Envue n°30: Entreprise durable, famille durable

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30 U N E I N I T I A T I V E D ’ E Y E N PA R T E N A R I A T A V E C E C H O C O N N E C T E T T I J D C O N N E C T | 1 3 M A R S 2 0 1 5

Faire affaire par-delà les générations

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Alcopa, une charte familiale pour la génération suivante.

« Nous ne prêchons plus dans le désert »

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Interview de Dominique Moorkens (FBNet Belgium), Lutgart Van den Berghe (Guberna), Sophie Velge (FBNet Belgium), Eric Van Hoof (EY) et Sibylle du Bus (Guberna).

10 La pérennité de l’actionnariat et de la direction

La recette d’une entreprise familiale forte

À quels conseil lers faites-vou s le plus confi Famille ance ? Hors famille

Parents 75%

Comptable ou

70%

Avocat

60%

Collègue

Époux/épouse

Comment Cosucra s’est réinventée plusieurs fois.

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Membre de la dans l’entrepr famille ise

auditeur 70% 63% 62%

84% d’accord

Conseiller finan cier

Je suis fier 81% de ma famille.

60% Consultant 50%

Je me soucie beaucoup de ma famille.

Banquier

81% d’accord

48% Actionnaire exte rne

© Wim Kempenaers

47%

Entreprise durable, famille durable Des questions sur ce sujet ? Vous souhaitez également consulter ce dossier en ligne ? www.lecho.be/envue

Quand un modèle d’entreprise suranné devient l’archétype du capitalisme responsable et durable : les entreprises familiales n’ont jamais été aussi populaires. En Belgique, elles fournissent 45 % de l’emploi et représentent un tiers de la richesse totale. Leur accent sur le long terme leur a permis de survivre à la crise économique et financière. Mais cette médaille a un revers. Les entreprises familiales sont souvent des foyers potentiels de conflits et de divergences de caractère, des châteaux forts hermétiquement clos qui refusent obstinément tout regard extérieur. Pourtant, la bonne gouvernance trouve lentement mais

sûrement sa voie dans les entreprises familiales. Des dispositions écrites sont de plus en plus intégrées dans des chartes, des personnalités externes et indépendantes se voient offrir un siège au conseil d’administration, les membres de la famille débattent et philosophent dans le cadre d’un conseil familial. On prend conscience que la bonne gouvernance ne concerne pas uniquement l’entreprise, mais aussi la famille. D’où ce cahier, qui approfondit la situation et l’avenir des entreprises familiales en Belgique. Où en est votre entreprise en matière de corporate governance ? Et votre famille ?


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CHARTE FAMILIALE

Préambule

SUPPLÉMENT en collaboration avec EY

LA CORPORATE GOVERNANCE DANS LES ENTREPRISES FAMILIALES

Ancienne école Après avoir été longtemps considérées comme dépassées, les entreprises familiales ont à nouveau le vent en poupe. Un regain d’intérêt pour leur actionnariat à long terme, qu’elles doivent surtout à la façon exemplaire dont elles ont résisté à la crise financière. Cette résilience est entièrement attribuable aux caractéristiques des entreprises familiales. Elles investissent généralement sur fonds propres, ne prennent pas de risques exceptionnels pour garantir du rendement à court terme à leurs actionnaires, et réfléchissent en termes de générations, pas de trimestres. Pour autant, elles sont également confrontées à des défis spécifiques. Pour paraphraser Tolstoï, « les entreprises familiales heureuses se ressemblent toutes ; les entreprises familiales malheureuses le sont chacune à Les entreprises leur façon ». Comme le défamiliales montre note investissent table-ronde, il souvent sur fonds est préférable propres, et de prendre des dispositions réfléchissent en claires avant termes de que celles-ci ne générations, pas s’avèrent néde trimestres. cessaires, afin de préserver de bonnes relations entre la famille, le conseil d’administration et la direction. La charte familiale et le conseil familial en font partie. Naturellement, ces dispositions ne peuvent se transformer en corset. Il faut conserver suffisamment de flexibilité pour laisser aux membres de la plus jeune génération la possibilité d’apporter leurs propres idées. L’importance croissante de la durabilité en est un bel exemple. Les entreprises familiales resteront ainsi parfaitement en phase avec les évolutions sociales.

« Nous ne prêchons plus dans le désert » Les entreprises familiales en sont de plus en plus conscientes : les principes de bonne gouvernance concernent autant l’entreprise que la famille. Des dispositions claires sur les relations entre les actionnaires, le conseil d’administration et la direction permettent non seulement de prévenir les conflits, en particulier lorsque les branches de la famille s’éloignent nettement du tronc, mais aussi d’obtenir de meilleurs résultats.

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«

Rudi Braes, managing partner d’EY Belgique

Colophon Une initiative d’EY Eric Van Hoof - EY Réviseurs d’Entreprise Stefan Olivier - EY Réviseurs d’Entreprise Wout Coppens - associé EY Tax Consultants Erik Van den Brempt - director EY Transaction Advisory Services Editeur responsable : Marc Cosaert, associé EY Transaction Advisory Services Coordination EY : Anne-Sophie Jaspers

l y a 50 ans, les entreprises familiales étaient encore associées à un modèle de gestion obsolète, peu professionnel », indique Sophie Velge, CEO de FBNet Belgium, un réseau qui regroupe les principales entreprises familiales belges. « Aujourd’hui, on voit en elles un capitalisme responsable et durable. » Cela dit, même pendant les années où elles ont pu paraître dépassées, les entreprises familiales ont toujours conservé un poids important dans l’économie belge. Aujourd’hui, elles prennent à leur compte 45 % de l’emploi total et créent environ un tiers de la richesse générée chaque année dans notre pays. Leur regain de popularité actuel est à mettre au crédit des leçons que nous avons tirées de la crise économique et financière, affirme Lutgart Van den Berghe, Executive Director de Guberna, l’Institut belge des administrateurs. « Avant 2008, le modèle idéal rassemblait un grand nombre de petits actionnaires qui ne pouvaient influencer le cours de Bourse individuellement. Il en résultait une forte liquidité, mais aussi et surtout – comme la crise l’a démontré – un manque de contrôle par ces mêmes actionnaires. Aujourd’hui, nous avons un retour de balancier : ce sont les actionnaires actifs, engagés pour le long terme, qui ont la cote. Les entreprises familiales cotées en Bourse, avec leurs insiders à qui l’on reprochait de ne penser qu’à leur

www.ey.com/be/envue Suivez EY sur twitter: twitter.com/EY_Belgium Tél.: 02 774 91 11 Une réalisation de Mediafin Publishing Coordination : Tim De Geyter, Veronique Soetaert Rédaction : Mediafin Lay-out : Christine Dubois Photographes : Wim Kempenaers, Tom Verbruggen, Shutterstock Info ? publishing@mediafin.be CONNECT

propre portefeuille, sont désormais l’exemple à suivre. » Autour de la table, les hochements de tête se multiplient. Y compris chez Dominique Moorkens, président de FBNet Belgium et longtemps directeur du géant automobile anversois Alcopa, Eric Van Hoof, spécialiste des entreprises familiales chez EY, et Sibylle du Bus, Business Development Director chez Guberna. Les entreprises familiales ne pensent pas qu’à la valeur actionnariale, souligne Sophie Velge. « Elles cultivent des liens étroits avec un personnel qui s’est souvent développé avec elles, et sont profondément ancrées dans leur communauté. » Pourtant, les entreprises familiales n’exploitent pas toujours l’ensemble des ressources dont elles disposent. Une enquête de FBNet démontre que seul un maigre pourcentage d’entre elles dispose d’une charte ou d’un conseil familial. La première est une sorte de constitution sur laquelle on peut se reposer en cas de discussions ; le second est à la famille ce que l’assemblée générale est à l’entreprise familiale. La bonne gouvernance familiale n’est-elle pas une priorité pour les entreprises familiales ? Lutgart Van den Berghe : « Même si ce pourcentage s’avère très réduit, il faut noter l’augmentation en termes absolus. Lorsque nous tentions de convaincre ces entreprises


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de l’importance de la bonne gouvernance voici 20 ans, nous prêchions souvent dans le désert. Les nombreuses questions spontanées que nous recevons aujourd’hui prouvent l’ampleur du chemin accompli. » Eric Van Hoof : « Nous recevons nous aussi un nombre croissant de demandes de conseils, notamment parce que les entreprises familiales sont plus attentives à la gestion des risques. Beaucoup d’entrepreneurs familiaux siègent également aux conseils d’administration d’entreprises cotées en Bourse, où cet aspect est souvent à l’ordre du jour. Cela les a incités à réfléchir à leur propre gestion des risques, ce qui a parfois soulevé des questions relatives à la gouvernance familiale. »

« Une charte familiale rédigée dans une atmosphère conflictuelle ne laisse jamais le bénéfice du doute. » Lutgart Van den Berghe, Executive Directior de Guberna

© Wim Kempenaers

Chaque entreprise familiale a-t-elle besoin d’une charte familiale ? Sophie Velge : « Tout est fonction de la phase dans laquelle se trouve cette société. Au sein de la première génération, un fondateur cumule les rôles d’actionnaire, de gestionnaire et de pater familias. Au niveau de la deuxième génération, beaucoup dépend de l’entente entre les enfants. Cela dit, dès que l’on arrive à la troisième génération, la situation est nettement plus complexe et il est préférable de définir clairement les règles du jeu. » Sibylle du Bus : « De manière générale, les entreprises familiales sont sensiblement plus réactives que les entreprises traditionnelles parce que le capital et le pouvoir de direction sont entre les mêmes mains. Il est cependant essentiel que des règles soient définies, à la fois pour l’entreprise et pour la famille proprement dite. Cela réduit les tensions internes et accroît la crédibilité de l’entreprise, surtout vis-à-vis du monde extérieur. Ces règles favorisent également un climat de confiance entre la famille, la direction et les collaborateurs. » Lutgart Van den Berghe : « Le succès de l’introduction des principes de gouvernance d’entreprise au sein d’une société familiale est très influencé par la maturité de la personne qui en tient les rênes. Le pater ou la mater familias doivent être suffisamment mûrs. On retrouve trop d’exemples de chefs d’entreprise qui reviennent le samedi sur ce que le conseil d’administration a décidé le vendredi. Dans ce cas, il est difficile de parler de maturité. » Les familles n’ont-elles pas tendance à n’envisager des dispositions écrites que lorsqu’elles en ont besoin ? Lorsqu’un conflit dégénère, par exemple ? Eric Van Hoof : « C’est vrai. Pourtant, remar- >


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> quons que l’on parle désormais plus rapidement de gouvernance familiale. Chacun en comprend la valeur ajoutée dans l’optique d’un transfert réussi à la génération suivante. Dans de telles situations, il est préférable de commencer par les points qui font l’unanimité. Il est aussi important de respecter les valeurs de l’entreprise. Il peut en découler une discussion sur la structure destinée à préserver au mieux ces valeurs. Cela rapprochera les intéressés et permettra de s’attaquer ensuite aux problèmes à l’origine du conflit. » Lutgart Van den Berghe : « Les dispositions prises dans une situation de défiance sont très différentes de celles qui ressortent lorsque la confiance règne. Une charte rédigée dans une atmosphère conflictuelle ne laisse jamais le bénéfice du doute. » Sibylle du Bus : « Il est préférable de rédiger une charte lorsque les circonstances sont favorables, par exemple en profitant d’une bonne conjoncture économique ou avant le prochain changement de génération. La manière dont les choses se passent ensuite découle des aspirations et des attentes de la famille. Et non seulement celles-ci changent d’une famille à l’autre, mais elles évoluent avec le temps. L’arrivée de nouvelles générations modifie l’actionnariat. Et, bien entendu, l’entreprise ne cesse jamais d’évoluer. » Dominique Moorkens : « C’est un exercice qui doit intervenir dans la famille. À mes yeux, le processus est plus important que le résultat final. Il peut facilement s’écouler deux à trois ans avant d’atteindre la maturité requise pour que tous les sujets puissent être abordés. »

« Le conseil familial peut contribuer à ce que tout le monde se réunisse pour réfléchir au cap de l’entreprise. » Eric Van Hoof, associé chez EY

Eric Van Hoof : « Effectivement. Il est parfois préférable de mettre certains sujets de côté, parce qu’ils sont très conflictuels ou difficiles à aborder dans les circonstances existantes. » Un exemple ? Eric Van Hoof : « Il est difficile d’expliquer à un membre de la famille que ses performances ne sont pas suffisantes dans un certain rôle et qu’il serait plus à sa place dans une autre fonction, voire en dehors de l’entreprise. Des tests peuvent se montrer indispensables, et il faut prendre suffisamment de temps pour convaincre cette personne qu’elle devrait peut-être envisager un autre rôle. » Et si la famille n’y parvient pas ? Sophie Velge : « Impliquez une partie indépendante, capable de dépasser les émotions et d’aider à trouver

