Ladakh Vue vers le sud, depuis le col de Tia La (5 360 m), point d’orgue de la traversée entre la vallée de la Shyok et celle de l’Indus.
Les hautes couleurs du Ladakh Aux confins de l’Inde, loin des sentiers battus, la chaîne du Ladakh, dont toute la région porte communément le nom, cache encore des itinéraires méconnus riches de paysages grandioses. Dominée par le col de Tia La (5360 m), la traversée PatchatangDomkhar n’est parcourue que depuis un an par de rares marcheurs, et les villageois portent encore dans leurs yeux l’étonnement de la rencontre avec l’étranger. Voyage. TEXTE ET PHOTOS : ULYSSE LEFEBVRE.
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L
a vue se perd loin vers la ligne de crête dentelée, dessinée par les cimes méridionales du Zanskar. Au nord, l’imposant Karakoram laisse entrevoir des îlots de roc et de glace, pointes émergées de quelques mastodontes tendus vers le ciel himalayen. Du col de Tia La, point d’orgue de cette traversée du Ladakh, le souffle est court mais l’esprit vagabonde et prend le pas sur les tensions physiques. Si l’alpiniste mène son corps là où se posent ses yeux, le randonneur plus habitué aux cols qu’aux sommets fait preuve d’une imagination omnipotente. Sa présence déborde jusqu’à l’horizon, tel un sentiment océanique en montagne, dans cet air éthéré aux couleurs saturées.
Contrastes À 4500 mètres d’altitude moyenne, le soleil implacable et le ciel moutonné engendrent une lumière toujours changeante, sur le grand écran minéral d’un cinéma à ciel ouvert. Des premiers
villages bucoliques traversés en début d’itinéraire jusqu’aux canyons arides, le sentier mène progressivement vers les hauts pâturages occupés par les seuls bergers et leurs troupeaux. Au-delà, l’ambiance devient alpine et l’ascension finale vers le col de Tia La se déroule dans les pierriers et la neige. Ainsi, l’ocre caractéristique n’est pas la dominante dans la vaste palette ladakhie. Dès les premiers pas d’une traversée de huit jours, le vert des champs d’orge soigneusement entretenus par les villageois tranche avec le rouge orange des versants montagneux. De la plante cultivée résulte l’étonnante tsampa, une farine de grains d’orge torréfiés que l’on verse au creux de la main, avant de la mettre en bouche cul sec. Étonnant, tout comme le tchang, l’alcool issu de cette graminée et que l’on sert allègrement à l’aide de grosses carafes emplies du précieux breuvage. En lieu et place du traditionnel thé au beurre de yack, le tchang étanche une soif d’un autre ordre. Lieux bucoliques, il règne
dans les villages de Patchatang, Largyap Yogma ou encore Largyap Gonma une douceur de vivre évidente. Les nombreux canaux, veines bleutées qui strient les villages, y sont pour beaucoup. Dans cet environnement aride, les villageois ingénieux ont habilement détourné quelques bras du Spangmarmo (« le torrent vert et rouge ») vers un réseau de canaux traversant le cœur des villages, pour l’eau courante et l’irrigation. Le bivouac à proximité n’en est que plus confortable. D’un bleu turquoise, de
nombreuses vasques naturelles ponctuent également le chemin et rafraîchissent le marcheur qui suit ce chapelet comme le pèlerin égrène les perles. Plutôt que la grâce du croyant, c’est la fraîcheur des eaux glaciaires qui est convoitée, sous l’étouffante chaleur qui persiste à 4500 mètres d’altitude. Au-delà, le blanc de la neige et des glaciers environnants devient prégnant et clôt la gamme chromatique. Le champ de fleurs multicolores qui ceint Largyap Gonma apporte une dernière touche candide à ce tableau, entre impressionnisme et art naïf.
Géants À gauche (haut) : le trek longe en quasipermanence le torrent du Spangmarmo puis de Phacha. L’eau turquoise de cette vasque proche du camp 4 440 m atteint à peine les 5 °C. À gauche (bas) : les murs de manis sont constitués de pierres gravées des six caractères sacrés du bouddhisme.
