L'anglais du journalisme. J.-C. Sergeant - Editions Ophrys

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L’anglais du journalisme

Comprendre & traduire

Culture et langage de la presse anglo-saxonne 30 articles commentĂŠs et traduits

Jean-Claude Sergeant

Traduction



L’anglais du journalisme Comprendre et traduire



L’anglais du journalisme Comprendre et traduire

Jean-Claude Sergeant


Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute représentation, reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Par ailleurs, la loi du 11 mars 1957 interdit formellement les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. © Éditions Ophrys, Paris, 2011. Éditions Ophrys, 25, rue Ginoux, 75015 Paris. www.ophrys.fr ISBN : 978-2-7080-1257-8


Sommaire

Sommaire

Sommaire Avant-propos

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Introduction

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Culture et langage de la presse anglo-saxonne Chapitre 1. Les coulisses du métier

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Chapitre 2. L’article de presse en anglais : construction et écriture

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Chapitre 3. L’univers bipolaire du Sun

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Chapitre 4. Clichés, métaphores et références culturelles

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Chapitre 5. Emprunts, calques et faux amis

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Conclusion

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30 articles commentés et traduits

102

Annexes Variations orthographiques (noms propres)

204

Variations orthographiques (vocabulaire courant)

206

Bibliographie

208

Index général des termes et locutions

210

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À la Mémoire de Lucienne Germain



Avant-propos Ce livre qui est, à l’évidence, conçu comme un manuel, c’est-à-dire comme un guide de bonnes pratiques pédagogiques destiné aux futurs journalistes qui nécessairement rencontreront l’anglais au cours de leur carrière, ne se limite pas à la présentation de listes de mots et d’expressions recueillis dans la presse de langue anglaise, assortis de leur traduction. Il découle de l’idée centrale que l’on ne traduit pas simplement des mots mais des éléments de discours qui, s’agissant de la presse notamment, sont inséparables d’un usage professionnel dominant et reflètent l’état de la parole publique à un moment donné. Ce livre est l’aboutissement d’une vingtaine d’années d’observation et d’écoute (la BBC), mais surtout d’une pratique enseignante dans le cadre du Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées (DESS) de journalisme bilingue français-anglais (aujourd’hui Master Professionnel de Pratique du Journalisme européen) que j’ai dirigé à l’université de la Sorbonne Nouvelle (Paris 3) entre 1990 et 2008. Mes anciens étudiants y retrouveront certains des textes sur lesquels ils ont appris, semaine après semaine, à apprécier la valeur de contextualisation des connecteurs as, with, et amid, à reconnaître les faux amis auxquels les journalistes français sont quotidiennement confrontés et, plus généralement, à se familiariser avec l’écriture de presse en anglais. Ce livre doit également beaucoup aux échanges que j’ai eu la chance d’entretenir avec les journalistes qui ont accompagné ce DESS au cours de toutes ces années et que je tiens à saluer : François Bédin (France Culture), Jean-Pierre Bourcier (Les Échos), Olivier Chermann (RFI), Jean-Marie Coat (RFI), Thierry Garcin (France Culture), Thibault Leroux (AP) et Philip Thurle (RFI). Quant à Monique, ma vigilante relectrice, elle sait ma gratitude. Jean-Claude Sergeant

