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Camille Augey : « l’insertion professionnelle, c’est trouver sa place dans la société »

Camille Augey, adjointe au maire de Lyon, en charge de la délégation emploi, économie durable, insertion, commerce et artisanat, nous a parlé de ce qu’était pour elle l’insertion professionnelle des jeunes. Retour sur certaines de ses missions et actions mises en place pour aider les jeunes à trouver un emploi, à Lyon.

TVB:Pouvez-vousvousprésenter?

CA : Je suis adjointe au maire de Lyon, à l’emploi et à l’économie durable. Derrière ce titre se trouvent différents sujets, dont l’emploi et l’insertion. On y trouve aussi l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, le zéro déchet, les commerces, l’artisanat, les marchés. Dans le cadre de ces fonctions, je suis aussi présidente de la Mission Locale de Lyon, qui accueille les jeunes et les accompagne au sein de la Maison Lyon pour l’emploi. Je préside aussi l’Association Lyonnaise pour l’Insertion Economique et Sociale (ALLIES). Cela s’apparente à la Mission Locale, mais pour les adultes, c’est-à-dire les plus de 25 ans dans le jargon de l’emploi. Je suis également la vice-présidente de la Maison métropolitaine d’insertion pour l’emploi (MMIe) de Lyon, qui développe de nombreuses actions dans le champ de l’emploi et l’insertion, à la fois auprès des collectivités et auprès des entreprises : des job dating, par exemple.. Enfin, je suis aussi élue à la métropole de Lyon et dans le 9e arrondissement de Lyon.

TVB : Pour vous, qu’est-ce que l’insertion professionnelle?

CA : Il est vrai que l’on peut mettre beaucoup de choses derrière ce terme. Pour moi, c’est avant tout le fait que chacun trouve sa place dans la société, dans sa vie, dans sa vie professionnelle. Il s’agit de trouver un métier qui lui convient, qui lui permette de vivre décemment, qui lui permette de s’épanouir. C’est aussi la façon dont les entreprises, la société, les structures publiques s’adaptent et construisent des choses autour de ça, justement pour permettre à chacune et chacun d’accéder à l’emploi qui lui correspond. Cela peut notamment passer par la création d’un ensemble de dispositifs ou de structures destinées à accompagner et aider celles et ceux qui en ont besoin.

TVB : Pourquoi est-elle particulière pour les jeunes?

CA : L’une des spécificités de l’insertion professionnelle pour les jeunes, c’ est qu’il s’agit souvent de leur premier emploi, qu’ils n’ont pas d’expérience professionnelle à mettre sur leur CV, et qu’ils ne connaissent pas forcément le monde de l’entreprise. C’est une première spécificité. C’est aussi un temps où l’on se cherche particulièrement professionnellement. Ça ne veut pas dire que quand on est moins jeune, on ne se remet pas en question. Mais, c’est une époque assez charnière, on est encore un peu dans l’inconnu. C’est un temps où il y a parfois besoin de plus d’accompagnement. D’autant plus quand on voit que les taux de chômage et de précarité chez les jeunes sont importants.

TVB: Àl’échelledelavilledeLyon,quefaitesvous pour aider à l’insertion professionnelle desjeunes?

CA : Beaucoup de choses. Pour commencer, la structure phare est la Mission Locale de Lyon, que je préside. Il y en a dans différentes villes et à Lyon, nous avons cinq antennes. Nous les appelons les antennes de la maison Lyon pour l’emploi, où l’on trouve aussi l’association Alliés, des permanences Pôle emploi et d’autres associations. La Ville de Lyon finance de manière importante la Mission Locale, c’est un partenaire majeur pour nous. Concrètement, nous mettons en place toute une série d’accompagnements. Certains sont nationaux – comme le contrat engagement jeunes qui a été un gros challenge depuis mars de cette année, on a dû le déployer et donc embaucher, trouver des entreprises partenaires, construire des parcours, ce n’est pas si évident que ça – et il y a tout ce qu’on développe, à côté, au sein de la Mission locale de Lyon. Par exemple, on a mis en place en fin d’année dernière un conseil consultatif des jeunes au sein de la Mission locale de Lyon. Auprès de chaque antenne, un ou plusieurs jeunes s’engagent sur un an pour donner leur avis, dire ce qu’ils pensent de la Mission Locale, comment mieux communiquer, ce qui est bien et ce qui pourrait être amélioré... Écouter les premiers intéressés est très précieux.

Nous avons aussi été lauréat, en consortium avec d’autres structures, de l’appel à projets de l’État, le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) nommé « Repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux ». Les invisibles, dans le jargon, ce sont des personnes qui ne sont plus en lien avec les différents acteurs publics comme Pôle emploi, la CAF, les CCS, qui ne sont pas dans les radars. Donc, on a développé un ensemble d’actions pour permettre justement « d’aller vers », d’aller mieux au contact de ces personnes qui ne connaissent pas leurs droits et les aides dont ils pourraient bénéficier. Par exemple, avec l’un de nos partenaires sur ce PIC, l’école de la deuxième chance, nous avons créé un foodtruck L’idée, c’est que ce soit des jeunes de l’E2C qui tiennent le foodtruck, à la Duchère, et vont aller parler aux jeunes, plutôt qu’un encadrant ou un conseiller. On fait aussi des job dating ou des permanences sur les marchés ou dans l’espace public. On n’attend pas que les personnes poussent notre porte : nous allons là où elle sont.

