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TREND
Pénurie de chauffeurs
Et si on regardait ce qui marche ?
Jamais la pénurie de chauffeurs n’a été si aiguë, et jamais les perspectives de recrutement n’ont été aussi faibles. L’embauche de chauffeurs étrangers est pour certains un miroir aux alouettes, et il faut donc remettre le métier sur l’ouvrage. Penchons-nous donc sur les résultats engrangés par les différentes filières.
Les efforts du FSTL sont significatifs, mais peinent à compenser le départ naturel des chauffeurs plus âgés.
Dans l’enseignement secondaire, les inscriptions en 5e année professionnelle avaient baissé jusqu’à 173 élèves en 2011/2012 et ils se sont redressés ensuite pour atteindre 300 inscrits en 2021/2022. L’année scolaire 2022/2023 est moins bonne (253 inscrits). Etonnamment, on note davantage d’inscrits en Wallonie qu’en Flandre et l’école qui compte le plus grand nombre d’inscrits et l’IHM Namur avec 50 élèves inscrits en 5e professionnelle pour l’année 2022/2023, devant ITCB Boussu et Don Bosco Liège. C’est donc en Flandre qu’il y a un problème particulier à ce niveau. Si l’on se penche sur les services de formation pour demandeurs d’emploi, la situation varie d’une région à l’autre. A Bruxelles, il y avait fin 2021 604 stagiaires recensés, mais avec six camions du fonds social, Logisticity doit ‘produire’ entre 60 et 70 nouveaux chauffeurs par an. En Wallonie, il y a eu respectivement 919 et 639 nouveaux titulaires d’un permis C/CE en 2019 et 2021. Les chiffres, ici aussi, sont moins élevés en Flandre. Le VDAB nous signale avoir fourni 529 chauffeurs en 2021 et 423 depuis le début de l’année 2022. Il nous revient également que dans un de ses centres, chaque formateur ‘sort’ en moyenne un nouveau chauffeur par… trimestre. Or, le Fonds Social compte sur au minimum 10 chauffeurs formé par camion fourni et par an.
Il n’existe par contre pas de statistiques disponibles sur les chiffres obtenus par les auto-écoles, ni sur les filières d’enseignement de promotion sociale (un centre en Wallonie, un à Bruxelles et cinq en Flandre).
INITIATIVES PRIVÉES
A cela, il faut encore ajouter des projets menés par des opérateurs privés, qui sont souvent des transporteurs eux-mêmes. Ceux-là sortent des sentiers battus, comme l’explique Louis De Wael qui a lancé sa propre école pour chauffeurs chez Van Dievel : « Nous essayons de casser les structures traditionnelles d’une école, en proposant une formation à la tête du client. Nous nous adressons donc aux personnes qui veulent devenir chauffeurs, mais qui n’ont accès ni à l’enseignement secondaire, ni à l’enseignement pour adultes, ni aux services du VDAB qui ne travaille qu’avec des demandeurs d’emploi. »
Gino Withofs, de son côté, est une des forces vives derrière le projet Fast Track : « Grâce au soutien financier de la province
50 inscrits en 5e professionnelle à Namur et 12 à Courtrai… Cherchez l’erreur !
LE PERMIS ‘POIDS LOURD’ EN CHIFFRES
• 230.122 détenteurs d’un permis C ou CE valable en 2022 • Environ 115.000 camions immatriculés en Belgique circulent régulièrement • 7852 nouveaux titulaires d’un permis C/CE en 2021, dont environ 250 proviennent de l’enseignement secondaire et environ 1300 des filières pour demandeurs d’emploi. • Le FSTL rembourse aussi 550 permis payés par les entreprises elles-mêmes.
Les initiatives privées (comme ici l’école ouverte chez van Dievel) permettent d’attirer vers la profession des candidats atypiques.
du Limbourg et du FSTL, nous pouvons aider environ 50 nouveaux chauffeurs chaque année. Mais dernièrement, nous rencontrons des délais d’attente anormalement longs dans les centres d’examen. Manquent-ils de personnel ? Le délai de formation d’un examinateur ne devrait-il pas être réduit ? » se demande-til. Il propose également une piste de solution : autoriser, à l’instar du contrôle technique des camions, le passage du permis en dehors des centres d’examens officiels : « C’est déjà possible aux Pays-Bas… Nous espérons que le GOCA réfléchira avec nous à la manière dont nous pouvons travailler sur ce point. » Le Fonds Social a également fait de ce point un cheval de bataille.
DU RESPECT ET DE LA CONFIANCE
Ces mesures sont certes utiles, mais elles restent marginales. Le problème de base reste l’attractivité de la profession. Des dizaines d’experts concernés (dont plusieurs chauffeurs) se sont exprimés à ce sujet lors d’un événement organisé par l’IRU au Parlement Européen. Et les domaines d’action urgente sont nombreux.
Quoi qu’en disent certains, une hausse des salaires n’est pas la panacée (lire à ce sujet la carte blanche en page 50). C’est de conditions de travail et de respect qu’il s’agit. L’IRU insiste particulièrement sur le manque de place et de confort dans les parkings (il manque 100.000 places pour camion en Europe…), mais évoque aussi les conditions d’accueil sur les lieux de (dé)chargement.
Ce point fait l’objet d’une charte qui existe depuis deux ans, a été signée par bon nombre d’associations professionnelles et de syndicats (au moins, il existe un consensus entre eux sur ce point)… mais dont personne ne fait grand-chose sur le terrain. Le principe est pourtant simple : les transporteurs et les chargeurs s’engagent à offrir un niveau minimum de confort (sanitaires p.ex.) aux chauffeurs, garantir leur sécurité (surtout la nuit) et mettre à disposition le personnel requis pour le (dé)chargement des camions.
De leur côté, transporteurs et chauffeurs s’engagent à fournir un matériel de transport adapté et un personnel formé, à communiquer en toute transparence avec les autres parties et à respecter le personnel et les installations mises à leur disposition. Ce n’est donc que du bon sens et un peu de bienveillance… mais leur absence est pour beaucoup dans le manque d’attractivité de la profession.
CLAUDE YVENS