tommaso serafini Entre ciel et terre deux façons de toucher le sol et de s'élever par l’architecture
Tommaso serafini | mémoire de master 2 | 2021 ensapvs - sous l’encadrement de Cyrille Faivre-Aublin Entre ciel et terre deux façons de toucher le sol et de s'élever par l’architecture
L’Insoutenable Légèreté de l’être Milan Kundera La pesanteur, la nécessité et la valeur sont trois notions intrinsèquement liées : n’est grave que ce qui est nécessaire, n’a de valeur que ce qui pèse.
sommairecorpus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . question. principale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.14 chapitre. Tectoniquei et stéréométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .I.I Questions de tectonique pag.22 .I.II Le point d’appui pag.28 chapitre. compositionii . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Le cube et le pli pag.48 chapitre. iii relation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Orienté nonorienté pag.70 conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sources. d’images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.100
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.46 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.68 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.90 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.94
8 corpus
luigi moretti Complexe pour maisons, commerces et bureaux Milan, Italie 1949 - 1955 fig. 1
fig. 2 LIVIO VACCHINI La Ferriera Locarno, Ti, Suisse 2000 - 2003
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COMMENT LEs DIFFéRENTs TRAITEMENTs TECTONIQUE ET STéRéométrique DANS LES ŒUVRES DE LUIGI MORETTI ET LIVIO VACCHINI PERMEtTent-ILs DE SOULEVER, D'ORIENTER ET DE CRéER DES RELATIONS COMPOSITIONNELLES ET NON COMPOSITIONNELLES ?
14 introduction
Un contraste ancré dans le temps, j’ose dire atavique, comme l’est la caverne du mythe platonicien ou la cabane théorisée par Marc-Antoine MaisLaugier2est-ce vraiment le cas ?
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Une symphonie n’est-elle peut être composée que de contrastes absolus, ou existe-t-il des critères d’accord entre les deux dérivations, constituées de gammes moyennes ? Ici, nous penchons évidemment vers ce point de vue, ou peut-être est-ce l’histoire de l’architecture elle-même qui nous le suggère. Le contraste au niveau de la réalité, voire de la pensée elle-même, brise, sublime, échappe à la logique manichéenne, et les deux aspects contribuent à la définition de l’œuvre architecturale, même si, et c’est indéniable, en soulignant un caractère sur l’autre.
S
téréométrie et tectonique, ces deux termes pourraient à eux seuls représenter une synthèse exhaustive de cet acte de construction fait de pensées, de mots, de formes et de bâtim ents qu’est l’architecture. Ces deux caractéristiques de concevoir, avant même de construire, m’ont guidé dans le choix et la sélection des deux bâtiments considérés, et surtout dans le choix des deux architectes qui les ont conçus : Luigi Moretti et Livio Vacchini.
Comme je l’ai dit, la stéréométrie et la tectonique ne représentent pas des modes mais l’hypothèse d’une contraposition élémentaire entre le continu et le discontinu, entre la masse et le squelette, entre l’émergence et le soulèvement.
C’est dans cette optique que nous tenterons de construire cette compa raison, non pas dans un caractère de pure opposition mais de dialogue, d’évolution et de concrétisation des concepts développés par les deux « À Stonehenge, le moment gèle et l’émotion grandit lorsque nous voyons apparaître avec arrogance les trois façons fondamentales de construire : comment la croûte terrestre change ; comment il monte ; comme il se ferme au ciel. » 1
17 fig.4Marc-Antoine Laugier, Cabane primitive, 1755fig.3Stonehenge, Amesbury, Angleterre entre -2800 et -1100
Des valeurs qui, avec un dosage chimique, presque alchimique, conduisent à des résultats, des sens et des significations extrêmement
Dans une perspective de coexistence avec la ville et d’appartenance à Toutecelle-ci.cette série d’analyses sera appuyée par d’autres travaux des deux architectes, mettant en évidence des caractères de filiation ou de Stéréométriecontraste. et tectonique donc, deux concepts pour deux bâtiments pour deux façons différentes de toucher le sol et de s’élever.
Le troisième et dernier chapitre portera sur la capacité de ces deux bâtiments à interagir avec leur environnement, qu’il s’agisse de se laisser traverser, de s’arrêter ou de repousser.
Ils diffèrent par leurs origines, leur climat culturel et leur attitude à l’égard de l’architecture, mais en même temps, ils sont tous deux des investigateurs de ces principes.
La Ferriera de Livio Vacchini à Locarno et le complexe de logements et de bureaux de Luigi Moretti à Milan sont probablement deux objets pro fondément différents, tout comme la personnalité des deux architectes.
Dansdifférents.leschapitres suivants, une série d’analyses seront effectuées selon différents points de vue. Le premier abordera la question du point d’appui, de son aspect le plus massif à son aspect le plus squelettique, en étudiant ses répercussions sur l’ensemble du bâtiment.
Une voie qui s’est développée à travers des étapes intermédiaires et dans un processus de raffinement continu jusqu’à atteindre la formalisation dans les deux principaux bâtiments choisis pour cette comparaison.
Le deuxième chapitre se concentrera sur une description de la composi tion des deux bâtiments, en étudiant les relations spatiales et les aspects formels liés à la sensibilité architecturale/théorique des deux architectes.
L’aspect stéréométriqueet tectonique est prédominant dans ces deux bâtiments, atteignant un degré de radicalisation, une sorte de manifeste de ces deux valeurs.
18 architectes au cours de leur production.
19 1. Vacchini, L. (2017). Capolavori. 12 architetture fondamentali di tutti i tempi. Melfi, Italie: Libria. p. 21 2. Marc-Antoine Laugier (1716-1769) historien et théoricien de l’architecture français notes fig.5allégorie de la caverne de Platon fig.6études sur la mesure et la division des pierres
20 Auguste Perret “L’architecture, c’est l’art de faire chanter le point d’appui.”
COMMENT LE DIFFERENT TRAITEMENT TECTONIQUE ET STEREOTOMIQUE DANS LES ŒUVRES DE LUIGI MORETTI ET LIVIO VACCHINI PERMET-IL DE SOULEVER , D'ORIENTER ET DE CREER DES RELATIONS COMPOSITIONNELLES ET NON COMPOSITIONNELLESTectonique? stéréométrieet I
τεκτονική (τέχνη
Die Tektonik der Hellenen (La tectonique des Hellènes) en trois volumes et, peu après, Gottfried Semper1 avec son ouvrage Die vier Elemente der Baukunst (Quatre éléments d’architecture), publié en 1851.
Karl Otfried Müller est, comme nous l’avons mentionné, le premier à avoir tenté de systématiser le concept, en associant le terme à celui de “formes d’art”, lié avant tout à cette série d’objets et d’outils appartenant à une dimension artisanale.
. questionsI
22 Si, comme on l’a dit plus haut, la stéréométrie et surtout la tectonique jouent un rôle prépondérant dans cette analyse, des questions peuvent se poser : quand ces concepts sont-ils apparus ? Que signifient-ils vraiment ? Et peut-on dire que la tectonique véhicule un style ou un langage ?
La transition entre ces trois auteurs est essentielle pour comprendre la définition de ce concept. Nous passons d’un concept de tectonique de plus en plus abstrait et mal défini à un terme ayant une réelle signification spécifique.
Karl Bötticher, quant à lui, dans son interprétation, parle de la tectonique comme d’une “logique formelle de l’ensemble” depuis l’abaque, dans le I de tectonique
La première utilisation de ce terme en allemand, tektonik, se trouve dans le Handbuch der Archäologie der Kunst (Manuel d’archéologie de l’art), de Karl Otfried Müller en 1830. Entre 1843 et 1852, Karl Bötticher publie
Le concept de tectonique imprègne et traverse toute l’histoire de l’ar chitecture, trouvant son fondement étymologique dans la Grèce antique ( ) “ art de construire “), mais ce n’est qu’à partir du XIXe siècle, et en particulier dans la pensée théorique allemande, que ce terme entre avec force dans le débat architectural, prenant une valeur nouvelle, ou plutôt consolidée.
23 fig.8Die Tektonik der Hellenen Karl Bötticher, 1843-52 fig.9Die vier Elemente der Baukunst Gottfried Semper, 1851 fig.7Handbuch der Archäologie der Kunst Karl Otfried Müller,1830
Pour Semper, cependant, l’intention n’est pas de s’attarder sur le topos en tant qu’objet en soi mais de l’utiliser pour une série de discours Surconséquents.labased’une procédure taxonomique et à partir des éléments susmentionnés, Semper classifie deux méthodologies fondamentales de construction : la tectonique et la stéréométrie.
24 chapiteau de la colonne, jusqu’aux éléments sculpturaux, dans une sorte d’unité formelle globale.
Ce bref voyage dans l’histoire des présupposés théoriques de la tectonique n’a ni la prétention ni le désir d’être exhaustif, sinon de cadrer le concept et le caractère dichotomique qu’il revêt par rapport à la stéréométrie. I Tectonique et stéréométrie
Comme on peut le constater, grâce à Semper, non seulement nous trouvons enfin une définition précise et exhaustive de la tectonique, mais nous voyons également l’introduction du concept de stéréométrie, et donc de son caractère contrasté.
Chapitre
Le premier est une méthodologie qui constitue le cadre, assemblé avec des éléments légers et linéaires qui composent une sorte de matrice Laspatiale.seconde, comme la pratique du travail de la terre, dans laquelle la masse et le volume sont conjointement formés par une accumulation répétée d’éléments lourds.
Ses recherches partent de l’identification de quatre éléments qui, selon lui, sont à la base de l’architecture elle-même : le foyer, le terrassement, la toiture/structure et l’enceinte (en termes de membrane légère).
Gottfried Semper, quant à lui, semble vouloir aborder la tectonique sous un angle plus profond, en tentant de systématiser le concept.
La tentative d’identifier un “ lieu premier “ (όπος, topos), une conforma tion spatiale et typologique à la racine de l’architecture, n’est certes pas nouvelle et s’inscrit dans une série de tentatives similaires, de Vitruve2 à l’abbé Laugier.
25 questions de tectonique fig.10La cabane des Caraïbes à la Grande Exposition de 1851 Gottfried Semper
Chapitre I Tectonique et
Les mots utilisés par Kenneth Frampton4 tendent à clarifier ces questions, en définissant une relation d’interdépendance et de concaténation évidente entre ces trois aspects fondamentaux de la construction.
La tectonique elle-même ne contient pas de langage prédéfini, sauf pour exprimer les caractéristiques décrites ci-dessus, à savoir quelque chose de léger, squelettique et souple, fait de conjonctions claires et disjointes.
La tectonique a-t-elle son propre langage ?
Il est essentiel de clarifier cette relation afin de procéder à l’analyse de ces deux bâtiments qui, avant toute hypothèse formelle ou linguistique, diffèrent dans leur conception, entre léger et lourd, entre émergé et Unesurélevé.dernière question demeure.
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Je ne crois pas à cette interprétation.
On pourrait répondre non, du moins au sens strict.