« Les entreprises familiales sont aujourd’hui le symbole d’un capitalisme durable, responsable. » Sophie Velge, CEO de FBNet Belgium


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une solution objective. Ce peut être une société spécialisée, un administrateur externe, un consultant, un fiscaliste, voire une psychologue. »

« Quand une entreprise parle d’une seule voix, ce n’est pas dû au hasard. C’est le résultat d’un dur labeur. » Sibylle du Bus, Business Development Director chez Guberna

Les dispositions de bonne gouvernance familiale doivent-elles être gravées dans le marbre ? Sophie Velge : « Au contraire, c’est un exercice auquel devra se prêter chaque génération. Chez le spécialiste de la technologie de l’acier Bekaert, dont je suis un actionnaire familial, nous en sommes aujourd’hui à la quatrième et à la cinquième générations. Lors de nos rencontres, nous discutons de vision et de valeurs, et celles-ci varient sensiblement en fonction des générations. Pour la cinquième, il est essentiel que la stratégie de l’entreprise garantisse ses performances financières. Les jeunes sont plus attentifs à ce qui se joue dans le monde et veulent créer de la valeur financière et sociale. Ils sont un peu plus idéalistes, comme certains d’entre nous l’étaient sans doute à cet âge. » (Rires) Dominique Moorkens : « Les règles sont souvent fixées sur la base d’un conflit antérieur. Une génération plus tard, elles pourraient être dépassées et il faudra reconstruire la charte familiale sur d’autres fondations. »

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CHARTE FAMILIALE

Toutes les branches ne veulent pas nécessairement rester reliées au tronc de l’entreprise familiale. Une charte familiale peut-elle également définir ce qui doit advenir dans ce cas ? Lutgart Van den Berghe : « La valorisation des actions est un point extrêmement délicat, surtout pour les entreprises cotées en Bourse. Ceux qui vendent trouvent le prix trop bas et ceux qui achètent ont l’impression de payer trop cher. Cela explique l'entrée en Bourse de certaines en-

« L’unanimité n’est pas le fruit du hasard » « Pour de nombreuses entreprises familiales, la devise ‘Pour vivre heureux, vivons cachés’ est sacrée », reconnaît Sibylle du Bus, Business Development Director chez Guberna, l’Institut belge des administrateurs. « Elles n’aiment pas parler de leur cuisine interne. » Il est dès lors difficile de savoir exactement ce qu’accomplissent les sociétés familiales en matière de bonne gouvernance. Pourtant, on ne peut nier qu’une professionnalisation soit en cours. « Même les petites entreprises cherchent à accroître la synergie entre les individus, l’entreprise, la famille et les actionnaires », remarque Sibylle du Bus. « Nous recevons régulièrement des questions sur la façon de choisir, le plus objectivement possible, la personne qui défendra les intérêts de la famille dans l’entreprise. » Préserver la paix dans la famille et dans l’entreprise n’est pas toujours aisé, explique-t-elle. « Quand une famille parle d’une seule voix, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat d’un dur labeur. » La rédaction de la charte familiale exige ainsi un travail acharné. « Il est essentiel que cette charte canalise toutes les interactions entre les actionnaires familiaux et l’entreprise », poursuit Sibylle du Bus. « Elle doit définir la vision, les valeurs familiales, les objectifs financiers… mais aussi les rapports entre la direction de la famille et la direction de l’entreprise. » Il est préférable de rédiger ce type de charte le plus tôt possible. « Il faut fixer les règles in tempore non suspecto. Malheureusement, il arrive souvent qu’une entreprise ne prenne conscience de l’importance d’une charte que lorsque le conflit a déjà éclaté. »

COMMENT RÉDIGER UNE CHARTE FAMILIALE ? Le conseil familial est l’endroit idéal pour rediscuter du contenu de la charte. En effet, cet organe inclut des actionnaires familiaux non actifs. Cela peut aider à étouffer tout départ de feu. La charte est le fruit d’un travail sur mesure. Chaque entreprise familiale a sa propre culture et ses propres sensibilités. Il s’agit d’éviter les tensions tout autant que d’accroître l’implication de la famille dans l’entreprise. Commencez par identifier les valeurs-clés. En quoi l’entreprise familiale se distingue-t-elle de l’entreprise moyenne ? Quels sont la vision et les objectifs à long terme de la famille ? Prenez le temps d’aborder tous les sujets dans une atmosphère ouverte. Les sujets délicats laissés au frigo sont source de nombreux problèmes par la suite. Un accompagnement professionnel peut être utile, à la fois lors de discussions et durant la transposition ultérieure des conclusions sur papier. Conférez à la charte un caractère juridiquement contraignant, comme le recommande le code de bonne gouvernance pour les entreprises non cotées en Bourse (« code Buysse »).



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> treprises familiales. Au moins, il existe alors un cours de référence objectif. » Et si l’entreprise familiale ne peut ou ne veut pas entrer en Bourse ? Lutgart Van den Berghe : « Certaines banques se spécialisent dans la valorisation d’entreprises non cotées en Bourse et créent un marché, entre l’offre et la demande. Elles envoient régulièrement aux actionnaires une liste des prix auxquels des parties sont disposées à acheter ou à vendre des actions. Certaines grandes entreprises ont même constitué une banque interne, qui rachète les actions et crée ainsi la liquidité nécessaire. » Qu’en est-il de la succession ? Au moment où le chef d’entreprise est prêt à passer le relais, ses enfants ont souvent la cinquantaine et ne sont peut-être plus aussi désireux de reprendre les rênes. Dominique Moorkens : « Une partie du problème tient au fait que nous nous trouvons face à une génération qui refuse de mourir. Les statuts devraient contraindre un président de conseil d’administration à quitter son poste à un certain âge, si possible avant 60 ans. On anticipe de cette façon les discussions, sans quoi la situation peut devenir insoluble. » Sophie Velge : « Chez FBNet Belgium, nous remarquons que notre programme Next Generation suscite un vif intérêt. Nos membres veulent préparer la génération suivante en lui permettant d’accumuler des connaissances, mais aussi en lui transmettant leur savoir-faire. Par l’entrepreneuriat, par exemple, ou

« Les administrateurs familiaux devraient être obligés de prendre leur retraite à un âge donné. » Dominique Moorkens, président de FBNet Belgium

