Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises NUMÉRO 6 : NOVEMBRE 2018 ! TEXTES Jean Claude Ribaut p PHOTOGRAPHIES Droits réservés
édito
Deux passeurs... L’émotion causée par la disparition de Monsieur Paul était toujours vive, en ce début du mois d’août, lorsque fut annoncé le décès de Joël Robuchon. A la cathédrale de Poitiers, comme à Lyon quelques mois plus tôt, les cuisiniers ont marqué leur profond attachement à ces deux immenses figures de notre métier. L’un et l’autre auront marqué plusieurs générations de cuisiniers qui, à leur tour, assureront la transmission de leurs valeurs. Pierre Gagnaire se souvient de son arrivée à l’Auberge à Collonges au Mont d’Or – il n’avait que 14 ans – l’année où Monsieur Paul a eu sa troisième étoile. « J’ai été impressionné par ce que j’ai vu, ce que j’ai ressenti, car c’était un homme incroyable», a confié le chef sur RTL. C’était un vrai seigneur. Il avait un fonctionnement tellement incroyable, tellement novateur pour son époque. C’était un homme qui aimait rire, c’était un farceur. » Il se souvient d’une anecdote, comment Paul Bocuse avait fait une blague à son ami Jean Troisgros, en attachant sa voiture à un arbre et en plaçant un saumon fumé dans le pot d’échappement. « La voiture fumait, elle chauffait, avec un saumon qui brûlait à l’arrière. »
NUMÉRO 6 : NOVEMBRE 2018
Monsieur Paul éprouvait le besoin de rire. Son humour aiguisait l’intelligence et faisait découvrir maintes idées fines ou scabreuses ; c’était une manière de philosopher à la dérobée et hardiment, en dépit des conventions. Ce goût n’avait rien de commun avec la franche satire, souvent cruelle ; au contraire, il provoquait la bonne humeur ; on voyait vite que le railleur n’était pas mordant, au besoin il se prenait lui-même pour objet de plaisanterie ; tout son désir était d’entretenir en luimême et avec ses interlocuteurs un pétillement d’idées agréables. Joël Robuchon pensait qu’on « ne peut pas faire de cuisine si on n’aime pas les gens. » Ses plus grandes joies, note un commentateur, étaient le plus souvent les retrouvailles avec ses anciens apprentis, avec ses frères, chefs du monde entier, avec ses disciples, ceux qui avaient appris de lui bien plus que des techniques. Sa renommée n’avait pas altéré sa simplicité, ni sa modestie illustrée par le titre de son émission : « Bon appétit, bien sûr. » Tous deux, chacun à sa façon, auront été des passeurs. Christophe Marguin
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almanach de Novembre Poissons d’eau douce A l’occasion des journées gastronomiques de la carpe qui se sont tenues à Lyon en 1932, M.Sornay, conservateur des eaux et forets, révèle dans un rapport que 50.000 kg de poissons avaient été pêchés dans le Rhône et consommés à Lyon en 1931 et 160.000 kg capturés dans la Saône. Quant aux étangs de la Dombes, spécialement réservés à l’élevage de la carpe, mais où l’on pêchait aussi la tanche, les gardons et les brochets, il estimait le rendement annuel des étangs à 1.200.000 kg. Ces chiffres sont difficiles à comparer avec ceux d’aujourd’hui car les conditions d’exploitation sont différentes. La pisciculture d’eau douce s’est structurée à travers environ 500 sites de productions répartis globalement sur l’ensemble du territoire français et gérés par environ 300 entreprises commerciales. Mais certaines régions s’en sont fait une spécialité comme la Nouvelle Aquitaine, les Hauts de France et la Bretagne qui totalisent 70% de la production nationale. La France est aujourd’hui le troisième producteur européen de truites élevées en eau douce avec près de 38 714 tonnes produites en 2016. La truite fait partie du top 5 des poissons consommés régulièrement par les Français. La Truite arc-en- ciel représente aujourd’hui 96% de la production nationale, à côté des autres espèces : Truite Fario, Omble de Fontaine ou Saumon de Fontaine, Omble Chevalier. La réglementation s’est aussi considérablement développée (dates de pêches, taille des poissons, quotas) et donne lieu à des contrôles très stricts. De part et d’autres du lac Léman, par exemple, dans les eaux territoriales définies par le nouveau règlement entré en vigueur le 1er janvier 2016, établi conjointement par le Conseil Fédéral Suisse et le Gouvernement Français, les pêcheurs professionnels bénéficiaires d’une licence (92 pour la Suisse, 60 pour la France), lancent chaque soir leurs filets. Mais il leur faudra avoir présent à l’esprit les 56 articles de ce règlement draconien pour n’utiliser que les maillages autorisés pour chacune des 22 espèces de poissons courantes. Les voici déroulant un filet dérivant, immergé d’une dizaine de mètres entre deux balises, dans lequel gardons et féras se laisseront piéger, tandis que le monstre caréné à la gueule tapissée de dents, aux flancs jaunes, au museau inquiétant, le brochet, tentera jusqu’au dernier moment de leur échapper.
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Combat de nuit, car c’est à 3 heures du matin que les pêcheurs commencent à relever leurs filets. Pour certains, grâce aux balises flottantes, la position est donnée par GPS sur le petit ordinateur de bord. « Ils pêchent par satellite » dit-on parfois dans les bistrots de Lugrin. La pêche est interdite pendant les périodes de reproduction, car ces règles ont avant tout pour objet de pérenniser l’équilibre écologique et d’éradiquer les 13 espèces de poissons indésirables. La prise est rarement miraculeuse, car le nombre des prises annuelles, obligatoirement consigné « à l’encre indélébile » dans un registre vérifiable par les administrations, est également fixé par ce règlement qui définit aussi la taille minimale des poissons, les zones interdites et les horaires de pêche, et même l’âge du capitaine pour une catégorie seniors.
