WE DEMAIN 1 / FLIPBOOK

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une revue pour changer d’époque

n°1

cheval

12 € TTC FRANCE - www.cherche-midi.com - ISBN 978-2-7491-2475-9

à Bruxelles, au petit matin, on réentend le pas des sabots frapper le pavé de la capitale.

Oui, un nouveau monde est possible. Oui, des solutions existent. Un homme l’affirme : Jeremy Rifkin. Pour cet Américain optimiste, père de la 3e révolution industrielle, la sortie de crise implique l’adoption d’une nouvelle vision économique. Alors pourront être créés les millions d’emplois essentiels à la cohésion bonheur Cultivez votre 5HTT, la molécule du bonheur. Les 50 recettes de Thierry Janssen, psychothérapeute. sociale de l’humanité.

végétal Architectes, designers ou

partage

J’échange, j’invite, je recycle : les smart citoyens réinventent un nouvel art de vivre.

citadins, une armée verte est en marche dans les villes et le béton recule.

3D Avec ces imprimantes, l’usine entre

au salon. Fabriquez les objets nés de votre créativité.

Jeremy Rifkin

Avec Thierry Marx Nicolas Hulot J-M Quatrepoint Thierry Huau Koen Olthius et une nouvelle de Ray Bradbury.


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© Alison Guyard

après la tempête

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édito Une revue pour changer d’époque

Faut-il reconsidérer notre modèle de société ? Deux symboles : l’enterrement du Concorde, plus belle machine volante jamais imaginée par l’homme, synonyme de vitesse supersonique et de pétrole à gogo, capable de transporter 100 personnes de New York à Paris en trois heures, et l’arrivée acclamée au salon du Bourget 2011 de Bertrand Piccard, le pilote de l’avion solaire Solar Impulse, après un vol de dix-sept heures entre Bruxelles et Paris. Fin d’un monde, naissance d’un nouveau. L’inventeur de l’expression « Trente Glorieuses », l’économiste Jean Fourastié, n’avait pas attendu la fin du supersonique pour, à la fin des années 70, pressentir avec une rare lucidité « la fin des temps faciles » due à « la hausse des prix du pétrole, aux fols abus du crédit et aux jeux financiers ».

Nous arrivons aujourd’hui à la fin de ce cycle où l’exhibitionnisme des excès tente vaille que vaille de cacher la fin de l’abondance. Pouvons-nous nous satisfaire d’être les spectateurs de ce film catastrophe – celui de la crise planétaire –, dont les séquences quotidiennes nous plongent dans un pessimisme d’autant plus dangereux qu’il paralyse l’action ? Le capitalisme, longtemps moteur de la suprématie occidentale, nous a certes habitués à des convulsions violentes, mais c’était pour rebondir de plus belle. Ces rebonds sont désormais des sauts de puces, et les rechutes à répétition du malade exigent de nouveaux traitements. Un système qui ne laisse plus le choix qu’entre chômage et précarité, une machine à perdre qui jette de plus en plus d’indignés dans la rue, ne peuvent pas perdurer. Ils sont encore nombreux, ceux qui considèrent que la crise – au regard de l’histoire – n’est qu’une péripétie et que tout reviendra comme « avant  ». Les plus lucides – à notre sens – estiment que nous sommes à l’aube d’un authentique bouleversement, « une mutation certaine à l’issue incertaine  », écrit Michel Rocard dans Mes Points sur les i. C’est convaincus d’assister à l’émergence d’un nouveau monde que nous avons imaginé We Demain. Comme Actuel (génération 68), VSD (civilisation des loisirs) et Wired (génération Internet) ont, chacun en leur temps, annoncé et accompagné une époque nouvelle.

We Demain guettera, dénichera, déchiffrera les signes et les manifestations des changements en cours. Ces signes d’une vision d’avenir – grande absente du débat présidentiel français –, on commence à les voir, çà et là, dessiner les contours d’un paysage inédit. Partout se multiplient les expériences fondées sur la location, l’échange, la proximité, le raccourcissement de tous les circuits. Après Vélib’, Autolib’, et les grandes enseignes de la distribution qui réinvestissent les centres-ville. Une société du partage, dont Internet est l’outil, rapproche les communautés dans des services de plus en plus performants. Plus de pétrole abordable ? Place aux idées ! Et dans les pires des cas, comme celui de la Grèce soumise à un régime amaigrissant féroce, les citoyens découvrent un nouvel art de (sur)vivre ensemble, fait de solidarité et d’inventivité. De leur capacité d’innovation va également dépendre le sort de nombreuses entreprises dans le monde. Beaucoup ont heureusement compris que la crise, bien que redoutable, peut aussi être une formidable source d’opportunités. Et qu’elles doivent pour cela se mettre en « mode demain ». Il y a deux ans, j’avais, lors d’un petit déjeuner, entendu le PDG de Bouygues Immobilier annoncer la volonté de la firme de devenir le leader mondial dans la construction d’immeubles à énergie positive. Certains journalistes présents s’étaient montrés sceptiques. Et pourtant… Ce sont de tels bâtiments qui sont à l’avant-garde de la troisième révolution industrielle, convergence des énergies et des communications. L’objectif étant de transformer la quasi-totalité des immeubles existants – dont les habitations – en autant de microcentrales électriques, personnelles et écologiques. Il s’agira d’un bouleversement historique colossal dans lequel chacun d’entre nous pourra devenir créateur, stockeur et revendeur d’énergie. Une révolution dans laquelle se sont déjà engagés plusieurs pays européens (Allemagne en tête !) et que la France fera bien de ne pas manquer… Un présent qui se meurt peut devenir un futur prometteur. Rien n’est plus excitant qu’un monde à réinventer. Et pas uniquement dans ses fondations économiques. Mœurs, arts, loisirs, gastronomie seront entraînés dans le tourbillon de cette révolution et seront « chouchoutés » par We Demain. Un changement planétaire de paradigme est un pari. Plus modestement, une nouvelle revue l’est aussi. Utopique certainement, mais les belles utopies ne font-elles pas avancer le monde ? François Siegel.