Autant être prévenu, un voyage au Ladakh commence pourtant le plus souvent par une bonne claque, du genre qu’on attend mais qu’on ne voit pas venir pour autant. Si ce plateau d’altitude parmi les plus arides du monde est blotti derrière la chaîne himalayenne, il n’en reste pas moins en territoire indien, dans l’état de Jammu et Cachemire. Autant dire que le
passage obligé par Delhi est en complet décalage avec la quiétude recherchée au Ladakh (Delhi, 17 millions d’habitants), sa sérénité bouddhiste (hindouisme ostentatoire et bariolé de la capitale indienne) et son climat sec et vivifiant (pluies de mousson récurrentes dans la mégapole étouffante). Sans parler du bruit et de ces épices bien présentes dans l’air et les assiettes, à en faire perdre le nord. Il faut pourtant garder le cap pour rejoindre le Ladakh, perché 1 000 kilomètres plus haut, barrière septentrionale du pays, entre les géants Pakistan et Chine. Là, le trekkeur en mal d’immensité trouvera les superlatifs pour se remettre à sa place. Au sud du fleuve sacré Indus, dernier trait d’union entre l’Inde et son voisin pakistanais abhorré, le Zanskar déroule ses pics, du Nunkun (7135 m) au Stok Kangri (6 123 m). Au nord, la chaîne du Ladakh reste paradoxalement la moins fréquentée, pour cause de verrouillage gouvernemental. Le Pakistan est tout proche et la vallée de la Shyok,
qui offre de nombreux points d’entrée ou de sortie au Ladakh, est aussi un axe de passage aisé vers le pays ennemi. Depuis un demisiècle, les deux puissances atomiques se livrent une guerre froide avec pour casus belli l’occupation d’un périmètre des montagnes du Cachemire. L’armée indienne, omniprésente, stationne sur les rives de la Shyok dans de longs baraquements. Plus haut, sur la ligne de front, le glacier de Siachen porte le ridicule de la guerre à son paroxysme. Sur ce champ de bataille de glace, à plus de 6000 mètres d’altitude et dans des conditions de survie extrêmes (on y aurait mesuré des températures descendant jusqu’à -60 °C), soldats pakistanais et indiens s’observent, de marbre. Comme souvent, la mission principale est d’occuper l’espace pour en conserver un semblant de légitimité. Les chutes en crevasses et autres hypothermies causent l’essentiel des pertes humaines. Il fait si froid que même les balles ne sortent plus des fusils ! Coup d’œil vers les flèches de roc vierge. Dans cet univers parsemé de 5 000 et 6 000, on oublierait presque la beauté et l’intérêt des « petits » sommets.
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De haut en bas : ouverture des canaux d’irrigation à Patchatang, départ du trek. Filage de la laine de dzos, croisement de yack et de vache à Skyndiyang. Tissage de la laine sur métier à Largyap Yogma. Jeux dans les canaux de Largyap Yogma. Très jeunes, les enfants peuvent choisir de suivre la voie monastique. Ils restent chez eux mais portent l’habit traditionnel du moine bouddhiste. À gauche : juste après le col de Cham La (4 040 m), descente vers le village-oasis de Skyndiyang, niché au cœur des strates typiques du Ladakh. En arrière-plan à droite se cache le col de Junu La (3 800 m), objectif du lendemain.
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Ladakh Au col de Temong La (3 900 m), le paysage devient désertique et apporte de nouvelles couleurs. Le contraste est radical avec les ambiances bucoliques des villages ou alpines de part et d’autres du Tia La.
Foules et routes d’un désert d’altitude Ouverte au tourisme depuis 1974, la région du Ladakh et du Zanskar est aujourd’hui très fréquentée par des marcheurs de tous horizons. Environ cent mille visiteurs se sont rendus dans la région en 2011. La fermeture du Tibet n’est pas pour rien dans l’essor du tourisme chez le voisin indien. Ce haut plateau d’altitude est le prolongement du plateau tibétain. Les nombreux réfugiés tibétains et la forte culture bouddhiste des lieux font du Ladakh-Zanskar un petit Tibet. Cet afflux croissant de randonneurs met du plomb dans l’aile de la solitude, notamment dans les circuits les plus fréquentés du Zanskar (vallée de la Markha, traversée du Zanskar…) où ghesthouses et supérettes ternissent l’image sauvage des lieux. L’activité économique, qui profite aux locaux, est évidemment positive, éternel débat entre développement et authenticité. Surtout,
Ouverture La découverte des vallées inconnues du Ladakh dépend donc des aléas d’un conflit depuis longtemps gelé. Fin 2010, la circulation des étrangers est autorisée dans la vallée audelà de Hundar, au prix de nombreux check points. Patchatang se révèle être une bonne porte d’entrée dans ce versant mal connu du Ladakh. Le village est l’un des rares peuplés en majorité de musulmans. Ces derniers sont issus du Pakistan tout proche et viennent trouver de la terre dans des communautés agricoles en perte de vitesse. Le développement des axes
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le projet gouvernemental d’apporter à tous les villages indiens une route carrossable d’ici 2015 tisse un réseau de pistes le long des itinéraires de trek. Fin connaisseur du trekking dans la région pour y travailler depuis 1984 et défricheur de nouveaux itinéraires (la traversée ici décrite notamment), SB Gurong, directeur de l’agence ladakhie Adventure Tours, explique sans détours les conséquences sur l’activité de ces réseaux : « Le trekking au Zanskar, c’est fini. Il y a des routes partout. Il faut maintenant aller plus loin, au nord, vers Pongon Lake par exemple, pour trouver de nouveaux itinéraires et retrouver l’esprit du trek. » Dorjay, guide dans la même agence, illustre cette problématique : « Aujourd’hui, seules trois étapes sur dix de la traversée du Zanskar entre Lamayuru et Padum ne sont pas longées par une piste carrossable. » L’aventure est donc désormais à chercher ailleurs.
de communication, aussi chaotiques soient-ils, rend plus accessibles les lumières de la ville et les promesses du tourisme. Comme souvent, l’émigration comble les vides laissés par les locaux. On aurait pourtant tort de croire ces hautes montagnes désertes et l’exode rural massif. Les villageois perpétuent les modes de vie ancestraux tout en prenant le meilleur de la modernité. La piste carrossable ouverte depuis 2000 permet d’accéder rapidement à la vallée, à ses villages mais aussi à ses habitantes. Au col de Tia La, les quelques drapeaux à prières révèlent le passage déjà ancien des hommes
des villages. Au-delà du commerce, ces derniers franchissaient le col pour rejoindre la vallée de l’Indus et trouver une femme. Aujourd’hui, ils ont plus vite fait de redescendre dans la vallée de la Shyok par la piste pour trouver l’âme sœur. Les voies du cœur s’adaptent elles aussi.
Loin La route menant au point de départ du trek est une aventure en soi : cinq heures depuis Leh, la capitale, le col routier du Kardhung La, à 5 358 mètres et surtout, des paysages vertigineux. Au détour d’une épingle, en arrivant dans la vallée de la Shyok, un belvédère permet d’en embrasser l’immensité. À sa confluence avec la Nubra, le petit village de Tsatar blotti dans le lit du démesuré torrent n’est qu’une petite tache verte, un galet de vie dans le cours impétueux de la Shyok. Et lorsque la route plonge dans ce qui fut son lit de crue, c’est l’humilité qui étreint l’homme minuscule, de toutes ses forces torrentielles. Dans cet environnement à la densité de population proche de zéro, un rayon de soleil illumine les murs blancs du monastère de Diskit. Il y a toujours des hommes pieux qui, se rapprochant de leurs cieux, occupent les hauts versants les plus reculés. Pour l’heure, c’est l’un des principaux atouts de cette traversée : le seul touriste que l’on rencontre est bien souvent soi-même, dans une région où la spiritualité bouddhiste ne peut laisser de marbre. Outre les apparats monastiques et les nombreux temples, il règne une sérénité bienveillante propice à l’introspection. Loin des foules de randonneurs concentrés à Leh, avant de se disséminer essentiellement dans le populaire Zanskar, la vallée de la Shyok ouvre d’autres portes, vers des sentiers colorés qui ne demandent qu’à être foulés. i
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Le Ladakh du nord au sud Ce trek traverse la chaîne du Ladakh en cinq jours avec, pour point d’orgue, le passage du col de Tia La (5 360 m). L’itinéraire redescend ensuite vers la vallée de l’Indus avant de repartir vers le nord-ouest pour finir dans la vallée de Domkar Dogpo en trois jours, à une douzaine de kilomètres de Skurbuchan. L’intérêt principal est de cheminer dans des paysages très variés (vallée agricole, ambiances minérales, haute montagne et glaciers, canyons arides) tout en permettant la rencontre avec des villageois. L’eau, omniprésente, facilite la logistique du bivouac.
J1. Patchatang, 3 500 mLargyap Yogma,3 800 m D+ : 300 m. Durée : 3 h. Itinéraire: départ avant le pont enjambant le profond canyon à l’aval du village. Le traverser puis remonter vers le village. Passer devant l’étonnante petite mosquée, rare monument de l’islam en cette terre bouddhiste. Sortir du village après un deuxième pont puis remonter la vallée du Spangmarmo Lungpa (ou vallée de Largyap pour les locaux) en rive gauche, d’abord
dans une gorge étroite puis dans l’ancien lit du torrent, entre blocs et galets. Un pont permet de passer en rive droite. Les champs d’orge du village de Largyap Yogma (« Largyap le bas ») apparaissent, oasis de verdure au cœur du roc. Demander l’autorisation d’utiliser un petit pré pour planter la tente, en échange d’une modeste participation. Le village est traversé par plusieurs canaux qui détournent le torrent et offrent de l’eau courante en tout point du village.
J2. Largyap Yogma, 3 800 m-camp 4 400 m D+ : 600 m. Durée : 4 h. Itinéraire : sortir du village en continuant de remonter la vallée. Atteindre le village fleuri de Largyap Gonma (« Largyap le haut ») en une heure environ. En sortir en restant rive droite, par un chemin marqué qui s’élève par rapport au torrent. Arrivé à une fourche, prendre la vallée de droite. Cheminer sur des montagnes russes de limon jusqu’à ce que le torrent
s’élargisse dans un grand festonnement. Le traverser pour trouver une vaste berge herbeuse. Une vasque turquoise et glaciale, cachée en contrebas, contraste avec l’environnement minéral.
J3. Camp 4 400 malpage de Larsey Spangpoche, 4 980 m D+ : 580 m. Durée :6 h. Itinéraire : longue mais magnifique remontée de la vallée jusqu’au pied du col
Patchatang 3 500 m
VAL LÉE DE LA
Largyap Yogma 3 800 m Camp 4 400 m
Alpage de Larsey Spangpoche 4 980 m Col de Tia la 5 360 m Dakstang Yogma 4 980 m
Domkhar Balma 3 400 m
Alpage de Chutangmo 4 330 m
Col 3 880 m Smolchang Collet 3 670 m Col Junu la 3 575 m 3 800 m Col Niarmo la 3 780 m Skyndiyang 3 550 m
Col Cham-la 4 040 m Monastère de Teya 3 600 m
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Teya 3 660 m
0 km
env. 6 km
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VALLÉE DE L'INDUS
SHY OK
Ci-dessus : le jeune moine de Largyap Yogma ne manque pas de redonner l’élan nécessaire au moulin à prières du village, qui s’aborde toujours par la gauche. À droite : le coucher de soleil embrase le ciel au bivouac de Dakstang Yogma (4 980 m).
de Tia La. Évident, le chemin mène à un environnement plus typé haute montagne. Les pics enneigés et les glaciers masquent l’horizon tandis que le sentier évolue au travers de moraines. Un camp de bergers nomades, aux enclos de pierre, se situe à mi-chemin. Bivouac dans un vaste alpage avec vue grandiose sur les sommets alentours.
