2 minute read

Julie Couronné : « Pour les jeunes vulnérables, l’objectif premier est de trouver un travail »

Julie Couronné est sociologue, chargée d’études et de recherche sur les questions d’insertion à l’INJEP, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire. Pour TVB, elle revient sur la notion de jeunes vulnérables et les actions mises en place pour favoriser leur insertion professionnelle.

TVB:Quisontlesjeunesquinesontnienemploi, nienétudes,nienformation?

JC : Les jeunes invisibles ou les NEET (ndlr : « not in employment, education or training » en anglais) représentent une catégorie que j’appelle à manier avec beaucoup de prudence parce que derrière, il n’y a pas une jeunesse homogène. On a même une forte hétérogénéité de conditions sociales et de parcours. Si je caricature un peu, et sans juger cet exemple-là, on peut être NEET et sortir de Sciences-Po parce qu’on a fini un stage et qu’on a quelques mois de transition avant d’accéder à un travail bien rémunéré. Cette catégorie a surtout pris de l’ampleur avec la mise en place de la Garantie jeunes en 2013. Quand elle a été créée, elle avait comme cible les jeunes NEET dits vulnérables, qui représentent 20 % des NEET selon les données de Quentin Francou de 2017.

TVB : Quel est donc le profil de ces jeunes NEET vulnérables?

JC : Ce sont souvent des jeunes issus de milieux modestes ou très précaires, qui ont grandi dans des familles ayant éprouvé des difficultés économiques, dont les parents ont eu des carrières professionnelles hachées en exerçant des métiers socialement peu valorisés, peu rémunérateurs. Les parents peuvent aussi avoir été éprouvés par la maladie, un handicap, un décès, des séparations... Le deuxième élément important, c’est que ce sont souvent des jeunes qui ont quitté précocement le système scolaire. Enfin, ce qui joue beaucoup aussi, c’est la mobilité, entre ceux qui sont titulaires du permis de conduire et ceux qui ne le sont pas et ceux qui ont accès aux transports en commun. C’est un facteur de grandes inégalités sociales.

TVB:Qu’est-cequiestproposéactuellementpour lesaideràseréinsérer?

JC : Le dispositif mis en place par le gouvernement actuel est le Contrat d’Engagement Jeune (CEJ), qui vient se substituer à la Garantie jeunes, et qui avait pour objectif de concerner 200 000 jeunes en 2022. C’est un objectif quantitatif assez important, et chaque dispositif a la particularité d’être à la fois mis en place par les missions locales et par Pôle emploi, ce qui n’était pas le cas de la Garantie jeunes. Le CEJ propose, pendant 6 mois ou un an, un accompagnement de 15h à 20h par semaine, avec une rémunération d’environ 500 €.

TVB:Cedispositifest-ilefficace?

JC : J’ai un devoir de réserve, par ailleurs, c’est un dispositif récent donc il va falloir du temps pour en mesurer les effets. Je peux en revanche vous parler de la Garantie jeunes, qui s’appuie sur le même socle. On avait identifié trois parcours : dans le premier, le jeune va effectivement s’insérer dans une dynamique d’emploi, ce sont souvent les jeunes les plus diplômés et les plus mobiles. Le second groupe était un peu plus intermédiaire, des jeunes dans des situations d’emploi plus instables, des stages ou des missions d’intérim relativement courtes, mais ce qui était intéressant d’observer c’est qu’ils avaient profité du dispositif pour se réparer : se soigner, payer des dettes, passer un permis de conduire, déménager… Le troisième groupe, enfin, ce sont les jeunes pour qui le mécanisme n’a pas eu d’impact, c’étaient souvent les jeunes avec le plus de difficultés.

TVB : Vous êtes critique de la manière dont sont souvent représentés aujourd’hui les jeunes, pourquoi?

JC : J’essaye effectivement de déconstruire les préjugés à l’encontre des jeunes et de leur rapport au travail, puisque l’idée qui circule en ce moment serait que les jeunes ne veulent plus travailler ou que la valeur travail ne serait plus centrale. Mais en entretien, ce n’est pas ça qui ressort. Pour une grande partie de la population des NEET vulnérables, l’objectif premier est de trouver un travail pour aspirer à une vie « comme les autres ». Et une vie comme les autres, c’est un travail « sans trou », comme me l’avait dit une jeune fille un jour, et un logement à soi.

This article is from: