Quarterly
Table ronde Pas de richesse sans risque
Investir Vers une nouvelle loi Cooreman-De Clercq?
PERSPECTIVES ON BANKING
Votre argent dort-il? Max Jadot et Vincent Reuter explorent ensemble les possibilitĂŠs d'activer l'ĂŠpargne belge
Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect
4 Essai: L'argent ne dort pas, mais peut-il rêver?
6 Comment utiliser l’épargne pour notre économie?
8 Table ronde: Pas de richesse sans risque
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Max Jadot et Vincent Reuter: Activer l'épargne est une tâche qui doit débuter à l'école
xxx Du microcrédit aux méga-investissements: investissements alternatifs
Ours Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec L’Echo Connect. Coordination : Alexia Mangelinckx, Veronique Soetaert. Lay-out : Christine Dubois, Marise De Maeyer. Photos : Frank Toussaint, sauf mention contraire. E.R. : WalterTorfs, Montagne du Parc 3, 1000 Bruxelles.
Echo Connect offre aux entreprises, organisations et organismes publics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision, leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo. Les partenaires impliqués sont responsables du contenu.
CONNECT
La carotte et le bâton: que fait le gouvernement pour soutenir les start-up et les investisseurs?
Koen De Leus Économiste en chef de BNP Paribas Fortis
B NQ B NQ est une plateforme de contenu de cross médias consacrée à la banque socialement responsable et moderne. Au travers de la diffusion d'informations, B NQ entend ouvrir le débat et le dialogue sur la base de récits remarquables, innovants et concrets. Ce magazine a été imprimé le 23/02/2017 www.lecho.be/bnq
édito
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Quel est le point commun entre l’épargne et le chocolat? Tous deux sont bons pour vous… à condition de ne pas exagérer. Quand une personne épargne, c’est une bonne idée. Mais que se passe-t-il si tout le monde se met subitement à épargner, par exemple parce que des nuages menaçants pointent à l’horizon? Un cercle vicieux se dessine: l’épargne pèse sur la demande; la production et la croissance ralentissent; les licenciements commencent; les revenus baissent; les possibilités d’épargner diminuent et le pessimisme s’amplifie. L’économiste John Maynard Keynes y voyait le paradoxe de l’épargne. Keynes était d’ailleurs un grand amateur de chocolat. Ces dernières années, on a vu apparaître un deuxième paradoxe de l’épargne. Non seulement l’épargne massive entraîne un ralentissement de la croissance et la confirmation du pessimisme, mais la manière dont on épargne favorise aussi le désarroi général. Notre pessimisme nous incite à épargner dans des actifs sans risque… mais aussi sans rendement. Conséquence? On mettra davantage d’argent de côté pour tenter malgré tout d’atteindre ses objectifs d’épargne. Il y a donc moins de consommation, encore moins de croissance, des taux d’intérêt encore plus bas et une épargne qui grimpe en flèche. Ce paradoxe de l’épargne au carré exige une approche radicale. Les pouvoirs publics doivent rassurer les citoyens et établir clairement que les réformes structurelles actuelles permettront de préserver le système des pensions. Autrement dit, souligner le fait qu’en travaillant plus longtemps, on diminuera presque de moitié le surcoût estimé du vieillissement d’ici à 2060. Les mesures adéquates pourraient apporter 12 points de croissance supplémentaire au cours des 20 prochaines années, a calculé la Commission européenne. En raison de son retard en matière de taux de participation notamment, la Belgique affiche même une marge de progression de 16 points. Sachant que le potentiel de croissance à long terme dépasse à peine 1%, c’est un monde de différence. Le dernier chantier est entre nos mains. Un risque accru produit davantage de croissance – et rapporte plus. Car si le capital est largement disponible (comme c’est le cas aujourd’hui), il n’engendre pas de rendement. C’est ce que Keynes appelait "l’euthanasie du rentier". Ces 13 dernières années, l’inflation a augmenté plus rapidement que le rendement sur les comptes d’épargne. Et il n’y aura pas de changement au cours des années à venir. Encourager les investissements en actions devrait être une évidence. Avec un rendement de dividende moyen de 3,5% actuellement et une hausse annuelle de dividende de 10%, les actions l’emportent aisément face au compte d’épargne. Même si son cours baissait de 50% en 10 ans, l’action resterait plus rémunératrice. Pour les épargnants moins réticents à prendre des risques, il existe également des alternatives fiscalement intéressantes. Ceux qui investissent dans une entreprise débutante bénéficient d’une réduction de 30 ou 40% à l’impôt des personnes physiques. C’est possible directement ou indirectement, via une plateforme de crowdfunding ou un fonds de starters. Aujourd’hui, "pas de risque" signifie plus que jamais "pas de rendement". Et "plus d’épargne" est synonyme de "moins de croissance". Il est grand temps: mettez réellement votre épargne au travail! ll
L’argent ne dort pas, mais peut-il rêver? ©Jonas Roosens
l Investir l'épargne l
On entend souvent dire qu’en Belgique, environ 260 milliards d’euros dorment sur les comptes d’épargne. C’est totalement faux. Et ce, à deux titres.
argent placé sur les comptes d’épargne ne dort pas: il a été prêté aux clients des banques. Cet argent a permis à des ménages d’acheter ou de faire construire des maisons, des appartements ou d’autres immeubles, et à des entreprises de financer des achats et des livraisons, de consentir des investissements. L’argent ne dort pas, il travaille. On a pourtant le sentiment que cette situation n’est plus tenable. Cette impression naît du fait que l’argent qui se trouve dans les livres des banques court peu de risques, ce qui est indispensable. Une banque doit veiller à rester liquide et solvable en permanence. Concrètement, cela signifie qu’elle doit garder la capacité de rembourser les dépôts si ceux-ci étaient sollicités de manière inopinée, et qu’elle ne peut pas perdre d’argent dans des créances de moindre qualité. Disposer d’un éventail de possibilités plus étendu exige de prendre davantage de risques. Reste à savoir de quel risque il s’agit et qui doit le supporter. La banque ne peut guère courir de risques supplémentaires. Les crises bancaires ont montré les conséquences d’une absence de liquidité ou de solvabilité des institutions bancaires. L’économie s’arrête, tout simplement. Ce sont avant tout les entrepreneurs qui doivent prendre des risques. Ils sont mieux placés pour les évaluer. Les banques sont là pour les aider à supporter les risques de manière intelligente. Elles le font en créant des instruments financiers assortis de plusieurs niveaux de risques, auxquels leurs clients peuvent souscrire. Voici un rôle essentiel des banques: permettre aux investisseurs de prendre des risques justifiés et aux épargnants, s’ils le décident, de bénéficier du surcroît de rendement que peuvent dégager des investissements risqués. De quels risques s’agit-il? Surtout d’investissements. Notre économie a besoin d’une nouvelle vague d'investissements. Plusieurs raisons à cela. Davantage d’investissements, c’est d’abord et avant tout davantage de demande. Les investissements favorisent ainsi l’activité économique. Or, force est de constater que la faiblesse des investissements qui prévaut depuis des années pèse sur l’activité économique en Belgique et en Europe. Est-il opportun d’investir dans la conjoncture économique que nous connaissons? La question est difficile. Chaque entrepreneur opérera une évaluation différente des opportunités et des menaces. Il revient à l’investisseur d’en tirer le bilan. Ceci
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étant, l’histoire économique nous apprend que les périodes de crise sont porteuses d’opportunités. Et c’est assurément le cas de celle que nous traversons. Nous vivons une révolution technologique inédite, qui touche toutes les activités. C’est assez nouveau. Auparavant, ces révolutions se limitaient à quelques secteurs ou activités; à présent, la technologie crée des opportunités partout. Aucun secteur, aucune activité n’y échappe. La révolution scientifique élargit également les marchés. Des portes s’ouvrent pour les entrepreneurs dans les soins de santé, le secteur culturel, les services. Changer en profondeur les entreprises et les faire croître par des acquisitions est à portée de main. Bref, il y a des possibilités. Beaucoup de possibilités. Dans ce numéro de BNQ, nous montrons de quelle façon les entrepreneurs peuvent relancer les investissements en collaboration avec les banques, et donner forme aux rêves qu’ils nourrissent pour notre économie et notre société. Un grand nombre d’entre nous ne voient que des tendances négatives: protectionnisme, Europe sous pression, processus de changement continu, concurrence féroce. Les pages qui suivent nous apprennent qu’il existe une autre réalité et que des entrepreneurs expérimentés et des starters se retroussent les manches pour réaliser leurs rêves. Herman Daems, Président du conseil d’administration BNP Paribas Fortis
NOTRE ÉCONOMIE A BESOIN D’UNE NOUVELLE VAGUE D'INVESTISSEMENTS. Herman Daems, BNP Paribas Fortis
l Investir l'épargne l
Les livrets d’épargne belges abritent plus de 260 milliards d’euros. Cet argent ne dort pas, cependant: il travaille pour l'économie. Via les crédits aux ménages, aux entreprises et aux pouvoirs publics, votre épargne rend possibles les investissements, l'activité économique et la croissance.
Votre argent dort-il? Non, il est converti par les banques.
