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Focus Bavella

PUNTA DI A MUVRA (1 212 m)

PUNTA DI U CORBU (1 157 m)

TEGHIE LISCE (1 025 m)

3 4 8 7

2 1 11

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13 10 9

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Les trois pointes de Muvra, Corbu et Teghie Lisce, vues depuis le sommet de la Punta a Biciartula (994 m).

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Vers 5 et 6


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Punta di u Corbu, 1 157 m, et Punta di a Muvra, 1 212 m

© ULYSSE LEFEBVRE

Aux côtés des historiques aiguilles de Bavella (Bavedda en corse), hérissant le massif de l’Alta Rocca, les pointes de Muvra et de Corbu sont constituées de l’un des granites les plus purs du secteur, dont le grain justifie à lui seul la réputation de l’escalade locale. Depuis les années 1990 et surtout 2000, aux côtés des Teghie Lisce (1 025 m), ces pointes ont fait basculer le centre de gravité des tours du col vers ce secteur de dalles et de fissures parfaites. Par Ulysse Lefebvre.

Cartes : 4253 ET Aiguilles de Bavella - Solenzara. Accès : c’est l’un des « dangers objectifs » les plus redoutés du massif ! On ne compte plus le nombre de cordées ayant perdu une demi-journée à chercher la voie, quand elles ne sont pas revenues bredouilles, la corde entre les jambes, après des heures de bartasse dans le dense maquis corse. Depuis le col de Bavella (1 218 m), descendre le versant oriental (vers Solenzara). Grand parking à droite, juste avant le pont du Pulischellu. Un nouveau sentier, plus pratique et évident que l’ancien (qui, lui, longe le torrent du Pulischellu) démarre une trentaine de mètres avant le parking, en face. Topos : Jean-Louis Fenouil, Jean-Paul Quilici, Bavedda, aiguilles entre ciel et torrents – Escalade, rando, canyon. Jean-Paul Quilici et Bernard Vaucher, Guide d’escalade en Corse, tome I, massif de Bavella. Jean-Paul Quilici et Francis Thibaudeau, Rocca é Sole, massif de Bavedda. Bertrand Maurin, Thierry Souchard, Grandes voies de Corse. Refuges : l’auberge/gîte du col de Bavedda, (04 95 72 09 87, www.auberge-bavella.com) située sous le col, versant oriental, est le repaire des grimpeurs et des randonneurs sur le GR 20. Son livre d’or, tenu à jour depuis près de trente ans par la communauté, est une bible de l’histoire de l’escalade locale, recensant notamment les dernières ouvertures, croquis à l’appui. Auberge/gîte Les Aiguilles de Bavella, au col, 09 88 77 35 23, www.lesaiguillesdebavella.com

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Focus Bavella PUNTA DI U CORBU, 1157m 1. Le Dos de l’éléphant Ouverture : Pierre d’Arbois, Pierre Faivre et Pascal Tanguy, les 31 octobre, 1er et 2 octobre 1989. Hauteur - difficulté : 280 m. TD+. 6b+ max. (6a obl.). La voie la plus emblématique de l’escalade « bavellienne » et certainement la plus connue. La ligne suit un long bombé de dalles granitiques parfaites, sur près de 300 m. L’histoire rapporte qu’en mal d’inspiration pour baptiser leur voie, les ouvreurs furent approchés à l’auberge du col par Jean-Paul Quilici, premier des guides corses et surnommé « l’omu di Bavedda » (l’homme de Bavella). Leur nom ne lui plaisant pas, il proposa ce dos, illustrant parfaitement le profil en long de la voie. Catherine Destivelle considérera cette voie comme « l’une des plus belles escalades granitiques de France. » Les dalles qui la constituent requièrent une bonne capacité à « charger » les pieds et le terme de friction prend tout son sens. Plus viril qu’il n’y paraît lorsque pointe la tremblante…

