LA PONCTUATION EN FRANÇAIS
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Variétés du français Le français au contact d'autres langues, par Françoise Gadet et Ralph Ludwig Les créoles à base française, par Marie-Christine Hazaël-Massieux Approches de la langue parlée en français, nouvelle édition, par Claire Blanche-Benveniste (épuisé) Les variétés du français parlé dans l'espace francophone. Ressources pour l'enseignement, par Sylvain Detey, Jacques Durand, Bernard Laks et Chantal Lyche (dir.) Les expressions verbales figées de la francophonie, par Béatrice Lamiroy (dir.) La variation sociale en français, par Françoise Gadet Le français en diachronie, par Christiane Marchello-Nizia
Outils et ressources Lire un texte académique en français, par Lita Lundquist Dictionnaire des verbes du français actuel, par Ligia Stela Florea et Catherine Fuchs Rédiger un texte académique en français, par Sylvie Garnier et Alan D. Savage Construire des bases de données pour le français, par Benoît Habert Dictionnaire pratique de didactique du FLE, par Jean-Pierre Robert Les dictionnaires français, outils d'une langue et d'une culture, par Jean Pruvost Instruments et ressources électroniques pour le français, par Benoît Habert
Jacques DÜRRENMATT
l'essent iel fran çais
LA PONCTUATION EN FRANÇAIS
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À tous ceux (écrivains, chercheurs, étudiants) avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger sur la ponctuation et aux équipes qui m’ont aidé (FORELL, CEEI, PLH, STIH)
À Fabrice
Table des matières INTRODUCTION ..................................................................................... 1 Chapitre I : Rôles de la ponctuation .............................................................. 5 1. Deux modèles pour penser la ponctuation ................................................... 5 2. Des signes .................................................................................................. 12 2.1. De quel type de signe parle-t-on ?..................................................... 12 2.2. Des signes métalinguistiques ? .......................................................... 15 2.3. Des signes moins arbitraires que d'autres ?........................................ 17 2.4. Ponctuants vs. conventions typographiques ...................................... 19 2.5. Des indices ?..................................................................................... 20 3. Fonctions et lois......................................................................................... 22 3.1. Quelles fonctions ? ........................................................................... 22 3.2. Une question d'intensité ? ................................................................ 25 3.3. Lois .................................................................................................. 26 Chapitre II : La ponctuation aide à agencer ................................................. 29 1. Phrases et périodes .................................................................................... 29 1.1. Points et virgules .............................................................................. 29 1.2. Points-virgules .................................................................................. 33 1.3. Deux-points ..................................................................................... 40 2. Signes de liste et de liaison ........................................................................ 44 2.1. Organisation horizontale .................................................................. 44 2.2. Organisation verticale....................................................................... 45 2.3. Un cas particulier : la virgule devant conjonction ............................. 46 2.4. Autres liaisons................................................................................... 49 Chapitre III : La ponctuation aide à distinguer............................................ 53 1. Virgules de distinction .............................................................................. 54 1.1. Détachement et prédication seconde ................................................ 54 1.2. Dislocation....................................................................................... 58 1.3. Un cas particulier : peut-on détacher le sujet du verbe ?.................... 60 2. Le blanc peut-il tout détacher ? ................................................................. 62 3. Dialogisme................................................................................................ 69
VII
Le français au contact d'autres langues
Chapitre IV : La ponctuation aide à hiérarchiser.......................................... 77 1. Virgules de hiérarchisation ........................................................................ 77 2. Parenthèses................................................................................................ 79 3. La ponctuation des relatives ...................................................................... 84 Chapitre V : Entre modalisation et vilisibilité .............................................. 87 1. Les ponctuants : de possibles marqueurs d'intensité .................................. 87 1.1. Des usages problématiques ............................................................... 87 1.2. Points d'exclamation......................................................................... 89 1.3. Point de suspension et tiret............................................................... 93 1.4. Italiques et soulignements................................................................. 96 2. Point d'interrogation................................................................................. 99 3. Visibilité ................................................................................................... 99 3.1. Vilisibilité ?..................................................................................... 100 3.2. Majuscules et capitales.................................................................... 101 3.3. Virgules visibles .............................................................................. 102 3.4. Slashs et émoticônes ....................................................................... 104 CONCLUSION....................................................................................... 107 BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 109 GLOSSAIRE ............................................................................................ 113 INDEX ..................................................................................................... 115
VIII
INTRODUCTION
En 2004, Anis entreprenait de recenser les travaux de linguistes sur la ponctuation et constatait que seuls deux livres autres que collectifs avaient été entièrement consacrés au sujet en français depuis Damourette (1939), ceux de Catach (1994) et Dahlet (2003). La situation n’a guère changé depuis, si l’on excepte les ouvrages à visée prescriptive qui s’inscrivent dans la longue lignée des manuels (notamment Narjoux, 2010) ou ceux qui s’appuient sur des considérations linguistiques pour construire un discours principalement stylistique, voire esthétique (Favriaud, 2011a ; Serça, 2013 ; Szendy, 2013). Les signes de ponctuation n’ont individuellement pas connu meilleur sort à l’exception des parenthèses (Boucheron, 2003). Du côté de la diachronie, on notera pour le Moyen Âge l’ouvrage de Mazziotta (2009). Le sujet a intéressé par ailleurs certains spécialistes de l’histoire du livre (Riffaud, 2007). Le célèbre numéro de Langue française dirigé par Catach qui a mis le sujet de la ponctuation au premier plan en 1980 alors que la plupart des linguistes, depuis les révolutions générativiste et énonciative des années 60, avaient pris leurs distances avec l'écrit, a trouvé un écho en 2011 grâce à un nouveau numéro de la même revue dirigé par Favriaud. Par ailleurs, un certain nombre de périodiques et d’ouvrages collectifs ont mis le sujet au premier plan dans des perspectives souvent larges qui envisageaient la ponctuation comme procédé tant linguistique qu’esthétique, voire philosophique, ou posaient la question d’une ponctuation d’auteur1 ou d’école. S’est développée par ailleurs, dans la lignée du n° 70 de Pratiques (1991), une réflexion en didactique et en psychologie sur ce qu’apporte l’analyse des pratiques 1. Parmi les écrivains les plus étudiés : Montaigne, Rabelais, Flaubert, Proust, Beckett et Claude Simon. 1
La ponctuation en français
ponctuantes pour comprendre les modes d’apprentissage de l’écriture et de la lecture et remédier à d’éventuelles difficultés. Beaucoup d’obstacles se dressent devant celui qui tente de présenter la ponctuation comme un sous-ensemble linguistiquement cohérent. La première est l’empilement des normes qui ont été plus ou moins fermement mises en place au cours de l’histoire du français et ont eu tendance à se chevaucher. La normalisation grammaticale qui a occupé le XIXe siècle a échoué, on le sait, à proposer une solution convaincante pour réformer l’orthographe ; il en est allé en partie de même pour la ponctuation, en partie seulement puisque certains usages ont été effectivement officiellement éradiqués (la virgule entre sujet et verbe notamment) mais ont résisté dans les écrits courants et que sont demeurées de nombreuses zones d’incertitude dont les locuteurs, parfois férocement adeptes d’une solution au détriment d’une autre, n’ont pas toujours conscience (virgule ou pas devant coordonnant par exemple). Pendant que de nouvelles normes s’imposaient dans