Dépôts sur les comptes d'épargne réglementés, en milliard d'euros
300 250 200 150
28%
100 50 jan/01 jan/02 jan/03 jan/04 jan/05 jan/06 jan/07 jan/08 jan/09 jan/10 jan/11 jan/12 jan/13 jan/14 jan/15 jan/16
19,5%
264 milliards d’euros
10,5%
Les montants placés sur les comptes d’épargne en Belgique ont presque triplé depuis le début du siècle pour dépasser les 264 milliards d’euros.
7% 14%
4%
Source: BNB
3% 14%
Source: Febelfin.
LE TAUX SUR LES COMPTES D’ÉPARGNE EST ACTUELLEMENT INFÉRIEUR À L’INFLATION.
14% l Prêts accordés aux ménages belges 14% l Prêts accordés aux entreprises belges
1,28% l Prêts accordés à l’étranger
14% l Prêts accordés aux banques belges
19,5% l Autres (notamment trésorerie, actions et participations)
17% l Titres de créance émis par des émetteurs étrangers
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10,5% l Titres de créance émis par des émetteurs belges
13% l Prêts accordés aux pouvoirs publics belges
l Investir l'épargne l
EN 2016, LA BELGIQUE ARRIVAIT EN 18e POSITION AU CLASSEMENT MONDIAL DES PAYS LES PLUS ATTRAYANTS POUR LES INVESTISSEMENTS EN PRIVATE EQUITY.
4,3 millions d’euros En 2015, les business angels ont injecté 4,3 millions d’euros dans l’économie flamande par le biais de 27 transactions. La Fédération européenne des réseaux de business angels a recensé en Belgique 11,5 millions d’euros d’investissements réalisés par des business angels en 2015.
Type crowdfunding 110,8% l Caritatif (100.000 euros) 116,5% l Sans contreparties financières (2.200.000 euros) 24,8% l Prêt participati (3.300.000 euros)
0,8%
57,9% l En actions (7.700.000 euros)
Source: EBAN
16,5%
29,9
57,9%
24,8%
millions d’euros Le marché belge du crowdfunding est passé de 10,2 millions d'euros en 2015 à 29,9 millions d'euros en 2016. Le crowdfunding fait chez nous un bond spectaculaire même si nous restons encore loin derrière nos pays voisins. Via la nouvelle loi sur le crowdfunding, il y a des avantages fiscaux à investir via une plateforme reconnue.
Comment utilisons-nous une partie de cet argent pour notre économie?
Source: Douw & Koren.
Actifs nets des fonds d'investissement diffusés en Belgique, en milliards d'euros 80 Fonds mixtes
70 60 50
Fonds d'actions
40
Fonds d'obligations
30 20
57milliards d’euros
Fonds monétaires
10
Fonds avec protection du capital 2011 Q2
d’emprunts obligataires
2012 Q2
2013 Q2
2014 Q2
2015 Q2
2016 Q2
41 % du marché des fonds belges est placé dans des fonds mixtes, qui inclut également les fonds d’épargne pension. La tendance est claire: le mixte a la cote. Source: Beama
En juillet 2016, les emprunts obligataires émis en Belgique totalisaient 57 milliards d’euros. C’est cinq fois plus qu’en 2008. Sous l'effet notamment de la forte demande des investisseurs professionnels, tels que des fonds de pension en quête de rendement, les grandes entreprises s’adressent de plus en plus directement aux marchés pour leur financement.
1,7
Source: Febelfin/BNB
milliards d’euros
Dans le secteur social – pensez à la construction de prisons ou d’écoles – le plus grand projet de partenariat public-privé en Europe est belge. Les “Scholen van Morgen” (“Écoles de demain”) de la Région flamande représentent un investissement de 1,7 milliard d’euros. Source: Scholen van Morgen
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l Investir l'épargne l
Pas de richesse sans risque Malgré les taux bas, les Belges continuent de placer un montant record sur leurs comptes d’épargne. Comment activer cette manne? Plusieurs poids lourds du monde de l’entreprise confrontent leurs réflexions.
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a Belgique est un pays où l’on préfère éviter les risques. À terme, cette attitude fait peser une hypothèque sur notre prospérité. Car sans risque, il n’y a ni capital-risque ni entrepreneuriat. Or, une économie a besoin de capital-risque et d’entrepreneuriat pour prospérer et créer de la richesse. "Nous ne pouvons réduire le débat de l’activation de l’épargne aux petits épargnants individuels. Tout est lié. Il faut également s’intéresser au rôle des pouvoirs publics, qui doivent non seulement appeler à investir mais aussi mettre la main à la poche. Ainsi qu’à la fonction des
© Studio Dann
banques dans une économie où tout évolue très vite." Tel est le point de départ d’un débat entre poids lourds du monde de l’entreprise. Un débat consacré, donc, à l’activation de l’épargne. Autour de la table: Didier Beauvois (Head of Corporate Banking chez BNP Paribas Fortis et membre du comité de direction), Michel Delbaere (CEO de l’entreprise de légumes surgelés Crop’s et ancien président du Voka), Jurgen Ingels (créateur du fonds de capital-risque SmartFin suite à la vente de son entreprise technologique Clear2Pay) et Annie Vereecken (fondatrice du laboratoire Medhold et grande investisseuse dans les entreprises biotechnologiques flamandes). Le débat est dirigé par Peter De Keyzer, ex-économiste en chef de BNP Paribas Fortis et cofondateur du bureau de conseil Growth Inc. L’épargne dort en Belgique, elle ne produit rien, entendon souvent. Ce n’est naturellement pas vrai, puisqu’une grande partie de cette épargne est prêtée par les banques et reflue ainsi vers l’économie. Cependant, les Belges ne sont guère disposés à prendre des risques avec leur épargne. Manifestement, le capital-risque leur fait peur.
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De gauche à droite: Michel Delbaere (Crop’s), Jurgen Ingels (SmartFin), Annie Vereecken (Medhold), Peter De Keyzer (Growth Inc) et Didier Beauvois (BNP Paribas Fortis).
Dans d’autres pays, on y est beaucoup plus enclin. Comment expliquer ce phénomène? Faut-il y voir une différence culturelle? Ingels: "En Belgique, on nous inculque dès le plus jeune âge l’importance d’économiser pour plus tard. Auparavant, lorsqu’on plaçait de l’argent sur un compte d’épargne, on recevait des timbres qui permettaient d’acheter de beaux livres sur la nature. Cette idée constitue une part importante de notre éducation et reste très présente dans notre inconscient. En outre, le compte d’épargne offrait jadis des taux d’intérêt relativement attrayants. Pendant longtemps, il n’a pas été nécessaire de rechercher une autre voie. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous y tenons toujours autant, malgré les taux bas." Vereecken: "Cette aversion au risque est également liée à la zone de confort dans laquelle végètent de nombreux Belges et qui ne les incite guère à prendre des risques. Ce principe s’applique aux investisseurs mais aussi aux entrepreneurs. Quelle que soit la manière dont on aborde la question, notre pays compte beaucoup de citoyens qui bénéficient d’un certain confort et ne ressentent donc pas la nécessité de courir des risques." Delbaere: "Il faut citer en outre l’enseignement. Combien de >
NOTRE TÂCHE NE CONSISTE PAS À TRANSFORMER DES ÉPARGNANTS PRUDENTS EN INVESTISSEURS TÉMÉRAIRES. LA MISSION DES BANQUES EST DIFFÉRENTE. Didier Beauvois, BNP Paribas Fortis
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l Investir l'épargne l
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gens ont suivi des cours sur les solutions et produits financiers? Ce déficit de connaissances demeure un défi de taille. Il ne faut pas s’étonner que l’on n’investisse pas ou très peu quand on n’est absolument pas familiarisé avec ce domaine et que l’on possède à peine les connaissances nécessaires." L’aversion des Belges au risque se reflètet-elle dans la faiblesse de l’entrepreneuriat dans notre pays? Car nous sommes en deçà de la moyenne européenne au regard du nombre de créations d’entreprise rapportées aux entreprises en activité. Beauvois: "Je ne m’aventurerais pas à affirmer que les Belges sont beaucoup plus réticents à prendre des risques que les autres. Ils se montrent plus prudents avec leurs économies, c’est vrai. Mais la concentration d’entrepreneurs n’est certainement pas moindre chez nous qu’ailleurs. Plus encore, je suis intimement convaincu que les entrepreneurs belges prennent de plus grands risques que de nombreux collègues européens. Notre pays est très petit et les entrepreneurs y sont rapidement confrontés à d’autres nations et à d’autres langues quand ils exportent. C’est un gros obstacle par rapport à d’autres pays. En fait, on pourrait affirmer qu’il existe un paradoxe entre la manière dont nous investissons et celle dont nous entreprenons." Ingels: "On remarque cependant qu’il n’est pas toujours évident d’entreprendre. Mes amis, parents et connaissances m’ont déclaré fou quand j’ai quitté mon emploi stable dans une banque pour créer ma propre entreprise. Aujourd’hui, le contexte change. Voyez le grand nombre de starters qui peuvent désormais compter sur un soutien considérable. Il existe donc bien des gens qui courent le risque de lancer une entreprise. Le grand problème est que ces entreprises n’ont pas suffisamment d’argent pour entrer dans une nouvelle phase de croissance et passer de 2 à 20 millions d’euros de chiffre d’affaires."
