Éditorial avril 2013
Sève C
haque année quand arrive le printemps, c’est la même histoire. Le monde de la montagne se divise en deux catégories, sous l’impulsion d’une énergie bourgeonnante. Il y a les assoiffés de neige, jamais rassasiés de ski et qui trouvent avec le soleil d’avril l’arrivée d’une glisse plus sûre. Sereins, ces vieux Sioux d’hiver prennent leur temps sur les planches, pour quelques virages de plus. Les autres sont du genre excités du rocher et, dès les premiers degrés gagnés, ils reprennent le rodéo de la grimpe, à l’assaut des parois les mieux exposées. Mercenaires à la solde de leur seul plaisir minéral, ils se livrent aux falaises les plus offrantes. Celles du Sapey, en Haute-Savoie, remplissent allègre-
L’approche nécessitant parfois quelques pas d’escalade, ils ne manquent pas d’ajouter une corde à leur arche pour atteindre l’objet d’une virée alpine. Une expérience complète. Plus loin, d’autres horizons s’ouvrent au montagnard transporté par un influx nouveau, canalisant ses désirs de voyage et d’aventure vers de plus hautes altitudes. En Chine ou au Ladakh, terres d’autres Indiens, les montagnes connues restent minoritaires face aux dizaines, centaines, et même milliers de sommets vierges qui conservent leur mystère. En godillots de rando ou éperonnés de crampons, marcheurs et alpinistes trouveront là-bas un terrain d’expression proportionnel au gigantisme des lieux, pour de longues chevauchées fantastiques. Un coup d’œil sur la carte des massifs chinois connus et/ou parcourus présentée dans ce numéro devrait convaincre les plus sceptiques de la terra incognita. Si entendre n’est pas écouter, voir n’est pas connaître, et Google Earth n’a pas encore tué, loin de là, le goût de l’aventure. Au Tibet, far west chinois, ou au Cachemire, dernière frontière indienne, c’est plutôt du bon vouloir des shérifs locaux que dépendent les possibilités d’exploration, sommant parfois le voyageur de quitter la ville. Comme souvent, la détermination et la patience des défricheurs peuvent avoir raison de ces contraintes, à force d’énergie. C’est tout le mal qu’on peut se souhaiter pour un début de printemps, où il est toujours bon de repousser ses propres frontières, de ramifier ses propres réseaux, d’étendre le champ de ses propres possibles, le pistolet chargé d’une motivation à toute épreuve. Dehors !
En début de printemps, il est toujours bon de repousser ses propres frontières, d’étendre le champ de ses propres possibles ment le contrat, tout comme les montagnes méridionales des Picos de Europa, qui se dégustent d’autant mieux apès l’hiver que la température y reste supportable. Ce numéro en livre les plus belles lignes de saison, pour se dégourdir les jambes, dégaine en main, le doigt sur la gâchette. Ce n’est pas le Grand Canyon, mais les Alpes calcaires recèlent décidément des formations géologiques étonnantes. Idéales pour satisfaire les randonneurs à pied en fin d’hibernation, les arches plus ou moins dissimulées dans les replis sédimentaires de Chartreuse, du Vercors, du Dévoluy ou du Luberon constituent un but de randonnée original. Les « chasseurs d’arches » ouvrent un œil frais et nouveau sur nos montagnes, à la recherche d’un butin esthétique bien précis.
4- Montagnes Magazine
Ulysse Lefebvre