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sommaire

déchiffrer

p. 001 — © Grégoire Alexandre - fondation HSBC /

respirer

Roger Job / Scott London / Jaroslav Kvíz / Michel Slomka / 3D Crania Anatomica by Joshua Harker printed via Sculpteo.com / Courtesy of Organ Museum - www.abodeofchaos.org.

p. 002 — Illustration : Alison Guyard. p. 003 — L’édito : François Siegel.

p. 008

p. 044

p. 010 — Jeremy Rifkin : « La 3e révolution industrielle créera des millions d’emplois. » Pour savoir comment notre société peut s’en sortir, il faut absolument lire l’ouvrage de ce spécialiste en prospective économique et scientifique salué dans le monde entier. François Siegel et Julien Millanvoye l’ont rencontré.

p. 046 — Vert sur la ville. De l’architecture au potager urbain, mille façons de réintroduire la nature au cœur des cités.

p. 018 — Nous deviendrons tous nos propres producteurs d’énergie. Ou comment transformer les infrastructures de notre environnement en minicentrales électriques. Julien Millanvoye. p. 022 — Huit grands reportersphotographes signent leur vision du monde de demain. p. 030 — Révolution énergétique et invention d’un nouveau modèle... Le scénario du futur Nicolas Hulot. Interview : Gilles Luneau. p. 034 — Dix nouveaux métiers pour l’avenir. Le progrès technologique rend certains emplois obsolètes. Mais, dans le même temps, il en exige d’inédits… Antoine Lannuzel. p. 040 — Jean-Michel Quatrepoint : « L’Occident n’invente plus rien. » La crise du capitalisme et la montée en puissance de la Chine, par l’auteur de Mourir pour le yuan. Interview : François Siegel et Jean-Louis Marzorati.

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p. 054 — Thierry Huau, paysagiste végétal. Portrait : Allan Kaval. p. 056 — Planète Météo. Bonnes et moins bonnes nouvelles de l’environnement. Fondation GoodPlanet Infos. p. 062 — Vivre avec la mer. Construire sur l’eau… C’est l’une des solutions envisagées pour faire face à la montée des océans. Reportage aux Pays-Bas : Allan Kaval. p. 073 — Le regard de Koen Olthuis, architecte néerlandais, spécialiste des cités flottantes. p. 074 — Pour sauver tigres et rhinos, donnons du viagra aux Chinois. De trop nombreux Asiatiques croient encore aux vertus aphrodisiaques de certaines parties du corps des animaux sauvages. Une aubaine pour les trafiquants. Olivier Blond. p. 078 — Frans van der Hoff, ce prêtre qui a inventé le label équitable Max Havelaar. Portrait : Olivier Cabréra.

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regarder

inventer

bouger

p. 080

p. 092

p. 128

p. 082 — Le street art habille la rue. Comment les garnements de la bombe de peinture sont devenus des stars de l’art contemporain. Olivier Cabréra.

p. 094 — Vivre avec les robots. Frédéric Boisdron.

p. 130 — Inventaire avant fermeture… 36 lieux menacés dans le monde, à visiter d’urgence. Gilles Luneau.

p. 098 — « La robotique va profondément transformer le monde. » Jean-Christophe Baillie est le créateur de Gostai, une start-up qui compte parmi les 15 premières au monde dans ce domaine. Interview : Frédéric Boisdron. p. 102 — Avec l’impression 3D, l’usine entre au salon. On pourra bientôt concevoir et fabriquer chez soi les objets de son choix. Antoine Lannuzel.

p. 140 — 2013 : nouvelle odyssée de l’espace. Le premier vol de Virgin Atlantic, prévu l’an prochain, inaugurera l’ère du tourisme spatial. Jean-Philippe Laurent. p. 144 — Juin 2003 : à travers les airs. Ray Bradbury. Dans cette nouvelle écrite il y a soixante ans, l’auteur de Fahrenheit 451 imagine le départ pour Mars de tous les habitants noirs d’une bourgade du sud des états-Unis.

p. 110 — Quelle énergie pour la voiture de demain ? Hybride, électrique, à l’hydrogène, toutes les solutions envisagées pour faire face à l’augmentation constante du prix des carburants. Interview de Jean-Claude Papazian : François Siegel. p. 114 — états-Unis : un Français à la tête de la meilleure université du monde. Caltech. Jean-Lou Chameau, son président, se glorifie d’avoir « fabriqué » 32 prix Nobel. Clément Pétreault. p. 118 — Comment Mao a vaincu la malaria. L’histoire inédite de la découverte de l’artémisine, médicament à ce jour le plus puissant contre un fléau qui fait encore des millions de victimes dans le monde. Enquête : Yannick Demoustier.

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ralentir

partager

savourer

p. 154

p. 180

p. 204

P. 156 — Le bonheur programmé ? La présence, dans notre patrimoine génétique, de la molécule 5HTT prédisposerait à la félicité. Rencontre avec le psychothérapeute Thierry Janssen, qui met en garde contre tout déterminisme. Interview : Hugues Berthon.

p. 182 — D’Apicius à Myhrvold, 2 000 ans de révolution dans la cuisine. Avec Modernist Cuisine, un Américain ouvre les portes du XXIe siècle à la gastronomie. Hervé Gallet.

p. 206 — Système We. Penseurs, créateurs, adultes et enfants… Ces pages sont dédiées aux acteurs du changement.

p. 162 — 50 trucs pour se sentir bien dans sa peau. p. 164 — La ville conquise par le cheval… Reportage-photo : Roger Job. p. 176 — …les vignes aussi. Antoine Lannuzel. p. 179 — Le regard de Jean-Claude Mougin, professeur de philosophie et photographe.

p. 197 — Le regard de Thierry Marx, chef étoilé du Mandarin Oriental. p. 198 — SOS banane ! Un plaidoyer pour le sauvetage de ce fruit érotique par l’un des plus importants spécialistes de l’environnement, Fred Pearce.