Av a n t - p r o p o s

Avant-propos



Introduction On trouvera rassemblés dans le présent volume trente textes de presse représentatifs de la diversité des titres qui composent la presse britannique, même si la sélection fait la part belle aux titres dits « de qualité », dont l’écriture, généralement plus travaillée que celle des journaux populaires, offre une gamme de difficultés plus élargie. L’échantillon est presque exclusivement constitué de textes empruntés à la presse britannique, celle qui est la plus familière à l’auteur et qui obéit à des codes qui ne sont pas totalement identiques à ceux qui régissent la presse américaine. Les thèmes abordés reflètent la diversité qui anime les pages d’un quotidien. Les textes retenus traitent des grands sujets politiques et de société – la santé, l’éducation, l’environnement, le multiculturalisme – sans exclure les thèmes plus légers – l’amour des chiens ou l’univers de la gastronomie – ou plus dramatiques comme les faits divers. On a également voulu élargir le prisme en intégrant quelques textes commentant l’actualité de certains pays du Commonwealth, tant il est vrai que l’attention portée aux pays de l’ancien empire reste vive dans les rédactions des titres les plus respectables. L’échantillon proposé regroupe des textes collectés au cours de la décennie qui vient de s’achever. On pourra regretter que l’actualité la plus immédiate n’ait pas été privilégiée – défaut que comble en partie le chapitre 4 – mais, à l’examen, on s’aperçoit que l’écriture n’a pas évolué au point d’invalider les articles rédigés en 2003, date à laquelle débute notre échantillon. En revanche, le vocabulaire s’est

at the end of the day et out there ou encore la formule to address a problem qu’em-

sensiblement enrichi et de nouveaux clichés se sont installés. Les expressions

ploient aujourd’hui les professionnels de la parole publique et les journalistes à longueur de discours et d’articles étaient alors nettement moins foisonnantes. Il reste que les thèmes traités sont pratiquement identiques : l’Afghanistan était déjà au cœur des plans des stratèges dès 2001 et l’on s’interrogeait, avec les mêmes moyens limités qu’aujourd’hui, sur la façon de réduire le déficit du Service national de santé (NHS). Le nombre de meurtres d’adolescents par arme blanche ne cesse d’augmenter et le problème des chiens dangereux revient régulièrement à la « une » des quotidiens. En somme, la thématique de l’actualité n’a guère évolué depuis le début de ce siècle.

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Introduction

Introduction


Introduction

Introduction

Comprendre la langue de la presse Cet ouvrage, qui s’apparente, en fait, davantage à un manuel, traite essentiellement de l’écriture de presse en langue anglaise et des problèmes que pose sa transposition en français. Le terme « transposition » peut surprendre mais, à tout prendre, il semble mieux adapté que celui de traduction dont les définitions variées qui en sont données n’éclairent pas nécessairement le praticien qui, d’ailleurs, semble pouvoir, parfois, en faire l’économie. Entre les tenants, souvent universitaires, de la scrupuleuse attention à la structuration et au lexique du texte d’origine – ceux que Jean-René Ladmiral qualifient de « sourciers » – et ceux qui privilégient la réception du texte traduit en langue cible – les « ciblistes » selon la catégorisation du même spécialiste – nous nous rangeons résolument dans le camp de ces derniers. Un texte de presse est destiné à être lu et doit donc, s’il s’agit d’une traduction, être débarrassé de tout indice attestant son origine linguistique, à l’exception des marques d’exotisme lexical communément admises, type shocking, et se conformer aux règles d’écriture de l’organe de presse d’accueil. En d’autres termes, la littéralité fait le plus souvent mauvais ménage avec la « traduction » des textes de presse. Mais, s’il fallait à tout prix se référer à une déclaration de principe clarifiant l’objectif de l’opération traduisante, nous souscririons volontiers à celle qu’en donne Eugene Nida qui, dans

Principles of Translation, définit la traduction comme une activité

consistant « à produire dans la langue d’arrivée l’équivalent naturel le plus proche possible du message de la langue de départ, d’abord quant à la signification, puis quant au style ». Nida pointe l’essentiel : produire un « équivalent naturel » préservant le sens et, secondairement, le style de l’original.

Connaître le contexte culturel Ce que Nida n’explicite pas, c’est la part du contexte culturel dans lequel s’insèrent les textes à traduire qui n’est pas nécessairement identique au contexte propre à la langue d’accueil, paramètre que contient, au mieux en filigrane, le terme « naturel ». Il s’agit pourtant d’une composante essentielle du fonctionnement du discours de presse qui relate les événements et les commentaires qu’il suscite à une communauté de destinataires dont l’expérience du monde – disons, pour simplifier, leur culture – doit nécessairement être prise en compte. La Manche reste encore pour les Anglais the

English Channel.