J4. Alpage de Larsey Spangpoche, 4 980 mcol de Tia La, 5 360 mDakstang Yogma, 4 980 m D+ : 510 m ; D- : 380 m. Durée : 6 h. Itinéraire : remonter vers l’imposante moraine au pied du col avant d’atteindre une pente de neige peu raide qui ne nécessite pas de crampons. L’ambiance haute montagne est alors bien présente, avec du gaz et un granite à regretter le brin de corde. Le col apparaît. Poursuivre dans le vallon enneigé ou retrouver son flanc rocheux pour rejoindre le Tia La. La vue porte jusqu’à l’horizon hérissé du Zanskar, au sud. Redescendre par un sentier rocheux. La pente s’adoucit progressivement jusqu’à rejoindre une petite plaine en bord de torrent. Les quelques yacks et les nombreux dzos (croisement de la vache et du yack) dans ces alpages d’altitude animent le bivouac.
J5. Dakstang Yogma, 4 980 m-Teya, 3 440 m D- : 1 540 m. Durée : 6 h. Itinéraire : continuer à descendre la vallée de Phacha Togpo au mieux, selon les nombreuses traversées de torrent nécessaires. Le chemin devient de plus en plus évident passé l’alpage de Chutangmo (4 330 m). Une plante à l’odeur et l’aspect du génépi tapisse les abords du chemin jusqu’aux ruines de l’ancien village de Teya, dont il ne reste que quelques murets et terrasses. Une visite du monastère de Teya (3 600 m) est possible, un peu plus à l’aval. Arrivé au village, deux possibilités : établir le camp sur la plate-forme poussiéreuse dédiée dans le village, au bord du torrent, ou poursuivre la marche en sortant du village et en remontant vers les pâturages à l’amont, en évitant d’abîmer les champs d’orge. Au-delà, l’absence d’eau deviendrait problématique pour un camp. Il est également possible de couper cette étape en deux, en bivouaquant dans l’alpage de Chutangmo (4 330 m) qui signifie « eaux froides » comme le prouve plus que tous les autres, le torrent qui le traverse. Il en résulte deux journées de trois heures de marche pour 650 m puis 890 m de dénivelé négatif. La traversée de la chaîne du Ladakh proprement dite touche à sa fin et il est possible
infos pratiques Accès Le Ladakh est situé à l’extrême nord de l’Inde, au carrefour du Pakistan et de la Chine, dans la province de Jammu et Cachemire. Delhi est un passage obligé avant de mettre le cap au nord. La capitale indienne est éprouvante. Même prévenu, même expérimenté, le voyageur est forcément déboussolé. Il vaut mieux se garder quelques jours de visite en fin de séjour plutôt que de se fatiguer avant le trek. De Delhi, le plus simple et le plus rapide est de prendre un avion jusqu’à Leh, la capitale ladakhie (1 000 km, 1 h 20). L’arrivée dans la ville située à 3 600 m d’altitude peut faire tourner la tête pendant un jour ou deux. Mieux vaut réserver son vol car la ligne est prise d’assaut en saison. Les deux compagnies principales sont Jet Airways (www.jetairways.com) et Air India (www.airindia.com). Plus long mais tellement plus intéressant, le trajet en bus est une belle aventure de deux à trois jours, qui demande de la patience et une sérieuse résistance aux aléas de la route : distance, pistes défoncées, bus plus ou moins confortables mais chauffeurs toujours furieux, cols à plus de 5 000 m (Taglang La, 5 328 m). Le paysage, lui, est grandiose surtout après Manali, première ville du contrefort himalayen. Delhi-Manali : 15 h de bus. Une étape d’un soir par Chandigarh,
en train, permet de couper le trajet et de découvrir l’ambiance du train à l’indienne. La ville en elle-même, étonnante réalisation de l’architecte français Le Corbusier, plonge le visiteur dans ses rues de béton rectilignes qui contrastent avec le joyeux désordre indien. Manali-Leh : 21 h (la plupart des compagnies font étape à Keylong). Le clou du voyage. Il est loin le temps où Manali était une étape de voyageurs. C’est aujourd’hui une petite bourgade ultra-touristique où l’on boit des bières et l’on fume de l’herbe dans des bars lounge, après un peu de shopping ou un ajout de dreadlocks. Le départ nocturne pour Leh n’en est que meilleur, jusqu’aux premiers rayons de soleil laissant apparaître les plaines arides du plateau ladakhi et ses sommets enneigés. Le trek démarre au village de Patchatang, à l’ouest de la vallée de la Shyok et à moins de 40 km de la frontière pakistanaise. Pour atteindre ce petit village musulman en terre bouddhiste, près de cinq heures de piste sont nécessaires depuis Leh, via le Khardung La, annoncé comme le plus haut col routier du monde à 5 602 m, mais en réalité à 5 358 m.
