pas également un surplus de crédibilité à une forme de financement relativement nouvelle comme le crowdfunding?
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projet dans lequel ils croient et pour lequel ils s’engagent personnellement. Ils fournissent aux jeunes chefs d’entreprises des solutions pour des problèmes actuels et parlent de l’entreprise à des membres de leur entourage. Une opération de crowdfunding réussie permet ainsi à une entreprise d’accroître sa notoriété et d’accélérer de manière spectaculaire la croissance de son chiffre d’affaires. Et c’est précisément l’un des principaux défis auxquels les jeunes starters sont confrontés dans la première phase.”
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José Zurstrassen: “Vis-à-vis des investisseurs individuels, notre site ne fait nulle part mention du partenariat. Nous ne voulons pas abuser de la collaboration pour encourager des particuliers à investir dans de jeunes starters sur notre plateforme. Les investisseurs doivent fonder leur analyse sur la qualité de chaque dossier individuel, non sur la réputation des partenaires avec lesquels nous collaborons. Si un investisseur ne croit pas dans un projet, il est préférable qu’il n’y investisse pas. C’est aussi simple que cela.” Max Jadot: “Notre collaboration permettra à de nombreuses entreprises de faire appel beaucoup plus facilement au crowdfunding. Je suis réellement convaincu qu’il subsiste un important potentiel dans notre pays. Voici quatre ans, lorsque nous avons créé microStart, une organisation qui accordait des microcrédits aux entrepreneurs, nous n’avions aucune idée de l’ampleur de la demande. L’organisation a désormais ouvert cinq antennes et compte plus de mille clients.” Quels sont les avantages du crowdfunding pour les jeunes entreprises? José Zurstrassen: “Le crowdfunding n’est pas un simple canal de financement. Le terme est une contraction de funding et crowdsourcing. Ce dernier aspect est réellement crucial. Les investisseurs de la crowd ne fournissent pas uniquement des moyens financiers: ils investissent aussi et surtout dans un
COMMENT FONCTIONNE MYMICROINVEST? Les entreprises peuvent s’adresser à MyMicroInvest pour un prêt ou une participation au capital. La plateforme de crowdfunding sélectionne les entreprises les plus intéressantes, demande au public de voter en faveur des projets qui l’attirent le plus, et fait ensuite analyser la start-up par des investisseurs professionnels. MyMicroInvest ne fait appel à la crowd que si au moins un de ces investisseurs professionnels monte à bord. Les investisseurs particuliers bénéficient toujours des mêmes conditions que les professionnels: ils peuvent investir à partir de 100 euros dans de jeunes starters. Actuellement, la plateforme compte plus de 23.000 membres.
Le crowdfunding peut-il également contribuer à améliorer le climat d’investissement de notre pays? José Zurstrassen: “En Belgique, les indépendants représentent environ 6,6% de la population, alors que la moyenne européenne s’élève à 11%. Nous devons donc encourager encore l’entrepreneuriat, par exemple en réduisant le risque d’entreprise. Le crowdfunding est l’une des solutions envisageables. Lorsqu’un projet fait un flop sur notre plateforme, cela signifie qu’il n’y a pas de marché pour le produit ou le service que propose le starter. Naturellement, c’est très dur à entendre, car le chef d’entreprise voit ainsi son rêve partir en fumée. Mais c’est largement préférable au fait d’investir du temps et de l’argent durant des années dans un projet dont il s’avère, en fin de course, qu’il n’a aucune chance de survie. S’il échoue rapidement, le chef d’entreprise a la possibilité de se lancer sur une nouvelle idée qui pourra, elle, se voir couronnée de succès.” Max Jadot: “Le principe du failing fast est encore mal connu dans notre pays, mais il est appelé à gagner en importance. C’est un moteur crucial de l’innovation. Nous en sommes pleinement pénétrés dans nos contacts avec les chefs d’entreprises innovants. Nous avons notre propre hub d’innovation à partir duquel sont élaborés un grand nombre de projets novateurs. Chacun de ces projets se transformera-t-il en un immense succès? Non, bien entendu. Certains échoueront. Mais en laissant la possibilité d’échouer, on augmente la probabilité de développer des innovations à succès.” José Zurstrassen: “C’est finalement l’essence de l’entrepreneuriat. Il faut cesser de stigmatiser les entrepreneurs qui ont échoué en Belgique. Au contraire, nous devons les aider à se relever et à fonder une nouvelle entreprise. Comparez cela au football: le meilleur attaquant est celui qui tire le plus au but. Il échouera souvent, mais sur toutes ces tentatives, il y en a bien une qui finira au fond des filets.” ||
