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Le Compromis ou le chaos ?

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Pessah

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PAR JONATHAN SERERO

Routes bloquées. Policiers frappés. Insultes contre des ministres et députés. Menaces de mort contre le Premier Ministre de l’Etat d’Israël, Binyamin Netanyahou. Les opposants à la réforme judiciaire utilisent tous les moyens de pression pour faire plier l’instigateur du projet de loi, le ministre de la Justice, Yariv Levin. Pour tenter de mettre un terme à cette crise sociale, plusieurs propositions de compromis ont été soumises à la coalition et à l’opposition. Notamment par le Président de l’Etat d’Israël, Yitzhak Herzog mais aussi par le professeur et avocat Youval Albashan, l’ex-ministre de la Justice, Daniel Friedman et le général de réserve Giora Eiland. Etat des lieux.

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Dimanche 12 mars. Le Président de l’Etat d’Israël, Yitzhak Herzog rencontre le chef de la commission parlementaire des lois, Simha Rothman du parti sioniste religieux. Durant près de trois heures, les deux hommes discutent de la réforme judiciaire et de ses retouches éventuelles censées satisfaire membres de l’opposition et de la coalition et pour mettre fin aux manifestations quotidiennes des sympathisants des partis du Yech Atid, de la formation d’Union Nationale, du parti Travailliste, du parti d’extrême-gauche, Meretz et des représentants des mouvements anarchistes israéliens. OR, DEPUIS LE MOIS DE JANVIER et l’annonce par le ministre de la Justice Yariv Levin, ce genre de rencontres entre le Président Herzog et les représentants de l’échiquier politique se sont multipliés sans apporter les résultats escomptés. L’opposition dirigée par l’ex-Premier Ministre Yair Lapid réclame l’arrêt total du train de réformes. La coalition emmenée par Yariv Levin et Simha Rothman se déclarent, eux, déterminés à voter en deuxième et troisième lecture avant la fin de la session d’hiver de la Knesset les projets de réformes sur le comité de nomination des juges et sur la loi d’enjambement de la Cour Suprême. Face à cette impasse persistante, le président de l’Etat Herzog propose tout de même une solution de compromis :

• Le vote d’une loi fondamentale s’opérera en quatre lectures. La Cour Suprême ne pourra plus annuler ces lois fondamentales. L’appareil judiciaire se contentera d’opérer un contrôle juridictionnel. (Situation actuelle : La Cour Suprême, au fil des années, s’est arrogée le droit d’invalider des lois votées par la Knesset. En tout, ce sont 22 lois simples qui ont été annulées sur les vingt dernières années. Il y a aussi eu des discussions sur les lois fondamentales et la Cour Suprême a plusieurs fois évoqué la possibilité qu’elles puissent être abrogées. Actuellement, aucune loi n’autorise la Cour Suprême à invalider une loi simple ou fondamentale votée par la Knesset. C’est une prérogative que les juges se sont autorisés au fil des années.)

• Augmentation du nombre de juges selon les standards imposés par l’O.C.D.E.

• Représentation égale entre les différents pouvoirs au sein du comité de sélection des juges. (Situation actuelle : La commission est composée de neuf membres : deux ministres du gouvernement, deux députés (un de la coalition + un de l’opposition), deux représentants du barreau (deux avocats) et trois juges de la Cour Suprême (le Président + deux juges désignés par le Président).

Pour élire un juge à la Cour Suprême, une majorité de sept représentants sur neuf est requise. Pour élire un juges de n’importe quelle autre juridiction, une majorité simple de cinq membres sur neuf est requise.)

• Restriction du caractère « raisonnable » accordée à la Cour suprême (Situation actuelle : Aujourd’hui, la Cour Suprême peut annuler une décision du gouvernement, des ministres ou de toute affaire jugée par un tribunal civil ou pénal, au motif que la décision comporterait un caractère « déraisonnable extrême ». Et ce sont les juges de la Cour Suprême eux-mêmes qui déterminent les limites de ce qui est raisonnable ou de ce qui ne l’est pas de manière totalement subjective.)

Autant de propositions qui font l’objet de discussion entre le Président de l’Etat, Yitzhak Herzog, le ministre de la Justice, Yariv Levin et la présidente de la Cour Suprême Esther Hayout. Pour le moment, toutes les parties ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur une position commune.

Le duo Levin-Rothman campent sur ses positions. Les deux hommes réclament :

• L’annulation de la possibilité d’invalider une décision parlementaire ou gouvernementale avec l’argument de caractère raisonnable. Le seul argument recevable sera l’argument légal. La possibilité d’avoir recours à cet argument reste toutefois possible dans les affaires de droit commun.

• Que la Cour Suprême ne soit plus en mesure de remettre en question une loi fondamentale.

• Pour la première fois, la réforme prévoit que la Cour Suprême puisse invalider une loi simple si elle considère qu’elle est contraire à une loi fondamentale. Pour cela la Haute Cour devra siéger avec un forum complet des 15 juges et une majorité de 12 juges sur 15 qui devra se prononcer contre la loi.

• La Knesset peut alors décider de revoter la loi avec la possibilité qu’elle soit définitivement adoptée avec une majorité simple de 61 députés.

FACE À L’IMPASSE ACTUELLE, une troisième proposition existe. Elle émane du professeur Yuval Albashan ancien député des partis Yech Atid et Travailliste, accompagné de l’ancien ministre de la Justice Daniel Friedman du général de réserve Giora Eiland et de l’homme d’affaires Giora Yaron.

Le texte prévoit :

• Une égalité de représentation entre la coalition et l’opposition au sein du comité de nomination des juges, et chaque partie proposera un candidat à tour de role.

• Les lois fondamentales devront être approuvées dans deux mandatures consécutives de la Knesset.

• La nomination du Premier ministre sera votée par la Knesset.

Là aussi des discussions ont eu lieu entre les différents protagonistes autour de ces propositions de compromis. Pour le moment, aucune avancée majeure n’est à signaler.

JUSQU’AU 2 AVRIL PROCHAIN, date de la fin de la session d’hiver de la Knesset, les débats autour de cette réforme judiciaire promettent d’agiter à la fois le landernau politique israélien mais aussi les rues du pays.

Jonathan Serero, journaliste politique indépendant

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