Poisson & poison Depuis 2012, la consommation de certains poissons d’eau douce doit être modérée pour les enfants et les femmes enceintes, pour cause de mercure et de PCB, sermonne l’Agence de veille sanitaire. Pas de restriction, en revanche, pour les poissons de mer aux noms peu reluisants dans la langue de Bossuet : hareng, morue, maquereau, barbeau, merlan...La truite vagabonde, elle, est sous la protection de Schubert, mais aussi le fera, la perche et l’omble-chevalier, sous celle des gourmets. Quant au sandre de Loire au beurre rouge, les amateurs en raffolent ! Recette : - Ciseler d’abord les échalotes. - Faire réduire le vinaigre, le vin rouge – une demi bouteille de Morgon - les échalotes, le poivre et le gros sel jusqu’à l’état sirupeux. - Ajouter la crème, porter à ébullition puis monter au beurre.
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almanach de Novembre (suite)
Eloge de l’omble chevalier Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière (1758 - 1837), maître de la litote, ne s’embarrasse d’aucune considération religieuse pour vanter avec force détail l’art de préparer les courts-bouillons qu’un « cuisinier habile et religieux » sera mieux à même de préparer « que la foule des simples cuiseurs d’aliments qui méritent tout au plus le nom de fouille-au-pot. » Et de recenser dans son Almanach des Gourmands (année 1803) les mérites des différents poissons d’eau douce. Le brochet, « véritable Attila des étangs » est pour lui « le prince de l’eau douce », mais véritable dévastateur, « c’est un petit crocodile. » La carpe n’est excellente que si elle vient de l’Ill et non du Rhin.
« C’est un manger de princes, dit encore Grimod, ou tout au moins de fournisseurs républicains, à leur troisième faillite. » Il ne tarit pas d’éloges sur la truite et l’omble-chevalier, pourvu qu’ils proviennent du lac de Genève et condescend à penser que la modeste anguille peut avoir avantage à être « cuite à la broche, piquée de truffes, enveloppée d’un papier beurré, et servie nappée d’une sauce savante. » Et de regretter que « ordinairement elle se contente d’être mangée en matelote, à la poulette. » La lotte de lac, comme la perche, est rare au début de l’Empire, note encore ce gourmand, mais on l’apprécie, apprêtée comme l’anguille, ou bien « en compote, frite, à la bourgeoise, glacée au lard, à l’italienne, à la Villeroi, à la romaine, à la prussienne, au vin de Champagne, avec un ragoût de leur foie. »
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Quant à l’alose qui à cette époque remonte la Seine jusqu’à Paris, notre amphitryon inspiré la préfère « grasse et charnue [...] grillée sur une bonne farce à l’oseille : c’est le lit de repos sur lequel elle se complait le mieux ; elle est là comme une petite-maitresse sur l’Ottomane en son boudoir. » Cuisiniers, cuisinières, à vos fourneaux !
Fêtes en Carême L’ancienne France respectait le carême, cette obligation religieuse du maigre, pendant quarante jours avant le temps de Pâques, où le soir après vêpres, était permis une fête silencieuse avec un seul repas de pain, de légumes, puis de poisson et d’oeufs. Des menus à faire rêver Harpagon et des générations de Père Grandet, sans désespérer Gargantua. Car la règle primitive qui interdisait la consommation de viande, de graisse ou d’oeufs, connut bientôt quelques accommodements. Certains gibiers d’eau furent permis. Alors, sur les tables conventuelles ou pieuses fleurirent matelotes, carpes en gelée, tous les poissons de rivières et de lacs accompagnées de crêpes de blé noir.
Puis, selon l’apport et les origines provinciales des commensaux, l’écrevisse de Nantua, le raifort et le chou rouge, la bourride et l’escargot, l’omelette. Durant tout le Moyen Age et jusqu’aux Temps modernes, les repas de février et mars étaient sinistres. Bientôt des mares artificielles furent entretenues que l’on appelait, déjà, des viviers, permettant l’élevage des carpes, brochets, tanches, brèmes, anguilles et autres poissons. Toutes les ruses de la vieille France étaient rassemblées pour traverser, malgré la rigueur des temps, celui de l’interdiction de chair sur la table, sinon de bonne chère.
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citation du mois Cherches-tu femme fidèle et douce. Prends la ficelle pour la Croix-Rousse. Si te la veux vive et gentille. Prends le tramevet de la Guille. Si te l’espères sage et pas fière, grimpe de pied jusqu’à Fourvière. Mais si te veux bonheur et paix, remplis ta cave de beaujolais. - La légion d’honneur de Lyon ? La rosette !
Boris VIAN
anecdote gourmande Au Café-Concert Jeanne Bloch (1858 – 1916), actrice célèbre qui poussait la chansonnette, jouait dans les vaudevilles et les opérettes, avait pour habitude de manger avant le spectacle et de souper ensuite. Elle avait un visage fin comparable aux statuettes élégantes de l’Antiquité appelées Tanagra et un embonpoint si important qu’il lui valut le surnom de « Tanagradouble. » Dans les années 1887-1898, elle se produisait à La Scala et à la Cigale, deux cafés-concert à la mode; un jour, devant interpréter une scène tendre avec le célèbre acteur comique Claudius, celui-ci tenta de l’enlacer, sans y parvenir tant elle était grosse. Un spectateur cria : « Claudius...fais deux voyages!». Toute la salle, et les deux acteurs, éclatèrent de rire..