Didier Beauvois
Malgré les taux bas, on enregistre mois après mois des dépôts record sur les comptes d’épargne. Simultanément, cet argent pourrait être utile à de nombreux entrepreneurs. Comment inciter l’épargnant à prendre davantage de risques avec une partie de ses économies? Beauvois: "Les choses commencent à bouger. On a beaucoup investi dans l’immobilier ces dernières années. C’est la manière la plus aisée de concilier une certaine dose de sécurité et de rendement. Nous nous approchons de la limite, ceci dit. On ne peut se contenter d’acheter des maisons indéfiniment! Au sein des fonds et des family offices, on rencontre une véritable demande d’alternatives. Elles vont du financement de start-up aux entreprises de croissance en passant par les sociétés transmises à la génération suivante ou mises en vente." Delbaere: "Si nous désirons évoluer vers une culture de l’investissement, il nous faut aborder la question de la diversité des produits dans les patrimoines au sens large. Je vois encore trop peu de fonds mixtes ou d’autres produits qui investissent dans plusieurs secteurs. Or, c’est ce dont le "bon père de famille" a besoin pour mobiliser son argent. Nous manquons en outre d’entreprises comme Atlas Copco et Ericsson. Gérés dans une perspective de long terme, ces deux groupes suédois sont devenus des valeurs sûres d’envergure mondiale, dans lesquelles un bon père de famille est prêt à investir une petite partie de ses économies." Ingels: "Je suis persuadé que les fonds de pension ont un rôle important à jouer. Aujourd’hui, ils investissent énormément dans les fonds d’infrastructure, mais pas dans le private equity. Naturellement, on ne peut demander à des fonds de pension d’investir directement dans des entreprises technologiques: ils
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NOUS N’AVONS PAS BESOIN DE VINGT MILLIARDS D’EUROS. AVEC UN MILLIARD, NOUS POURRIONS AIDER UNE GÉNÉRATION D’ENTREPRISES PROMETTEUSES DURANT LES SEPT PROCHAINES ANNÉES. Jurgen Ingels, SmartFin
nos entreprises à fort potentiel de croissance à percer au niveau international." Vereecken: "Si nous ne manquons pas de start-up de grande qualité, elles sont trop rapidement détournées par des investisseurs étrangers. En raison d’une vision à très court terme, l’argent ne sert pas à aider nos entreprises à entrer dans une nouvelle phase de leur développement en Belgique." Ingels: "De ce fait, un grand nombre d’entreprises vraiment intéressantes, qui ont besoin de 50 millions d’euros pour poursuivre leur développement, ne trouvent pas cet argent en Belgique. Même un important fonds d’investissement belge comme Gimv n’investira pas beaucoup plus de 10 millions d’euros. Une entreprise prometteuse trouvera aux États-Unis ou au Royaume-Uni le financement nécessaire; ensuite, elle y déménagera son quartier général et nous ne la reverrons plus."
Jurgen Ingels
Annie Vereecken
ne disposent ni des connaissances ni de l’infrastructure nécessaires. Les risques seraient trop élevés, parce qu’ils ne pourraient pas diversifier suffisamment leurs investissements. On pourrait néanmoins constituer un grand fonds d’un milliard d’euros qui investirait dans une vingtaine d’entreprises technologiques à fort potentiel de croissance. On le financerait par exemple avec 350 millions d’euros provenant de fonds de pension, 350 millions issus des comptes d’épargne – en associant un avantage fiscal à l’investissement – et, pour le solde, de l’argent public. Une telle formule est parfaitement envisageable et aiderait
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Pouvons-nous affirmer que ce faible appétit pour le risque affecte notre prospérité à long terme? Ingels: "Absolument. Un milliard d’euros, c’est une somme, bien entendu. Mais si le gouvernement mettait un milliard d’euros à disposition chaque année ou tous les deux ans, cela renforcerait et nourrirait l’économie, favoriserait l’ancrage belge des entreprises et générerait des emplois et des impôts locaux. Une telle initiative rapporterait bien plus que le milliard investi! Ce n’est toutefois pas chez les petits épargnants que nous devons rechercher du risque. Ce serait déjà bien si nous pouvions mobiliser les fonds de pension, si le gouvernement mettait la main au portefeuille et si davantage d’entrepreneurs se muaient en investisseurs. Nous n’avons pas besoin de vingt milliards d’euros. Avec un milliard, nous pourrions déjà réaliser de grandes choses. Par exemple, aider une génération d’entreprises prometteuses durant les sept prochaines années."
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l Investir l'épargne l
> Vereecken: "Au moment de l’introduction des intérêts notionnels, j’avais proposé que les entreprises versent le montant de la déduction dans un fonds public, en échange d’une obligation qu’elles s’engageraient à conserver au moins 10 ans. Cet argent pourrait alors être utilisé afin d’investir dans l’industrie. Lorsque j’ai lancé cette idée, on m’a traité de communiste. Pourtant, c’est la seule solution! Pensez au capital qui se trouverait déjà dans ce fonds, et à ce que nous aurions pu en faire…" Le gouvernement a donc la possibilité de faciliter l’activation de l’épargne à l’aide d’incitants fiscaux. Quel est le rôle des banques dans ce cadre? Comment peuventelles tempérer cette aversion au risque? Beauvois: "Les banques doivent s’en tenir strictement au profil de risque de chaque client individuel. Notre tâche ne consiste pas à transformer des épargnants prudents en investisseurs téméraires. La mission des banques est différente. Ainsi, nous disposons déjà de plusieurs hubs d’innovation où nous aidons et accompagnons de petits entrepreneurs dans leur quête de formes de financement alternatives. Outre les activités traditionnelles qui demeurent importantes, les banques peuvent jouer les conseillers et les intermédiaires pour les jeunes entreprises." Ingels: "C’est très important, car l’argent seul ne nous mènera à rien. Actuellement, les starters doivent surtout se montrer nettement plus rapides que la concurrence. Aux États-Unis, ils s’entourent dès le départ d’un réseau de dirigeants d’entreprise expérimentés. Ceux-ci peuvent immédiatement les mettre en contact avec les interlocuteurs adéquats, ce qui leur fait gagner un temps précieux dans le déploiement d’un nouveau produit. Nous n’avons pas suffisamment d’écosystèmes de ce type dans notre pays. Tout simplement par manque d’entrepreneurs qui ont vendu leur entreprise et souhaitent assumer ce rôle d’accompagnateurs."
Michel Delbaere
SI NOUS NE MANQUONS PAS DE START-UP DE GRANDE QUALITÉ, ELLES SONT TROP RAPIDEMENT DÉTOURNÉES PAR DES INVESTISSEURS ÉTRANGERS. Annie Vereecken, Medhold
Delbaere: "On remarque aussi un certain manque d’audace. L’assurance dont on fait preuve lorsqu’on présente un dossier devant un comité de crédit peut vraiment faire la différence. Dans notre pays, ce n’est pas toujours évident. C’est sans doute le fruit de plusieurs facteurs ambiants comme la formation et la culture." Quelles possibilités une nouvelle forme de financement comme le crowdfunding offre-t-elle? N’est-ce pas un bon moyen de familiariser l’épargnant avec le capital-risque moyennant un montant modeste? Ingels: "La question est surtout: comment attribuer un label de qualité au crowdfunding? C’est souvent contraire à l’intérêt du crowdfunder, qui veut réunir le plus de capital possible parce que sa commission en dépend. La qualité des dossiers n’est pas toujours au rendez-vous. Or, il faut pouvoir garantir cette qualité si l’on ouvre des investissements au commun des mortels qui s’y connaît très peu. Sans quoi, les gens risquent fort de se retrouver avec un mauvais investissement." Beauvois: "Dans d’autres pays, le crowdfunding a déjà valu de très mauvaises surprises à certains investisseurs. C’est pourquoi
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Johan Van Overtveldt
© DTE
“STIMULER LA CRÉATIVITÉ ET L’ENTREPRENEURIAT” Comment expliquez-vous le montant record parqué sur les comptes d’épargne dans notre pays ? Johan Van Overtveldt: “Nous constatons effectivement qu’il n’y a guère d’investissement direct dans le capital-risque. La remarque ne concerne d’ailleurs pas que les particuliers. Les investisseurs institutionnels – comme les fonds de pension et les assureurs – n’empruntent pas non plus la voie du capitalrisque, ou seulement au compte-gouttes. C’est en partie lié aux exigences capitalistiques strictes en matière d'investissements porteurs de risques, mais aussi à un manque d’appétit pour le risque et notamment les investissements en private-equity. Le High Level Expert Group, le groupe d’experts que j’ai constitué pour se pencher sur le secteur financier, étudie avec mon cabinet les possibilités de stimuler les investissements dans le capital-risque, le financement de la croissance et l’infrastructure.”