© Wim Kempenaers

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encore via une expérience de management en dehors du cercle familial ou à l’étranger. » N’est-il pas extrêmement difficile, pour une entreprise familiale, de continuer à impliquer les membres de la quatrième génération ? Il s’agit finalement d’arrière-neveux et nièces. Eric Van Hoof: « Un conseil familial peut contribuer à ce que tout le monde se réunisse au moins une fois par an afin d’obtenir des informations et réfléchir au cap de l’entreprise. Nous voyons de plus en plus d’entreprises familiales mettre sur pied une plateforme de communication numérique réservée à leurs actionnaires. »

Sophie Velge : « C’est une question très complexe pour les entreprises familiales cotées en Bourse. Des règles strictes et détaillées empêchent les actionnaires familiaux d’obtenir des informations privilégiées. Ce n’est certainement pas toujours aisé. On trouve ainsi des membres de la famille qui sont administrateurs ou qui font partie du management et possèdent des informations qu’ils ne peuvent partager avec leurs conjoints ou leurs enfants jusqu’à ce qu’elles relèvent du domaine public. » Lutgart Van den Berghe : « Il n’existe pas de règles officielles concernant la communication autorisée entre une entreprise non cotée en Bourse et ses actionnaires. Il est donc d’autant plus important que l’entreprise fixe elle-même des règles. Quelles sont par exemple les informations que peuvent transmettre les membres de la famille actifs dans l’entreprise aux actionnaires familiaux passifs ? » Eric Van Hoof : « Tout à fait d’accord, car il existe une zone grise potentiellement dangereuse. Imaginez qu’une entreprise familiale non cotée en Bourse prévoie une émission d’obligations. Dans ce cas, il peut même être question de délit d’initié. »

« Dans les entreprises familiales, certains ont plusieurs casquettes » « Une entreprise familiale doit concilier les intérêts de trois parties : la famille, l’entreprise et les actionnaires », énumère Sophie Velge, CEO de FBNet Belgium, un réseau de grandes entreprises familiales belges. « Chacune a ses propres objectifs. La famille veut l’unité, l’harmonie et le respect mutuel. Pour l’entreprise, les finalités sont plus économiques et financières, comme le rendement et la productivité. Les actionnaires, enfin, veulent voir leur patrimoine s’accroître. » Avec une charte familiale, vous pouvez préserver l’équilibre de ces intérêts par l’adoption d’une série de règles. « Lorsqu’un problème se pose, par exemple un membre de la famille qui n’est pas suffisamment performant dans l’entreprise, celle-ci dispose d’une procédure pour le résoudre », illustre Sophie Velge. « Pour commencer, il

existera des critères clairs auxquels devront satisfaire tous ceux qui désirent jouer un rôle de dirigeant : détenir deux diplômes, parler trois langues et avoir au moins quatre années d’expérience à l’étranger, par exemple. Une telle objectivation réduit sensiblement le risque de tensions familiales. » Les parents portent plusieurs casquettes et doivent établir une distinction stricte entre les intérêts de la famille et ceux de l’entreprise, poursuit la CEO de FBNet Belgium. « Si les performances de votre fils ou de votre fille au sein de la société paraissent insuffisantes, vous devrez peut-être porter votre casquette de chef d’entreprise et lui indiquer qu’il est préférable d’aller travailler ailleurs. Ensuite, vous enfilerez votre casquette de parent et l’aiderez à trouver une carrière qui lui corresponde davantage. »

AVANTAGES DE LA CHARTE FAMILIALE Elle crée de l’unanimité, car on recherche un consensus auquel chacun adhère. Elle prévient les conflits, parce que les règles du jeu sont claires pour tout le monde. C’est typiquement le cas en matière de politique du personnel et de dividende, qui pourrait autrement engendrer disputes et frustrations. Elle fixe les circonstances dans lesquelles des actions peuvent être cédées. Elle délimite la répartition des tâches et les compétences. Elle ontribue à la formation d’une image professionnelle, très utile face aux banquiers et aux financiers. Elle peut ouvrir la porte à des administrateurs externes qui ajoutent de la neutralité et de l’objectivité. La possibilité de revoir la charte à intervalles réguliers autorise les nouvelles générations à faire entendre leur voix et permet ainsi de les impliquer davantage.


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LA FAMILLE AUX COMMANDES

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Transmettre une entreprise familiale aux générations suivantes ? Un travail de longue haleine qui nécessite des structures adaptées et des valeurs communes. Le témoignage de Frédéric Heymans (Alcopa).

ALCO PA, U NE CH ARTE FAMI LIALE PO UR LA G É N É RAT IO N SUIVAN T E

« La valeur de base, c’est la confiance » es statistiques concernant les entreprises familiales sont effarantes : 7 à 8 % seulement survivent à la troisième génération. » Frédéric Heymans préside le conseil des actionnaires familiaux (CAF) du groupe Alcopa, actif notamment dans l’importation et la vente de véhicules, la conception et la distribution de fournitures de bureau, mais aussi en partenariat sur d’autres métiers dans un souci de diversification. Fondée en 1937, la société a fait évoluer sa gouvernance en deux temps. À la fin des années 1990, un conseil d’administration est instauré, où chacune des six branches de la famille occupe un siège. « Ce système, qui fonctionnait bien, a montré ses limites lorsque les troisième et quatrième générations ont fait leur apparition, souligne Frédéric Heymans. En 2009, nous avons donc créé une structure pour les actionnaires : le CAF. »

Une question de psychologie

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Là où le conseil d’administration se concentre sur la conduite de l’entreprise, le CAF, qui regroupe sept représentants élus, se focalise sur l’actionnariat. « Ses missions sont multiples, précise son président. Il s’agit pour nous de parler d’une seule voix par rapport à la société : lorsqu’un actionnaire a une question à poser, il passe par le CAF. Ce conseil est également le garant de la liquidité entre actionnaires. Enfin, il met un point d’honneur à aider les générations futures à devenir des actionnaires vigilants et engagés, qui, pour certains, joueront un rôle opérationnel au sein d’Alcopa. »

« Nous nous sentons dépositaires d’un patrimoine que nous devons transmettre aux générations suivantes. » Frédéric Heymans, président du CAF d’Alcopa

Pourquoi cette volonté de rester à 100 % aux mains d’un actionnariat familial ? « Je pourrais vous donner les réponses classiques : cet actionnariat de long terme garantit un environnement favorable pour la performance et la rentabilité de l’entreprise. Tout ceci est vrai. Mais c’est aussi une question de psychologie : nous avons le sentiment d’être les dépositaires d’un patrimoine que nous devons transmettre aux générations suivantes dans le meilleur état possible. Cet élément n’existe pas dans une entreprise créée par une personne libre de toutes ses décisions. » Un esprit matérialisé dans une « charte familiale »… ou plutôt deux, dans le cas d’Alcopa. « Cette charte détaille les valeurs auxquelles nous croyons en tant qu’entreprise familiale. La première, datée du 23 mars 1996, traite de l’éthique et des valeurs promues par les actionnaires, règle les

La charte familiale en cinq étapes La charte familiale requiert un maximum d’attention et doit être adaptée à la famille. Elle se concentrera sur les valeurs familiales, la vision de l’avenir de l’entreprise, la direction, les possibilités de carrière et la rémunération des membres de la famille, ainsi que la propriété de l’entreprise. Pour travailler de manière structurée, il est préférable de prévoir cinq étapes.