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“Laissez le crowdfunding sortir des cavernes obscures des marchés financiers” Investir un montant important dans une entreprise quand on est particulier? C’est possible, mais pas par le biais du crowdfunding. Et cette limitation doit être supprimée, insiste Oliver Gajda, de l’association paneuropéenne des plateformes de crowdfunding. “Vous pouvez l’écrire: en Europe, nous avons besoin de règles communes, ou du moins de règles qui laissent moins de marge d’interprétation aux Etats membres.” C’est le seul moment de l’entretien où Oliver Gajda soupire profondément. Cette étape est selon lui indispensable pour exploiter l’énorme potentiel du crowdfunding, en accroissant la transparence et la concurrence. Oliver Gajda sait de quoi il parle. Ancien journaliste financier, microfinancier, fournisseur de capital-risque et lobbyiste, il était l’homme idéal pour défendre les intérêts de l’European Crowdfunding Network (ECN) fondé en 2013. L’Allemand donne l’exemple des prêts peer-to-peer, dans le cadre desquels un particulier prête ou emprunte de l’argent à un autre particulier, en ligne et sans l’intervention d’un opérateur traditionnel comme une banque. Ce marché, important au Royaume-Uni, n’en est encore qu’à ses balbutiements sur le continent. Uniquement pour une question de réglementation, selon Oliver Gajda: “Au Royaume-Uni, les plateformes P2P n’ont pas besoin de licence bancaire, contrairement à ce qui prévaut en Allemagne par exemple.” Le marché du crowdfunding souffre également de l’absence de normes sectorielles, remarque-t-il. “Le paysage est très fragmenté. Dans chaque pays, un ou deux acteurs dominent complètement le marché du crowdinvesting et du crowdlending (respectivement financement par actions et par obligations, NDLR), par exemple. Or, l’apparition de meilleures pratiques requiert une concurrence suffisante. C’est ce qui se passe peu à peu sur le marché britannique du crowdlending, où les plateformes publient des informations sur le type de prêt fourni.” Les décideurs politiques et les agences de protection des consommateurs insistent eux aussi sur l’importance d’une grande transparence. “C’est un élément essentiel du code déontologique que nous avons établi pour nos membres”, poursuit Oliver Gajda. “Et l’étape la plus importante à franchir pour faire entrer le crowdfunding dans une nouvelle dimension.” En tout cas, le potentiel est énorme. “Une enquête du Boston Consulting Group a démontré que les ’friends, families and fools’ investissaient plus de 80 milliards d’euros par an dans les PME. Beaucoup de personnes, conscientes des risques, soutiennent malgré tout les entreprises. À ceci près que cela se passe sans la moindre transparence, car elles ne peuvent le faire de manière formelle au travers du
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crowdfunding.” En Belgique, l’investissement par projet est ainsi limité à 1.000 euros. Oliver Gajda espère que le crowdfunding sortira un jour ce type de financement des “cavernes obscures” des marchés financiers. “Malheureusement, aucun débat n’est mené à ce propos dans le monde politique. Car qu’entend-on à ce niveau? Que dans le cas du crowdfunding, la meilleure manière de protéger l’investisseur est de l’empêcher d’investir. Alors que l’évolution peut être progressive, tout en portant une attention suffisante aux connaissances financières.” Bien entendu, les bénéficiaires ont tout intérêt à ce que le crowdfunding soit un succès. “Le donation-based funding présente un énorme potentiel, par exemple pour des organisations comme Greenpeace et Human Rights Watch”, ajoute Oliver Gajda. Le président de l’ECN perçoit enfin beaucoup d’avantages pour les entreprises, notamment dans le modèle du reward-based funding. L’investisseur reçoit alors une contrepartie, telle qu’une remise sur le produit qui sera fabriqué. “C’est une manière extrêmement intéressante, pour les entreprises, de s’adresser directement aux consommateurs. Auparavant, elles devaient réaliser une étude de marché, ce qui leur coûtait très cher. Aujourd’hui, elles obtiennent un feed-back immédiat. De plus, cette forme de financement s’avère avantageuse, car les entreprises collectent des fonds avant même de fabriquer leurs produits. Elles gagnent en visibilité et peuvent se passer d’intermédiaire. Il n’est pas aussi facile d’obtenir de l’espace de rayonnage dans un magasin traditionnel.”
