Guy De Bois
L’art de la ciselure ophrys art
L’art de la ciselure de 2500 avant J.-C. au xxie siècle
Direction éditoriale : Alexandra LEPINAY Suivi éditorial : Sarah FUNEL Maquette et mise en pages : SYNTEXTE Page de couverture : Oiseau repoussé sur argent d’après peinture sur plafond peint du Château de Fiches (Ariège) ISBN : 978-2-7080-1420-6 Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, selon les termes de l’art. L. 122-5, § 2 et 3a, d’une part, que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que « les analyses et courtes citations » dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les dispositions pénales des art. L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © Éditions Ophrys, 2015 Éditions OPHRYS, 1, rue du Bac, 75007 Paris. www.ophrys.fr
L’art de la ciselure Guy De Bois
ophrys art
Table des matières L’art de la ciselure 8
Préface
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Histoire de la ciselure
13 2500 ans avant J.-C. 16 v e millénaire avant J.-C. 19 viii e siècle avant J.-C.et le i er siècle après J.-C. 21 Époque mérovingienne 22 Période carolingienne 23 xi e et xii e siècle 23 xiii e siècle 24 xiv e siècle 25 xv e siècle 26 xvi e siècle 31 36 39 41 45
46 46 47 47
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xvii e siècle xviiie siècle xixe siècle xx e siècle
Métiers du métal Le graveur Le médailleur Le tourneur d’art Le damasquineur
47 Le doreur argenteur 48 Le tourneur repousseur 48 Le monteur en bronze 48 Le ciseleur 49 Le bronze 50 L’orfèvrerie 50 La bijouterie
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Techniques de ciselure
52 La reprise de fonderie : la statuaire 54 La ciselure sur bronze d’ameublement 57 Le chairé de la peau 57 Le rédurcé 64 Le tracé-matis 68 Le tracé matis à fond descendu 70 La ciselure en repoussé 71 Le ciment du ciseleur 76 Le repoussé direct 79 Le repoussé sur âme en bois 82 Le repoussé sur modèle en relief 84 Le repoussé en creux ou coquillé 90 Le repoussé à la recingle 95 La technique du pris sur pièce 100 Le ramolayé
102 102 102 105 106 116 122 123 124
Le damasquinage Le filigrane Le niellage
Outillage du ciseleur Les ciselets Les marteaux Les outils coupants Les rifloirs Les grattoirs
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Je me souviens...
179
Évolution du métier
185
Formations
186 Profil souhaité 187 Niveau V 187 Niveau IV 188 Niveau III 188 établissements préparant plus spécifiquement au métier de la ciselure 189 Autres voies
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PrĂŠface
Les métiers d’art Cette collection sur les métiers d’art se donne pour objectif d’offrir au grand public amateur de belles choses, comme aux jeunes à la recherche de pistes de réflexion sur ces métiers, l’occasion de se familiariser avec ce domaine d’activité artisanale. Il n’est nullement question d’ouvrages exhaustifs. Les auteurs s’obligent à rendre aussi compréhensible que possible leur métier d’art en évoquant son histoire, ses domaines d’application, ses techniques et son outillage, en illustrant leurs propos d’exemples anciens ou contemporains. Il s’agit également de susciter des envies, des appétits de connaissance en ouvrant des portes d’accès à une démarche de recherche ou de formation. La découverte des métiers d’art, au-delà du plaisir qu’elle procure aux lecteurs, veut également contribuer à une meilleure information. La collection inaugurée par la ciselure que nous présente Guy De Bois, sera suivie d’autres ouvrages, dans les domaines divers de la tapisserie, du travail sur le bois, de la lutherie, d’autres arts du métal, des tendances de l’ameublement, du design industriel… Bruno Schachtel Directeur de collection
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Histoire de la ciselure
Petites girandoles en or exécutées par Thomas Germain pour Louis XV.
Au xixe siècle, Henri Auguste, Martin-Guillaume Biennais, Claude Odiot, Philippe Thomire, Antoine Ravrio, Lucien Falize, Antoine Vechte… Chacun dans son domaine nous prouve que si l’artisanat de cette époque a su s’industrialiser, il a également préservé toute sa place au raffinement de la ciselure. Ces maîtres d’art étaient capables de concevoir des pièces uniques d’une grande complexité. Ils disposaient d’une main d’œuvre abondante, les ateliers de Martin-Guillaume Biennais ont ainsi compté jusqu’à six cents ouvriers.