Chaque peuple partage un fonds commun de références culturelles, de principes d’organisation des affaires publiques, de règles tacites du vivre ensemble, qui en marquent la spécificité, largement irréductible à un autre. La culture administrative française, façonnée par le jacobinisme et le centralisme napoléonien, avec ses préfets et ses recteurs, n’est guère transposable dans l’univers britannique. Le système

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Introduction

des lecteurs anglophones. Que dire du mode de paiement de l’impôt sur le revenu ? Les Britanniques ont depuis longtemps adopté la retenue à la source – Pay As You Earn (PAYE) – alors que les Français qui n’ont pas opté pour le paiement mensualisé acquittent leur dû en deux tiers provisionnels avec règlement du solde à l’automne, ce qui permettait au Canard Enchaîné de titrer, il y a quelques années : « Tiers provisionnel : l’abattement est général ». La polysémie du terme « abattement », à la fois « allégement fiscal » (rebate) et « état dépressif » (to

feel downhearted) n’est guère

transposable en anglais. Nous touchons là aux limites de l’intraduisible que l’on s’efforcera de négocier, si l’on y est contraint, au moyen de reformulations nécessairement appauvrissantes.

Les échanges linguistiques franco-anglais Sans même évoquer les spécificités irréductibles des univers culturels, les noyaux durs de la culture sociopolitique nationale pour ainsi dire, il suffit de mettre en parallèle les champs lexicaux couverts par deux termes, apparemment similaires, pour mesurer le décalage entre les deux systèmes de référence. De prime abord, govern-

ment et « gouvernement » semblent de parfaits équivalents d’une langue à l’autre. À y regarder de plus près, on observe que le terme français désigne l’équipe diri-

Cabinet, soit le Conseil des government évoquant non seulement

geante au pouvoir, qui aurait comme équivalent anglais ministres selon l’usage de la IVe République,

l’ensemble du dispositif gouvernemental, mais aussi les « pouvoirs publics ». La familiarité trompeuse des termes sosies en anglais constitue, de fait, l’une des difficultés majeures de la traduction des textes de presse anglo-américains. Rien de commun, pour s’en tenir à des termes récurrents, entre

cynicism et le « cynisme »,

ou entre la « complaisance » et complacency. On aurait tort, également, d’assimiler decency à la seule « décence ». Cette proximité morphologique entre des termes

de même origine, mais dont le sens a évolué différemment, est la source de nombreuses confusions que seul le recours systématique au dictionnaire unilingue peut permettre d’éviter. Si traduire ne se résume pas à traduire des mots, il importe néanmoins de s’assurer de leur sens précis, surtout si on croit le connaître. Au cours d’une émission consacrée à la musique américaine programmée sur France Musique, la présentatrice évoquait une chanson inspirée par celle que mentionne R.L. Stevenson dans L’Île au Trésor. Cette chanson, dont le titre original est « Twelve Men on the Chest of the Dead Sailor », était présentée sous le titre français « Douze hommes sur la poitrine du corps du marin », le traducteur ne s’étant pas avisé que chest désignait plus vraisemblablement le coffre dans lequel le pirate avait conservé le produit de ses rapines qu’une partie de son anatomie.

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Les échanges linguistiques franco-anglais

des « Grandes Écoles » nécessite une exégèse minimale avant d’être appréhendé par


Introduction

Introduction

Un « discours journalistique » à décoder L’attention au sens des mots est naturellement le premier devoir du traducteur d’articles de presse ou de dépêches en anglais. Sont au premier chef concernés les rédacteurs-traducteurs des agences d’information qui livrent leurs services dans les deux langues. Ils sont les premiers naturalisateurs de textes en langue anglaise dont leurs traductions alimentent les rédactions et dont la rigueur préserve l’autonomie de la langue française ou, au contraire, en renforce le métissage. C’est à eux que l’on doit la disparition de la traditionnelle « visite officielle », remplacée par la