LA TRANSPARENCE EST L’ÉTAPE LA PLUS IMPORTANTE POUR FAIRE ENTRER LE CROWDFUNDING DANS UNE NOUVELLE DIMENSION. Oliver Gajda, European Crowdfunding Network
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Les innovateurs de demain Depuis une décennie, la très renommée MIT Technology Review, la plus ancienne revue consacrée à la technologie au monde, met les jeunes chefs d’entreprises et chercheurs à l’honneur avec ses “MIT Awards Innovators under 35”. Sergey Brin (Google) et Mark Zuckerberg (Facebook) figurent parmi les lauréats. Cette année, ce grand concours d’innovations était organisé pour la première fois en Belgique, en collaboration avec BNP Paribas Fortis. Nous vous en présentons les vainqueurs et les nominés.
Innovator of the year:
Capteurs intelligents YVES VAN INGELGEM
Forte de sa technologie de capteurs intelligents qui détectent les traces de corrosion sur les infrastructures, Zensor est une entreprise innovante prometteuse. Son fondateur, Yves Van Ingelgem, a également beaucoup réfléchi au financement de son projet. “Nous n’avons pas cherché un business angel, mais le business angel, qui convenait à notre entreprise. Et nous l’avons trouvé.”
algré leur allure imposante, les grandes infrastructures métalliques, comme les pipelines et les éoliennes, présentent un gros point faible: le métal dont elles sont constituées est sensible aux influences extérieures et se corrode avec le temps. À terme, cette corrosion peut même menacer la stabilité de l’installation. Pensez aux éoliennes en mer, dont les fondations sont constamment exposées à des vagues d’eau, de sel et d’oxygène. “Après mes études d’ingénieur civil à la VUB, j’ai consacré mon doctorat à la corrosion active du métal et à la manière de mesurer ce processus”, révèle Yves Van Ingelgem. Le jeune chercheur a
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INNOVATION OF THE YEAR FRANCE
“Besoin d’expertise plus que d’argent” La résistance aux antibiotiques tuera des millions de personnes dans les années à venir. La solution de Xavier Duportet, “Innovateur de l’année” en France pour la MIT Technology Review? Créer des “snipers” ciblant les mauvaises bactéries. Et elles seules. Les antibiotiques actuels? Une “arme de destruction massive” pour éradiquer les bactéries indésirables du corps humain. L’idée de Xavier Duportet, élu “Innovateur de l’année” en France par la MIT Technology Review (dans son classement des “Innovators under 35”), est au contraire de créer des “snipers” de la santé, qui ciblent les mauvaises bactéries sans toucher aux bonnes. Dans ce but, il fonde PhageX (rebaptisée Eligo Bioscience) avec David Bikard en 2014, à partir d’une technologie développée par eux au MIT et à la Rockefeller University. Revenu en France après avoir remporté le Concours mondial d’innovation 2030, Xavier Duportet finance sa start-up grâce aux 200.000 euros qui accompagnent ce prix. Ce jeune entrepreneur de moins de 30 ans discute aujourd’hui avec un groupe international de capital-risque pour trouver les 2,5 millions d’euros nécessaires à la prochaine étape. Du venture capital, mais pas seulement: “Le MIT Award m’a valu d’être contacté par des business angels assez haut placés, que j’envisage de faire entrer dans le capital. En fait, 57 personnes m’ont contacté depuis que j’ai eu ce prix!” Quid des modes de financement alternatifs du type crowdfunding? “Ce serait trop difficile pour un projet biotech, car nous n’avons rien à proposer au public en termes de contreparties.”
ainsi développé un logiciel capable de détecter la détérioration du métal en amont. “Et j’ai rapidement pris conscience qu’il existait des débouchés pour ce produit.” Fin août 2013, Yves Van Ingelgem a créé une spin-off avec l’aide d’Innoviris, l’Institut bruxellois pour la recherche scientifique. “Ces capitaux nous ont permis d’affiner notre projet. Désormais, Zensor ne se contente plus de détecter la corrosion. Il accomplit une sorte de ‘veille intelligente’ pour les grandes infrastructures, et contrôle en continu les indices de corrosion, de déformations, de fissures et de vibrations anormales.” Dans la pratique, Zensor se compose d’un ensemble de capteurs associé à une plateforme Web sur laquelle les exploitants de parcs éoliens, les entreprises pétrochimiques et les compagnies actives dans le pétrole et le gaz peuvent surveiller en permanence leurs installations. Grâce à Zensor, ces sociétés identifient les
