BEAUJON, ICÔNE MÉTROPOLITAINE_fr

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rapport de PFE Tommaso Serafini

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE PARIS VAL DE SEINE architecture / 2° cycle master / s9-s10-s11 PFE (2020-2022) Domaine d’études 6 - Trans/formations. Temporalités des patrimoines Tommaso Serafini date de soutenance de PFE: 08/07/2022 Double formation Master européen - Politecnico di Milano POLIMI – Milano – ENSAPVS Sous la direction de Donato Severo Professeur HDR (directeur) et Lila Bonneau (Co-directrice) PFE recherce titre du mémoire: Entre ciel et terre, deux façons de toucher le sol et de s’élever par l’architecture directeur du mémoire Cyrille Faivre-Aublin BEAUJON ICÔNE MÉTROPOLITAINE

«Phèdre:Eupalinos était l’homme de son précepte. Il ne nég ligeait rien. Il prescrivait de tailler des planchettes dans le fil du bois, afin qu’interposées entre la maçonnerie et les poutres qui s’y appuient, elles empêchassent l’humi dité de s’élever dans les fibres, et bue, de les pourrir. Il avait de pareilles attentions à tous les points sensibles de l’édifice. On eût dit qu’il s’agissait de son propre corps. Pendant le travail de la construction, il ne quittait guère le chantier. Je crois bien qu’il en connaissait toutes les pierres. Il veillait à la précision de leur taille ; il étudiait minutieusement tous ces moyens que l’on a imaginés pour éviter que les arêtes ne s’entament, et que la netteté des joints ne s’altère. Il ordonnait de pratiquer des ciselures, de réserver des bourrelets, de ménager des biseaux dans le marbre des parements. Il apportait les soins les plus exquis aux enduits qu’il faisait passer sur les murs de simple pierre. Mais toutes ces délicatesses ordonnées à la durée de l’édifice étaient peu de chose au prix de celles dont il usait quand il élaborait les émotions et les vibrations de l’âme du futur contemplateur de son œuvre. »

Eupalinos ou l’ArchitectePaulValéry (1970) , Paris, France : Gallimard. pag.12

e tiens tout d’abord à remercier mon directeur PFE, le professeur Donato Severo.

Je le remercie pour ces, presque, deux années passées ensemble, au cours desquelles, entre anecdotes et discussions sur le projet, il a su me transmettre une passion que deux années de pandémie et de vie universi taire à distance avaient affaiblie.

Une personne d’un grand professionnalisme et d’une grande compétence, ainsi qu’une passion extraordinaire pour la discipline de l’ar chitecture, une profession, certes, mais aussi une façon de penser, une façon d’entrer en relation avec les choses.

Un domaine, celui de la théorie, qui me tient particulièrement à cœur et qui, selon moi, recèle le nerf de la discipline.

J

Merci à ma famille qui est toujours proche de moi, même si on est loin, et qui me soutient toujours dans mes choix.

REMERCIEMENTS

Je remercie tous les membres de SAME, le cabinet d’architecture où j’ai effectué mon stage, je les remercie pour l’environnement stimulant et pour m’avoir fait me sentir chez moi dans un pays et avec une langue qui n’étaient pas les miens.

Je tiens également à remercier Lila Bonneau, ma codirectrice du PFE, pour son aide ainsi que pour sa compétence et sa franchise, fournissant des suggestions opportunes et précieuses avec la gentillesse qui la ca Mesractérise.remerciements vont également à Xavier Dousson et à toute l’équipe enseignante du DE6 Trans/former l’existant, pour avoir su maintenir la qualité de l’enseignement, tout en ne négligeant pas l’aspect psycholo gique et physique de nous autres étudiants en ces années marquées par la Mercipandémie.également à le directeur de mon mémoire, le professeur Cyrille Faivre-Aublin, qui m’a permis d’explorer, à travers mes recherches, les implications plus théoriques dans le secteur de l’architecture.

Merci à mes amis, l’autre côté de la famille, ceux que j’ai connus toute ma vie dans le lieu qui sera toujours un peu chez moi.

Je vous remercie, vous faites partie de mon inspiration.

Merci aussi à toi Todi.

Merci aussi aux personnes que j’ai rencontrées lors de mon expérience universitaire à Milan ainsi que pendant ces deux années à Paris, j’ai l’im pression qu’en peu de temps vous êtes devenus une partie de ma vie.

Je te remercie, pour ton amitié et surtout pour m’avoir supporté dans mes délires, en parlant tous les soirs, pendant des mois, de chaque petit doute ou progrès du projet.

Enfin, merci à Filippo, mon colocataire et l’une des personnes fantastiques que j’ai rencontrées à Paris.

SOMMAIREAVANT-PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE I LES VALEURS DE BEAUJON . . . . . . . . . . . . . . . CHAPITRE II UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE, BEAUJON COMME CATALYSEUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2.1 QUESTIONS D’ÉCHELLE pag.32 .2.2 LE PROJET URBAIN pag.40 CHAPITRE III ESPACE BEAUJON, DE LA VILLE À LA MAISON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CONCLUSIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . SOURCES D’IMAGES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.16 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .pag.30 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.48 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.68 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.74 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.78 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . pag.82

10 AVANT-PROPOS

Le mémoire, examine la relation entre deux architectes, Luigi Moretti et Livio Vacchini, et plus particulièrement l’analyse de deux bâtiments, le complexe milanais de résidences et de bureaux, du premier et La Ferriera à Locarno du second.

Une comparaison qui a été mesurée entre ces deux bâtiments emblém atiques, dans la production des deux architectes, et qui a immédiatement débouché sur autre chose, une enquête architecturale tout court.

Des mots qui, à mon avis, ont une charge évocatrice et qui, à eux seuls, parviennent à évoquer l’essence même de l’architecture, comme le font ceux du tumulus, de la mémoire loosienne.

Une recherche dont le thème central était celui des “trois modes fonda mentaux de la construction”, le rapport au sol, l’élévation et la fermeture vers le ciel, dans une synthèse qui pourrait s’élémentariser dans une ten sion entre verticalité et horizontalité, question centrale dans mon approche au projet de Clichy.

0 ENTRE

’est avec ces mots de l’architecte Livio Vacchini que j’ai ouvert l’introduction à mon mémoire.

12 C

Une recherche, celle du mémoire, qui pourrait être apparemment divergen te du thème du projet de fin d’étude, à savoir la transformation de l’hôpital Beaujon à Clichy, mais qui m’a fourni une procédure méthodologique et analytique fondamentale pour l’étude, la compréhension et le développem ent ultérieur du projet.

Cette même logique m’a également guidé dans la compréhension formelle de l’hôpital, dans l’analyse de ses volumes, définis par un fort caractère stéréométrique et sculptural, ainsi que dans les stratégies de conception qui ont conduit à la libération ponctuelle de la structure Beaujon. THÉORIE ET CONCEPTION « À Stonehenge, le moment gèle et l’émotion grandit lorsque nous voyons apparaître avec arrogance les trois façons fondamentales de construire : comment la croûte terrestre change ; comment il monte ; comme il se ferme au ciel. » 1

13 1. Vacchini, L. (2017). Capolavori. 12 architetture fondamentali di tutti i tempi. Melfi, Italie: Libria. p. 21 fig.2**Couverture mèmoire fig.1Stonehenge, Amesbury, Angleterre entre -2800 et -1100 notes

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Un évidement contrôlé qui a conduit à l’extériorisation de la composante verticale, avec les piliers, et à celle de la composante horizontale, avec les poutres, garantissant une lecture qui contraste le caractère massif de l’édifice avec une grille qui devient chargée de valeurs tectoniques.

Une possibilité de franchissement qui ne se réalise pas seulement dans le passage physique, mais qui est capable d’absorber la ville et de faire du bâtiment une ville, dans un écho qui amincit les frontières entre intérieur et Unextérieur.développement de recherche non linéaire, non directement lié dans ses aspects thématiques aux deux bâtiments analysés, mais une recherche de sens, de méthodologies, du spécifique au général.

Déclenchant ainsi, dans un cas comme dans l’autre, des comportements et des caractères relationnels différents.

Outre la question plus strictement architecturale, un autre thème clé était celui de la façon dont les bâtiments mesurent et se rapportent à leur environnement, réitérant dans le paysage environnant les mêmes méthod ologies, à la fois stéréométriques et tectoniques, qui les caractérisent.