State visit, et la relégation progressive de la formule « trouver la mort », au profit de « perdre la vie », traduction littérale de to lose one’s life. L’évolution d’une langue est un phénomène naturel et on ne trouvera pas « visite d’État », clone francisé de

ici d’inutiles regrets sur ce processus inéluctable dont on tentera néanmoins de décrire, à l’occasion, l’amplitude, ne serait-ce que pour rappeler aux futurs journalistes au contact avec les deux langues leur responsabilité dans la préservation de leur langue première. Il convient, en dernier lieu, de préciser ce que l’on entend par « langue de presse ». Employée comme synonyme de « discours journalistique », l’expression désigne un ensemble linguistique produit dans un acte de communication par un auteur à l’intention de destinataires dans un cadre prédéterminé de communication médiatisée : article de presse, programme d’information audiovisuel. Cette catégorie englobe l’ensemble des productions de la parole publique telles que les relaient les médias. La proximité qu’entretiennent les journalistes et les professionnels de la parole publique produit un discours homogène utilisant les mêmes ressorts rhétoriques et recourant aux mêmes clichés dont les soundbites (« petites phrases ») sont la forme dégradée mais éminemment recyclable recherchée par les médias. Ce manuel s’ouvre sur une présentation des termes, plus ou moins techniques, qui structurent l’activité du journaliste britannique avant d’aborder les composantes du discours journalistique proprement dites : la titraille, la composition des « chapôs ». On a fait ensuite une place particulière au mode de fonctionnement du

Sun, proto-

type de la presse populaire britannique. Suivent deux chapitres centrés, l’un sur les stéréotypes en usage dans la presse de langue anglaise, l’autre sur les références culturelles les plus exploitées dans la presse britannique. Ce cadrage général se clôt par un inventaire, nécessairement limité, des emprunts lexicaux directs entre les deux langues, dont la balance est moins déséquilibrée qu’on ne le pense, et par une actualisation, que l’on espère utile, des principaux « faux amis » dont tout bon journaliste doit apprendre à se défier, les trente textes, traduits et commentés, annoncés en introduction, étant conçus comme un espace d’application des chapitres préliminaires qui viennent d’être présentés.


Culture et langage de la presse anglo-saxonne


Culture

Chapitre 1

et langage

de la presse anglo-saxonne

Les coulisses du métier Les origines L’univers du journalisme britannique s’est constitué progressivement en sphère d’activité spécifique depuis la création de la première feuille d’information régulière, en l’occurrence bihebdomadaire, The Oxford Gazette en 1665, le terme newspaper n’étant pas

attesté avant 1670. Il faut attendre 1702 pour que paraisse le premier quotidien anglais, le

Daily Courant. Deux ans plus tard, à Boston, John Campbell, maître de poste de la

ville, lançait la première publication hebdomadaire américaine, The Boston News-Letter, quatre-vingts ans avant la parution du premier quotidien américain, le

Packet or Daily Advertiser.

Pennsylvania

Les journalistes ont commencé à s’organiser professionnellement à partir des années 1880, à l’initiative d’un membre de la rédaction du Manchester Courier, Harry Flint. Réu-

nis à son appel en octobre 1884 à Birmingham, les journalistes des Midlands décidaient de fonder la

National Association of Journalists, destinée

à promouvoir et défendre

les intérêts de la profession. Il s’agissait, en pratique, de mettre en place un fonds de solidarité, alimenté par les cotisations des adhérents, permettant de venir en aide aux journalistes au chômage, à leur famille en cas de décès, objectifs analogues à ceux du

London Press Club, association de prévoyance mutualiste créée quelques années plus tôt par les journalistes de la capitale. Les deux associations fusionneront pour donner