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> problèmes plus rapidement, ce qui leur permet d’intervenir plus tôt et d’éviter des réparations complexes et coûteuses. Avec, à la clé, un accroissement de la durée de vie de l’infrastructure. Aujourd’hui, la technologie est d’ores et déjà utilisée dans deux grands parcs éoliens en mer, et un grand nombre de nouveaux projets sont à l’étude. Toutefois, l’exécution de ces projets prometteurs nécessite bien entendu un financement. “En 2014, nous sommes partis en quête de bailleurs de fonds”, se souvient Yves Van Ingelgem. “Nous avons beaucoup réfléchi à la forme de financement la plus adaptée pour Zensor. Dans la mesure où nous avions besoin de nous introduire dans certains réseaux, il nous semblait logique de rechercher avant tout un partenaire disposant d’un certain savoir-faire technique et commercial. Quelqu’un capable de nous aider sur le long terme. En nous fournissant non seulement des capitaux, mais aussi des conseils.” Zensor a discuté avec plusieurs candidats, pour trouver finalement un partenaire en la personne de Paul Kumpen, qui dirige le groupe de construction du même nom. “C’est la combinaison idéale. En tant qu’actionnaire, Paul nous aide à développer une entreprise saine à terme. L’objectif n’est pas de gonfler le chiffre d’affaires pour ensuite passer à la caisse.” Zensor prépare une deuxième collecte de capitaux. “Nous envisageons également un financement bancaire traditionnel, mais en cette phase, nous recherchons surtout des partenariats qui dépassent le simple aspect financier”, poursuit Yves Van Ingelgem. “Nous voulons des personnes dotées des connaissances requises pour soutenir notre entreprise.” Quel regard porte-t-il sur sa quête de financements à ce jour? “Il est très difficile de trouver la forme de financement ou l’investisseur idéaux, mais nous y sommes parvenus. Il est vraiment crucial d’être sur la même ligne que ses financiers. Ceux qui accomplissent un bon travail en amont en récoltent les fruits sur le plan opérationnel.” ll
Social Innovator of the year
Une tente raffraîchissante ARNE PAUWELS Un voyage en Éthiopie a inspiré le designer Arne Pauwels à concevoir une petite tente efficace d’un point de vue énergétique pour garder les récoltes au frais. akati signifie “temps” en swahili. “Dans des régions comme la Tanzanie, l’Éthiopie et le Bénin, les agriculteurs locaux perdent une grande partie de leur récolte parce qu’ils ne parviennent pas à commercialiser leurs fruits et légumes à temps”, explique Arne Pauwels. “Les systèmes de réfrigération sont un luxe rare.” Arne Pauwels a donc développé une petite tente dotée d’un système de refroidissement qui peut maintenir jusqu’à 200 kilos de récoltes au frais sans système de réfrigération gourmand en énergie. Aujourd’hui, 150 de ces tentes sont déjà installées dans des champs dans le cadre d’un projet pilote. “J’ai pu financer la production grâce à l’arrivée d’un business angel et le parrainage d’entreprises comme Brussels Airlines et le spécialiste de l’impression 3D Materialize”, poursuit Arne Pauwels. “Notre participation à un reportage diffusé sur Canvas nous a ouvert de nombreuses portes.” Au cours des 12 prochains mois, Arne Pauwels mise sur 1.250 tentes Wakati implantées dans les champs. Mais ses ambitions vont plus loin: “Nous espérons en vendre 12.000 pièces au cours de l’année à venir.” Pour financer son expansion, Arne Pauwels veut faire appel au crowdfunding. ll
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“LE CHOIX D’UN BUSINESS ANGEL NE DOIT RIEN AU HASARD. OUTRE LE FINANCEMENT, NOUS AVIONS BESOIN DU SAVOIR-FAIRE D’ENTREPRENEURS EXPÉRIMENTÉS.” I 28 I
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Cartographier les émissions de CO2 dans la construction CATHERINE DE WOLF La doctorante Catherine De Wolf a développé un outil innovant qui offre un regard neuf sur l’empreinte écologique des grandes constructions. ’efficacité énergétique des logements suscite un intérêt croissant”, argumente Catherine De Wolf. Les maisons passives poussent comme des champignons. Les nouveaux immeubles de bureaux et autres infrastructures publiques sont également dotés de systèmes de chauffage sobres en énergie ou de dispositifs de filtration de l’eau. “Pour autant, l’impact environnemental de la construction de ces infrastructures reste mal connu”, poursuit Catherine De Wolf. “Quels sont les matériaux utilisés? Comment ces matériaux sont-ils produits? Quel est le mode de transport employé? Nous n’aurons une bonne idée de l’empreinte écologique réelle des bâtiments que si nous tenons compte de ces facteurs.” Après ses études d’ingénieur civil-architecte à la VUB-ULB