la presse, sous la pression moins des grammairiens que des typographes et avec la volonté parfois affirmée d’une internationalisation sous modèle nord-américain, les écrivains se sont emparés de la ponctuation pour inventer leurs propres systèmes : si certains de ceux-ci sont restés idiolectaux, d’autres ont rencontré des échos certains et ont montré de nouvelles manières d’organiser les discours qui se sont plus ou moins répandues. Tenter d’analyser et synthétiser les emplois contemporains de la ponctuation implique donc d’interroger tant les normes que certaines des pratiques nouvelles les plus courantes : il paraît ainsi peu fructueux, par exemple, d’en rester aux modes traditionnels de citation alors que bien peu de romanciers contemporains font encore usage des tirets + guillemets. Dernière difficulté : l’extension à donner à la famille de ce qu’on appellera les ponctuants. Elle varie selon la définition que l’on donne de ceux-ci. Si certains signes vont de soi (la virgule et les différents points), les avis divergent en ce qui concerne tirets et traits d’union, variations de casse (italiques, gras), majuscules, blancs et alinéas ou encore appels de notes. Et que dire de tous les signes présents sur les claviers, dont les locuteurs font un usage de plus en plus large, ou des émoticônes ? Une première solution consistera à distinguer la ponctuation proprement dite, étudiée ici, de tout ce qui relève de la mise en page définie par Catach comme « tous les procédés typographiques de mise en valeur du texte, titres, 2
Introduction
marges, choix des espaces et des caractères, et au-delà agencement général des chapitres et façonnement du livre » (1994 : 7) ainsi que système de notes. Restent des signes qui, à la différence de ceux qu’Anis nomme « logogrammes », sont uniques mais ne correspondent pas à une unité significative (1988 : 245). Ils se définissent par le fait que chacun d’entre eux « contribue à la production du sens, en tant qu’organisateur de la séquentialité et indicateur syntagmatique et énonciatif » (id : 246). Catach parle, quant à elle, de « séparateurs » et utilise la formule vague de « signes de communication » ; elle intègre à la famille ce qu’elle appelle « ponctuation de mots » : « blancs et majuscules de mots, point abréviatif, trait d’union et de division, apostrophe » (1994 : 8). Ce faisant, elle confond des signes très différents. L’extension des usages du blanc demande ainsi à envisager trois sortes : l’espace qui sépare les mots, le blanc qui s’immisce à l’intérieur du texte et le ponctue, l’alinéa. Seul le deuxième relève de la ponctuation que nous étudierons dans ce volume. On distinguera de même la majuscule de début de phrase, qui sert à définir la phrase et est donc ponctuante à part entière, de celle qui signale le nom propre. Quant aux autres signes, ils constituent des conventions typographiques (au même titre que les accents ou les cédilles) qui notent des phénomènes lexicaux de composition ou d’élision. Il s’agira donc d’étudier rapidement dans le premier chapitre la façon dont les grammairiens ont depuis la Renaissance tenté d’interpréter le fonctionnement de la ponctuation, avant de s’interroger en détail sur ce qu’engage une lecture sémiotique des ponctuants et de déterminer quelles fonctions ils possèdent dans le cadre du système graphique du français contemporain. Les chapitres suivants s’arrêteront sur chacune des quatre fonctions ainsi déterminées et en étudieront les caractéristiques principales dans leurs relations tant aux normes qu’aux modes de description syntaxiques actuels. La ponctuation étant un espace de la langue particulièrement investi par les écrivains, nombre d’exemples seront littéraires mais la presse fournira aussi une quantité non négligeable d’énoncés caractéristiques des nouvelles pratiques aujourd’hui en usage. On étudiera aussi parfois les différences d’usages ponctuants entre le français et d’autres langues européennes (allemand, anglais, espagnol, italien) pour mieux saisir certaines des spécificités de celui-ci. À l’issue d’une violente « querelle » avec Char au sujet d’une virgule de Rimbaud, Etiemble tempête contre « ceux qui, parce qu’ils se réclament de 3
La ponctuation en français
Rimbaud, veulent chasser de leurs poèmes ponctuation et majuscules » : Parce qu’Apollinaire ne savait pas ponctuer, il décida que la poésie exigeait qu’on ne ponctuât plus. Ce faisant, il se croyait dans le droit fil de Rimbaud, qu’il saluait comme champion de modernisme. Or l’œuvre de Rimbaud nous prouve, en maint endroit, l’importance de la ponctuation, laquelle n’est surtout pas affaire de droite ou de gauche 2. C’est cette « importance de la ponctuation », aujourd’hui de moins en moins mise en doute que ce livre veut aussi prouver.
2. 4
Rimbaud, système solaire ou trou noir ?, PUF, 1984, p. 27.