p. 210 — Le jardinier social. Jean-Guy Henckel emploie 3 000 travailleurs en réinsertion dans une centaine de Jardins de Cocagne. Portrait : Hugues Berthon. p. 214 — « Qu’il n’y ait plus de pauvres pour les quinze ans à venir. » Interview de Jean-Guy Henckel : Hugues Berthon. p. 216 — Bienvenue dans l’univers collaboratif. Hors des circuits commerciaux traditionnels, les initiatives qui permettent, via Internet, d’échanger des biens, des idées, des services. Photos : Michel Slomka. Texte : Antoine Lannuzel. p. 226 — Bloc-notes

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pour

pour

sortir

créer

des crises

pour

des millions

à répétition

sauver

d’emplois

notre espèce

pour

pour

donner

devenir

ses chances

acteur

à la France

du monde

VIVE LA 3E RéVOLUTION INDUSTRIELLE par Jérémy Rifkin

nouveau

Entretien : François Siegel et Julien Millanvoye

— cet américain, spécialiste de prospective économique et scientifique, est considéré dans le monde comme un visionnaire influent du XXIe siècle.

© Mastrangelo Reino

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nous serons tous des centrales électriques Julien Millanvoye Illustrations : Athitaya Hennard

— le pétrole va manquer ? pas de panique. de nombreuses innovations sont prévues pour assurer une transition énergétique en douceur. exemple, les smarts grids, ces réseaux électriques « intelligents », qui pourront faire de chacun d’entre nous un producteur d’énergie. —

Comment sortir nos pays de l’impasse énergétique dans laquelle ils semblent s’enfoncer ? La réponse tient en trois mots qui marquent, dans bien des domaines, le début de notre XXIe siècle : mobilité, diversité et autonomie. En effet, le système dans lequel d’énormes centrales produisent de l’énergie pour la diffuser en permanence, l’écouler en quelque sorte jusqu’à nos prises électriques, devient chaque jour un peu plus caduc aux yeux des ingénieurs. Et ce, quelles que soient leurs convictions politiques. Simplement en termes d’efficacité et de rendement. Car on sait que le problème majeur auquel se heurtent nos sociétés est l’incapacité technique actuelle de stocker l’électricité. On peut en effet fabriquer des batteries relativement performantes à l’échelle d’une voiture ou d’un téléphone… Mais relativement performantes, ça signifie toujours qu’au bout de quelques heures, une voiture garée phares allumées n’aura tout simplement plus assez d’électricité pour activer ne serait-ce que le démarreur. à l’échelle d’une ville ou d’un pays, ces maigres capacités sont tout simplement inutiles. C’est là qu’entre en jeu la plus en vogue des innovations énergétiques de ce début de siècle : les réseaux dits « intelligents » ou, en anglais, smart grids. Qu’est-ce qu’un réseau intelligent ? C’est un réseau qui, en temps réel, analyse et s’adapte. Grâce aux innovations informatiques récentes, ils calculent les évolutions de la demande au cours

des journées et les anticipent. Jusqu’à présent, l’électricité non consommée dans les instants qui suivaient sa production était de l’électricité perdue. Tout au plus pouvait-elle être revendue à un pays voisin. Grâce à ses capteurs reliés à un système informatique, la smart grid, elle, connaît « sa ville » et redistribue l’électricité là où elle est nécessaire. En « lissant » nos dépenses énergétiques et en prévoyant – en fonction des habitudes – les besoins de chaque quartier d’une région donnée, les smart grids permettent de réduire la déperdition électrique. Une étude du département de l’énergie des États-Unis estime qu’une telle technologie accroît l’efficacité du réseau américain de 5 %, soit une économie en termes d’émissions de gaz à effet de serre équivalente à celles de 53 millions de voitures, et un gain estimé entre 46 et 117 milliards de dollars d’ici 2023. En Europe, la Commission de régulation

de l’énergie (CRE) a lancé, en ce début d’année, le premier think tank (groupe de réflexion) consacré à cette question : Smart Grids CRE. Dans l’article qu’il a consacré à cette nouvelle, le site Web indépendant Enerzine, notait : « Les enjeux liés aux réseaux électriques intelligents sont industriels, sociétaux et économiques. Les réseaux intelligents constituent un champ d’innovations et d’applications industrielles majeures, qui demande une coopération entre les entreprises des nouvelles technologies de l’information et de la communication, et les entreprises

Mais là où ces innovations révèlent vraiment leur plein potentiel, c’est dans la prise en compte d’un renversement total de nos modes de pensée concernant ces questions. En effet, à mesure que montent en puissance les énergies renouvelables – éolienne ou solaire par exemple –, de tels réseaux deviennent littéralement indispensables, dans la mesure où la faiblesse de ces énergies est d’être intermittentes, c’est-à-dire de ne pouvoir produire 24 heures sur 24. Jouer sur la répartition et la distribution est alors indispensable. Le développement des smart grids amène les chercheurs à pousser encore plus loin le raisonnement. Leur idée : diversifier encore plus les sources de production et les multiplier. C’est-àdire sortir du réseau vertical – la grosse centrale qui abreuve les infrastructures, les particuliers et les entreprises –, pour déboucher sur un réseau horizontal,

de la filière électrique. »

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multipliant les producteurs d’énergie infimes en volume. Autrement dit, faire de chaque bâtiment, voire de chaque citoyen, un producteur en puissance ! Une perspective qui ne relève plus de l’utopie dès lors qu’on dispose de ces fameuses smart grids. Gérer des centaines, voire des milliers de producteurs disséminés dans une aire géographique spécifique, ne peut en effet se faire avec les réseaux actuellement existants. salles de gym

Transformer les individus – vous, nous, tout le monde - en minicentrales électriques, sans travail ni effort… Naget-on en plein rêve ? Non : le mouvement est déjà en cours. L’exemple le plus frappant et, semble-t-il, le plus aisé à mettre en place, est celui de la salle de sport. Ne peut-on pas récupérer l’énergie dépensée, chaque jour, par des centaines de millions de forcenés qui courent sur des tapis roulant ou pédalent sur des vélos immobiles ? Non seulement on le peut, mais on le fait ! Des salles de gym alimentées en partie par l’énergie des sportifs existent d’ores et déjà. À Hong Kong par exemple, l’éclairage du California Fitness Club peut produire environ 300  watts d’électricité lorsqu’il est pleinement occupé. À Portland, Green Microgym a pour sa part généré 36 % de son électricité par ce biais en 2009. Mais les recherches ne s’arrêtent pas là... À Rotterdam, la piste de danse d’une boîte de nuit alimente les spots et le matériel utilisé par le disc-jockey via… les mouvements des danseurs ! Grâce à des 01 — we demain