On pourrait croire à un discours cynique, presque désintéressé, dans lequel l’architecte semble être relégué au rôle de simple exécutant, d’organisateur de coordonnées.
Un élément, une méthodologie donc, ainsi que le type et ses variations qui font écho mais ne conduisent jamais, ou ne devraient pas conduire, à des solutions prédéfinies ou répétées.
Et si la tectonique ne favorise pas nécessairement un style particulier, elle le fait, lorsqu’il entre en contact avec le type et le site, [...].”3 stéréométrie
“Nous pouvons dire que l’environnement bâti naît invariablement de l’interaction en constante évolution de trois vecteurs convergents, le topos, le typo et la tectonique.
Mais que se passe-t-il lorsque l’on relie ces deux derniers aspects men tionnés ci-dessus, à savoir la tectonique et le type, avec, par exemple, le site où une œuvre d’architecture doit prendre forme ?
Indifférents, presque inutiles, s’ils sont pris individuellement, mais qui, dans une perspective totale de dépendance correspondante, conduisent à des résultats concrets, à une explication linguistique.
27 questions de tectonique
3. Frampton, K. (2001). Studies in Tectonic Culture: The Poetics of Construction in Nineteenth and Twentieth Century Architecture. Cambridge , Massachusetts, États-Unis: MIT Press. p.2
4. Kenneth Frampton (20 novembre 1930) est un architecte, critique et historien britannique.
5. Masiero, R. (2013). Nel - il + Livio Vacchini disegni 1964-2007. (C. Mion, A cura di) Melfi, Italie: Libria. pag. 28 notes
2. Marcus Vitruvius Pollio (80 av. J.-C.-15 av. J.-C.1). C’est de son traité, De architectura, que nous vient l’essentiel des connaissances sur les techniques de construction de l’antiquité classique.
C’est certainement le cas pour les deux figures choisies pour cette comparaison : Luigi Moretti et Livio Vacchini ; deux investigateurs infatigables, dans un raffinement continu, à la recherche d’une synthèse de langage et de formes.
Je crois que l’architecte est appelé à être capable de lire ces connexions subtiles, avec soin et méticulosité, des connexions qui ne sont pas uniques mais illimitées et non reproductibles. “Concevoir, c’est calculer. Le formulaire est le résultat de ce Maiscalcul.iln’y a pas qu’un seul calcul possible, et si l’œil se trompe sur mon calcul, je le refaire. Il n’y a pas de calcul plus vrai, il n’y en a qu’un qui est plus utile. Tout est fait dans l’optique d’un résultat.”5
1. Karl Otfried Müller (1797-1840) est un archéologue et un mythologue allemand. Karl Gottlieb Wilhelm Bötticher (1806-1889) est un archéologue et un architecte allemand. Gottfried Semper (1803-1879) est un architecte, professeur et théoricien allemand.
C’est l’architecte qui est l’élément central, qui, avec sa sensibilité et son habileté, peut concevoir et réinventer des solutions nouvelles à des questions identiques à première vue. Dérives isolées ou variations sur un thème, finalement unies par une seule volonté. Faire de l’architecture.
Chez Vacchini, si vous voulez, le concept est beaucoup plus évident et radical, un prisme pur virtualisé dans une grille est entièrement élevé sur une série de supports précis et clairement identifiés ; huit piliers, deux sur le bord extérieur de chaque façade, les angles sont libérés et la structure supérieure tourne avec un surplomb qui lui confère une extraordinaire autonomie.
Les piliers en béton ne sont pas en relation de continuité avec la grille d’acier ni avec le sol, grâce au choix délibéré de leur inclinaison et à l’utilisation de matériaux différents.
Une incursion dans l’espace de l’éther, un dispositif d’émerveillement et de captation visuelle.
Les approches mises en œuvre dans la Ferriera de Livio Vacchini (Locarno, Suisse, 2000-03) et le complexe de logements et de bureaux de Luigi Moretti (Milan, Italie, 1949-56) sont très différents.
Si nous voulons parler de stéréométrie et de tectonique, il est impossible de ne pas étudier une question fondamentale, à savoir quelles sont les relations de médiation, s’il y en a, entre le sol et le bâtiment lui-même.
L’œuvre de l’architecte romain est divisée en cinq, cinq volumes différents sont articulés dans le terrain, avec le plus surprenant d’entre eux, un volume qui se tord et tourne jusqu’à devenir un coin, reposant sur un corps inférieur pour former un surplomb presque impossible.
I . LeIIpoint d’appui
La grammaire de Moretti, en revanche, apparaît complexe, articulée, on pourrait dire baroque, et ce n’est pas un hasard.
Une magnifique clarté d’intention, une sorte de grammaire élémentaire.
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29 diagrammes sur le point d’appui la Ferriera en haut et le complexe milanais en bas
En fait, l’architecte suisse nie tout d’abord le concept de socle, qui est toujours présent à Berlin, bien qu’il ne soit plus en contraste avec la croûte de la ville, c’est-à-dire qu’il ne soit plus une projection du périmètre de l’édifice qui le surmonte, comme c’était le cas au Parthénon, mais qu’il soit élargi comme pour redessiner le plan de la ville elle-même. I Tectonique et stéréométrie
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Mais à nouveau, presque avec un air délibéré de défi et de questionne ment, il parle d’”aller plus loin”.
Pour porter le toit, l’architrave est placée. L’architrave n’est plus un mur. Sa nature est différente. Pour la Ferriera, nous avons voulu différencier radicalement ces deux éléments, en suivant les traces de Mies à la National Gallery de Berlin.
Le parcours qui conduit Vacchini à la réalisation de la Ferriera n’est pas le résultat d’un caprice formel, chez Vacchini il ne l’est jamais, mais plutôt le fruit de choix et de concepts élaborés dans une série d’autres œuvres qui pourraient être définies comme un tournant dans ce proces sus de cristallisation des concepts chers à la vision de l’architecte suisse.
Mais nous voulions aller plus loin : faire de la poutre toute la partie du bâtiment qui se trouve au-dessus du rez-de-chaussée. “ 1
Le sol, l’élévation et la fermeture vers le ciel ; pour Vacchini ces trois gestes deviennent un thème fondamental qui, partant du site néolithique, arrive jusqu’à Berlin avec Mies Van der Rohe et sa Neue Nationalgalerie.
“Le mur est une limite qui sépare et rend deux espaces différents. Le trilithe est un mur qui s’ouvre pour laisser entrer la lumière.
Stonehenge semble partir de là. Dans la Ferriera, nous partons d’une idée, celle du trilithe.
La relation entre la Ferriera et le musée de Berlin du maître du mouve ment moderne est une clé de lecture essentielle de ce bâtiment.
C’est avec ces mêmes mots que Vacchini réitère et clarifie ces concepts, en soulignant la filiation de la Ferriera avec la Neue Nationalgalerie.
Chapitre
Vacchini ressent le thème du système trilithique comme un facteur es sentiel de son architecture et y identifie, à travers le site de Stonehenge, le premier des “chefs-d’œuvre” de l’histoire de l’art de la construction.
31 I.II Le point d’appui fig.13Mies Van der Rohe, Neue Nationalgalerie, Berlin, Allemagne, 1968 fig.12la Ferriera détail du point d’appui entre la poutre/mur et le poteau fig.11Détail du système trilithique dans le complexe de Stonehenge
Ce concept, en plus du dialogue miesien toujours présent, se retrouve dans deux autres œuvres de l’architecte, à savoir le bâtiment de la Poste, également à Locarno (1990-95) et La Palestra de Losone (1995-97).
Pour souligner cette nature, Vacchini place l’entrée de l’édifice en plein dans le socle herbeux, dans une rampe qui devient semi-hypogée, permettant à la structure de “tourner” et de ne jamais perdre ses repères.
L’architecte a occupé tout le terrain de forme carrée avec une structure Chapitre I Tectonique et stéréométrie
Les piliers du périmètre s’épaississent vers le sol dans une entasis essentielle, s’enracinant dans celui-ci.
Plutôt que d’être surélevé, il est retenu par un péristyle serré qui décrit le périmètre et semble faire la médiation avec le ciel et le gazon en Cedessous.dernier aspect est peut-être le plus intéressant : il n’y a pas de plinthe, pas de stylobate.
Le gazon n’est pas un paysage, c’est une architecture, une base dilatée et amorphe sur laquelle repose le “temple”.
Exit donc la pente et par conséquent le pignon, et exit le toit lui-même, qui devient introverti.
À Locarno même, Vacchini a été chargé de redessiner l’ancien bâtiment de la poste, qui n’était plus fonctionnel.
Dans La Palestra de Losone, Vacchini met en scène une sorte de rééditi on du temple grec, dépouillé de la logique du compromis qui, du point de vue de Vacchini, avait gâché le Parthénon.
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Dans le bâtiment des Postes, on peut voir clairement, de manière plus explicite, beaucoup de caractéristiques qui seront présentes plus tard dans la Ferriera. On pourrait dire que le bâtiment des Postes représentait pour Vacchini un champ d’expérimentation, un critère pour mesurer, un instrument pour doser, des logiques qui deviendront explicites et essentialisées dans la Ferriera.
En second lieu, il transforme l’élément de fermeture vers le ciel, à la synthèse miesien du toit égal poutre Vacchini intègre à Locarno le même bâtiment, qui n’est plus un espace impalpable et vitré mais contribue au rapport entre ciel et terre dans son ensemble.
33 I.II Le point d’appui fig.14Livio Vacchini, La Palestra, Losone, Suisse 1995-97 fig.15Livio Vacchini, La Posta, Losone, Suisse 1990-95 fig.16Livio Vacchini, La Ferriera, Locarno, Suisse 2000-03
Un jeu de négations continuelles entre ce qu’il soutient et ce qui est S’ilsoutenu..n’est
Il n’y a pas de clarté, en fait toute clarté est niée.
Dans la façade principale, l’architecte vide le premier étage en retrait, créant un passage couvert qui est soutenu par trois grands piliers en béton armé. Ces piliers refusent une relation de dépendance avec la structure supérieure, qui est aérienne, interrompue au point où les forces maxima les devraient converger.
Sur la façade arrière, un grand mur de béton est incliné, comme pour souligner l’indifférence de ce qui se trouve au-dessus de lui.
34 imposante de quatre étages au-dessus du sol, mais le poids et la masse semblaient être libérés dans un jeu sophistiqué de textures verticales et horizontales, un thème qui sera repris dans la Ferriera, en le sublimant dans l’essentialité de la grille.
pas encore possible de témoigner de la clarté de la Ferriera comme, par exemple, dans une symétrie radiale encore inaperçue, les deux façades : la principale et la correspondante à l’arrière sont dignes d’un intérêt particulier.
Si dans l’œuvre de Vacchini, comme nous l’avons vu, nous voyons une logique de supports et de charges qui trouvent leur force dans leur indif férence réciproque, dans l’architecture de Luigi Moretti il y a une vision plus fondamentale dans laquelle le lourd soutient l’extrêmement lourd Chapitre I Tectonique et stéréométrie
Une savante minutie faite d’incrustations entre le verre miroir et le granit.
