Quarterly Table ronde ‘Il est temps de démystifier la planification financière’
Open banking Comment votre patrimoine bénéficie-t-il du nouvel écosystème financier?
PERSPECTIVES ON BANKING
L’avenir appartient aux prévoyants Stéphane Vermeire et André De Meuter discutent du passage de témoin au sein d'une entreprise familiale Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect.
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ABC: l’univers du patrimoine
4 Emiel Van Broekhoven plaide pour "un conseil d'expert, aujourd'hui et demain"
22 La philanthropie, une niche de croissance... avec un impact
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Open banking: où se situe le client dans le nouvel écosystème des banques et des entreprises fintech?
Interview croisée: André De Meuter et Stéphane Vermeire évoquent ensemble le transfert d'une entreprise familiale à la génération suivante
Ours Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect. Coordination : Alexia Mangelinckx. Lay-out : Christine Dubois, Marise De Maeyer. Photos : Frank Toussaint, sauf mention contraire. E.R. : WalterTorfs, Montagne du Parc 3, 1000 Bruxelles.
Echo Connect offre aux entreprises, organisations et organismes publics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision, leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo. Les partenaires impliqués sont responsables du contenu.
CONNECT
Table ronde: la planification financière pour tous
Koen De Leus Économiste en chef de BNP Paribas Fortis
B NQ B NQ est une plateforme de contenu de cross médias consacrée à la banque socialement responsable et moderne. Au travers de la diffusion d'informations, B NQ entend ouvrir le débat et le dialogue sur la base de récits remarquables, innovants et concrets. Ce magazine a été imprimé le 28/09/2017 www.lecho.be/bnq
édito
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"Si j’opte pour cette voiture partagée de luxe, quel sera l’impact à long terme sur mon patrimoine, Alexa?" L’assistante apparaît instantanément et répond: "Échanger votre voiture familiale actuelle contre ce modèle aura un effet négatif sur le label de qualité de votre future maison de repos. Vous devrez opter pour une maison de repos de qualité 3 au lieu d’une institution de qualité 2. Compte tenu de votre dossier médical et de vos paramètres de santé de ces dernières semaines, mesurés en temps réel, votre âge d’admission probable s’établit à 90 ans. Une maison de repos de qualité 3 suffit." Sur quoi Alexa propose une rapide visite guidée virtuelle pour les quatre options. Fantastique, cette assistante super-intelligente et disponible 24 heures sur 24? Certes, elle n’existe pas encore. Mais si le suivi et l’orientation en temps réel de votre planning financier représentent l’avenir, il ne s’agit pas d’un futur lointain. Dans ce plan financier intégral, la base reste le premier pilier, la pension versée par l’État. Elle ne suffira toutefois pas. Une pension d’entreprise obligatoire et une révision systématique des contributions à la hausse, par exemple lors de chaque augmentation de salaire, seraient un grand pas en avant. En matière d’épargne-pension individuelle, il est impératif de commencer le plus tôt possible. Afin de constituer le même capital à 65 ans, celui qui commence à cotiser à 30 ans doit épargner un tiers de moins que le salarié qui se lance à son 50e anniversaire. De quel montant avez-vous besoin pour passer vos vieux jours à l’abri de tout souci financier? La technologie facilite ces calculs complexes. Il est même possible d’établir plus précisément votre profil de risque à partir de votre comportement sur l’internet qu’avec les habituels et fastidieux questionnaires à compléter. La directive européenne PSD2, qui entrera bientôt en vigueur, y contribue également. Le client qui autorise le partage des informations sur ses comptes avec des tierces parties ouvrira la porte à l’open banking. L’intelligence artificielle aidera ensuite à cartographier toutes les informations numériques publiques sur votre patrimoine. Cela permettra à vos institutions financières, en collaboration avec d’autres prestataires de services, de vous proposer d’indispensables solutions financières sur mesure. Il sera plus crucial que jamais de formuler des solutions uniques. Notre société a déjà changé en profondeur, et ce processus s’accélérera encore sous l’effet de la numérisation et du vieillissement. La frontière entre travail et vie privée s’estompe. Les ménages, millennials en tête, veulent vivre autrement. La maison, le jardin et les projets clairement définis laissent la place à des changements de cap soudains. Or, de telles décisions sont lourdes de conséquences pour votre patrimoine. La planification financière et sa réorientation constante sont plus que nécessaires. Grâce à la révolution numérique, elles sont aussi plus accessibles que jamais. Vous pouvez bénéficier d’une vision plus claire, de davantage d’outils et d’un service global de meilleure qualité. Seule la compagnie virtuelle d’Alexa exigera sans doute un peu plus de patience. ll
Un conseil d’expert, aujourd’hui et demain Emiel Van Broekhoven
I Planification financière I
Des taux bas, une croissance faible, le vieillissement de la population, des familles recomposées: autant de raisons pour lesquelles des couches de plus en plus larges de la population doivent analyser de près une situation financière dont la complexité ne cesse de croître. Avec des experts, aujourd’hui comme demain.
haque plan financier est déterminé par une myriade de facteurs tels que l’âge, la fiscalité, la sécurité sociale, la législation en matière de pensions et de succession qui s’applique à votre situation personnelle. Sans oublier les évolutions du secteur dans lequel vous travaillez, ni la situation et les perspectives des marchés immobilier et financier. Dans ce cadre, un conseil et des informations spécialisés seront incontestablement appréciés. Tout le monde veut agir en "bon père de famille". Mais l’histoire économique et financière mouvementée que nous avons connue depuis la Seconde Guerre mondiale le prouve: nous serons toujours confrontés à de nouveaux défis. Ceux qui sont nés au début des années 40 ont quitté l’école secondaire autour de 1960. C’était l’époque du plein essor de l’État-providence inflationniste, qui a mené à la guerre du Kippour et au krach de 1973-1974. Il s’est ensuivi 10 ans d’inflation et de crise, jusqu’à la reprise de 1983–1984 après la dévaluation du franc belge. La chute du mur de Berlin, la montée en puissance des Tigres asiatiques et les nouvelles technologies ont ensuite engendré une forte croissance, qui s’est effondrée avec l’éclatement de la bulle internet après 2000. Avec les maladies infantiles de l’euro et la propension des banques centrales à "soigner les symptômes", nous sommes arrivés au sommet boursier de 2008-2009. Pour être ensuite confrontés à une crise caractérisée par l’essor de la Chine, la déflation, un taux d’endettement élevé, une stagnation économique et des taux négatifs. À nouveau, compte tenu de tous ces mouvements dynamiques, un conseil d’expert est particulièrement appréciable.
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gagnent davantage qu’un salaire médian. De nouvelles possibilités ont été créées pour des pensions complémentaires au niveau de l’entreprise ou du secteur. Des instruments ont fait leur apparition, comme l’épargne-pension et les formes d’épargne assurée pour les indépendants. Nous voyons ainsi une multitude de Belges disposer d’un patrimoine fourni et diversifié à leur 65e anniversaire. La loi sur la planification financière personnelle du 25 avril 2014 répond à une vraie demande d’accompagnement. Elle vise la mise en place d’un conseil personnalisé portant sur l’ensemble d’un patrimoine, dans le cadre du droit fiscal, social et civil existant, sur la base des besoins et des objectifs que le client indique, et dans le contexte économique et financier dominant. Vous lirez dans ce numéro de B NQ comment cette loi peut se traduire avantageusement en une collaboration concrète entre le client et la banque. Il est en tout cas acquis qu’un conseil d’expert, personnel et prudent, n’est pas un luxe. Et ne le sera pas non plus demain.
Emiel Van Broekhoven est le père spirituel de la loi sur l’épargne-pension. Son travail novateur dans le domaine de la planification financière personnelle en Belgique en fait l’inspirateur de la loi du 25 avril 2014. Il a notamment été administrateur de BNP Paribas.
Patrimoine diversifié L’avenir ne paraît pas moins mouvementé. À mes yeux, la plupart des Belges prudents ne sont pas en mauvaise posture, grâce à leur patrimoine très diversifié et parce qu’ils saisissent les opportunités que leur offre un cadre législatif en évolution constante. Par exemple, l’accès à la propriété a été grandement facilité pour la majeure partie de notre population. Dans les années 70, un plan financier se fondait sur le principe selon lequel la pension légale d’un salarié couvrirait 70% de ses revenus de fin de carrière. Or, sous l’effet d’une politique de redistribution, cet écart s’est peu à peu accru pour ceux qui
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AUTREFOIS, UN PLAN FINANCIER SE FONDAIT SUR UN PRINCIPE: LA PENSION LÉGALE COUVRIRAIT 70% DES REVENUS DE FIN DE CARRIÈRE. Emiel Van Broekhoven
I Planification financière I
L’univers du patrimoine La planification financière est un concept qui dépasse largement la composition d’un portefeuille de placements. Tous les aspects ou presque du patrimoine sont concernés.