à Bruxelles, Catherine De Wolf a passé son doctorat au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Elle y a développé un outil pour calculer les émissions de CO2 liées à la construction de bâtiments en fonction de plusieurs paramètres. Sa base de données comprend désormais le Burj Khalifa à Dubaï et les stades olympiques de Londres et Pékin. Les architectes et les maîtres d’ouvrage peuvent comparer leurs projets à d’autres bâtiments, et utiliser l’outil de conception qui calcule les émissions de CO2 dès la table à dessin. “J’ignore si je vais développer l’outil dans le cadre d’une entreprise: pour l’instant, la technologie est open source, car je veux encourager le plus grand nombre à l’utiliser”, conclut Catherine De Wolf. ll
Des cow-boys au MIT SÉBASTIEN DELETAILLE Chaque fois que nous nous servons de notre GSM, nous générons des flux de données. Du Big Data collecté, analysé et rentabilisé par la société belge Real Impact Analytics (RIA), dont le cofondateur, Sébastien Deletaille, est nominé au prix des “Innovators under 35” du MIT. IA, lancée fin 2009, capture la valeur des données du Big Data pour le compte de 5 des 10 principaux opérateurs télécom mondiaux. A ses débuts, la société s’est financée “à la cow-boy”, du propre aveu de Sébastien Deletaille : elle vendait des solutions avant de savoir comment elle allait les appliquer. Une audace qui s’est révélée payante, puisqu’elle a permis à la start-up de générer suffisamment de revenus pour financer son développement pendant 2 ans. Les deux années suivantes ont été facilitées par une augmentation de capital de 500.000 euros auprès de l’équipe fondatrice de RIA, de Brustart et d’Innoviris, avec effet de
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levier auprès de la banque Belfius. La société, qui double ses revenus chaque année, prépare une nouvelle levée de fonds de 5 millions d’euros pour 2015. Dans les 18 mois à venir, la firme pourrait solliciter des investisseurs externes liés aux secteurs qui les intéressent : grande distribution, “pharma” et développement/ONG - c’est d’ailleurs au titre de son initiative à visée humanitaire “Data For Good” que la société est nominée aux MIT Awards. Sébastien Deletaille n’envisage pas de recourir à des financements alternatifs, mieux adaptés, à ses yeux, à des recherches de fonds moins importantes. ll
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Mécénat 2.0 Au fil de son engagement auprès des asbl qu'elle soutient, la Fondation de BNP Paribas Fortis s'est intéressée au financement participatif (crowdfunding). Convaincue qu'il pouvait répondre à certains de leurs besoins, AnneFrance Simon, directrice du mécénat de BNP Paribas Fortis, a accompagné les asbl, par le biais d'un partenariat avec la plateforme Ulule, dans leur découverte de cet outil. Un investissement d'avenir.
NP Paribas Fortis Foundation a été créée au moment de la fusion des banques belge et française, voici cinq ans. C'est AnneFrance Simon qui l'a lancée. Avec près de 1.400 asbl soutenues depuis 2010, c’est une des fondations d’entreprises les plus importantes en Belgique en terme de moyens financiers octroyés au monde associatif, L'appel à projets annuel organisé par la fondation recueille 200 à 300 projets, dont seulement 22% pourront être financés. Quant aux projets restants, la fondation estime que la moitié mériteraient un soutien. “Selon le précepte bien connu, nous nous sommes dit qu'il valait mieux apprendre à pêcher que donner un poisson”, explique-Anne-France Simon. “Et nous avons décidé d'également accompagner les asbl sur le chemin du financement participatif, qui prend de l'ampleur dans le secteur.”
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Porte-à-porte La fondation a choisi l'an dernier Ulule, leader européen d'origine française, pour
établir un partenariat. Le site d'Ulule reprend un espace dédié à la fondation, avec l'environnement graphique de BNP Paribas Fortis. Le personnel de la fondation a apprivoisé l'outil en même temps que les asbl, se forgeant ainsi un précieux savoir-faire. “On ne se rend pas forcément compte du temps et de l'énergie qu'il faut consacrer à son projet de crowdfunding”, assure Anne-France Simon. “Et les responsables des 10 asbl sélectionnées pour cette première campagne l'ont bien réalisé. L'une d'elles a d'ailleurs fini par retirer son projet faute de temps. Les 10 collaborateurs bénévoles de la banque qui se sont proposés comme coaches de ces asbl, l'ont eux aussi constaté: c'est un travail considérable, non dépourvu de considération marketing, car il faut convaincre les internautes. Pour moi, c'est comparable à du porte-à-porte!”