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À Rotterdam, la piste de danse d’une boîte de nuit alimente les spots et le matériel utilisé par le disc-jockey via… les mouvements des danseurs !

cristaux piézoélectriques, qui produisent un petit courant électrique quand ils sont comprimés, le sol de l’endroit peut en effet convertir les pas de danse et les sauts en électricité immédiatement disponible. L’animateur de la soirée a intérêt à être bon car s’il ne fait pas danser son public, tout s’arrête ! Mieux : les trottoirs de nos agglomérations pourraient être recouverts de telles inventions. Engagez-vous dans une rue et le réverbère s’allumera, alimenté par vos propres pas. Ces méthodes ne suffisent évidemment pas, à elles seules, à remplacer les centrales traditionnelles. C’est là justement que les réseaux intelligents entrent en jeu. En rendant possible la redistribution d’énergie créée de manière ultralocale, elles poussent à démultiplier la forme et le rendement de ce genre d’inventions. Recouvrir les toits de panneaux solaires prend par exemple tout son sens dans ce cadre. Et les projets ne s’arrêtent pas là. Les initiatives visant à transformer individus et bâtiments en producteurs foisonnent : l’architecte suédois Mans Tham, qui se définit comme un « stratège urbain », envisage notamment de recouvrir les autoroutes de Californie de toits surmontés par des panneaux solaires. Non seulement ce processus ombragerait la route et permettrait aux conducteurs d’économiser leur climatisation, mais en plus, d’après ce jeune homme (il est né en 1979), un tronçon d’autoroute de 24 kilomètres pourrait produire 150 gigawatts d’électricité par an. 19

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quel monde demain ? 8 grands reporters témoignent en images pour We demain

« Les rêves de la troisième génération de jeunes Iraniens après la révolution. Nous méritons la liberté de nous vêtir comme nous le désirons, la liberté de parole, la liberté de nous rassembler, le respect des droits humains et la liberté d’aimer et de rêver. »

photographe — Alfred Yaghobzadeh titre — hope for the future lieu — téhéran

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plus libres demain ?

« Demain, les inégalités mondiales entre le Nord et le Sud continueront à s’intensifier. Les murs de la forteresse Europe n’en seront que plus hauts. »

photographe — Olivier Jobard titre — les frontières de l’europe lieu — Enclave de melilla vue depuis le maroc

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Mon Scénario POUR l’avenir Interview : Gilles Luneau

— vacuité du débat public, absence de vision. Cinq ans après le pacte écologique qu’il avait fait signer à tous les candidats à la présidentielle, celui qui reste l’une des personnalités préférées des français constate que « rien ne s’est passé ». pour la planète, nous dit-il, il est vital de faire le choix politique d’une véritable révolution énergétique et d’inventer un nouveau modèle qui verra la fin de la crise de l’excès, au bénéfice d’une société d’abondance frugale. —

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We Demain : quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle ? Nicolas Hulot : J’ai fait mon deuil de

cette campagne. Elle est d’un conformisme terrible. C’est un show, avec les machinistes que sont les médias, les spectateurs que sont les citoyens, et les acteurs que sont les politiques. Personne n’a une vision porteuse. Normalement, une campagne sert à redéfinir les fins et les moyens, à redonner une vision d’ensemble, à éclairer un horizon. Qu’est-ce que Sarkozy et Hollande proposent comme horizon ?

© Fondation Nicolas Hulot

quelle est votre analyse de la situation ? NH : Je suis consterné par la vacuité du

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débat public, par le peu d’intelligence collective en politique. Tous les paramètres ont changé et on n’entend pas d’analyse objective du pourquoi nous en sommes arrivés là. à quel moment a-t-on perdu la main ? Pourquoi les crises se multiplient et s’accumulent ? Est-ce bien le rôle des banques privées de prêter aux états ? Ne serait-ce pas plutôt le rôle des banques centrales ? Comment anticiper sur la raréfaction des ressources, des matières premières ? Quel est le sens du progrès ? Du travail ? D’une entreprise ? Voilà des sujets tabous, dont on ne parle pas dans la campagne présidentielle. Or, pour moi, ce sont des sujets centraux. Tout le reste, ce sont des amuse-gueules. Quand on regarde la mondialisation actuelle et la construction européenne, on est en train de bâtir un modèle qui ne tient pas du tout compte des nouveaux paramètres. Toute notre économie repose historiquement sur l’exploitation des ressources naturelles. Or le siècle, si on continue avec une telle croissance, consacrera l’épuisement de 90 % des matières premières. Personne ne veut regarder cette réalité en face. Cinq ans après le Pacte écologique, il ne s’est rien passé. Que font-ils, dans les partis politiques ?

Les élites politiques seraientelles aveugles ? NH : J’entends bien que l’équation est

difficile. L’économiste Tim Jackson la résume très bien : « Pour un économiste, freiner la croissance est une hérésie. Et pour un écologiste, l’encourager est une aberration. » Ce simple énoncé pose toute la complexité de l’exercice. Ce n’est pas pour autant qu’il faut l’ajourner ! Non seulement on l’ajourne, mais on le refoule. Je suis frappé par cette capacité d’autorefoulement des élites économiques et, plus encore, des élites politiques. Chez nous, gauche-droite confondues, les politiques sont tous à allumer des cierges pour que la croissance revienne. Or la croissance telle qu’on la connue ne reviendra pas.