Niveau de vie Le concept de niveau de vie peut se résumer au modèle de dépenses qu’une personne adopte maintenant et qu’elle prévoit pour l’avenir. À partir de ces informations, le planificateur financier peut calculer le patrimoine dont vous aurez besoin pour vivre confortablement toute votre vie.
Livre de comptes Pour se faire une idée des dépenses du ménage, il peut être utile de les noter dans un livre de comptes. Auparavant, on utilisait des carnets; aujourd’hui, il existe de nombreux livres de comptes numériques ou sous forme d’applications.
Inventaire du patrimoine Le plan financier commence par un inventaire du patrimoine total. Ce tableau détaillé ne se limite pas à l’ensemble des actifs (immobilier, épargne, investissements et portefeuille d’assurances), puisqu’il s’étend à l’ensemble des dettes et des emprunts.
Assurances La planification financière s’étend à la protection contre les risques financiers. Les assurances y jouent un rôle crucial. Cela va des assurances voiture et incendie traditionnelles à l’assurance revenus garantis (au cas où vous ne seriez plus capable de travailler) et à l’assurance hospitalisation, qui couvre les frais médicaux.
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Pension La pension est souvent au centre du plan financier. Car pour de nombreuses personnes, la pension légale ne suffira pas pour préserver le niveau de vie actuel. La planification financière tente de combler l’écart ou de le réduire autant que possible.
Épargne
Contrat de mariage Le contrat de mariage est l’un des instruments les plus mésestimés de la planification successorale ou patrimoniale. Comme vous y indiquez ce qui appartient à qui, vous déterminez également – en partie – de quelle manière votre patrimoine sera partagé en cas de divorce ou de décès du premier conjoint.
Le financement d’un achat important, la constitution d’un bas de laine pour la retraite ou d’une réserve financière en cas de problème sont autant de bonnes raisons d’épargner. Il existe de nombreux produits d’épargne: comptes d’épargne et comptes à terme, bons de caisse, assurances épargne… Parfois, il est judicieux d’ouvrir plusieurs comptes d’épargne en fonction de l’objectif. Par exemple, un compte pour les frais imprévus (des réparations dans la maison – voir aussi "Matelas de sécurité") et un autre pour le financement des rêves (comme un voyage dans un pays lointain).
Matelas de sécurité Le matelas de sécurité est la réserve financière minimale dont vous devez disposer sur un compte d’épargne pour les frais imprévus. Généralement, on estime qu’il faut mettre de côté au moins six mois de salaire et ne pas y toucher, sauf dans des cas d’urgence.
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Donations La donation permet de transmettre certains biens (bijoux, œuvres d’art, argent, placements, terrain, etc.) à la génération suivante. Pour le même bien, vous serez souvent moins imposé sur une donation que sur une transmission par héritage.
Profil de risque En raison des taux bas, il est presque impossible d’accroître son patrimoine à partir de produits d’épargne ordinaires, ou du moins pas à un rythme supérieur à l’inflation. En Bourse, les rendements potentiels sont plus élevés mais les risques sont à l’avenant. Votre stratégie d’investissement doit dès lors être conforme à votre profil de risque: celui-ci détermine les risques que vous êtes prêt à prendre en tant qu’investisseur et les produits qui y correspondent ou pas.
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Planification successorale Cette notion recouvre l’ensemble des mesures que prend une personne pour transmettre son patrimoine à la génération suivante. Souvent, l’idée est de limiter la facture fiscale pour les héritiers, bien que ce ne soit pas, et de loin, l’unique raison de procéder à une planification successorale. Via celle-ci, on peut également protéger ou favoriser certains héritiers, par exemple.
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La planification financière pour tous Le plan financier n’est pas réservé à une élite. Tout le monde en a besoin. Ces six experts vous disent pourquoi.
n associe souvent la planification aux grandes fortunes. À tort. Le plan financier aide à concrétiser ses rêves: arrêter plus tôt de travailler, lancer sa propre entreprise, prendre une année sabbatique pour se ressourcer… Il offre en outre une base et une protection lors des événements-clés d’une vie: mise en ménage, achat d’une maison, mariage, divorce, héritage, etc. La question n’est pas de savoir si vous possédez déjà un patrimoine, mais d’identifier les implications financières de chacun de ces événements, et de déterminer ce dont vous avez besoin pour réaliser vos objectifs. "Tout le monde n’en est pas conscient. Il est grand temps de préciser et de démystifier la notion de planification financière", affirment nos six experts: Michael Anseeuw (General Manager Retail Bank chez BNP Paribas Fortis), Gaétan Bleeckx (notaire à Saint-Gilles et porte-parole de la Fédération royale du notariat belge), Marc De Ceuster (professeur et Academic
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OUVRIR UNE ÉPARGNE PENSION LE PLUS TÔT POSSIBLE EST AUSSI UNE FORME DE PLANIFICATION FINANCIÈRE. Michael Anseeuw, BNP Paribas Fortis
Director Personal Financial Planning à l’Antwerp Management School), Pierre Devolder (professeur à l’UCL et membre du conseil académique des pensions), Dieter Haerens (Managing Partner de Harmoney) et Jo Stremersch (partner du planificateur financier indépendant Stremersch, Van Broekhoven & Partners, et responsable du programme Personal Finance Planning à la Flanders Business School de la KUL). La planification financière est mise à toutes les sauces. Faut-il adopter une définition plus stricte? Marc De Ceuster: "Il est impossible de donner une définition suffisamment étendue de la planification financière. Fondamentalement, il s’agit d’éradiquer l’illettrisme financier. Les gens doivent comprendre l’impact de leurs choix financiers sur le déroulement de leur vie. Dans ce cadre, les domaines classiques comme la planification du patrimoine, de la retraite ou de la succession ont chacun leur rôle à jour. Toutefois, la planification financière va plus loin encore, puisqu’elle inclut également votre propre philosophie financière. Quelle est votre vision de la vie? Allez-vous encourager vos enfants à se mettre
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De gauche à droite: Michael Anseeuw (BNP Paribas Fortis), Pierre Devolder (UCL), Jo Stremersch (Stremersch, Van Broekhoven & Partners) Gaétan Bleeckx (notaire), Marc De Ceuster (Antwerp Management School) et Dieter Haerens (Harmoney)
à leur compte ou leur dire qu’il est préférable de chercher un salaire fixe? Aujourd’hui, nous inscrivons rarement ces questions dans le cadre de la planification financière." Jo Stremersch: "La planification financière se caractérise également par une réflexion structurée. C’est une manière très pratique d’aborder la constitution, la gestion et le transfert d’un patrimoine. Elle est pertinente pour tout le monde, que vous soyez riche ou non." Quelles sont les évolutions sociales qui accroissent l’urgence et la pertinence de la planification financière? Michael Anseeuw: "Nous serons confrontés à des changements économiques et sociaux profonds au cours des décennies à venir. Nous allons travailler différemment et plus longtemps. Les familles et les générations à venir vivront autrement. Il faut s’y préparer. La planification financière est une manière de prendre encore plus son destin en main, en se posant des questions sur lesquelles nous nous arrêtons trop rarement aujourd’hui."
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Stremersch: "Les particuliers ont simplement besoin d’accompagnement. Ils sont noyés d’informations et de conseils dans tous les domaines possibles. Or, posséder toutes ces informations ne signifie pas qu’ils soient capables de faire les bons choix. Et à ce niveau, on ressent le besoin croissant d’un cadre global et structuré qui apporte un accompagnement dans les décisions juridiques, fiscales et financières."
