Naissance des Etats-Unis. Ses principes fondateurs - Editions de la République - Editions Ophrys

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NAISSANCE DES ÉTATS-UNIS Ses principes fondateurs


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Table des matières Préface

Par Victor Battaggion

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Les États-Unis, si loin, si proches…

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L’HEURE DE L’INDÉPENDANCE

23

Et vive le roi d’Angleterre !

25

La crise impériale

35

La voix de l’Amérique

43

La liberté au bout des fusils

51

La France au secours des Insurgents

63

Les Amérindiens dans la révolution

75

Des Franc-maçons aux commandes ?

83

Par Bertrand Van Ruymbeke

Par Edmond Dziembowski Par Allan Potofsky

Par Bertrand Van Ruymbeke Par Farid Ameur Par Farid Ameur

Par Anne-Marie Libério Par Damien Amblard


LA DÉMOCRATIE FACE À SES CONTRADICTIONS 89 La Constitution des États-Unis

91

Le fédéralisme à l’américaine

105

Citoyens armés, législateur désarmé

109

La cohabitation entre le pouvoir et les religions

119

Colons, engagés et esclaves

127

Au nom des Pères fondateurs

137

Qu’est-ce qu’un Américain ?

145

Chronologie

151

Les auteurs

157

Par Jack N. Rakove

Par François Vergniolle de Chantal Par Vincent Michelot Par Nathalie Caron

Par Marie-Jeanne Rossignol Par Alix Meyer

Par Nathalie Caron



Préface Par Victor Battaggion C’était il y a deux cent quarante ans. Le 4 juillet 1776, 13 colonies britanniques proclament leur indépendance sous le nom d’ « États unis » d’Amérique. Les premiers mots de leur déclaration claquent comme une promesse : « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : que tous les hommes naissent égaux ; que leur Créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » Liberté, égalité et bonheur pour tous, donc. Un gage d’espérance pour lequel il faut se battre contre les Anglais autoritaires et intransigeants  ; les chasser à coups de pied bien sentis hors du Nouveau Monde. Faire la guerre, autrement dit. Financés, armés et épaulés par des Français revanchards (l’épilogue de la guerre de Sept Ans ne passe toujours pas), les Insurgents mêlent leur sang à leur terre d’élection… et finissent par arracher leur destin des mains anglaises. La victoire est à eux dès la fin de 1781. Même si George III traîne des pieds pour reconnaître officiellement l’indépendance… 9


Reste à préparer l’avenir. Plus facile à dire qu’à faire. Au cours de l’été 1787, 55 délégués des 13 États fédérés se réunissent à Philadelphie pour rédiger une nouvelle Constitution (complétant une ébauche ratifiée en 1781), à laquelle seront ajoutés dix amendements connus collectivement sous le nom de Déclaration des droits (Bill of Rights) quatre ans plus tard. Le pouvoir fédéral fait peau neuve et affiche une grande modernité. Mais reste contesté par certains États allergiques au corset fédéral… Jusqu’à aujourd’hui. L’esprit des Pères fondateurs, matérialisé dans le texte « sacré », est toujours là. Instrumentalisé par les politiques à la moindre occasion : la santé, l’immigration, le fédéralisme, le port d’armes, la liberté d’expression, etc. Nul doute, la société américaine d’aujourd’hui carbure encore et toujours sur des bases deux fois centenaires… Un bien pour un mal, un mal pour un bien ?

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Les États-Unis, si loin, si proches… Par Bertrand Van Ruymbeke Cette nation est un sujet d’ étonnement pour les sujets de Louis XV et de Louis XVI : sauvage ou civilisée ? Ennemie ou alliée ? Il faudra attendre la guerre de l’Indépendance pour que les relations franco-américaines virent au beau fixe. En 1781, l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon propose un concours sur le sujet suivant : « La découverte de l’Amérique a-t-elle été nuisible ou utile au genre humain ? » Vaste programme ! Le sujet reflète l’une des grandes préoccupations du temps, en Europe mais surtout en France, où se mêle la culpabilité anticolonialiste des Européens quant à la destruction des civilisations précolombiennes et de l’esclavage des Africains à un vif intérêt pour la révolution américaine et la naissance outre-Atlantique d’une jeune république. Voici l’un des aspects de ce que les historiens ont appelé la « dispute du Nouveau Monde ». Le sujet de l’Académie de Lyon a été proposé par l’abbé Raynal, alors auteur et 13