Un équilibre des poids qui à la symétrie du bâtiment original a conduit à la définition de gestes de conception de nature plus dramatique et avec plus de points focaux, des gestes simples mais de caractère perturbateur, comme ceux qui ont caractérisé les nouveaux volumes de la façade sud, qui seront discutés spécifiquement dans le troisième chapitre, à savoir quatre verticales et une grande horizontale, chargé au sommet sur des “supports souffrants”2

Pour toucher, l’essence même de l’architecture.

AVANT-PROPOS

Ce point de vue s’est également avéré essentiel dans le projet de Beaujon, conformant, à travers cette lecture, une série d’objectifs établis, tels que : la directionnalité, la porosité, ainsi que la question de l’orientation et les deux caractères différents de la relation du bâtiment, à la ville et au paysa ge, qui a été conformée dans les deux façades du bâtiment.

15 2. Moretti L.W. (1950), Genesi di forme dalla figura umana, Spazio n.2, août, p.5 notes fig.3**Corpus du mèmoire fig.4**Diagrammes sur le point d’appui. la Ferriera en haut et le complexe milanais en bas ENTRE THÉORIE ET CONCEPTION

16 CHAPITRE I LES VALEURS DE BEAUJON

Un sort qui unit malheureusement souvent les témoignages architectu raux, même ceux de grande valeur, du 20e siècle

Alors pourquoi faut-il sauver l’hôpital Beaujon ? Quelles sont les ca ractéristiques, quelles sont les valeurs qui contribuent à faire de ce bâtim ent un témoignage, en dehors de, et en même temps indissolublement lié à, sa qualité expressive et architecturale ?

18 En 2019, un concours a été annoncé et remporté par le cabi net d’architectes Renzo Piano Building Workshop pour la construction du grand hôpital à Saint-Ouen, un grand centre desservant la zone nord de la ville de Paris, centralisant les précédents équipements hospitaliers situés dans la même zone : l’hôpital Bichat à Paris (XVIIIe) et l’hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine).

Le mot “préservation” n’est pas utilisé de manière vide ou rhétorique car, bien qu’incarnant une série de particularités et de caractéristiques, que nous tenterons d’aborder dans ce chapitre, le bâtiment n’est soumis à aucune contrainte de protection, un fait qui pourrait même conduire à sa démolition complète, au profit d’une logique contemporaine qui a assumé le mantra de la spéculation au-dessus de toute question de sens et de patrimoine culturel.

C’est précisément sur ce dernier, l’hôpital Beaujon, que s’est concentré mon projet d’étude finale et plus particulièrement une hypothèse de sa préservation et de sa transformation.

1 LES VALEURS

Pour répondre à ces questions, il est d’abord nécessaire de retracer brièv ement l’histoire et la dynamique qui ont conduit à la réalisation de ce projet précurseur, dans l’histoire de l’architecture hospitalière, de la France et de l’Europe elle-même. DE BEAUJON

19 fig.6 Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris , 18eme arrondissement fig.7 Hôpital Beaujon,fig.5ClichyHôpital Grand Paris-Nord : projet du groupement Renzo Piano Building Workshop

Ce n’est qu’après la Révolution française que la structure a été transfor mée en hôpital.

Cela ouvrira toute une série de propositions au cours des vingt-cinq an nées suivantes, qui seront partiellement interrompues par le déclenchem ent de la Première Guerre mondiale, pour être ensuite reprises avec encore plus de force. Ce laps de temps entre le désir d’une nouvelle structure et sa réalisation effective à Clichy ouvre le champ à toute une série de changements de paradigmes : dans la société, dans l’architecture et dans le rôle même de l’institution hospitalière.

Au XIXe siècle, le modèle d’hôpital pavillonnaire était la disposition domi nante, basée sur l’idéal développé par l’Académie des Sciences pour la rénovation du paradigmatique Hôtel-Dieu1 entre 1772 et 1788.

Quatre pavillons isolés ont été ajoutés au bâtiment d’origine entre 1837 et 1844, reliés par une galerie vitrée.

Un net clivage de classe, entre les plus démunis et les plus aisés, qui étaient soignés à domicile.

Le changement radical de ce point de vue s’est produit pendant la Pre mière Guerre mondiale, lorsque des centaines de milliers de civils se sont retrouvés contraints d’être hospitalisés et soignés dans des hôpitaux.

CHAPITRE I

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L’histoire de l’hôpital Beaujon ne commence pas à Clichy mais à Paris, plus précisément dans la rue du Faubourg-du Roule (aujourd’hui rue du Faubourg Saint-Honoré).

En 1785, date de son ouverture, voulue par le philanthrope Nicolas Beau jon, l’établissement était initialement conçu comme un orphelinat.

Au cours des années suivantes, l’hôpital a subi plusieurs agrandissements et améliorations, restant un modèle exemplaire jusque dans les années Mais1880.à la fin du XIXe siècle, la structure est délabrée et n’est plus adaptée aux nouvelles exigences de la médecine moderne. C’est donc au cours de ces mêmes années que l’Assistance publique exprime son désir de remplacer le vieil hôpital Beaujon par une structure entièrement nouvelle.

Tout d’abord, la question sociale est un déplacement essentiel ; l’hôpital au 19ème siècle conserve encore un stigmate attaché aux couches les plus basses de la population, une sorte de “maison des pauvres”, un lieu plus associé à l’hébergement des indigents qu’à une institution de soins.

21 LES VALEURS DE BEAUJON fig.9 Hôtel-Dieu, Plan du rez-de-chaussée fig.8 Ancien hôpital Beaujon, rue du Faubourg-du Roule 1. L’Hôtel-Dieu de Paris est un établissement hospitalier construit de 1867 à 18782 sous la conduite des architectes Émile Jacques Gilbert (1793-1874) et Arthur-Stanislas Diet (1827-1890) sur l’île de la Cité, en bordure nord du parvis Notre-Dame dans le 4e arrondissement de Paris. notes

Si l’aspect social est certainement central dans l’identification de ces tour nants qui se matérialiseront dans la construction de l’hôpital Beaujon à Clichy, la question plus nettement architecturale l’est également.

Comme mentionné précédemment, le modèle de l’hôpital était étroitement lié au modèle de pavillon sur la maquette de l’Hôtel-Dieu, selon les princi pes de dispersion et de circulation.

C’est dans ce contexte que l’hôpital a commencé à entrer dans un nouve au paradigme, non plus celui de la “maison des pauvres” mais celui d’un lieu ouvert, transversal et démocratique. Une machine à guérir, organisée et efficace.

Le concept même de la séparation entre les différents départements, rés ultat d’une époque où les miasmes et leurs flux d’air purificateur étaient au cœur de la discipline, est progressivement devenu obsolète, voire com plètement non scientifique.

CHAPITRE I

Non plus un lieu de stigmatisation sociale, imprégné de morale chrétienne, mais un lieu fonctionnel, hygiénique et sain.

Un modèle aussi strict, imposé par définition, reléguait le rôle de l’archi tecture hospitalière à un niveau mineur, presque comme si l’on ne parlait pas vraiment de bâtiments à concevoir mais de modèles préétablis que l’on répète de temps à autre dans une conception plus bureaucratique

22

Une machine, non seulement pour soigner, mais pour éduquer l’indivi du aux bonnes pratiques d’hygiène afin de déclencher des habitudes qui pourraient se propager en dehors de l’hôpital.

Dansqu’architecturale.lespremières années du 20e siècle, cependant, ce mécanisme sem ble commencer à s’enrayer, grâce aux innovations dans le domaine de la médecine et aux changements sociaux décrits ci-dessus.

Cette série de transformations et la rupture des dogmes précédemment imposés ont déclenché un nouvel intérêt de la part des architectes pour

Toujours en termes de science médicale, les innovations apportées par Pasteur2, telles que les nouvelles techniques de diagnostic, la bactériologie et la radiographie, ont nécessité des séjours hospitaliers de plus en plus longs, rendant nécessaire l’admission dans un établissement disposant des équipements appropriés, de manière à exclure, ou du moins à limiter fortement, les soins à domicile.

23 LES VALEURS DE BEAUJON fig.11Portrait de Luis Pasteur, Albert Edelfelt fig.10Ancien hôpital Beaujon, rue du Fauburg-du Roule 2.Louis Pasteur, né le 27 décembre 1822 à Dole (Jura) et mort le 28 septembre 1895 à Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine, à cette époque en Seine-et-Oise), est un scientifique français, chimiste et physicien de formation. Pionnier de la microbiologie, il connut, de son vivant même, une grande notoriété pour avoir mis au point un vaccin contre la rage. notes

En fait, les aspects mécaniques et fonctionnalistes sont amenés à un stade de sublimation, équipant le bâtiment de la technologie la plus avancée disponible à l’époque.

Le jury a été séduit par l’innovation, avant tout conceptuelle, du change ment de paradigme de l’hôpital en tant que machine à guérir.

C’est précisément dans la poursuite de ces “tendances nouvelles” que Jean Walter a remporté le concours pour la construction du nouvel hôpital le 14 février 1931.

CHAPITRE I

Si l’hôpital bloc était une nouveauté absolue sur le territoire européen, ce n’était pas tout à fait le cas au niveau mondial ; en effet, aux États-Unis d’Amérique, en 1928, on a inauguré le Cornell Medical Center, à l’époque le plus grand groupe hospitalier du monde, organisé de manière compacte et développé verticalement sur plusieurs étages.

À la lumière de ces prémisses, un nouveau besoin est apparu, en quelque sorte opposé au besoin précédent de séparer, c’est-à-dire de créer un seul organisme efficace, dans lequel les différentes parties fonctionnent comme un tout unitaire et intégré, ce qui a conduit à la naissance d’une nouvelle typologie d’hôpital, celle de l’hôpital bloc.

24 le sujet de l’hôpital et pour les opportunités émergentes de réinventer le concept et de le remettre en question.

Le temps et la logique des flux, jouent un rôle fondamental, renversant la perception de l’hôpital d’un lieu statique et immobile à un ensemble dyna mique et vibrant, le patient est comme placé dans une sorte de “chaîne de montage”, un rouage, dans l’usine tayloriste4 des soins.

«Au lieu d’améliorer les plans, souvent si remarquables des anciens Hôtels-Dieu et faire des centres médicaux se rapprochant peu à peu de la perfection, les bâtiss eurs d’hôpitaux ont accompli, dans le monde entier, une marche rétrograde, au lieu de suivre les tendances nou velles.»3

Les innovations introduites par Jean Walter dans le design ne se limitaient pas à une esthétique américaine influencée par le modèle du gratte-ciel.

C’est sur la base de l’influence américaine, et d’un américanisme général fortement présent dans le contexte de l’entre-deux-guerres, que l’archi tecte Jean Walter a conçu l’hôpital Beaujon à Clichy.

fig.13“Le Temps Modernes”, Charlie Chaplin, 1936. Le film montre le conditions de travail d’un ouvrier d’usine employé sur une chaîne de production appliquant les principes tayloriens fig.12Cornell Medical Center, New-York, 1928

3. Jean Walter (1938), Renversement des doctrines en matière de constructions hospitalières, L’architecture d’aujourd’hui n. 5. pag.13 4. Le taylorisme – du nom de son inventeur, l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) – désigne la forme d’organisation scientifique du travail (OST) définie par lui et ses disciples à partir des années 1880. notes

25 LES VALEURS DE BEAUJON

La mécanisation joue également un rôle fondamental, depuis les aspects plus étroitement liés aux soins et au traitement des patients jusqu’à ceux nécessaires pour assurer le fonctionnement de la grande machine hospi Letalière.temps, tel qu’il est décrit, et surtout la vitesse deviennent une valeur indispensable, de la mémoire d’avant-garde.

De sorte que les circulations verticales semblent presque disparaître dans le concept traditionnel de l’escalier, relégué à un simple dispositif de se cours, sauf pour les trois premiers étages.

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«Nous devons inventer et construire la ville futuriste à l’ima ge d’un vaste chantier tumultueux, agile, mobile, dynami que de toutes parts, et la maison futuriste à l’image d’une machine géante. L’ascenseur ne doit plus se dissimuler, comme un ver solitaire, dans la cage d’escalier. Devenus superflus, les escaliers doivent disparaître et les ascenseurs s’élever comme des serpents de verre et de fer le long des façades.»6

«Un grand effort de rationalisation a bouleversé l’archi tecture industrielle, commerciale et domestique dans les dernières années du dix-neuvième siècle. C’est sous l’action impérieuse de la nécessité que cette rationalisation a été poursuivie dans toutes les branches de l’activité humaine, [...] que chaque usine est devenue une merveille de précision et de logique.»5

I

Dans cette première partie, on a tenté de reconstituer les événements qui ont conduit à la naissance et à la réalisation de l’hôpital Beaujon à Clichy.

CHAPITRE

L’efficacité et la rationalité s’imposent ainsi comme les nouveaux dogmes de l’ère de la machine, tout comme la séparation des flux et leur organisa tion, comme l’emblème d’un courant, certes toujours hygiénique, mais qui est élevé à un statut scientifique, presque d’ingénierie.

L’escalier, en effet, est mal adapté aux concepts de praticité et d’efficacité de l’époque, laissant ainsi la place dans la tour centrale aux ascenseurs, véritable “colonne vertébrale de l’idée”, pour paraphraser les mots de W.J. Curtis à propos de la rampe de la Villa Savoye de Poissy de Le Corbusier.

27 LES VALEURS DE BEAUJON fig.14Circulation du flux et installations mécaniques à Beaujon fig.15La Città Nuova, Antonio Sant’Elia, 1914 5. Jean Walter (1938), Renversement des doctrines en matière de constructions hospitalières, L’architecture d’aujourd’hui n. 5. pag.14 6. (1914) Antonio Sant’Elia et Filippo Tommaso Marinetti, Manifeste du futurisme. - Conrads, U. (2017) . Program mes et manifestes de l’architecture du XXe siècle, Paris, France : Editions de la Vilete. pag.47 notes

Mais pour l’essentiel, Beaujon représente, comme d’autres architectures emblématiques du 20e siècle, un témoignage du changement radical qui a affecté notre société, en un “siècle bref”7 mais intense.

CHAPITRE I

On pourrait dire bien d’autres choses sur les valeurs incarnées par Beaujon, comme les trois millions de briques qui recouvrent ses façades, l’utilisation de la préfabrication et du béton armé pour son ossature porteuse, ainsi que le caractère nettement stéréométrique de ses géométries, qui semblent toutefois s’adoucir dans les courbes des balcons de la façade sud et dans les coupes obliques faisant écho à un rationalisme non totalement détaché d’une esthétique art déco.

L’extrême pertinence et l’importance du bâtiment Beaujon est avant tout un témoignage, car dans ses événements et par matérialité, il est possible de lire le développement et la concrétisation d’un processus. Un processus qui est sans doute imputable à la dynamique de l’architectu re hospitalière, mais qui est au fond imputable au processus architectural tout Emblématiquecourt. en ce sens est une carte publiée en annexe d’un numéro spécial de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui consacré à Paris (numéro de 1937, deux ans seulement après l’inauguration de l’hôpital Beaujon à LeClichy).document porte un titre emblématique “cartes des constructions d’e sprit moderne, les plus caractéristiques” dans lequel une version stylisée de la banlieue parisienne montre les bâtiments modernes les plus em blématiques. Parmi eux l’hôpital Beaujon se détache en position centrale dans toute sa grandeur et sa plasticité.

L’hôpital Beaujon est une cristallisation d’humeurs, d’innovations qui en font une icône. Une iconicité qui n’est rien d’autre que la transcription en une image con crète et tactile de l’esprit du temps.

28 Mais surtout, on a tenté de mettre en évidence les étapes et les dyna miques évolutives qui, comme nous l’avons vu, ont profondément lié les différents changements survenus au cours de ces décennies.

29 LES VALEURS DE BEAUJON 7. L’expression “siècle bref”, pour désigner le XXe siècle, est introduite par l’historien Eric Hobsbawm dans son essai publié en 1994 : L’Âge des extrêmes, histoire du court xxe siècle. notes fig.16«CARTES DES CONSTRUCTIONS D’ESPRIT MODERNE LES PLUS CARACTÉRISTIQUES », L’Architecture d’aujourd’hui, 1937. fig.17*Les éléments qui composent Beaujon

30 CHAPITRE II UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE, BEAUJON COMME CATALYSEUR

«The best reason to broach Bigness is the one given by climbers of Mount Everest: “because it is there. […] Only Bigness instigates the regime of complexity that mobilizes the full intelligence of architecture and its related fields.

Si le concept d’iconicité de Beaujon réside, principalement, dans ces va leurs déjà évoquées dans le chapitre précédent, le thème abordé ici entre dans une autre dimension : celle de l’échelle. Le site, en effet, couvre une superficie de plus de 10 000 mètres carrés et s’élève à 14 étages. La taille du bâtiment, en fait, semble transcender les limites de son environnement, se projetant dans le paysage urbain et Au-delàmétropolitain.d’une certaine échelle, l’architecture acquiert les propriétés de la “Bigness”.