1.

Détaillez la composition de la famille, ainsi que la structure et le fonctionnement de l’entreprise familiale. Déterminez les personnes impliquées dans chaque phase du processus.

2. Analysez la vision et la philosophie de la génération la plus âgée dans le cadre d’entretiens individuels. Sondez également l’attachement et l’implication de la jeune génération et sa capacité à élaborer une vision à long terme.

3. Discutez des thèmes qui seront abordés dans la charte. Elaborezles et consignez-les dans la charte.

4. Suscitez l’enthousiasme vis-à-vis du respect de cette « constitution familiale ». C’est une étape cruciale.


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LA FAMILLE AUX COMMANDES

En route pour une carrière d’entrepreneur à succès À peine 3 % des entreprises familiales dans le monde atteignent la troisième génération. Des attentes inadéquates entre parents et enfants, et un manque d’attention pour le développement des talents non techniques sont à l’origine de nombreux échecs. Pour réussir sur plusieurs générations, l’ADN familial est indispensable. Il inclut notamment le respect des valeurs propres à l’entreprise, une grande persévérance et une véritable mentalité d’entrepreneur. Cet état d’esprit est également nécessaire pour créer des opportunités et les traduire en innovations, en partenariats et en plusvalues financières et sociales. © doc

relations travail-famille, capital-famille, et pose les bases pour la constitution d’un véritable conseil d’administration avec comité d’audit, de rémunération, etc. Bref, tout ce qui nous unit en tant qu’actionnaires familiaux. La seconde charte date, elle, de 2009, au moment de la création du conseil des actionnaires familiaux. » Le défi est toujours renouvelé, cependant, avec une quatrième génération qui fait son entrée dans la gouvernance. « La valeur de base, c’est la confiance. La deuxième génération s’est montrée capable de donner les clés à la suivante de son vivant. La troisième génération a elle aussi vocation à se retirer à temps. Ce qui ne va pas de soi : au fil du temps, de moins en moins d’enfants ont des parents qui ont travaillé au sein de l’entreprise. Ces jeunes font leur vie, leur carrière, parfois partent à l’étranger avant de revenir en Belgique… Les transformer en actionnaires qui écoutent l’entreprise, la soutiennent, peut-être jusqu’à entrer au conseil d’administration, représente un vrai travail ! »

5. Dans une phase ultérieure, certains éléments de la charte devront être intégrés dans des documents contraignants sur le plan juridique. Pensez notamment au pacte d’actionnaires. La pratique apprend qu’une bonne « gouvernance familiale » a une influence positive importante sur les performances et surtout sur la continuité de l’entreprise familiale.

« Notre charte détaille les valeurs auxquelles nous croyons en tant qu’entreprise familiale. » Frédéric Heymans, président du CAF d’Alcopa

Lorsque la génération suivante se prépare à reprendre les rênes de l’entreprise, formation et encouragement sont très utiles. Surtout lorsque le futur entrepreneur doute de l’opportunité de suivre la voie tracée par ses parents. Dans un monde riche en opportunités, la génération suivante doit en effet trouver un équilibre entre ses intérêts et ses rêves d’une part, et les hypothèses parfois irréalistes de la famille d’autre part. Pour sa sixième année, l’EY NextGen Academy, auparavant connue sous le nom d’EY Junior Academy, y contribue par le biais d’une formation d’été unique et exclusive dans les meilleures écoles de management au monde. Pendant une intense semaine riche en séances orientées sur la pratique, de jeunes candidats-successeurs s’inspirent mutuellement afin de découvrir si l’entrepreneuriat – dans l’entreprise familiale ou non – est la bonne option pour eux. Que les participants aient déjà des projets concrets pour leur futur en tant qu’entrepreneurs ou veuillent simplement élargir leur réseau personnel de jeunes repreneurs d’entreprises familiales internationales, le programme EY NextGen les aide à explorer leurs centres d’intérêt, leur permet d’accélérer la réalisation de leur potentiel et les encourage à faire la différence par leur vision d’entrepreneur. Plus d’informations ? www.ey-nextgen.com

Wout Coppens associé EY Tax Consultants private client services wout.coppens@be.ey.com

Stefan Olivier associé EY Réviseurs d’Entreprise Private Growth Companies stefan.olivier@be.ey.com


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ENTREPRISES FAMILIALES DURABLES

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CO MM ENT COS UCRA S’E ST RÉ I NVE NTÉ E PLUS IE URS FO IS

« Il faut entretenir la flamme des actionnaires » Sucrerie industrielle à l'origine, Cosucra Groupe Warcoing, firme familiale hennuyère, a dû plusieurs fois se réinventer au fil des nombreux bouleversements qu'a connus la filière. bandonnant le sucre, Cosucra est devenue leader mondiale du marché des composés extraits de la graine de pois, indispensables à l'industrie alimentaire mondiale. La société, qui emploie 245 personnes, est dirigée par Jacques Crahay, entré dans l'entreprise à la fin des années 1980 et représentant de la cinquième génération.