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actualités en bref 17 au 19 juin Sirha Green 2018
17 Octobre Les tables roannaises Dans le cadre de Roanne Tables Ouvertes, les chefs des Toques Blanches Lyonnaises et des Tables Roannaises ont coopéré pour rendre mémorable une soirée du festival qui se déroulait à la Mairie de Roanne le Mercredi 17 Octobre dernier.
La confrérie du Pâté-croute En Juin dernier s’est déroulé la 1ère édition du SIRHA Green, salon dédié au food-service responsable, ceci afin d’aider les acteurs de la restauration à répondre à des évolutions profondes et de plus en plus importantes pour la nouvelle génération. Durant 2 jours, ce sont plus de 200 exposants qui ont accueilli les quelques 5694 visiteurs.
Le 17 Octobre paraissait aux éditions Hachette le livre de la Confrérie du Pâté-Croute retraçant dans ses 256 pages, l’histoire du pâté-croute, du Championnat du Monde et mettant ainsi en avant plus de 30 recettes tirées de ce dernier. Retrouvez celui-ci dans l’ensemble des librairies.
20 juin Inauguration du Showroom DS Store
Le 20 Juin dernier, les chefs des Toques Blanches Lyonnaises ont affiché leur soutien à leur partenaire DS lors de l’inauguration de leur nouveau DS Store à Vénissieux.
25 juin
Pique-nique des chefs
Le 25 Juin dernier se déroulait le pique-nique des chefs au milieu des vignes de notre partenaire majeur, Maison M. CHAPOUTIER. Une journée sous le soleil et la chaleur pour visiter le vignoble et déguster les produits gracieusement offerts par notre partenaire, BRAKE.
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22 octobre Concours TROLLIET Le 22 Octobre dernier, sous le parrainage de Pierre ORSI avait lieu la première édition du Concours TROLLIET destiné aux jeunes cuisiniers. 6 candidats revêtaient vestes et toques pour s’affronter autour du Carré de Porc. Une belle battle remportée par Ahmed BENSEMLALI du restaurant SAISON de Davy TISSOT.
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Evénements
TROPHÉE CUISINE DU MONDE Le Gang Nam – Coréen – Lyon TROPHEE DU JEUNE APPRENTI : Emiljano Rrapushi - Brasserie de l’Ouest – Lyon (trophée salle) Corentin Kowalski – Domaine de Clairefontaine – Chonas L’Amballan (trophée cuisine) TROPHÉE DU SOMMELIER DE L’ANNÉE Hervé Baligand - La Pyramide - Vienne TROPHÉE DU CHEF PATISSIER DE L’ANNÉE Sébastien Vauxion - K2 Palace- Courchevel TROPHÉE DU CHEF ESPOIR DE L’ANNÉE Axel Ruga - Burgundy Lounge - Lyon
Les Trophées de la Gastronomie et des vins 2018
Un bel hommage à Paul BOCUSE
Le 29 Octobre dernier se déroulait la 11 ème édition des Trophées de la gastronomie et des vins organisée par le Progrès et les Toques Blanches Lyonnaises à la Sucrière.
TROPHÉE GRANDE TABLE DE L’ANNÉE Emmanuel Renaut - Flocons de Sel - Megève TROPHÉE DU CHEF DE L’ANNÉE Eric Frechon - Le Bristol - Paris
Ce sont près de 600 personnes qui se sont réunies pour un hommage officiel à Monsieur PAUL et: voir récompenser douze lauréats pour leur travail et leur savoir-faire : TROPHEE D’HONNEUR René MEILLEUR - La Bouitte - Saint-Martin de Belleville (Savoie) TROPHEE A L’INTERNATIONAL Romain Fornell - Restaurant Caelis - Barcelone, Espagne TROPHÉE DE L’ACCUEIL Eric Giraud - Chez Antonin - Halles de Lyon TROPHÉE DU BOUCHON LYONNAIS DE L’ANNÉE Le Bouchon des filles – Lyon
Focus sur le SIRHA (26-30 Janvier 2019 – Eurexpo - Lyon) Le salon mondial de la gastronomie réunit l’ensemble des professionnels du Food Service, des fabricants et des distributeurs du monde entier. International Catering Cup - Samedi 26 Janvier 12 équipes internationales de traiteurs en lice pour le prestigieux titre de Meilleur Traiteur de Réception du Monde.
TROPHÉE VINS ET VIGNERONS DE L’ANNÉE Gilles Gelin - Domaine des Nugues - Lancié (Beaujolais)
Coupe du monde de la pâtisserie Dimanche 27 et Lundi 28 Janvier Les plus grands talents du monde de la pâtisserie seront réunis à Lyon pour une finale d’exception, sous le signe de l’excellence
TROPHÉE DE LA BISTRONOMIE Michaël Gaudinet- La Brasserie des Monts d’Or Saint-Cyr-au-Mont-d’Or
Bocuse d’Or - Mardi 29 et Mercredi 30 Janvier 24 des chefs les plus prometteurs au monde tenteront de remporter le plus beau trophée de la gastronomie.