C’est une rupture avec notre mode de vie : on dépasse les questions environnementales. Jeremy Rifkin parle d’un autre modèle, d’une « économie latérale »… n’est ce pas utopique ? NH : C’est là où je rejoins Théodore

Monod, qui disait que « l’utopie, ce n’est pas ce qui est irréalisable, c’est ce qui

Aujourd’hui, il faut s’ouvrir à l’irréalisé. Sinon, on est dans cette schizophrénie où l’on s’étonne qu’en faisant juste un peu plus ou un peu moins de ce qu’on faisait précédemment, rien ne change.

est irréalisé. »

Qu’est ce qui pousserait à réaliser l’irréalisé ? NH : La planète atteint un point de rupture

physique. Le capitalisme atteint un point de rupture psychique. C’est à la fois mon espoir et mon inquiétude. Je m’explique. Les inégalités ont existé depuis que l’homme existe. Le système égalitaire n’existe pas. Mais le système équitable, on peut y tendre. En Europe comme en France, les inégalités se creusent. Pour faire court, les plus pauvres sont de plus en plus pauvres et les plus riches, de plus en plus riches. 31

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Dans les années 1930, un ouvrier inspectant la structure du viaduc d’austerlitz. 34

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10 JOBS-cLéS POUr deMAiN Antoine Lannuzel Illustrations : Alison Guyard

— CRÉATIFS, RESPONSABLES, MULTITÂCHES ET CONNECTÉS AU WEB. WE DEMAIN A RETENU DIX MÉTIERS D’AVENIR, DANS LE DOMAINE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES, DE L’ENVIRONNEMENT, DU MANAGEMENT, DE LA FINANCE ET DE LA SÉCURITÉ. POUR CHACUN D’EUX, FILIÈRES, SALAIRES ET PISTES À SUIVRE. —

en apportant des réponses pratiques aux e-commerçants qui cherchent à fidéliser une clientèle. Le secteur ne sera pas le seul à connaître une montée en puissance de la stat’. « S’IL EST

STATiSTicieN hYBride

humaines et sociales, mention statistique appliquée (spécialité entreprise). Salaire : 2 500 à 3 100 € à l’embauche.

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OU MÊME TRAVAILLER DANS LE

INTERVIENNENT. » L’énergie produite – 12 mégawatts, soit la consommation de 10 000 foyers –, est vendue à EDF. Le responsable de l’exploitation, également consultant en énergies renouvelables, se réjouit de voir « LA POPULATION S’INVESTIR

COMPÉTENT EN ÉCONOMIE OU EN SOCIOLOGIE, IL POURRA CHERCHER

DE STATISTICIEN. » L’affirmation

DES MODÈLES PRÉDICTIFS POUR

a de quoi surprendre, mais Hal Varian, chef économiste chez Google, est catégorique. Avec le développement des nouveaux systèmes d’information et la multiplication des terminaux mobiles, l’analyse de données a en effet de beaux jours devant elle. Désormais, le statisticien ne se contente plus de triturer des chiffres. « SA POLYVALENCE

PRÉVENIR LES PÉNURIES ET LES BAISSES DE CHIFFRE D’AFFAIRES »,

développe Guillaume Main. « ENFIN, L’INSERTION DE STATISTICIENS CRÉATIFS SERA

explique Guillaume Main, statisticien free-lance dans un créneau porteur : la Web-analytics ou mesure d’audience sur Internet.

« FACE AU BOOM DU E-COMMERCE, © RATP

LE STATISTICIEN DOIT FAIRE PREUVE D’IMAGINATION ET D’INNOVATION. »

Devenir acteur, en somme, 01 — We DeMain

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reSPONSABLe d’eXPLOiTATiON de PArc éOLieN

FACILITÉE DANS LES ENTREPRISES LIÉES AU WEB 2.0 ET AUX RÉSEAUX

Les missions de ce statisticien hybride flirteront alors avec celles du community manager.

SOCIAUX. »

L’AMÈNE À CALCULER EN TEMPS DOMAINES »,

PART, JE SUIS CHARGÉ DE SUIVRE

DE JOURNALISME, LE STATISTICIEN

PROCHAINES ANNÉES SERA CELUI

RÉEL DANS DE NOMBREUX

AVEC LE CONSTRUCTEUR. POUR MA

GRAPHISTE, AVEC DES NOTIONS

DATA JOURNALISME. S’IL EST « LE JOB SEXY DES DIX

tête d’un parc de six éoliennes sur la commune de Plélan-leGrand. « UN CONTRAT EST PASSÉ

Formation : École spécialisée : ENSAE, ENSAI ou ISUP. Université : DUT statistique et informatique décisionnelle. Licence économie, gestion, communication. Licence pro économie et gestion, mention commerce (spécialité études statistiques, sondages et marketing). Masterpro sciences

DANS DES PROJETS DE CE TYPE, QUI GAGNENT À ÊTRE GÉRÉS AU

En charge du suivi technique, commercial et administratif de son exploitation, le responsable de parc éolien a des airs de fermier du futur qui cultiverait... le vent. Patrick Saultier s’est lancé dans l’aventure en 2008, en Ille-et-Vilaine. Avec dix autres investisseurs, un partenaire industriel – le Belge Electrawinds – et l’appui financier de soixante-dix particuliers conquis par le projet, cet ingénieur thermique et énergétique s’est retrouvé à la

NIVEAU LOCAL PLUTÔT QUE DEPUIS PARIS. ICI, LES INVESTISSEURS SAVENT CE QUE L’ON FAIT AVEC LEUR ARGENT. »

Formation : École d’ingénieur (spécialité génie électrique), suivie d’une expérience dans le développement durable. Université : Licence énergie, électrotechnique, développement durable. Master électronique pour les énergies nouvelles. Salaire : environ 2 000 € à l’embauche. 35

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dĂŠchiffrer

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Jean-Michel quatrepoint : “ l’occident n’invente plus rien ” Interview : François Siegel et Jean-Louis Marzorati

Allons-nous mourir pour le yuan ? Journaliste et économiste, auteur de nombreux ouvrages dont les titres – La Crise globale, La Dernière Bulle – sont explicites, Jean-Michel Quatrepoint est de ceux qui jugent qu’un changement radical entre états doit rapidement s’imposer si l’on veut éviter une catastrophe planétaire. Aux sceptiques, aux inconscients et aux candidats à la présidentielle, on ne peut que conseiller la lecture de Mourir pour le yuan (François Bourin éditeur). Outre une analyse désespérante de l’économie mondiale et de la crise (financiarisation excessive, hypertrophie du commerce mondial, libre-échangisme poussé jusqu’à l’absurde), Jean-Michel Quatrepoint y dénonce principalement le marché de dupes entre l’Occident et la Chine. Pendant que le premier, désindustrialisé (à l’exception de l’Allemagne), accumule les déficits, la seconde, avec son yuan sous-évalué, engrange les excédents et poursuit son opiniâtre conquête du monde. Rappelant que la première expérience de globalisation s’était effondrée avec la Première Guerre mondiale, l’auteur pose aujourd’hui cette question glaçante : comment éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Fragments de réponse...

