Vikings. La saga scandinave - Editions Ophrys

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VIKINGS

La saga scandinave


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Table des matières Préface

Par Victor Battaggion

7

Le crépuscule des d ieux

11

La civilisation

21

Comment ils émergent des brumes scandinaves

23

Opération commando

29

Paisibles en la demeure

37

La femme, gardienne du foyer

49

Les maîtres du chantier naval

55

L’expansion

65

En Angleterre, les rois danois font la loi

67

La Francie occidentale aux abois

75

L’Islande, ou les possibilités d’une île

85

Il était une fois e n Amérique

93

Par François Émion

Par Alban Gautier Par Régis Boyer

Par Jean Renaud Par Sylvie Joye

Par Élisabeth Ridel

Par Alban Gautier

Par Stéphane Lebecq Par Jesse Byock

Par Bruno Dumézil

La Mère Russie a un père suédois Par Jean-Marie Maillefer

103


l’héritage

111

Guillaume : de « Bâtard » à « Conquérant »

113

Les Hauteville sous le soleil d’Italie

121

Bohémond de Tarente, prince d’Antioche

131

« Les plus grands commerçants de l’Occident »

139

Chronologie

145

Les auteurs

149

Par Pierre Bouet

Par Laurent Vissière

Par François Neveux

Entretien avec Régis Boyer



Préface Par Victor Battaggion Fiers combattants et navigateurs de génie, les Scandinaves débarquent sur la scène internationale dès le viiie siècle. Ces gaillards-là sillonnent les mers en tous sens, mènent des expéditions maritimes en Angleterre, en Irlande, en Francie occidentale, en Islande… Les plus audacieux découvrent le Groenland et prennent pied en Amérique. D’autres vont poser les fondements d’un État russe et taquiner au passage la patience des empereurs byzantins. Comment ces hommes du Nord ont-ils pu déferler avec autant de facilité sur le monde occidental ? Réponse : grâce à leur navire, le knörr – et non drakkar. Aussi léger que souple, il est l’instrument et le symbole de leur fabuleuse destinée. Sans lui, pas de raid dévastateur, pas de commerce, pas de colonisation… Pas de Vikings, en somme. Odin, Thor, Baldr et Loki, les dieux du panthéon nordique, en sont témoins ! Mais ces farouches guerriers avides de butin facile n’ont pas bonne presse. Leurs violents coups de main et leurs opérations commerciales abrégées à la hache sèment 7


un vent de panique. Les clercs, apeurés, ne cesseront de les diaboliser dans leurs écrits pathétiques, voire fantaisistes. Le mythe vient de débuter… Et pour longtemps. Pour preuve : les Vikings continuent de nous fasciner, au cinéma, dans la BD ou les séries télé (Vikings, de Michael Hirst). Raison pour laquelle nous avons décidé de revenir sur leur brillante civilisation, leur étonnante et méconnue expansion à travers le globe, mais aussi leur héritage. Un sacré programme, par Odin !

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Le crépuscule des dieux Par François Émion Du chaos originel naissent les divinités du panthéon nordique. Odin, son fils Thor et le facétieux Loki, les trois plus célèbres d’entre eux, contribuent à l’ équilibre du monde. Jusqu’au Ragnarök, jour du cataclysme final. Au commencement, le monde que nous connaissons n’existe pas. L’espace est désert et inorganisé. Au nord se trouve le Niflheimr, lieu sombre et glacé. À l’opposé, il y a le Muspellsheimr, le monde des flammes, chaud et lumineux. Entre les deux s’étend le Ginnungagap, « Abîme béant », calme et immobile. Dans le Niflheimr sourd une source d’où s’écoulent des fleuves venimeux qui, dans leur cours vers le sud, se transforment en glace et couvrent de givre le Ginnungagap. Mais un jour, au contact de l’air brûlant provenant du sud, le givre se met à fondre, et des vapeurs produites naît le premier être vivant, le géant Ymir. Et ces gouttes de givre donnent également vie à une vache, Audhumla, dont le 11