[...] Beyond a certain critical mass, a building becomes a Big Building. Such a mass can no longer be controlled by a single architectural gesture, or even by any combination of architectural gestures. This impossibility triggers the auto nomy of its parts, but that is not the same as fragmentation: the parts remain committed to the whole.»1

32 Dans le chapitre précédent, on a essayé de mettre en évidence les valeurs de témoignage et de matrice architecturale qui confèrent un facteur d’iconicité à l’hôpital Beaujon de Clichy.

Dans cette deuxième partie, on tentera de mettre en évidence la prés ence de Beaujon dans son contexte urbain et métropolitain, en indiquant une série de stratégies qui m’ont guidé dans la définition du projet à une échelle qui n’est pas purement architecturale.

2.1

QUESTIONS D’ÉCHELLE

33 1. Khoolhaas, R. et Mau, B. (1995). Small, medium, large, extra-large, New York, U.S.A.: Monacelli Press. Pag. 495-496-497 notes fig.18*Vues prises depuis des bâtiments emblématiques de la ville de Paris vers l’hôpital Beaujon fig.19 Bigness, en m,s,l,xl

La question de l’échelle n’évoque pas seulement un facteur dimensionnel, la “bigness” dont parle l’architecte néerlandais Rem Koolhaas semble faire intervenir une autre question de sens, présageant, une complexité, dans son articulation, comme dans la définition du programme.

La Métropole du Grand Paris est un projet de transformation qui vise à faire de Paris et de son agglomération une métropole capable de rivaliser en taille, en habitants et en infrastructures avec les grandes mégalopoles du 21ème siècle.

Je crois que ces caractéristiques peuvent être attribuées à Beaujon, qui tout d’abord, grâce à sa masse, s’impose dans le paysage métropolitain en composant un élément potentiel dans l’archipel d’objets, dotés d’une échelle considérable, situés dans la région parisienne et le Grand Paris en Cesgénéral.considérations

faites, il convient de replacer Beaujon dans un contexte plus large dépassant le cadre de la ville de Clichy et même de Paris lu i-même, dans une unité de vision métropolitaine, le Grand Paris.

34

Le projet a été constitué le 27 janvier 2014 par une loi, la loi MAPTAM, qui signifie modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, et dans une série de divers ajouts ultérieurs.

Le projet est par essence une intercommunalité, qui regroupe la ville de Paris, 123 communes des trois départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne et 7 communes de l’Essonne et du Val Dansd’Oise.cecontexte, la ville de Clichy, représente une pièce fondamentale, en effet, en plus de constituer, avec d’autres communes, le cinquième territoi re (T5- Boucle nord de seine) sur les 12 du Grand Paris, elle fait partie des municipalités immédiatement extérieures aux limites de la ville de Paris.

CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

L’imposant, l’incommensurable connotent immédiatement un objet, le chargeant de valeurs emblématiques par le simple fait de se mesurer dans un rapport d’immensité. Une transcendance à l’échelle du sublime2

35 QUESTIONS D’ÉCHELLE fig.20*Comparaison d’échelle entre Beaujon et d’autres bâtiments parisiens emblématiques fig.21Les territoires du Grand Paris. 50m 50m 2. Le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), dans son ouvrage “Critique de la faculté de juger”, décrit la caractéristique du sublime de se manifester dans des objets si grands qu’ils peuvent difficilement être mesurés. Il nomme cette manifestation particulière “sublime mathématique”. notes

La homogénéité, je pense, est une clé pour construire la métropole de de main, un abandon progressif de la radialité au profit d’une logique isotrope, une condition nécessaire pour construire la qualité généralisée.

Au nord, Clichy, trouve sa limite avec la Seine et au-delà avec la commune

cette vision, à caractère hiérarchique et vertical, il n’est pas possible de faire émerger pleinement le potentiel de la future métropole du Grand EnParis.fait, des relations continues de subordination et de perte de qualité intrinsèque s’établiraient, dans une perspective d’appauvrissement propor tionnel à mesure que l’on s’éloigne de ce qui est identifié comme central.

36

Une vision traditionnelle, basée sur une lecture radiocentrique de la ville de Paris, conduit constamment à l’identification de tout élément comme périphérique par rapport à un centre, souvent identifié à Châtelet-Les Hal Avecles.

CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

Dans ce contexte, j’ai d’abord tenté d’évaluer le rôle et la position de l’hôpital Beaujon et plus généralement de Clichy dans ce contexte.

Située au nord-est de Paris, Clichy est délimitée au sud par le périphérique et le 17ème arrondissement, à l’est par la ville de Saint-Ouen et à l’ouest par celle de Levallois-Perret.

Cette approche risquerait de faire du Grand Paris, un Paris avec ses ap pendices et non la création d’une véritable métropole avec une qualité et des infrastructures réguliers et cohérentes.

Une métropole qui n’est pas faite d’un centre, ou de centres, mais de feux qui peuvent déclencher des processus urbains, architecturaux et sociaux dans leur environnement, dans un ensemble cohésif et cohérent.

Lad’Asnières-sur-Seine.Seineestunevéritable présence emblématique, comme pour la ville de Paris, ainsi qu’un vecteur possible de développement et d’interconnexion à l’échelle du territoire, depuis Paris jusqu’au Le Havre3.

37 QUESTIONS D’ÉCHELLE fig.22*Radiocentrisme / Isotropisme 3. Sur ce thème, voir “Seine métropole. Paris, Ruen, Le Havre’” par Antoine Grumbach & Associés notes

«Une métropole socialement intégrée est une métropole sans barrières physiques, monétaires ou imaginaires qui la compartimentent ; une métropole sans enclaves, poreuse, perméable, isotrope. L’isotropie, figure par excellence de la démocratie, est la figure qui s’oppose à l’organisation pyramidale et hiérarchisée de la métropole radiocon centrique ; localement, elle s’oppose aussi à la métrop ole multipolaire où chaque pôle peut générer sa propre périphérie. L’isotropie est évidemment un état idéal au quel on peut tendre.»4 «L’isotropie n’est pas une métaphore, mais un mot qui décrit et dessine une situation concrète de perméabilité et d’ac cessibilité généralisées. Dans un corps isotrope, il n’y a pas de directions privilégiées. [...] Un corps et un réseau iso trope n’ont ni centre ni périphérie. A l’isotropie s’oppose la hiérarchie. Un mot qui évoque, même dans sa dérivation étymologique, les idées de com mandement, de subordination et de spécialisation.»5

Ce n’est que par cette approche que l’on peut déclencher des processus et des logiques vertueuses de perméabilité, de porosité.

En suivant ces logiques, et pour les prémisses décrites ci-dessus, Beaujon peut représenter un nœud important dans la dynamique, à l’échelle urbai ne et de la métropole elle-même.

38 Et encore

CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

39 QUESTIONS D’ÉCHELLE 4. Secchi, B. et Viganò, P. (2012). La ville poreuse : un projet pour la Grand Paris et la métropole de l’après-Kyoto, Genève, Suisse : MétisPresses. pag. 22 5. Ibid. pag. 141 notes fig.23*Clichy dans une vision isotrope du Grand Paris

2.2 LE PROJET URBAIN

Dans cette géométrie, plusieurs situations sans lien entre elles trouvent leur place, au sud le Parc Roger Salengro, juste au-dessus d’un complexe sportif, puis le complexe Beaujon, et plus au nord un développement rés identiel récemment construit, puis la Seine.

À son tour, le quartier de l’hôpital s’insère dans une géométrie triangulaire, décrite au sud à son sommet, la place de la République, et enserrée dans les deux rues qui s’en écartent, la rue du Général Roguet à l’est et le boulevard du Général Leclerc à l’ouest, pour se poursuivre au nord jusqu’à la Seine, la ligne conclusif du triangle.

Le projet s’est donc concentré sur la conception des deux espaces de contact entre ces différentes situations, renversant le concept de limite vers celui de seuil urbain.

Au sud entre le Parc Salengro et Beaujon, et au nord entre l’hôpital lu i-même et le complexe résidentiel, puis vers la Seine. Ces deux seuils de contact représentent le véritable cœur du projet urbain de Beaujon.

La situation actuelle du complexe hospitalier Beaujon est enfermée dans les limites de sa propre “citadelle”, une frontière réaffirmée par un mur d’enceinte entourant l’ensemble du complexe.

En partant de la situation décrite ci-dessus, on a tenté de relier cette série d’espaces épisodiques dans une logique de continuité et de contact, en éliminant dès le départ le mur d’enceinte de la zone hospitalière et en essayant de préserver au maximum les fonctions déjà enracinées.