2. Jeef Ouverture : Arnaud et François Petit en 1992, rééquipée par Arnaud Petit et Denis Allemand en 2001. Hauteur - difficulté : 280 m. ED+. 7a+ max. (6b+ obl.). Ouverte en hommage à JeanFrançois Lemoine, la voisine du Dos en est un peu la grande sœur : un bon cran au-dessus en terme de difficultés et tout aussi esthétique, avec un beau toit à franchir en plus des traditionnelles dalles bavelliennes. « Une classique dans ce niveau de difficultés et l’une des plus belles toutes voies confondues à Bavella », selon le Marseillais Jean-Louis Fenouil, l’un des ouvreurs les plus prolifiques du secteur. Arnaud Petit se souvient de cette ouverture qui fut sa première du bas : « Je craignais d’abîmer cette ligne de granite pur en mettant trop de spits. Conséquence : lors de notre répétition, avec mon frère François, nous en avons rajouté autant qu’à l’ouverture ! » Plus

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variée que sa voisine, Jeef présente également quelques tafoni bien caractéristiques. Arnaud Petit : « J’avais repéré la ligne en descendant des Teghie Lisce et je suis resté bloqué sur trois tafoni dans les dévers, des trous parfaitement ronds et disposés les uns au-dessus des autres et devant permettre de se jouer sans trop de difficultés d’un petit toit. Nous ne fûmes pas déçus en arrivant sur place : ces trois tafoni offrent d’énormes prises bienvenues ! » Une voie incontournable pour peu que l’on soit à niveau du ticket d’entrée, en 6b+ obligatoire, parfois engagé.

3. Delicatessen Ouverture : Stéphane Husson et Arnaud Petit, les 23 et 25 août 1992. Hauteur - difficulté : 150 m. ABO. 8b+ max. (6c obl.). Dans la foulée de Jeef, Arnaud Petit ouvre cette ligne de haut niveau, dans un granite orange d’une pureté effrayante. Où sont les prises ? À l’ouverture de cette voie courte mais intense (8b+ max), Arnaud décide que le premier de cordée grimpera léger, sans clé pour serrer les goujons : « A priori, cela ne présentait pas de dangers de grimper sur des goujons non expansés. En finissant fatigué la deuxième longueur, Stéphane eut du mal à se stabiliser pour pouvoir percer. C’est à se moment-là, en étant à la limite de voler, que la dernière plaquette se déboulonna et descendit le long de la corde dans un cliquetis fort désagréable. Vert de peur et de rage, il me cria que j’étais trop con et qu’un jour on se tuerait avec mes conneries ! Mais de toute façon, il y avait encore suffisamment de points en dessous ! » Cette voie reste l’une des plus difficiles du massif et l’on ne peut rester de marbre en l’observant à la descente du Dos ou de Jeef.

4. Djouchetta Ouverture : Cédric Ciniteria et Didier Micheli, le 17 mai 2000. Hauteur - difficulté : 180 m. ED. 7a max. Partiellement équipé. Ligne esthétique, notamment en fissures.

5. Dièdre de droite

8. De Rerum Natura

Ouverture : Carlos Ascensao et Éric Biancarelli, en juin 2007. Hauteur - difficulté : 120 m. ED. Projet. Trad. Cette voie en projet, très peu équipée, vient buter dans l’immense porche caractéristique de la paroi. Plusieurs options sont envisagées: franchir ce toit difficile ou l’éviter par un pendule audacieux et rejoindre Delicatessen. Toujours en cours de réflexion.

Ouverture : Rolando Larcher et Maurizio Oviglia, les 13 et 14 avril 2010. Hauteur - difficulté : 230 m. ABO-. 7c max. (7a obl.). Partiellement équipé. Cette ligne de fissures évidentes en surplomb fut ouverte par le duo Maurizio Oviglia/Rolando Larcher, plus habitués au calcaire sarde qu’au granite corse. Oviglia : « Ouvrir à Bavella a toujours été un rêve. Depuis le jour où j’ai découvert le petit Yosemite méditerranéen jusqu’à la concrétisation de ma ligne sur le grand tableau noir de ce granite lisse, il s’est passé quinze ans. Il me fallait donc un compagnon sûr pour ce projet ambitieux. Rolando Larcher était le grimpeur idéal, mais même lui semblait perplexe. À force d’observation, il découvrit une série de fissures, à gauche de la célèbre Delicatessen. La voie prenait forme, mais ce ne serait pas une promenade de santé. » Oviglia et Larcher passeront 36 heures à se peler les mains dans les fissures surplombantes pour ouvrir De Rerum Natura, nom issu du livre IV de Lucrèce à la gloire de la persévérance : « Ne voiton pas le choc des plus frêles matières, à la longue entamer la dureté des pierres ? Et la rigueur du marbre à la fin succomber, sous une goutte d’eau qui s’obstine à tomber ? »