Prenez votre destin en main De Ceuster: "N’oubliez pas non plus que notre société s’est considérablement complexifiée. C’est le cas pour la législation, les défis de l’allongement de l’espérance de vie, et les formes de cohabitation. Voyez l’augmentation du nombre de familles recomposées. Les questions posées sont très différentes d’il y a 20 ans! Et il n’est pas évident d’y répondre. Car ces
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L’OBJECTIF FONDAMENTAL DE LA PLANIFICATION FINANCIÈRE EST D’ÉRADIQUER L’ILLETTRISME FINANCIER. Marc De Ceuster, Antwerp Management School
phénomènes touchent les gens à la fois dans leur porte-monnaie et dans leur cœur." Dieter Haerens: "On ne peut pas davantage éluder la recherche d’une plus grande autonomie. Dans d’autres domaines de la société, les particuliers occupent une position plus centrale qu’auparavant. Et c’est désormais ce qu’ils attendent pour tous les aspects financiers de leur existence. Il n’est pas nécessaire de transformer tout le monde en spécialistes de la finance, mais il faut aider les gens à mieux saisir l’impact financier de leurs choix. C’est pourquoi je parle de financial life management plutôt que de planification financière. Son importance ne peut que s’accroître. Aujourd’hui, la plupart des gens ne sont confrontés à des questions de planification financière qu’après une première phase de leur carrière, lorsqu’ils envisagent de travailler différemment, ou moins. Ce sont des choix de vie fondamentaux dont il n’est pas toujours possible d’estimer l’impact à long terme. Et les millennials y attacheront encore plus d’importance, car ils opèrent ces choix beaucoup plus tôt." Quel est le rapport entre les piliers des pensions et le concept de planification financière? Pierre Devolder: "L’un ne va pas sans l’autre. Le fait que nous vivions plus longtemps engendre des défis gigantesques, y compris pour notre situation financière personnelle. Les experts des pensions s’accordent sur ce point: nous avons besoin de tous les piliers. Et chacun de ces piliers peut répondre à une nécessité différente. Prenez la pension légale: elle réalise des choses qui sont impossibles à envisager à partir du secteur financier: par exemple la garantie d’un revenu viager indexé. Nous constatons à cet égard une lacune dans l’offre de produits financiers. Il y a là un paradoxe: jamais un tel nombre de personnes ne se sont entendu dire qu’elles doivent constituer une pension complémentaire, alors que les produits
Gaétan Bleeckx
proposés ne correspondent pas suffisamment à cet objectif. Voyez les produits d’assurances: vous n’en trouvez pratiquement aucun qui soit associé à une rente viagère, rente qui vous permettrait de compter sur un revenu jusqu’au décès. Pourtant, un tel produit répond à une réelle nécessité. Du côté des produits, je vois trop peu de solutions complètes pour tout le cycle de la vie de l’individu." Stremersch: "On pourrait d’ailleurs manifester davantage de respect pour la pension légale. En un sens, on peut la considérer comme une rente viagère d’une envergure telle que le secteur financier ne peut en offrir aujourd’hui. Nous devons la préserver. Si vous en avez l’occasion, calculez le capital dont vous avez besoin pour pouvoir constituer une rente viagère de ce niveau. Ce sont des montants immenses." Devolder: "La plupart des particuliers font ce calcul. À ceci près qu’ils éludent complètement le fait que nous vivons beaucoup plus longtemps qu’autrefois et sous-estiment les implications de l’allongement de l’espérance de vie sur notre situation financière personnelle. Il est indispensable de revoir à cet égard certains aspects de la planification financière. On la réduit trop souvent à une stratégie destinée à accumuler un patrimoine. Mais ce n’est qu’une dimension parmi d’autres. Trop de personnes ne réalisent pas qu’il y aura ensuite une longue phase de consommation du capital. Elles risquent d’être confrontées à des surprises très désagréables plus tard."
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Jo Stremersch
Sa propre maison Les Belges ne sont-ils pas conscients de la nécessité de la planification financière? Stremersch: "Nous basons nos analyses sur une espérance de vie pouvant atteindre 100 ans. Vous incorporez ainsi une certaine marge de manœuvre pour couvrir le risque lié à une existence plus longue. La plupart des gens sont effrayés quand nous calculons le capital dont ils auront besoin et celui qu’ils doivent encore constituer pour être certains de disposer de ressources financières suffisantes toute leur vie. Et la réalité économique n’aide pas: avec les taux bas actuels, il est encore plus difficile de faire grossir un patrimoine." Anseeuw: "L’importance cruciale d’une pension supplémentaire échappe effectivement à trop de Belges. Il est quand même étrange que seul un jeune de 18-30 ans sur cinq cotise pour une épargne pension! Tout le monde devrait le faire. Ouvrir une épargne-pension le plus tôt possible est aussi une forme de planification financière."
Marc De Ceuster
LES NOTAIRES DOIVENT PARFOIS FREINER LEURS CLIENTS, QUI FERAIENT DON DE LEUR HABITATION SANS S’INTÉRESSER AUX CONSÉQUENCES! Gaétan Bleeckx
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Gaétan Bleeckx : "Il ne faut pas non plus se montrer trop pessimiste. Une grande partie de la population – et certainement les jeunes de 25-30 ans – sait pertinemment que l’achat d’une maison est la meilleure manière de protéger son avenir. Les jeunes acquièrent un logement de plus en plus tôt, qu’ensuite ils revendront ou donneront en location pour financer un nouvel achat. Simultanément, les notaires reçoivent un nombre croissant de clients qui souhaitent régler leur succession. Et cela aussi, ces derniers le font de plus en plus tôt. En tant que notaires, nous devons parfois les freiner: ils feraient totalement don de leur propre habitation sans s’intéresser aux conséquences! Or, que ferez-vous si vous voulez entrer en maison de retraite à 80 ans, que vous êtes fâchés avec vos enfants et que vous ne pouvez vendre votre maison, alors que vous avez besoin
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de cet argent? Les gens ne doivent pas penser qu’il est indispensable de prendre des dispositions tout de suite. Le notaire conseille souvent de ne pas se déposséder trop vite. Chaque dossier est différent et chaque client est unique: la planification nécessite un conseil personnalisé et le notaire peut attirer l’attention sur certains aspects méconnus." Haerens: "Il faut surtout les convaincre d’évaluer périodiquement leur situation financière. Aujourd’hui, la planification financière intervient à des moments de vie intenses: l’achat d’une maison, un mariage, un décès. Autant de périodes très riches en émotions. Or, il faut pouvoir dissocier la planification financière de ces sentiments. C’est pourquoi un check-up annuel est si important: il crée un réflexe d’anticipation à un moment neutre qui permet de réfléchir le moment venu – mais certainement pas trop tôt – à des questions pertinentes. De les parcourir avec un conseiller. Et d’anticiper." Bleeckx: "Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance de cette approche périodique. Il est judicieux de faire un check-up juridique régulier. Les législations évoluent, les gens changent de travail, de logement et de forme de cohabitation de plus en plus vite. Chacun de ces événements apporte une problématique spécifique. Prenez un divorce: il s’accompagne toujours d’un appauvrissement considérable. On n’en a pas toujours conscience. Nous voulons avant tout vivre, sans savoir ce que cela implique pour notre situation financière à long terme." Quel rôle la technologie a-t-elle à jouer dans la planification financière? Haerens: "Autrefois, les analyses de planification financière étaient confiées à des logiciels très complexes. Seul le banquier privé était en mesure de les comprendre. Après quoi il devait tenter de traduire ces analyses en actions concrètes pour le client. Grâce aux évolutions de la technologie, il est aujourd’hui possible de rapprocher cette analyse du client, de faire en sorte qu’elle soit plus compréhensible, au moyen
IL FAUT POUVOIR DISSOCIER LA PLANIFICATION FINANCIÈRE DES ÉMOTIONS. Dieter Haerens, Harmoney
Dieter Haerens
d’une application numérique simple. Ceci dit, la technologie ne remplacera jamais complètement le conseiller. Un robot est incapable de présenter toutes les données de façon à les rendre aisément interprétables, et d’y associer les choix adéquats. La technologie peut reprendre au conseiller les tâches automatisables, afin qu’il ait davantage de temps – et un temps de meilleure qualité – pour remplir son rôle de conseil." De Ceuster: "Nous ne devons pas nous cantonner au domaine technique. Il est désormais possible de définir un profil de risque sur la base du comportement de la personne sur l’internet. Et un tel profil s’avère beaucoup plus précis que les questionnaires que l’on remplit soi-même. Les données sont des connaissances. Mais vous devez pouvoir les réduire à l’essentiel."
Banques ouvertes Quel sera l’impact de PSD2, la nouvelle directive européenne sur les services de paiement? Fera-t-elle déferler une vague d’innovations sur l’univers de la planification financière? Anseeuw: "De nombreuses personnes y voient le Saint Graal pour toutes les évolutions à venir. La directive comprend notamment un volet qui permet à la banque de mettre certaines informations à la disposition d’autres parties afin qu’elles développent un meilleur service financier. Les possibilités sont énormes. On peut néanmoins se demander ce qu’il en restera au moment de la mise en œuvre concrète. Ainsi ne sera-t-il pas obligatoire de partager des informations qui ont trait aux
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NOUS DEMANDONS AUX GENS D’ANTICIPER LARGEMENT DANS UN MONDE OÙ LE COURT TERME EST LA RÈGLE. Pierre Devolder, UCL
commencement! La libéralisation des données financières pour le client ne peut que se poursuivre." Anseeuw: "PSD2 a surtout le mérite d’encourager le secteur financier à réfléchir sur un modèle de banque ouverte. Si le client autorise le partage de ses informations, cela donnera naissance à de nouveaux modèles économiques et ouvrira des horizons encore insoupçonnés."
