The Private banker ( été 2024 )

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PRIVATE BANKER

“Nous prenons des décisions pour l’avenir. Nos ancêtres voulaient fabriquer un beau produit avec des matières premières de qualité. Nous partageons pleinement cette philosophie”

Contrairement aux entreprises cotées en bourse qui se concentrent sur les résultats trimestriels, les entreprises familiales mettent l’accent sur l’avenir à long terme.

Les formations et la communauté avant tout

Peter Van der Smissen a quitté son poste de secrétaire général de la Private Bankers Association en mai dernier. Avec son successeur, Jean Sonneville, il jette un regard sur le passé et l’avenir.

Peter Van der Smissen a succédé à Gerald Callebaut au poste de secrétaire général de la Private Bankers Association en 2017. Il est fier d’avoir encore consolidé l’ancrage belge de cette association. “Le nombre de banques devenues membres est passé de 18 à 26, ce qui représente 99% du secteur de la banque privée en Belgique. Les rangs des membres individuels se sont eux aussi étoffés: l’année dernière, nous avons accueilli notre 800e membre.”

L’atmosphère au sein du conseil d’administration est ouverte et conviviale. “Le fait que les représentants des banques soient concurrents n’est pas palpable au cours des réunions. C’est réjouissant.”

Communication

Ces dernières années, les membres de l’association ont pu largement profiter des avantages qu’ils pouvaient en retirer, avance Peter Van der Smissen. “Pendant la pandémie, nous avons continué à communiquer en permanence. Pour ne pas interrompre nos formations, nous avons basculé vers l’enseignement en ligne.”

La collaboration avec Febelfin Academy a par ailleurs été renforcée. “L’année dernière, nous avons organisé une session supplémentaire de la formation néerlandophone Patrimonial Approach en raison du grand nombre de demandes. Nous avons également lancé des masterclass d’une journée, chacune sur un thème d’actualité.”

Trois pistes

Ancien CEO de Société Générale Private Banking en Belgique, Jean Sonneville connaît bien l’association, pour avoir été membre de son conseil d’administration. “Lorsque Peter est arrivé, il a hérité d’une entreprise en phase d’adolescence, qu’il a transformée en une organisation mature. S’il n’est plus possible de gagner des parts de marché, je continue de travailler sur les deux principaux objectifs de la PBA: la formation et la certification des banquiers privés, et l’élargissement de la communauté.”

Pour y parvenir, il envisage de suivre trois pistes. La première consiste à dispenser une nouvelle formation. “De plus en plus de banques privées se concentrent sur les

entrepreneurs familiaux indépendants. Il reste un vide à combler en la matière.”

Centre de connaissances

Deuxième piste: faire du site Web un centre de connaissances. “Tous les webinaires sont sur notre site. Grâce à la technologie actuelle, il devrait être possible de créer des résumés, ce qui peut intéresser les banquiers privés.” Enfin, Jean Sonneville vise une nouvelle clientèle: “Nous voyons plus loin que les banquiers privés. J’aimerais notamment déterminer si la PBA peut apporter une valeur ajoutée sur le marché en pleine croissance des family offices.”

Le plaisir demeure un paramètre essentiel, concluent Peter Van der Smissen et Jean Sonneville. “Nous réunissons nos membres de manière informelle lors de toutes sortes d’événements. Il ne faut pas toujours être sérieux!”

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Rédacteur en chef et éditeur responsable: Jean Sonneville

Rédaction: Content Republic https://trustmedia.be/services

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INTERVIEW - ALEXANDRE HELSON

Tradition et innovation vont de pair dans l’entreprise familiale Maison Dandoy

À Bruxelles, la Maison Dandoy accorde une grande importance au savoir-faire artisanal. Depuis près de 200 ans, ses biscuits sont préparés par des artisans aux doigts d’or. Les frères Alexandre et Antoine Helson – la 7e génération –assurent la pérennité de l’entreprise familiale pour le 21e siècle.

La Maison Dandoy a été fondée en 1829. Près de deux siècles plus tard, ne jurez-vous toujours que par le travail artisanal?