Pour terminer, j’aimerais parler des WorldSkills. C’est une compétition mondiale des métiers qui aura lieu à Lyon en 2024. C’est comme les Jeux Olympiques. Les villes se portent candidates. Lyon a été retenue. Ce sont uniquement des jeunes, des équipes nationales de 85 pays, qui participent sur 65 métiers différents. Ce sera à Eurexpo et c’est une chance de mettre en valeur ces jeunes qui ont un talent assez incroyable, des compétences et un savoir-faire exceptionnels. Et puis pour le grand public, les enfants d’écoles primaires, les parents, les personnes en reconversion, les jeunes qui cherchent leur premier métier, cela permettra de découvrir plein de métiers auxquels ils n’auraient pas forcément pensé.

On a aussi un rôle en tant qu’employeur puisque la ville c’est 8 000 agents. Et justement, on fait un certain nombre de choses pour donner plus leur chance aux jeunes. Par exemple, on a sur des postes permanents 536 jeunes de moins de 30 ans, 90 postes d’apprentis et 96 stagiaires. Ce sont les chiffres 2022, en comparaison, en 2020, on était à 60. Donc on a bien augmenté. Et on a transformé les jobs d’été en contrats saisonniers afin qu’ils puissent avoir lieu toute l’année. On est passé de 100 à 120 jobs ouverts. C’est parfois des premières expériences professionnelles sur l’accueil, sur l’entretien d’espaces verts, etc.

TVB:Quellespistesd’actionetsolutionsavez-vous identifiéespourfaciliterl’accèsàl’emploidetous?

CA : Le « aller vers » avec les différents outils cités précédemment. Dans cette idée, nous avons installé l’Atelier de l’emploi dans un ancien magasin du centre commercial de la Part-Dieu, en face de Primark®. Aux heures d’ouverture du centre, n’importe qui peut pousser la porte et avoir un conseiller pour répondre à toutes les questions liées à l’emploi : un stage, une alternance, un service civique, les métiers d’une certaine branche professionnelle, une question sur ses droits à la retraite... peu importe le sujet, le conseiller va faire tout son possible pour y répondre, sans rendez-vous, sans avoir l’œil sur la montre. Il y a plein de belles histoires de personnes qui ont retrouvé un emploi suite à ça. Cela donne vraiment des résultats. Il existe dans cet atelier un espace numérique pour ceux qui ont besoin d’aide pour remplir leurs démarches en ligne, les impôts, faire un CV, ou autre. 100 000 personnes passent par la Part-Dieu tous les jours, elles sont de tous horizons, de tous âges, de tous les quartiers et donc c’est un super endroit justement pour faire en sorte que des personnes qui n’auraient pas forcément pensé à aller demander un renseignement ou faire des démarches se disent : « Ah bah tiens, je passe devant, c’est l’occasion, je vais pousser la porte », 450 personnes l’ont fait en 2022.

J’ai aussi envie de parler du Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD), dans le 8e arrondissement. La ville de Lyon s’est portée candidate sur le 8e arrondissement dans le quartier prioritaire de La Plaine - Santy. C’est un projet qui engage tout le territoire avec à la fois les habitants, les acteurs économiques, les associations, l’école, les maisons de retraite, etc. Ensemble, on a eu envie de créer une dynamique pour faire en sorte que les personnes dites éloignées de l’emploi, et notamment les chômeurs de longue durée, puissent retrouver du travail. L’État nous a donné l’autorisation de créer une entreprise à but d’emploi, qui s’appelle Santy Plaine Emploi, et qui a pour but d’embaucher des personnes sans emploi depuis plus d’un an. Cependant, la moyenne aujourd’hui, parmi les 13 personnes embauchées, c’est plus de sept ans de privation d’emploi. Et sur la future vague, ce sera plus de cinq ans, en moyenne. Donc on est largement au-dessus de ce qu’on s’était fixé. C’est l’originalité de l’entreprise à but d’emploi : il n’y a pas de sélection de candidats. Il y a une file d’attente et, au fur et à mesure que l’entreprise grandit, on peut embaucher plus de monde. Et le salarié peut choisir son temps de travail, 35 heures ou 20 heures par semaine, ainsi que ses horaires. Cela permet notamment à plusieurs mamans de pouvoir retrouver un emploi. Ce qui est super aussi dans les territoires zéro chômeurs, c’est que l’idée est de créer une entreprise, mais sur des activités et des besoins qui ne sont aujourd’hui pas couverts dans le quartier. C’est-à-dire qu’il n’y a pas une entreprise ou quelqu’un qui fait déjà ça. Ce sont donc des choses qui manquent et qui ont une une vraie plus-value pour le territoire. Par exemple, une ludothèque avec des jouets de seconde main, une friperie, de la sensibilisation aux punaises de lit. On a commencé petit, 13 personnes, mais l’idée, à terme, c’est d’embaucher plusieurs dizaines de personnes puisqu’on a repéré 400 personnes qui sont demandeuses d’emploi de longue durée dans le quartier. À suivre donc.

©Julie Couronné

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