Michael Anseeuw
Démocratisations Quels sont les principaux défis en matière d’éducation financière? Devolder: "Le défi majeur réside dans la démocratisation. Nous devons chercher à organiser une planification financière pour des gens qui ne s’identifient pas au concept aujourd’hui. Autrement dit, ouvrir la planification financière à beaucoup plus de particuliers et veiller à ce qu’ils continuent à y faire appel toute leur vie. Nous devons également la protéger d’un courttermisme omniprésent."
Pierre Devolder
portefeuilles de placements et aux comptes-titres. Mais comment un planificateur financier peut-il avoir un impact s’il n’a accès qu’aux comptes d’épargne et aux comptes à vue? La planification financière implique un regard global sur un patrimoine." Haerens: "PSD2 a été à ce point déshabillée qu’on peut s’interroger sur son efficacité. En définitive, le client en subira les restrictions et remarquera que les services financiers accusent un retard dans de nombreux domaines de la vie où la numérisation a créé une foule de possibilités supplémentaires. Mais ce n’est pas une situation définitive: nous n’en sommes qu’au
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De Ceuster: "Au cours des années à venir, la planification financière évoluera avec les changements d’attitude des clients, de législation et de modèles d’affaires. Le monde va se transformer et nous devrons l’aborder différemment. Ceci dit, les êtres humains restent des êtres humains. Et chaque homme, comme chaque conseiller, se raccrochera toujours à ce qu’il connaît le mieux. Cela doit toutefois changer. Nous devons élargir notre regard sur l’ensemble des domaines, afin qu’il soit possible de développer une vision globale indépendamment de toute émotion. Mais c’est un défi gigantesque." ll
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Les secrets de la famille Nous vous présentons la famille Prévoitou. Une famille classique. Grâce à la planification financière, ses membres sont prêts pour chaque étape de leur existence, qui comporte des envies et des besoins spécifiques… et des solutions adaptées.
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15 ans Dans le scénario idéal, les jeunes reçoivent, à la maison ou à l’école, des explications sur l’argent et la manière de le gérer. Il est important d’acquérir cette compétence le plus tôt possible. Indispensable aujourd’hui, l’éducation financière est mise en pratique dans le cadre de la planification financière. Peut-être l’argent du premier job de vacances servira-t-il à l’achat d’un cyclomoteur. Ou au premier amour, qui peut être lui aussi un investissement. Disposer de suffisamment d’argent sans revenu fixe
Il n’est jamais trop tôt pour bien faire: voici un cliché à prendre au pied de la lettre en matière d’investissements. Dans ses placements, le planificateur financier tient compte des grosses dépenses prévisibles dans un futur proche, comme l’achat d’une voiture ou d’une maison. Dans ce cas, il est préférable de placer l’argent nécessaire sur un compte d’épargne, où il est en sécurité et aisément accessible. À court terme, de violentes tempêtes ne sont jamais à exclure en Bourse.
La planification financière exige un suivi. Une naissance, un conjoint qui perd son emploi, un divorce, un héritage inattendu peuvent modifier à la fois les ressources et les objectifs. Dans le monde de la planification financière, le dicton veut que peu de gens planifient de ne pas réussir, mais que la plupart ne réussissent pas à planifier. Cela demande du temps et des efforts à court terme, alors que les avantages ne se font généralement sentir que sur le long terme.
Constituer un capital pour les dépenses plus importantes
Financer les études des enfants, rembourser l’habitation
Voyages, voiture, habitation propre, enfants
Vie familiale confortable, vacances, loisirs
Produits de placement tels qu’actions, fonds et bons de caisse
Compte d’épargne et produits de placement
Sorties, festivals, voyages Compte d’épargne
60% Source: InSites.
25 ans 30 ans
des 20-35 ans bénéficient d’une aide financière de leurs parents lors de l’achat de leur habitation.
60.000 €
Selon certaines études américaines, les actions enregistrent un rendement moyen de 6,7% compte tenu de l’inflation. Ceux qui investissent 1.000€ par an en Bourse à partir de leur 25e anniversaire pourront ainsi se constituer un patrimoine de 198.215€ en 40 ans. Source: Jeremy J. Siegel, The Wharton School.
Besoins
Souhaits
Solutions financières
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Prévoitou >75 ans 55 ans Chaque phase de la vie se caractérise par des besoins différents, mais leur financement évolue lui aussi avec le temps. Ainsi est-il logique de mettre plus d’argent de côté lorsque les enfants ont quitté la maison et que le crédit hypothécaire est remboursé. Après le départ à la retraite, ce bas de laine contribuera à compenser la chute des revenus et constituera un pare-choc pour des frais imprévus et plus élevés. Il peut être utile de travailler avec deux épargnes: l’une pour l’indispensable, l’autre pour les envies. Profiter d’une deuxième jeunesse
65 ans Après des années passées à se constituer un patrimoine, le moment est venu d’en profiter. À la pension légale s’ajoute parfois une pension complémentaire constituée auprès d’un employeur. La composition du portefeuille de placements change également. Une règle souvent entendue est la suivante: soustrayez l’âge de l’investisseur de 100, et investissez le pourcentage obtenu dans des titres plus risqués. À moins de 30 ans, il est possible d’investir beaucoup en actions, alors qu’un octogénaire préférera les produits à revenus fixes, plus sûrs.
Longues vacances à l’étranger, luxe
Éviter une chute des revenus, constituer une réserve financière
Fonds mixtes
Retraite, voyages, loisirs Compte d’épargne et produits de placements qui généreront des revenus réguliers
À cet âge, les besoins de soins augmentent. Il est possible de préserver son niveau de vie en emménageant dans d’autres formes de logement, comme un appartement-services acheté plusieurs années plus tôt, ou en vendant son habitation. De nombreuses personnes souhaitent également laisser un héritage à leurs enfants. Couvrir les dépenses de soins Vie confortable, laisser un héritage Fonds obligataires et donations
150.000€ 137.750€
681€
140.000€
Les Belges ayant contracté un crédit hypothécaire à taux fixe remboursent en moyenne 681€ par mois.
140.450€
Un héritage de 150.000€? À Bruxelles, un enfant conserve 140.450€ après impôts. En Wallonie, c’est 137.750€, contre 140.000€ en Flandre.
Source: BNP Paribas Fortis.
À VENDRE
Source: L’Echo.
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Les choses peuvent être simples La planification financière n’exige pas nécessairement de grandes structures complexes, souligne Kristien Smedts, professeur à la KU Leuven spécialisée dans les choix de portefeuille. a planification financière peut être relativement simple. Voyez ce qui entre, faites une estimation de ce qui sortira, et établissez un plan pour concilier les deux. Dans ce cadre, vous devez également tenir compte du risque que vous voulez courir à chaque étape de votre vie." Il convient cependant de respecter plusieurs principes importants. "Veillez à conserver en permanence une bonne diversification de votre patrimoine, et limitez-vous aux instruments que vous connaissez, sans quoi vous pourriez vous retrouver dans des situations délicates. Ces conseils s’appliquent tant aux situations dans lesquelles vous devez prendre des décisions financières qu’à celles où vous recevez des propositions d’un planificateur financier professionnel."
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Nous avons soumis plusieurs profils concrets au Pr Smedts.
Entrepreneur débutant, cohabitant avec une personne salariée, 25 ans L’entrepreneur investira la majeure partie de ses économies dans son entreprise. Cela signifie qu’il prend déjà de nombreux risques. Avec les rares économies qu’il met de côté, il a donc intérêt à privilégier des solutions relativement sûres, par exemple en optant pour un portefeuille de placements diversifié. Sa conjointe pourra prendre un peu plus de risques, comme pour la plupart des personnes de cet âge. Non seulement son horizon d’investissement lui permettra de se relever d’un krach boursier, mais d’importants revenus professionnels l’attendent encore. Dans le cas extrême où ses investissements tournaient à la déconfiture totale, elle pourrait par exemple travailler davantage. La personne plus âgée n’a plus cette option.