compilateur – avec l’aide des plumes les plus éloquentes et les plus engagées du moment, dont celle de Diderot – de l’Histoire des deux Indes. L’ouvrage offre en plusieurs tomes une fresque tour à tour décrivant, glorifiant et condamnant l’expansion européenne aux Amériques, en Afrique comme en Orient depuis les premières explorations portugaises du xve siècle. Sans surprise, les auteurs des mémoires soumis au concours de l’Académie de Lyon s’inspirent largement du « best-seller » de Raynal. Une catastrophique découverte Ce qui surprend, à l’inverse, est le nombre important de mémoires qui condamnent sans équivoque la colonisation. Ainsi Christophe Colomb est-il perçu très négativement. La « découverte » et la colonisation des Amériques sont décrites comme une catastrophe planétaire qui fait encore souffrir des milliers d’individus. Cette implacable condamnation se greffe sur une dénonciation désormais habituelle du colonialisme ibérique aux Amériques – une posture appelée la « légende noire » – et sur une forte hostilité contre les planteurs esclavagistes des Antilles, décrits comme des petits despotes de plantations. Plus fondamentalement, au-delà de ce bilan de trois siècles de colonisation, ce débat est une réflexion sur l’Europe ellemême, au travers du comportement des Européens à l’égard de l’Autre, l’autochtone, qu’il soit amérindien, africain ou oriental. Notons toutefois que le concours lyonnais est reporté à trois reprises durant la décennie 1780 et que, si les mémoires affluent de toute la France, aucun essai ne sera couronné au final… 14


La liberté au bout des fusils Par Farid Ameur Exaspérées par les intransigeances britanniques et enhardies par leurs succès militaires sur les Français, les treize colonies rechignent de plus en plus à obéir. Et au printemps 1775, le point de non-retour est atteint… Mardi 18 avril 1775. Il est presque minuit. Surgi des bois, un cavalier galope à bride abattue en direction de Concord, dans le Massachusetts. Voilà maintenant deux heures que Paul Revere, bravant mille périls, a quitté son atelier d’orfèvre de Boston pour prévenir ses compagnons de l’arrivée des troupes britanniques. « Les Tuniques rouges arrivent ! » crie-t-il sur son passage. L’alarme jette aussitôt l’effroi. Déjà, plusieurs messagers parcourent la campagne pour avertir les « Fils de la liberté » – ces rebelles gagnés à la cause de l’indépendance des treize colonies d’Amérique – de l’imminence du danger. À des kilomètres à la ronde, le bruit du tocsin rompt le silence de la nuit. N’écoutant que leur devoir, les insurgés se préparent à recevoir le choc de 51


l’ennemi. Le lendemain, à Lexington et à Concord, ils parviennent à repousser le détachement venu s’emparer de leurs caches d’armes. Enhardis par ce double succès, ils obligent les soldats de Sa Majesté à battre en retraite. Cette fois, les graines de la rébellion sont semées. La confrontation est devenue inévitable. Un développement freiné par Londres Depuis la fin de la guerre de Sept Ans (1756-1763), en vertu du traité de Paris, la Grande-Bretagne a évincé son rival français et consolidé ses positions en Amérique du Nord. Elle détient treize colonies, sans compter le Canada, qu’elle a annexé dans des conditions dramatiques pour la population francophone. Des terres giboyeuses et fertiles, qui attirent un flot croissant d’immigrants chassés d’Europe par la guerre, la misère et les persécutions. Cette nouvelle donne aurait dû fortifier les liens unissant la mère patrie à ses colons fixés outre-Atlantique. Or, le torchon ne tarde pas à brûler entre les alliés de la veille. La guerre, à vrai dire, a considérablement vidé les caisses du royaume. Aussi, le Parlement de Londres trouve légitime d’en faire porter le fardeau fiscal aux colonies. Une série de taxes s’abat sur ses habitants, déjà échaudés par l’interdiction qui leur est faite de repousser le front pionnier au-delà de la chaîne des Appalaches. Leur inquiétude n’a d’égale que leur colère. Scandalisés, ils estiment que leurs droits et leurs intérêts sont d’autant plus lésés que leurs représentants ne sont pas admis à siéger à la Chambre des communes. Devant l’intransigeance du roi George III (1738-1820), la résistance s’organise. 52