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le saviez vous ? nouveaux entrants
Le Suisse Joseph Favre, créateur de l’Académie culinaire de France
Fabrice GARABEDIAN
La Toscane 26 Bis Rue Dusquene 69006, Lyon
Fabrice ROCHE Opaline 8 rue Pailleron 69004, Lyon
Dominic MOREAUD
Une faim d’apprendre 24 Rue Joannès MASSET 69009, Lyon (Réintégration)
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Né à Vex dans le Valais (Suisse) Joseph Favre (1849 – 1903) est l’auteur d’un admirable Dictionnaire universel de cuisine pratique (1894 réédité en 2006 par Omnibus). Favre est anarchiste, membre de la Fédération jurassienne. Cuisinier, militant et journaliste, il fonde en 1875 L’Agitatore, avec Benoît Malon. Il fréquente Bakounine réfugié dans le Tessin, pour qui il crée le « Pouding Salvator » au cours d’un repas où assiste le gratin du mouvement libertaire. Il crée également La Science culinaire (1877) qu’il dirige pendant sept ans, et en 1883, l’«Union Universelle pour le progrès de l’Art Culinaire». Elle fut rebaptisée, en 1888, «Académie Culinaire de France». C’est la plus ancienne association de Chefs de Cuisine et de Pâtisserie du monde ; elle compte aujourd’hui un millier de membres provenant de 27 nations sur les 5 continents. Depuis l’origine, l’Académie défend l’authenticité des appellations culinaires et promeut la cuisine française, ses recettes et ses techniques à travers le monde. Aujourd’hui, elle continue de perfectionner l’Art Culinaire Français en mettant sur pied de nombreuses expositions et concours en France comme à l’étranger, des conférences suivant la vision pluridisciplinaire de son fondateur, ou encore, en certifiant des structures d’enseignement professionnel. Le Grand Prix Joseph Favre, imaginé par Benoît Violier (Hôtel de Ville - Crissier) qui présidait la Délégation Suisse de l’Académie avant sa disparition, avait été différé. La seconde session aura lieu à Martigny (Suisse) organisée avec le concours de Franck Giovannini le 25 novembre 2018. Le jury international sera présidé par Guy Savoy.
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Itinéraire Guy Bardel, le Zorro du recrutement C’est au cours de ces voyages qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme, avec qui, en 1973, il ouvre l’un des derniers restaurant tenus par les Mères, avec cuisine au charbon : Le Tonneau d’Or.» L’ancien maire, Louis Pradel y a son rond de serviette ; les artistes rencontrés au Palais d’Hiver suivront. « Ce furent des soirées mémorables qui n’en finissaient pas d’être gaies et bien arrosées. Mais tout à une fin. »
Ancien de l’école Hôtelière de la rue des Marronniers, Lyon II, le jeune Guy Bardel se destinait aux métiers de bouche. Il commence son apprentissage, en salle et en cuisine, au Casino de Charbonnières et prépare un CAP service. Il se souvient : « le jour de l’examen nous avions : un poulet rôti à découper et à servir, une sole meunière à préparer (ôter l’arête centrale) et servir, et assurer le service des vins. Le tout devant un jury intraitable. » Il obtient son CAP et se retrouve, au cours de son Service National, en 1965, dans une équipe chargée de nourrir chaque jours 600 militaires. Une fois la quille obtenue, il retourne pendant quelques temps à Charbonnières : « Orchestre, dîner dansant, découpage sur table de viande et poisson, flambage de certains desserts, tout ça devant le client. C’était la classe... Les pourboires tombaient, il n’y avait pas beaucoup de chèques et encore moins de cartes bancaires. » Mais le jeune homme a la bougeotte. Il décide de travailler dans les trains, sur la ligne Paris-Lyon, car il y a encore, à cette époque des wagons-restaurants, « avec messieurs et dames voyageant seuls » dont il facilite la rencontre en toute discrétion. Quelques années plus tard, Guy Bardel voyage ; il fait la saison, à la mer, à la montagne. C’est un travail ingrat, usant : « Nous mangions mal, c’était le métier. Voulant tout connaître, il fallait le faire pour savoir. » Il travaille ensuite au Palais d’Hiver où il sert dans leurs loges les vedettes du music-hall de l’époque.
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Dix ans plus tard, Guy Bardel vend son restaurant, divorce, et se retrouve à la case départ. C’est alors, prenant conscience des difficultés de recrutement auxquelles étaient confrontés les traiteurs et les restaurateurs qu’il décide de créer un service d’extra, pour suppléer aux besoins temporaires puis à l’embauche de personnel permanent. C’est ainsi qu’il sélectionne et recrute, en 1982, une quarantaine de maitres d’hôtel pour Gaston Lenôtre, chargé d’un repas de 3000 couverts pour l’inauguration à Lyon de la 1ère ligne de TGV en présence du Président de la République. Cette première mission est à l’origine de la création de Rhône Service Hôtellerie, en 1985. En une trentaine d’année, il deviendra, grâce à son entregent, son tempérament jovial et son efficacité, celui qu’on appelle désormais le Zorro de la restauration lyonnaise. Il place environ un millier de personnes par an, mais porte aujourd’hui un regard nuancé sur la profession: « Le problème est de trouver le profil idéal et de le fidéliser. Car désormais, les jeunes sont plus exigeants sur leurs conditions de travail. Le turn-over est donc important. D’autant que la nouvelle génération veut évoluer très rapidement à des postes clés. » Le recrutement reste son métier et sa passion.