naissance à l’Institute of Journalists (IOJ) qui, en 1889, obtint sa reconnaissance en tant qu’organisation protégée par une charte royale, à l’instar des associations professionnelles regroupant les médecins, les juristes, les comptables assermentés, c’est-à-dire les membres des professions libérales. En s’érigeant en défenseur de la qualité journalistique et en gardien du statut qui restait à définir – qui, en effet, pouvait se prévaloir du titre de journaliste ? – l’IOJ se revendiquait en tant qu’organisation regroupant les membres d’une profession libérale, alors que ses adhérents, avant la multiplication du nombre des journalistes indépendants, étaient exclusivement des salariés des entreprises de presse. Conscient que la défense du statut passait par la définition et la vérification des qualifications des postulants au titre de journaliste, l’IOJ tenta de mettre en place, à la fin du XIXe siècle, sans y parvenir, un système d’examens portant sur les compétences techniques et la culture générale, dont une épreuve de traduction d’un texte en latin et une autre de traduction d’un texte en français ou en allemand. L’IOJ présentait, en outre, la particularité d’admettre, parmi ses membres, les responsables éditoriaux de différentes publications, tels J.L. Garvin et A.G. Gardiner, respectivement

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Les coulisses du métier

mun avec celui des rédacteurs qu’ils employaient, même si on ne pouvait leur dénier la qualité de journaliste. Ce sera l’une des difficultés sur lesquelles achopperont les différentes tentatives de rapprochement entre l’IOJ et la

National Union of Journalists

(NUJ), fondée en 1907,

une autre, plus insurmontable encore, étant la qualité d’association professionnelle protégée par une charte royale, à laquelle l’Institute n’entendait pas renoncer. Affilié à la confédération syndicale, le

Trades Union Congress, proche du parti travailliste, la NUJ,

véritable syndicat doté d’un pouvoir de représentation au sein des entreprises, ne faisait pas mystère de ses orientations politiques, peu compatibles avec l’apolitisme affiché

par l’Institute.

Revendiquant 37 000 journalistes affiliés sur les 45 000 que compte le Royaume-Uni, la NUJ est incontestablement aujourd’hui l’organe essentiel de la représentativité des journalistes, tous médias confondus, même si la généralisation des contrats individualisés et les lois limitant le pouvoir syndical des années quatre-vingt ont affaibli sa force de négociation.

La formation des journalistes La NUJ intervient, aux côtés des associations patronales, telle la Newspaper Society qui regroupe les responsables des titres régionaux, dans la gestion du système de certifica-

tion de compétences mis en place dès 1951 par le National

Journalists (NCTJ).

– Un premier niveau de certification, le

Council for the Training of

Certificate in Journalism, est organisé chaque

année en plusieurs sessions dans des centres régionaux à l’intention des stagiaires

(trainees) employés dans les rédactions. Le certificat se subdivise en cinq spécialités :

newspaper reporter, magazine journalist, sub-editor (secrétaire de rédaction), sports reporter et photojournalist. Les candidats sont évalués en fonction d’épreuves communes aux cinq spécialités, notamment le droit des médias (media law), d’épreuves spécifiques obligatoires selon la spécialité – la dactylographie (shorthand), par exemple, pour les reporters, qui doivent pouvoir prendre cent mots/minute – et d’épreuves optionnelles. Le temps n’est plus où les journalistes en herbe apprenaient le métier sur le

tas (on the job) dans les rédactions régionales avant de chercher à se faire recruter dans un titre national.

– Un niveau de certification supérieur – le National Certificate Examination – est également proposé aux titulaires du certificat préliminaire ayant acquis dix-huit mois d’expérience professionnelle dans une rédaction ou une agence d’information. Trois sessions annuelles sont organisées dans les spécialités du certificat préliminaire, à l’exception du journalisme magazine. Parallèlement à ces voies d’accès traditionnelles dans le métier existe un recrutement direct de diplômés de l’enseignement universitaire qui ne fait que prolonger

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La formation des journalistes

rédacteurs en chef de the Observer et du Daily News, dont le statut n’avait rien de com-


Culture

et langage

de la presse anglo-saxonne

Chapitre 1

une tradition bien établie depuis le XIXe siècle. Delane, considéré comme le rédacteur en chef le plus influent de sa génération, s’installa à la tête de la rédaction du