Alexandre Helson: “La Maison Dandoy a un an de plus que la Belgique. Notre enseigne est effectivement connue pour ses produits traditionnels, en particulier son spéculoos artisanal. C’est l’un de nos produits-phares depuis que Jean-Baptiste Dandoy, artisan boulanger, a fondé l’entreprise. Au fil des années, nous avons élargi notre gamme aux madeleines, biscottes sucrées, glaces et gaufres. Dans notre atelier bruxellois, les biscuits sont toujours fabriqués comme au 19e siècle! Nous les cuisons dans les mêmes moules en bois, à l’ancienne. Tout est fait à la main, de la pesée des ingrédients à la cuisson au four, en passant par le tri et l’emballage des biscuits. Quelque 90% de nos biscuits sont vendus dans nos propres boutiques à Bruxelles. Nous tentons de maintenir l’artisanat en vie.”

Avec votre frère Antoine, vous dirigez la Maison Dandoy depuis l’automne 2021. Quelle est la force de votre entreprise familiale?

Alexandre Helson: “Notre grande force est notre vision à long terme: nous voulons transmettre un patrimoine aux générations futures. Nous prenons des décisions pour l’avenir, indépendamment de nos intérêts personnels. Nos ancêtres voulaient fabriquer un beau produit avec des matières premières de qualité. Un produit dont ils pouvaient être fiers, sans faire de compromis. Nous partageons pleinement cette philosophie.”

A-t-elle également des points faibles?

Alexandre Helson: “Travailler en famille n’est pas toujours simple. Beaucoup d’émotions entrent en jeu, ce qui, lorsque les choses manquent un peu de clarté, peut provoquer des conflits. C’est pourquoi il est important que le conseil d’administration

communique bien et prenne en compte l’ensemble des parties prenantes, à tous les niveaux de l’entreprise. Quant à mon frère et moi, nous nous complétons à bien des égards. Mais comme nous avons été élevés ensemble, nous avons les mêmes faiblesses. Ce qui nous rend parfois vulnérables. Heureusement, nous pouvons en parler. Nous sommes plus forts à deux.”

Avez-vous tout de suite intégré l’entreprise familiale?

Alexandre Helson: “J’ai étudié l’ingénierie commerciale à la Solvay Business School. Grâce à mon mémoire sur la Maison Dandoy, j’ai découvert son histoire, ses activités, ses défis. Dès l’enfance, j’ai su que je voulais y travailler un jour, mais j’ai d’abord acquis de l’expérience dans une start-up en marketing numérique. Au départ, notre mère ne voulait pas que nous travaillions dans l’entreprise familiale. Son père y avait été contraint à l’époque, alors que la NASA l’avait sollicité dans le cadre de ses programmes spatiaux. Elle ne voulait pas nous forcer à faire quoi que ce soit.”

Qu’est-ce qui vous a finalement décidé à rejoindre la Maison Dandoy?

Alexandre Helson: “Tout d’abord, je viens d’une famille d’entrepreneurs. Après mes études, j’avais plusieurs options, mais j’ai choisi la Maison Dandoy. J’y voyais un défi: faire entrer l’entreprise – un bel héritage culturel – dans le 21e siècle. Les opportunités en termes d’image, de marketing et de communication étaient encore nombreuses. Ce qui a aussi joué un rôle dans mon choix, c’est l’impact que nous souhaitons avoir au travers de notre entreprise familiale. Nous perpétuons l’histoire, en plaçant l’accent sur l’environnement et la responsabilité sociale des entreprises, sans perdre de vue le ‘pourquoi’. Notre stratégie est basée sur les trois P: people, planet et profit. Tous nos projets sont orientés dans ce sens. Entre autres, nous réfléchissons à la manière de faire participer nos

employés au capital de l’entreprise, afin qu’ils se sentent impliqués et valorisés. Et puis, nous voulons montrer la voie au cours des 200 prochaines années. Nous l’avons déjà communiqué en interne, nous le communiquerons au monde extérieur dans un second temps.”

Quels défis devrez-vous relever?

Alexandre Helson: “Le plus grand défi consiste à maintenir l’artisanat en vie et à ancrer l’entreprise dans le tissu économique bruxellois. Nous voulons rester fidèles à nos valeurs et à nos idéaux, tout en nous remettant en question de manière critique. Nous désirons également intégrer davantage l’environnement dans notre gouvernance d’entreprise. Par exemple, nous travaillons sur un système permettant de renouveler les matières premières que nous consommons. Si nous voulons préserver notre entreprise familiale dans les siècles à venir, nous devrons nous concentrer sur le monde de demain. Notre ambition n’est pas d’ouvrir plusieurs magasins dans les prochaines années, mais de devenir meilleurs dans tout ce que nous faisons.”