lait abondant nourrit Ymir, être hermaphrodite qui donne naissance à des enfants, dont descendra la race des géants, les ennemis des dieux et des hommes. Audhumla s’alimente en léchant le givre, d’où elle libère Buri, un homme né de la glace et de la chaleur bovine. Plus tard, son fils, uni à une géante, engendre Odin, le premier des dieux. Sans que l’on sache pour quelle raison, Odin, aidé de ses deux frères, tue le géant Ymir, dont le démembrement va servir à la formation du monde : de sa chair ils créent la terre ; de son sang, la mer et les lacs ; et de ses os, les montagnes… une forteresse en cils de géant Ce récit de la création du monde nous est connu grâce aux Islandais du Moyen Âge, qui ont consigné par écrit de nombreux savoirs traditionnels, historiques, héroïques et mythiques. L’essentiel de nos connaissances sur les mythes préchrétiens est contenu dans deux ouvrages. L’un fut composé par un chef islandais, grand érudit et poète : Snorri Sturluson. Il est l’auteur dans les années 1220 d’une sorte de traité d’art poétique en prose, L’Edda, dont la première partie présente la mythologie païenne, depuis la création du monde jusqu’à sa destruction, le fameux « crépuscule des dieux ». Le second ouvrage, un manuscrit anonyme datant du xiiie siècle appelé Edda poétique, contient des poèmes héroïques et mythologiques. Si la rédaction de ces textes est récente, donc influencée par le christianisme, le fond se perd dans la nuit des temps. L’Islande s’est convertie au christianisme vers l’an mille, mais la mémoire des anciennes 12


Paisibles en la demeure Par Jean Renaud Vous avez dit barbares ? C’est bien mal les connaître. Les Scandinaves sont pétris de valeurs morales et guidés par des règles. Au quotidien, ces excellents fermiers et artisans aiment la chasse, la pêche… et les veillées au coin du feu. Il n’y a pas beaucoup d’intimité dans une ferme scandinave, c’est vrai. Plusieurs générations vivent ensemble sous le même toit : le maître de maison, son épouse ainsi peut-être qu’une concubine (frilla) et le fils d’une autre famille (fóstri), confié pour parfaire son éducation. Sans oublier les journaliers. Entrons dans la skáli, le bâtiment principal, un long rectangle aux murs incurvés de pierre et de tourbe (ou en bois dans les régions forestières), coiffé d’un toit soutenu par des poutres et garni de tourbe ou de chaume. Le foyer, allongé, est à même le sol, de terre battue, au milieu de la grande salle commune. Une source de chaleur et de lumière bienvenue dans une pièce assez sombre, dépourvue de fenêtres, dont la seule aération est une simple ouverture 37


pratiquée au plafond… C’est à cet endroit que toute la maisonnée mange, s’occupe et dort. C’est là aussi que le maître de maison a son siège surélevé (öndvegi), aux montants sculptés. Les bancs disposés le long des murs servent de lits, où tous couchent sur de la paille et sous des couvertures de laine ou des peaux. Les rares meubles sont des coffres et un grand métier à tisser vertical dressé en oblique sur le mur du fond. Un peu à l’écart de la skáli, d’autres bâtiments, plus petits, servent de dépendances : resserre à provisions, cellier, étable et son fenil, bergerie, forge ou ateliers. Leur nombre – autour de six – varie en fonction de la taille de la ferme. Une bouillie de céréales et au lit ! Eh oui, le Viking peut aussi être un excellent fermier ! Il élève des chevaux, dont il est particulièrement fier, mais également des porcs, des moutons, quelques chèvres et des vaches, qui passent les longs mois d’hiver dans l’étable. Les réserves de foin récolté à la belle saison conditionnent la survie des bêtes et la production laitière. Or, la nature et le climat sont souvent ingrats… Le Scandinave s’efforce de produire ou de se procurer tout ce dont il a besoin. Que ce soit en nourriture, en boisson, en vêtements et en combustibles. Dans les champs autour de la ferme, il cultive de l’avoine, de l’orge, du blé, mais aussi des pois, des raves et des choux. Son alimentation de base est d’ailleurs constituée de gruau (grautr), une bouillie de céréales cuite dans la marmite au-dessus du foyer, de pain non levé, de poisson (souvent 38