La ponctuation en français
3. Fonctions et lois Si les signes de ponctuation sont des « fonctifs », peut-on déterminer aisément leurs fonctions ? 3.1. Quelles fonctions ? N. Catach propose de les penser « séparateurs », « pausaux » et « sémantiques » (1980 : 21). Ce faisant, elle préserve l’interprétation traditionnelle de la ponctuation comme participant tant de l’organisation syntaxique que de la transcription d’un énoncé oral plus ou moins virtuel et du contenu sémantique de certaines unités de l’énoncé. Il s’agit, on l’a vu, d’une conception datée qui s’appuie sur de nombreux arguments erronés ou forcés : comment accepter, par exemple, l’idée que les séparateurs graphiques soient toujours les « frontières syntaxiques correspondant aux silences de l’oral » (p. 22) ou qu’« un discours écrit non ponctué est comme un discours oral monocorde et sans pauses : il devient incompréhensible » (p. 24) ? Quant à C. Tournier (1980), il propose de distinguer quatre fonctions selon le niveau de délimitation : des « mots graphiques », des phrases et membres de phrases, des paragraphes et unités supérieures au niveau « métaphrastique ». S’y ajoutent signalisations sémantiques ou extralinguistiques diverses (« fonction spécificatrice ») (p. 36-38). Un tel classement évacue la dimension « pneumatique » mais empêche aussi de voir les grandes opérations qui permettent de comprendre les différences d’un même signe dans le cadre d’un même type d’unité. Comme à l’intérieur du lexique, la bataille fait en effet rage entre les signes qui peuvent à tout moment au cours de l’évolution de la langue se remplacer les uns les autres ou laisser la place à d’autres venus d’ailleurs (typographie, usages étrangers, etc.). Les ponctuants se retrouvent ainsi, dans les usages modernes, combiner plusieurs signes distincts ou se voir attribuer une fonction globale peu satisfaisante mais économique. Si la norme a réussi tant bien que mal entre le XVIe siècle et aujourd’hui à bloquer un certain nombre d’évolutions, nous assistons actuellement, avec les modifications des modes de communication et la mondialisation, à une remise en cause des équilibres en place, ce qui oblige à penser la ponctuation autrement. Les fonctions sont, de fait, toujours envisagées du côté du locuteur, comme si ce qui primait était la volonté de rendre compte de son rapport « oralisé » à son énoncé mais le texte écrit sert fondamentalement à la communication différée et il paraît bien plus juste de penser à un code envisagé pour le lecteur à qui on propose, on demande, d’opérer, dans son 22
Rôles de la ponctuation
interprétation, de telle ou telle manière, en tenant compte de tout un faisceau d’informations complémentaires. Dans son approche psychologique de l’acte de ponctuer, Passerault (1991) montre ainsi que les fonctions qui concernent directement le locuteur relèvent de l’organisation textuelle : il s’agit, pour s’aider à construire, à tenir, son énoncé, de marquer « le degré de relation entre les éléments tels qu’ils sont organisés au niveau de [s]a représentation » et de planifier la structure d’ensemble (p. 100). On se situe donc fondamentalement au niveau macrotextuel de ce qu’on a appelé, avec Catach, la mise en page. Les études consacrées à la ponctuation des anciens Égyptiens, dont on peut légitimement penser qu’elle est l’ancêtre de la nôtre, montrent ainsi que les premières fonctions des signes ont consisté, d’une part, à organiser des énoncés commerciaux ou poétiques en listes au moyen du blanc et, d’autre part, à indiquer des changements d’épisodes (et donc de paragraphes) au moyen de la colorisation de mots initiaux (appelés « rubriques ») (voir Winand, 1991). La prise en compte du lecteur, qui vient plus tard, ne consiste pas seulement à l’aider dans « la gestion des traitements au cours de la lecture » au travers d’une ponctuation « forte » qui lui signale quand traiter un ensemble d’informations (Passerault, 1991 : 101). La fonction de distinction s’affine, puisqu’il va s’agir aussi, dans des formes ponctuantes plus complexes, de poser des relations d’équivalence entre des éléments internes à l’énoncé (notamment au moyen de la