Couple avec une première maison, 35 ans, ménage à deux revenus avec enfants Un tel couple a déjà lourdement investi dans l’immobilier. De nombreuses personnes ne considèrent pas leur maison comme un investissement parce qu’elles l’ont achetée dans l’idée de l’habiter jusqu’à leur décès. Si le marché immobilier s’effondre, elles ne le ressentiront donc pas. En achetant une maison, beaucoup s’obligent cependant à épargner. Le remboursement du crédit hypothécaire exige une certaine discipline. Avec l’argent qu’il lui reste, le couple peut se constituer un patrimoine de plusieurs façons. La mesure
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dans laquelle il le fera et la manière dont il procédera dépendront de sa position sur le marché du travail. S’ils sont tous deux relativement convoités, ils pourront compter sur un revenu professionnel stable. Cela signifie qu’ils pourront investir une partie relativement importante de leurs économies en actions. Si leur position sur le marché du travail est plus précaire, il est préférable qu’ils prennent moins de risques, parce qu’ils pourraient par exemple avoir besoin d’argent après un licenciement.
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Petit indépendant, isolé, 35 ans La pension légale que constitue l’indépendant est maigre et ne lui permettra certainement pas de conserver son niveau de vie. Un capital pension complémentaire est donc indispensable. On le voit bien ici, la planification financière dépasse largement le cadre strict de l’optimisation fiscale. Une série d’incitants fiscaux les encouragent déjà à épargner, mais ils ne suffiront pas. Enfin, le comptable n’est pas un planificateur financier. Le problème est que de nombreux indépendants gagnent beaucoup d’argent mais affichent également beaucoup de dépenses. C’est précisément la raison pour laquelle ils ont besoin d’un bon banquier, qui reste la personne la mieux placée pour discuter de planification financière.
Cadre avec conjoint au foyer, 62 ans
Kristien Smedts, professeur à la KU Leuven spécialisée dans les choix de portefeuille
Entreprise familiale, couple d’entrepreneurs
Plus on se rapproche de la pension, plus le capital humain se réduit. Dans la mesure où cette personne n’attend plus beaucoup de revenus du travail susceptibles de compenser une désillusion dans ses investissements, il est judicieux d’opter pour des produits plus sûrs. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de place pour le risque. À 65 ans, on a encore aisément 20 ans devant soi. Cette personne visera cependant des produits qui lui apportent régulièrement des revenus d’intérêts pour maintenir son niveau de vie après son départ à la retraite. En outre, son patrimoine doit constituer un pare-choc pour des dépenses futures potentiellement élevées, notamment en matière de soins. Et il peut être intéressant de commencer à réfléchir à une transmission anticipée du patrimoine aux enfants.
avec trois enfants, 65 ans D’une part, le fait d’être propriétaire d’une entreprise qui tourne bien apporte une garantie en matière de préservation du niveau de vie. D’autre part, un transfert aux enfants pourrait aider la progéniture à un moment où cet argent lui sera très utile. S’ils attendent trop longtemps
avant de transférer de l’argent à leurs enfants, ces derniers ne le percevront qu’à 50 ans, voire plus. Dans ce cas, les grandes dépenses, comme l’achat d’une maison, seront sans doute derrière eux. La planification financière porte ici sur la recherche du juste équilibre entre les
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besoins du donateur et ceux du bénéficiaire. Les parents peuvent aider financièrement leurs enfants – et pourquoi pas leurs petits-enfants – en faisant une donation, par exemple avec réserve d’usufruit ou en échange d’une rente viagère.
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“La difficulté est souvent que les membres de la famille gardent le silence” Le transfert réussi d’une entreprise familiale à la génération suivante nécessite des dispositions claires concernant les prérogatives de chacun. Malheureusement, de nombreuses familles évitent ces discussions délicates par peur de heurter les sensibilités.
u début des années 70, André et Gaston De Meuter, à la tête d’une entreprise de transport, évacuaient du sable provenant des travaux de terrassement mis en œuvre pour construire la Tour des Finances à Bruxelles. Jusqu’à ce que la société de démolition cesse brutalement de les rémunérer. Les frères revendaient en effet le sable pour qu’il soit réutilisé, et l’entrepreneur estimait que ce revenu leur suffisait. "Nous avons alors décidé de nous lancer dans la démolition", sourit André, le plus jeune du duo, du haut de ses 69 printemps. "Peu après, une grue s’élevait devant notre entreprise, et nous avons appris à quoi servaient toutes ces petites manettes." Manifestement, ils ont été de bons élèves. Avec 350 collaborateurs, De Meuter est un des principaux acteurs dans les domaines des travaux de terrassement, d’assainissement et de démolition. La direction quotidienne est assurée par les deux frères et quatre de leurs enfants. Pour les deux frères, il n’est pas encore question
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LA PREMIÈRE QUESTION RESTE: LA GÉNÉRATION SUIVANTE A-T-ELLE VRAIMENT ENVIE DE REPRENDRE L’ENTREPRISE? Stéphane Vermeire
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de raccrocher, cependant. "Mentalement et physiquement, Gaston et moi nous sentons bien, et nous sommes toujours aussi passionnés. Ceci dit, le transfert à la génération suivante est en grand partie réalisé. Cela fait plus de 15 ans que nous collaborons avec nos fils et nous sommes convaincus que nous avons déjà traversé avec succès une large période de transition." À son côté, Stéphane Vermeire acquiesce. Directeur du département Private Banking & Wealth Management chez BNP Paribas Fortis, il est bien placé pour observer à quel point le manque de clarté et l’indécision peuvent peser sur la planification financière des entreprises familiales: "Je constate fréquemment des susceptibilités exacerbées et des visions très divergentes du rôle de la famille dans l’entreprise." Comment organiser au mieux le transfert d’une entreprise à la génération suivante? Vermeire: "La première question à se poser reste celle-ci: cette génération suivante a-t-elle vraiment envie de reprendre l’entreprise? Et si oui, de quelle manière? Nous voyons de plus en plus les membres de la jeune génération opter pour une existence différente de celle de leurs parents et grands-parents, qui vivaient à 200% pour leur entreprise. S’ils ne veulent pas vendre l’entreprise, ils peuvent soit assumer eux-mêmes un rôle de dirigeant,
André De Meuter (De Meuter) et Stéphane Vermeire (BNP Paribas Fortis)
soit opter pour un management externe qui dirige l’entreprise conformément à leur vision." Les membres de la famille ne sont pas par définition les meilleurs managers… Vermeire: "C’est vrai. La question doit faire l’objet d’une discussion approfondie. Sauf qu’à de tels moments, rares sont ceux qui osent parler, et les membres de la famille qui se retrouvent dans l’entreprise ne sont pas toujours compétents. Il est possible de l’éviter en prenant des dispositions claires à l’avance et en établissant les atouts de chaque membre de la famille à l’aide d’éléments objectifs. Il est essentiel de bien préparer la génération suivante. Et pas uniquement au niveau académique: il est par exemple utile de prévoir un trajet d’apprentissage en dehors de l’entreprise familiale au fil duquel ils pourront accumuler une expérience pertinente." Chez De Meuter, la direction au quotidien est entre les mains des deux pères et de leurs quatre fils. Cela fait six patrons. Abondance de biens ne nuit-elle pas?
De Meuter: "Nous ne pensons pas en termes de dirigeants et/ou de hiérarchie, au contraire. Les décisions importantes sont souvent prises en concertation avec nos collaborateurs. Cela contribue à une communication ouverte et permanente qui permet d’analyser les opportunités et les risques, d’optimaliser la tarification et de définir la stratégie future." Comment une entreprise familiale peut-elle réussir sur plusieurs générations? De Meuter: "Pour continuer à entreprendre, il faut avant tout travailler dur. Mon frère m’a demandé un jour: pouvonsnous infliger ça à nos enfants? Il est plus facile de répondre à cette question lorsque la boîte tourne bien. Entrer dans l’entreprise et assurer la continuité est alors beaucoup plus attrayant pour la génération suivante." Comment y êtes-vous parvenus chez De Meuter? De Meuter: "La continuité de l’entreprise est évidemment la priorité numéro un. Cela implique parfois des investissements douloureux, surtout à court terme, mais qui en plus d’être durables et favorables
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à l’environnement sont aussi déterminants pour l’avenir. Ces 10 dernières années, nous avons beaucoup investi sur trois sites proches de voies navigables. Il ne faut pas sous-estimer l’impact social que cela peut avoir: le transport fluvial diminue considérablement les émissions et les embouteillages. Nous en récoltons aujourd’hui les fruits. Ces investissements sont caractéristiques de notre stratégie visant à rester compétitifs." Quel rôle le family office joue-t-il dans le transfert d’une entreprise familiale? Vermeire: "Un family office de qualité ne peut se contenter d’établir l’inventaire des actifs de la famille et de gérer les flux financiers. Il doit également être attentif à l’aspect émotionnel, au coaching familial, à la communication et à la stratégie. Dans les entreprises familiales, des conflits peuvent être lourds de conséquences, voire déboucher sur la vente de l’entreprise si les membres de la famille ne parviennent plus à trouver un terrain d’entente. L’aide de spécialistes en communication et en stratégie peut s’avérer très utile pour objectiver les discussions. Avec Family Biz, par exemple,
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POUR ENTREPRENDRE, IL FAUT TRAVAILLER DUR. POUVONS-NOUS INFLIGER ÇA À NOS ENFANTS? André De Meuter
André De Meuter
actives et d’autres inactives. Non seulement afin d’éviter les conflits, mais aussi pour que le management sache clairement ce qu’on attend de lui."