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Soupière d’Odiot 1810.
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MĂŠtiers du mĂŠtal
La ciselure fait partie intégrante de la grande famille de l’art du métal et dont les talents sont recherchés dans de nombreux domaines de production aux premiers rangs desquels : l’orfèvrerie, la bijouterie, la joaillerie, l’horlogerie, la fabrication de monnaies et de médailles, la statuaire. Dans ce domaine, nous avons répertorié les spécialités suivantes :
Le graveur qui exerce de façons différenciées : en modelé, en taille directe, en exécutions sur machines, en taille douce ; cette dernière méthode pouvant faire appel à plusieurs autres : l’eau forte, l’aquatinte, la matière noire, le vernis mou, la pointe sèche, le burin.
Le médailleur utilise des méthodes voisines à partir de dessins puis de maquettes extrêmement précises, pour produire une pièce unique, ou pour réaliser une matrice en acier à partir de laquelle les pièces seront frappées en argent, en or ou dans un métal commun.
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Techniques de ciselure
La ciselure sur bronze d’ameublement consiste à reprendre une pièce sortant de fonderie pour la débarrasser de toutes les imperfections liées à l’action du métal coulé dans un moule. Tout d’abord à l’aide de limes diverses pour préciser les contours et le modelé. Il s’agit de l’ébarbage et de la reprise des coutures ; si la lime ne peut être utilisée, les rifloirs de différentes formes permettent de compléter le travail. L’adouci vient ensuite à l’aide de toile émeri de différents grains. Le grattoir est utilisé pour retirer la peau du métal fondu sur les différents ornements destinés à être décorés aux mats. Il faut alors tremper le bronze dans l’eau forte (acide nitrique) pour obtenir une jolie couleur jaune clair et permettre une bonne lisibilité pour réaliser le décor de la pièce collée sur le ciment du boulet. D’abord à l’aide de différents traçoirs pour redéfinir le dessin, puis des biais pour la netteté des épaisseurs et enfin, sur les feuilles d’acanthe, les mats qui sont les ciselets indispensables pour signer la « couleur » correspondant au style du bronze et à son époque. La pièce est ensuite nettoyée pour être dorée par électrolyse, ou au mercure s’il s’agit d’une restauration. Restauration d’un cartel Louis xv. - 54 L’art de la ciselure
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Le ciseleur.
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Le graveur.
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Outillage du ciseleur
Les ciselets
Perloirs
Traçoirs - 106 L’art de la ciselure
Je me souviens…
Une harissa en argent m’est présentée par une cliente. Elle ouvre deux feuilles de papier entre lesquelles se trouve une feuille de métal plus fine encore que le papier. Il s’agissait du reste d’une harissa en argent : de la feuille d’or ou d’argent décorée en repoussé qui protège le bois peint d’une icône. Constatant ma surprise, la cliente m’expliqua la raison de cet état. Elle avait voulu faire nettoyer son icône très oxydée par le temps et crut bien faire en la confiant à un décorateur sur métaux, afin de lui redonner un peu d’éclat. Ce dernier en honorant la commande, mais un peu bousculé par le temps, oublia la pièce dans un bain d’acide utilisé pour décaper l’argent. Deux semaines s’écoulèrent et la cliente, prudente, téléphona pour prendre des nouvelles de son harissa ; le décorateur d’un coup prit conscience de la catastrophe et se précipita pour ressortir la plaque du bain. Cette charmante dame me demandait de restaurer la pièce à laquelle elle tenait tant ; mais dans ce cas de figure il ne s’agissait plus de restauration, mais plutôt au sens littéral du terme de re-création. Un domaine où la ciselure révèle souvent des surprises. Sur une feuille d’argent de 6/10es de millimètre d’épaisseur, et à l’aide des précieux restes,
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je suis parvenu à reconstituer cette harissa à la satisfaction de la cliente qui transmit bien sûr la facture à l’assureur du décorateur sur métaux. L’oubli est dommageable quand on travaille avec ses mains, mais pour se rassurer dans son for intérieur ne dit-on pas : faire et défaire ou refaire c’est toujours travailler !