6. Pas de cul, plus d’accus Ouverture : Pierre Clarac, Alain Dupaquis, Jean-Louis Fenouil et Didier Micheli en août 2007. Hauteur - difficulté : ED-. 6c+ max. (6c obl.). Projet, partiellement équipé. Cette voie inachevée le doit pour partie à son ouverture chaotique. Après deux heures d’une approche pluvieuse, et notamment une section en dalles couchées ultra-glissantes, Clarac, Fenouil, Dupaquis et Micheli reviennent « gonflés à bloc » au pied de la voie, où les attend tout le matériel laissé là l’avant-veille. Alors que le perfo est censé « avoir chargé toute la nuit », les quatre grimpeurs se rendent compte que l’accu est à plat. Plus motivés que jamais malgré tout, ils s’engagent dans la voie. Un dièdre fissuré d’environ 70 m devient rapidement le passage clé à franchir. S’engage alors une bataille périlleuse, armés d’un seul gros friend que Micheli remonte progressivement sur une dizaine de mètres, « une leçon d’escalade », selon Alain Dupaquis. Mais l’évidence est là: il faudra revenir mieux équipé, batteries chargées, pour pouvoir continuer en sécurité. Depuis, une nouvelle session d’équipement a apporté quelques goujons à la voie, sans pour autant l’achever.

7. Le projet Ouverture : Arnaud Petit et Sylvain Millet, en 2009. Hauteur - difficulté : 100 m. ABO++ ( !) 9a+ max ? Une ligne à poursuivre. Seules les deux dernières longueurs estimées à 9a+ sont équipées. « Le reste doit tourner autour du 8 », selon Arnaud Petit. « Pour les futurs mutants ! »

PUNTA DI A MUVRA, 1212m Ce secteur a été essentiellement défriché par les grimpeurs marseillais, très impliqués dans l’escalade à Bavella depuis une trentaine d’années. En plus du sang mêlé corse de certains, leur coopération avec les grimpeurs locaux tels que Carlos Ascensao, Jean-Paul Quilici ou encore Didier Micheli produit une émulation positive et en bonne intelligence à Bavella.

9. Aguirre Ouverture : J. Pascal Collegia et Xavier Legendre, les 5, 6 et 7 juillet 2000. Hauteur - difficulté : 300 m. ED-. 6c max. (6a+ obl.). Première voie de ce secteur de dalles et fissures.


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Friction, extension, mains bien à plat au menu du Dos de l’éléphant, à la Punta di u Corbu (ici dans L3 en 6b+).

parcourue en solo dans le vallon du Pullischellu. Vérité ou légende corse ?

© ULYSSE LEFEBVRE

15. Fitzcaraldo

10. Cobra Verde Ouverture : Sylvie Gariglio et Xavier Legendre, en août 2000. Hauteur - difficulté : 280 m. ED-. 6c max. (6b obl.). Un peu plus dure que sa voisine et tout aussi variée.

11. À Rocca Bianca ou La Résurrection des potes Ouverture : Pierre Clarac, Christian Cervoni, Alain Dupaquis et Jean-Louis Fenouil, en août 2002. Hauteur - difficulté : 400 m. ED+. 7a max. (6b+ obl.). Longue escalade exigeante (13 longueurs) qui voit se reformer la fine équipe marseillaise, avant de nombreuses autres ouvertures à Bavella. De leur côté, Fenouil et Dupaquis grimpent ensemble depuis près de trente-cinq ans et ont fait leurs gammes d’abord en artif, puis en libre dans les Calanques et à Canaille. Fenouil compte plus de 30 voies ouvertes à Bavella. Ils prendront l’orage à deux reprises, à deux longueurs du sommet, avant de revenir une troisième fois pour conclure. L’escalade ellemême ne se laisse pas dompter par le premier venu. « C’est une voie assez dure, et très variée avec quelques passages de bloc, sans temps mort », raconte Dupaquis,