Times en 1841, peu de temps après avoir quitté l’université d’Oxford. Le Manchester Guardian recruta en 1871 un nombre substantiel de diplômés d’Oxford, parmi les-

quels C.P. Scott qui en deviendra le directeur et reste encore aujourd’hui une référence en matière d’intégrité journalistique. On observe le même intérêt pour les jeunes

diplômés d’Oxford au Daily Telegraph, dès son lancement en 1855 et on rapporte que même au Sun, les diplômés des meilleures universités ne sont pas aussi rares qu’on

pourrait le croire. Aujourd’hui, plus de deux cents établissements d’enseignement, publics et privés offrent, au Royaume-Uni, des formations, conduisant à des diplômes de niveau variable et au contenu plus moins spécialisé, relevant du secteur des médias et de la communication. Parmi ces établissements, on trouve une centaine de départements

d’université délivrant des diplômes de niveau « bac + 3 » – c’est-à-dire un BA (Bachelor

of Arts) dans la nomenclature britannique – qui n’ont pas tous nécessairement la cote

auprès des employeurs. On trouvera dans le texte n° 30 de notre sélection l’argumentaire d’un ancien directeur de rédaction mettant en doute l’intérêt de ces diplômes

d’« info-com » que leurs détracteurs qualifient de Mickey degrees, en d’autres termes, de « diplômes bidon ». Le contenu de la formation des journalistes est conditionné par la nature des qualités que les employeurs attendent d’eux. Une étude réalisée en 1976 dans le cadre des travaux de la troisième commission nationale d’enquête sur la presse définissait la fonction du journaliste en ces termes :

« The journalist’s job is to find, select, present, interpret and even make news. The process demands flair as well as pratical skills; experience, which is partly related to age, and imagination, which is not1. » Ces qualités sont toujours prisées aujourd’hui, même si la finalité même de l’activité journalistique a beaucoup évolué. Il n’est pas sûr que le flair et l’imagination soient autant sollicités que par le passé, une bonne partie du travail du journaliste consistant, non plus à aller chercher l’information et à la mettre en forme, mais davantage à as-

sembler des éléments provenant de sources diverses, principalement les « fils » (wires)

d’agences, ou collectés sur la Toile.

1

« Le travail du journaliste consiste à trouver, sélectionner, interpréter, voire produire l’information. Cette activité demande du flair ainsi que des compétences pratiques, de l’expérience, qui est, en partie, fonction de l’âge, et de l’imagination, qui n’a rien à voir avec l’âge. » Industrial Relations in the National Newspaper Industry, a Report by the Advisory Conciliation and Arbitration Service, Cmnd 6680, Londres, HMSO, 1976, p. 158.

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30 articles commentĂŠs et traduits


commentés et traduits

Article 1

30 articles

Blair targets ‘antisocial’ behavior

Cet article, publié dans l’International Herald Tribune, est une compilation de dépêches d’agence relatant la présentation par Tony Blair et Gordon Brown du plan de lutte gouvernemental contre les comportements antisociaux ou les « incivilités » selon la terminologie française. Il s’agissait, en fait, de l’extension d’un programme mis en place dès 1999, permettant aux responsables de l’ordre public d’infliger des avertissements (Antisocial behaviour orders ou ASBOS) aux jeunes fau‘antisocial’ : les guillemets indiquent le caractère comteurs de troubles. plexe, voire incertain, du concept. Nous nous en tienCe texte, qui rend compte d’un volet impordrons au terme d’« incivilité », du moins dans le titre, tant de la politique de contrôle social engagée qui, malgré son caractère euphémique, recouvre à peu par les gouvernements de Tony Blair, présente près le même type d’agissements. de réels problèmes de transposition que l’on behavior : on remarquera l’orthographe américaine pourrait être tenté de résoudre par une sur-ex(behaviour en anglais britannique), comme plus loin plicitation de l’original. celle de neighbor.