A

Les entreprises familiales sont-elles condamnées à rester des PME ou des entreprises de taille intermédiaire ? Pas forcément. Même s'il est vrai qu'on trouve moins de sociétés familiales parmi les très grandes entreprises, et que le tissu économique belge est majoritairement constitué de PME familiales. Toutes tailles confondues, les familiales représentent 70 % de l'activité économique belge ! Le chemin naturel d'une entreprise est la croissance. Et son rythme de croissance ne tient pas à la structure de son capital, mais à la personnalité de son ou ses dirigeant(s). Certains entrepreneurs recherchent avant tout une expansion rapide. D'autres préfèrent prendre leur temps et consolider les acquis à chaque étape. Vous avez fait mentir le fameux dicton : « La première génération construit, la deuxième consolide, la troisième dilapide ». Comment la famille s'y est-elle prise pour assurer la pérennité de son actionnariat et de sa direction ? Le dicton n'est pas complètement infondé : le passage à la troisième, puis à la quatrième génération est souvent très délicat. La génération en place essaie généralement de garder le pouvoir économique et décisionnel

Jacques Crahay, CEO de Cosucra

le plus longtemps possible. Et plus largement, les successions au sein des firmes sont mal préparées : on s'en soucie beaucoup trop tard, alors que cela devrait s'étaler sur 5 à 10 ans. Une condition de la survie de l'entreprise est de rendre ce processus explicite, ouvert et transparent.

La société doit instaurer et entretenir des mécanismes permettant à la génération suivante d'être informée, formée et concernée. Notamment quand, comme chez nous, on arrive à une cinquantaine d'actionnaires, et que seulement cinq « familiaux » travaillent dans la société.

© Tom Verbruggen

Quels sont les atouts spécifiques des entreprises familiales ? À mon avis, c'est d'abord la confiance. Elle est généralement inhérente aux liens familiaux. En dehors de la famille, la confiance doit se construire. Et puis, il me semble qu'une entreprise familiale intègre forcément une vision à long terme, puisqu'elle est gérée dans la perspective d'une transmission de ce patrimoine à la génération suivante. Tout le contraire d'un actionnaire désireux d'obtenir une rentabilité rapide.


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ENTREPRISES FAMILIALES DURABLES

Family Business Award of Excellence

© Tom Verbruggen

Depuis l’an dernier, EY, Guberna et FBNet Belgium décernent conjointement le Family Business Award of Excellence. Ce prix récompense une entreprise familiale qui se distingue par sa bonne gouvernance, son engagement social et qui a trouvé le juste équilibre entre les valeurs familiales et la gestion de l’entreprise.

Le premier lauréat était Cosucra, une entreprise wallonne spécialisée dans le développement, la production et la promotion d’ingrédients naturels provenant de la chicorée et du pois. Le jury a loué la charte familiale détaillée, et notamment son attention pour les valeurs familiales et de l’entreprise, la stratégie à long terme claire et la composition du conseil d’administration, où siègent également des administrateurs indépendants. « Il arrive encore trop souvent que des entreprises familiales refusent tout regard extérieur », reconnaît Luc De Bruyckere. « Mais mon expérience et les études révèlent systématiquement que l’ouverture est la raison du succès des entreprises familiales. C’est ce que nous voulons mettre particulièrement en évidence avec ce prix. »

« Les entreprises familiales constituent la base, l’humus du tissu économique belge », explique le capitaine d’industrie Luc De Bruyckere, administrateur chez Guberna, connu pour sa carrière chez Ter Beke et ses mandats d’administrateur. « Les entreprises familiales se caractérisent par le fait que l'actionnariat est concentré au sein d'une même famille, ce qui garantit la continuité mais limite l’accès au marché des capitaux. C’est un modèle spécifique qui, comme chaque modèle d’entreprise, est le plus efficace lorsqu’il s’inscrit dans le prolongement de la stratégie de l’entreprise. » « Avec ce prix, nous voulons promouvoir les entreprises familiales qui incarnent parfaitement ce modèle. Nous sélectionnons des entreprises d’une certaine taille, entre les mains de la troisième génération au moins et dont l’actionnariat familial atteint au minimum 50 %. Nous nous intéressons surtout à l’alignement entre les valeurs de la famille et de l’entreprise, à l’engagement social et à la qualité de la gouvernance, aussi bien en tant que famille qu’en tant qu’entreprise, mais aussi à la qualité de la planification de la succession. »

Quelle est votre politique en la matière ? Nous avons eu une convention d'actionnaires jusqu'en 2004-2005. Ensuite, nous avons adapté notre gouvernance, en regroupant tous les actionnaires au sein d'une fondation. Une structure moins formelle que l'assemblée générale : une sorte de forum où la famille échange, s'informe, débat sur les financements, les partenariats, la stratégie au sens large. Là sont fixées les grandes orientations de l'entreprise en fonction des considérations économiques, bien sûr, mais aussi familiales et patrimoniales. Par exemple, nous réfléchissons à adopter une structure de holding coopérative de droit belge, pour élargir l'actionnariat. Nous examinons aussi les partenariats, devenus indispensables dans toute l'industrie, où le paysage ne cesse d'évoluer. Les personnes qui animent la fondation sont indépendantes du conseil d'administration, composé, lui, de dix membres : six issus de la famille, quatre de l'extérieur, dont trois indépendants. Je le précise, car je regrette vivement que les sociétés familiales rechignent à s'ouvrir aux administrateurs indépendants.

Luc De Bruyckere, président du Family Business Award of Excellence Pour plus informations ou pour inscrire votre société familiale à cette remise de prix, surfez sur www.familybusinessaward.be

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Trois des membres du conseil d’administration, dont le président, appartiennent également à la fondation ; ils font le lien entre les deux structures. Les flux d'informations réguliers permettent d'« entretenir la flamme » des actionnaires !

« Je regrette que les sociétés familiales rechignent à s’ouvrir aux administrateurs indépendants. » Jacques Crahay, CEO de Cosucra

Vous disposez également d'une charte d'actionnaires. Que stipule-t-elle ? Que les besoins de l'entreprise priment sur les besoins financiers des actionnaires. Et que le contrôle familial doit être maintenu aussi longtemps que possible. De plus, elle précise nos valeurs, nos processus de décision, notre représentation et ses évolutions possibles. Par exemple, nous maintenons une liberté d'entrée et de sortie, ce qu'on nomme la « micro-liquidité » du capital.

Comment les membres de la famille qui le souhaitent entrent-ils dans la société ? Notre règle, c'est qu'il doit y avoir un poste ouvert, qu'un appel à candidature doit avoir été lancé à l'intérieur comme à l'extérieur de la famille. Les administrateurs indépendants du conseil d’administration évaluent ensuite les candidatures, et la préférence familiale ne peut jouer qu'entre des candidatures de qualité équivalente. On demande également que le candidat dispose d'au moins cinq années d'expérience professionnelle hors Cosucra. On entend parfois « ma branche n'est pas représentée », mais de telles considérations ne sont pas prises en compte, puisqu'elles ne reposent pas sur la compétence.