Stéphane Vermeire
> nous avons, en tant que banque, créé une plateforme de communication digitale où nos propres experts – mais aussi des spécialistes externes – livrent des informations et des conseils pratiques en matière de stratégie, coaching, communication et législation. Comment définir la vision de l’entreprise familiale, etc." D’habitude, ce sont surtout les entreprises de troisième génération qui sont confrontées à ces problèmes. Comment les résolvez-vous? Vermeire: "Pour commencer, avec une bonne communication, afin que toutes les branches de la famille soient informées de ce qui se passe dans l’entreprise. Cela permet de dégager une vision commune, d’accroître l’implication et donc de réduire les frustrations. Cela évite aussi que des discussions sur l’entreprise familiale soient menées sous le sapin de Noël. Il est impératif d’établir une distinction stricte entre les discussions sur l’entreprise et les autres discussions familiales. Il est indispensable de mettre l’accent sur la responsabilisation et le professionnalisme." Quelle est l’importance d’une charte familiale, document prévoyant des dispositions sur l’avenir de l’entreprise familiale et le rôle qu’y joue la famille? Vermeire: "La charte familiale est certes importante, mais elle ne doit pas se transformer en corset. C’est un document de travail qui évolue avec l’entreprise et les générations successives. Des règles et des dispositions claires sont surtout primordiales à partir de la troisième génération, quand il y a des branches
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Comment procéder en cas de blocage, par exemple parce que la branche passive de la famille exige des dividendes alors que la branche active veut réinvestir les bénéfices? Vermeire: "Dans de tels cas, il peut être utile qu’une partie externe accompagne et facilite les discussions. Mais on constate souvent que certaines personnes autour de la table n’osent pas dire ouvertement ce qu’elles pensent. Dans ce cas, le family office pourra par exemple interroger toutes les branches ou tous les membres de la famille pour œuvrer à un consensus." De Meuter n’en est qu’à sa deuxième génération. Votre entreprise dispose-t-elle déjà d’une charte familiale? De Meuter: "Non, mais nous en discutons beaucoup. Elle sera centrée sur la rentabilité et la vision à long terme. Au moment du passage de témoin à la troisième génération, il faudra également clarifier les modalités d’achat et de vente d’actions. Il n’est pas évident d’en évaluer la valeur, car elle dépend d’une myriade de facteurs. Le cycle conjoncturel, notamment." Vermeire: "Ce sont des discussions très délicates, surtout parce que tout le monde n’a pas toujours accès aux mêmes informations, par exemple sur les flux financiers et les risques spécifiques au secteur ou à l’entreprise. Nous conseillons dès lors à nos clients de travailler avec une tierce partie qui propose une valorisation objective. Notre département Corporate Finance peut jouer un rôle de conseiller dans ce cadre." ll
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Le spécialiste méconnu de la transmission du patrimoine Préparer la transmission de son patrimoine exige du temps et des connaissances bien spécifiques. C'est la spécialité du financial planner, qui, comme son nom ne l'indique pas, est davantage juriste que financier, détaille Benoît Frin chez BNP Paribas Fortis.
e financial planner, plus souvent appelé planificateur patrimonial, entre en scène dès que l'on aborde la situation patrimoniale personnelle d'un client, que l'on se penche sur la planification concrète, chiffrée, que l’on se plonge dans l'analyse en profondeur", entame Benoît Frin, directeur Estate Planning chez BNP Paribas Fortis. "En cela, il intervient généralement après le banquier privé, qui précise le cadre général et les principes de la planification patrimoniale: comment fonctionnent les donations, quelles sont les conséquences du choix de tel ou tel régime matrimonial, etc." De formation, les financial planners sont des juristes en droit civil, également titulaires d'un Master en fiscalité.
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Le métier est strictement défini par la loi, qui recourt au terme de "planificateur financier" (presque inusité en pratique). Pour éviter tout conflit d'intérêts, le planificateur patrimonial opérant au sein d'une banque ne peut se voir imposer d’objectif commercial. Et il dépend d'une hiérarchie distincte des autres services. "Notre rôle est de conseiller nos clients, nous ne vendons rien", reprend Benoît Frin. "Nous réglons des questions telles que la protection du conjoint survivant, la répartition du patrimoine entre les enfants de plusieurs lits, etc." Les clients relèvent du même profil que pour la banque privée. Nombre de familles détentrices d'une entreprise
recourent aux services d'un financial planner, qui leur permet de préparer au mieux l'avenir de la société. "Nous travaillons bien entendu sur les aspects techniques: comment transmettre dans les meilleures conditions, à qui, quand. Et souvent, nous accompagnons le règlement de situations complexes, par exemple quand les enfants déclarent à la mater ou au pater familias qu'ils ne veulent pas avoir de rôle opérationnel. Cela 'sort' parfois plus facilement auprès d'une personne neutre comme le financial
planner… Nous utilisons, dès que c'est nécessaire, notre réseau de spécialistes externes – médiateurs familiaux, experts en gouvernance, etc. – pour aider la famille à définir les valeurs de l'entreprise, le rôle de chacun dans l'avenir, les futurs organes de gestion. Vous le voyez, cela peut aller bien au-delà du simple financial planning!" Aux yeux de Benoît Frin, l’âge idéal pour recourir à un financial planner se situe autour de 55-60 ans. Mais il juge intéressant de parler de transmission du patrimoine avec ses enfants dès qu'ils sont majeurs, même si on ne la met pas en place tout de suite. "C'est bien sûr encore plus vrai pour les personnes détenant des entreprises familiales", conclut-il. ll
LA BELGIQUE PIONNIÈRE EN MATIÈRE DE PROTECTION DE L’INVESTISSEUR La directive européenne relative à la protection des investisseurs (MiFID) régit depuis 2007 la manière dont les prestataires de services financiers doivent fournir des conseils d’investissement qui correspondent aux besoins réels du client. En Belgique, le législateur a répondu à cette question en 2014 à la demande de la FSMA, l’organe de surveillance du secteur. "Depuis, les planificateurs financiers doivent respecter une série de règles déontologiques lorsqu’ils avancent des propositions visant à optimiser la structure, la planification dans le temps, la protection, l’organisation juridique et le transfert du patrimoine de leurs clients", explique Veerle Colaert, qui étudie la réglementation relative à la planification financière à la KUL. "Aucun autre pays d’Europe ne déploie une réglementation aussi étendue en matière de protection des consommateurs dans le domaine de la planification financière." La spécialiste donne un exemple concret. "Le planificateur financier doit procéder à une analyse multidisciplinaire portant sur quatre domaines: le droit civil, le droit fiscal, la sécurité sociale et la sécurité d’existence, et le contexte économique et financier. Et toujours sur l’ensemble du patrimoine du client. Le planificateur ne peut y déroger que sur demande explicite et écrite du client."
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Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à léguer une partie de leur patrimoine à une œuvre caritative. Et parce que les philanthropes visent un impact tangible et un résultat à long terme dans cette niche de croissance, ils ont besoin d’une stratégie claire.
La philanthropie: une niche avec un impact es chiffres en disent long: les droits de succession totaux perçus sur des legs à des œuvres caritatives ont doublé en à peine quatre ans dans notre pays. "La philanthropie est en plein essor depuis quelques années", confirme Tine Bourgeois, Head of Business Development and Philanthropy chez BNP Paribas Fortis Wealth Management. "C’est pourquoi nous disposons d’une équipe étendue de véritables experts de la philanthropie, à la fois en Belgique et au niveau international. De plus en plus souvent, ils visitent de manière proactive des clients fortunés avec le financial planner pour dispenser des conseils en matière de planification financière et de philanthropie. Ceci s’effectue en premier lieu par des legs à une bonne oeuvre dans un testament
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(au décès du donateur), mais un nombre croissant de Belges lèguent également à des oeuvres caritatives de leur vivant." Le dernier World Giving Index, qui analyse le comportement en matière de dons dans 140 pays, illustre lui aussi le mouvement de rattrapage opéré en Belgique. En 2013, la Belgique figurait encore en 57e position; en 2016, nous avons grimpé à la 32e place. Pourquoi la philanthropie a-t-elle à ce point gagné en popularité? Les raisons en sont assez diverses. On assiste par exemple à une nette émancipation des Belges dans leurs actions et leurs réflexions. Alors que l’Église pouvait compter sur de nombreux dons jusqu’il y a peu, ceux-ci ont beaucoup baissé. Il faut y ajouter la nette amélioration de la visibilité et de la stratégie de communi-
UN LEGS EN DUO EST UNE MÉTHODE WIN-WIN POUR CÉDER UNE PARTIE DU PATRIMOINE À UNE BONNE OEUVRE LORSQU’IL N’Y A PAS D’HÉRITIER EN LIGNE DIRECTE. I 22 I
cation des œuvres caritatives proprement dites. La plus grande conscience sociale de la génération des baby-boomers constitue une autre explication possible.