En Angleterre, les rois danois font la loi Par Alban Gautier Des vagues successives de farouches Scandinaves déferlent sur l’île au milieu du ixe siècle. Et laissent, en se retirant, un vaste héritage culturel, artistique et juridique. Au printemps 865, l’Angleterre doit faire face à une nouvelle menace : un assemblage hétéroclite de bandes de pillards débarquent sur l’île. Et, dans les années qui suivent, s’attaquent aux royaumes indépendants qui forment alors le monde anglosaxon. Les textes en vieil anglais, comme la Chronique anglosaxonne (892), nomment ces envahisseurs se here (« l’armée »), Dene (« Danois ») ou hæthenan (« païens »). Les historiens, eux, parlent de « grande armée danoise ». Pourtant, tous ces « Danois » ne viennent pas du Danemark. Tant s’en faut. Les Anglo-Saxons désignent ainsi tous ceux que les Francs appellent « Normands » et que nous qualifions de « Vikings ». En réalité, si certains viennent effectivement des terres danoises, d’autres sont originaires de Norvège ou opèrent 67


en Occident depuis des décennies. Certains sont même nés en Irlande, en Angleterre ou dans l’Empire franc, et ont rejoint « la grande armée », en quête d’aventure et de richesse. Les Anglo-Saxons connaissent bien ces prétendus Danois. Depuis le viiie siècle, au moins, ils subissent leurs raids de plus en plus audacieux, comme celui qui a ravagé, en 793, l’abbaye de Lindisfarne. Mais, cette fois, les événements prennent une autre tournure. Car ces Vikings n’ont pas l’intention de retourner chez eux une fois leur butin amassé. Ils veulent conquérir des terres. Et s’y installer ! Une « grande armée » de quelques milliers d’hommes D’autres groupes ne tardent pas à les rejoindre : l’occasion est trop belle pour ces bandes qui opèrent depuis plusieurs décennies entre les îles et le continent. L’expression « grande armée » est d’ailleurs trompeuse : comptant chacune quelques centaines d’hommes, un millier tout au plus, les bandes qui la composent sont en compétition autant les unes envers les autres que contre les rois anglo-saxons. S’il arrive que leurs chefs coopèrent, ils sont tout aussi prompts à se séparer… ou à conclure un accord avantageux avec un prince anglais, au détriment de leurs alliés de la veille. Les royaumes de l’île, déstabilisés, tombent un à un sous leur coupe. La Northumbrie (située dans le Nord) éclate en plusieurs principautés, dont la principale est le royaume viking d’York. En Mercie (au centre), le roi Burgred s’enfuit, et son successeur, Ceolwulf, doit céder la moitié orientale de ses terres. Conséquence : les Cinq Bourgs – Derby, Leicester, Lincoln, Nottingham et Stamford – deviennent 68


Guillaume : de « Bâtard » à « Conquérant » Par Pierre Bouet Le temps a beau passer, la quête de fols exploits se poursuit avec les Normands, fils et petits-fils de Vikings. Le plus retentissant ? L’invasion de l’Angleterre par un certain duc. Un siècle après leurs ancêtres vikings, les Normands réussissent des opérations audacieuses dans de nombreux pays d’Europe. Alors que certains s’illustrent en Espagne dans la reconquête des royaumes musulmans, d’autres, sous les ordres des fils de Tancrède, Robert Guiscard et son frère le comte Roger, se rendent maîtres du sud de l’Italie et de la Sicile, en imposant leur domination aux Grecs de Pouille et de Calabre, aux Lombards de Salerne et de Capoue ainsi qu’aux Arabes de Sicile. Mais l’exploit qui demeure le plus emblématique de ces Normands reste la conquête de l’Angleterre par le duc de Normandie, Guillaume le Bâtard. Est-ce par nostalgie des actions d’éclat accomplies par leurs ancêtres que ces Normands sont partis à l’aventure, 113