Peter De Keyzer
je ne pense pas qu’il deviendra ‘le’ canal de financement par excellence. En revanche, il continuera d’exister parallèlement à d’autres solutions de financement." Vous ne placez pas votre argent sur un compte d’épargne et vous investissez dans l’économie. Qu’est-ce qui vous distingue du Belge moyen? Pourquoi le compte d’épargne n’est-il pas une option pour vous? En raison de votre optimisme, d’une certaine foi dans l’avenir? Ou parce que vous osez rêver? Vereecken: "Il faut se satisfaire de ce que l’on a. Quand j’ai vendu Clear2Pay, j’ai mis de l’argent de côté pour ma famille, afin que nous ne manquions de rien. Avec le reste, je continue de faire ce que j’aime. Il est très possible que je perde une partie de cet argent, mais si c’est le cas, qu’il en soit ainsi! Naturellement, je ferai tout pour ne pas en arriver là. Mais avec cet argent, je veux quand même apporter quelque chose." Delbaere: "Que l’on entreprenne ou que l’on investisse, c'est toujours pour la satisfaction de voir le résultat de ses efforts. C’est le principal, bien plus encore que le rendement financier." ll
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Que pensez-vous de la proposition de constituer un grand fonds alimenté par des capitaux provenant par exemple des fonds de pension et des pouvoirs publics? Johan Van Overtveldt: “Nous étudions activement les possibilités de donner un coup de fouet au financement de la croissance. La constitution d’un fonds alimenté par des investisseurs institutionnels et les pouvoirs publics afin de favoriser le développement des scale-up est, c'est vrai, une piste concrète que nous allons examiner.” Croyez-vous dans le crowdfunding? Est-il judicieux d’inciter fiscalement les particuliers à investir dans des starters extrêmement risqués? Johan Van Overtveldt: “Investir dans des starters ou dans des projets de crowdfunding implique parfois de prendre des risques. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire! Il y a de plus en plus de starters. Nous devons stimuler cet entrepreneuriat et cette créativité, mais nous devons également apporter les instruments adéquats. C’est pourquoi nous avons élaboré un cadre légal pour les plateformes de crowdfunding. Elles sont par exemple analysées et agréées par la FSMA, qui en assure également le contrôle pour éviter les abus et protéger les investisseurs.” ll
l Investir l'épargne l
Les taux bas poussent les épargnants vers des alternatives Les banques constituent un maillon important de l’économie parce qu’elles transforment l’épargne en crédits. Or, les taux actuels incitent de plus en plus les épargnants à se tourner vers des alternatives, ce qui met le modèle de rentabilité des banques sous pression.
ontrairement à ce que l’on dit parfois, l’argent placé sur votre compte d’épargne ne dort pas. Selon les chiffres de la fédération sectorielle Febelfin, plus de 70% de l’épargne est transformée en financements pour les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics. Les banques constituent ainsi le lubrifiant de l’économie. Pour résumer, elles se rendent illiquides afin de rendre l’économie liquide. En échange, elles reçoivent une "marge d’intermédiation", soit la différence (généralement) positive entre le taux sur les crédits à long terme et le taux sur les dépôts d’épargne. Du point de vue des banques, l’épargne n’est rien d’autre qu'une dette contractée vis-à-vis
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LES DOUTES SUSCITÉS PAR LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION ET L’ACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS EN MATIÈRE DE REVENUS ONT GONFLÉ LE TAUX D’ÉPARGNE.
© Kristof Vadino
des déposants. Sur un bilan toujours en équilibre, elles doivent avoir un poste correspondant du côté de l’actif. On y trouve non seulement les crédits accordés, mais aussi, par exemple, les titres que la banque a achetés sur les marchés financiers. La hauteur de la rémunération des épargnants dépend du niveau de taux de base que fixe la Banque centrale européenne. Autrement dit, le taux à court terme que les banques doivent payer pour emprunter de l’argent à un jour auprès de la BCE et couvrir leurs besoins de financement. Les taux à long terme que facturent les banques sont le fruit de la combinaison de taux à court terme successifs plus élevés. Plus les épargnants sont prêts à renoncer à leur argent sur une période étendue, plus la compensation qu’ils peuvent attendre est élevée. étant donné que la BCE cloue le taux de base à un plancher depuis plusieurs années, la rémunération des comptes d’épargne est à l’avenant. L’inflation étant supérieure au taux, l’épargnant perd même de son pouvoir d’achat. Dans sa quête de rendement, il est ainsi contraint d’accepter davantage de risques, par exemple en investissant en Bourse. Il peut cependant réduire ces risques avec un portefeuille bien diversifié ou un fonds de placement.
Forces structurelles
Jan Smets, gouverneur de la Banque nationale de Belgique
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Les banques souffrent elles aussi de la politique monétaire extrêmement souple de la BCE. Car les taux bas pèsent sur leurs marges d’intérêt. Jan Smets, gouverneur de la Banque nationale de Belgique, nuance toutefois l’impact des banques centrales sur le niveau des taux: "En fin de compte, les rendements réels
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EN DÉSÉQUILIBRE Jan Smets, Banque nationale de Belgique
dans l’économie sont davantage le produit de forces structurelles que d’une politique monétaire. Les doutes suscités par le financement du vieillissement de la population et l’accroissement des inégalités en matière de revenus, par exemple, ont gonflé le taux d’épargne ces dernières années. La demande d’investissement a souffert de la baisse des prix des biens d’investissement et de l’incertitude politique après la crise. Le taux d’équilibre entre épargne et investissements a donc baissé. Si la BCE n’avait pas adapté sa politique de taux, la sousexploitation des capacités aurait été plus marquée dans l’économie." La politique des banques centrales ne consiste pas uniquement à fixer le taux de base, ceci dit. Avec leurs programmes de rachat d’obligations, elles ont contribué à ce que plus de 70% des obligations publiques rapportent moins de 1%. Jan Smets reconnaît que ces opérations ont exercé une pression baissière considérable sur les taux à long terme et ont donc réduit la marge d’intérêt des banques. "Néanmoins, la rentabilité des banques ne dépend pas de la seule marge d’intérêt", remarque-t-il. "L’impact de taux bas – et surtout de la politique monétaire – à court terme n’est pas uniquement négatif. Ainsi, un environnement dans lequel les taux sont bas accroît la demande de financements
et améliore la qualité des encours de crédit. En outre, le système européen offre aux banques des prêts à quatre ans à un taux négatif de 40 points de base (ce qui signifie qu’elles gagnent donc en empruntant, NDLR) si elles octroient suffisamment de crédits aux entreprises." Les problèmes empireront si l’environnement de taux bas se maintient, prévient Jan Smets. "Certains de ces effets positifs s’évaporeront alors même que la marge d’intérêt restera sous pression. Cette pression est même appelée à augmenter, parce que les banques voient leurs marges d’intérêt diminuer au fil des réinvestissements à des taux et rendements de plus en plus bas, tandis que le rendement des dépôts des clients ne semble plus pouvoir diminuer. C’est principalement le revenu des dépôts des ménages qui reste en pratique positif; les entreprises, quant à elles, ne se voient imputer qu’un taux négatif limité sur leurs fonds.” ll
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En tant que gardien monétaire de la zone euro, la BCE contraint les banques – et les épargnants – à investir de façon plus risquée, alors que, dans son rôle d’organe de surveillance, elle les dissuade de prendre des risques. Cette situation schizophrénique est la conséquence des normes de Bâle III en matière de capital, qui exigent des banques qu’elles tiennent compte des risques qu’elles courent dans la valorisation de leurs actifs. Seule exception notoire à ce principe dans la plupart des pays européens: les banques sont autorisées à faire complètement abstraction des obligations publiques dans leurs contraintes de réserves de capitaux. Pourtant, la crise de la dette a démontré que ces créances n’étaient pas sans risque. Selon Jan Smets, gouverneur de la Banque nationale de Belgique, des mécanismes complémentaires sont souhaitables afin de détacher davantage le système financier des finances publiques nationales. "Tant au niveau européen qu’international, une réflexion a été amorcée sur le traitement prudentiel des risques que détiennent les banques sur les États. Cette réflexion n’a toutefois pas encore mené à des propositions politiques concrètes." ll
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L’argent s’active L’épargne s’active, et ce, de plusieurs manières. Quatre exemples inspirants d’argent investi qui a rapporté à l’économie belge et aux investisseurs.
"Soutenir les start-up" Patrick Van Der Perre, un manager de 57 ans, ne jure que par une diversification poussée des risques de son épargne. Cette stratégie l’amène également à investir dans des start-up prometteuses.