Impact à long terme Attention, cependant: il ne faut pas confondre philanthropie et charité. La charité – un don à une ONG ou à une bonne œuvre, par exemple – est plutôt occasionnelle, voire unique, tandis que la philanthropie tente de résoudre les causes fondamentales des problèmes de notre société. Les philanthropes cherchent un impact, un résultat à long terme, et sont donc demandeurs d’une stratégie claire. "Il s’agit dans ce cas de figure d’un engagement structurel, via des moyens financiers mais aussi via des compétences personnelles", poursuit Tine Bourgeois. "On pense à tort que la philanthropie nécessite d’énormes budgets. En principe, même le plus petit montant est suffisant pour un don. Si l’on souhaite toutefois une structure plus lourde par exemple un véritable fonds nominatif, le montant de départ sera légèrement supérieur. Disons à partir de 75.000 euros. Une fondation propre dotée d’une personnalité juridique et nécessitant des investissements plus
Le fonds TRAINM, financé grâce à la philanthropie, aide à la guérison des enfants atteints d’un trouble neurologique.
RECHERCHE MÉDICALE ET OBJECTIFS HUMANITAIRES Quelles sont les œuvres philanthropiques les plus populaires? Trois thèmes dominent de la tête et des épaules dans notre pays: la santé et la recherche médicale, les actions humanitaires et la lutte contre la pauvreté. De plus en plus d’études universitaires font appel à des donations et à des legs pour leurs projets de recherche. S’il n’existe pas actuellement d’évaluation pour la Wallonie et Bruxelles, on peut souligner que les dons à des œuvres caritatives – via des legs – se sont élevés à 270 millions d’euros en Flandre en 2016. Ce montant ne tient pas compte des dons effectués du vivant des donateurs.
Les œuvres caritatives par catégorie (enquête Fondation Roi Baudouin/Itinera/Ipsos réalisée auprès de 1.000 répondants) Santé et recherche médicale Actions humanitaires et aide au développement Lutte contre la pauvreté et justice sociale Protection de l’environnement et développement durable Migration et intégration
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lourds sera utilisée dans le cadre de projets plus conséquents." Habituellement, le notaire joue un rôle-clé dans un héritage ou un legs. Et bien qu’il continue généralement à assurer cette mission – même s’il n’est pas nécessaire stricto sensu – un autre acteur du dossier dispose d’une responsabilité nettement plus large: le banquier. "Je dirais presque que le banquier a le devoir de discuter avec son client du contenu d’un héritage ou d’un legs", prolonge Tine Bourgeois. "Lorsqu’il n’y a pas d’héritier en ligne directe, un legs en duo s’avère être une méthode win-win pour léguer une partie du patrimoine à une oeuvre caritative sans désavantager les héritiers du second degré. Lors de la réalisation d’un plan financier, l’estate planner peut conseiller le client en vue d’un legs en duo. Ce sera le notaire quant-à-lui qui finalisera ce genre de testament. Le client peut ainsi mettre ses héritiers éloignés à l’abri tout en pourvoyant une oeuvre des fonds nécessaires." Le banquier exerce un second rôle, sans doute encore plus important en 2017: il doit accompagner le client fortuné vers l’œuvre caritative souhaitée en fonction de ses besoins et de ses attentes spécifiques. L’éventail de possibilités s’est considérablement étendu et le choix des structures qui hébergent l’action philanthropique est primordial. "Il peut s’agir d’un fonds nominatif destiné à conserver intacte une belle collection familiale d’œuvres d’art et l’exposer au grand
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public ou une fondation propre pour séparer une partie du patrimoine familial pour par exemple la protection d’un enfant handicapé."
Branche de croissance importante L’un des principaux aspects de la philanthropie – et qui compte parmi les plus méconnus – est son importance sociale voire économique. De plus en plus fréquemment, des actions philanthropiques viennent combler les lacunes engendrées par les réductions budgétaires des pouvoirs publics. En d’autres termes, la philanthropie reprend certaines missions de l’État. "Cela recèle bien entendu un danger", prévient Tine Bourgeois. "L’objectif ne peut être que le soutien financier de l’État à certains projets ou dans certains domaines disparaisse complètement. Des thèmes ou domaines de recherche moins populaires perdraient leur financement à terme. Mais nous ne pouvons pas non plus l’ignorer: il est aujourd’hui indispensable, dans de nombreux secteurs sociétaux, d’attirer des fonds privés via des régimes fiscalement attrayants. C’est aussi de notre responsabilité en tant que banque d’investir la partie du patrimoine de nos clients dédiée à la philanthropie de la manière la plus efficace et la plus profitable. La philanthropie n’est donc pas uniquement une branche de croissance importante: elle exige l’expertise spécifique et l’approche sur mesure d’une banque." ll
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Le chef d’orchestre de l’écosystème financier L’Europe ouvre la porte à un écosystème de banques, de firmes technologiques et d’entreprises fintech qui doit contribuer à une planification financière plus personnalisée. Du moins si les banques voient cette porte ouverte comme une opportunité, et non comme une menace.
e problème majeur de la planification financière est que de nombreuses personnes n’ont pas conscience de son importance, voire ne s’en préoccupent tout simplement pas", déplore Michael Anseeuw, General Manager Retail Bank chez BNP Paribas Fortis. "Une campagne dans les médias peut souligner l’intérêt de l’épargnelogement ou de l’épargne-pension, mais on ne peut naturellement pas en prévoir une tous les jours." La technologie contribue à ancrer une habitude, remarque-t-il. "Par exemple avec une application pour smartphone qui émet des notifications à l’instar d’un Facebook. Chaque fois que le salaire est versé, une telle application pourrait suggérer de transférer une partie du montant sur le compte d’épargne-pension." Quoi qu’il en soit, les banques doivent évoluer vers un service plus personnalisé. Selon Jean-Laurent Bonnafé, CEO de BNP Paribas, elles renonceront aux produits de masse. "Le client recherchera un service pertinent, efficace et malin, et si possible bon marché", déclarait-il voici un an. Michael Anseeuw partage cet avis. "En réalité, il faudrait proposer
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de la planification financière à tous les clients. Y compris à l’étudiant hautement qualifié qui vient d’obtenir son diplôme et de décrocher son premier emploi, et qui devrait d’ores et déjà réfléchir à ce qu’il veut faire de son argent, aujourd’hui et demain. C’est pourquoi il nous faut rendre la planification financière aussi accessible que possible. En la matière, la technologie peut prouver son utilité. En fonction du profil et des souhaits du client, nous pourrons peut-être lui proposer d’emblée cinq solutions." Le message de Michael Anseeuw? Les banques traditionnelles doivent voir le bon côté des entreprises fintech.
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"FACEBOOK NE VEUT PAS VOTRE ARGENT MAIS VOTRE TEMPS" Les grandes concurrentes des banques seraient-elles les entreprises technologiques comme Facebook, Apple et Google? "À court terme, je ne le pense pas", répond Bjorn Cumps, professeur en innovation financière à la Vlerick Business School.