© Sandrine Roudeix/Le Figaro Magazine

We Demain : Depuis des années, on parle d’un monde en pleine mutation, d’un monde en transition. S’il fallait lui donner une date de naissance, à ce monde difficilement décryptable, quelle serait-elle ? Jean-Michel Quatrepoint : Tout

commence à se dérégler avec la chute du mur de Berlin, en novembre 1989. Jusqu’à cet événement, les choses sont relativement simples. Deux systèmes 01 — we demain

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se font face : le capitalisme et le communisme. Pour l’un comme pour l’autre, à ce moment-là, l’enjeu est le triomphe de leurs modèles respectifs à l’échelle de la planète. Afin d’éviter que des populations, voire des pays entiers, ne répondent aux sirènes communistes, le camp occidental est obligé de produire plus de richesses, de mieux les répartir, tout en respectant les libertés formelles – liberté d’opinion, de réunion, toutes choses qui n’existent pas derrière le rideau de fer. Stratégie payante. La chute du mur de Berlin consacre en effet la défaite du communisme. Le modèle capitaliste a gagné. Mais il va alors montrer un visage bien différent. Débarrassé du repoussoir « rouge », il ne va plus prendre de gants, mais va au contraire agir sans borne, jusqu’à devenir incontrôlable. Ces vingt dernières années, nous avons vu se mettre en place les scénarios successifs qui ont mené jusqu’à la crise que nous subissons aujourd’hui. à cause de cela, Certains en arriveraient à regretter l’existence du bloc soviétique ! Le fait est qu’aujourd’hui, ce capitalisme financier règne sans rival. Pour combien de temps encore ? JMQ : Au moment où le modèle occidental

triomphait, ont émergé deux autres modèles appelés, l’un et l’autre, à jouer un rôle de plus en plus important. Le premier en Asie, le second au sud de la Méditerranée. Le premier, c’est évidemment le modèle chinois. 41

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Šâ€‰Alain Delorme - courtesy Magda Danysz Gallery

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vert sur la ville Photos extraites de l’ouvrage Ma Ville en vert éditions Thames & Hudson

— Ce qui hier encore n’était qu’une tendance est devenu un mouvement planétaire : la nature investit la ville. —

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respirer

vivre avec la mer Allan Kaval

— Réchauffement, fonte des banquises, montée inexorable des océans. Le pire est-il à craindre alors que quatre-vingt dix des cent plus importantes villes du monde sont bâties en bord de mer ? Beaucoup le craignent. mais Certains refusent cette vision apocalyptique. à l’avant-garde de ces optimistes, des architectes néerlandais, qui prônent l’adaptation à ces bouleversements climatiques. Leur solution : des villes flottantes. —

Entre la menace permanente des tsunamis et l’inexorable montée du niveau des océans, la mer compte à nouveau parmi les grandes peurs de l’humanité. Les rivages continuent pourtant d’attirer les hommes, et leur installation en bord de mer va de pair avec leur urbanisation croissante. Le sort de Bangkok, qui a subi à l’automne 2011 les pires inondations de son histoire, révèle la convergence redoutable de ces deux mouvements. Il serait donc facile de laisser libre cours à nos imaginaires apocalyptiques, d’entrevoir nos glorieuses cités submergées, punies pour leur orgueil par les puissances déchaînées de la mer éternelle… Et si la solution était plutôt de s’adapter à ces changements, d’oser évoluer vers tout autre chose ? C’est en Hollande, un pays dont l’existence se résume à une bataille permanente contre la mer, que cette histoire commence...

pour remédier à l’enfoncement de bangkok dans la mer, Un cabinet d’architectes propose la construction d’une ville flottante, Wetropolis.

© Mohamed Seeneen/Maldives Presidency/AFP - S+PBA Architect - Simon Kolton

UNE éTUDE DE L’ONU PRéVOIT L’ENLISEMENT TOTAL DE BANGKOK D’ICI 2050.

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Bangkok a subi, à l’automne dernier, les pires inondations de son histoire.

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musées à ciel ouvert

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© Dan Witz _045FN_WED_0001_P82P091_StreetArt.indd 83

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inventer

l’usine au salon Antoine Lannuzel

— avec les imprimantes 3d, pour fabriquer les objets issus de votre imagination, il vous suffit désormais de vous installer devant votre ordinateur. —

Nous n’en sommes pas là. Mais le procédé existe et n’est pas plus sorcier que celui qui anime nos bonnes vieilles imprimantes jet d’encre. À partir d’un fichier 3D téléchargé ou « fait maison », via un logiciel de création assistée par ordinateur (CAO), il vous suffit de cliquer sur print et d’attendre que l’objet désiré prenne forme. Alimentée par des cartouches contenant de la poudre de polyamide, la machine se charge de tout, en solidifiant la matière couche par couche, avec une précision déjà bluffante. Desktop Factory, MakerBot ou Ultimaker sont autant de marques qui commercialisent des versions grand public de ces imprimantes à partir de 1 000 dollars. Au Royaume-Uni, une bande de geeks a même créé la sienne : un modèle baptisé RepRap, dont le plan de montage simplifié est divulgué à qui le souhaite selon le principe de l’open source – avis aux bidouilleurs ! Issues de travaux menés par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), toutes ces machines ne recrachent pour l’heure que des objets de taille modeste, dans des matériaux le plus souvent dérivés du plastique. Mais prenons notre mal en patience car les cadors de l’impression ne devraient pas tarder à inverser le rapport prix/performances de ces miraculeuses boîtes à tout faire (Hewlett-Packard propose déjà un modèle professionnel à partir de 12 500 euros). En attendant, deux sociétés ont investi le créneau de l’impression 3D grand public sur commande : l’américain Shapeways et le français Sculpteo. Cette PME créée à Vanves en 2009, qui alimente les architectes, designers et industriels en prototypes et pièces de petite série, entend aussi démocratiser l’impression 3D avec son catalogue en ligne d’objets ludiques, décoratifs ou pratiques. Sans en être le concepteur, on peut en choisir la couleur, les dimensions et y intégrer des éléments graphiques : « Nous sentons chez les gens un besoin de créer, sans forcément le temps ni les