Harissa d’icône recréée en argent.
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Harissa d’icône en repoussé en or.
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personnage par le joailler et qui doit être livré le lundi suivant à 16 heures précises. Le joailler qui connait peu de chose de la ciselure, s’y est pris un peu tard. Il pensait que le problème de la fonte résolu, le travail était terminé. Quand je lui indique ce qu’il reste à faire, il me coupe la parole à mon grand étonnement, confirmant que l’objet doit impérativement partir par avion depuis Orly le lundi à 10 heures. Après avoir émis quelques réserves sur l’état d’avancement du travail, il ne me reste que le samedi et le dimanche pour me mettre à la tâche, la veille d’une fin de semaine qui s’annonçait fort belle et que j’espérais occuper différemment. J’entends le joallier me dire d’une voix vibrante : « Je vous en supplie, faites le nécessaire absolument pour que la pièce parte lundi matin, qu’importe le prix ! » Une image me revient : j’étais chirurgien ciseleur face à un grand joailler malade. Ce pouvoir ponctuel recelait quelque chose de grisant, surtout pour un artisan qui ne traite que très rarement de manière directe avec les commanditaires. Le premier Ballon d’or a été offert à Michel Platini en 1985. Réalisé en deux demi-sphères de laiton assemblées et brasées entre elles,
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comportant une ouverture circulaire de 40 mm de diamètre afin de remplir le ballon de ciment de ciseleur, il faut alors réaliser le tracé des coutures et le décor de cercles concentriques. Le travail n’offrant pas de grandes difficultés en lui-même, la surprise est venue du dessin tracé à la pointe de ces coutures en forme de pentagones entourés de cinq hexagones sur la sphère. Dix heures me furent nécessaires pour obtenir un tracé à peu près régulier. Il me fallut le même temps pour le tracé des coutures assez profondes dans le métal et leur piqué. C’est après le 5e ballon que j’ai trouvé une formule me permettant de réaliser le travail en divisant le temps d’exécution par deux. Un problème anodin de géométrie plane peut se révéler être un vrai casse-tête sur une sphère. C’est ainsi que tous les ans vers Noël, lors de la cérémonie de remise du Ballon d’or, j’ai une pensée pour les Zidane et autres grands joueurs à qui l’on décerne cette récompense. Un Ballon d’or en laiton doré. Quand on a une vague idée des salaires astronomiques servis à ces joueurs, pourquoi pas un ballon en or massif !
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Premier Ballon d’or attribué à Michel Platini. (Voir vidéo)
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ĂŠvolution du mĂŠtier
Ce métier peut difficilement évoluer car il s’agit d’un ensemble de techniques qui utilisent la main, le senti, le touché. Néanmoins, dans les domaines connexes que sont la fonderie de précision, les imprimantes 3D et la restauration d’objets anciens, les lignes vont bouger et comme toujours, il faudra s’adapter. Concernant le bronze monumental, la statuaire, le buste, la technique de la fonderie restera identique encore pendant de nombreuses années, et l’intervention du ciseleur s’inscrira toujours dans le processus de fabrication. Pour l’orfèvrerie et la bijouterie, l’évolution du goût du public va modifier quelque peu le paysage. Il restera toujours cet attrait du savoir ancien qui, en y mettant le prix, bénéficiera à une clientèle exigeante. Mais il est indispensable pour le futur ciseleur, de faire comprendre à sa nouvelle clientèle que l’on doit respecter, surtout dans le domaine de la restauration, les exigences des anciens. Il y a un travail de pédagogie pour faire comprendre que le bronze d’ameublement par exemple ne se travaille pas au xviie siècle comme au xviiie ou au xixe siècle. L’outillage au fil du temps a évolué tout comme la manière de l’utiliser.