“Si nous voulons préserver notre entreprise familiale dans les siècles à venir, nous devrons nous concentrer sur le monde de demain.”

Alexandre Helson

INTERVIEW – ANNELEEN MICHIELS

De l’entreprise familiale au family

office

Avant de fonder leur family office, les familles doivent se préparer soigneusement. “La question n’est pas de savoir à partir de quel niveau de patrimoine il convient de créer un family office, mais si vous jugez opportun de constituer une nouvelle entreprise familiale pour le long terme”, indique Anneleen Michiels (UHasselt).

En Belgique, le family office gère sur le long terme le patrimoine accumulé d’une famille. “Il peut s’agir d’un single family office pour une seule famille ou d’un multi family office auquel participent plusieurs familles”, éclaire la professeure Anneleen Michiels, qui mène des recherches à l’université de Hasselt sur ces structures en plein essor chez nous.

Nouvelle entreprise familiale

Le signal de départ de la création d’un family office est la vente de tout ou partie de l’entreprise familiale. Cette opération permet souvent de dégager une telle masse de liquidités. Grâce à cette entité juridique, les entrepreneurs familiaux décident de ce qu’il advient de leur patrimoine.

À partir de quel niveau de patrimoine le family office a-t-il un sens? “De plus en plus de familles disposant de 10, 20 ou 50 millions d’euros peuvent créer une variante légère d’un single family office et travailler avec des indépendants, par exemple. De cette manière, elles gardent un plus grand contrôle sur la gestion de leurs actifs.”

Il faut considérer le family office comme une autre forme d’entreprise familiale, souligne cependant Anneleen Michiels. “Les

membres de la famille prennent les décisions ensemble, génération après génération, avec la même vision de l’avenir. Ils doivent se demander si ce sera humainement envisageable. J’entends parfois des fondateurs d’entreprise se plaindre qu’ils se trouvent freinés dans leurs décisions au sein du family office.”

Family officer

Trouver le personnel adéquat pour le family office est un autre défi. “Le family officer est fréquemment un ancien directeur financier de l’entreprise familiale. Il connaît bien la famille, avec qui il entretient généralement un lien de confiance, même si le family office diffère de l’entreprise opérationnelle. Il arrive que la famille choisisse des personnes issues du monde de la finance et disposant d’une solide expertise technique. Néanmoins, ces personnes ne sont pas toujours en phase avec les valeurs de la famille et ont souvent une connaissance insuffisante de sa dynamique.”

“Dans un family off ice, les membres de la famille prennent des décisions ensemble, génération après génération, en partageant la même vision de l’avenir.”

Anneleen Michiels professeure à l’université de Hasselt

Les familles qui ne contrôlent pas ellesmêmes le family office courent le risque de le voir prendre des décisions qu’elles ne soutiennent pas pleinement. “Pensez à l’octroi de primes aux gestionnaires d’investissement à court terme”, illustre Anneleen Michiels. “Le danger existe que certaines décisions ne s’inscrivent pas dans la vision de long terme de la famille.”

Fondations privées: combiner préservation du patrimoine et philanthropie

La fondation privée est un moyen de conserver le patrimoine et les biens au sein de la famille. “Elle assure la subsistance de celle-ci, mais toujours dans un but philanthropique”, précise l’avocat Dirk Coveliers.

La loi belge sur les fondations privées a été adoptée en 2002 comme pendant de la Stichting Administratiekantoor néerlandaise. Les fondations privées permettent de convertir les actions d’une entreprise familiale en certificats, pour pouvoir ensuite les transmettre. “La fondation privée sert également de structure de contrôle, afin d’assurer la subsistance d’une personne inapte ou préserver un patrimoine familial”, ajoute Dirk Coveliers, avocat chez Lallemand Legros & Joyn. “L’exemple typique est celui d’un domaine sur lequel se trouve un château. Avec la fondation privée, la famille évite de devoir le diviser entre les héritiers, et le préserve au fil des générations.”

Ce n’est qu’en 2019 que le nombre d’administrateurs de la fondation privée est passé de trois à un. “Pour le pater familias, l’administration en solo est plus confortable”, indique Dirk Coveliers. “Depuis lors,

la fondation peut accorder des avantages matériels au directeur et au fondateur, alors qu’auparavant, cela n’était possible que pour les tiers. Toutefois, ces avantages doivent être conformes à l’objectif social de la fondation.”