“Les miroirs de la façade fonctionnent en réflexion avec les miroirs qui recouvrent les piliers. La réflexion donne lieu à une condition perceptive-rythmique d’éloignement, une sorte de labyrinthe optique d’une remarquable élégance, dans lequel on se perd parmi l’ordre et les ordres, les masses, les géométries, les matériaux, les couleurs : ce qui devrait être transparent apparaît comme sourdement opaque, ce qui devrait être opaque comme réfléchissant.”2
Un jeu de poids obtenu par des contradictions, dans les charges cachées et dans les parties en miroir qui absorbent la légèreté éthérée du ciel.
35 I.II Le point d’appui fig.18la Posta, mur arrière en béton fig.17la Posta détail du passage et des miroirs en façade
Dans la texture dominante de l’art de Michel-Ange et de l’art ba roque, c’est-à-dire le poids porté en hauteur et chargé sur des supports souffrants, l’origine structurelle de l’anatomie, de la figure et de la condition de l’homme est visible. “ 3
Le poids de cette masse repose sur un corps bas qui, partant du champ de vision de Via Rugabella, tourne vers Corso Italia et se courbe.
Cet acte de chargement sur des “supports souffrants” semble être la clé de lecture de Moretti et de son architecture.
Ce volume d’une gravité presque impossible trouve sa force dans sa disproportion, dans la souffrance de son point d’appui.
Le corps en dessous n’est pas indifférent à la grande masse qui l’écrase, le déforme, l’abaisse par un plan dans une violente coupe à 45°.
Chapitre I
“On peut en fait dire que le monde expressif moderne com mence avec le baroque, et ce à partir de Michel-Ange comme révélation de ces structures pures qu’il a tirées, à l’appui de son inquiétude, dans son examen des possibilités structurelles infinies et extrêmement fines du corps humain, de légendaires conversations nocturnes avec des cadavres écorchés.
36 dans un rapport de cause à effet, dans un rapport de déformation.
Une question de gravité et de poids que Moretti acquiert par une recher che anthropologique d’une matrice baroque/michelangelesque.
Une gravité stéréométriquequi pèse.
Le complexe de logements et de bureaux du Corso Italia à Milan s’articule en cinq volumes autonomes qui s’entrelacent et se croisent, soit physiquement, soit dans les points de fuite de la perspective qui les Lacontiennent.structure
Si l’ensemble du jeu apparaît dynamique mais somme toute équilibré (un équilibre agité, certes), c’est un volume qui surprend, à savoir celui qui se projette sur Corso Italia.
Tectonique et stéréométrie
n’est pas exposée mais plutôt introvertie, libérant l’expressi vité des volumes pour contenir et circonscrire les espaces.
37 I.II Le point d’appui système de poids perçu fig.19Complexe corso Italia, détail du volume en surplomb
Chapitre I Tectonique et
Une base parfois pure, compacte et qui, sur certains côtés, se vide, en une série d’ouvertures et d’effilages pour créer un contraste avec la partie supérieure.
Cette logique est clairement visible dans l’architecture de Moretti au cours de sa production, notamment dans une série d’œuvres réalisées dans le contexte romain au cours de ces mêmes années et dans la période controversée des vingt ans du fascisme, dont il fut un proche
Un jeu d’allusions inverses entre ce qui est caché et ce qui est dissimulé. stéréométrie
La structure de la composition est essentiellement divisée en une base, un corps central et un couronnement, à peine suggéré par la légère projection d’un seuil comme une bande de solin qui ferme le trapèze vers le ciel.
La logique de base mentionnée au début est présente ici à un stade implicite, conceptualisé, mais à mon avis indubitablement présent.
Pour Moretti, l’histoire a une dimension parlante.
L’uncollaborateur.desprojets les plus intéressants liés à la période fasciste est la Casa del Balilla sperimentale, qui est devenue plus tard l’Accademia di scherma (Rome, Italie, 1933-1936).
Outre les aspects généraux de la composition, qui mériteraient une discussion spécifique, l’accent est mis sur la logique volumétrique des corps, purs et blancs, revêtus de marbre statuaire sans soudure.
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Il n’y a pas de mimésis, il n’y a pas de tromperie ; si dans l’œuvre de Vacchini on peut observer la presque indifférence des supports ponctuels, ici il y a une masse qui soutient une autre masse, qui supporte son poids, un poids qui semble impossible.
Il est à la fois classique et terriblement anticlassique ; il y a une contra diction qui s’enracine dans une vision de l’histoire qui, pour Moretti, est sans aucun doute un maître mais qui n’est pas fossilisée ou embaumée.
Le tout est soutenu par une base blanche, également en marbre, mais en retrait par rapport au volume supérieur du minimum nécessaire pour dessiner une ombre sur le périmètre du bâtiment, élevant et ennoblissant toute la composition.
39 I.II Le point d’appui fig.20Luigi AccademiaMoretti,discherma, Rome, Italie 1933-36
Un travail tout aussi intéressant dans le traitement de la base est réalisé dans l’aménagement de la Piazzale dell’Impero au Foro Mussolini (Italie, Rome, 1936-37).
Le travail stéréométrique et minutieux de Moretti sur les blocs est remarquable ; le matériau utilisé est le marbre, mais avec deux finitions différentes pour accentuer les jeux de lumière et de proportions.
En repensant la disposition de la place, Moretti a placé une série de 22 blocs de marbre dans une séquence trapézoïdale, dans une perspective accélérée dramatique destinée à souligner la perspective centrale convergeant vers le grand obélisque placé au fond et haut de plus de trente mètres.
Dans la base, qui se rétrécit comme pour libérer le volume supérieur, le marbre est brut et bouchardé, prenant un aspect presque terreux et Sorteinforme.de froissement sur lui-même, le poids une fois encore n’est pas sans conséquence mais déforme et écrase.
Dans la transition vers le monolithe ci-dessus, on peut observer un traitement poli, pur, aussi pur que la forme décrite. Un parallélépipède, net dans les lignes qui décrivent son orthogonalité.
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L’immeuble représente un moment important dans la carrière de Moretti, car c’est la première œuvre qu’il a achevée à Rome après les années du régime.
“Au-dessus de la base, ainsi perforée et creusée, l’épaississ ement du revêtement en marbre “accuse” l’effilement (motivé optiquement) des deux murs latéraux de la pièce”, mais avec un tel épaississement du matériau en surface Moretti semble aussi vouloir faire allusion au “volume négatif” à l’intérieur, un espace solide et palpitant pour la forme et la lumière.”
4
Chapitre I Tectonique et stéréométrie
Si l’on peut observer une approche similaire et la même intention spatiale/sculpturale, par exemple, dans l’autel du Mémorial des Martyrs du Foro Mussolini (Italie, Rome 1940-41), c’est dans l’immeuble romaine de la maison “Il Girasole” (1947-50) que l’on retrouve ces principes appliqués à nouveau dans une sphère plus purement architecturale.
41 fig.22Luigi Moretti, Mémorial des Martyrs du Foro Mussolini, Rome, Italie 1940-41 fig.21Luigi Moretti, Piazzale dell’Impero au Foro Mussolini, Rome, Italie 1936-37 I.II Le point d’appui
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Une fois de plus, cette clarté est hybridée, contredite, dans un tympan qui se brise et devient asymétrique là où, dans la fente centrale, il y a une profonde symétrie.
Une grande masse qui s’avance à travers deux paires de poutres effilées en béton apparent.
Une fois de plus, nous retrouvons une tripartition selon la voie antique entre le soubassement, le corps central et le couronnement.
Le plan, qui à première vue semble être entièrement sur le terrain, sem ble se briser en deux, révélant une profonde fissure dans la façade et le hall du rez-de-chaussée, qui devient une sorte de point de fuite intérieur de la composition.
En réalité, si nous essayons de faire un processus d’abstraction, c’est-àdire en éloignant le spectre de la superficialité, dans le sens spécifique de la surface matérielle, nous pouvons voir les mêmes conclusions qui seront utilisées à Milan.
Une robe qui ne dissimule pas la matérialité de la forme mais établit un contraste immédiat avec la partie supérieure blanche.
Si le parement, comme nous l’avons dit, ne contribue pas à la statique de l’édifice, s’avérant fini et destiné à son usage exclusif, la base est soumise à des charges jusqu’à ce qu’elle se brise en deux blocs inégaux, un manque, une interruption qui marque l’entrée des appartements.
Le thème du socle, au centre de notre réflexion, est clairement et nettement dénoncé.
Une leçon de poids, comme nous l’avons dit au début, un processus de dépendance entre ce qui soutient et ce qui est soutenu et comment cela finit dans le ciel.
Ce dernier bâtiment peut sembler extrêmement éloigné, dans sa logique plus formelle, du complexe milanais plus ou moins contemporain.
Dans Corso Italia, Moretti semble se libérer du poids de la “romanité”, ou mieux encore, il en intériorise les aspects les plus manifestes.
Un revêtement de dalles de travertin disposées de manière abstraite recouvre la partie inférieure.
Chapitre I Tectonique et stéréométrie
43 I.II Le point d’appui fig.24maison “Il Girasole” détail sur la face murale du socle fig.23Luigi Moretti, maison “Il Girasole”, Rome, Italie 1947-50
Il est certain que Milan et son contexte culturel permettent plus de liberté, une adhésion moins rigide à la règle.
Grâce à l’utilisation de matériaux plus simples et moins “nobles”, Moretti semble pouvoir atteindre cette blancheur monolithique, d’un seul tenant, recherchée dans l’Accademia di Scherma, sans renoncer aux discours conséquents composés d’objets qui pèsent et se déforment, dans une combinaison essentielle qui crée la subsistance.
44
Chaque élément a sa propre autonomie mais trouve son sens dans les autres.
Dans les deux cas, donc, nous assistons à cet instinct primordial, celui de vaincre la gravité, mais de deux manières complètement différentes ; dans Vacchini, l’instinct primaire est de soulever, de s’élever, et une fois ceci fait, de nier presque le caractère de la relation entre le support et ce qui est au-dessus de lui.
Chapitre I Tectonique et stéréométrie
Moretti, au contraire, semble presque faire reposer le grand volume en porte-à-faux sur le socle formé par le bâtiment situé au-dessous de lui, et ce dernier est tout sauf indifférent pour lui ; au contraire, il semble su bir son poids, sa pesanteur, se déformant, s’écrasant, dans une tentative évidente de compenser l’effort ; donc pesanteur et effort, certes, mais le processus de dynamique de séparation que nous pouvons voir chez Vacchini disparaît ; il n’y a en fait “aucun indice statique-constructif” 5.
Bien que l’œuvre de Moretti soit fragmentée, il s’agit d’un ensemble plastique qui n’affiche pas le cadre, ni ne révèle le secret de la mise en scène, qui vise à étonner et à surprendre le spectateur.
