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TABLEAU DE BORD

TABLEAU DE BORD

Conférence ECG 2022

Des conséquences concrètes de la pénurie de chauffeurs

L’an dernier, les logisticiens de l’automobile souffraient des retards de production des constructeurs. Cette année, ils ne peuvent pas suivre le rythme à cause (entre autres) de la pénurie de chauffeurs. A tel point que certains chargeurs semblent prêts à faire de réels efforts.

« Nous avons besoin que vous nous aidiez à vous aider. »

(Steven Thomas, Toyota Motor Europe)

L’électrification n’était pas tout à fait absente des débats, en témoigne ce camion DW amené par la route par Rolf Galliker et sa fille.

Il n’y a pas si longtemps, quand l’association européenne des logisticiens automobiles ECG invitait un constructeur automobile à faire une présentation lors de sa conférence annuelle, cela tournait souvent à la leçon administrée par un professeur sévère à des élèves un peu dissipés. En 2022, l’heure est à un tout autre discours et l’on a même entendu un responsable logistique d’une grande marque dire aux transporteurs présents : « Aidez-nous à vous aider ! »

CRI D’ALARME

Les constructeurs automobiles (du moins certains d’entre eux) ont compris que les difficultés rencontrées par les transporteurs font peser sur leurs propres activités un risque de disruption majeur. Quelques jours après la conférence, des sources bien informées nous signalaient d’ailleurs que trois lignes de production européennes devaient être mises à l’arrêt à cause de problèmes de transport.

Comme l’a rappelé Wolfgang Göbel (Mosolf, vice-président d’ECG), « les transporteurs ont réduit leurs capacités de transport en 2021 parce que la demande n’était pas assez forte. Et les chauffeurs qui ont quitté le transport d’automobiles n’y reviennent pas facilement, parce que le travail est difficile, que les conditions de confort sont inférieures (cabines basses…) et que le moindre dégât à une des voitures peut leur être imputé. »

Ajoutez-y les prix de revient qui augmentent et les perturbations liées à la guerre en Ukraine… et vous comprendrez que même les discussions liées à la décarbonation du secteur passent un peu au second plan. Ce que demandent les transporteurs aujourd’hui, c’est de la visibilité sur les volumes à transporter et sur les écarts par rapport à ce qui était convenu dans l’appel d’off res, ainsi qu’un index de prix de revient accepté par les deux parties. Cet index multimodal sera développé dans les prochains mois par un groupe de travail au sein d’ECG.

TOYOTA SURPREND

Face à ce cri d’alarme, tous les constructeurs ne répondent pas d’une seule voix, mais ils semblent avoir compris le message. Les représentants de Volkswagen et de Hyundai ont beaucoup évoqué de renforcer les liens de collaboration entre constructeurs et logisticiens, mais c’est Stephen Thomas (responsable de la planifi cation industrielle chez Toyota Motor Europe) qui a été le plus loin dans son analyse de la situation : « Après la crise sanitaire et la crise des semi-conducteurs, nous voyons enfi n le bout du tunnel, mais nous avons vite senti qu’il y avait un manque de capacité de transport. La situation se dégrade depuis six mois, nous sommes déjà dans un goulet d’étranglement et nous craignons que cela n’empire encore. »

Thomas a ensuite surpris l‘assemblée : « A l’avenir, nous ne pouvons pas continuer à vivre avec des contrats à court terme. Je n’imagine pas qu’une compagnie maritime puisse planifi er ses investissements avec des contrats d’un an. Nous sommes passés à des contrats de trois ans, mais nous devons collaborer sur du plus long terme encore et même envisager des partenariats à durée indéterminée. Nous avons une visibilité de trois ans, revue deux fois par an, et nous nous engageons à partager cette information avec vous. Nous sommes convaincus que cela vous permettra d’investir dans les personnes et dans les équipements dont vous avez besoin. » Thomas va même plus loin : « Nous devons prendre soin de vos chauff eurs, de leur confort et de leur sécurité. Nous devons faire ce qu’il faut pour qu’ils se sentent bien quand ils viennent charger chez nous. C’est nécessaire pour maintenir notre capacité de transport et pour rendre la profession plus attirante pour les futurs chauff eurs. »

Quand on sait comment les chauff eurs sont reçus dans certaines usines, cet appel a évidemment ravi l’assemblée. Il est déjà mis en pratique chez Toyota, où les responsables locaux ont été formés et où les chauff eurs qui font bien leur travail reçoivent même de petites gratifi cations comme une tasse de café gratuite. Enfi n, Toyota a mis en place une nouvelle organisation logistique qui donne beaucoup plus de visibilité sur les fl ux à court terme entre les usines, les hubs et les points de livraison.

UN CAS ISOLÉ ?

Un tel discours n’a pas valeur d’étalon pour l’ensemble de l’industrie automobile. Néanmoins, il tranche tellement avec une certaine forme d’arrogance vécue par le passé pour ne pas servir de référence. Il faut donc croire que l’heure est suffi samment grave pour forcer certains donneurs d’ordres à faire des concessions.

CLAUDE YVENS

Steven Thomas (Toyota Motor Europe) est prêt à conclure des contrats longue durée.

CONTEXTE ÉCONOMIQUE

Selon Steven Van Arsdale (PwC), la crise des semi-conducteurs est en nette régression, mais la récession fait peser un nouveau risque sur les constructeurs. Toutefois, si cette récession est de courte durée, elle sera facilement neutralisée par le grand nombre de commandes en retard. L’autre grande tendance est la rapide électrifi cation des voitures particulières, qui va de pair avec une percée de l’industrie chinoise en Europe. Les marques chinoises ne devraient cependant atteindre qu’une part de marché de 5,1 % en Europe d’ici 2030.

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