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David LEFRANÇOIS

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Pessah

Pessah

David Lefrançois est psychologue et docteur en neurosciences, coach, formateur de coachs, et auteur de plusieurs livres. Il intervient régulièrement sur les plateaux de télévision.

Suite à une soirée exceptionnelle organisée par le magazine Trouver en Israël le 5 mars 2023 pour l’Union des indépendants en Israël, nous avons eu l’occasion de lui poser quelques questions sur son activité.

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Avraham Azoulay : David Lefrançois, comme votre nom ne l’indique pas, vous êtes… David Lefrançois : Juif oui... [rires]

A.A. : De quelle origine êtes-vous ?

D.L. : Je suis juif par ma mère, qui est d’origine autrichienne et tchécoslovaque. Mais j’ai découvert ma judéité très tardivement, à l’âge de 28 ans, en allant me recueillir un jour sur la tombe de mon arrière-arrièregrand-mère, en Roumanie. J’ai fait des recherches par la suite, et j’ai appris que ma grand-mère avait voulu cacher ses origines juives, de peur que la guerre ne récidive.

A.A. : Qu’est-ce que cette découverte a déclenché chez vous ?

D.L. : Pour moi c’était une évidence. Je sentais qu’il existait un lourd secret de famille, et j’ai appris la nouvelle comme une bénédiction et un soulagement. J’ai fait de nombreuses recherches, qui ont duré dix ans, sans parler des péripéties administratives que j’ai vécues avec le consistoire. Ce long délai m’a finalement permis de comprendre progressivement la grandeur et l’importance de ma judéité.

A.A. : Certaines vidéos circulent sur votre collaboration en tant que coach, à travers des conférences, avec le rav Yaakov Sitruk. Est-ce toujours d’actualité ?

D.L. : En effet, nous nous sommes souvent associés pour développer différents thèmes. D’ailleurs tout à fait récemment à Jérusalem, nous avons donné une conférence sur « l’espoir ».

A.A. : Lorsqu’on a un problème, on va voir un rav ou un coach. Lorsqu’on est tracassé par un problème d’ordre familial notamment, quel est votre avis le plus approprié pour nous apporter des solutions ?

D.L. : Ce sont nos différences qui constituent une richesse. Le rav nous met sur la voie d’un certain nombre de choses à accomplir, basées sur la connaissance de la Torah. Le coach est plutôt dans le registre du concret.

Donc finalement le rav et le coach forment un tandem parfait.

A.A. : Par exemple, comment le coach agit-il sur le symptôme des peurs chez son client ?

D.L. : Toutes les émotions sont intelligentes, à partir du moment où l’on comprend leur raison d’être. L’émotion est là - selon l’étymologie du mot latin emovere : mouvement vers l’extérieur - pour nous faire passer à l’action. On n’arrive pas à les exploiter comme des catalyseurs d’énergie, car on ne sait pas les identifier. Donc le coach est là pour dire : aucune émotion n’est mauvaise. Elle peut être une force. Mais la plupart du temps, les personnes en colère s’expriment avec agressivité. Si l’on exprime sa colère sainement, et que l’on est sincère avec son environnement, cela change tout. On peut mettre cette énergie au service de son ambition, de sa réussite, de sa motivation. Les neurosciences nous apprennent qu’il y a deux forces d’énergies émotionnelles : l’amour, et son contraire, la peur. Il faut accepter ces deux émotions et les exploiter.

A.A. : Comment un coach doit-il agir face à une personne particulièrement anxieuse ?

D.L. : Il doit l’écouter exprimer ses émotions, et les lui faire accepter. Toutes les difficultés proviennent du déni de nos émotions. Après les avoir reconnues, le sujet doit utiliser la force énergétique qui en découle pour en tirer du positif. Si une émotion n’est pas reconnue, elle se développe et s’accentue.

Face à la vie, il y aura toujours deux façons de réfléchir. Soit en tant que victime, soit en tant que créateur. Ce choix est déterminant. Une victime n’a aucun contrôle sur les événements qu’elle subit. Faire le bon choix de réaction dans certaines situations gênantes permet d’éviter les émotions négatives.

A.A. : Est-ce que tout le monde a cette force de dominer les événements, c’est une autre histoire…

D.L. : C’est pour cela que les coachs existent : un bon coach importe de l’angoisse et exporte des énergies positives.

A.A. : Quelles seraient selon vous les trois clefs du bien-être ?

D.L. : La première, c’est la gratitude. Nous vivons dans une société où les gens ne savent pas apprécier ce qu’ils ont.

La deuxième, c’est la générosité. Être un donneur. À chaque fois que l’on fait preuve de générosité, on change sa propre perspective. La troisième, c’est d’être en apprentissage constant. Chaque jour je dois me développer au sein de la famille, ou dans mon métier, et sans cesse chercher à m’améliorer.

A.A. : Est-ce que le judaïsme a enrichi votre façon d’exercer le coaching ?

D.L. : C’est évident car cela m’a permis d’approfondir ma connaissance du fonctionnement de l’être humain. J’ai étudié la psychologie et les neurosciences, mais lorsque l’on prend connaissance des écrits des rav Wolbe ou Dessler, la psychologie devient profondément obsolète.

