Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises

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Le Petit Journal des Toques Blanches Lyonnaises NUMÉRO 6 : NOVEMBRE 2018 ! TEXTES Jean Claude Ribaut p PHOTOGRAPHIES Droits réservés

édito

Deux passeurs... L’émotion causée par la disparition de Monsieur Paul était toujours vive, en ce début du mois d’août, lorsque fut annoncé le décès de Joël Robuchon. A la cathédrale de Poitiers, comme à Lyon quelques mois plus tôt, les cuisiniers ont marqué leur profond attachement à ces deux immenses figures de notre métier. L’un et l’autre auront marqué plusieurs générations de cuisiniers qui, à leur tour, assureront la transmission de leurs valeurs. Pierre Gagnaire se souvient de son arrivée à l’Auberge à Collonges au Mont d’Or – il n’avait que 14 ans – l’année où Monsieur Paul a eu sa troisième étoile. « J’ai été impressionné par ce que j’ai vu, ce que j’ai ressenti, car c’était un homme incroyable», a confié le chef sur RTL. C’était un vrai seigneur. Il avait un fonctionnement tellement incroyable, tellement novateur pour son époque. C’était un homme qui aimait rire, c’était un farceur. » Il se souvient d’une anecdote, comment Paul Bocuse avait fait une blague à son ami Jean Troisgros, en attachant sa voiture à un arbre et en plaçant un saumon fumé dans le pot d’échappement. « La voiture fumait, elle chauffait, avec un saumon qui brûlait à l’arrière. »

NUMÉRO 6 : NOVEMBRE 2018

Monsieur Paul éprouvait le besoin de rire. Son humour aiguisait l’intelligence et faisait découvrir maintes idées fines ou scabreuses ; c’était une manière de philosopher à la dérobée et hardiment, en dépit des conventions. Ce goût n’avait rien de commun avec la franche satire, souvent cruelle ; au contraire, il provoquait la bonne humeur ; on voyait vite que le railleur n’était pas mordant, au besoin il se prenait lui-même pour objet de plaisanterie ; tout son désir était d’entretenir en luimême et avec ses interlocuteurs un pétillement d’idées agréables. Joël Robuchon pensait qu’on « ne peut pas faire de cuisine si on n’aime pas les gens. » Ses plus grandes joies, note un commentateur, étaient le plus souvent les retrouvailles avec ses anciens apprentis, avec ses frères, chefs du monde entier, avec ses disciples, ceux qui avaient appris de lui bien plus que des techniques. Sa renommée n’avait pas altéré sa simplicité, ni sa modestie illustrée par le titre de son émission : « Bon appétit, bien sûr. » Tous deux, chacun à sa façon, auront été des passeurs. Christophe Marguin

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