Finalité désintéressée

Cette finalité désintéressée est un impératif lors de la création d’une fondation privée. “L’objectif est la subsistance de la famille, de l’octroi de bourses d’études à l’achat d’une première maison ou à la création d’une entreprise. La finalité est liée à la famille, mais toujours associée à des objectifs philanthropiques.”

La mise en œuvre concrète de l’objectif est laissée à l’entière discrétion du conseil d’administration de la fondation. Si le conseil ou un administrateur ne respecte pas la finalité

désintéressée, l’acte juridique peut être annulé. “Des sanctions sont prévues dans ce cas”, prévient Dirk Coveliers. “Lors de la création de la fondation, le notaire doit d’ailleurs vérifier que les statuts respectent textuellement cette finalité désintéressée.”

Impôt sur le patrimoine

La presse a récemment présenté les fondations privées comme une façon pour les personnes fortunées d’échapper aux droits de succession. Une vision totalement injustifiée, selon l’avocat. “Ils oublient d’évoquer la taxe sur le patrimoine, qui a récemment augmenté d’un taux fixe de 0,17% à un taux progressif allant jusqu’à 0,45%, au titre de compensation pour la non-application des droits de succession. Il y aura toujours des cas individuels d’abus, mais on aurait tort de généraliser.”

“La finalité désintéressée de la fondation privée est liée à la famille, mais elle est toujours associée à des objectifs philanthropiques.”

Dirk Coveliers avocat au sein du cabinet Lallemand Legros & Joyn

Atouts et faiblesses des entreprises familiales

Vision à long terme, passion pour l’activité et rapidité de décision: telles sont les grandes forces des entreprises familiales, selon l’avocat Jozef Lievens. “À l’inverse, la dimension émotionnelle et la confusion des rôles en sont les faiblesses potentielles.” INTERVIEW –

Associé chez Roots, un cabinet d’avocats spécialisé dans les entreprises familiales, et administrateur délégué de Het Familiebedrijf, Jozef Lievens considère que la vision à long terme est la plus grande force d’une entreprise familiale. “Il y a un monde de différence entre les entreprises qui suivent nerveusement leurs résultats chaque trimestre et les entreprises familiales qui se concentrent pour ainsi dire sur l’éternité. Je compare leur état d’esprit à celui d’un intendant: l’entreprise reçue des parents doit être transmise dans de meilleures conditions encore. Ils réfléchissent sur le long terme.”

Passion et fierté

La passion est le deuxième atout d’une entreprise familiale. De nombreux propriétaires s’identifient à leur entreprise. Leur nom est souvent – littéralement – attaché à l’usine ou au bâtiment. “C’est une source de fierté, qui les pousse à se surpasser. Les entrepreneurs familiaux connaissent sur le bout des doigts le produit ou le service fourni par l’entreprise; la plupart y ont été initiés dès leur enfance.”

Les décisions sont prises rapidement au sein des entreprises familiales, “grâce entre autres à une bureaucratie réduite et aux nombreuses lignes de communication directe. C’est un grand avantage. Y compris lors de la reprise d’une entreprise familiale. Du fait de la présence du propriétaire à la table des discussions, le processus décisionnel est plus rapide. Les entreprises non familiales doivent fréquemment suivre plusieurs étapes, il leur faut donc plus de temps pour parvenir à une décision.”

Émotions

Malgré son intérêt particulier pour les entreprises familiales, Jozef Lievens est conscient de leurs faiblesses, telles que la dimension émotionnelle, qui peut engendrer une certaine forme d’irrationalité.

“La succession doit s’inscrire dans un processus rationnel.”

Jozef Lievens, associé au sein du cabinet d’avocats Roots et administrateur délégué de Het Familiebedrijf

“Parmi les décisions susceptibles d’exacerber les émotions, on peut citer la nomination d’un successeur. Le propriétaire doit alors indiquer objectivement qui est le plus compétent et le plus motivé pour reprendre l’entreprise. Les émotions peuvent influencer cette décision. Les familles qui n’agissent pas de manière suffisamment rationnelle risquent de perdre leur patrimoine. Le népotisme est également un risque potentiel.” Les propriétaires devraient éviter de prendre des décisions en faveur des membres de leur famille, selon lui. À cet égard, il a constaté une amélioration ces dernières années. “Les évaluations objectives sont de plus en plus nombreuses. Nous plaidons nous-mêmes en ce sens.”