virgule) et de favoriser le découpage syntaxique et donc de hiérarchiser les constituants. Il va, par ailleurs, de soi que le scripteur constitue son premier lecteur et que la prise en compte des ponctuants au fur et à mesure que l’écriture avance l’aide à donner une forme aussi satisfaisante que possible à ce qu’il entend énoncer. On peut dès lors poser l’existence de quatre opérations proposées au lecteur par la ponctuation, qui seront étudiées l’une après l’autre dans chacun des chapitres qui vont suivre : A. Agencer Le ponctuant rend visibles des unités et permet de les interpréter pour elles-mêmes et dans leurs rapports les unes avec les autres. Ces unités sont de même niveau : la ponctuation participe donc de la jonction, au sens que lui donne Tesnière d’« ajouter entre eux des nœuds de même nature » (1959 : 323). Les ponctuants peuvent donc accompagner des connecteurs mais sans qu’on puisse toujours préjuger de la relation sémantique qui existe entre eux (particulièrement en ce qui concerne la virgule). 23
La ponctuation en français
B. Distinguer Dans certains cas, le signe peut signaler de la différence : il bloque la lecture d’un rapport d’incidence, il permet de détacher des éléments qui demandent à s’interpréter d’une façon particulière ou, dans le cadre du dialogisme, de séparer des énoncés les uns des autres. C. Hiérarchiser La ponctuation permet de percevoir des différences d’importance dans l’apport informationnel des éléments qui constituent le texte, qu’il s’agisse notamment d’indiquer qu’un syntagme n’est pas lié à la valence verbale ou de signaler une autonomie syntaxique plus ou moins forte. D. Modaliser Si l’on considère que la modalité est l’expression de l’attitude du locuteur par rapport au contenu propositionnel de son énoncé, on conçoit comme certains signes aident à interpréter ce modus, particulièrement mais pas uniquement ceux qui portent dans leur désignation-même l’idée de modalité (interrogation, exclamation). À chacune de ces opérations correspond donc une fonction prescriptive des signes dans un cadre communicationnel d’ordre coopératif. On distinguera dès lors les fonctions d’aide à l’agencement (A), à la distinction (B), à la hiérarchisation (C) et à la modalisation (D). On résumera dans le tableau suivant les fonctions que peuvent posséder les signes principaux (++ = fonction courante / + = fonction possible) et qu’on détaillera dans les chapitres suivants. NB1 : on distingue l’« espace », blanc entre les mots qui ne varie que pour les besoins de la justification, et le « blanc », de forme variable et qui peut figurer partout. NB2 : La question de la dénomination se pose pour les signes qui utilisent plusieurs points (: et …). On a choisi de les désigner par des noms au singulier : le deux-points et le point de suspension dans la mesure où le pluriel pourrait conduire à penser qu’ils sont un ensemble de signes, ce qui n’est le cas que graphiquement et non dans leurs modes de fonctionnement.
24
Rôles de la ponctuation
Fonction : obliger à /aider à
Agencer
Distinguer
Hiérarchiser
Virgule
++
++
++
Point-virgule
++
Deux-points
++
+
Point
++
+
Point d’interrogation
+
++
Point d’exclamation
+
++
Point de suspension
+
+
+
+
++
Blanc Tiret
Modaliser
+
+
++
+
++
Parenthèses Guillemets
++
+
Italiques
++
++
Barre oblique/slash
+
+
On remarquera qu’aucun des signes, comme on pouvait s’y attendre, ne partage rigoureusement les mêmes fonctions qu’un autre (à l’exception des deux ponctuants de modalité) et qu’un seul, le tiret, peut remplir toutes les fonctions, ce qui explique sa capacité à certains moments de l’histoire ou dans certains genres de textes à devenir le seul signe utilisé. 3.2. Une question d’intensité ? On pourrait considérer que l’existence simultanée de plusieurs signes pour une même fonction s’explique par une différence d’intensité. C’est la proposition de M. Favriaud pour « prendre en compte en partie de la gradation et de la diversification des signes de ponctuation noire utilisés en un lieu syntaxique donné, de la présence latente d’une ponctuation à marquage visuel zéro, qui n’est pas une absence de ponctuation ; et aussi de comprendre 25