"Investir comme Albert Frère" L. était pharmacien, F. laborantine. Aujourd’hui, ces septuagénaires de Merelbeke investissent davantage en actions qu’auparavant. Et suivent les marchés de près. "La diversification est essentielle pour limiter le risque d’un portefeuille. C’est pourquoi nous investissons nos économies à la fois en actions et en obligations, dans des titres individuels ainsi que via des fonds. Bien entendu, les obligations d’entreprise sont également liées à des firmes spécifiques, mais elles sont moins tributaires des fluctuations de la Bourse. Nous limitons nos investissements à un montant allant de 2.500 à 5.000 euros par entreprise: notre portefeuille est ainsi moins sensible à d’éventuelles mauvaises surprises." "Au fil des ans, nous avons adapté notre comportement en matière d’épargne et d’investissement. Bien que nous soyons un peu plus âgés, nous investissons aujourd’hui davantage en actions et moins en produits à revenus fixes. Nous n’avons guère le choix: les livrets d’épargne et les comptes à terme ne rapportent presque plus rien. Nous sommes dès lors disposés à courir davantage de risques en échange d’un rendement potentiel plus élevé. Mais nous reviendrons sans doute sur cette stratégie si les taux se redressent." "Bien que nous fassions appel aux services de Private Banking de notre banque, nous suivons également les marchés nous-mêmes, via les journaux et toutes sortes de sites financiers. Lorsque notre banquier privé nous recommande une action sur la base d’une analyse d’entreprise ou d’un contexte économique donné, nous consultons toujours l’historique du cours des années écoulées. L’action est à son sommet? Nous passons notre tour. C’est une leçon que nous avons apprise d’Albert Frère." ll
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"La diversification est une exigence absolue pour maintenir sous contrôle le risque d’un portefeuille. J’ai pu m’en rendre compte lors de la crise financière de 2008. Je varie énormément mes investissements: fonds, obligations, actions, produits d’assurances, etc. Mais j’investis aussi dans différents secteurs et régions du monde. Plusieurs fois par an, je parcours toutes mes positions avec mon banquier privé. Et nous retouchons le portefeuille afin d’exploiter d’éventuelles opportunités." "L’an dernier, mon banquier privé m’a mis en contact avec Be Angels, une plateforme qui réunit des entrepreneurs débutants et des investisseurs. Elle dépasse largement le simple aspect financier: il s’agit non seulement d’investir une partie de ses fonds propres dans une startup, mais aussi de donner à celle-ci des conseils concernant la gestion d’une jeune entreprise. Les entrepreneurs débutants bénéficient ainsi d’un capital de départ et de l’expertise de chefs d’entreprise et de managers expérimentés." "Le risque demeure nettement supérieur à celui d’un investissement en actions. De nombreuses start-up disparaissent dans les cinq ans après leur création. Le rendement varie entre ‘tout perdre’ et ‘récupérer plusieurs fois sa mise’. Car si le produit ou service de la jeune entreprise marche ou que la start-up est rachetée les rendements peuvent prendre des proportions énormes. Ma motivation personnelle, cependant, réside dans l’aide que je peux apporter à de jeunes entrepreneurs davantage que dans le rendement financier." ll
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©Thomas De Boever
Le Corda Campus à Hasselt
©Debby Termonia
Invest for Jobs investit dans des entreprises belges en quête de capital de croissance. À condition qu’elles l’utilisent pour créer des emplois.
Des entreprises qui naissent sur les décombres du passé Les contrecoups économiques peuvent être une source de croissance si on les gère correctement. Dans le Limbourg, LRM montre la voie.
Lorsque le géant de l’électronique Philips a fermé son site de Hasselt en 2002, ce sont 1.450 emplois qui ont disparu. Grâce à la société d’investissement limbourgeoise LRM, le site est aujourd’hui un pôle d’attraction pour les entreprises ICT et high-tech. Fort de 200 entreprises et de 3.000 emplois, ce campus est toujours en pleine expansion. LRM peut se targuer d’un joli palmarès lorsqu’il s’agit de rebondir après un coup dur. C’est d’ailleurs inscrit dans son ADN. En 1994, elle a été dotée d’un capital de départ de 250 millions d’euros provenant du budget public prévu pour les Kempense Steenkoolmijnen, les charbonnages campinois. Sa mission? Investir dans des secteurs d’avenir et de croissance et trouver de nouvelles destinations pour les anciens sites miniers. La société d’investissement limbourgeoise a abattu un travail considérable sur ces deux fronts. Elle collabore avec des par-
De l’argent pour des emplois
tenaires au sein de neuf incubateurs autour de thèmes comme l’ICT, l’énergie, la santé et les soins. Depuis 1999, elle a investi pour 516 millions d’euros dans 266 entreprises. LRM a aujourd’hui environ 180 entreprises et projets en portefeuille, pour un total de 12.000 emplois. Ces investissements profitent aux Limbourgeois et, plus globalement, à la Région flamande. En tant qu’actionnaire, en effet, celle-ci a reçu quelque 300 millions d’euros de dividendes entre 1999 et 2016. ll
SI TOUTES CES DISCUSSIONS DÉBOUCHENT SUR UN INVESTISSEMENT, ELLES CRÉERONT 1.400 NOUVEAUX EMPLOIS. I 17 I
"Lorsque je vois le nombre de dossiers qui me parviennent, j’ai l’impression qu’il faut en faire beaucoup plus encore pour mieux ancrer nos entreprises en Belgique", affirme Eric Jonkers, Managing Director d’un nouveau fonds d’investissement créé par les syndicats et les employeurs du secteur métallurgique. Invest for Jobs, qui a récemment été lancé avec quelque 100 millions d’euros en caisse, veut montrer que c’est possible en investissant dans des entreprises belges de croissance, par exemple en entrant dans leur capital ou en souscrivant à un emprunt obligataire. Une condition importante est cependant que l’opération ait un effet positif sur l’emploi local. Les montants investis varient entre 500.000 et 10 millions d’euros. Le fonds est ouvert à des investisseurs institutionnels, tels que les fonds de pension et les organisations patronales ou de travailleurs qui en partagent la philosophie, précise Eric Jonkers. Fin 2016, Invest for Jobs avait déjà négocié avec plus de 50 entreprises. Si toutes ces discussions débouchent sur un investissement, elles créeront 1.400 nouveaux emplois. ll
Du microcrédit aux méga-investissements Les investissements alternatifs permettent aux épargnants de prêter directement de l’argent à des entreprises dans lesquelles ils croient… voire de plonger dans une piscine qu’ils ont contribué à financer.
es Belges peuvent peser de plusieurs manières sur l’utilisation concrète qui est faite de leur épargne. En investissant dans des fonds qui pratiquent l’impact investing par exemple, ils placent leur argent dans des entreprises qui visent un rendement à la fois financier et social. Il existe d’autres formules d’investissement durable, parmi lesquelles l’ESG, une stratégie qui consiste à sélectionner les entreprises qui obtiennent des scores élevés en fonction de critères écologiques, sociaux et de gouvernance.
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La possibilité la plus concrète reste sans doute le crowdfunding. Cette forme de financement suscite surtout l’intérêt des start-up qui ne peuvent s’adresser aux banques en raison de risques trop élevés ou de leur incapacité à apporter des fonds propres suffisants. Via l'internet, elles sollicitent directement de petits bailleurs de fonds afin de financer leurs produits. Si elle est couronnée de succès, l’opération a aussi valeur d’étude de marché et constitue une référence de choix lorsqu’il s’agira de décrocher des financements bancaires complémentaires.
LE CROWDFUNDING DEMEURE UN PLACEMENT RISQUÉ, QU'IL S'AGISSE DE PRÊTS OU D'ACTIONS. Michiel Van Hove, Hello crowd!
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Le crowdfunding existe sous différentes manifestations. Du point de vue des investissements, nous ferons abstraction du crowdfunding non financier (dons et aide en échange d’une compensation donnée, comme les premiers produits de l’entreprise). Les montants concernés sont de toute manière négligeables. La forme de crowdfunding qui se rapproche le plus de l’investissement est le crowdlending (littéralement "prêt de la foule"). Celui-ci peut passer à la fois par des emprunts subordonnés et par une participation au capital. Le bureau de recherche spécialisée Massolution a calculé que le crowdlending pesait 73% du montant total collecté par crowdfunding à l’échelle mondiale en 2015. Le crowdfunding a fait un bond spectaculaire en Belgique. "Pour l'année 2016, nous avons atteint un total de 29,9 millions d'euros, soit le triple du niveau de 2015", explique Michiel Van Hove, business
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Le Campus Kosh à Herentals, Scholen van Morgen
developer de la plateforme de crowdfunding Hello crowd!. "Néanmoins, nous sommes loin derrière les États-Unis et nos pays voisins. Aux Pays-Bas par exemple, le crowdfunding atteignait 170 millions d’euros l’an dernier." Si l’on en croit une enquête de Hello crowd!, plus de la moitié des Belges connaissent pourtant le crowdfunding. "Cela ne signifie pas qu’ils savent comment il fonctionne", nuance Michiel Van Hove. "Les Belges sont assez réservés face à la nouveauté et au risque; c’est dans leur culture. Et le crowdfunding demeure un placement risqué, qu’il s’agisse de prêts ou d’actions." Sans oublier les règles strictes encadrant le montant qui peut être collecté et investi. Selon la législation belge, un projet de crowdfunding ne peut en effet dépasser 300.000 euros, avec une mise maximale de 1.000 euros par investisseur. Si la levée de fonds se fait via une plateforme de crowdfunding agréée, le montant passe à 5.000 euros par investisseur individuel. Les entreprises qui désirent collecter davantage sont obligées de rédiger un prospectus. Une procédure longue, coûteuse et qui doit être soumise à la FSMA, l’organe de surveillance des marchés financiers.