Période et climat Le Ladakh ne subit normalement pas la mousson, ce qui en fait l’une des rares destinations sèches
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infos pratiques de l’Inde en juin, juillet et août, la barrière himalayenne au sud du plateau bloquant les masses d’air humide. Des pluies exceptionnelles et parfois désastreuses pour la région se produisent de temps en temps lors des plus fortes moussons, comme en 2006 et 2010. En septembre et octobre, le temps est encore beau mais le froid s’intensifie et la neige peut faire son apparition. Il fait souvent très chaud au Ladakh et il ne faut pas s’étonner de randonner sous 30 °C à plus de 4 000 m. Les nuits sont en revanche froides et nécessitent un équipement de bivouac de montagne.
mais enlève une part de plaisir non négligeable. Quant aux chevaux et autres mules, ils sont réservés dès le printemps et il devient quasi impossible d’en trouver un sur place soi-même. À anticiper dès le printemps. Les seuls guides à connaître ce trek sont ceux d’Adventure Tours à Leh. Ce sont eux qui l’ont défriché et en ont réalisé les quelques aménagements nécessaires (soutènement de chemins, ponts pour les trekkeurs mais aussi les villageois). N’étant pas encore officiellement à leur catalogue, il faut les contacter directement pour l’organiser. www.adventure-tours.in
Encadrement
Topos
Il est assez compliqué de réaliser ce trek par soi-même, mais pas impossible. L’éloignement du point de départ (ou d’arrivée selon le sens de parcours), à quelque six heures de pistes de Leh nécessite un taxi car les bus sont très rares. Le portage est peut-être le point le plus sensible. À plus de 5 000 m, un sac lourd rempli de nourriture et de matériel de bivouac pour huit jours se portera toujours,
Cet itinéraire est assez nouveau et accessible depuis deux saisons après que le gouvernement ait ouvert le secteur aux touristes fin 2010. À ce jour, il n’est pas décrit précisément mais est mentionné dans le guide Olizane LadakhZanskar de 2011.
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Carte Difficile de trouver une carte détaillée et précise de la région.
Ci-dessus : rencontre avec un dzo. Peu farouches, on se méfiera néanmoins de leur caractère aussi versatile que leurs cornes sont pointues. En haut : les ponts entretenus par les défricheurs d’itinéraires pour leurs clients randonneurs s’avèrent également utiles aux villageois.
de regagner facilement la vallée de l’Indus pour rentrer en bus à Leh. Cependant, il serait dommage de manquer les paysages très différents et variés que l’on rencontre durant les trois jours suivants.
J6. Teya, 3 660 mSkyndiyang, 3 550 m D+ : 575 m ; D- : 500 m. Durée : 3 h 30. Itinéraire: sortir de Teya en direction du nord-ouest jusqu’au collet de Temong La (3900 m). Le paysage change radicalement pour devenir désertique, ponctué de quelques dunes et d’une roche ocre, creusée par l’érosion qui n’est pas sans rappeler le rocher corse de Bavella. Poursuivre sur le sentier évident qui mène vers un deuxième collet à peine plus haut, le Cham La (4040 m). De là, la vue porte vers une série de strates rocheuses caractéristiques, où se cache
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les couleurs classiques du Ladakh à l’alpage de Larsey Spangpoche (4 980 m) : bleu, ocre et vert.