Tout ou rien Le crowdfunding répond à un besoin réel chez les associations: selon une étude d'impact réalisée sur quatre ans par BNP Paribas Fortis, 44% d'entre elles jugent que leurs ressources diminueront dans les années à venir, dont plus de la moitié estiment que cette diminution met leur association en péril.. Pour autant, révèle également l'étude, les aides aux frais de fonctionnement de la part des fondations ne sont pas prioritaires pour les asbl – les subsides publics y pourvoient plus ou moins pour certaines d’entre elles. Elles ont plutôt besoin d’un soutien pour financer de nouvelles initiatives. Pour les asbl, sans les fondations il n’y aurait quasiment pas de nouveaux projets qui verraient le jour. Or, elles tiennent à leurs projets. Ils sont la force positive de leur activité et concrétisent leur envie de “faire mieux”. Ulule fonctionne sur le principe du “tout ou rien”. Soit le montant à collecter est atteint, voire dépassé, dans le délai imparti (30 à 40 jours, généralement) et les fonds sont débloqués, soit on reste
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en deçà et le projet ne récolte rien. En échange de votre participation, les porteurs de projets offrent des contreparties symboliques: petits cadeaux, inscription de votre nom sur une plaque, etc. Il ne s'agit donc pas d'un prêt remboursable mais d'une forme de don. Les montants fixés par les collecteurs sont généralement peu élevés: au maximum quelques milliers d'euros. “Nous allons poursuivre nos réflexions afin d’intégrer le crowdfunding dans notre politique de mécénat de la manière la plus pertinente pour les associations”, se réjouit Anne-France Simon. “Nous acquérons une expérience très appréciable. Cela fait de nous des précurseurs pour cet outil remarquable. Pour moi, le financement participatif fait partie d'une évolution vers le mécénat 2.0” ||
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Anne-France Simon, BNP Paribas Fortis Foundation: “Le crowdfunding est comparable à du porte-à-porte!”
LE RENC'ART: RENDEZ-VOUS RÉUSSI SUR ULULE La Chaloupe, service d'aide en milieu ouvert (AMO) d'Ottignies, a fait appel avec succès au financement participatif pour son projet Renc'Art: l'aménagement d'un lieu convivial comprenant une œuvre d'art. La structure a dépassé ses objectifs à l'issue des 45 jours de collecte sur Ulule. Son directeur depuis 16 ans, Luc Descamps, raconte. Voici deux ans, la Chaloupe a dû déménager. Les locaux, jusqu’alors loués au CPAS par l’AMO, devaient subir des travaux. La Chaloupe s'est donc ancrée à l'une des entrées d'Ottignies. “En face du meilleur glacier du Brabant wallon”, s'amuse Luc Descamps. “On s'est dit qu'on voulait créer un lieu accueillant pour les jeunes, et aussi devenir un point où l'on se donnerait rendez-vous, où l'on viendrait déguster sa glace, et pour cela, quoi de mieux qu'une œuvre d'art?” Le projet a été baptisé “Renc'Art”. Une réflexion a été lancée avec des artistes, en mettant l'accent sur une réalisation avec les jeunes. Lorsque la BNP Paribas Fortis Foundation propose à la Chaloupe de lancer une collecte sur Ulule, la réaction est enthousiaste. “Même si nous aurions pu attendre un peu plus, le temps de mieux définir la partie artistique du projet, l'expérience sur Ulule, qui s'est terminée mi-mai, a été très positive”, reprend Luc Descamps. “Nous avons dépassé nos objectifs – 3.100 euros en 45 jours, alors que l'AMO n'en demandait que 3.000 euros. J'ai vu que le plus dur était de démarrer, d'atteindre un seuil critique autour de 2530%. Ensuite, j'ai trouvé grisante la façon dont les contributions affluaient: j'allais consulter la page cinq fois par jour!” La Chaloupe a bénéficié de l'aide de la Fondation pour constituer son projet sur Ulule.
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ON NE SE REND PAS FORCÉMENT COMPTE DU TEMPS ET DE L'ÉNERGIE QU'IL FAUT CONSACRER À UN PROJET DE CROWDFUNDING. Anne-France Simon, BNP Paribas Fortis Foundation
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“On n'est qu'au début de la vague” Même s'il faut s'attendre à quelques déconvenues, le crowdfunding est appelé à un bel avenir, juge Olivier Witmeur, professeur à Solvay, interrogé par Peter De Keyzer, économiste en chef chez BNP Paribas Fortis. De nouveaux acteurs devraient apparaître et soutenir la croissance du secteur.