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Depuis notre illustre maître André-Charles Boulle dans le domaine du bronze d’ameublement au xviie siècle, les ciseleurs se sont appliqués à inventer des outils de décor spécifiques à chaque époque depuis la Renaissance, puis sous les règnes de Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, le premier Empire et le second sous Napoléon III. Dans le domaine de la restauration des pièces anciennes, ces styles et ces méthodes sont des critères qui permettent de reconnaître un bronze ciselé d’époque sans trop de risques de se tromper. Quant aux nouveaux matériaux utilisés en ciselure, un grand pas fût franchi avec l’arrivée des cires dites américaines qui ont bien facilité la création des modèles de fonte. Avec la technique du repoussé, dans les domaines de la bijouterie et de la joaillerie, le prototype réalisé avec cette technique a l’immense avantage d’être le plus léger possible, surtout lorsqu’il s’agit de pièces réalisées ensuite en métaux précieux. Les techniques de fonderie ont représenté un important progrès. La reproduction d’objets par toutes les nouvelles technologies d’aujourd’hui, en commençant
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par l’imprimante 3D, la stéréo lithographie, le prototypage rapide vont encore affiner le modèle de fonte, mais la suite de la mise en œuvre demeurera la même en ce qui concerne le métal fondu. Derrière l’objet fondu, la place du ciseleur demeurera inchangée dans la chaîne de fabrication.
Pièce de Meilleur Ouvrier de France de Guillaume ESTRADE inspirée par MAJORELLE, réalisée en argent, hauteur : 40 cm.
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Formations
Profil souhaité Maîtrise du dessin. Sens artistique. Intérêt pour le travail du métal. Selon l’institut de formation et de recherche pour les artisanats des métaux, il existe environ 150 graveurs, ciseleurs et médailleurs en activité aujourd’hui en France. Le décorateur sur métal peut être artisan installé à son compte, salarié ou responsable de petite entreprise. Autrefois, la ciselure était un métier à part entière. Aujourd’hui, le ciseleur doit, en plus de son savoir-faire, avoir une connaissance approfondie dans les métiers connexes tels que tourneur, fondeur, monteur et plus généralement de ceux qui gravitent autour du métal. L’accès aux études dans ce domaine peut se faire à divers niveaux. Les cycles proposés sont fréquemment génériques ; on parle souvent d’un cycle Arts du Métal au cours duquel peuvent intervenir différents choix vers un métier en particulier.
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Guy De Bois, au terme d’une formation de ciseleur accomplie entre 1961 et 1966, année d’obtention de son diplôme à l’École Boulle, a exerçé son art dans de grandes maisons parisiennes pendant près de dix-sept ans avant de s’établir comme artisan. Meilleur Ouvrier de France, puis lauréat du Grand Prix des Métiers d’Art de la SEMA, au cours de sa carrière il a honoré de nombreuses commandes pour les plus prestigieuses enseignes de la place Vendôme à l’attention de familles régnantes fortunées, mais aussi d’artistes comme Salvador Dali et Paul Belmondo ou d’académiciens dont il a réalisé les épées. Il a rejoint l’École Boulle où il a dirigé l’atelier de Ciselure à partir de 1991, transmettant son art aux étudiants jusqu’en 2007. Il fut également sollicité par les plus grands musées de France pour des expertises ou des copies de pièces anciennes.
L’art de la ciselure
Guy De Bois
L’
art de la ciselure, dont les origines remontent à l’époque mésopotamienne, consiste essentiellement en un travail décoratif par déformation du métal. Au fil des siècles, cet art a évolué en fonction des modes et des demandes, mais aussi des techniques et de la maîtrise progressive de la mise en œuvre du bronze, du cuivre ou des métaux précieux : argent, or, alliages. Au-delà de ses origines dans l’Antiquité, les périodes emblématiques se situent entre
* Six vidéos (anecdotes, technique, reportage…) sont à visionner sur le site www.ophrys.fr
le xive et le xxe siècle au fil des règnes successifs, des goûts et des tendances artistiques. Les armes, les parties métalliques d’armures, comme les objets décoratifs, l’orfèvrerie, la bijouterie, la joaillerie réclamaient une personnalisation pour celui qui les possédait, ou pour ceux à qui ils étaient destinés. C’est au ciseleur, rompu aux arts et techniques de la décoration de ces métaux ainsi qu’aux œuvres les plus emblématiques, qu’il est ici rendu hommage.
ISBN 978-2-7080-1420-6
9 782708 014206