L'Allemagne. De Luther à nos jours - Editions de la République - Editions Ophrys

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L’ALLEMAGNE

de Luther à nos jours


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Table des matières Préface La recherche des frontières

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350 ÉTATS POUR UN EMPIRE

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Ce que l’Allemagne doit à l’Empire

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Guerre de Trente Ans. La catastrophe

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Plus Allemands que Juifs

57

La « patrie du romantisme »

67

1806-1945 LA NATION MILITAIRE

75

De la Prusse au Reich. La longue marche vers l’unité

77

Questions brûlantes sur la Grande Guerre

95

Par Pierre Monnet

Par Olivier Christin et Marion Deschamp Par Gérald Chaix

Par Dominique Bourel Par Gérard Raulet

Par Étienne François Par Gerd Krumeich

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Weimar, République normale ?

113

Nazisme. L’effondrement d’une civilisation

125

Par Nicolas Patin

Par Johann Chapoutot


1945-2015 UN GÉANT EUROPÉEN

145

1945-1948 : douze millions de réfugiés

147

Le mur de la honte

155

La RDA a-t-elle existé ?

165

Un modèle peut en cacher un autre !

181

Regarder le passé en face

197

Lexique

207

Chronologie

217

Les auteurs

227

Par Philippe Burrin

Par Edgar Wolfrum

Par Étienne François

Par Johann Chapoutot Par Étienne François



Préface « Au commencement était l’Empire : telle est l’origine de la différence entre l’ histoire allemande et celle des grandes nations d’Europe occidentale », écrit le grand historien H. A. Winkler. Durant mille ans, les pays germaniques se fondent en effet dans un vaste ensemble politique, très vite dominé par une dynastie : les Habsbourg. Ce Saint-Empire romain germanique, où l’on parlait l’italien, l’allemand, le français ou le polonais, formait un puzzle complexe, longtemps considéré comme « une monstruosité archaïque », au moment où les États centralisés faisaient leur apparition. Les historiens le considèrent aujourd’hui tout autrement. Plus que de division, ils parlent d’une diversité choisie, d’une coexistence culturelle et religieuse avec l’instauration de la Réforme par Luther. Le fédéralisme, si profondément ancré dans les pays germaniques, y trouverait ses racines. C’est Napoléon qui, en 1806, porte le coup fatal à l’Empire : le sentiment national des Allemands se forge, largement, dans la lutte antifrançaise. Avec la révolution de 1848, le rêve de l’unité dans la liberté est à portée de main. Son échec, suivi de l’unification 9


tardive de 1871 sous l’impulsion de Bismarck, dans un IIe Reich conservateur et militariste qui n’incorpore ni les Autrichiens ni les communautés germaniques dispersées en Europe, expliquerait le « chemin particulier » pris par l’Allemagne, ce « Sonderweg » qui aurait conduit à l’atrocité nazie. Cette interprétation est vivement remise en cause dans ce livre. La République de Weimar née en 1918 sur les décombres de l’Empire n’était pas vouée à l’échec. Il a fallu le choc terrible de la crise de 1929 pour la faire sombrer. Reste à comprendre pourquoi l’Allemagne a pu engendrer le nazisme et, avec lui, l’effondrement d’une civilisation. Le pays sort anéanti de la guerre. Théâtre et symbole de la confrontation entre l’Est et l’Ouest, Berlin est coupée en deux par la guerre froide. De ce prodige d’absurdité, l’Allemagne va sortir par le haut. La réunification à marche forcée a engendré bien des frustrations. Mais le « miracle économique » et la mise en place de la Loi fondamentale de 1949, étendue à toute l’Allemagne en 1990, ont permis l’installation d’une démocratie parlementaire. Aujourd’hui, l’identité allemande reste marquée par le traumatisme de la Shoah ; Hitler est la personnalité historique la plus présente dans les mémoires collectives. Mais, juste après, viennent Goethe et Schiller, Bach et Beethoven, Luther et Frédéric II, et puis Konrad Adenauer, Helmut Kohl et Willy Brandt. L’Allemagne regarde son passé en face – et peut retrouver une autre histoire, son histoire longue.