Meilleure infrastructure Tout aussi concrets mais à l’opposé de la dimension modeste et très accessible du crowdfunding, on retrouve les investissements dans les partenariats public-
privé (PPP). Ils permettent de produire de meilleures infrastructures mais aussi d’obtenir un rendement financier attrayant pour les épargnants. La forme la plus fréquente de PPP est le DBFM ("design, build, finance & maintain", soit "conception, construction, financement et maintenance"), indique Franky De Wispelaere, expert chez BNP Paribas Fortis. Les pouvoirs publics permettent ainsi à des parties privées – comme des assureurs et des fonds de pension – d’investir dans des écoles, des piscines, des routes et des hôpitaux. Ils peuvent ensuite louer ces bâtiments, ce qui engendre des rendements garantis. Pour le petit épargnant, il n’est pas évident d’investir directement dans des projets PPP. C’est toutefois possible via des investisseurs institutionnels, tels que des fonds de pension et des fonds de placement. Aujourd’hui, le PPP est surtout une spécialité flamande et fédérale. Au niveau fédéral, citons les projets de prison de la Régie des bâtiments, parmi lesquels le site de Marche-en-Famenne. Côté flamand, les projets liés à des "chaînons manquants" dans l’infrastructure sont majoritaires, et notamment la construction de l’A11 entre Bruges et Knokke. Le fleuron du PPP en Belgique n’en reste pas moins le projet "écoles de demain" de la Région flamande. Un projet DBFM de 1,7 milliard d’euros dont BNP Paribas Fortis est l’un des actionnaires majoritaires. À la fin de la période d’exploitation de 30 ans, la Région flamande redeviendra automatiquement propriétaire des bâtiments. Les partenariats public-privé sont parfois associés à des dépenses très élevées en matière de travaux d’infrastructure. Une critique injustifiée, rétorque Franky De Wispelaere: "Une étude britannique révèle que les dépassements de budget et de délais d’exécution sont nettement moindres dans les PPP que dans les marchés publics classiques. La structure typique des contrats de PPP favorise une estimation correcte de tous les frais. En outre, tous les surcoûts imprévus sont supportés par le partenaire privé." ll
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"LA CRISE FINANCIÈRE RESTE GRAVÉE DANS LES MÉMOIRES" Quels risques les Belges consentent-ils encore à courir avec leur épargne et leurs investissements? Répondre à cette question est très difficile. On dispose par exemple de chiffres sur les investissements dans les fonds, mais comme les investisseurs peuvent aussi opter pour des fonds très conservateurs, ces montants sont peu significatifs de leur appétit pour le risque. Paul De Grauwe, professeur à la London School of Economics, ne pense cependant pas qu’il existe une aversion au risque typiquement belge: "On observe ces réticences ailleurs. Ce qui s’est passé durant la crise financière n’y est pas étranger: de nombreuses personnes ont perdu beaucoup d’argent à l’époque. La crise reste gravée dans les mémoires et influence le comportement de tout un chacun." Les pouvoirs publics n’ont pas vocation à expliquer aux citoyens qu’ils doivent investir davantage en actions, estime Paul De Grauwe. "Qui, au gouvernement, peut se targuer de pouvoir dire ce qui est bon en termes de diversification et de penchant pour le risque, et ce qui ne l’est pas? Les pouvoirs publics doivent rester neutres dans leur fiscalité, donc éviter de promouvoir l’une ou l’autre forme d’investissement, comme c’est aujourd’hui le cas avec les comptes d’épargne." Des avoirs d’épargne importants reflètent également un manque de confiance dans l’avenir, analyse-t-il. "On note un conservatisme similaire du côté des entreprises qui doivent investir. Le gouvernement ne peut pas ‘activer’ cette dimension d’un coup de baguette magique. Cela doit venir de la demande de nouveaux projets d’investissement; la situation se résoudra alors d’elle-même." L’État n’est pas impuissant, précise encore Paul De Grauwe. "Aujourd’hui, tout le monde anticipe et évite les risques. Si les gouvernements pouvaient investir davantage eux-mêmes, ils stimuleraient les investisseurs privés à les suivre sur cette voie. Or, ils le font encore trop peu, parce que l’Europe interdit de financer des investissements publics par des émissions obligataires. Pourtant, les États pourraient emprunter presque gratuitement aujourd’hui. Et l’on continue ainsi à se contenter de bricolages." ll
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Peu de carottes, beaucoup de bâtons Les start-up et les scale-up sont souvent en quête d’argent, même de beaucoup d’argent. Le citoyen dispose lui d’une masse d’épargne. L’État peut-il, tant en Belgique qu’en Europe, aider à activer cet épargne?
Une nouvelle loi Cooreman-De Clercq Au lieu d’encourager les investissements dans l’entrepreneuriat, le gouvernement belge entrave l’activation de l’épargne. Une plus grande sympathie pour la Bourse serait un bon début. Les dirigeants politiques belges avouent clairement un faible pour l’épargne. Sur un compte d’épargne réglementé, le précompte mobilier est limité à 15% et l’épargnant ne le paie qu’à partir de 1.880 euros de revenus d’intérêts – ce qui représente un capital de plus de 180.000 euros aux taux actuels. Ceci dit, ces économies perdent en pouvoir d’achat sur les comptes d’épargne dont le rendement est inférieur à l’inflation. Ceux qui recherchent une alternative ne peuvent guère compter sur la clémence de l’État. En 10 ans, le précompte mobilier sur les dividendes d'actions, coupons d’obligations et intérêts des
LES ACTIONS DOIVENT SE MESURER À D’AUTRES COMPOSANTS PATRIMONIAUX FISCALEMENT PLUS AVANTAGEUX, TELS QUE L’IMMOBILIER.
Caroline Ven, Ticket 2 The Future
bons de caisse a doublé pour atteindre 30%. Ces dernières années, l’attrait de la Bourse a également pâti des discussions sur la taxation des plus-values sur la vente d’actions, et du regrettable passage de la taxe sur la spéculation. Jadis, il en allait autrement. En 1982, le sénateur CVP Etienne Cooreman et Willy De Clercq, ministre libéral des Finances, promulguaient un arrêté royal permettant aux investisseurs en actions belges de déduire jusqu’à 40.000 francs (un peu moins de 1.000 euros) de leurs revenus imposables entre 1982 et 1985, à condition de conserver les actions au moins cinq ans. En outre, les entreprises qui ont procédé à une augmentation de capital en 1982 et 1983 ont bénéficié d’exonérations fiscales pour les nouvelles actions émises, lesquelles ont ensuite reflué vers les investisseurs sous forme de dividendes supplémentaires.
90.000 nouveaux emplois De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour réclamer une nouvelle loi Cooreman-De Clercq. Ce serait une bonne chose pour les épargnants qui recherchent un rendement plus élevé, mais aussi pour les entreprises qui désirent mettre ces capitaux au travail. Même l’État en profiterait: on estime que la loi Cooreman-De Clercq originelle a créé 90.000 nouveaux emplois et accru le pouvoir d’achat des Belges et, par ricochet, les recettes fiscales de l’État. Le gouvernement ne pourra toutefois pas se contenter de copier l’ancienne loi. Une telle législation se heurterait en effet aux objections de l’Europe en raison de son caractère discriminatoire envers les actions étrangères. Une possibilité consiste à ne pas jouer sur la nationalité mais sur la taille des entreprises, et à encourager les investissements à long terme dans des firmes d’une valeur boursière relativement réduite. En accordant
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L’ÉTAT NE DOIT PAS SOUTENIR LES INVESTISSEURS ET LES PME EN MANIANT LA CAROTTE COMME COOREMAN ET DE CLERCQ, MAIS EN SUPPRIMANT CERTAINS BÂTONS. Vincent Van Dessel, président d’Euronext Bruxelles
par exemple un avantage fiscal aux épargnants qui sont prêts à conserver de telles actions pendant cinq ans. Tout le monde n’y voit pas une solution miracle. "L’État ne doit pas soutenir les investisseurs et les PME en maniant la carotte comme Cooreman et De Clercq, mais en supprimant certains bâtons", estimait Vincent Van Dessel, président d’Euronext Bruxelles, voici quelque temps dans la revue financière Mister Market Magazine. "Toute intervention sur le plan fiscal doit être opportune d’un point de vue économique. Il n’y a par exemple aucune raison d’accorder de telles faveurs aux comptes d’épargne."
Transfert de patrimoine L’économiste Caroline Ven dénonce elle aussi le traitement réservé aux actions. "Elles doivent se mesurer à d’autres composants patrimoniaux fiscalement plus avantageux, tels que l’immobilier. Les études montrent d’ailleurs qu’une bulle est en train de se former dans ce secteur." Avec le publiciste Paul Huybrechts, Caroline Ven a récemment créé Ticket 2 The Future, un nouveau service de gestion de patrimoine centré sur le transfert de patrimoine entre les générations. "Nous ne nous intéressons pas aux 10% des ménages les plus fortunés – ils ont déjà les wealth offices et autres family offices – mais aux personnes qui sont juste en >
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DEPUIS LA CRISE FINANCIÈRE, L'EUROPE A UNE PEUR BLEUE DES RISQUES. Sophie Manigart, Vlerick Business School
> dessous", précise-t-elle. "Elles aussi possèdent un patrimoine assez significatif, même si elles le concentrent dans l’immobilier. En achetant un appartement supplémentaire qu’elles donnent en location, par exemple. Ou en aidant leurs enfants à devenir propriétaires. Pour le reste, leur patrimoine se compose principalement de comptes à vue et de comptes d’épargne. À ce niveau, elles n’ont clairement pas assez réfléchi à la meilleure destination des avoirs dont elles n’ont pas besoin dans l’immédiat pour leur consommation." En parlant de "transfert de patrimoine entre les générations", Caroline Ven et Paul Huybrechts soulignent la perspective temporelle de ces investisseurs. On en arrive automatiquement aux actions, poursuit-elle: "L’effet d’accroissement de richesse y est beaucoup plus marqué pour les bénéficiaires finaux. Des analyses historiques nous apprennent qu’un portefeuille d’actions bien diversifié enregistre un rendement réel annuel moyen – donc corrigé selon l’inflation – de quelque 7%. Il ne dépasse pas la moitié pour les obligations, et n’atteint pas 0,5% pour les liquidités."