La confusion des rôles est un autre point d’attention mentionné par l’avocat. “Lorsqu’ils prennent une décision, les propriétaires ne savent pas toujours quelle casquette ils portent: celle de l’entreprise ou celle de la famille. Nous insistons pour que les deux dimensions soient bien distinctes.”

Transmission

La préparation de la transmission est un point tout aussi essentiel. Elle exige

aisément cinq à dix ans de travail. “Il est important de s’y prendre suffisamment tôt”, prévient Jozef Lievens. Ces dernières années, il a vu des propriétaires s’atteler à une telle transmission sans savoir ce qui en résulterait. Trois possibilités existent: la succession familiale, le contrôle familial (la famille reste propriétaire, mais un CEO externe est nommé), la vente.

“Souvent, le choix n’est pas immédiat. Les raisons peuvent être multiples, par exemple si la génération suivante est encore plongée dans un programme de formation. Parfois, c’est lié au contexte économique général. Le pater familias peut ainsi se demander s’il veut faire reprendre l’entreprise par ses enfants, sachant qu’en Flandre, il faut attendre quatre ans pour obtenir une autorisation. En raison de cette incertitude, le nombre de ventes augmente légèrement.”

Patriarcat

Les entreprises familiales sont aussi régulièrement le théâtre de conflits, complexes et parfois très anciens. Ce qui peut conduire à une scission ou à un rachat. “Je n’y suis pas forcément opposé”, nuance Jozef Lievens. “Le rachat peut être une option pertinente, qui permet d’élaguer l’entreprise familiale. Si le conflit est à ce point douloureux, mieux vaut se séparer plutôt que de s’entêter.”

En général, c’est un entrepreneur solide qui crée l’entreprise familiale. Tout l’art consiste ensuite à maintenir cette passion et ce dynamisme au fil des générations. “Or, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. Il arrive aussi que le patriarche peine à se séparer de son entreprise.” Pourtant, ce paternalisme lui aussi s’estompe peu à peu, note Jozef Lievens. “La nouvelle génération s’occupe des ressources humaines. C’est d’ailleurs une nécessité. En raison de la pénurie de talents, il faut être attrayant en tant qu’entreprise familiale, au risque d’être évincé du marché.”

“La vision de long terme est le plus grand atout des entreprises familiales.”

Jozef Lievens associé au sein du cabinet d’avocats Roots et administrateur délégué de Het Familiebedrijf

Les défis

d’un CEO non familial

Rudi Peeters fut le premier CEO non familial du producteur de briques limbourgeois Vandersanden. Aujourd’hui administrateur de plusieurs entreprises familiales, il constate des similitudes – et de nettes différences – avec les entreprises ordinaires.

Après une longue carrière chez KBC, dont les 11 dernières années en tant que CIO, Rudi Peeters a choisi Vandersanden. “Je l’ai fait par passion et par intérêt, car cette entreprise familiale était fortement engagée dans le développement durable”, confie celui qui a également redéfini la structure de cette entreprise en croissance rapide. “On me répétait qu’un premier CEO non familial n’avait que 10% de chances de réussir… Cela ne m’a pas découragé!”

Confiance

Rudi Peeters observe de vraies différences entre les entreprises familiales et non familiales. “Les discussions avec le conseil d’administration ou le comité exécutif sont souvent rationnelles. Avec la famille Vandersanden, le contact a été d’emblée très chaleureux. Nous partageons les mêmes valeurs: l’authenticité et l’intégrité.”

Avec un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros, 10 usines et 800 employés, Vandersanden est une PME en plein essor. “J’ai bénéficié d’un accompagnement, notamment du département RH, mais de manière moins rigide que chez KBC.”

Autre grande différence: la confiance. “Dans une banque, il y a beaucoup de contrôle, alors que dans une entreprise familiale, on part du principe qu’on peut faire confiance à tout le monde, jusqu’à preuve du contraire. En tant que CEO non familial,

j’ai dû gagner cette confiance, par exemple en prêtant attention à des détails qui relèvent davantage de l’émotionnel.”