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La recherche des frontières Par Pierre Monnet La nation et l’État allemands n’ont jamais vraiment coïncidé. Sur quelles bases historiques la conscience d’une identité nationale peut-elle donc reposer ? Qu’est-ce qu’être allemand ? Est-ce parler la langue de Luther et de Goethe ? Est-ce habiter le territoire soumis à la souveraineté d’un État allemand ? Est-ce se reconnaître comme le produit et l’héritier de toute l’histoire allemande, du Saint-Empire jusqu’à l’Empire wilhelminien de 1871 et au IIIe Reich hitlérien ? Si les réponses à ces questions demeurent si délicates, c’est qu’en Allemagne, à la différence de la France, le peuple, la langue, la nation et l’État n’ont jamais vraiment coïncidé, pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont coïncidé avec une claire conscience historique des origines et de la construction du peuple allemand : « Un peuple sans frontières historiques claires, un territoire sans limites géographiques nettes », ainsi que l’écrit Joseph Rovan dans son Histoire de l’Allemagne1. 1  J. Rovan, H istoire de l’Allemagne , Seuil, 1994, p.13.

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On en veut pour preuve que la désignation même des Allemands dans les grandes langues européennes révèle une indécision et une hésitation sans équivalent. Ce flou provient en grande partie de la mobilité et de la variation considérables qu’ont connues les frontières de l’Allemagne depuis l’Empire médiéval jusqu’à 1990. Au nord, une frontière calme Commençons par la frontière la plus « simple », celle qui sépare au nord l’Allemagne du Danemark. Le nom même de Danemark, marca Danorum ou « marche des Danois », signale le caractère frontalier de la presqu’île. Cette délimitation n’a pas toujours couru à cet endroit, mais n’a pas non plus subi de bouleversements profonds. Face à l’Empire germanique reconstitué au xe siècle sur les morceaux orientaux de l’Empire de Charlemagne, il y eut toujours un royaume du Danemark centré sur la presqu’île du Jutland, une région certes évangélisée depuis les archevêchés germaniques mais jamais véritablement « germanisée ». Tantôt réunissant la Norvège, la Suède et même l’Angleterre au xie siècle, tantôt constituant une union avec les autres pays scandinaves pour faire face aux entreprises commerciales de la Hanse allemande2 aux xive et xve siècles, tenant en tout cas la Norvège sous sa vassalité jusqu’en 1814, le royaume danois connut une longévité suffisante pour maintenir sa frontière avec l’Empire. Surtout, depuis 2  La Hanse est l’association de 70 villes et comptoirs marchands de la Baltique et de la mer du Nord dont Cologne, Brême, Cracovie, Stockholm, et surtout Lübeck, ainsi qu’une centaine d’autres « villes hanséatiques », en général très petites. La Hanse connaît son apogée en 1370.

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Guerre de Trente Ans La catastrophe Par Gérald Chaix Trois décennies de massacres et de pillage : la guerre de Trente Ans fut une catastrophe démographique qui a longtemps hanté l’Allemagne. Mais la résolution du conflit témoigne aussi de la vitalité politique du Saint-Empire et des États allemands. Pour Schiller, qui s’en fait l’historien en 17911, comme implicitement pour Brecht avec Mère courage et ses enfants (1941), la guerre de Trente Ans est le plus grand désastre qu’ait connu l’Allemagne. Ce point de vue est aussi celui des historiens allemands tout au long du xixe siècle et jusqu’à la période nazie, voire au-delà. Les contemporains eux-mêmes ont eu conscience de vivre une guerre atroce durant trente années (1618-1648) sur leur sol – l’appellation « guerre de Trente Ans » est née au xviie siècle, comme le prouve l’expression « bellum atrox et multiplex, quod triginta per annos gestum est » (« une guerre atroce et complexe qui 1  F. Schiller, Histoire de la guerre de Trente Ans, traduit en français en 1794.