Le crowdfunding est-il un phénomène totalement neuf? À quand remontent les premiers projets de financement participatif? Olivier Witmeur: Le financement participatif existe depuis longtemps, il est né bien avant l'Internet! Pour trouver des fonds, les entrepreneurs ont toujours sollicité leurs proches, leur réseau de connaissances. En Belgique, les premiers projets de crowdfunding remontent à 4-5 ans, quand les premières plateformes dédiées ont été lancées. Quelle évolution le crowdfunding a-t-il connu depuis ses premiers jours? Quelle est la principale différence entre le crowdfunding de l’époque et le crowdfunding actuel? Quelle est son importance pour l’économie? Olivier Witmeur: Pour le moment, le financement participatif ne représente qu'un très faible nombre de transactions pour les entreprises. Mais ce nombre ne cesse d'augmenter. Et les plateformes réalisent de très bonnes campagnes de promotion, comme celle récemment lancée par MyMicroInvest, avec le soutien de BNP Paribas Fortis. Le public est de plus en plus conscient de l'intérêt du financement participatif, de l'importance qu'il est appelé à avoir dans l'économie. Look & Fin connait également un succès grandissant. Quelle est l’explication de la popularité croissante de ce phénomène?
Olivier Witmeur: Le financement participatif comble une lacune. Depuis toujours, il s'avère très difficile, pour une très petite entreprise (TPE) ou pour une PME, de trouver ses premiers milliers d'euros. Et, de l'autre côté, le public demande de la transparence, il veut savoir où va son argent! Le succès de plateforme de financement “peer-to-peer” comme Zopa, en Grande-Bretagne, le montre. Quelle est l’importance du crowdfunding dans notre pays dans le contexte international? Et quel en est le potentiel? Olivier Witmeur: En Belgique, nous avons 3 ou 4 ans de retard, notamment par rapport à nos grands voisins. Ce qui veut dire que les perspectives de développement chez nous sont encore plus importantes! Et ce potentiel est en passe de se réaliser, puisque les formules sont bien connues et promues, les acteurs bien en place. Par ailleurs, lorsqu'on discute avec des chefs d'entreprises, on constate que le crowdfunding est devenu une option à
laquelle ils pensent spontanément. Un canal presque “normal” de financement. A quel point peut-on considérer le crowdfunding comme une forme de financement durable? N’est-ce pas qu’une mode passagère? Olivier Witmeur: Pour le moment, l'importance du crowdfunding est négligeable dans notre économie. Mais il est appelé à se développer durablement, et à l'avenir, il fera partie du paysage économique en général, et de celui des entreprises en particulier. Ce n'est que le début de la vague. Les banques “classiques” ont, à mes yeux, raison de se pencher sur ce phénomène. Car une partie croissante du patrimoine des individus et des familles va emprunter ces canaux. C'est encore plus vrai pour les jeunes générations, une clientèle que les banques cherchent à fidéliser. Une forme de financement alternatif comme le crowdfunding repose-t-elle sur un cadre légal robuste dans notre pays?
LE CROWDFUNDING EST DEVENU UNE OPTION À LAQUELLE LES CHEFS D’ENTREPRISES BELGES PENSENT SPONTANÉMENT. Olivier Witmeur, Solvay
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et inconvénients du crowdfunding les concernant? Olivier Witmeur: N'oublions pas qu'il existe plusieurs modèles de crowdfunding: donation, pré-achat, prêt, prise de participation… Chaque modèle présente des défis spécifiques, notamment: qui analyse la robustesse de la société, sa valorisation (beaucoup de firmes se valorisent à un trop haut niveau)? En prévente, le seul risque pour le client est de ne pas être livré.
Olivier Witmeur et Peter De Keyzer: “Contrairement à la crise boursière, les futures déconvenues du crowdfunding ne porteront que sur de petits montants.”
Olivier Witmeur: Le cadre réglementaire actuel est lourd, on se situe dans le champ d'application de la protection de l'appel à l'épargne. Une mécanique vieille de plusieurs décennies, qu'on a un peu adaptée; les opérateurs concluent des accords individuels avec la FSMA. La montée en puissance du crowdfunding et la pression internationale entraîneront une adaptation de ce cadre. Pour quels types d’entreprises le crowdfunding constitue-t-il une forme de financement intéressante? Et quels en sont les principaux avantages pour ces entreprises? Olivier Witmeur: Les entreprises B2C disposant de produits faciles à comprendre, destinés au consommateur final, sont les plus adaptées. L'Internet des objets (Internet of Things) et la
restauration fonctionnent très bien, comme les systèmes de prévente. En plus de financements, le système leur apporte des clients et de la notoriété, donc alimente leur modèle d'affaires. Le meilleur mode de financement, c'est d'avoir des clients! Le crowdfunding comporte-t-il également des inconvénients pour les entreprises? Olivier Witmeur: Le gros inconvénient, c'est que l'on se retrouve avec beaucoup de parties prenantes, et que ça peut devenir ingérable. De nouveaux acteurs devraient apparaître pour faire face à ces problèmes. Le crowdfunding est-il également un bon produit d’investissement pour les petits investisseurs particuliers? Quels sont les principaux avantages
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Les investisseurs particuliers sontils suffisamment à même d’estimer les risques d’une start-up? Ou la crowd at-elle toujours raison? Olivier Witmeur: Rappelons d'abord que des professionnels de l'évaluation d'entreprises, comme les fonds d'investissement, ont avec les start-ups des taux d'échec avoisinant les 50%! Le public n'est pas équipé, et n'a pas conscience des risques. Pour le crowdfunding, certaines plateformes opèrent de bonnes présélections de projets, pour d'autres, c’est moins clair. Et le mécanisme n'est pas encore d'une transparence à toute épreuve. Qui évalue les sociétés sollicitant des fonds sur les plateformes? Qui suit la participation une fois investie? Comment ces sociétés s'administreront-elles dans 5 ans, quand elles auront 500 actionnaires? Là encore, le cadre réglementaire devra évoluer pour accompagner ces mutations, et des acteurs nouveaux, comme des agences ou des mécanismes de notation, apparaîtront. En attendant, on assistera à pas mal de déconvenues. La bonne nouvelle, c'est que, contrairement à la crise boursière, cela ne portera que sur de petits montants: on n'assistera donc pas à l'éclatement d'une bulle! ||
Une affinité naturelle
DE PLUS EN PLUS DE GENS SONT PRÊTS À DONNER UNE PARTIE DE LEUR ÉPARGNE À DES PROJETS QUI FONT AVANCER LA SOCIÉTÉ.