infos pratiques L’une des cartes mentionnées ici vingtaine d’euros selon peut faire l’affaire mais un le nombre de jours et la repérage préalable de l’itinéraire commission de l’agence. sur la carte peut éviter quelques confusions une fois sur le terrain. Santé pIndian Himalaya, Trekking pAucun vaccin n’est obligatoire Map, 1 : 350 000, Terra Quest. pour l’Inde. Les moustiques Une échelle vertigineuse et le paludisme sont absents mais qui offre une bonne vue des hautes terres du Ladakh. d’ensemble du nord de l’Inde Selon la durée de transit à et de ses massifs montagneux. Delhi, un traitement préventif Au verso, une quinzaine peut être utile. Il est également de treks sont tracés sur des recommandé de mettre à jour fonds de carte plus détaillés. ses vaccins antitétanos, pLadakh & Zanskar nord, Brogantityphoïde et contre Yul, Nubra, Shyok, 1 : 150 000, l’hépatite A. éd. Olizane. La carte la plus pDes pastilles de traitement utilisée car l’une des seules de l’eau sont nécessaires à fond topographique. Plus en montagne, les troupeaux ou moins précise selon les étant nombreux. Une bonne secteurs, avec des erreurs dose d’aspirine soulagera corrigées au fil des éditions. des effets de l’altitude. Secteurs centre et sud également disponibles. Bibliographie D’aucuns diront qu’il ne faut Visa et permis jamais emporter de livres pUn visa est nécessaire pour portant sur la région visitée. entrer en territoire indien. Voilà donc quelques ouvrages Démarche et formulaire sur à lire avant l’atterrissage. www.vfs-in-fr.com. Compter pOlivier Föllmi, Deux hivers un mois pour être serein. au Zanskar, éd. Olizane. pPour cette traversée du Ladakh pOlivier Föllmi, Si près des en particulier, un permis est dieux, si loin des hommes, nécessaire. C’est une simple éd. La Martinière formalité à demander pJulie Baudin, David Ducoin, en agence. Compter une Zanskar intime, éd. Glénat.
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un col, au programme du lendemain. Descendre le chemin vers le village de Skyndiyang (3550 m), véritable oasis dans ce paysage lunaire. Le bivouac est possible dans une pâture tout de suite à droite avant l’entrée dans le centre du village. L’impressionnant tapis d’edelweiss constituera un matelas confortable. Droit de campement demandé.
J7. Skyndiyang, 3 550 mSmolchang, 3 575 m D+ : 800 m ; D- : 775 m. Durée : 6 h. Itinéraire: en sortant de l’aire de bivouac, vers le village, longer bien à droite pour rejoindre un évident canyon. Le plus souvent asséché, le remonter dans son lit entre d’impressionnantes tours de conglomérats et de limons. Après une montée sèche, atteindre le col de Junu La (3800 m). En cas de pluie, le chemin se transforme en sente instable, voire en torrent. Emprunter alors un chemin de crête en rive droite, un peu plus technique. Le décor rappelle l’ouest américain et l’eau se fait rare. On peut en trouver dans un petit ruisseau lors de la remontée vers un deuxième col, le Niarmo La (3780 m). La descente est ensuite ultrarapide
grâce aux pentes de sable fin qui permettent de couper droit dans la pente. Traverser une petite vallée par un sentier balcon, franchir un dernier collet à 3670 m, avant de redescendre sur un site de bivouac avec terrasses. Se contenter d’un mince filet d’eau.
J8. Smolchang, 3 575 mDomkhar Balma, 3 400 m D+ : 305 m ; D- : 480 m. Durée : 4 h. Itinéraire : remonter à l’amont du camp vers un canyon à l’ambiance grandiose. Il mène au col 3 880 m, brèche taillée dans le granite rose. L’ambiance dans la descente est tout aussi impressionnante, avec cheminées de fées et désescalade facile de blocs et vasques érodées. À la sortie du canyon, traverser le torrent par un pont aménagé pour regagner la rive droite. Deux possibilités ensuite : attendre un bus en direction de Khalse (25 km) dans la vallée de l’Indus, puis Leh, ou remonter 1 km au nord pour passer une dernière nuit dans une aire de bivouac au bord du Domkar Dogpo. Pour y descendre, passer un muret gris caractéristique.