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s’est déroulée trente ans durant »), employée par un clerc de Cologne, dès 1650. Depuis une vingtaine d’années cependant, cette image s’est nuancée. Les Allemands ne la considèrent plus comme une catastrophe politique qui a retardé l’unification de leur pays, maintenu des institutions archaïques et favorisé les interventions étrangères. Bien au contraire. Tout commence en Bohême, un royaume qui fait partie du Saint-Empire, par un geste très fort de révolte des protestants. Le 23 mai 1618, à Prague, deux représentants de l’empereur et leur secrétaire sont défenestrés – une pratique ancestrale d’opposition à l’autorité dans la région. La noblesse protestante tchèque s’oppose ainsi aux restrictions projetées en matière de liberté religieuse par le roi de Bohême Ferdinand, acquis, tout comme son cousin l’empereur, à la Contre-Réforme. La révolte dégénère en rébellion : déposition du souverain au moment où celui-ci devient empereur du Saint-Empire en août 1619 sous le nom de Ferdinand II et élection à sa place du prince calviniste du Palatinat, Frédéric V, un des sept princes électeurs d’Empire. Le conflit, devenu inévitable, risque de s’étendre à toute l’Europe. Dans l’Empire, la montée des tensions entre protestants et catholiques a en effet abouti à un blocage des institutions et à une polarisation entre deux camps : l’Union évangélique sous l’impulsion du Palatinat et la Ligue catholique sous l’égide de la Bavière. Mais aux marges du Saint-Empire aussi la situation est explosive. Sur le flanc occidental, l’Espagne est en guerre depuis les années 1570 avec les Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) 48


Les auteurs Dominique Bourel Directeur de recherche au Centre Roland-Mousnier Sorbonne (CNRS), ancien directeur du Centre de recherche français de Jérusalem, Dominique Bourel a publié M oses Mendelssohn. La naissance du judaïsme moderne ( Gallimard, 2004). Philippe Burrin Directeur de l’IHEID (Institut des hautes études internationales et du développement) à Genève, Philippe Burrin est notamment l’auteur de R essentiment et apocalypse. Essai sur l’antisémitisme nazi (Seuil, 2007). Gérald Chaix Professeur émérite à l’université de Tours, président du conseil de direction de l’Institut européen en sciences des religions, Gérald Chaix a publié La Renaissance, des années 1470 aux années 1560 ( Cned-Sedes, 2002). Johann Chapoutot Professeur à l’université Paris-Sorbonne (Paris IV), et membre de l’IUF, Johann Chapoutot a publié Le Nazisme et l’Antiquité (PUF, 2008, rééd. 2012), La Loi du sang (Gallimard, 2014) et Histoire de l’Allemagne, de 1806 à nos jours ( PUF, « Que sais-je ? », 2014). 227


Olivier Christin Professeur à l’université de Neuchâtel, Olivier Christin est spécialiste d’histoire religieuse. Il est notamment l’auteur de La Paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au xvie siècle (Seuil, 1997). Marion Deschamp Doctorante en histoire à l’université Lyon 2, Marion Deschamp est rattachée au Centre Marc-Bloch de Berlin. Elle travaille sur l’émergence et la fabrique des identités protestantes et cultures confessionnelles au xvie siècle et a publié plusieurs études sur la théologie de l’image chez Luther et Calvin. Étienne François Professeur émérite d’histoire à l’université Paris-I et à l’université libre de Berlin, Étienne François a notamment dirigé avec Hagen Schulze Mémoires allemandes (Gallimard, 2007). Gerd Krumeich Professeur émérite à l’université de Düsseldorf et vice-président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, Gerd Krumeich a publié L e Feu aux poudres. Qui a déclenché la guerre en 1914 ? (Belin, 2014). Pierre Monnet Directeur d’études à l’EHESS et directeur de l’Institut français d’histoire en Allemagne (Francfort), Pierre Monnet est notamment l’auteur de V illes d’Allemagne au Moyen Âge (Picard, 2004). 228


Nicolas Patin Maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne, Nicolas Patin est l’auteur de La Catastrophe allemande. 19141945 ( Fayard, 2014). Gérard Raulet Professeur des universités à Paris-Sorbonne, Gérard Raulet a notamment publié L a Philosophie allemande depuis 1945 (Armand Colin, 2006) et a dirigé Les Romantismes politiques en Europe ( Maison des sciences de l’homme, 2009). Edgar Wolfrum Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Heidelberg, Edgar Wolfrum est l’auteur de la notice « Le Mur » dans M émoires allemandes (Gallimard, 2007). Il a publié Rot-Grün an der Macht. Deutschland 1998-2005 (C.H. Beck, 2013).

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