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portrait de chef Ludovic B. un prénom qui en dit long... On le trouve d’abord à la Butte Chaillot, avenue Kléber à Paris, l’une des annexes de Guy Savoy, son compatriote berjallien, d’abord chef de partie ensuite second de cuisine (1998-2002) ; puis, l’année suivante, chef de partie chez Jamin, rue de Longchamp, que Joël Robuchon avait cédé à Benoît Guichard (deux étoiles Michelin), l’un de ses talentueux lieutenant. De retour à Lyon, le voici aux cotés d’Olivier Belval au Bistrot du Palais de Jean-Paul Lacombe ( en 2004 – 2006), puis à Collonges-au-Mont d’Or, en qualité de second du restaurant Comme-en-Provence. Il obtient son premier poste de chef en 2008 au restaurant Allardon, avant de rejoindre l’année suivante, le Gabion, fameux restaurant de poissons dont le décor mural est composé de galets du Rhône.
Le 16 janvier 2012, les Toques Blanches Lyonnaises accueillaient en leur sein Ludovic Boulgakoff, parrainé par le regretté Olivier Belval et Olivier Canal. Natif de Bourgoin (38), il avait repris deux ans plus tôt, la trentaine passée, l’Atelier de la Dalle, désormais baptisé « Ludovic B. Restaurant. » En personnalisant ainsi l’enseigne de son établissement, il mettait un terme à dix années de collaborations au cours desquelles il avait gravi, avec enthousiasme, tous les échelons d’un métier qui était désormais sa passion. Il avait commencé, à l’âge de 15 ans, passé son CAP en 1996, avant de rejoindre Philippe Girardon (MOF) à Chonas-l’Amballan, chef étoilé du Domaine de Clairefontaine qui fut autrefois une villégiature des évêques de Lyon. Ludovic a la bougeotte : « A nous deux Paris ! » bien qu’il n’aie rien d’un Rastignac.
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Fin 2010, au terme de ce parcours riche et contrasté, « Ludovic B. » ouvre ses portes, avec un nouveau décor contemporain, au diapason d’une cuisine du temps présent, soit une cinquantaine de couverts, plus une mezzanine.
L’art culinaire résulte de la transmission sans laquelle il n’est point d’art sinon même de cuisine.
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portrait de chef (suite)
La transmission : Ludovic a vécu ce processus tout au long de ses dix années de formation et d’expérience. Il sait aussi que la cuisine lyonnaise a été pensée, ressassée, mijotée, par un bataillon de femmes gourmandes, les Mères, qui en sont les figures tutélaires. Il en connaît l’héritage, mais par jeu et par modestie, la lecture du Guide Culinaire d’Escoffier aidant, il s’engage dans la voie d’une cuisine en phase avec la société actuelle : « Nous devons simplement, écrivait Escoffier, suivre la marche en avant de notre art, être de notre époque et obéir à la volonté formelle des convives ou des clients ; volonté devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner.»
C’est ainsi que Ludovic ne décevra jamais les amateurs de cervelle de canuts, ni de saint-marcellin, mais s’orientera vers une cuisine du marché, composée exclusivement de produits frais de qualité, de légumes de saison cultivés à proximité, avec toutefois quelques plats incontournables comme le foie gras, chutney maison et son toast brioché, la caille sautée aux raisins, la terrine de gibier, compotée d’oignons ou encore la brochette de crevettes tièdes, crème mangue/gingembre et pousses d’épinards, la mostelle, poisson fin et délicat, le bœuf de Galice au poivre concassé et aussi le baba au rhum et le coulant au chocolat. La cave est axée sur la découverte de vins de propriétés adaptés à cette cuisine. Un détail, qui a son importance, les prix sont remarquablement tenus (menu à prix identique midi et soir), c’est à cette condition aussi estime Ludovic Boulgakoff, que l’on peut aujourd’hui, fidéliser une clientèle.
Ludovic B. Restaurant 90, rue Masséna - 69006 – Lyon Tèl. : 04-37-24-19-28 http://ludovicb.fr/
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portrait de chef Anne-Sophie PIC, la tradition perpétuée La guerre remet, chez Michelin, les compteurs à zéro. Jacques Pic, né en 1932, qui prend la direction de la brigade en 1956, attendra jusqu’en 1973 le retour de la troisième étoile. Fidèle aux grands classiques de son père, il peaufine ses recettes, allège, innove avec un filet de loup au caviar, des langoustines sautées à l’huile d’olive et aux truffes, ou bien un rognon de veau à la menthe. Son fils, Alain, né en 1959, dix ans avant Anne-Sophie, rejoindra la maison familiale en 1981, jusqu’au décès brutal de son père en 1992. Quelques années plus tard, il s’installera près de Grenoble, alors qu’Anne-Sophie relevant le défi, prendra, dès septembre 1996, la direction de la Maison Pic, qui avait alors deux étoiles chez Michelin.