A.A. : Devant un public de non juifs, faitesvous référence à vos connaissances en matière de judaïsme ?

D.L. : Je précise toujours que je suis Juif, quel que soit le public devant lequel je le trouve. Ça ne plaît pas toujours d’ailleurs, mais ça m’est égal. Alors que je suggérais, sur le plateau de I24 news, à la journaliste qui me demandait un simple conseil, de pratiquer le Shabbat, j’ai lu l’étonnement sur son visage.

J’ai ajouté : « Appelez-le free day, si vous préférez ». Déconnectez-vous du monde matériel, et connectez-vous pendant 24 heures au monde spirituel. Ça s’appelle Shabbat depuis la nuit des temps. Depuis que j’observe le Shabbat, j’ai développé mon activité, augmenté ma créativité, et réduit ma charge mentale.

A.A. : Est-ce qu’on peut raisonner de la même façon concernant les problèmes de couples, ou familiaux ?

D.L. : Évidemment, les deux personnes qui constituent le couple viennent de deux entités différentes, et ils doivent construire ensemble. Cela passe par la compréhension mutuelle de nos différences, et surtout des besoins de l’autre. Les couples sont souvent d’accord sur les valeurs, mais diffèrent sur la façon de les appliquer. Donc il faut multiplier les choix d’orientation. Lorsque l’on s’affronte sur deux solutions, il faut aller chercher la troisième qui sera un compromis.

A.A. : Conseillez-vous aux couples en difficulté de consulter un coach ?

D.L. : Tout à fait. Car un couple est en rupture lorsque chacun reste sur ses positions. Le coach est là pour leur rappeler l’essence de leur union, la raison pour laquelle ils se sont mariés, sur la base de quels engagements. Et le coaching propose des techniques spécifiques sur la résolution des problèmes, sur la prise de conscience. Avec le temps on oublie d’avoir de bonnes intentions envers l’autre, comme je l’évoquais tout à l’heure. Le don est primordial. Une vie commune harmonieuse repose sur ces basiques. Personnellement, mon couple est le fondement de toutes mes réalisations. Toutes nos réussites ne valent rien si le couple n’est pas exemplaire et si tous les efforts ne sont pas mis en œuvre en faveur de cette harmonie familiale.

A.A. : Pour conclure, comment s’est passée la soirée de Trouver en Israël le 5 mars ?

D.L. : J’ai été particulièrement impressionné par la beauté de l’événement : la qualité de la salle, de la nourriture, la chaleur des échanges.

Et j’ai immédiatement accepté de donner une conférence lorsque Sarah Ben m’a sollicité, car mon intérêt c’est aussi de comprendre ce qui se passe dans la société israélienne. J’adhère à 100% à son groupe WhatsApp d’information car il m’informe très concrètement. Et c’est une femme très généreuse, ce qui me motive pour donner également à chacune de ses sollicitations.

A.A. : Quel était le thème de votre conférence ?

D.L. : J’ai proposé « l’adversité ». Les entrepreneurs ne sont pas assez conscients qu’entreprendre, c’est faire face à des obstacles quotidiens. Le tout est d’y être préparés, sinon, ils risquent d’aller jusqu’à renoncer à leur projet.

A.A. : Nous sommes à la veille de Pessah, que représente pour vous la sortie d’Egypte ?

D.L. : IIl existe un phénomène même chez les non juifs que l’on appelle « la traversée du désert », qui correspond à une période difficile dans la vie d’un individu. On passe tous par des moments de hauts et de bas. Pessah nous enseigne que la distance qui séparait les Hébreux esclaves en Égypte de la Terre Sainte, ne correspondait pas à quarante ans d’errance, même à pied ! Tant qu’on n’est pas prêts, que l’on n’a pas l’état d’esprit nécessaire, on n’atteint pas notre but. Le coaching interpelle le client afin qu’il se pose les bonnes questions. Je mets souvent en garde mes clients contre le « syndrome de la boîte crânienne ». On a toujours le même type de réflexion, mais lorsque le coach vient nous remettre en question, cela nous permet de poser des actions pertinentes.

D’autre part, l’épopée des explorateurs mentionnée dans la Tora est également très intéressante. Si notre action prend son origine dans la peur, on est sur la fausse route. Par exemple, si on veut changer de métier avec la peur de perdre le sien, on va échouer. Par contre, avec la volonté d’apprendre quelque chose de différent ou d’évoluer, l’implication sera forcément positive. L’intention doit donc être motivée par l’amour, et non par la peur.

A.A. : On traverse actuellement au sein de la société israélienne des conflits importants. Comment gérer la forte tension en deux blocs d’une population ?

D.L. : Le conflit est l’expression d’un besoin. Ma constatation est que les gouvernements, français comme israéliens, ne sont pas suffisamment à l’écoute.

Les manifestations en Israël sont l’expression d’un conflit, et il faudrait tendre vers un compromis, plutôt que de se maintenir dans une situation de blocage. L’essentiel est de s’attacher à établir une communication entre le peuple et le gouvernement.

Avraham Azoulay, journaliste et coach en développement personnel

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