40 Cette même démarche de lecture potentielle, appliquée à l’échelle territoriale et métropolitaine, j’ai tenté de l’appliquer à un niveau plus urbain, dans le projet de reconnexion et de nouage de l’espace entre Beaujon et la ville de Clichy.

41 fig.23*Schémas de conception partie urbaine. De haut en bas : -État des -Projet-Connexionslieuxisotropesvertsoulignant les axialités

Une logique de continuité, voilà peut-être la véritable colonne vertébrale du projet, un projet qui ne veut pas faire de Beaujon un centre mais un

Un tracé régulateur qui se décompose en plusieurs échelles, définissant différentes situations spatiales et fonctionnelles : du vert le plus libre et le plus homogène du parc, aux ceintures vertes équipées, pour les ra fraîchissements ou les activités.

42 CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

Si le principe pivot du projet était celui de la grille, générée par la disposi tion nord-sud de l’hôpital et orthogonale à celle-ci, l’anecdote, la variation et les différents agencements tendent à adoucir et à dissimuler, le dessin imposant de l’orthogonalité.

Tout cela dans un régime de coexistence avec la nature sportive antérieure de l’espace, qui a été largement maintenue, en l’incorporant dans un des sin qui lierait cet archipel d’éléments dans une trame unifiée mais non obsessionnelle et banale.

Il a donc été décidé de supprimer certains terrains de sport de manière ponctuelle, afin de créer une connexion écologique, une sorte d’empiètem ent du parc Salengro en dehors de ses limites.

Un système de carrés mineurs qui ne sont pas hiérarchisés et ne tendent pas à souligner la symétrie ostentatoire et la monumentalité de l’archi tecture de Beaujon, tout comme les chemins qui se décomposent en différentes logiques de hiérarchies orthogonales, coupés par le grand axe diagonal, véritable élément distributeur et connecteur.

L’approche adoptée a donc été d’hybrider, de glisser une fonction dans l’autre, établissant un lien entre cette partie et celle du parc Salengro, situé immédiatement au sud.

Dans la ceinture sud, les installations sportives représentaient un grand potentiel pour l’infrastructure de la ville mais créaient en même temps un autre bloc dans cette sérialité de situations différentes.

Au pied de Beaujon, une série de potagers urbains au service de la com mune de Clichy entrent en relation avec les rez-de-chaussée des quatre “peignes hauts” qui caractérisent emblématiquement la façade sud de Aul’hôpital.sein de celles-ci et dans une logique de continuité, qui évite une séparation entre l’intérieur et l’extérieur, des orangeries entrent en relation directe avec les jardins potagers, tout en abritant des zones de stockage pour les équipements et leur entretien.

43 LE PROJET URBAIN fig.24*Légende d’espaces les grands axes éclairage dans le grand axe diagonal système de places dans le parc ceintures vertes équipées installations sportives pelouse potagers RDCRDCbâtimentsurbainsdémolishautbas

Un caractère qui se manifeste dans le décalage vertical de la différence de niveau entre le rez-de-chaussée des blocs sud et nord.

Un niveau supérieur auquel on accède depuis la place elle-même au moyen d’un grand escalier qui peut devenir un amphithéâtre, avec une scène orientée vers l’élévation nord, au centre exact de son axe.

Un rez-de-chaussée unifié qui n’est pas enfermé dans les limites de l’ar chitecture mais prend des proportions urbaines, en considérant le vide comme un espace digne d’attention et non comme une zone entourant l’architecture, comme le faisait Giovan Battista Nolli lorsqu’il dressait son plan de Rome1 Un terrain commun, une table faite de bâtiments, de végétation, de socia lité et de relations.

Le bâtiment ne veut pas devenir une frontière mais veut se laisser tra verser, absorber et retourner à la ville, dans une logique de porosité et de Cettecontinuité.prémisse a également été cruciale dès le départ dans la définition spatiale et pour l’intervention dans l’architecture de Beaujon elle-même, contribuant à la décision forte et, à certains égards, radicale de vider com plètement le rez-de-chaussée dans le corps sud du bâtiment, laissant la structure des piliers, en béton armé, en vue et permettant aux person nes, à la nature et, conceptuellement, à la ville elle-même de traverser le Cettebâtiment.même logique de perméabilité et de continuité s’est poursuivie vers le nord, autour et à travers le bâtiment, en arrivant d’abord dans la partie centrale entre les deux blocs hospitaliers, puis en traversant également le second, pour aboutir à une place intime, fermée et à caractère souterrain.

Par cet escalier et deux rampes sur le côté du bâtiment, comme mention né, on atteint le rez-de-chaussée haut et la bande nord de l’intervention.

CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

Si au sud, l’intervention se caractérise par une série d’éléments divers reliés les uns aux autres, on retrouve ici les mêmes parcelles qui, pourtant, ne se disloquent pas, dans une logique de clarté orthogonale, niée d’un

44 élément, certes de première importance, dans une série de situations au tonomes mais cohérentes.

La bande nord, de taille plus réduite que la bande sud, se situe presque entièrement dans la zone hospitalière de Beaujon.

45 LE PROJET URBAIN fig.25*Le projet urbain

Identifier dans une série de relations et des éléments pivots, outils de guidage dans l’élaboration et la définition du projet. En substance, au-delà des résultats plus formels, le but était d’utiliser Beaujon comme un élément dans une série de nombreux autres, chacun répondant évidemment à sa propre hiérarchie et à son attraction gravita tionnelle relative, mais sans établir de centralité absolue.

Comme on peut le constater, les logiques qui m’ont guidée dans la défin ition du projet urbain sont les mêmes que celles utilisées dans la lecture à l’échelle métropolitaine et territoriale.

46 seul geste par la ligne diagonale reliant l’intervention au nord, au complexe résidentiel et à la Seine.

Une logique orthogonale qui privilégie les composantes horizontales, dans une sorte de réitération des textures de la façade nord de Beaujon d’une part, et une explication ostentatoire du caractère du lien d’autre part, un seuil de communication direct et médiatisé avec la ville de Clichy qui, en brisant la figure triangulaire de manière marquée, établit une dynamique de complicité et de relation réciproque entre le bâtiment et la ville.

La clarté, et d’une certaine manière le caractère élémentaire, de cette ban de établit sa vocation de véritable entrée sur le site, conférant à la façade nord du bâtiment un caractère à une échelle plus urbaine et mesurée, en relation forte avec le bâtiment lui-même et ses articulations spatiales et architecturales, préexistantes et prévues.

Une nature urbaine qui entre en quelque sorte en opposition avec celle de la façade nord, dont les gestes et l’expressivité architecturale semblent dénoncer une vocation plus métropolitaine et d’échelle territoriale, tant dans l’organisation du sol que dans son développement vertical.

Plutôt d’utiliser le bâtiment et sa gravité comme un stimulus, comme un Unactivateur.catalyseur pour construire des relations et pour en déclencher, dans une logique dépassant la puissance du projet, de nouvelles.

CHAPITRE II: UNE ICÔNE MÉTROPOLITAINE

47 LE PROJET URBAIN 1. Giovan battista Nolli, (1701 - 1756) est un architecte et cartographe comasque. En 1748, il réalise un plan de Rome dans lequel l’espace extérieur est représenté en continuité avec les rez-dechaussée des bâtiments les plus emblématiques de la ville notes fig.27*façade sud fig.26*façade nord

48 CHAPITRE III ESPACE BEAUJON, DE LA VILLE À LA MAISON

3 ESPACE

Essentiel en ce sens était le choix et la définition du programme, c’est-àdire l’identification d’une ou plusieurs fonctions qui pourraient trouver une place au sein de ce qui était jusqu’à présent l’hôpital Beaujon à Clichy. BEAUJON,DELA VILLE À LA MAISON

«Mais les éléments primaires [...] sont les éléments ca pables d’accélérer le processus d’urbanisation d’une ville et de les référer à un territoire plus large, les éléments caractérisant les processus de transformation spatiale du territoire. Ils agissent souvent comme des catalyseurs. À l’origine, leur présence ne peut être identifiée qu’à une fonction [...] mais rapidement, ils prennent une valeur plus significative. Mais il ne s’agit pas toujours de faits physiques, construits, détectables. [...] Ces éléments jouent donc un rôle véritablement primordial dans la dynamique de la vil le, à travers eux, et à partir de l’ordre dans lequel ils sont disposés, le fait urbain présente une qualité spécifique qui lui est donnée avant tout par son insistance en un lieu, par l’accomplissement d’une action précise, par son individua lité. L’architecture est le moment ultime de ce processus et c’est aussi ce qui est décelable de la structure complexe.»1

50 Cette caractéristique d’objet déclencheur de sens et de re lations a été magistralement exprimée par l’architecte Aldo Rossi dans son texte, L’architecture de la Ville.