Anne-Sophie Pic est pratiquement née dans une cuisine, sans avoir pour autant décidé d’emblée d’y faire carrière, puisqu’elle sera d’abord diplômée d’une école de gestion (ISG Paris). Elle représente aujourd’hui, pourtant, la quatrième génération d’une des rares familles de cuisiniers qui, depuis plus d’un siècle, illustrent la transmission, valeur essentielle portée par les Toques Blanches Lyonnaises. Rappel des épisodes précédents. L’histoire commence avec son arrière grand-mère, Sophie Pic, qui ouvre à Saint Peray (Ardèche) l’Auberge du Pin dont la réputation s’établit grâce à ses gratins, ses fricassées de volaille et ses lapins sautés. Son fils, André Pic, né en 1893, lui succède au lendemain de la Grande Guerre. C’est le triomphe en cuisine, du gratin de queues d’écrevisses, de la poularde en vessie ou du lièvre à la broche qui lui vaut, un an après Alexandre Dumaine et Fernand Point, d’obtenir trois étoiles au Guide Michelin, en 1934. Deux ans plus tard, présageant le développement de l’automobile, il crée la Maison Pic, avenue Victor Hugo à Valence, le long de la Nationale 7. C’est le temps du chausson aux truffes, de la ballottine de pigeon farcie et truffée, de la terrine de bécasse, de la poularde à la crème...x
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Epaulée par son mari David Sinapian, elle se met au travail avec passion : « Je m’offre une liberté complète. L’esprit de la maison reste cependant le même et ne déplairait pas à André et Jacques. » confie t’elle alors. Ce sont les images mémorisées de son enfance gourmande, qui – inconsciemment – ont déterminé le désir d’Anne Sophie Pic, d’être un jour cuisinière. Elle évoque alors volontiers sa découverte des produits et des secrets de la cuisine familiale, acceptant l’héritage, mais d’abord soucieuse d’inscrire sa cuisine personnelle, dépouillée, moderne et de haut goût, à la hauteur du fameux gratin d’écrevisses, qui avait autrefois assuré le succès de la Maison Pic.
Cuisiner pour ceux qu’on aime, la plus belle preuve d’amour
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portrait de chef (suite) Au fil des années, elle constitue son propre répertoire culinaire, le homard bleu rôti au beurre de homard, la betterave plurielle aux textures fondantes, la langoustine saisie au beurre de langoustine et bouillon léger à la pomme verte et bien d’autres plats d’une créativité singulière. En 2006, le Guide Michelin, bonne fée de la Maison Pic, attentif à cette évolution classe Anne-Sophie Pic parmi les « espoirs » pour une troisième étoile l’année suivante. Anne-Sophie, à la fois timide et volontaire, confiait quelques mois avant la sortie du guide cette année là : « la troisième étoile, bien sûr j’en rêve, car ce serait renouer avec la tradition familiale installée par mon grand-père, André Pic, en 1934.» Elle ne s’arrêtera pas à ce troisième macaron, et deux ans plus tard, voit son équipe récompensée par deux étoiles au Beau Rivage Palace à Lausanne. .
Depuis lors, avec son mari, ils développent au sein du Groupe Pic, une série d’initiatives respectueuses de leurs valeurs : création d’une épicerie fine à Valence, ouverture de deux restaurants « La Dame de Pic » à Paris puis à Londres. Les récompenses et les distinctions pleuvent dont le Prix du Rayonnement Français (2014) On dit parfois le milieu des cuisiniers volontiers machiste et le Michelin misogyne. C’est oublier que la première promotion des 22 trois étoiles, en 1933, comptait deux femmes : Eugénie Brazier (La Mère Brazier à Lyon l’hiver, et au Col de la Luère, en été) ainsi que Marie Bourgeois (La Mère Bourgeois à Priay, près de Lyon). Depuis, il est vrai, seule Marguerite Bise à Talloires (Auberge du Père Bise), avait accédé, avant Anne-Sophie Pic, aux premières places dans le palmarès annuel du Guide Rouge.
Groupe PIC 285 avenue Victor Hugo – 26 000 Valence Tèl. : 04 - 75 - 44 - 15 - 32 www.anne-sophie-pic.com
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recette
Les langoustines marinées à la menthe, crème de petit pois et oignons cébettes à la réglisse mentholée pour4 personnes
1- Les Langoustines Détachez les queues des langoustines puis décortiquez-les en gardant le dernier anneau de la carapace. Retirez le boyau en incisant légèrement les chairs avec la pointe d’ubn couteau. Dans un plat, versez l’huile de pépins de raisin et la menthe lavée et finement coupée. Mélangez puis déposez les langoustines dans cette marinade. Mettez au frais. 2- La compotée d’oignons Epluchez les oignons, coupez-les finement. Dans une poêle chauffée avec un peu d’huile d’olive, faites fondre une noisette de beurre demi-sel, ajoutez les oignons et laissez cuire à feu très doux. Ajoutez le bouillon de légume peu à peu, pour aider la cuisson. Les oignons sont alors fondants après 30 min de cuisson. 3-La crème de petits pois Faites cuire les petits pois à l’eau bouillante salée (gros sel), puis jetez-les dans de l’eau froide et égouttez. Mixez, salez un peu (au sel fin) et mettez de côté. 4- La poudre de réglisse Préchauffez le four à 180°C (th.6). Enfournez les cachous : quand ils gonflent, retirez-les et écrasez-les. Passez la poudre obtenue au tamis.
Ingrédients : 12 langoustines 25 cl d’huile de pépins de raisin 1/2 botte de menthe 1 trait d’huile d’olive pour la cuisson 200 gr d’oignons cébettes 10 cl de bouillon de légumes 40 gr de beurre demi-sel 250 gr de petit pois frais 5g de cachous Fleur de sel Sel fin
NUMÉRO 6 : NOVEMBRE 2018
5-La finition et la présentation Dans une casserole, faites chauffer la crème de petit-pois, qui doit avoir la consistance d’une purée fine et un peu liquide Dans une autre casserole, réchauffez la compotée d’oignons. Faites chauffer une poêle antiadhésive avec un peu d’huile d’olive. Sortez les langoustines de l’huile, piquez-les trois par trois sur des piques à brochettes en bois. Salez-les légèrement au sel fin. Déposez un emporte-pièce sur chaque assiette. Mettez une couche de compotée d’oignons puis, dessus, la crème de petit pois ; gardez au chaud. Pendant ce temps, dans la poêle maintenant bien chaude, faites colorer les langoustines sur leurs deux faces pendant 3-4 min (attention à ne pas trop cuire les langoustines, elles doivent rester translucide). Retirez les emporte-pièce des assiettes.Déposez par-dessus 3 queues de langoustines, salez à la fleur de sel et agrémentez de poudre de réglisse. Servez sans attendre.