Une façon d'entreprendre novatrice prend de l’ampleur. Des entrepreneurs sociétaux, opérant dans des secteurs aussi variés que l'environnement, l'alimentation durable, la mobilité, la précarité, le vieillissement, parviennent à combiner rentabilité et impact positif sur la société au sens le plus large. Ils créent des modèles d'affaires hybrides, sans subsides publics, pour lesquels la rentabilité financière n'est pas le premier critère du succès. Ces entreprises sociétales ne se placent pas dans une optique de concurrence avec les pouvoirs publics et les asbl, mais bien dans une perspective de collaboration. Elles offrent des possibilités nouvelles, complémentaires. C'est d'autant plus précieux que la puissance publique et le secteur associatif n'ont pas, seuls, les moyens de faire face aux innombrables défis qui se posent à nos sociétés. Pour pérenniser leurs activités, ces sociétés un peu particulières ont besoin de visibilité et de nouveaux canaux de financement. Oksigen, un écosystème dédié à l'entrepreneuriat social créé voici sept ans, disposait déjà d'un fonds d'investissement ‘impact’, le SI2 Fund, doté de 15 millions d'euros apportés par des particuliers. Mais un maillon de la chaîne manquait. Nous recevions à la fois des demandes d'entreprises souhaitant se financer par crowdfunding et des sollicitations de particuliers désireux de contribuer à l'essor de ce nouveau secteur, sans nécessairement disposer de centaines de milliers d'euros. En effet, de plus en plus d'individus et de familles sont prêts à donner une partie de leur épargne à des projets qui font avancer la société. Mais il n'existait pas encore de plateforme spécifique pour le secteur. C'est pourquoi nous avons lancé, le 4 mai dernier, OksigenCrowd (oksigencrowd.eu), une plateforme de financement participatif réservée aux projets d'entreprises sociétales. Le crowdfunding est une solution logique pour elles, qui ont avec lui une affinité naturelle: il s'agit d'impliquer des communautés locales. Jusqu'en août, la plateforme, cofinancée par l'Union européenne, est gratuite pour les sociétés et les particuliers. Il s'agit donc bien de dons, qui peuvent avoir une contrepartie symbolique (système dit reward-based). Cinq entreprises sociales belges ont déjà lancé une campagne sur OksigenCrowd: elles ambitionnent un total de 80.000 euros. Grâce à la plateforme, les entreprises sociétales peuvent aussi tester, à peu de frais, de nouveaux produits et services, acquérir une visibilité et donc des clients, tout en améliorant leur marketing. Car la clé du succès, en matière de financement participatif, réside dans la capacité à mobiliser ses réseaux. Pour moi, c'est du pur “gagnant-gagnant”: pour l'ensemble de la société, pour les entreprises concernées, et pour le public, dont l'argent sert des buts utiles. || Loïc van Cutsem, directeur général d'Oksigen Lab
Quelles sont les possibilités offertes par le crowdfunding? Quels sont les avantages du crowdfunding pour les jeunes entreprises?
Chat avec José Zurstrassen, président du MyMicroInvest
Posez vos questions en ligne sur le crowdfunding à José Zurstrassen, président du MyMicroInvest le 3 juillet 2015 à 11h15 via www.lecho.be/BNQ ou suivez-nous via twitter @BNQ_Banque
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