Coup de pouce financier Si l’État n’encourage pas nécessairement les particuliers à investir en Bourse, il prévoit quelques incitants en faveur des actions. Ainsi existe-t-il depuis quelques années un tax-shelter pour les starters. Les particuliers qui donnent un coup de pouce financier aux entrepreneurs débutants bénéficient d’un avantage fiscal de 30%, voire de 45% dans le cas des microentreprises. Le contribuable a le droit d’investir un maximum de 100.000 euros par an dans de telles entreprises, et ces dernières peuvent ainsi récolter 30% maximum de leur capital. Il ne s’agit donc pas d’un prêt, mais d’un investissement en capital. Le bailleur de fonds doit conserver ses actions au moins quatre ans, et celles-ci doivent être réévaluées lorsqu’il veut les vendre pour récupérer sa mise. L’entreprise a perdu beaucoup de valeur, voire a fait faillite entre-temps? Aucune compensation n’est prévue. ||
"Nous avons besoin de plus d’argent mais aussi de plus d’argent intelligent" Les entreprises en forte croissance qui veulent se financer n’ont pas la vie facile en Europe. Des règles moins strictes pour les investisseurs institutionnels pourraient créer davantage de capitalrisque. Lorsqu’elles partent en quête de capitaux, les scale-up européennes, c’est-à-dire les entreprises de croissance qui commencent à travailler à beaucoup plus grande échelle, constatent souvent que les montants qu’elles décrochent ne sont pas à la hauteur de leurs ambitions. "Une scale-up qui a besoin de 5 à 10 millions d’euros pour se développer et percer à l’échelle internationale traverse souvent une phase terriblement difficile", confirme Sophie Manigart, professeur en financement d’entreprises à la Vlerick Business School. "C’est un peu la maladie de l’Europe continentale: nous ne parvenons pas à regrouper nos ressources. Malgré la multiplication des fonds d’investissement en capital-risque ces dernières années, leur taille demeure
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relativement modeste par rapport à ce que l’on rencontre dans la Silicon Valley ou à Boston. Outre-Atlantique, un fonds moyen dispose de plus de 100 millions de dollars; un tel montant vous hisse parmi les leaders de ce segment en Europe." Comment développer le paysage européen de l’investissement? "Pourquoi ces fonds sont-ils plus grands aux États-Unis? Parce que les investisseurs institutionnels y jouent un rôle nettement plus important. Depuis la crise financière, l’Europe a une peur bleue des risques et complique considérablement la tâche des fonds de pension et autres assureurs qui souhaitent investir dans du capital-risque. Avec leur horizon à très long terme, il n’y a pourtant aucun sens à les contraindre à n’investir que dans des obligations de grande qualité mais à faible rendement! Ces institutionnels pourraient aisément réunir l’argent des petits épargnants et l’investir en partie en capital-risque. Heureusement, la Commission européenne prend conscience qu’elle pénalise ces
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"Le Private equity, un moyen de développer nos PME"
"Le private equity est un excellent moyen d'investir dans l'économie réelle et de développer notre tissu de PME", déclare Didier Beauvois, Head of Corporate Banking et membre du comité de direction de BNP Paribas Fortis. "En cela, il est complémentaire de l'actionnariat familial et de la Bourse. On peut y recourir à plusieurs moments de la vie d'une société; en général, il soutient des phases de transition ou la réalisation de projets, d'investissements concrets." Pourtant, le private equity (PE) ne représente encore, en Belgique, que 0,34% du PNB (avec une moitié d'investisseurs belges), contre 1% aux États-Unis. "Je suis persuadé que l'investissement en capital – traduction de l’expression ‘private equity’ – est appelé à se développer", reprend Didier Beauvois. "Il correspond très bien à notre tissu de PME, notamment familiales." Un profil-type? "Le PE finance souvent des entreprises bien implantées sur un marché de niche, et disposant de belles perspectives de croissance. Il leur permet de franchir un cap. Les dirigeants apprécient quant à eux le côté 'accompagnement' du PE, car les investisseurs apportent également leur expertise et leurs réseaux." Un soutien auquel s'attachent particulièrement les équipes de BNP Paribas Fortis, dont la connaissance approfondie du tissu économique et des mécanismes financiers s'avère souvent précieuse pour les sociétés, qu'elles soient des start-up, des scale-up, des entreprises familiales en situation de transmission-succession ou des firmes en restructuration. "En outre, nous avons choisi d'investir sur le long terme, en tant qu’actionnaire minoritaire, afin de devenir réellement un partenaire de l'entreprise", ajoute Didier Beauvois. “Nous participons aussi à des fonds liés à des universités et à des organismes de recherche, spécialement destinés aux entreprises innovantes, comme Imec et Qbic." Les résultats sont là: en moyenne, les entreprises bénéficiant de PE se montrent plus innovantes, plus enclines à investir en R&D, plus productives, et franchissent plus facilement les frontières. Conséquence logique: elles sont plus profitables pour leurs actionnaires. Cela illustre à quel point le PE, autrefois réservé aux grandes entreprises, est un outil remarquable, lorsqu'il est élargi aux PME, pour irriguer l'ensemble de l'économie. "Les investisseurs ont la satisfaction de placer leurs fonds 'dans du concret', de créer de la valeur, de l'activité, des emplois!", conclut Didier Beauvois. "Cerise sur le gâteau, leurs placements PE complètent parfaitement les placements 'classiques' qu'ils détiennent en portefeuille." ll
La Silicon Valley
investissements. Des changements sont imminents." La quête de financement n’est pas la seule raison qui pousse les scale-up à émigrer dans la Silicon Valley, remarque encore Sophie Manigart: "Elles y trouvent de l’expertise, des réseaux et de la main-d’œuvre de qualité. Sans compter qu’elles se rapprochent de leurs clients et de leurs fournisseurs. Il s’agit d’un package total d’’argent intelligent’. L’Europe doit faire davantage pour créer un écosystème similaire."
Instruments fantastiques Le professeur est un peu plus positif quant à la situation des starters. "Pour ce qui concerne la première opération de financement, la Belgique s’en sort bien, grosso modo." Il existe en outre des formules fiscalement intéressantes pour les petits entrepreneurs qui recherchent du capital de croissance, comme le prêt gagnant-gagnant en Flandre et le prêt "Coup de pouce" en Wallonie. "Ces instruments sont fantastiques mais malheureusement trop peu utilisés", déplore Sophie Manigart. "Peut-être par manque de notoriété ou de promotion." Pour l’épargnant moyen, cette forme de financement reste cependant risquée, souligne-t-elle encore. "Peu de gens acceptent l’éventualité de perdre une grande partie de leur mise. Les pouvoirs publics pourraient limiter les pertes par un régime de garantie, mais cela reste naturellement du capital-risque." ll
Didier Beauvois, Head of Corporate Banking et membre du comité de direction de BNP Paribas Fortis
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Épargnants et banquiers doivent faire leur "révolution culturelle" La Belgique est un pays d’épargnants, mais d’épargnants nettement défensifs. Mieux mobiliser l’épargne des Belges permettrait d’irriguer en profondeur l’économie de notre pays, et donc sa croissance. Un enjeu crucial pour l’avenir… et un moyen de trouver de meilleurs rendements, assurent en chœur Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis, et Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises (UWE).
Quelque 264 milliards d’euros sont parqués sur les comptes d’épargne des Belges, soit plus de la moitié de notre dette publique. De l’argent réinjecté dans l’économie, certes, mais ne pourrait-il pas l’être de manière plus dynamique, par exemple sous la forme de capital à risque? Reuter: Bien sûr, mais ce n’est pas si simple. Les trois quarts des PME wallonnes sont des entreprises familiales qui se portent plutôt bien. Leurs fonds propres sont inférieurs à la moyenne belge, mais elles préfèrent s’endetter plutôt que de faire appel au capital à risque car elles n’ont pas forcément envie que des agents extérieurs viennent s’immiscer dans leurs affaires. C’est regrettable parce que cela pèse sur les bilans. Les pouvoirs publics devraient s’en inquiéter, cela réduit les bases taxables! Et puis, près de 90% des 73.000 entreprises wallonnes occupent moins de 10 personnes. On observe souvent chez leurs dirigeants une volonté de ne pas dépasser une certaine taille. Ces deux facteurs freinent la demande de capital à risque et même de crédit, ce qui est mauvais pour l’économie.