pour triompher sur de nombreux champs de bataille ? Aucun témoignage contemporain ne permet de l’affirmer. Les chroniqueurs et historiens de l’époque, français comme normands, se sont interrogés sur les raisons qui faisaient des Normands des guerriers invincibles. Ils justifiaient le plus souvent cette supériorité en rappelant qu’ils étaient issus de « la race des hommes venus du Nord » (gens Northmannorum). À l’image de leurs ancêtres, ils faisaient assaut d’audace, d’ambition et de cupidité. Menacé de mort à l’âge de 8 ans Une telle vision des événements, qui sera reprise au xixe siècle par des historiens romantiques, ne résiste pas à l’analyse. Les Normands du xie siècle sont depuis le traité de SaintClair-sur-Epte (911) devenus des Francs ; ils ont abandonné définitivement leur langue, leur religion et leurs traditions pour s’intégrer à la civilisation chrétienne de l’Empire franc. Quoi qu’on dise à ce sujet, l’aventure de Guillaume le Conquérant échappe à toutes les analyses. Du lignage de Rollon étaient issus des ducs éminents, comme Richard sans Peur, qui gouverna le duché de 942 à 996, puis Richard II et Robert le Magnifique. Mais rien ne saurait égaler la réussite de ce jeune bâtard, méprisé et en danger de mort dès lors qu’il accède au pouvoir, à l’âge de 8 ans, et qui est devenu l’un des plus puissants monarques du continent par sa victoire à Hastings, le 14 octobre 1066. La conquête de l’Angleterre demeure l’un des faits majeurs de l’histoire européenne ; elle a encore des répercussions dans le monde d’aujourd’hui. Pour devenir roi, Guillaume 114


« Les plus grands commerçants de l’Occident » Entretien avec Régis Boyer Régis Boyer, f ondateur de l’Institut d’études scandinaves à la Sorbonne, explique pourquoi le génie marchand des Vikings ne se dément pas, mille ans après leur apogée. Quelles sont les principales idées reçues sur les vikings ? Régis Boyer : On fait d’eux des barbares, des guerriers surnatu­rels. C’est totalement faux. Leur culture et leur civilisation, traduites par les Eddas – ces poèmes scaldiques –, les sagas, mais également leur juridiction et leur mode de vie en commun font de leur culture l’une des plus importantes de notre histoire, comparable aux civilisations grecque ou latine. On dit aussi que ces hommes du Nord ont conquis la Normandie. En fait, ils s’y sont installés, en 912, parce que Charles le Simple, roi terriblement peureux, les y a invités. Ils y ont pris femme et, après deux ou trois générations, 139


sont devenus de vrais Normands. La même situation s’est produite dans le Danelaw anglais, dans le sud de l’Irlande, en Islande et en Russie – qu’ils ont fondée et baptisée. Enfin, les Vikings ont bien tenté de mettre le siège sur Paris, lors du second mouvement de leur histoire, entre le ixe et le xie siècle, mais ils ont échoué. Pourquoi sont-ils devenus de si habiles commerçants ? Deux événements expliquent leur expansion. D’une part, le délabrement de l’Empire carolingien. D’autre part, les Arabes, plus forts et plus nombreux, coupent leurs routes maritimes, qui traversent toute la Méditerranée, du détroit de Gibraltar à Byzance. Les Vikings entreprennent alors de piller l’Espagne, la France, les Pays-Bas… Leur objectif est simple : gagner de l’argent et ren­trer chez eux. Vous connaissez les meubles Ikea, le saumon de Norvège, le caviar d’Islande et les enceintes Bang & Olufsen ? Les pays scandinaves, bien que tout petits, restent encore aujourd’hui les plus grands commerçants de l’Occident. C’était déjà le cas aux ixe et xe siècles, ils n’ont ni agriculture, ni industrie, ni ressources, mais ils possèdent le commerce, qu’ils ont développé grâce à leurs bateaux. Les Vikings se déplacent beaucoup, mais rentrent toujours chez eux, s’ils ne colo­ nisent pas. Comment caractériser leur système politique ? Ils n’ont pas connu la notion de royauté, sauf à une époque plus moderne. Ils pratiquent une sorte d’égalité sourcilleuse 140



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