Un contexte différent

Quid des similitudes? “Dans l’entreprise familiale aussi, il y a des parties prenantes, mais dans un contexte et une dimension différents. Lorsque je suis arrivé ici, j’étais ‘coincé’ entre la troisième et la quatrième générations. Mon prédécesseur avait dirigé et développé l’entreprise pendant plus de 30 ans. Il n’était pas prêt à la quitter. Il fallait en tenir compte.”

“Il est essentiel de pouvoir discuter de tous les sujets dès le départ, y compris des sujets émotionnels.”

Rudi Peeters administrateur de plusieurs entreprises familiales

En tant que premier CEO non familial, Rudi Peeters a bénéficié d’un accompagnement de qualité. “Le cabinet Motmans & Partners, qui m’avait recruté, s’est chargé de mon intégration. Tous les trois mois, nous avons procédé à une évaluation intermédiaire. Il est essentiel de discuter de tous les sujets dès le départ, y compris des sujets émotionnels.”

À ses yeux, il convient que la nouvelle génération travaille d’abord dans une autre entreprise, afin d’acquérir de l’expérience et des connaissances. “Une évaluation leur est proposée avant d’entrer dans l’entreprise familiale. En outre, dans une perspective d’avenir, il est important que la nouvelle génération se sente impliquée dans l’entreprise même si elle n’y travaille pas, ou pas encore. Je la rencontre deux fois par an dans ce cadre.”

La 3e génération

veille sur les valeurs familiales

de Reynders Label Printing

L’imprimerie familiale Reynders Label Printing a accueilli la troisième génération en 2022. Les deux petits-fils du fondateur ont ainsi intégré l’équipe de direction. “Ils ont aussi un rôle exécutif: c’est une double tâche, mais cette formule a fait ses preuves”, indique Marc Reynders.

Emile Reynders a fondé son imprimerie en 1956 à Boechout, spécialisée dans les bristols, les cartes de visite et les enveloppes. Depuis que les trois fils l’ont rejointe en 1980, l’accent a été placé sur les étiquettes autocollantes et les emballages souples. Les rôles étaient bien répartis: Paul s’occupait des finances, Jacques des ventes et Marc de la production.

Troisième génération

En 2022, la troisième génération monte au créneau. Marc Reynders, alors CEO, cède la place à une équipe de direction composée d’un directeur des ventes, d’un directeur financier et d’un directeur des opérations, complétée par deux membres de la famille. Bart et Sebastiaan sont les fils de Jacques et Marc respectivement. “Nos deux fils sont les garants des valeurs familiales au sein de l’équipe de direction. Ils ont vu pendant des années comment nous gérions l’entreprise, tant du point de vue commercial que sur le plan éthique.”

Sebastiaan est responsable des achats et des investissements techniques, tandis que son cousin Bart est chargé des ventes en France pour l’industrie pharmaceutique. “Ils ont une fonction exécutive et sont en même temps présents au sein de la direction. C’est une double tâche, mais il en a toujours été ainsi dans notre entreprise. Nous avons une structure plane, cette formule a fait ses preuves.”

Expérience externe

Les deux fils ont d’abord acquis de l’expérience dans d’autres entreprises. “À un moment donné, nous avons eu besoin de personnel et ils ont intégré l’imprimerie”, pointe Marc Reynders. “Il n’y avait pas de grand projet derrière ce changement. Ils ne sont pas non plus préparés à devenir CEO ou à occuper un autre poste de

“La troisième

génération

ne

fait pas l’objet de favoritisme. Comme tous les employés, ses représentants doivent rendre des comptes à un autre membre de l’entreprise.”

Marc Reynders Reynders Label Printing

direction. Nous verrons où leurs ambitions les mènent. Il n’y a pas de favoritisme ou de profilage au motif qu’ils portent le nom de Reynders. Comme tous les employés, ils doivent rendre des comptes à un autre membre de l’entreprise.”

La succession d’une entreprise familiale est toujours un chemin semé d’embûches. “Rien n’est plus dangereux, pour un avenir prospère, qu’un passé prospère. Les successeurs ne sauraient se laisser simplement porter par les succès précédents: ils doivent s’efforcer de gérer l’entreprise avec rigueur, sans s’éloigner de son cœur de métier.”

L’année dernière, l’un des frères a revendu ses parts à un membre du conseil d’administration et au réviseur d’entreprise BDO. “Nous avons pu gérer cette transition de manière neutre et correcte, sans trop d’émotion”, conclut Marc Reynders.

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