IL EXISTE DE NOMBREUSES SOLUTIONS POUR FAIRE GLISSER L’ÉPARGNE TRADITIONNELLE VERS DES OBLIGATIONS OU DES ACTIONS. Max Jadot, CEO de BNP Paribas Fortis
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En matière de crédit, les banques ne portentelles pas une responsabilité? On les dit plus frileuses que par le passé... Jadot: Les banques font leur travail et notre pays n’est absolument pas en situation de credit crunch. Cela dit, nous autres, banquiers, nous avons un devoir de prudence: l’argent que nous prêtons ne nous appartient pas, il doit être remboursé. Les entreprises belges se portent généralement bien et honorent leurs échéances. En revanche, des domaines ciblés posent des problèmes, par exemple le financement à long terme de projets d’infrastructure. Il relève surtout des pouvoirs publics – État, Régions, communes, etc. – dont l’engagement est fortement limité par l’Union européenne. Une solution serait alors de financer par equity, mais dans ce cas, les banquiers doivent respecter des règles très strictes. Une autre piste à envisager est celle des fonds spécialisés, sur le modèle des fonds de pension. Il faut cependant tenir compte de deux éléments essentiels, la durée et le profil plus risqué de tels investissements. Signalons que les pouvoirs publics sont conscients de ces difficultés de financement des infrastructures. Un des groupes de travail du High Level Expert Group créé par le ministre des Finances leur est consacré. Reuter: Je suis administrateur au Ducroire, dont la mission est de contribuer à financer les exportations belges, dans sont rôle d’assureurcrédit. Et je regrette qu’il n’y ait pas un équivalent
”interne” de cette institution, pour aider à financer le développement du tissu économique ici, chez nous.
Vincent Reuter, UWE et Max Jadot, BNP Paribas Fortis
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Et pour ce qui concerne le financement de l’économie belge de manière plus générale? Jadot: Il existe de nombreuses solutions pour faire glisser l’énorme montant de l’épargne liquide “traditionnelle” vers des produits plus risqués, par exemple des actions. Cela revient à transformer une épargne à court terme en produits financiers à plus long terme. Ce n’est pas si compliqué que cela, beaucoup de pays, dont les Pays-Bas et la France, le font davantage que nous. Reuter: L’idée de mettre sur le marché des fonds d’investissement à risque associés à des avantages fiscaux – sur le modèle des fonds de pension – est intéressante, mais on doit garder une cohérence d’ensemble. Si, à l’échelon fédéral, on veut favoriser le financement des entreprises avec des avantages fiscaux, pourquoi doubler le précompte mobilier en quelques années, taxer les boni de liquidation et certaines plusvalues? Il en va de même au niveau régional. Le prêt “Coup de pouce” est une bonne idée mais il est assorti de nombreuses conditions à respecter. Cette absence de cohérence générale génère de l’incertitude, et ce n’est jamais bon. Jadot: Les entreprises doivent disposer de suffisamment de fonds propres pour bien se porter. Et même pour démarrer, on l’oublie parfois. Si le développement des entreprises est freiné, cela signifie moins de croissance, de prospérité et d’emploi.
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LES ENTREPRISES WALLONNES PEINENT-ELLES À TROUVER DU CAPITAL À RISQUE ET DU CRÉDIT? J’EN DOUTE. Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises (UWE)
Vincent Reuter
Il est difficile de construire une économie de services sans un socle industriel. Et inversement. La recherche, l’innovation et l’exportation sont les piliers de la politique industrielle. C’est là qu’il faut financer.
Max Jadot
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On crée trop peu d’entreprises en Wallonie? Faut-il mieux accompagner les créateurs? Reuter: On ne crée pas assez d’entreprises. Cela dit, proportionnellement, la Flandre n’en voit pas naître plus, mais notre “mortalité infantile” d’entreprise est plus élevée. Probablement en partie à cause de l’insuffisance de fonds propres. Pour le reste, renforçons ce qui marche bien, comme les pôles de compétitivité du plan Marshall (des PME à 75%). Ce sont les futurs points d’ancrage de la politique industrielle wallonne. Jadot: J’insiste beaucoup sur l’accompagnement. Nous, banquiers, nous devons accentuer nos efforts en faveur de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Voyez les nombreuses initiatives que nous avons prises: starter coaching,
création de Co.Station, innovation hubs... C’est quasiment une révolution culturelle! Le lien avec les universités doit également être renforcé. Lorsqu’il était Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker a dit: “Un pays qui n’a pas d’industrie, ce n’est pas un pays.” Alors même que les services représentent plus de 85% de l’économie luxembourgeoise. Faut-il réindustrialiser la Wallonie? Jadot: Jean-Claude Juncker a sans doute voulu dire qu’il faut un équilibre. Je pense qu’il a raison. Il faut des entreprises dans tous les secteurs d’activité, des sociétés de pointe, des firmes qui exportent. Reuter: Pour moi, il faut réindustrialiser! En 2008, l’industrie représentait 16 à 17% de l’économie wallonne; elle pointe à 13% aujourd’hui.
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Quel argument choisiriez-vous pour convaincre le Belge d’investir davantage dans des placements “à risque”? Reuter: Max Jadot a parlé de révolution culturelle. Cela vaut aussi pour l’épargnant, qui doit mieux comprendre les mécanismes qui soutiennent l’économie: à quoi sert l’investissement, comment fonctionnent les entreprises, quel est le rapport entre rendement et risque? Dans le fond, c’est de la pédagogie, et cela devrait commencer à l’école. Jadot: C’est vrai. Pour que l’épargnant investisse, il doit disposer d’un bagage de connaissances. Il faut aussi un cadre réglementaire – la directive MiFID en est un exemple – et de la patience, car l’investissement dans le tissu économique ne porte ses fruits que dans la durée. L’épargnant doit comprendre que sans risque, il n’y a pas de rendement, mais que la diversification permet de réduire le risque. ll
L’échec est une option Aucun parent qui apprend à son enfant à rouler à vélo ne lui dit après sa dixième chute: "Arrête. Tu n’y arriveras jamais, de toute façon." Au contraire, vous laissez l’enfant prendre des risques limités. Et s’il tombe à nouveau? Vous l’aidez à se corriger et l’encouragez à recommencer. Pour les jeunes enfants, l’échec fait simplement partie de l’apprentissage. Or, cette attitude change subitement à leur entrée à l’école primaire. Là, il y a l’instituteur armé d’un stylo rouge, qui se concentre uniquement sur ce qu’un enfant ne parvient pas à faire. Ce phénomène se reproduit partout. Auparavant, mes enfants regardaient une série télévisée qui avait pour slogan: "Échouer n’est pas une option". Comment s’étonner, dans ces conditions, que les Belges n’osent pas prendre de risques? Que la peur de l’échec soit si grande? Que ceux qui s’engagent dans l’entrepreneuriat s’entendent dire qu’ils sont responsables de leur malheur – et qu’ils y ont précipité toute leur famille? Que nous incitions les jeunes à forcément débuter leur carrière en tant que salariés? Mais pourquoi, en fait? Malgré tous les filets de sécurité dont nous disposons dans notre pays, la crainte du risque est profondément ancrée dans nos esprits. Je connais un entrepreneur qui n’osait même pas assister à nos présentations sur les faillites: "Et si mon banquier est dans la salle?" Aux États-Unis, il en va tout autrement. Les filets de sécurité y sont certes beaucoup moins développés… mais il en va de même de l’aversion au risque. Les investisseurs y disent aux entrepreneurs: "Excellente idée. Accumulez d’abord un peu d’expérience. Et lorsque vous aurez surmonté quelques faillites, nous en reparlerons." En Belgique, une faillite vous place sur une liste noire; aux États-Unis, elle est une preuve précieuse que l’on a grandi. Conséquence? Les entreprises se développent beaucoup trop lentement chez nous. Nos start-up sont réduites en miettes par des concurrents internationaux qui osent. Être le meilleur en Belgique ne suffit plus: si un plus grand concurrent arrive sur le marché français ou néerlandais, il inondera également la Belgique. Nous devons donc grandir davantage et plus vite. Et dans la course pour être le premier ou le plus grand, il faut oser. Sans quoi la bataille est perdue d’avance. Pour annihiler cette aversion typiquement belge au risque, il faut en discuter. Lors des "Faal Follies", les soirées thématiques que nous organisons sur ce thème, des gens témoignent de leur faillite. Constat étonnant: si les Belges s’attribuent rarement les mérites de leur réussite, un échec est toujours de leur faute. Que révèlent ces témoignages? Une fois les émotions dissipées, l’échec est tout simplement une très bonne école. Malgré les difficultés financières, le sentiment de honte et les coups portés à la confiance en soi, nos interlocuteurs referaient tous la même chose s’ils pouvaient remonter le temps. Car l’expérience en vaut la peine. Comme l’a dit un entrepreneur: "Auparavant, j’étais arrogant au point de croire que j’étais capable de tout faire. Aujourd’hui, je sais que je dois m’entourer de gens qui sont plus compétents que moi dans certains domaines." Le renversement est en cours. Il n’est plus aussi difficile de trouver des orateurs pour nos conférences sur les faillites. Leurs histoires sont reprises plus largement dans les médias, et ceux-ci évoquent désormais les échecs qui ont précédé chaque succès. Les pouvoirs publics lancent des initiatives. Le processus est lent, néanmoins. Si je pouvais changer une seule chose, je demanderais à tous les instituteurs d’abandonner leur stylo rouge. Je leur donnerais un stylo vert pour mettre en évidence tout ce qui est bon. Je ferais en sorte que les enfants apprennent très tôt que chaque réussite – dans sa vie privée, dans le sport ou dans une entreprise – est précédée d’échecs dont on s’est relevé. ll Karen Boers, Startups.be
SI LES BELGES S’ATTRIBUENT RAREMENT LES MÉRITES DE LEUR RÉUSSITE, UN ÉCHEC EST TOUJOURS DE LEUR FAUTE.
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