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notre partenaire Le chapon bressan Les Toques Blanches Lyonnaises ont depuis longtemps tissé des liens étroits avec des artisans, des commerçants et des entreprises attachés au rayonnement de la cuisine lyonnaise. Ces partenaires privilégiés sont aussi des acteurs de la gastronomie lyonnaise et régionale et plus largement de l’art de vivre à la Française. Ils contribuent pleinement à asseoir la notoriété de l’art culinaire lyonnais sur le plan touristique et culturel, et à conforter l’image de marque des Toques Blanches Lyonnaises. Partenaire de longue date, Au Chapon Bressan, est née en 1978 de l’ancienne maison Bosoni, créée, elle, en 1906. L’abattoir est implanté au même endroit au sein de la commune. La société fait alors le choix de la spécialisation en volailles de Bresse AOC (poulets, poulardes, chapons et dindes) et se tourne vers une clientèle de restaurateurs, ainsi que vers l’exportation (Europe et Japon). Le Chapon Bressan remporte alors le prix de l’Ain à l’exportation en 1985 et ses produits sont retenus pour le Bocuse d’Or 2007. Le Chapon Bressan fait partie du Groupe LDC depuis 2005, avec Carole COLLET, fille du couple BOSONI-VERNE, à la tête de l’entreprise. La société reste un partenaire privilégié de la restauration, participe régulièrement au salon du SIRHA à Lyon. Les volailles de Bresse, coqs et poules, pattes bleues, plumage d’un blanc éclatant, crêtes de feu sont issues d’une contrée verdoyante, nichée entre Bourgogne et Jura. La Bresse est une région de plaines vallonnées, naturellement délimitée, et partagée entre les départements de l’Ain, du Jura et de la Saône et Loire. Cette volaille appartient au genre Gallus, et à la race Gauloise, dite « Bresse de variété blanche », particulièrement robuste. Dès 1936, le Tribunal de Bourg en Bresse définissait l’appellation, et en 1957, la volaille de Bresse se voyait accorder l’appellation d’origine contrôlée, AOC. La loi garantit l’espace vital du poulet de Bresse : 10m2 de parcours herbeux par bête, un nombre limité de volatiles par enclos, et leur accorde une durée de vie minimum. Densité : ≤ 1500 gallinacés / ha de parcours /an 10 m2 minimum de parcours / volaille Durée d’élevage : 35 jours maximum en bâtiment (démarrage) Poulet : 110 jours minimum [démarrage + croissance sur parcours herbeux + 10 jours minimum en épinettes (finition)] Poularde : 140 jours minimum [démarrage + croissance sur parcours herbeux + 21 jours minimum en épinettes (finition)] Chapon : 224 jours minimum [démarrage + croissance sur parcours herbeux + 28 jours minimum en épinettes (finition)]
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Au Chapon Bressan les volailles sont commercialisées sous la forme « effilée » et doivent être bien en chair, avec filets développés ; leur peau doit être nette, sans sicots, sans déchirures, meurtrissures ou colorations anormales ; leur engraissement doit rendre invisible l’arête dorsale. La forme naturelle du bréchet ne doit pas être modifiée. Les membres doivent être exempts de fracture. La collerette de plumes conservée sur le tiers supérieur du cou doit être propre. Les pattes débarrassées de toute souillure. Ce travail soigneux est effectué depuis 1906 par des personnels soucieux de l’image de marque d’un produit dont on est fier. Le roulage, une spécialité bressane : Cette opération réservée pour la période des fêtes (Glorieuses de Bresse) consiste à entièrement emmailloter la volaille dans une toile d’origine végétale (lin, coton ou chanvre), à l’exception du cou dont le tiers supérieur est laissé emplumé, pattes et ailes sont collés au corps.
Au Chapon Bressan - Rue du Stade 01340 Montrevel-en-Bresse 04.74.25.43.54 - www.chaponbressan.fr
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un peu d’histoire Les cuisiniers italiens de Catherine de Médicis, une imposture ! Le 28 octobre 1533, Catherine de Médicis, née en 1519, épouse à l’âge de 14 ans, le futur Henri II à Marseille, en présence de son cousin le Pape Clément VII, et de François 1er. Mariage diplomatique et financier, car il s’agit de contrebalancer l’influence de Charles Quint auprès du Saint Siège et de renflouer la couronne avec une dot de 100.000 écus et 28.000 écus de bijoux. François 1er assiste à la cérémonie, et aussi à la « consommation du mariage», car le jeune époux a le même âge que sa femme. Il s’agit aussi de faire obstacle à toute répudiation. Une légende tenace veut que Catherine de Médicis soit venue d’Italie accompagnée d’une quarantaine de cuisiniers qui auraient influencé durablement la cuisine française. Première invraisemblance, Catherine ne devait pas devenir reine, ni son mari accéder au trône. Elle ne sera couronnée à ses côtés en 1547, quatorze années plus tard, qu’en raison du décès en 1536 du dauphin François, fils aîné de François 1er. Et cependant le XVIIIème siècle a affirmé que Catherine de Médicis, selon Pierre Leclerq, historien belge (Université de Liège) avait joué un rôle primordial dans l’histoire légendaire de la gastronomie. On dit même, qu’elle aurait amené de Florence le goût pour les légumes et pour les sauces. Ses cuisiniers auraient enrichi la cuisine française de brocolis, d’artichauts, de haricots, de quenelles de volaille, de crêtes de coq, de crépines de foie de veau ou de cervelles. Sans parler de la pâtisserie qui devrait tout aux artisans florentins, maîtres dans l’art de confectionner des confitures, des gelées, des massepains, des pains d’épices, du nougat, des marrons glacés, des macarons ou de la frangipane, recette confiée à Catherine par le comte Cesare Frangipani. Cerise sur le gâteau, elle serait également l’importatrice des fameuses glaces italiennes, ramenées de Chine deux siècles plus tôt par Marco Polo.