SUPPLÉMENT en collaboration avec EY

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STRATÉGIE

P R OB L ÈM ES DE C ROISSA NCE DA NS LE S E NT RE PRISE S FAM ILIA LE S

De la croissance opportuniste à la croissance stratégique Les processus de succession à la tête des entreprises familiales de croissance sont inévitablement source de tensions entre l’expérience vécue et les visions novatrices. Le mode de gestion de ces conflits est un facteur déterminant dans le succès futur de l’entreprise.

’arrivée d’une nouvelle génération à la tête d’une entreprise familiale coïncide souvent avec le franchissement d’une étape dans sa croissance. La nouvelle génération a grandi avec une vision différente de la conduite de l’entreprise, et celle-ci exige une approche inédite pour poursuivre sa croissance.

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Un cycle de croissance parsemé de soubresauts Au départ, le succès de nombreuses entreprises familiales à succès est avant tout basé sur des partenariats ouverts et des acquisitions opportunistes. Ces entreprises sont devenues des PME d’une taille respectable au fil de rencontres dues au hasard, d’expérimentations réussies et d’acquisitions d’ampleur réduite. L’élément déclencheur d’une acquisition était souvent le constat qu’un concurrent était plus performant sur un autre marché. Il peut également être question d’opportunisme d’affaires lors de l’acquisition d’une entreprise en difficulté dans le secteur, ou d’un concurrent sans successeur dans la famille. Cela dit, copier aveuglément ces recettes du passé n’est pas une garantie de succès. Chaque phase de croissance entraîne son lot de défis. Défis externes, si la formule produit-marché éprouvée s’avère ne plus avoir autant de succès lors de la phase d’expansion. Défis internes, si la croissance a créé un amalgame de sociétés au sein duquel l’harmonisation nécessaire et les synergies potentielles n’ont pas encore été réalisées.

Le secret de la réussite : une vision transgénérationnelle axée sur les compétencesclés.

Dans ce contexte, il est également nécessaire de décrire et de documenter plus précisément le futur modèle opérationnel et d’affaires pour toutes les parties, dès le premier jour. Et ce, à la fois sur le plan organisationnel et pour ce qui concerne les objectifs finaux à atteindre. L’efficacité de l’intégration doit également faire l’objet de l’attention et du suivi requis. C’est la seule manière d’éviter la formation d’un groupe d’entreprises incohérent.

Innover à partir des expériences passées Dans une entreprise familiale de croissance, la nouvelle génération fait souvent face à une expérience éprouvée. Il n’est pas rare que celleci se heurte à la vision novatrice de la génération qui arrive. La solution consiste alors à privilégier l’harmonisation et la stabilisation de la

croissance, sans étouffer les formules à succès locales. Selon une enquête menée par Ernst & Young en 2012 auprès de 280 entreprises familiales dans le monde entier, une vision transgénérationnelle à long terme, axée sur les compétences-clés et non sur la diversification, est le principal facteur de succès. Il est alors crucial de pouvoir s’adapter rapidement à l’évolution du contexte d’affaires. Par ailleurs, les entreprises les plus performantes préfèrent toujours un financement sur fonds propres et bénéfices réalisés, même si l’accès au marché des capitaux prend une importance croissante.

Erik Van den Brempt director EY Transaction Advisory Services growth strategy, transaction diligence & integration erik.van.den.brempt@be.ey.com

Vers une croissance stratégique À un certain moment, il devient nécessaire de recadrer la proposition de valeur de l’entreprise. La croissance visée doit être soutenue par un choix plus clairement délimité de la plateforme interne ou externe de développement des produits et services. Par conséquent, les acquisitions se fonderont davantage sur une stratégie de croissance claire.

© Shutterstock


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LES FACTEURS DU SUCCÈS

SUPPLÉMENT en collaboration avec EY

P R É PAR EZ VOT RE ENTRE PRISE PO UR LA G É N É RAT IO N SUIVAN T E

La cohésion familiale, garante du succès de l’entreprise La Global Family Business Survey est une enquête de grande ampleur destinée à analyser la réussite de 1.000 entreprises familiales parmi les plus grandes au monde. En voici les cinq conclusions les plus marquantes.

1. La cohésion de la famille est la clé du succès On a souvent tendance à croire que les relations familiales doivent s’effacer devant le succès en affaires. Pourtant, les chiffres indiquent le contraire. Le principal enseignement de l’enquête est en effet l’étroite corrélation entre la cohésion familiale et la rentabilité de l’entreprise. Les entreprises familiales les plus grandes et les plus solides sont devenues et restées florissantes en se concentrant à la fois sur le renforcement de la cohésion familiale et sur la croissance rentable. Lorsque le curseur se déplace vers l’un de ces pôles, l’autre peut en souffrir. Les entreprises familiales qui ont le plus de succès sont celles qui ont su trouver l’équilibre optimal entre les deux, et se focalisent simultanément sur ces deux aspects. Les résultats de l’enquête ont permis à EY d’identifier les activités-clés qui contribuent le plus à la cohésion de la famille propriétaire : la durabilité et le family business-branding, c'est-à-dire l’accent mis sur le caractère familial de l’entreprise dans sa politique de communication. Résultat : une entreprise saine, florissante et axée sur l’avenir, et une famille à l’avenant, qui du reste est suffisamment attentive à la préparation de la génération suivante.

2. Faire la promotion des relations intrafamiliales L’enquête a sondé la solidité des relations familiales par le biais de questions telles que « À quels conseillers faites-vous le plus confiance ? ». 75 % des personnes interrogées ont répondu « mes parents », et 70 % « mon conjoint ou ma conjointe ». Parmi une liste d’affirmations sur la solidité des liens familiaux, deux ont obtenu les meilleurs scores : « Les membres de cette famille sont fiers d’y appartenir » (84 %) et « Les membres de la famille se soucient beaucoup les uns des autres » (81 %). Les ambitions de croissance des entreprises familiales ont également été sondées. Résultat : quelque 40 % des entreprises familiales les plus florissantes au monde ont l’ambition d’accroître leurs bénéfices de plus de 12 % par an.

La durabilité, l’ambition de croissance et le familybranding sont les clés de l’évolution de la rentabilité d’une entreprise familiale.