Si donc, comme on peut l’observer et comme j’ai essayé de le mettre en évidence dans le chapitre précédent, l’action catalytique ne réside pas dans le bâtiment seul et dans le fait urbain spécifique, identifiable dans ce cas à Beaujon, l’architecture tente de faire une synthèse, en incarnant ces facteurs de manière tangible, c’est là en effet qu’elle est détectable, elle manifeste “la structure complexe”.

Le choix, cependant, n’était pas seulement de nature purement fonction Toutenelle. activité de soins aurait nécessité, comme il est logique, un contrôle, une limitation dans la gestion des flux et des accès qui se serait mal intégrée à la logique d’ouverture et de perméabilité décrite ci-dessus.

52 CHAPITRE III

Un choix que j’ai rapidement mis de côté, constatant la décision de con struire le nouvel hôpital et le manque de ductilité, du point de vue des soins de santé, de l’articulation spatiale de Beaujon.

Si donc, comme on peut l’observer et comme j’ai essayé de le mettre en évidence dans le chapitre précédent, l’action catalytique ne réside pas dans le bâtiment seul et dans le fait urbain spécifique, identifiable dans ce cas à Beaujon, l’architecture tente de faire une synthèse, en incarnant ces facteurs de manière tangible, c’est là en effet qu’elle est détectable, elle manifeste “la structure complexe”.

Une caractéristique dont témoignent les altérations et transformations continues, dénuées de toute logique architecturale et compositionnelle, que l’hôpital a subies depuis son inauguration jusqu’à aujourd’hui.

Dès le début, je me suis demandé si le caractère sanitaire et hospitalier devait être maintenu, d’une manière ou d’une autre, dans ce qui était au trefois conçu comme une véritable machine à guérir.

En fait, le désir était orienté dans la direction exactement opposée, à savoir celle de créer un rôle perméable et traversable, mais qui puisse intercepter et accueillir la ville, la communauté, et être à son service avec une série de services diversifiés.

Essentiel en ce sens était le choix et la définition du programme, c’est-àdire l’identification d’une ou plusieurs fonctions qui pourraient trouver une place au sein de ce qui était jusqu’à présent l’hôpital Beaujon à Clichy.

La variété des fonctions et la non-exclusivité ont été adoptées comme lignes directrices pour définir le programme.

Un bâtiment, une machine, ouverte et articulée, un ensemble de pièces en concurrence avec un tout.

Ensuite, après avoir longuement parlé des valeurs et de l’iconicité du bâtiment sous différents points de vue, la volonté n’était pas celle d’une simple enseigne urbaine, d’un phare, éblouissant mais inaccessible.

53 ESPACE BEAUJON fig.29-34 modifications et ajouts apportés à la conception originale de Beaujon au fil des décennies 1. Rossi, A. (2011). L’architettura della città. Rome, Italie : Quodlibet. pag.91 notes

CHAPITRE III

En poursuivant ce type de parcours vers le nord, nous atteignons l’espace central, une cour décrite par les deux élévations internes des deux corps du Dansbâtiment.cetespace

L’idéeimmédiate2.debase, en plus d’imaginer une fonction qui pourrait être attrayante d’une manière ou d’une autre, était de redonner une dignité architectura le et fonctionnelle à cet espace, jusqu’à présent utilisé comme zone de stockage et de stationnement.

Au-delà de cette zone et en contact avec elle, nous trouvons le corps nord, “le peigne bas”, qui abrite à cette hauteur une bibliothèque courant sur toute la longueur du corps. Un espace d’étude et de réunion au service de la communauté de Clichy et un récepteur pour les étudiants de la ville même et ceux situés le long des lignes de métro 13, 14 et du RER C, ayant deux arrêts à proximité

54

Un bâtiment hybride donc, véritable héritage, selon moi, du modèle du bloc hospitalier.

Le développement du programme s’est fait dans deux directions, l’une horizontale et donc en contact avec le sol et son environnement, et l’autre dans une perspective verticale, donc dans une recherche et une relation visuelle, de plus en plus détachée et projetée vers le paysage.

En essayant d’imaginer un parcours, à travers Beaujon, et en partant de la façade sud, le premier geste a été, comme déjà mentionné dans le cha pitre précédent, de placer une série d’orangeries et d’espaces de service pour les potagers dans les rez-de-chaussée des quatre peignes hauts, se poursuivant dans ce que j’ai appelé la “galerie urbaine”, obtenue en vidant le rez-de-chaussée du corps sud, un diaphragme, un filtre entre le paysage et le cœur du projet.

En même temps, cet espace a une fonction distributive, définissant dans les parties latérales les deux modules d’accès aux résidences situées au-dessus, dont il sera parlé plus tard.

médiateur, un côté est pavé, créant des seuils au pied des deux parties du bâtiment, tandis que la partie centrale est caractérisée par une bande de végétation équipée qui suit la même logique que le parc au sud, une bande qui fait écran et sépare et dans laquelle on peut réaliser des activités ou simplement se reposer.

55 ESPACE BEAUJON fig36*plan du rez-de-chaussée bas 2. Ligne 13, arrêt “Maire du Clichy”, environ 8 minutes à pied Ligne 14 et RER C, arrêt “Saint-Ouen”, environ 15 minutes à pied notes

Ici, en effet, l’espace toute hauteur est adouci par des mezzanines latérales qui, débordant de leur périmètre, envahissent l’espace latéral des deux ailes.

Un geste qui s’est concrétisé par le vidange des portions de terrain placées entre les peignes au niveau supérieur, presque dans une volonté de les doubler et dans un jeu entre l’émergence et l’enfoncement, une mise en évidence de la différence de niveau, caractéristique, des deux portions du site.

Un nouvel espace qui non seulement assure une connexion interne aux deux ailes symétriques de la bibliothèque, séparées par le passage central, mais abrite également deux autres puits de lumière qui émergent dans le dessin de la place ci-dessus et s’y intègrent dans un motif géométrique et Auorthogonal.centrede

Sous l’escalier et dans les environs immédiats, j’ai concentré l’interven tion architecturale d’une nature plus prépondérante, une véritable partie ajoutée avec une structure autonome.

CHAPITRE III

la nouvelle intervention se trouve une réitération de la dia gonalité, un auditorium au service de la bibliothèque, qui dans un écho parallèle avec l’escalier immédiatement au-dessus établit à nouveau la même opposition, entre ouverture vers le ciel et fermeture vers la terre.

On obtient ainsi une transparence de concept comme de matériau, dans les grandes fenêtres entourant les puits souterrains, les dispositifs d’entrée lumineux au niveau inférieur et de véritables oasis de végétation.

Cette nature problématique a été abordée en soulignant ce caractère au point de le faire passer de problème à véritable thème de conception.

56

Le même désir de connexion et de dialogue entre les différentes hauteurs se retrouve à l’intérieur même de la bibliothèque.

Une transparence de sens, qui se manifeste une fois de plus dans le grand geste diagonal de l’escalier central, un écho non plus de relation mais de connexion entre les deux différents niveaux.

Si la question de l’articulation spatiale n’était pas problématique, pui squ’elle suivait dans sa structure celle des étages supérieurs, l’obstacle résidait dans l’absence presque totale de lumière naturelle, s’agissant d’un espace presque totalement hypogé.

57 ESPACE BEAUJON fig39*plan axonométrique de l’espace de la bibliothèque (rdc bas) fig38*coupe transversale sur le double dispositif, auditorium/escalier fig37* coupe sur le puits de lumière et l’auditorium

Un espace libre pour accueillir le marché mais qui pourrait également se prêter à d’autres événements de nature récréative et sociale.

58

Si cette première partie a tenté de narrer les fonctions et la logique des in terventions concernant l’horizontalité du projet, dans cette deuxième partie nous traiterons de l’aspect vertical et donc du désengagement progressif de la relation avec le sol.

Un espace libre, flexible, toute hauteur, traversé par la lumière, et ca ractérisé par une série d’ouvertures de façade de tailles différentes, plus mesurées sur la façade nord et plus ouvertes vers le sud, dans un jeu de volumes qui se retirent sur le toit. Une articulation qui est celle du projet original mais libérée par des ajouts volumétriques postérieurs, soulignée dans ses vides, par de grandes surfaces vitrées nouvellement conçues.