I.II Le point d’appui
2. Masiero, R. (1997). Livio Vacchini. Opere e progetti. Milan, Italie: Electa. p.24
4. Bucci, F. (2000). Luigi Moretti. Opere e scritti. Milan, Italie: Electa. Dish, P., Vacchini, L., & Lucan, J. (1994). Livio Vacchini: Architetto / Architect. Lugano, Suisse: ADV Publishing House. p.12
1. Masiero R. (2004), , “Perché si ritorna sempre a Stonehenge, entretien avec Livio Vacchini, Casabella 724, juillet-août, p.35
45
3. Moretti L.W. (1950), Genesi di forme dalla figura umana, Spazio n.2, août, p.5
5. Reichlin, B., & Tedeschi, L. (2010). Luigi Moretti. Razionalismo e trasgressività tra barocco e informale. Milan, Italie: Electa. p.37 notes
“Le classique est ce qui a de l’ordre, de la symétrie, de l’eurythmie, de la mesure.”
46 Roberto Masiero
II COMMENT LE DIFFERENT TRAITEMENT TECTONIQUE ET STEREOTOMIQUE DANS LES ŒUVRES DE LUIGI MORETTI ET LIVIO VACCHINI PERMET-IL DE SOULEVER , D'ORIENTER ET DE CREER DES RELATIONS COMPOSITIONNELLES ET NON COMPOSITIONNELLEScomposition?
Le cube et le pli
48
Dans le chapitre précédent, nous avons examiné les aspects purement tectoniques et stéréotomiques, le point central de notre analyse, en nous concentrant davantage sur l’élément essentiel du point d’appui et par conséquent sur la capacité des deux bâtiments à s’élever.
Des aspects qui sont le résultat, à mon avis, de la même logique décrite ci-dessus, dans un lien constant et indissoluble entre la sensibilité architecturale et théorique des deux architectes.
Chacun de ces deux corps comporte deux noyaux en béton armé contenant les cages d’escalier et les ascenseurs, reliés par des dalles et complétés par deux lignes porteuses soutenues par quatre poteaux.
Ces deux corps sont divisés par un espace vide central, sur toute la Cehauteur.manque d’espace crée non seulement une sorte de grande galerie à l’usage de la ville, mais donne également aux deux volumes une relation tendue, évidente à l’intérieur et niée sur la façade.
Les deux prismes intérieurs contiennent les différentes fonctions, des magasins au rez-de-chaussée et des bureaux aux étages supérieurs.
Une ambiguïté accentuée par la nature même de l’objet, une grille qui alterne les pleins et les vides et laisse entrevoir ce qui se cache au-delà.
Dans cette deuxième partie, nous tenterons de mettre en évidence les relations compositionnelles et spatiales.
La Ferriera de Locarno est essentiellement composée de trois parties, deux pleins et un vide enfermé dans un seul volume par le quatrième élément, la grille extérieure, qui devient la structure et une enceinte.
En effet, la grande grille extérieure unit les deux extrémités par un motif élémentaire, les faisant entrer dans une sorte de logique ambiguë, presque gestaltique1.
49 fig.25la Ferriera détail sur le passage interne décomposition des volumes
Un jeu entre unité et disjonction qui, à mon avis, pourrait évoquer une analogie avec Casa Rustici (Milan, Italie, 1933-36) de Giuseppe Terragni et Pietro Lingeri, où dans le traitement du balcon de la façade on peut percevoir la même volonté de conférer à deux volumes distincts un caractère unitaire.
Un jeu de perceptions entre le premier plan et l’arrière-plan, entre la figure et le fond.
Mais “la poutre n’est pas un mur”, dit Vacchini. Alors comment combiner sa fonction statique avec la nécessité d’ouvrir et de laisser la lumière pénétrer à l’intérieur ?
Pour l’architecte suisse, la structure n’est pas un fait autonome, mais doit participer à un jeu équilibré et unique, un jeu habile entre structure,
La solution triviale, ou mieux encore, rationnelle, est celle d’une grille, une structure élémentaire qui permet à la lumière de la traverser mais qui, en même temps, définit et préserve la géométrie du cube, du volume, pour ce qui lui est nécessaire.
Huit, deux de chaque côté, comme pour sanctionner le fait qu’il n’y a pas d’entrée, pas de façade privilégiée, et que le bâtiment, libéré aux angles, peut tourner et s’étendre comme pour s’adapter au plan de la ville.
50
Chapitre Ii composition
La grille extérieure est sans doute l’aspect le plus caractéristique et le plus emblématique de ce projet, un élément qui n’a pas vocation à décor er et qui répond à une logique statique et conceptuelle très précise.
Cette dimension spécialement conçue par Vacchini tend à annuler le balayage et le rapport avec les plans internes, de manière à créer un rapport univoque entre ciel et terre.
Les poutres/murs qui composent la grille ont un maillage modulaire répété, composé de carrés de 1,7 mètre de côté.
La structure s’élève à 2,26 m au-dessus du sol sur huit poteaux périmétriques en béton armé qui supportent le lourd poids de la grille métallique avec une indifférence ostentatoire.
Une grande poutre qui s’élève et qui non seulement ferme le bâtiment vers le ciel mais est elle-même un bâtiment, le contenant.
51 Le cube et le pli fig.26la Ferriera détail sur la décompositionfaçadedesvolumesfig.27GiuseppeTerragnietPietro Lingeri Casa Rustici, MIlan, Italie 1933-36
52 espace et lumière.
Cette modification, qui à première vue pourrait sembler de nature formelle, résout en fait un problème très pratique : elle permet à l’eau de s’écouler sans s’accumuler à l’intérieur des poutres et, non moins important, rend la lumière plus fluide et distribuée, car “vous savez, la lumière se comporte de la même manière que l’eau”4 “Au début, nous avons pensé utiliser des poutres traditionnelles en double T. Puis nous avons réalisé qu’il s’agissait d’une erreur théorique, technique de construction et donc aussi poétique. Il est bien connu que dans la poutre en double T, l’âme, ou ligne centrale, a une fonction neutre. Il sert d’espaceur et ne doit pas être continu. “3
Pour Vacchini, la technique est un moyen et ne peut devenir une fin ; le but est toujours et uniquement de faire de l’architecture, ce qui se voit également dans la conception de la grille de la Ferriera, un objet simple à première vue, mais simple ne signifie pas facile.
Un concept subtil qui nous amène à voir des similitudes conceptuelles entre les deux architectes, Moretti aussi, en effet, parle à plusieurs reprises de structures comme de formes2, un lien d’intentions qui conduit à deux résultats distincts, une exposition et une identification claire pour le premier, “La structure cachée devient inessentielle” dit Vacchini, un jeu plus subtil et mimétique pour le second mais qu’il ne cache pas par pudeur ou par honte, c’est un jeu de synthèse qui vise à tout ramener à la logique de l’espace et par conséquent du volume.
donc l’âme de la poutre en double T, un élément qui ne contribue pas à la statique mais plutôt à l’espacement des deux Laailes.solution qu’il a trouvée a été de briser le noyau continu avec des éléments ponctuels à 45° par rapport à l’axe longitudinal des ailes.
Pour Vacchini, la simplicité est la conséquence d’un profond travail d’élimination du superflu, Less is more, selon les célèbres mots de Mies van der L’architecteRohe.retravaille
Chapitre Ii composition
53 Le cube et le pli fig.28la Ferriera détail sur la poutre/mur
De l’aveu même de Vacchini, peindre la grille en blanc aurait imméd iatement transformé la Ferriera en un bâtiment fait pour être admiré, pour être regardé, un monument qui aurait supprimé ce caractère public
Unrecherché.rapport
Chapitre Ii composition
La grande poutre/mur, tout en contenant de la complexité, nous paraît simple ; elle ne se perd pas dans une dynamique pittoresque ou dans des altérations modulaires, qui restent constantes et pourraient être reproduites à l’infini.
54
En effet, grâce aux technologies de profilage les plus avancées, l’épaiss eur de la grille, qui reste constante dans son aspect extérieur, est réduite de 6 cm aux points où la grille se décharge sur les poteaux à 2 cm aux angles où le porte-à-faux atteint 17 mètres.
Une autre caractéristique obtenue grâce à l’utilisation d’éléments spécialement conçus est la possibilité d’alléger le réseau dans les points les plus sensibles.
entre la géométrie, l’espace, la lumière et la couleur, un rapport que l’on retrouve également dans l’art cinétique, et comme ce dernier, l’architecture de Vacchini semble faire allusion au mouvement, à la Unevibration.convergence avec l’art conceptuel et minimaliste qui réside dans le principe harmonique de l’eurythmie, c’est-à-dire la concordance de toutes les parties, dans laquelle il n’y a pas de superflu et chaque partie est Pouressentielle.Vacchini, chaque pièce d’architecture doit avoir pour objectif d’être un Unechef-d’œuvre.architecture classique, capable de suspendre le temps, de rejoindre les origines, même Stonehenge.
La grille de la ferronnerie est un objet pur, c’est de l’art minimal, elle se suffit à elle-même et ne veut pas plus être exposée qu’elle ne le fait par sa Emblématiqueprésence. en ce sens est la décision de la peindre entièrement en noir, non pas une couleur aléatoire, une non-couleur comme le blanc, mais au contraire, elle permet à la lumière d’aller au-delà, de ne pas s’accumuler sur la surface, lui permettant de pénétrer dans les espaces intérieurs convenablement détachés, au-delà de celle-ci.
55 Le cube et le pli fig.29Enrico Castellani Surface blanche n.34, 1966 schémas de comportement lumineux
Le même soin est apporté à la structure portante verticale en béton armé, soigneusement étudiée en vue de la flexibilité, en effet les distances longitudinales entre les piliers sont dimensionnées à 3,6 m sur la base d’un module de base de 90 cm, une taille considérée comme adaptée aux habitations comme aux bureaux.
En 1951, Moretti consacre un article à cette volonté spécifique dans le sixième numéro de Spazio, avec le titre emblématique “Sur la flexibilité de la fonction”5, dans lequel il réitère que le thème de la flexibilité doit devenir une exigence fondamentale, en essayant d’imaginer ou de rendre possibles les transformations futures.
56Chapitre
Dès le départ, le thème central était le désir de créer une annexe à plu sieurs fonctions tout en permettant une flexibilité de fonction, autorisant différents types dans les mêmes espaces et idéalement des changemen ts de fonction, de l’habitation aux bureaux et vice versa.
Le terrain, lourdement bombardé par les armées alliées en 1943, occupe une position stratégique, en plein centre historique et donc dans une zone à forte valeur commerciale.
Ii composition
Pour rendre cela possible, l’architecte romain adopte toute une série de stratégies techniques et distributives dans la conformation de la L’introductionstructure. de plancher en dalle pleine est fondamentale en ce sens, de sorte qu’il n’y a pas de poutres visibles ou d’obstacles à d’évent uelles divisions, et les systèmes sont également incorporés de manière uniforme dans les plafonds, spécialement dimensionnés en fonction de la surface des pièces une fois qu’elles ont été façonnées.