"Celles-ci sont très performantes quand il s’agit de trouver des solutions simples à des problèmes donnés. Leur handicap, c’est l’absence de base clients étendue. Ce que les banques possèdent, tout comme une relation privilégiée avec ces mêmes clients. Il est donc logique que les solutions fintech, par exemple en matière de planification financière, soient intégrées dans un environnement bancaire." Chez 11:FS, consultant britannique qui accompagne les banques dans leur numérisation, Laura Watkins plaide elle aussi en faveur d’une telle collaboration: "Être numérique, ce n’est pas seulement avoir une application ou vendre ses
"Les groupes technologiques vont certes proposer certains services financiers réservés aujourd’hui aux banques, mais ce seront des produits simples, comme le virement de petits montants sur leur plateforme, pour éviter que les internautes doivent quitter
produits en ligne. Une véritable banque numérique doit être proactive et veiller à servir les intérêts du client de manière invisible, en coulisse. La meilleure façon d’y parvenir est d’opérer dans un écosystème composé d’un grand nombre d’acteurs." Cette évolution exige cependant un changement de mentalité parmi les banques traditionnelles, souvent trop lentes et trop conservatrices, remarquet-elle. "C’est naturellement une étape importante. Les entreprises fintech sont nettement plus agiles parce qu’elles ne doivent pas développer leur système informatique sur une infrastructure existante. Les banques, en revanche, ont l’obligation de repenser tout leur système." Elles devront également procéder à un renversement culturel complet, souligne-t-elle. "Il ne suffit pas de nommer un Chief Innovation Officer: tout le monde doit remonter ses manches!"
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celle-ci afin de procéder à un achat. C’est moins notre argent que notre temps qui les intéresse. Ne sous-estimez pas non plus la régulation du secteur bancaire. Les entreprises technologiques ne sont pas impatientes de devenir de véritables banques."
Ouverture Quoi qu’il en soit, le temps est venu de changer la donne. PSD2, la directive européenne sur les paiements qui devrait être transposée dans la législation nationale au début de l’an prochain, impose une plus grande ouverture aux banques. Si le client y consent, des tierces parties auront accès aux informations sur ses comptes et ses données de paiement. De cette manière, les entreprises tech- >
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“SE BATTRE POUR PROPOSER L’APPLICATION PRINCIPALE”
> nologiques et fintech disposant d’un agrément pour des services de paiement pourront proposer des services qui étaient auparavant réservés aux banques. Les consommateurs auront ainsi la possibilité de régler des factures via leur compte Facebook, par exemple. De telles évolutions peuvent coûter aux banques leur contact direct avec leurs clients. À terme, leur rôle risque même de se réduire à l’exécution des transactions. C’est une crainte justifiée, juge Bjorn Cumps, professeur en innovation financière à la Vlerick Business School. "Pour l’éviter, il est crucial que les banques cherchent de nouvelles manières de créer de la valeur pour leurs clients dans cet écosystème. C’est pour moi l’essence de l’open banking." Les banques aiment se percevoir comme le pivot de cet écosystème, mais ce n’est pas le bon point de départ, prévient Bjorn Cumps. "Il est logique qu’elles soient au centre du jeu dans certains domaines, notamment dans le cas d’un prêt hypothécaire où elles peuvent impliquer des intervenants comme le notaire et l’entrepreneur. Mais elles n’auront peut-être qu’un rôle secondaire dans
la satisfaction d’autres besoins. Ainsi peuvent-elles constituer un maillon entre un client et son opérateur de télécommunications ou son prestataire de soins. Cela va donc au-delà de la vente d’un produit financier." Il compare le rôle des banques dans cet écosystème à celui du chef d’orchestre. "Elles fourniront assurément des services propres, mais elles le feront conjointement à ceux d’autres secteurs. Il serait beaucoup plus intéressant, pour les banques, de se concentrer sur cet aspect que de tenter de concurrencer les startup fintech dans les produits financiers. Car c’est un combat qu’elles ont de fortes chances de perdre." Le professeur Cumps étaie son argument avec un exemple concret. "Imaginez qu’une banque apprenne de ses données que mille clients souhaiteraient acheter le dernier modèle de Land Rover. Elle pourra alors négocier un achat groupé avec le fabricant et obtenir une réduction dont profiteront les clients qui souscrivent un prêt auto chez elle." Où en sont les banques belges dans l’open banking? Au commencement, affirme Bjorn Cumps. "Elle y travaillent
IL FAUDRAIT PROPOSER DE LA PLANIFICATION FINANCIÈRE À TOUS LES CLIENTS. Michael Anseeuw, BNP Paribas Fortis
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Aujourd’hui, ceux qui sont clients de plusieurs banques doivent encore sortir carnet et crayon pour se forger une idée globale de leur situation financière. Mais à partir de l’an prochain, les banques pourront reprendre dans leur application le relevé des comptes des autres banques. "C’est une vraie chance pour les banques, qui pourront ainsi renforcer leur relation avec leurs clients", se réjouit Michael Anseeuw. "Le principal défi des grandes banques? Proposer l’application principale, car les consommateurs cesseront tout simplement d’utiliser les autres."
parce que la directive PSD2 le leur impose. Mais ce serait un risque – et une occasion manquée – si elles se contentaient de respecter leurs obligations légales. Elles négligeraient de créer de la valeur et une situation gagnantgagnant pour le client." Il subsiste de nombreuses incertitudes quant à la portée réelle de PSD2, remarque Michael Anseeuw. "La directive porte sur un ensemble limité de données bancaires. Mais comment les banques se comporteront-elles par rapport aux données qu’elles ne sont pas obligées de libérer ? Vont-elles également les mettre librement à disposition, ou vontelles imaginer un modèle payant ? Elles pourraient ainsi développer une relation privilégiée avec les entreprises fintech qui leur achètent ces données. Chaque banque doit identifier la meilleure solution d’un point de vue stratégique. ll
Pour les riches... et les autres!
“L’ÉDUCATION FINANCIÈRE NE PEUT ÊTRE L’APANAGE DE JEUNES PRIVILÉGIÉS”
Seuls les adolescents chinois de 15 ans font mieux que les élèves flamands dans l’étude PISA de 2015 qui mesure l’éducation financière (NDLR: L’étude ne mentionne pas de résultats pour la Communauté française). En moyenne, ceux-ci s’en tirent donc très bien. Par rapport à d’autres pays et régions, un élève flamand de 15 ans peut manier aisément des notions comme "inflation" et "intérêt". Il peut payer des factures à temps et établir un planning financier. Et il possède les attitudes financières requises pour épargner à long terme. Aucun problème à l’horizon, donc? Hélas, cette moyenne élevée cache des signaux inquiétants. La corrélation entre l’éducation financière et le statut socioéconomique est plus élevée en Flandre que dans toute autre région dans laquelle l’étude a été menée. Le statut socioéconomique (SES) mesure la richesse, les acquis culturels et les équipements éducatifs des élèves (ont-ils par exemple une chambre à eux pour étudier?). En outre, un élève sur huit ne possède pas le niveau de base en matière d’éducation financière. En d’autres termes, cet élève n’est pas capable de prendre des décisions financières immédiatement pertinentes pour lui. Il est inquiétant de constater que les jeunes qui présentent le score SES le plus bas n’atteignent pas ce niveau de base. Si nous répartissons les Flamands selon leur statut socioéconomique, nous remarquons un écart de 144 points PISA entre les valeurs les plus basses et les plus élevées. Selon l’OCDE, un écart de 30 points PISA est l’équivalent d’environ une année scolaire. Les élèves des groupes SES les plus élevés et les plus bas présentent donc un écart correspondant à près de cinq années scolaires. Cette faible éducation financière dans les groupes SES les plus bas est alarmante. Des connaissances, compétences et attitudes financières coïncident avec une meilleure constitution du patrimoine et une meilleure préparation à la retraite, à la gestion des dettes et à la diversification des risques. En outre, l’écart entre les groupes SES les plus bas et les plus élevés est plus important en éducation financière qu’en mathématiques, en langues ou en sciences. L’éducation financière est nettement transmise via les caractéristiques socioéconomiques du noyau familial. Pour atteindre tous les élèves et en particulier ceux qui proviennent des groupes socioéconomiques moins favorisés, les écoles doivent donc organiser leur éducation financière. L’enseignement peut apporter une formation solide, après quoi des initiatives ponctuelles comme le module de calcul de Wikifin.be, des check-lists et un coaching indépendant, fourniront des informations ciblées en cas de choix financiers importants. Il est également crucial d’impliquer les parents dans la formation financière. Par le biais des devoirs, les jeunes constitueront un levier qui favorisera l’éducation financière des adultes. Troisièmement, nous devons soutenir les enseignants, car ceux-ci sont souvent insuffisamment armés pour former leurs élèves sur le plan financier. Enfin, le matériel didactique doit répondre aux écarts entre les élèves. Les élèves des groupes SES les plus élevés possèdent des connaissances préalables très différentes des autres en matière financière. L’éducation financière ne peut être l’apanage d’un petit groupe de jeunes privilégiés. C’est un moyen pour tous les jeunes d’améliorer et de préserver leur bien-être financier. || Kristof De Witte, professeur associé à la faculté d'Économie et des sciences de l’entreprise de la KU Leuven, chaire Wikifin.be d'éducation financière
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