Le parcours précédent imaginait un déroulement progressif du projet du sud au nord, ici dans une perspective différente on pourrait imaginer le parcours inverse, dans une sorte de mouvement alterné. Si nous voulons suivre ce raisonnement, nous pourrions penser à prendre comme point de départ la place centrale hypogée, immédiatement au pied du grand escalier, un lieu qui non seulement nous accompagne jusqu’au niveau supérieur, mais se matérialise aussi comme un véritable espace distributeur, tel qu’il était, avec une disposition de nature différente et pre sque entièrement perdue au cours des modifications ultérieures, dans le projet original.

CHAPITRE III

Une grande nef transversale, dans la partie centrale de laquelle deux volu mes autonomes et symétriques rassemblent les services.

Ce niveau à mi-hauteur est atteint par deux longues rampes, une de cha que côté, caractérisées par une pente douce et la même marque diagonale.

La ligne d’arrivée entre les différentes hauteurs du bâtiment est assurée par un système d’escaliers qui élève le volume de la bibliothèque jusqu’aux quatre pavillons centraux, sur un total de six.

Ces espaces de lecture atteignent finalement l’élévation supérieure, tout en dialoguant constamment dans le vide central avec le rez-de-chaussée bas du projet.

En atteignant le niveau supérieur et donc le rez-de-chaussée haut du projet, nous trouvons une autre fonction de nature purement urbaine et liée au terrain de l’intervention, le marché urbain.

59 ESPACE BEAUJON fig42* plan axonométrique de l’espace du marché (rdc haut) fig40*coupe transversale sur les pavillons fig41*coupe transversale sur le corps central du “peigne bas”. bibliothèquemarché BMB B

Deux dispositifs pour s’élever, dans un flux lent et rapide, en maintenant la vocation originelle de la tour comme noyau distributeur de l’hôpital.

La “galerie urbaine” comme nous l’avons mentionné, un diaphragme tra-

CHAPITRE III

60

Une double hauteur et à nouveau une triple hauteur près des lucarnes, une machine à lumière qui privilégie l’ouverture vers la façade nord, laissant circuler à l’intérieur une lumière diffuse et non agressive, et qui se refer me au sud, dans un grand volume qui, sortant de la ligne de la façade, intercepte le porte-à-faux préexistant des terrasses placées à ce niveau.

Une machine de lumière qui se détache à l’extérieur, sur la façade sud, dans un geste horizontal à grande échelle, se plaçant en communication directe, tant formelle que visuelle, avec le paysage et l’horizon parisien.

Au dernier étage, surmonté seulement d’un espace d’accès à la terrasse panoramique sur le toit, la “galerie du paysage”, un grand espace d’expo sition sans séparations internes.

Un espace de passage, une connexion entre les différents niveaux et un seuil L’accèsd’accès.auxcorps

On pourrait imaginer une ligne horizontale passant par cette entrée vitrée, à triple hauteur dans l’espace du marché, traversant le bâtiment jusqu’à la tour centrale, s’inclinant violemment à la verticale.

Une verticale qui accueille d’un côté les ascenseurs et de l’autre un ruban continu, un escalier.

Le premier de ces dispositifs est représenté par le rez-de-chaussée lu i-même, déjà brièvement évoqué, un espace à parcourir, mis à nu dans la verticalité des piliers qui constituent l’ossature du bâtiment, rendant immédiatement évident cet aspect de matérialité dissimulé par le re vêtement, dotant l’espace de valeurs tectoniques de lecture immédiate.

de la bibliothèque, ainsi qu’un noyau privilégié pour ses sorties de secours, et en position centrale face à la façade puis au sud, l’accès à la galerie centrale et à l’espace d’exposition, situés au sommet du haut peigne.

Un volume fermé et compact, un jeu de découpes de matrices focales, conçu pour faire écran à la lumière la plus intense.

Cette galerie au sommet du bâtiment n’est que la conclusion d’un geste répété qui tripartite le bâtiment dans sa profondeur, un geste paysager qui est intercepté par le bâtiment et réitéré dans sa verticalité.

versé par la végétation et pénétré par elle, un espace qui s’élève dans une faille détachant la façade nord du haut bâtiment de ses étages, ne laissant que les poutres en vue, dans une perspective de continuité, faite de nature végétale, d’air et de lumière jusqu’au second dispositif paysager de l’intervention, la “galerie verte”.

3. Clément, G. (2004). Manifeste du tiers paysage, Paris, France : Sujet-objet éd. notes

Un espace situé exactement au milieu du bâtiment et accessible depuis la même tour centrale qui mène à l’espace d’exposition, un lieu de re pos et de rencontre, avec un caractère intime et introverti qui, cependant, explose vers l’extérieur en reliant les terrasses situées sur les toits des corps latéraux, qui se terminent avec leurs toits au sixième étage, ainsi que dans le corps central au cinquième étage qui relie les peignes bas aux peignes hauts.

Cet espace est en quelque sorte le cœur de Beaujon, par son emplacement mais aussi parce qu’ici, il y a une vision transparente et immédiatement lisible des éléments et de la matérialité du bâtiment.

Un espace en double hauteur donné par l’élimination de la dalle entre les cinquième et sixième niveaux, dans lequel des portions de la structure de poutres sont maintenues pour soutenir les passerelles, une connexion et une extension vers l’intérieur de l’espace du jardin sur le toit, mentionné Unci-dessus.lieucaractérisé

Un morceau de ville dans le bâtiment, des morceaux de bâtiment dans la ville, dans un rapport de ruine et de “Tiers paysage”3, dans lequel la vég étation et le caractère terreux de la brique contrastent avec la rugosité du béton armé, qui en émerge comme une sorte d’exosquelette, verticalement avec les piliers et à nouveau horizontalement avec les poutres.

Au milieu de cette tripartition, du premier au quatrième étage et à nouveau du septième au dixième, une série de résidences d’artistes trouvent leur place, en conjugaison avec le programme imaginé, d’un caractère nette ment culturel et dans la continuité de l’intention de non-exclusivité dans l’utilisation du nouveau centre, ajoutant ainsi une composante domestique au programme, mais d’un caractère transitoire et non permanent.

par des jardins suspendus et un bassin continu abritant diverses plantes à troncs bas et moyens.

61

ESPACE BEAUJON

62 CHAPITRE III galerie galeriegalerieurbainevertdupaysage

63 ESPACE BEAUJON fig43* coupe majeure

Quatre laboratoires à chaque étage sont situés d’ouest en est selon la même disposition, mais avec un éclairage différent, afin de garantir une utilisation adaptée aux activités créatives différentes et diversifiées.

L’espace distribué, qui est rectiligne, s’étend vers le nord, interagissant avec la faille qui sépare l’ensemble du bâtiment dans sa verticalité, un développement rectiligne qui est parfois nié en s’élargissant en espaces de convivialité et de rupture, vers la façade nord.

Une fois de plus, le thème de la “machine à lumière” entre en jeu, régulant dans un gradient, l’entrée ou le rejet de la lumière naturelle.

Dans le premier bloc, nous voyons une matrice répétée, douze apparte ments plus deux situés dans le corps du côté ouest à chaque étage, une matrice carrée qui devient un thème dans la définition des résidences, à partir des unités de logement elles-mêmes jusqu’à la conception de l’intérieur, un module unique de plan carré dans lequel les salles de bains sont concentrées et autour duquel l’articulation spatiale est développée, à travers des meubles et des séparations éphémères.

Pour soutenir et conforter ces espaces, dans les quatre peignes et dans toute leur verticalité jusqu’à l’espace d’exposition, quatre volumes conte nant les cages d’escalier nouvellement construites.

Des escaliers de secours rendus nécessaires par la réglementation et qui ont été construits les années précédentes en entaillant le plancher des balcons semi-circulaires au sud.

Après avoir opté pour l’élimination de ces derniers et la restauration des balcons, les dotant également d’un parapet massif pour accentuer le vo-

La même logique caractérise les espaces divisant les trois blocs d’appar tements, où se trouvent les cages d’escalier de secours au nord, ainsi que les deux entrées d’ascenseur latérales.

64

CHAPITRE III

D’ici émergent également les quatre peignes, qui abritent les laboratoires de production et d’expérimentation au service des artistes en résidence.

Une structure en acier, dénuée de toute expression architecturale et en totale négation du caractère emblématique de ces éléments qui non seulement contribuaient à l’expression architecturale du bâtiment mais soulignaient également sa composante hygiéniste.

ESPACE BEAUJON

66 lume, les quatre cages d’escalier nouvellement conçues ont été déplacées à droite de chaque peigne, libérant ainsi leur élévation.