connaissances pour modéliser en 3D. Nous avons donc mis en place un processus de personnalisation, en distinguant ceux qui créent les objets et ceux qui se les approprient », explique Clément Moreau, fondateur de Sculpteo. De la poignée de porte personnalisée à la coque de smartphone incrustée des motifs de votre choix, en passant par votre effigie miniature (réalisée à partir de photos) ou de pièces de rechange pour votre cafetière, plus d’un millier d’objets sont à portée de clic. Leur volume reste limité à 30 cm3, mais atteindra « 1m3 d’ici deux à trois ans », assure Clément Moreau. Quant à la gamme de matériaux, cantonnée pour l’heure au plastique et à la résine, elle devrait s’étendre au métal et au verre dans les années à venir. N’en demandez pas autant à votre imprimante domestique, qui ne vous pondra a priori jamais une table ou une chaise : « Même lorsque le prix des machines grand public aura baissé, les deux vont coexister : la petite à la maison et la grande chez les professionnels »,

assure le fondateur de Sculpteo.

Si elle vient juste d’atteindre un premier seuil de maturité, l’impression 3D fait l’objet de recherches depuis le milieu des années 1980 dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. Mises au point dans un labo Airbus de Filton, en Angleterre, des imprimantes de pointe permettent désormais de produire des pièces d’avion à base de nylon, d’acier, d’aluminium ou encore de titane. Une technologie baptisée ALM pour Additive layer manufacturing (fabrication par ajout de couches), qui n’augure rien d’autre... qu’une nouvelle révolution industrielle. En faisant fondre les temps d’ingénierie et les besoins logistiques, le procédé devrait, à terme, rendre obsolète la fabrication « par soustraction », qui consiste à creuser dans la matière pour obtenir le produit final. Selon EADS, la fabrication ALM ne consomme que 10 % des volumes de matière requis aujourd’hui dans l’industrie. Nettement moins complexes à faire fonctionner qu’une chaîne de production classique, des imprimantes 3D pourraient ainsi être disséminées partout dans le monde, y compris dans les régions les plus isolées. Une aubaine pour l’industrie aéronautique et ses coûts de transport exorbitants. Selon Robin Southwell, directeur exécutif d’EADS en Grande-Bretagne, l’ALM va « bouleverser le secteur industriel. » Pour communiquer sur cette technologie prometteuse, le labo de Filton a imprimé d’une seule traite un vélo modélisé par ordinateur. Réalisé à partir de poudre de nylon, l’Airbike est 65 % plus léger que la bicyclette à papa, plus robuste et surtout réalisé sur mesure pour son utilisateur.

© 3D Crania Anatomica by Joshua Harker printed via Sculpteo.com

Une coque d’iPhone délirante tout droit sortie de votre esprit ? Des bijoux futuristes téléchargés sur le Net ? Tout cela sera bientôt à portée de clic. Imaginez un outil révolutionnaire qui, connecté à votre ordinateur, vous permettra de produire, chez vous et à souhait, une kyrielle d’objets. L’imprimante 3D ! Voilà qui pourrait mettre quelques bâtons dans la grande roue de la consommation. Car si les biens manufacturés voient demain le jour dans nos salons, que deviennent la chaîne de la production, ses usines et ses objets acheminés à travers la mer, le rail ou les airs ?

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Crania Anatomica du californien Joshua Harker. irréalisable à la main, cette œuvre a été financée par les internautes à hauteur de 75 000 dollars.

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© DR

COMMENT MAO A GAGNé LA GUERRE CONTRE LE PALUDISME

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JuIN 2003, À TrAVerS LeS AIrS Une nouvelle de Ray Bradbury Illustrations : Patrick Pleutin

— BRANLE-BAS DE COMBAT DANS UNE PETITE VILLE DU SUD DES éTATS-UNIS : LA COMMUNAUTé BLANCHE APPREND QUE TOUS LES ESCLAVES NOIRS S’APPRÊTENT à EMBARQUER POUR LA PLANÈTE MARS. SAMUEL TEECE, RACISTE CONVAINCU, SE DéMÈNE POUR EMPÊCHER SES SERVITEURS DE PARTIR… —

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bouger

2013, la nouvelle odyssée de l’espace Jean-Philippe Laurent

— Dans un an, Virgin Galactic, la compagnie de Richard Branson, enverra ses premiers clients en apesanteur, 110 kilomètres au-dessus de nos têtes, à partir du désert de Mojave, au Nouveau-Mexique. —

Ils sont déjà plus de 500 aventuriers au compte en banque bien garni à avoir réservé leur vol. Le rêve a un prix : à partir de 200 000 dollars (soit environ 150 000 euros). Mais Branson demeure persuadé que le voyage dans l’espace est une activité touristique à fort potentiel de développement. Pour lui, le tarif actuel n’est qu’une étape. Plus il y aura de touristes spatiaux, plus les prix deviendront « abordables ». On n’est toutefois pas encore près de l’ère du low cost. Car, pour faire d’une activité aussi expérimentale que le lancement d’engins spatiaux un loisir accessible au commun des mortels,

© DR

12 avril 1961 : Youri Gagarine devient le premier homme à orbiter autour de la Terre. Qui aurait pu croire qu’un demi-siècle plus tard, le voyage dans l’espace serait devenu presque banal ? Certainement pas Richard Branson, qui n’avait alors que dix ans ! L’an prochain, le charismatique fondateur de l’empire Virgin enverra pourtant les premiers touristes spatiaux dans les étoiles, propulsés à la vitesse affolante de Mach 3, à plus de 100 km au-dessus de nos têtes.