Notes

said : verbe déclaratif minimal dont on dénombre cinq occurrences dans ce texte. Le rédacteur français aura à cœur de diversifier les formules en ignorant presque totalement le déclaratif de base « dire ». abusive neighbors : au sens originel, abusive désigne le fait de proférer des injures (abuse) ; dans un sens plus

général, qui nous concerne ici, le terme évoque un comportement grossier et, s’agissant des voisins mis en cause, on vise leur comportement sans gêne. Ces nuisance neighbors évoqués plus loin font souvent l’objet dans la presse populaire d’articles répertoriés sous le titre générique de Neighbours from Hell, les voisins infernaux.

nommés local authorities ; « collectivités territoriales » ou « locales » dans un registre français.

local councils : également

to curb: le verbe fait métaphoriquement référence au « mors » qui permet de contrôler un cheval : « contrôler » une situation ou un phénomène pour en éviter l’extension, « enrayer », « maîtriser ». To curb inflation (« juguler l’inflation ») faisait partie des stéréotypes dominants au cours des années quatre-vingt. we owe it : it est ici un élément pronominal qui anticipe la complétive to get our act together. Apparaît traditionnellement dans l’expression to make it clear… that où it annonce la conjonctive introduite par that. to get our act together : formule à tonalité familière qui

traduit l’intention ou la nécessité d’agir plus efficacement.

Blair targets ‘antisocial’ behavior From news reports London: The government said Tuesday that it would target hooligans, abusive neighbors and other social problems in a nationwide campaign. Prime Minister Tony Blair urged the police and local councils to make greater use of new powers to curb antisocial behavior and said the government would legislate for more if necessary. ‘We owe it to the victims of antisocial behavior, often the poorest in society, to get our act together,’ Blair said as he outlined the new initiatives in London. ‘It’s not 102


B l a i r t a rg e t s ‘ a n t i s o c i a l ’ b e h av i o r

Article 1

acceptable for these powers to be used in some parts of the country and not others. Loutish behavior is loutish behavior wherever it is. And it should be dealt with in the same way wherever it happens.’ Home Secretary David Blunkett, responsible for law and order, said 10 cities chosen as being particularly problematic would focus on problems like dumped cars and aggressive begging. But action will be taken throughout the country with £22 million ($37 million) going to local crime-reduction partnerships over the next two and a half years. ‘You’ve got new powers to deal with nuisance neighbors – use them,’ Blair told delegates at the Antisocial Behavior Symposium in London as he and Blunloutish : dérivé de lout, terme désignant à l’origine une personne un peu fruste qui, dans le langage contemporain kett explained the measures. ‘You’ve got courant, évoque un jeune copieusement abreuvé – les lager new powers to deal with abandoned louts, adeptes de la bière blonde continentale (lager), décars – use them. You’ve got new powers fraient régulièrement la chronique – qui perturbe la vie de ses concitoyens, notamment à la fin des matchs de football. to give fixed penalty fines for antisocial Home Secretary : ministre de l’Intérieur. Dans la hiérarchie behavior, without going through a long gouvernementale britannique, le sommet de la pyramide court process – use them.’ est occupé par les Secretaries of State, les homologues des He said it was sometimes necessary to ministres dans le système français. Un Minister est l’équivalent d’un secrétaire d’État. Enfin, au bas de l’échelle, un ‘interfere with people’s freedom’ if they Minister of State occupe des fonctions analogues à celles interfered with the freedom of those d’un sous-secrétaire d’État. around them. Abusive neighbors and law and order : le domaine de responsabilité du Home Secretary qui recouvre la lutte contre la criminalité et la délindrinking in the streets will also be tarquance ainsi que le maintien de l’ordre public. geted, and a database will be set up to dumped cars : « voitures abandonnées », « épaves ». To identify graffiti vandals by their ‘tag’ – dump signifie se débarrasser d’un objet, le mettre au rethe nickname or pseudonym they paint but. on their designs. crime : le terme recouvre les infractions, délits et crimes punis par la loi.

International Herald Tribune, 15 October 2003

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court process : « procédure judiciaire ». abusive neighbors… in the streets : la phrase originale met

en parallèle deux sujets appartenant à deux catégories sémantiques différentes, un animé humain (neighbors) et un sujet non animé (drinking). Par souci de cohérence, le français aura tendance à harmoniser les catégories sémantiques, d’où la modulation proposée dans la traduction.