La flexibilité est également soulignée dans les solutions de fermeture extérieure, sans dépendance de la subdivision et de la destination intérieures ; pour ce faire, Moretti libère le périmètre, en le rendant indépendant de la structure grâce à un surplomb des étages qui varie de
lui-même faisait partie, ainsi que le comte Fossataro, qui finançait également le projet, ont construit à Milan un complexe hybride de logements et de bureaux sur le pâté de maisons situé entre Corso Italia, Via Rugabella et Via S. Eufemia.
À la fin des années 40, la société Cofimprese, dont Luigi Moretti
57 Le cube et le pli fig.30Complexe du corso Italia flexibilité dans les solutions de fermeture extérieure
58 1,40 à 2,70 mètres au-dessus de la ligne des poteaux.
Chapitre
Dans ce dernier volume, dans lequel se concentre plus de la moitié du volume de l’ensemble du projet, on peut observer le geste habituel de l’architecte qui consiste à diviser le corps en une fente profonde, qui se casse en deux, rassemblant idéalement le foyer de la composition et soulevant le vide décrit par la rue intérieure.
Par rapport à ce projet, Moretti tend à réitérer son “approche paramétriq ue”, c’est-à-dire une correspondance presque mathématique basée sur une série de contraintes spatiales qui se répercutent sur la conception du complexe Emblématiquelui-même.ence sens est la conformation des volumes et plus encore leur répartition sur le terrain. Au lieu de la logique canonique de l’alignement le long de la rue, Moretti fait graviter toute la composition vers une nouvelle rue privée, conforme au plan réglementaire, qui, perpendiculaire au Corso Italia, pénètre comme une baïonnette, devenant le point central de toute la composition.
Un grand volume est inséré aux étages inférieurs, ce qui tend à suturer et à donner une unité au pied de l’immeuble, qui devient toutefois traversante au rez-de-chaussée en correspondance avec la rue intérieure et donc la faille supérieure.
“L’orientationcompositiondes
De tous les bâtiments, c’est le seul à être entièrement utilisé comme bureau, car il ne donne que sur le nord, et donc sur la rue intérieure, avec Ii bâtiments est donc préférée à l’alignement des rues, et ce choix conditionne de manière expressive le dessin des façades de tous les volumes.”6
Les bâtiments de ce schéma ouvert sont placés soit parallèlement à cette rue, créant le vide qui la décrit, soit transversalement, dans le bâtim ent-pont qui sert de médiateur au-dessus du Corso Italia, sous lequel la rue s’ouvre, et dans le grand volume de 48 mètres de haut qui constitue sa toile de fond.
Le bâtiment au sud est juxtaposé à la façade aveugle du Palazzo Bivio adjacent, un corps élancé de vingt-deux mètres de haut avec six étages au-dessus du sol.
59 Le cube et le pli fig.31Complexe du corso Italia haut bâtiment à l’est fig.32Complexe du corso Italia bâtiment sud
La surface exposée est traitée de manière très raffinée, une sorte de peau continue entièrement en verre, alternant les parties opaques et tran sparentes, une uniformité rendue possible par l’amincissement progressif des dalles qui s’interrompent avant le bord de la façade.
“C’est une architecture qui n’est pas seulement en fonction de l’espace, mais aussi du temps, et qui ne peut être comprimée que par des visions successives, comme un drame singulier de poids et de supports, de forces et de formes, de plans et de lignes, qui se développe progressivement jusqu’à un épilogue culminant “7
60Chapitre
Une grande attention a également été accordée à l’utilisation de différents matériaux dans les divers bâtiments, marquant les différentes Lafonctions.mosaïque de verre blanche est utilisée dans les bureaux et les carre aux de calcaire à surface éclatée dans les zones résidentielles.
Le quatrième et dernier volume est soulevé et soutenu par ce dernier, un trapèze qui s’effile et “vole” au-dessus du Corso Italia, une lame vers la ville qui était à l’origine destinée à accueillir des enseignes publicitaires sur sa mince façade.
Ii composition
Le complexe résidentiel et de bureaux de Luigi Moretti à Milan crée un décor composé de quatre corps qui ondulent, s’articulent, construisent des relations, une séquence dans laquelle l’espace se révèle progressive ment puis s’accélère d’un seul coup.
La dimension de la temporalité est un thème fondamental, une logique de dévoilement successif qui contribue au sentiment d’inquiétude et d’émerveillement typique du baroque romain.
un type d’éclairage naturel idéal pour cette fonction.
Cela crée un jeu habile et équilibré de textures verticales et horizontales qui se reflète également dans le bâtiment-pont qui s’y raccorde, faisant office de tête principale sur le Corso Italia et tournant ensuite sur Via Rugabella, complétant et fermant la façade nord.
Des garde-corps en métal, des cadres de fenêtre en bois et en métal composite, ainsi que les éléments de protection pour les volets roulants, en métal peint en noir.
61 Le cube et le pli fig.33Complexe du corso Italia volume ouest à l’appui fig.34Complexe du corso Italia détail de façade
Pour Moretti, l’architecture est un jeu physique et métaphysique dans lequel la matière et le temps se confondent dans la quête ultime de circonscrire, de limiter. Créer de l’espace.
L’architecture pour Moretti ne peut et ne doit pas vivre dans une condition imaginée, elle ne peut s’arrêter au seul dessin, qui ne peut la contenir.
Cette qualité peut être observée dans une série de modèles en plâtre reproduisant la séquentialité des espaces, une sorte de négatif interne conceptualisé de certains bâtiments emblématiques de l’histoire, depuis la villa Hadrienne jusqu’aux églises de Guarino Guarini8, pour n’en citer que quelques-uns.
62
Le concept de “volume négatif”, comme mentionné ci-dessus, est également fortement lié au complexe du Corso Italia.
Un seul volume, perceptible mais non visible.
L’architecte espagnol Pedro Feduchi Canosa suggère une juxtaposition suggestive entre l’œuvre milanaise et le tableau d’Arnold Böcklin9 L’île des morts (Die Toteninsel), peint en plusieurs versions à la fin du XIXe siècle.
Le concept d’espace devient pour Moretti un élément fondamental de sa vision architecturale, une centralité qui sera réaffirmée dans la création de la revue du même nom (Spazio), qui, de 1950 à 1953, comptera sept volumes, dans lesquels l’architecte, avec des artistes et des intellectuels, se fixera pour objectif de mettre en évidence les liens entre les différent es formes d’art.
Dans la troisième de ces versions, une analogie spatiale et composition nelle entre le tableau et la vue frontale du complexe est plus clairement visible : deux grandes têtes latérales au premier plan et un arrière-plan fermé décrivent un grand vide central, un équilibre tragique et romanti que tient la disproportion des têtes et la multiplicité des éléments à un bloc unitaire.
Dans un article du septième et dernier numéro de Spazio intitulé “Structures et séquences d’espaces”, l’architecte identifie les qualités intrinsèques de l’espace en termes perceptifs et presque tactiles, en définissant le concept de “volume négatif”.
Chapitre Ii composition
63 Le cube et le pli fig.35Spazio n.7 fig.36Arnold Böcklin L’île des morts,1883
64Chapitre Ii composition
Ainsi le volume à l’arrière-plan, la toile de fond de la composition, se sépare, se dédouble en une faille qui semble aspirer toute la composi tion, il s’incline dans son profil droit, invitant presque l’observateur à le Maiscontourner.c’estencore dans le grand volume en porte-à-faux que Moretti met en scène un travail fin et minutieux, le bloc s’effilant vers le porte-à-faux, transformant le prisme parallèle en un jeu de plis sculpturaux, chaque succession de son avancée est ainsi marquée par la lumière et l’ombrage conséquent dans un jeu de perspective dansant et accéléré.
La logique recherchée est celle du clair-obscur, qu’il s’agisse de l’architecture, du rapport entre la figure et le fond dans les tableaux du Caravage ou des drapés de l’Extase de sainte Thérèse d’Avila de Gian Lorenzo Bernini. Il y a la lumière et il y a l’ombre dans un processus d’affirmation et de subsistance mutuelles.
Avec la question de l’espace et fortement liée à celle-ci, il y a le thème du Pourbaroque.Moretti, l’art baroque est peut-être le point focal de sa recherche intellectuelle et architecturale ; le thème est récurrent et abordé dans ses valeurs les plus profondes, absolument loin de la mimesis formelle et Danssuperficielle.lecomplexe résidentiel et de bureaux, nous voyons ces principes mis en pratique, les volumes idéaux purs se tordent, s’adaptent, se plient, semblent être influencés par des forces extérieures qui les déforment ; si la façade de la Ferriera est une grille qui pourrait être répétée à l’infini, ici chaque façade semble répondre à des logiques différentes dans un jeu d’équilibre dramatique plutôt que de symétrie. Des façades aveugles, des parties entièrement vitrées et encore ce que Moretti lui-même appelait des “figures de coupe”, les fissures générées par la lumière.
Si Vacchini perce la “poutre” pour laisser passer la lumière, Moretti effectue l’opération inverse : c’est la lumière, dans sa douce violence, qui coupe, sépare et met en valeur.
L’effilement à l’extrémité conduit également à un résultat qui, d’une certaine manière, contraste et renforce le concept de succession, la simultanéité.
65 Le cube et le pli fig.37Figures de coupe dans l’architecture de Moretti fig.39Caravage, La Cène à Emmaüs, 1601 fig.38Gian Lorenzo Bernini, L’Extase de sainte Thérèse, 1652
Une série de failles presque chirurgicales permettent de faire pénétrer des lames de lumière, une grille radicalement opposée à celle de la MéticuleusementFerriera.
“[...]compositionLavisionsimultanée de trois façades et, ajouterions-nous, de la “sixième” façade, celle du dessous. Cette simultanéité de la vision frontale et latérale, je crois, ne refuserait pas la qualification de dispositif “cubiste”.10
66
Cette logique puriste est fortement accentuée dans la partie finale du toit, où la ligne d’avant-toit oscille comme le corps oscille, surmonté d’une série de volumes plastiques. La fermeture est ainsi médiatisée, synthèse d’une sensibilité architectura le qui fait des relations son caractère central, sans oublier le ciel.
Chapitre
étudiée et conçue, elle semble vouloir sublimer ces “valeurs de moulage”11 si chères à Moretti dans ses écrits.
D’abord plus ponctuels et subtils, ces éléments s’ouvrent à l’arrière-plan pour laisser apparaître des balcons, dans une logique qui anticipe peut-être les découpes spatialistes de Lucio Fontana12, mais qui reste ordonnée, enfermée dans une logique formelle encore cubiste ou puriste.
Cette simultanéité permet de voir les trois façades en même temps : la façade frontale aveugle, celle à l’intérieur du terrain, creusée par une série de loggias, et celle orientée vers le nord, c’est-à-dire vers le front de rue de Via Rugabella. Dans cette dernière, le plein l’emporte sur le vide, et le bâtiment semble presque vouloir se protéger du monde extérieur.