L’analyse des réponses révèle que la cohésion familiale a un impact positif sur les ambitions de croissance, lesquelles ont à leur tour ont un effet favorable sur la rentabilité. Bien entendu, cette rentabilité a tendance à consolider les relations familiales, ce qui engendre un cercle vertueux. L’enquête montre que les mesures les plus efficaces pour accroître la cohésion familiale sont la durabilité et le family-branding. Avec les ambitions de croissance, ces deux facteurs sont responsables de quelque 35 % de l’évolution de la rentabilité.

3. Ancrez la durabilité dans votre entreprise L’enquête prouve que la durabilité est non seulement positive pour la rentabilité, les parties prenantes et l’environnement, mais a également un impact positif sur la cohésion familiale. Une entreprise durable est plus à même de rebondir après un contrecoup, ce qui a tendance à resserrer les liens familiaux. La durabilité favorise également l’efficacité opérationnelle, réduit la production de déchets et permet une plus grande différenciation des produits, autour de facteurs qui ont un impact positif direct sur la rentabilité. En élevant la durabilité au rang de priorité, l’entreprise familiale démontre qu’elle opte pour le long terme et se préoccupe de la qualité de vie des travailleurs et des membres de la famille. De ce fait, ces derniers s’impliquent davantage dans les activités de l’entreprise et dans la famille. Cet aspect est surtout important pour les membres de la famille qui ne sont pas directement impliqués dans la gestion quotidienne de l’entreprise.

La durabilité a également un impact sur l’investissement des collaborateurs et la loyauté des clients. L’enquête démontre que les consommateurs sont prêts à payer plus pour les marques qu’ils perçoivent comme durables.

4. Présentez votre entreprise sur le marché comme une entreprise familiale En utilisant son image dans les actions de marketing, la publicité et d’autres formes de communication internes et externes, la famille montre sa confiance en elle. L’enquête révèle que la cohésion des plus grandes entreprises familiales du monde est imputable à concurrence de 20 % aux effets combinés de la durabilité et du family business-branding. Le family-branding est également une tendance qui a le vent en poupe : 76 % des entreprises se présentent parfois comme des entreprises familiales dans leur communication, 51 % le font régulièrement. La raison la plus souvent citée est que la famille s’identifie énormément à l’entreprise et estime que celle-ci représente une part importante de l’identité familiale. Notre enquête démontre que le family-branding favorise également la loyauté des consommateurs. Quelque 30 % des clients préfèrent des produits et services d’entreprises familiales, et 65 % d’entre eux ont une opinion positive des entreprises familiales. Le family-branding relie la famille à l’identité de l’entreprise et cultive le sentiment de fierté. Il montre


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LES FACTEURS DU SUCCÈS

SUPPLÉMENT en collaboration avec EY

La recette d’u n

e entreprise fa miliale forte

UNE GRANDE COHÉSION ET BEAUCOUP D E CONFIANC E À quels conseille rs faites-vous le plus confiance ?

Famille

Hors famille

Parents 75 %

Comptable ou

Époux/épouse Membre de la dans l’entrepr famille ise

84 %

Je me soucie

Avocat

60 %

Collègue

63 % 62 %

Conseiller fin ancier

Je suis fier 81% de ma famille.

d’accord

auditeur 70 %

70 %

60 %

Consultant

50 %

Banquier

beaucoup

81 %

de ma famille.

d’accord

48 %

Actionnaire ex terne

47 %

Ecclésiastique

également l’attachement de l’entreprise au patrimoine de la famille et garantit que la famille restera au centre des préoccupations de l’entreprise à l’avenir. Ce qui favorise la confiance, surtout celle de la génération suivante.

44 %

5. L’accent sur l’avenir et la prochaine génération

AMBITIE TOT

OEI AMBITIONGR S DE CROISSA NCE & SUCCÈS

EN AFFAIRES De combien de pour cent vos bénéfices chvoulez-vous faire croître aque année ? Moins de 5 % de croi ssance 14 %

Entre 6 et 8 % Entre 9 et 11 %

ACCENT SUR LA Êtes-vous d’acco rd avec les affirmat ions

Entre 12 et 14 %

31 %

9%

Entre 15 et 17 %

15 %

23 %

Entre 18 et 20 %

8%

DURABILITÉ FAMILY-BRA ND

suivantes ?

J’aspire à la du rabilité Je valorise un e qui fait preuve attitude d’éthique Je me soucie de l’environn ement

78 % 78 % 77 %

ING

Vous présentezvous comme une entreprise familiale da ns votre commun ication ? La plupart du

temps ou tout le temps 50 %

Parfois 25 % Rarement, vo ire jamais

Le signe “plu s” sur les petit es flèches sign facteur de su ifie que cet in ccès. grédient am

25 %

éliore un autr e

Étude : Global Family Business Survey La Global Family Business Survey se base sur des informations relatives à 2.400 entreprises familiales parmi les plus florissantes au monde. La base de données contient des informations sur les plus grandes entreprises familiales des 21 grands marchés du monde, dont la Belgique. Au sein de cette liste, Valid Research, un institut de recherche indépendant, a interrogé au moins 25 entreprises familiales par pays. En d’autres termes : l’enquête tient compte des réponses de plus de 1.000 entreprises familiales parmi les plus grandes et les plus anciennes au monde.

Les entreprises familiales savent que la préparation de la succession est vitale à l’avenir de leurs activités. Pourtant, la planification de la succession ne figure pas toujours en tête de liste. Les statistiques prouvent que le changement de génération reste le principal risque pour la continuité d’une entreprise familiale, et que la grande majorité d’entre elles ne parviennent pas à le gérer efficacement. On le sait : 70 % des entreprises familiales font faillite avant la deuxième génération. Et seules 10 % d’entre elles atteignent la troisième génération. Les entreprises familiales caractérisées par une grande cohésion s’attellent plus souvent à la préparation de la génération suivante. Les entreprises familiales de la troisième génération ou d’une génération postérieure ont appris à impliquer et à former la génération suivante. Elles savent qu’il ne s’agit pas uniquement de préparer un successeur. Qu’il faut également insister sur l’importance de la continuité de l’entreprise auprès de la future génération d’actionnaires. 30 % des entreprises sondées exigent que les membres de la famille accumulent de l’expérience professionnelle en dehors de l’entreprise avant d’y entrer. La plupart font de la préparation de la succession un élément important à l’agenda : 44 % d’entre elles confient la planification de la succession au comité de direction, 28 % d’entre elles disposent d’un comité distinct pour ce faire.

Pour plus d’informations ou pour acquérir la brochure, contactez : Eric Van Hoof EY Réviseurs d’Entreprise Family Business Center of Excellence Leader eric.van.hoof@be.ey.com



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