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« D’un mythe à l’autre, la boucle est bouclée », résume Pierre Leclercq. Or, tout cela est faux, archi-faux, colporté sans la moindre preuve depuis le XVIIIème siècle par des commentateurs, polygraphes ou folliculaires sans scrupules. Deux historiens réputés, Florent Quellier et Pascal Brioist, professeurs à l’Université François Rabelais de Tours, viennent de publier « La Table de la Renaissance – le Mythe italien » (Tables des Hommes.2018), qui déconstruit le récit des origines italiennes de la cuisine française, inventé au XVIIIème siècle, enrichi au siècle suivant de personnages savoureux mais tout autant imaginaires, tels les Pastilla, Frangipani et autres Popelini, et revient sur ce que les sources de la Renaissance nous disent des relations entre la France et l’Italie du point de vue du boire et du manger.
Déjà, Florent Quellier, co-commissaire de l’exposition Festins de la Renaissance (Blois. 2012) avait tordu le cou à cette légende : « Il n’existe aucune trace de cuisiniers ou pâtissiers italiens chez les Valois, Non plus que dans la famille de Guise. » L’origine de cette fable réside dans un passage des Essais de Montaigne, qui avouait pourtant ne pas faire la différence entre un chou et une laitue, mais s’était laissé séduire par les propos du maître d’hôtel du cardinal Carafa lors de son arrivée à Rome en 1580 : « Il m’a fait un discours de cette science de gueule avec une gravité et contenance magistrales, comme s’il m’eût parlé de quelque grand point de théologie. »
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un peu d’histoire (suite)
L’obsession italienne Repris par François Marin dans la préface des Dons de Comus (1739), amplifié par un article de l’Encyclopédie dû à Louis de Jaucourt , aucun n’a vu la dérision dans le propos de Montaigne qui, d’ailleurs, préférait la cuisine allemande ! Pour Florent Quellier, « cette obsession italienne nous a fait tourner le dos à l’influence probable de la cour de Bourgogne. » Paradoxalement, cette mise en scène de Catherine de Médicis se développe deux siècles après sa mort, dans un contexte très peu élogieux pour elle : reine étrangère, machiavélique, critiquée par tous, catholiques et protestants. On ne garde d’elle que l’image d’une reine empoisonneuse et cruelle, responsable du massacre de la Saint- Barthélemy. Parmi les griefs dont on l’incrimine, l’italianisation de la cour n’est pas le moindre. Ainsi, la prétendue arrivée de cuisiniers italiens à sa suite n’est probablement pas un argument plaidant en faveur de sa mémoire. Car à l’époque de l’Encyclopédie (1751-1772), un débat fait rage parmi les lettrés français. Les uns, partisans de la bonne chère et les autres, adeptes de la frugalité, se déchirent au sujet de la gourmandise. Les moralistes s’appuient surtout sur les sources antiques et font un amalgame entre gourmandise et débauche. L’article « cuisine » de l’Encyclopédie synthétise parfaitement cette querelle. Son auteur, le protestant intégriste Louis de Jaucourt (1704-1779), condamne fermement les délicatesses de la table, véritables poisons pour l’homme, et accable la reine d’origine italienne. C’est assurément le point de départ de cette légende. Alors, le cortège de cuisiniers italiens accompagnant la future reine de France ne serait qu’une forgerie – on dirait aujourd’hui une Fake News – une tromperie ? Quelles sont les raisons qui ont permis à une telle légende de prospérer depuis trois siècles ?
Les verres de Murano aux armoiries des Medicis Dans l’affaire Catherine de Médicis, Florent Quellier se fait procureur, rappelant que l’histoire de l’alimentation, longtemps abandonnée aux gastronomes, fut boudée par les historiens universitaires, préoccupés d’histoire politique, diplomatique, militaire et évènementielle. « Ainsi l’histoire de l’alimentation s’est elle retrouvée cantonnée au seul registre du pittoresque et de l’anecdotique », écrit-il. La cause, désormais, est entendue : La présence de cuisiniers italiens dans les bagages de la Régente Noire est une imposture.
Mentions Légales Editeur : Les Toques Blanches Lyonnaises 45 Quai Charles de Gaulle 69006 Lyon Imprimeur : DL Marketing Conseil 331 rue Lavoisier 69400 Villefranche-sur-Saône Directeur de Publication : Christophe MARGUIN Responsable de rédaction : Béatrice GRANDGEORGE N° enregistrement ISSN : 2647 - 8390 Dépot légal :Novembre 2018
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