Une typologie, le duplex, qui permet la création d’un atelier intégré à l’ap partement et une double exposition, garantissant un maximum de lumière Cettenaturelle.dernière typologie de résidences conclut ce chapitre, un chapitre qui a tenté de ne pas reproduire les différentes interventions à la manière d’une liste mais de passer de l’une à l’autre dans une vision de continuité.

Un flanquement et non un contact qui tend à générer une tension et un dialogue entre le préexistant et, la nouvelle intervention, dans une énième réitération de la verticalité, portée ici à une échelle presque monumentale.

Si, en fait, la logique de disposition et de distribution est la même que dans les appartements du premier bloc, la place à l’intérieur des appartements double et s’élève, glissant d’un tiers en correspondance avec le volume central des toilettes, pour former un espace sur deux niveaux.

CHAPITRE III

Ce volume se caractérise par un espace à double hauteur sur la façade sud et un deuxième niveau orienté vers le nord dans le vide de la grande faille verticale.

Une série de fonctions différentes, enfermées dans une enveloppe physi que et significative, un élément unificateur dans lequel chaque partie du programme, bien que distincte, entre en contact et dialogue avec l’autre.

Une série de principes qui pourraient se résumer en deux gestes éléme ntaires, l’un horizontal, dans un projet de sol entre intérieur et extérieur, et l’autre vertical, vers le ciel, dans une logique d’influence réciproque où l’un permet d’entrevoir l’autre.

La tension à la verticalité et son exaspération progressive dans une per spective ascendante est à nouveau soulignée dans le deuxième bloc de résidences, placé immédiatement au-dessus de la “galerie verte” et im médiatement en dessous de l’espace d’exposition.

Une gestualité répétée et soulignée quatre fois, une pour chaque peigne, et qui, avec le grand “œil” horizontal de l’espace d’exposition, placé en haut, ferme la composition par rapport à la grande échelle, sanctionnant définit ivement la vocation de la façade sud comme véritable front métropolitain.

67 ESPACE BEAUJON fig46 état des lieux, escaliers de secours sur les balcons

68 CONCLUSIONS

Dans ces dernières lignes, je voudrais souligner et clarifier le concept de préservation, exprimé dans le premier chapitre, afin d’expliciter ma pensée et de ne pas paraître contradictoire entre les prémisses et le résultat final.

En effet, j’ai parlé du Beaujon comme d’une incarnation des valeurs, comme d’un objet emblématique dans le paysage, comme d’une icône qu’il faut préserver. Mais quelle est la méthode, et avec quelle approche cela doit-il être fait ?

Les processus, les transformations, indiquent que l’architecture n’est pas immuable et définitive mais quelque chose qui change, qui évolue, s’adaptant à la dynamique de l’esprit de son temps.

Je pense que, en tenant compte des spécificités de chaque architecture, le terme préserver doit être accompagné du terme transformer.

0 TRANS/FORMER l’EXISTANT

70 Comme nous l’avons vu, dans les chapitres précédents, ce que j’ai fait a été de maintenir un fil de cohérence reliant les différentes stratégies, en partant de la lecture historique et symbolique du bâtiment, de son rôle dans le paysage métropolitain, jusqu’aux déclinaisons du projet, qui sont les conséquenc es des approches et positions précédentes.

Il me semble que le concept - parfois poussé à l’excès - de “monumen talisation forcée”, nous accompagne et peut-être nous rassure : une sorte de fascination pour la ruine qui nous enivre encore.

Mais aussi son exact contraire, à savoir une tendance destructrice, à l’égard des bâtiments emblématiques qui n’ont pas encore subi un processus d’historicisation achevé et ne répondent pas aux critères formels du monument.

Des prises de position et des analyses largement empruntées à mon mèmoire, qui représentait un guide, une matrice essentielle à décompos er d’abord, puis à recomposer dans une logique unitaire.

71 fig50 Grand Hotel Colosseo, Rome, Italy, Superstudio, 1969

La transformation n’est certainement pas un sujet qui peut être abordé de manière superficielle, d’autant plus lorsque l’objet en question représ ente un témoignage particulièrement précieux.

Une transformation qui ne doit pas se placer dans un rapport d’infériorité avec ce qui existe, mais qui doit le connaître, le comprendre, afin de pouvoir le souligner, ou pourquoi pas, le nier, le renverser, le mettre en Construirecontradiction.une relation, une relation intime et non reproductible, afin d’insuffler au bâtiment une adhésion à la contemporanéité, dans un dialo gue constant entre l’ancien et le nouveau.

L’architecture est un organisme qui vit, qui se transforme, qui évent uellement meurt, et d’une manière extraordinaire peut renaître, dans un processus de transformation continue.

Ce n’est qu’en réadaptant, en donnant une nouvelle finalité aux bâtiments qui ne sont plus compatibles avec celle d’origine, que nous pouvons les remettre activement au service de la société.

Je crois que la transformation est le défi architectural de notre époque, une époque de congestion, de spéculation.

Mais je crois que l’architecture ne peut pas être mortifiée !

Ceci, à mon avis, c’est préserver, ça c’est transformer.

Une continuité qui est aussi celle de la mémoire, dans sa présence, dans son insistance en un lieu donné, perpétuant ces échos et ces réverbérati ons spatiales qui sont le résultat d’une présence sédimentée, dans les lieux comme dans les esprits.

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74 BIBLIOGRAPHIE

76 Clément, G. (2004). Manifeste du tiers paysage, Paris, France : Sujet-objet éd. Cohen, J.-L. et Damisch, H. (1992). Américanisme et modernité, l’idéal américain dans l’architecture, Paris, France : Flammarion. Cohen, J.-L. (2012). L’architecture au futur depuis 1889, Paris, France : Phaidon Conrads, U. (2017) . Programmes et manifestes de l’architecture du XXe siècle, Paris, France : Editions de la Vilete Curtis, W.J.R. (2004). L’architecture moderne depuis 1900, Paris, France : Phaidon Khoolhaas, R. et Mau, B. (1995). Small, medium, large, extra-large, New York, U.S.A.: Monacelli Press Michel, F. et Kriegel, B.-B. et Thalamy, A. et Beguin F. et Fortier B. (1979). Les machines à guérir : aux origines de l’hôpital moderne, Liège, Bruxelles : P. Mardaga Rossi, A. (2011). L’architettura della città. Rome, Italie : Quodlibet. Secchi, B. et Viganò, P. (2012). La ville poreuse : un projet pour la Grand Paris et la métropole de l’après-Kyoto, Genève, Suisse : MétisPresses Livres

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Toutes les images marquées (fig.xx**) sont de ma propre production et proviennent de mon mémorie Toutesfig.2,3,4les images marquées (fig.xx*) sont de ma propre production fig.17,18,20,22,23,24,25,26,27,28,35,36,37,38,39,40,41,42,43,44,45,47,48,49 fig.1 History, David Goddard/Getty Images https://www.history.com/ topics/british-history/stonehenge fig.5 Croniques d’architecture, grand-paris-nord-renzo-piano-une-foret-pour-cacher-larchitecture/https://chroniques-architecture.com/ fig.6

80

Assistance publique, Hôpitaux de Paris, https://www.aphp.fr/ portes-ouvertes-2019-lhopital-bichat fig.7 Alamy, chy-hopital-beaujon-stade-racine-image246157410.htmlhttps://www.alamyimages.fr/france-hauts-de-seine-cli fig.8 sInternes/Hopitaux/Beaujon.htmlhttp://www.leplaisirdesdieux.fr/LePlaisirDesDieux/NosAncetresLe fig.9 sInternes/Hopitaux/Beaujon.htmlhttp://www.leplaisirdesdieux.fr/LePlaisirDesDieux/NosAncetresLe fig.10 Commission du vieux paris compte-rendu de seance, paris.fr/paris/2019/07/24/6a1c71b900726c8ef77bf6b7c790400a.pdfhttps://cdn. fig.11

81 fig.19 Khoolhaas, R. et Mau, B. (1995). Small, medium, large, extra-large, New York, U.S.A.: Monacelli Press. Pag. 495 fig.21Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9tropole_du_ Grand_Paris fig.29.30.31.32.33.34.46 documentation photographique fournie par le cours DE6 Trans/former l’existant fig.50 Architexture, de-521j-superjumbo-jpghttps://architexturez.net/file/superstudio-sli

82 ANNEXES

84 coupe détaillée “Galerie verte”

85

86 nouvel escalier/tour

87

88 plans, “peigne bas”

89

90 MUSÉE GUIMET, Place Iena - Paris, Henry Gaudin, 1996 références / suggestions

91 The Tate Modern, Londres, Herzog & de Meuron, 2000

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