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Le compte à rebours est lancé. J –1 an avant que Virgin Galactic n’expédie ses premiers touristes dans l’espace.

Base en vue ! Ce vol d’essai préfigure ce que sera le retour sur terre des passagers de l’avion-fusée. Au bout des 110 kilomètres d’une descente très physique (jusqu’à 6 G encaissés), SpaceShipTwo s’alignera dans l’axe de la piste et se posera comme un appareil ordinaire.

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Histoire d’une reconquête

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d’apicius le romain à myhrvold l’amÉricain

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© Eugène Delacroix, le 28 juillet 1830 : La Liberté guidant le peuple, 1798-1863, Hervé Lewandoski/RMN


savourer

banana spleen Fred Pearce Sculptures : Jade Fourès-Varnier

— Génétiquement vieille et stérile, elle est menacée de disparition. Ce serait alors la fin de l’histoire d’amour entre l’homme et le fruit le plus érotique du monde, s’alarme, non sans humour, le spécialiste de l’environnement Fred Pearce. récit intégraL extrait de son livre paru aux éditions de la martinière*. —

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portrait

Jean-guy henckel semeur d’espoir Hugues Berthon Photos : Andrew McLeish

— en vingt ans, il a créé une centaine de jardins de cocagne. Aujourd’hui, il emploie 3 000 travailleurs en réinsertion. un modèle de réussite de l’entrepreneuriat social. —

Une crinière folle où le blanc conquiert chaque jour du terrain, le visage un peu plissé par des années bien pleines, la malice au fond du regard azuré, grand et costaud, tout de noir vêtu, Jean-Guy Henckel a des faux airs de Niels Arestrup. Acteur, oui, mais de sa seule vie, qu’il a choisi de dédier depuis près de quatre décennies aux fracassés de l’existence. Le succès de ses Jardins de Cocagne, jardins maraîchers biologiques à vocation d’insertion sociale et professionnelle, lui vaut l’intérêt des médias, un univers qui le fascine et le répulse. « J’ai longtemps pensé, à tort, que ce genre de métier devait se faire dans la confidentialité, confie-t-il comme pour expliquer sa disponibilité. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun scrupule à communiquer ! ça fait parler de Cocagne, même si 80 % de ce qui a été publié n’est que du copier-coller… »

L’homme ne se voit ni en icône ni en leader. Il assume seulement son rôle de porte-parole – et Dieu sait qu’il parle bien ! – « sans se laisser griser » quand il s’exprime devant les étudiants de grandes écoles de commerce, discute avec des Pdg ou échange avec les politiques (« Ils vont encore revenir piétiner nos jardins avant 210

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Bienvenue au marché d’échanges Antoine Lannuzel Photos : Michel Slomka

— à travers huit initiatives qui témoignent d’un nouvel art de consommer, We Demain illustre un monde déconnecté des circuits traditionnels, mais plus que jamais connecté à Internet. Un univers dans lequel les biens, les idées et les services s’échangent et se partagent. —

VIDEZ VOS ARMOIRES, SHOPPING ILLIMITé ! www.les-bons-plans.fr

On se croirait dans la file d’attente d’un concert. Devant un restaurant parisien proche de la Madeleine, des dizaines de filles se pressent. 19 h, ouverture des portes. Chaque participante entre avec un sac plein à craquer, dans lequel s’entassent toutes les pièces inutilisées ou simplement trop vues de sa garde-robe. Nous sommes à une Free Troc Party, un rendez-vous d’échange massif de vêtements. Tout a commencé en 2003, par des soirées de troc entre

copines. « Chacune venait avec les fringues qu’elle ne mettait plus et pouvait se servir dans celles des autres », raconte Linda Billy, qui est à l’origine du projet. En 2008, changement d’échelle, avec le lancement, par Linda, Myriam et trois autres amis, du site Web Les bons plans. Le principe : aiguiller les internautes vers des idées de soirées, restos ou weekends « pas chers, gratuits ou insolites. » La Free Troc Party,

dont la 1e édition rassemble une vingtaine de nanas, devient l’un de ces bons plans. Par la grâce du bouche à oreille, le rencard confidentiel devient vite un phénomène. Chaque trimestre, lorsque s’ouvrent les inscriptions pour une nouvelle Free Troc Party, le site est pris d’assaut. « Tout dépend de la capacité d’accueil du lieu dans lequel cela s’organise, mais cette fois, sur 300 demandes, nous n’avons pu retenir que les 150 premières »,

indique Linda.

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En attendant le coup d’envoi, les habituées papotent et les nouvelles font connaissance, pendant que d’autres finissent de déballer leurs affaires sur des étals déjà archi-combles. C’est le cas de Recah, qui fait partie des novices. « Il va falloir fouiller, mais sans y laisser un bras ! », lance

la trentenaire, « pas du tout rebutée » par l’idée d’enfiler des fringues déjà portées. Preuve que les fashion victims virent elles aussi vers « des 01 — we demain

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mœurs plus écolos », comme

le souligne Linda. Dix secondes avant le rush. « ça va être le chaos, comme d’hab’ », glisse

une troqueuse de la première heure. C’est parti ! Des forêts de bras se précipitent vers les étals. Une demi-heure plus tard, alors que la pression retombe, la cour extérieure – pourtant glaciale - fait office de cabine d’essayage. « Hé, mais tu portes mes chaussures ! », entendt-on parmi les chineuses qui se

replient vers le bar, où un ticket d’entrée acheté 5 euros leur donne le droit à un hamburger et une boisson. Une bonne façon pour le restaurant Un amour de burger de s’assurer son coup de pub. Quant aux vêtements restants, « ils iront à l’association Tout part du cœur, qui aide les sans-abris et les femmes qui vivent en foyer », explique Linda. à la Free Troc Party, on la joue responsable jusqu’au bout. 217

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