Ii
8. Camillo-Guarino Guarini (1624 -1683) est un mathématicien et architecte italien
1. La psychologie de la forme, théorie de la Gestalt ou gestaltisme (de l’allemand, Gestaltpsychologie) est une théorie psychologique et philosophique proposée au début du xxe siècle selon laquelle les processus de la perception et de la représentation mentale traitent les phénomènes comme des formes globales plutôt que comme l’addition ou la juxtaposition d’éléments simples.
9. Arnold Böcklin (1827-1901) est un peintre, dessinateur, graphiste et sculpteur suisse.
10. Reichlin, B., & Tedeschi, L. (2010). Luigi Moretti. Razionalismo e trasgressività tra barocco e informale. Milan, Italie: Electa. p.39
12. Lucio Fontana (1899 -1968) est un peintre et sculpteur italien, fondateur du mouvement spatialiste associé à l’art informel. notes
Le cube et le pli fig.40Pablo Picasso, Les Demoiselles d’Avignon, 1907
2. Moretti L.W. (1951-1952), Struttura come forma, Spazio n.6, décembre-Avril, p.21-30
11. Moretti L.W. (1951-1952), Valori della modanatura, Spazio n.6, décembre-Avril, p.5-12
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3. Masiero R. (2004), , “Perché si ritorna sempre a Stonehenge, entretien avec Livio Vacchini, Casabella 724, juillet-août, p.36 4. ibid. 5. Moretti L.W. (1951-1952), Sulla flessibilità di funzione di un complesso immmobiliare urbano, Spazio n.6, décembre-Avril, p.43-44
6. Spinelli, L. (2012). Gli spazi in sequenza di Luigi Moretti. Syracuse, Italie: LetteraVentidue. p.35
7. Reichlin, B., & Tedeschi, L. (2010). Luigi Moretti. Razionalismo e trasgressività tra barocco e informale. Milan, Italie: Electa. p.36
68 “la ville est comme une grande maison, et la maison à son tour une petite ville” Leon Battista Alberti
COMMENT LE DIFFERENT TRAITEMENT TECTONIQUE ET STEREOTOMIQUE DANS LES ŒUVRES DE LUIGI MORETTI ET LIVIO VACCHINI PERMET-IL DE SOULEVER , D'ORIENTER ET DE CREER DES RELATIONS COMPOSITIONNELLES ET NON COMPOSITIONNELLES ? III relation
comment les valeurs tectoniques et stéréotomiques, au centre de la recherche, guident et véhiculent les orientations et comment elles construisent les relations autour de l’objet et de la ville.
Dans les sections précédentes, nous avons vu comment ces aspects ont influencé les hypothèses, le développement et la composition du bâtim ent. Ici, nous allons essayer de définir comment ces positions affectent l’environnement et comment elles dialoguent avec lui, en étudiant les relations d’orientation ou, si nécessaire, de non-orientation.
La partie la plus septentrionale du noyau historique de la ville a un design plus informel, caractérisé par ses bâtiments qui adhèrent à la zone environnante, qui tend à s’élever vers les montagnes.
Comme on l’a déjà observé, ces choix méthodologiques tendent à s’imposer à la racine de la conception des deux édifices, se heurtant et se mélangeant à la vision et à la sensibilité des deux architectes qui les ont conçus, ce qui conduit à la définition et au traitement des volumes qui, partant d’hypothèses ou d’intentions communes ou similaires, aboutissent à des résultats divergents et à un degré d’articulation très différent dans le résultat final.
70
La ville de Locarno, en Suisse, au bord du lac Majeur et est la troisième ville la plus peuplée du canton du Tessin après Lugano et Bellinzona. Elle est située dans une cuvette entourée d’un anneau de montagnes.
Dans la partie la plus septentrionale, qui a sa limite physique avec le lac Majeur à l’est, un design urbain plutôt discipliné et orthogonal s’impose.
Dans les dernières lignes du chapitre précédent, nous avons fait une rapide référence aux facteurs de relation entre le bâtiment et la ville, ici nous avons l’intention d’étudier spécifiquement cet C’est-à-dire,aspect.
Le choc de ces deux parcelles est clairement visible dans la césure faite
orienté non orienté
71 Locarno, Ti, Suisse
Ces mots empruntés à Vittorio Gregotti dans son “Territoire de l’archi tecture” nous aident à comprendre la première caractéristique, peut-être la plus essentielle, de la relation entre la Ferriera et son environnement Enurbain.effet, ce “champ”, cette “région formelle” donnée par la trame urbaine orthogonale en harmonie avec le territoire semble établir toute une série de règles qui se répercutent inévitablement sur le bâtiment et son développement, tant dans ses aspects plus formels que dans ceux de sens, d’articulation et de direction.
Sans aucun doute, l’élément de base à l’origine de cette “région formelle” est l’angle à quatre-vingt-dix degrés qui est un signe fort, depuis la disposition orthogonale de l’unique volume jusqu’aux éléments qui y sont éclatés, c’est-à-dire les deux volumes proprement dits contenant les Lafonctions.grillede la ville se courbe, s’élève et se régularise, devenant volume.
72 au nord par la Piazza Grande, où ces deux systèmes d’organisation spa tiale se rencontrent sans se toucher ; c’est sur cette place que Vacchini a construit la Posta environ une décennie plus tôt.
La Ferriera, située à quelques rues du bâtiment de la Poste, s’insère parfaitement dans ce tissu régulier et orthogonal, remplissant l’ensemble du terrain comme pour garder la pièce de l’échiquier urbain inchangée dans sa lisibilité.
Une métaphore en profilés d’acier qui, contrairement à la ville, ne soutient pas mais rassemble, elle est suspendue.
“Partoutrelationoù
Chapitre Iii
des signes faits par la nature ou par l’homme créent des ensembles formels circonscriptibles, nous pouvons reconnaître la présence d’un champ [...] qui peut être défini en termes de “région formelle” 1
Vacchini ne s’intéresse pas à une véritable relation avec le contexte, car c’est le bâtiment qui, par sa force, attire la ville à lui dans une disposition centrifuge qui déclenche une dynamique centripète.
La relation est de cause à effet, l’intention est de faire du bâtiment un “élément primaire”2, un catalyseur urbain dont la présence met en jeu la dynamique du contexte, le redessinant et créant de nouveaux sens.
La sienne n’est pas une ville, mais plutôt une réplique de celle-ci, un microcosme avec ses propres règles qui dialogue avec le macrocosme
73 orienté non orienté fig.41la Ferriera détail sur la rue la étudesFerrierade plans du rez-de-chaussée
Uneenvironnant.sortede
Un processus d’achèvement qui dit la même chose, peut-être plus, avec Lemoins.lien
mise en abyme3 où la ville et le bâtiment se regardent et se répliquent, comme dans un jeu de miroirs infini, ces mêmes miroirs utilisés à quelques pas de là dans le bâtiment de la poste et qui semblent désormais superflus ici.
Le concept de base est le même que celui adopté pour le Gymnase de Losone, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, en effet, Vacchini utilise le gazon comme une sorte de socle sur lequel repose l’édifice et à partir duquel on peut y accéder.
Cela se fait au moyen d’une rampe menant à un espace souterrain, mais pas complètement, de manière à entrer directement dans le socle sur lequel repose le bâtiment.
Comme nous l’avons observé, pour l’architecte suisse, la question du socle est un thème sur lequel il réfléchit continuellement, et c’est là qu’il construit son caractère de relation.
Iii relation
L’expédient utilisé par Vacchini est donc celui d’annuler les rapports de médiation entre le rez-de-chaussée et la “croûte de la ville”, ou plutôt le sol urbain est altéré par le bâtiment qui s’y trouve.
le plus direct et le plus fort avec la ville ne se trouve pas tant dans le volume lui-même, qui est élevé, est au-dessus, au sens propre comme au sens figuré, mais entre le sol de la ville et le rez-de-chaussée du bâtiment lui-même, qui ne font qu’un.
“ Mon problème est de supprimer le socle pour retourner à Stonehenge, en utilisant le même plan de ville comme base. En métaphore je pourrais dire ça. Je veux amener l’étage noble au rez-de-chaussée, pour que les citoyens entrent dans mon architecture ressentent cette noblesse.”
4
Pour revenir à ce que nous avons déjà vu, Vacchini veut “dépasser” Mies, et tout en reconnaissant avoir transformé le socle en un élément dilaté dont la fonction n’est plus de tracer l’édifice mais de modifier le plan de la ville, il fait un choix encore plus radical. Il cherche cette radicalité en regardant en arrière, non pas vers le temple grec mais vers ses origines, remettant Stonehenge en jeu.
74Chapitre
75 orienté non orienté fig.42M.C. Escher Main tenant un miroir sphérique, 1935
Cela se fait au moyen d’une rampe menant à un espace souterrain, mais pas complètement, de manière à entrer directement dans le socle sur lequel repose le bâtiment.
76
Enprivilégiés.fait,les poteaux sont par deux de chaque côté, les angles sont libres en surplomb, l’ordre est ouvert, il n’y a aucune intention de fermer Ilsl’espace.sontindifférents parce qu’ils sont les traces d’un manque dont ils deviennent l’avertissement.
À cet égard, Vacchini affirme qu’un bâtiment public doit toujours répond re à une logique de symétrie radiale. Iii relation
L’expédient utilisé par Vacchini est donc celui d’annuler les rapports de médiation entre le rez-de-chaussée et la “croûte de la ville”, ou plutôt le sol urbain est altéré par le bâtiment qui s’y trouve.
Bien qu’une opération similaire ne soit pas possible en raison du contexte différent des deux bâtiments, la Ferriera répond, à son rez-de-chaussée, à la même logique et aux mêmes intentions.
Le concept de base est le même que celui adopté pour le Gymnase de Losone, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, en effet, Vacchini utilise le gazon comme une sorte de socle sur lequel repose l’édifice et à partir duquel on peut y accéder.
Un renoncement à la concordance générale qui les fait basculer, afin d’expliciter une indifférence à tout, au poids comme à l’orthogonalité Commeelle-même.nous l’avons mentionné, dans la Ferriera Vacchini semble préférer une approche qui ne se caractérise par aucune orientation parti culière, et ce caractère non orienté est d’ailleurs l’un des présupposés de toute la composition de l’édifice.
Chapitre
Les huit poteaux placés deux par deux sur le périmètre, en plus de soutenir la grille et les volumes au-dessus, sont là pour sanctionner cette sorte d’interruption, d’érosion entre intérieur et extérieur, une logique de soubassement qui devient ponctuelle, élémentaire, tectonique.
Les poteaux décrivent ce périmètre invisible, mais ils ne tendent pas à connoter des accès privilégiés ; il n’y a pas de volonté d’orientation, et l’intention est même précisément le contraire, ne pas créer de fronts
77 orienté non orienté
Ce principe est sans aucun doute appliqué dans la Casa Aurora (Suisse, Lugano, 1992-95) qui, malgré un plan assez similaire à celui de la Ferriera et une géométrie presque carrée, révèle une structure purement orientée : les poteaux périmétriques soutiennent les dalles sur deux façades seulement, tandis que les deux autres façades sont complètem ent L’étagelibres.standard ne comporte qu’un seul logement par étage, organisé autour d’un espace vide central qui est configuré comme un salon de passage et un couloir pour les chambres.
Iii
“Il découvre qu’il est cet animal qui a en lui le singulier et l’universel, l’origine et le développement. Son architecture publique cherchera alors le corps radial.”
Cet espace doublement exposé fait face au lac San Salvatore d’un côté et à la vallée de Muggio de l’autre sur un axe nord-sud. Cette orientation se reflète sur les façades extérieures, qui revêtent un caractère public dénoté par les ouvertures généreuses de la façade.
En revanche, les deux autres façades semblent presque fermées, marquées par des signes plus abstraits et géométriques, marquant le caractère domestique et privé de la construction.
Pour l’architecte, la comparaison est d’origine anthropologique et biologique, l’homme et la méduse représentant deux extrêmes opposés: le premier comme l’expression la plus élevée du type de symétrie dite bilatérale, le second comme l’autre extrême incarné par la symétrie L’extraordinaireradiale.
5
capacité de l’homme, selon Vacchini, est celle de devenir le porteur ou l’incarnation de la symétrie radiale lorsque le rapport un à plusieurs est remplacé par le un à plusieurs, une capacité qui lui permet de se penser dans la totalité de son environnement.
Pour l’architecte suisse, la logique non directionnelle serait donc la plus appropriée, et peut-être la plus naturelle, pour un édifice public comme la Ferriera, mais pas dans le cas d’une architecture à caractère domestique/résidentiel, où une logique de symétrie radiale devrait être remplacée par une autre plus caractéristique, c’est-à-dire bilatérale.
78Chapitre
relation
79 orienté non orienté fig.43Livio Vacchini Casa Aurora, Lugano, Suisse 1992-95
Le sens de l’orientation acquiert ainsi un caractère typologique fonda mental, un symbole urbain qui véhicule des sensations de répulsion ou Lad’approche.Ferrieran’est pas publique parce qu’elle est indiquée comme telle, elle est publique parce qu’elle peut être contournée, tournée vers son environ nement comme quelque chose d’autre que lui-même.
Le complexe de logements et de bureaux de Luigi Moretti à Milan a été construit dans la trame dense et stratifiée du centre historique de Milan, dans une partie de la ville qui a été bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale.
“Dansrelationlecomplexe
80
Comme on peut le voir dans cette brève description, les éléments et les stratégies de composition utilisés dans cette architecture domestique sont diamétralement opposés à ceux employés dans la Ferriera.
Milan n’est pas Locarno, et encore moins dans son centre historique et dans le contexte des années 50.
Pour Vacchini, la question de l’orientation pourrait sembler être une sim ple question fonctionnelle, presque un écho de la forme comme fonction, mais ce n’est pas le cas : pour Vacchini, la fonction vient après, car avant tout il y a toujours l’architecture et sa signification.
Comme au Parthénon d’Athènes ou à la Neue Nationalgalerie de Berlin.
Chapitre
Corso Italia, Moretti modélise l’espace urbain comme s’il s’agissait d’un intérieur.” 6
Le caractère exceptionnel du terrain, surtout par rapport à un événement aussi traumatisant pour le tissu urbain qu’un bombardement, tend à donner un sens à une certaine zone. Le thème de “l’élément primaire” évoqué ci-dessus peut en effet être consolidé non seulement dans le fait physique du bâtiment lui-même mais aussi dans des lieux connotés, fixés dans la perception grâce à l’élément émotionnel, indépendamment du sens positif ou négatif dans lequel ce facteur émotionnel doit être Leplacé.fait lui-même tend donc à être un catalyseur, un déclencheur d’événements qui conduit à la création d’un autre “élément primaire” qui prend forme dans le bâtiment, établissant une séquence de relations et de réverbérations dans le milieu environnant. Iii
81 orienté non orienté Milan, Italie
C’est ainsi que la composition, apparemment hétérogène et détachée de son contexte, que ce soit en raison de son extrême dynamisme ou des solutions particulières des différents volumes, est en parfaite harmonie, sans aucune lacération dans son ensemble.
Ce “dynamisme virtuel” invoqué par le poète italien Giuseppe Ungaretti est un élément essentiel, comme nous l’avons déjà vu, une vibration con tinue qui crée une tension constante et un dévoilement, une mutabilité.
J’aime à penser que l’œuvre de l’architecte romain est une sorte de renaissance, une émergence des décombres, un véritable travail de réparation, de pacification urbaine.
Dans le chapitre précédent, nous avons vu le lien indissoluble entre Moretti et l’architecture baroque, cette logique est centrale et contribue à l’élaboration d’un rapport avec le contexte, un rapport recherché et limé jusqu’aux moindres détails, un mécanisme de correspondance et de liaison qui trouve ses racines précisément dans le concept de la concatenatio8 de la ville baroque.
7
Bien que ce processus réponde à la logique que Moretti lui-même définit comme une correspondance paramétrique, il n’est certainement pas définitif et les variations pourraient être variées, peut-être infinies.
Ceci peut être observé dans une série d’esquisses menant à la réalisation
La recherche spatiale et volumétrique de Moretti n’est pas indifférente au contexte, pas du tout ; les conditions rigoureuses et difficiles du terrain semblent presque être les paramètres à partir desquels naît cette architecture sinueuse, articulée dans un désir d’interception, comme une plante s’incline vers une faible lueur de lumière.
“La modulation des volumes s’inspire des conditions environne mentales et s’intègre naturellement, sans lacération, dans le tissu existant. D’un point de vue formel, le côté du haut bâtiment de Via Rugabella est particulièrement intéressant, avec sa modulation plastique d’un bloc fermé qui contraste fortement avec les autres façades largement vitrées, et la tête vers Via Sant’Eufemia, où la superposition des terrasses, en retrait et avec une légère torsion planimétrique, se résout en un élément hélicoïdal à peine perceptible qui pourrait être défini comme un dynamisme virtuel.”
82Chapitre
Iii relation
83 orienté non orienté fig.44Complexe corso Italia, détail du volume en surplomb
84 de ce projet, dans lesquelles nous ne partons pas de solutions univoques mais explorons les potentialités et les configurations possibles du lot de matrice
Ledirecte.caractère recherché par Moretti est expérientiel, l’objet ne se suffit pas à lui-même mais doit s’insérer, être regardé, découvert lentement et simultanément dans un système de points de fuite obliques et centraux qui sont accentués puis niés. Pour Moretti, le projet n’existe que s’il peut être regardé et vécu.
Chapitre Iii relation
Cette série de vues en perspective place le regard directement au centre, qui n’est pas absolu, zénithal, nous plaçant dans une forme d’observation
Le sens n’est pas dans le design mais dans les hauteurs, les poids, les reculs et les avancées et la façon dont tous ces éléments répondent au poids, à la hauteur et à l’espace du corps humain.
À cet égard, je pense que les meilleurs mots sur le corps par rapport à cela, et sa capacité à construire du sens, ont été exprimés par le philosophe français Michel Foucault.
romain consiste à s’attaquer à la typologie de la cour fermée en la subvertissant.
L’approchetrapézoïdale.del’architecte
Si Vacchini parle de deux types de symétrie, radiale et bilatérale, nous voyons ici ce que l’on pourrait appeler une symétrie manipulée, une fragmentation des plans et des dimensions réalisée dans des volumes pleins et vides qui contribuent ensemble à une logique globale.
Les trois dimensions sont délibérément accentuées, refusant toute possibilité de tomber dans une logique bidimensionnelle, trois dimensions auxquelles la quatrième, celle du temps, s’ajoute de manière écrasante.
Dans une autre série de dessins, il est possible de voir plusieurs vues successives qui introduisent un caractère dynamique à la statique et à la fermeté du dessin, la coordonnée temporelle.
Les volumes s’ouvrent, se retirent et se brisent, en gardant comme constante la volumétrie globale du plan, les bâtiments s’articulent dans un nouvel équilibre dynamique et perturbateur.
85 orienté non orienté fig.45Luigi Moretti études typologiques fig.46Luigi Moretti séquence de temps
86Chapitre
Au-dessus de tout cela, le grand volume sculptural de trente mètres de haut s’avance, voulant presque envahir l’espace de la ville. Placé en l’air dans une optique d’incertitude et de suspension, il semble flotter du point de vue de ceux qui l’observent d’en bas.
L’intention de Moretti est atectonique, stéréotomique, et cela donne une physicalité à la composition, qui n’est pas faite de soustractions mais d’additions et de superpositions de parties, une physicalité qui crée la présupposition et le support pour la définition du lot et en même temps son dialogue avec l’environnement urbain.
Iii relation
Tout est pur volume, dans les pleins et les vides d’un équilibre où la masse, même lorsqu’elle apparaît insubstantielle et raréfiée, devient le protagoniste incontesté.
Sur la façade principale, sur Corso Italia, le bâtiment qui ferme le périmètre sur la droite avance pour intercepter la ligne du bâtiment préexistant sur le côté, opportunément détaché.
Les volumes soulignent d’abord le périmètre du terrain, puis se rétractent de l’intérieur, se conformant à la route privée qui passe et qui, comme on le voit, traverse tout le terrain.
Sur la gauche, le bâtiment qui s’aligne sur la Via Rugabella se plie et tourne, sur un axe parallèle au Corso Italia mais plus en arrière, presque comme pour l’accueillir, pour créer un seuil d’utilisation urbaine sur lequel repose toute la composition.
En se tenant sur la ligne qui décrit son changement d’inclinaison, la Torre “Mon corps [...] c’est autour de lui que les choses sont disposées, c’est par rapport à un souverain - qu’il y a un dessus, un dessous, une droite, une gauche, un avant, un arrière, un proche, un lointain. Le corps est le point zéro du monde, là où les chemins et les espaces viennent se croiser le corps n’est nulle part : il est au cœur du monde ce petit noyau utopique à partir duquel je rêve, je parle, j’avance, j’imagine, je perçois les choses en leur place et je les nie aussi par le pouvoir indéfini des utopies que j’imagine. Mon corps est comme la Cité du Soleil, il n’a pas de lieu, mais c’est de lui que sortent et que rayonnent tous les lieux possibles, réels ou utopiques.”
9
Un signe retenu à l’intérieur, qui explose dans la façade du bâtiment à l’arrière, le séparant en deux, renversant ce caractère introverti en une ostentation éhontée faisant désormais partie de la ville.
87 orienté non orienté
Comme chez Vacchini, on peut voir un désir microcosmique de reprodu ire la ville, non pas comme un objet distinct conclu en soi, mais comme une articulation dynamique et vibrante, orientée de manière presque Ledramatique.jeupeut sembler violent, dérangeant, mais la ville n’est pas dérangée.
Si ce que Leon Battista Alberti a dit est vrai, à savoir que “la ville est comme une grande maison, et la maison à son tour une petite ville”10, ce que Moretti crée est un intérieur, une nouvelle pièce dans la “grande maison” de Milan.
