HS TVB 21 - Culture et Santé Mentale

Page 29

À la rencontre de L'écho de la réhab à Privas

P

rivas, un jour de pluie, nous avons trouvé un abri chaleureux auprès de l'équipe de L'écho de réhab, le magazine que sort l'Hôpital de Jour du Centre Hospitalier psychiatrique Sainte-Marie. Deux heures d'atelier où chacun s'exprime librement sur le papier avant de choisir de le partager, ou non, avec l'assemblée.

Dans la plus grande salle d'activité de l'Hôpital de Jour, une quinzaine de personnes se retrouvent autour d'une grande table en bois, de thermos de café, de feuilles blanches et d'autres déjà noircies et sagement empilées. Nous sommes à deux pas de la Villa Sophie, la salle d'activités culturelles de l'hôpital actuellement fermée à cause de l'épidémie de Covid, sur les hauteurs de la ville ardéchoise. Ma présence ne perturbe pas certains lancés dans une prose libératrice, et attise la curiosité d'autres avec qui on parle de journalisme et d'écriture. L'occasion pour Agnès, psychologue du service de réhabilitation, de rappeler l'histoire de la gazette qui fête ses 10 ans d'existence. « Tout est parti d'une idée de Jean-Paul qui était hospitalisé ici il y a 10 ans. Il faisait signer des pétitions dans les différents services et voulait que tout le monde prenne la parole. On lui a proposé de créer un atelier journal. Au début, les personnes n'osaient pas trop ni écrire, ni prendre la parole. Aujourd'hui, nous avons un collectif très vivant et c'est une expérience enrichissante pour tout le monde. Ce n'est pas une prescription médicale, on vient ici juste parce qu'on en a envie, pour écrire quelques lignes, pour boire le café, pour rester 15 minutes ou les deux heures. Le désir est le moteur du groupe. L'important, c'est de créer un espace pour laisser émerger la parole », explique la jeune femme.

« Cela fait du bien de venir ici et de voir du monde » Édith, seule citoyenne non suivie par les services, vient ici parce que cela lui fait du bien de voir du monde et

parce qu'elle s'est parfois reconnue dans les textes qu'elle a lu dans le magazine, distribué dans les librairies de la ville, à la médiathèque, à l'hôpital et sur abonnement. « On utilise beaucoup l'humour, c'est une clé pour faire passer beaucoup de choses sans vexer, et puis ça permet de dédramatiser », nous explique-t-elle. Kévin vient ici parce qu'il veut faire le maximum d'activités pour occuper ses journées et confie « avoir besoin du regard de l'autre pour sa propre introspection ». Pendant l'atelier, il a dessiné un Elvis dans une chaussette, avec un joli coup de crayon. Ses dessins nourriront la publication. Ingrid vient parce qu'avec le Covid, il n'y a plus aucune activité. Au départ, elle ne pensait pas écrire mais elle s'est finalement prise au jeu et écrit des poèmes. Christophe, lui, est là depuis le début de l'aventure et adore cette activité. Il nous rappelle le mantra du journal : parler de tout mais pas n'importe comment. Il apprécie de pouvoir parler de manière libre et authentique. Thomas nous confie : « J'écris pour sortir ce qu'il y a dans ma tête et pour tout le monde. C'est valorisant, ça redonne confiance, c'est pas facile d'avoir une bonne estime de soi quand on est malade. Écrire pour les autres permet de me sentir mieux et utile. » Pour Eden, « Il y a quand même une frontière entre la maladie mentale et les autres personnes. Parfois, on essaie de la gommer mais il ne faut pas nier qu'on est différents. » Il espère que le journal peut être un outil pour mieux apprendre à se comprendre. Jean-Paul, fondateur consciencieux, prend des notes de tout ce qui est dit pendant l'atelier et lit son résumé à la fin de celui-ci.

« Je viens ici apprendre mon métier » Pour Guillaume, psychologue encadrant l'atelier avec Agnès, « C'est un lieu de partage et de co-apprentissage. Je viens ici apprendre mon métier. Ce n'est pas un lieu de décharge, on doit essayer de se faire comprendre et structurer son raisonnement. C'est surtout un moment de rencontres ». Alice, psychologue stagiaire, « trouve ça absolument génial de respecter et partager les points de vue de tous, de réfléchir et évoluer ensemble ». Laurianne Ploix

Photo d'une double page du magazine L'écho de la réhab à gauche et d'un des poèmes écrits par Eden pendant l'atelier journal à droite. © Laurianne Ploix

HS TVB #21 - P.29


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.