« Christian a fait le tracteur pour tous nous monter ! On a dû se botter le train pour le suivre ! »

12. Bleu comme l’enfer Ouverture : Carlos Ascensao et Xavier Legendre, en quatre jours d’avril et juin 2003. Hauteur - difficulté : 300 m. ED-. 7a+ max. (6b obl.). Cette voie d’escalade très variée fut l’une des dernières voies équipées par Carlos Ascensao, moniteur d’escalade et canyon permanent à Bavella depuis la fin des années 1980. « À cette période, j’ai eu envie de revenir à l’escalade traditionnelle qui, pour moi, est l’essence de l’escalade. Bleu comme l’enfer est l’un des derniers moments où j’ai pris le perfo. » À l’ouverture, Ascensao lit sur sa montre altimètre 52 °C. Lui et le Marseillais Xavier Legendre finiront la voie desséchés.

13. Pas de panique Ouverture : Pierre Clarac, Alain Dupaquis, Jean-Louis Fenouil, les 19 et 20 août 2003. Hauteur - difficulté : 200 m. ED. 7a max. (6b+ obl.). Dupaquis est surexcité par des médicaments contre la crève : « J’y vais, j’y vais ! » Trois mouvements plus tard, c’est le vol et la désillusion. La vitamine C, c’est bien,

la concentration, c’est mieux ! Restons calmes et pas de panique. Dans cette ligne très exigeante (pas durs obligatoires), mieux vaut rester zen. Elle est à éviter après la pluie car soumise au ruissellement.

14. Catarina Ouverture : Alain Dupaquis, Jean-Louis Fenouil et Didier Micheli, les 19 et 20 juin 2004. Hauteur - difficulté : 320 m. TD+. 6b+ max, un pas de 7a+/A0. (6b obl.). L’inoxydable équipe marseillocorse a de nouveau sévi pour ouvrir cette voie technique et quelque peu engagée. Fenouil : « Ça grimpe entre les points ! » D’autant que le local de l’étape est du genre économe dans la protection, comme le raconte Dupaquis : « On était obligé de calmer Micheli et de le forcer à mettre les points plus près ! » Le lendemain, Micheli y retournera pour répéter en solo, corde sur le dos… la voie de descente. Lui qui a laissé tomber son téléphone à l’ouverture espère bien en retrouver au moins la carte SIM et ses contacts. Il le retrouvera intact. Une petite expérience solitaire qui ne l’effraie pas. Quelques années auparavant, il n’aurait pas hésité à utiliser son sac à dos en guise de coinceur dans une voie

Ouverture : Loïc Denante, Alain Dupaquis et Jean-Louis Fenouil, en août 2004. Hauteur - difficulté : 270 m. ED+. 7a+ max. (6c obl.). Dans la foulée de Catarina, une équipe 100 % marseillaise ouvre cette voie dont les longueurs clés se déroulent dans des surplombs retors.

16. Petit plongeoir vers l’abîme Ouverture : Jean-Louis Fenouil et Xavier Legendre, les 5 et 7 août 2009. Hauteur - difficulté : 180 m. ABO-. 7a+ max/A2 (6b obl.) Partiellement équipé. Un beau défi pour cette courte voie dont l’intérêt réside dans le franchissement d’un mur de 15 mètres d’avancée pour 10 mètres de dévers. Non libéré à l’heure actuelle, Jean-Louis Fenouil confirme que « même en artif, son franchissement est une expérience d’escalade exceptionnelle ». Quant à libérer… La voie rejoint ensuite Fitzcaraldo en L8.

17. Eldorado Ouverture : Sylvie Gariglio et Xavier Legendre, les 16 et 18 août 2011, puis achevée le 16 août 2012. Hauteur - difficulté : 400 m. TD+. 6c max, un pas (6a+ obl.). Dernière née dans le secteur, encore absente des topos, cette voie de neuf longueurs en dalles compactes (oubliez les coinceurs !) se rejoint via la même approche qu’Aguirre, avant de suivre la base de la paroi vers la gauche, en descendant jusqu’au pied d’un chêne avec cairn.

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