Article 1

30 articles

commentés et traduits

Traduction Blair s’attaque aux incivilités Le gouvernement a annoncé mardi qu’il allait engager une action nationale contre le vandalisme, les troubles de voisinage et autres formes d’incivilité. Le Premier ministre Tony Blair a appelé la police et les collectivités locales à faire plus largement usage des nouveaux pouvoirs à leur disposition et a précisé que le gouvernement introduirait, si nécessaire, de nouvelles mesures législatives afin de lutter contre les comportements incivils. « Nous nous devons, par égard pour les victimes des incivilités, qui sont souvent parmi les plus défavorisés, de faire preuve d’une plus grande efficacité » a-t-il poursuivi lors de la présentation de ces nouvelles stratégies à Londres. « Il n’est pas acceptable que ces pouvoirs soient utilisés dans certaines zones du territoire et pas dans les autres. Les comportements antisociaux sont les mêmes partout et ils doivent être traités de la même façon où qu’ils se produisent. » Le ministre de l’Intérieur, David Blunkett, chargé de faire respecter l’ordre public, a indiqué, pour sa part, qu’une action visant à éliminer les épaves automobiles et la mendicité agressive allait être conduite dans dix villes où ces problèmes se posaient de façon particulièrement aiguë. Ces mesures seront complétées par une action d’ampleur nationale pour laquelle 22 millions de £ (environ 29 millions d’euros) vont être débloqués pour mener au cours des trente prochains mois des opérations de répression de la délinquance en partenariat avec les collectivités locales. À l’occasion du colloque consacré aux comportements antisociaux qui s’est tenu à Londres, au cours duquel le Premier ministre et David Blunkett ont présenté leurs mesures, Tony Blair a exhorté les délégués à faire usage des nouveaux pouvoirs dont ils disposaient pour combattre les troubles de voisinage. « Vous disposez de nouveaux pouvoirs pour régler le problème des voitures abandonnées ; utilisez-les. Vous disposez de nouveaux pouvoirs qui vous permettent d’infliger des amendes forfaitaires aux fauteurs de troubles sans avoir à engager une interminable procédure judiciaire ; utilisez-les. » Tony Blair a reconnu qu’il était parfois nécessaire de « restreindre les libertés individuelles » de ceux qui ne respectent pas celles d’autrui. Les troubles de voisinage et la consommation d’alcool sur la voie publique feront également l’objet de mesures spécifiques. Par ailleurs, une base de données sera constituée permettant d’identifier les auteurs de graffitis grâce à leur « tag », surnom ou pseudonyme dont les auteurs signent leurs compositions. ■



L’anglais du journalisme

Comprendre et traduire

Ce manuel s’adresse à tous ceux qui sont amenés à fréquenter la presse de langue anglaise pour des raisons professionnelles ou pédagogiques, la traduction d’un texte de presse en anglais figurant au cursus de la majorité des filières universitaires et aux programmes des concours d’entrée de la plupart des Grandes Écoles L’anglais du journalisme aborde les modes de construction des articles de presse et explore leur univers sémantique, y compris les clichés et les références culturelles, avant de traiter les problèmes de traduction à proprement parler. Il a pour ambition première d’aider les futurs journalistes à s’approprier cet idiome spécifique qu’est l’anglais du journalisme, qui est aussi celui de la parole publique, et à le restituer dans un registre français équivalent. C’est notamment l’objectif des trente articles traduits et commentés qui composent la deuxième partie de l’ouvrage.

L’ouvrage est structuré en deux grandes parties auxquelles s’ajoutent les annexes :

! Culture et langage de la presse anglo-saxonne ! 30 articles commentés et traduits ! Annexes • Variations orthographiques de l’anglais au français : . pour les noms propres . pour le vocabulaire courant • Index général des termes et locutions Jean-Claude Sergeant, professeur émérite à l’Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III), ancien directeur de la Maison française d’Oxford, est spécialiste des médias britanniques. Il a, pendant une vingtaine d’années, enseigné la traduction et l’actualité anglophone dans le DESS/Master de journalisme bilingue français-anglais de Paris III qu’il a dirigé jusqu’en 2008.

ISBN : 978-2-7080-1257-8

9 782708 012578


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