Chapitre Iii relation
d’une grande sensibilité et d’une capacité naturelle à gérer et à dominer l’espace dans son complexe de logements et de bureaux à Milan, une sorte de modélisation du paysage, un tourbillon de vecteurs dynamiques imparables qui se répercutent dans l’espace, dans les rues et sur les façades adjacentes, dans une complexité raffinée qui préfère l’articulation d’un panorama à l’objet simple, le rapprochant de la complexité des vues naturelles plutôt qu’architecturales.
88 Velasca toute proche se penche visuellement, semblant vouloir entrer en jeu, ce qui augmente considérablement la profondeur de champ de la Moretticomposition.faitpreuve
1. Gregotti, V. (2014). Il territorio dell’architettura. Milan, Italie: Feltrinelli. p.83
6. Reichlin, B., & Tedeschi, L. (2010). Luigi Moretti. Razionalismo e trasgressività tra barocco e informale. Milan, Italie: Electa. p.39
2. L’ élément primaire è est un terme utilisé par Aldo rossi dans “L’Architettura della citta” Rossi, A. (2011). L’architettura della città. Rome, Italie: Quodlibet. p.91
89
3. La mise en abyme est un procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire, par exemple dans les phénomènes de « film dans un film », ou encore en incrustant dans une image cette image elle-même (en réduction). Ce principe se retrouve dans le phénomène ou le concept d’« autosimilarité », comme dans le principe des figures géométriques fractales ou du principe mathématique de la récursivité.
7. Spinelli, L. (2012). Gli spazi in sequenza di Luigi Moretti. Syracuse, Italie: LetteraVentidue. p.48
8. Juxtaposition et enchaînement d’unités linguistiques dans un ordre donné. 9. Foucault, M. (2019). Le corps utopique, les hétérotopies. Paris, France: Nouvelles éditions Lignes. p.19
10. De re aedificatoria (L’Art d’édifier), 1450, Leon Battista Alberti notes orienté non orienté fig.44Complexe corso Italia, détail du volume en surplomb
5. Masiero, R. (1997). Livio Vacchini. Opere e progetti. Milan, Italie: Electa. p.9
4. Masiero R. (2004), , “Perché si ritorna sempre a Stonehenge, entretien avec Livio Vacchini, Casabella 724, juillet-août, p.35
90 conclusions
91
Une enquête entre deux façons différentes de concevoir l’architecture, à partir de ses structures les plus élémentaires.
Ces deux architectures nous les racontent, nous les montrent et les révèlent dans toute leur force disruptive.
Une série de mots, un motif de points.
Je crois que le but de cette recherche, ou du moins la tentative, était d’étudier précisément ces aspects, à savoir ceux des connexions subtiles qui, dans ces deux bâtiments, définissent ces valeurs, ces sensations.
Complexeclassique.delogements et de bureaux : émergence, addition stéréotomique, masse, volume, fermé/ouvert, impénétrable/croisable, contradiction, vibrant, définitivement orienté, ambigu, baroque.
Stéréométrie et tectonique, les deux thèmes inépuisables.
92 Si je devais penser à dresser une sorte de portrait-robot de ces deux bâtiments, ce sont les premiers mots qui me viendraient à l’esprit.
Nous avons vu comment ces deux caractéristiques créent des points de départ qui influencent progressivement tous les aspects de la con struction, des résultats les plus formels à ceux liés à l’orientation et donc à la relation avec l’environnement, avec la ville.
Une sorte de constellation qui, à première vue, semble créer une matrice mais qui est le résultat d’une tromperie, d’une bidimensionnalité, ne détectant pas à quelles profondeurs appartiennent les étoiles.
Deux caractères de grande influence mais qui laissent beaucoup d’espa ce et de marge pour une sensibilité spécifique, pour la façon de savoir comment saisir et restituer ces liens qui sont à la base de l’architecture elle-même ; en même temps, en étudiant ces aspects en contact étroit avec les figures de ces deux architectes. La Ferriera : dispositif tectonique, suspendu non soulevé, non orienté, radial, contournable, traversable, élémentaire, méduse,
C’est avec la même clé que cette recherche a été menée, non pas avec une volonté parfaitement adhérente et canonique, mais animée par des questions, par des interrogations.
Tout comme ces deux architectures se caractérisent, en faisant des choix, elles laissent de côté, elles excluent.
En bref, leur architecture n’est rien d’autre que cela, une tentative de réponse à ces problèmes.
Un questionnement constant, pour ne pas se fixer de limites, pour pouvoir, bâtiment après bâtiment, chercher des réponses et, pourquoi pas, construire de nouvelles questions.
Elles deviennent un acte critique traduit dans l’espace.
Et encore une fois, comment tous ces aspects sont-ils liés à son environ nement ? Le bâtiment fait-il une ville ou est-il une ville ?
Carparticulière.c’estdans la partialité et la sélection que naît le domaine du choix, cette volonté de mettre en valeur quelque chose et de placer autre chose en marge.
Comment toucher le sol ? Comment se lever ? Comment surmonter l’éternel défi de la gravité ?
Une sélection de sens, le plus loin possible des ambitions encyclopédiq ues, car c’est cela, je crois, l’approfondissement, c’est-à-dire rendre plus intense, L’approfondissementaiguiser. ne peut que renvoyer à la partialité, à une lecture
La sélection est un acte critique et donc connoté.
93 Luigi Moretti et Livio Vacchini semblent diverger continuellement, dans leurs hypothèses comme dans leurs résultats ; cela peut sembler vrai si l’on regarde de manière superficielle, bidimensionnelle comme dans les tracés des Cependant,étoiles.onapu
Et comment l’homme vit-il et perçoit-il tout cela ?
observer que la rigueur de la recherche entre les deux est toujours constante, un exercice continu de se poser des questions, de poser des interrogations, de construire des problèmes.
94 Bibliographie
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102 fig. 1 Atelier d’architecture Vacchini http://www.studiovacchini.ch/ media/g_251.jpg fig. 2 Abitare in https://img.edilportale.com/edilnews/08_Marco%20 Introini.jpg fig.3 History, David Goddard/Getty Images https://www.history.com/ topics/british-history/stonehenge fig.4 Essai sur l’architecture ed 1755 fig.5 Wikipédia, drawing by Markus Maurer Mito_della_caverna#/media/File:Plato_-_Allegory_of_the_Cave.pnghttps://it.wikipedia.org/wiki/ fig.6 Wikipédia, sir john gardner wilkinson - “ a popular account of the ancient egyptians”, tiens.jpgle-bloc-%C3%A9gyptiens.jpg#/media/File:Taille-bloc-%C3%A9gyphttps://it.wikipedia.org/wiki/File:Tail fig.7 Internet Archive, https://archive.org/details/handbuchderar cha00mluoft fig.8 imagehttps://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/boetticher1874bd1/0003/ fig.9 E rara, zoom/13302921https://www.e-rara.ch/zut/profethz/content/ fig.10 “La cabane des Caraïbes dans la grande exposition de 1851”, illustration de G. Semper, Der Stil in den technischen und tektonischen Künsten, 1860 - 1863, nes-things-c60a9e02db58https://medium.com/@abreetteh/a-place-for-o fig.11 Wikipédia, TobyEditor, co#/media/File:Majestic_Stonehenge_Trilithon.jpghttps://it.wikipedia.org/wiki/Sistema_triliti fig.12 Atelier d’architecture, http://www.studiovacchini.ch/opere/78 fig.13 Atlas of places, https://www.atlasofplaces.com/architecture/ neue-nationalgalerie/ fig.14 Atelier d’architecture Vacchini http://www.studiovacchini.ch/ opere/27 fig.15 Atelier d’architecture Vacchini http://www.studiovacchini.ch/ opere/17 fig.16 Abitare in https://img.edilportale.com/edilnews/08_Marco%20 Introini.jpg fig.17 Atelier d’architecture Vacchini http://www.studiovacchini.ch/ opere/17
103 fig.18 ibid. fig.19 Rastagni, C. (2008). Luigi Moretti : 1907 - 1973. Milano, Italie: Electa. p.101 fig.20 ibid. p.52 fig.21 ibid. p.210 fig.22 ibid. p.220 fig.23 ibid. p.118 fig.24 Domus, ti-casa-il-girasole-roma-1949/10153809285976120/https://www.facebook.com/Domus/photos/luigi-moret fig.25 Artonweb, Gabriele Basilico - Livio Vacchini, La Ferriera, https:// www.artonweb.it/pillole/articolo22.html fig.26 Atelier d’architecture Vacchini, http://www.studiovacchini.ch/ opere/78 fig.27 e-motion lab, http://architectuul.com/architecture/view_image/ casa-rustici/14121 fig.28 Alessandra Chemollo, Hans Ege, post/179905735179/livio-vacchini-la-ferriera-officehttps://www.subtilitas.site/ fig.29 powojennymodernizm, dernizm/Corso-Italia-Mediolanhttp://cargocollective.com/powojennymo fig.30 Moretti L.W. (1951-1952), Sulla flessibilità di funzione di un complesso immmobiliare urbano, Spazio n.6, décembre-Avril, p.44 fig.31 powojennymodernizm, dernizm/Corso-Italia-Mediolanhttp://cargocollective.com/powojennymo fig.32 ibid. fig.33 ibid. fig.34 ibid. fig.35 Moretti L.W. (1951-1952), Sulla flessibilità di funzione di un complesso immmobiliare urbano, Spazio n.6, décembre-Avril fig.36 Wikipédia, sel_III_(Alte_Nationalgalerie,_Berlin).jpgti_(dipinto)#/media/File:Arnold_B%C3%B6cklin_-_Die_Toteninhttps://it.wikipedia.org/wiki/L%27isola_dei_mor fig.37 powojennymodernizm, dernizm/Corso-Italia-Mediolanhttp://cargocollective.com/powojennymo fig.38 Wikipédia, d%27Avila#/media/File:Ecstasy_of_St._Teresa_HDR.jpghttps://it.wikipedia.org/wiki/Estasi_di_santa_Teresa_
104 fig.39 Wikipédia, ravaggio_Londra)#/media/File:Caravaggio_-_Cena_in_Emmaus.jpghttps://it.wikipedia.org/wiki/Cena_in_Emmaus_(Ca fig.40 Wikipédia, https://en.wikipedia.org/wiki/Les_Demoiselles_ d%27Avignon fig.41 Atelier d’architecture Vacchini http://www.studiovacchini.ch/ opere/17 fig.42 The art post blog, to-allo-specchio-di-escher/https://www.theartpostblog.com/l-autoritrat fig.43 Atelier d’architecture Vacchini, http://www.studiovacchini.ch/ opere/61 fig.44 powojennymodernizm, dernizm/Corso-Italia-Mediolanhttp://cargocollective.com/powojennymo fig.45 Reichlin, B., & Tedeschi, L. (2010). Luigi Moretti. Razionalismo e trasgressività tra barocco e informale. Milan, Italie: Electa. p.38 fig.46 ibid. fig.47 powojennymodernizm, dernizm/Corso-Italia-Mediolanhttp://cargocollective.com/powojennymo
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