La cohabitation entre le pouvoir et les religions Par Nathalie Caron In God we trust ? Certainement, mais que cela ne soit pas au détriment de la liberté de chacun. Les auteurs de la Constitution, en rédigeant son premier article, ont défini une laïcité bien différente de la nôtre… « Le Congrès ne fera aucune loi établissant une religion ou en interdisant le libre exercice. » Ainsi commence le premier amendement de la Constitution des États-Unis, adopté en 1791, qui garantit, dans un second temps, la liberté d’expression, celle de la presse, le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et celui d’adresser à l’État des pétitions pour faire état de leurs griefs. Par ces simples mots, le rédacteur de la Constitution, James Madison, a défini ce qui régit aux États-Unis les rapports entre les Églises et les États (Church and State), deux termes que le français devrait contraindre à mettre au pluriel, compte tenu de la diversité religieuse comme du système fédéral. 119


La clause religieuse du premier amendement, applicable aux États fédérés depuis 1947, est-elle un équivalent de notre loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État ? Question plus épineuse encore, car elle touche le cœur de nos identités nationales : est-il légitime d’utiliser le terme « laïcité » pour caractériser le système politico-religieux en vigueur aux États-Unis ? Pour certains politistes, certainement. Denis Lacorne parle de « laïcité américaine » ; Camille Froidevaux-Metterie d’une république américaine « fermement laïque ». Pour d’autres, comme le théologien et essayiste Jean-François Colosimo, pour qui le système américain est une « théo-démocratie », il n’en est pas question : la laïcité est bien une spécificité française. « Que dieu bénisse l’Amérique » ! Ces différences d’interprétation exprimées de ce côté-ci de l’Atlantique reflètent ce qui nous apparaît comme une contradiction : les États-Unis sont un pays laïque, mais où le degré de sécularisation n’a pas atteint celui de certains pays de même statut économique – le Danemark, la France, la Grande Bretagne – et où la religion civile semble comme exacerbée, jusqu’à mêler étroitement pratiques religieuses et pratiques politiques. Les exemples, nombreux, ne manquent pas de frapper nos consciences laïques : le président jure sur la bible le jour de son investiture, la devise In God we trust figure sur les billets de banque, et les séances des deux chambres du Congrès s’ouvrent par une prière. Et pourtant, la Constitution des États-Unis est bien une Constitution « sans Dieu », pour reprendre le titre d’un 120


Les auteurs Damien Amblard Spécialiste de la société américaine, il a signé Le Fascisme américain et le Fordisme (Berg, 2007). Farid Ameur Docteur en histoire, il est l’auteur, entre autres publications, de La Guerre de Sécession (PUF, 2013). Claire Bourhis-Mariotti Maître de conférences à Paris-III, elle est l’auteur de L’Union fait la force : les Noirs américains et Haïti (PU Rennes, 2016). Nathalie Caron Professeur en civilisation américaine à la Sorbonne, elle s’intéresse à la diffusion des Lumières françaises aux États-Unis. Elle a dirigé, avec Guillaume Marche, La Politisation du religieux en modernité (PU Rennes, 2015). Anne Deysine Juriste, politologue, spécialiste des États-Unis. Edmond Dziembowski Professeur des universités à Besançon, il a publié La Guerre de Sept Ans (Perrin, 2015).

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Liliane Kerjean Professeur des universités en études américaines, elle a notamment publié chez Gallimard les biographies de Washington (2015) et de Lincoln (2016). Anne-Marie Libério Doctorante à Paris-VIII, elle étudie les rapports entre Amérindiens et société coloniale. Carine Lounissi Maître de conférences en civilisation des États-Unis, spécialiste des échanges intellectuels entre penseurs français, anglais et américains à la fin du xviiie s. Alix Meyer Maître de conférences, il a signé en 2015 aux PU de Rennes Les Républicains au Congrès : la résistible ascension des conservateurs américains. Vincent Michelot Professeur d’histoire politique des États-Unis à Sciences po Lyon, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la présidence américaine. Allan Potofsky Professeur à l’université Paris-Diderot, ses recherches portent sur l’espace transatlantique au xviiie s.

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Jack N. Rakove Professeur d’histoire américaine à l’université Stanford (Californie), spécialiste de la Constitution américaine et de son histoire. Marie-Jeanne Rossignol Professeur à Paris-Diderot, elle a traduit et annoté, avec Claire Parfait, Le Récit de William Wells Brown, esclave fugitif (PU Rouen, 2012). Bertrand Van Ruymbeke Professeur à Paris-VIII, il a écrit L’Amérique avant les États-Unis : une histoire de l’Amérique anglaise, 1497-1776 (Flammarion, 2013). François Vergniolle De Chantal Professeur de civilisation américaine à Paris-Diderot. L’Impossible Présidence impériale va paraître aux éditions du CNRS.

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