mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique novembre 2009 • numéro 300
Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)
hommage
Marek Edelman 1919-2009
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BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511
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sommaire
hommage ➜
hommage
1 Marek Edelman ......................................................................... Henri Wajnblum
israël-palestine
Marek Edelman
israël
wtnem reledyya N
lire
un homme honorabl
6 Mensonges antisémites...................................................................... Uri Avnery 8 Vingt prisonnières contre une vidéo.................................. Thérèse Liebmann
10 Les Palestiniens d’Israël .......................................................... Henri Wajnblum
12 Jan Karski. Le messager ignoré ......................................Tessa Parzenczewski
écrire
13 Djonnki-pour ....... ........................................................................... Andres Sorin
HENRI WAJNBLUM
regarder
14 La descendance de Darwin .......................................................... Jacques Aron 16 Simon Konianski et Les Barons ..........................................Carine Bratzlavsky 18 Apocalypse ou l’art de la retouche .................................... Roland Baumann
lire, regarder, écouter
20 Notules d’octobre ....................................................................... Gérard Preszow
anniversaire
22 Points critiques, un rayonnement sans centre ..................... Henri Goldman
réfléchir
24 « Sand » ou la bonne nouvelle ...................................................... Alain Mihály 26 Ces Juifs qui portent la croix ...................................................... Jacques Aron
yiddish ? yiddish !
! widYi ? widYi
28 Yidishe sprikhverter - Proverbes yiddish... .............................Willy Estersohn
humeurs judéo-flamandes
30 Référendum ..................................................................................Anne Gielczyk
le regard 32 La justice belge sur le banc des accusés ................................ Léon Liebmann
cultes et laïcité
34 Jef De Veuster ou le père Damien ...................................... Caroline Sägesser
mémoire
36 Quatre résistantes de Solidarité juive. Genèse d’une exposition .. Jo Szyster 39
activités upjb jeunes
44 Sur des chapeaux de roue ..................................................... Noémie Schonker
diasporas
46 Deux dynasties khassidiques en Pologne ........................ Mordkhe Bauman 48
les agendas novembre 2009 * n°300 • page 2
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out le monde doit finir par tirer un jour sa révérence, les grands hommes et les héros au même titre que les communs des mortels. Marek Edelman, qui était tout cela : un grand homme, un héros aussi quoi qu’il en disait, mais qui se voulait avant tout un commun des mortels, l’a fait le 2 octobre dernier à l’âge respectable de 90 ans, ou de 87, ou de 88, il ne savait lui-même pas très bien ; mais toujours est-il que les documents officiels d’état-civil indiquent qu’il est né le 19 janvier 1919 à Gomel en Pologne de l’Est, située aujourd’hui en Biélorussie. Peu importe d’ailleurs qu’il ait vécu jusqu’à l’âge de 90, de 87 ou de 88 ans, sa vie fut des plus remplies, une vie exemplaire qui l’a conduit du militantisme dans les rues de Varsovie, ma ville aimaitil à dire, la ville où j’ai appris le polonais, le yiddish et l’allemand, au ghetto du même nom, à la résistance et à l’insurrection dans ce ghetto ainsi que, après la des-
n
dyya N=, an eydeler mentsh,
orable vient de nous quitter Marek Edelman 1946
truction de celui-ci, combattant lors du soulèvement de Varsovie, et enfin, à l’Université où il fit médecine et une spécialisation en cardiologie. Durant toute sa vie, Marek Edelman, suivant en cela l’héritage de ses parents qu’il a perdus très tôt, est resté fidèle aux idéaux du Bund (Der Algemeyner Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland, l’Union générale des ouvriers juifs de Lituanie, Pologne et Russie), première organisation socialiste, juive, marxiste et antisioniste, créée le 7 octobre 1897 dans une petite chambre de Vilna. La célébrité de Marek Edelman est évidemment, et probablement essentiellement, due au fait qu’il était le dernier survivant de la direction de l’Organisation Juive de Combat du ghetto de Varsovie qui donna le signal du soulèvement le 19 avril 1943. Ça l’énervait lorsqu’on lui parlait d’héroïsme, « Je ne sais pas ce que c’est », disait-il,« la défense du Ghetto n’avait rien d’inattendu. Elle était la suite logique de qua-
tre années de résistance d’une population enfermée dans des conditions inhumaines, humiliée, méprisée, traitée, selon l’idéologie des vainqueurs, comme des sous-hommes. Malgré ces conditions dramatiques, les habitants du ghetto ont, dans la mesure du possible, organisé leur vie selon les plus hautes valeurs européennes. Alors que le pouvoir criminel de l’occupant leur refusait tout droit à l’éducation, à la culture, à la pensée, à la vie, voire à une mort digne, ils ont créé des universités clandestines, des écoles, des associations et une presse. Ces actions qui engendraient la résistance contre tout ce qui menaçait le droit à une vie digne, ont eu pour conséquence l’insurrection. Celle-ci était l’ultime moyen de refus des conditions de vie et de mort inhumaines, l’ultime acte de lutte contre la barbarie et pour la sauvegarde de la dignité.» et encore, « Nous avions décidé de mourir les armes à la main. C’est tout. C’était plus facile que de donner ses habits à un Alle-
mand et de marcher, nu, vers la chambre à gaz. » Et quand on lui demandait pourquoi il avait décidé de rester à Varsovie et n’avait pas suivi ses nombreux compagnons de lutte qui avaient émigré en Israël pour fuir l’antisémitisme polonais qui n’avait rien perdu de sa vigueur malgré le judéocide, la réponse était claire et sans appel : « C’est ici qu’est enterré mon peuple. Je suis resté car je suis le gardien des tombes juives. »
LE BUND ET L’UPJB Depuis de nombreuses années, l’UPJB rend hommage, le 19 avril, aux Insurgés du ghetto et ne manque jamais de citer Marek Edelman. En 1997, l’UPJB avait aussi décidé de réinterroger le Bund à l’occasion du 100ème anniversaire de sa création. C’est René Raindorf qui était à l’origine de ce projet. Sa proposition était à la fois emballante et embarrassante pour l’UPJB… Emballante parce qu’il semblait en effet
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➜ à beaucoup d’entre nous que l’occasion était belle de rendre enfin au Bund la place qui lui revient dans la mémoire juive et socialiste, et de procéder à l’inventaire de son héritage dont nous étions convaincus qu’il nous fournirait de quoi abondamment alimenter et enrichir non seulement la réflexion qui nous occupait et nous occupe toujours aujourd’hui sur notre identité de Juifs ayant choisi le statut diasporique, mais aussi sur la question plus générale de la place et des droits des minorités nationales ou culturelles quelles qu’elles soient au sein du groupe majoritaire. Mais la proposition de René était également embarrassante pour nous. L’UPJB ne se proclamet-elle pas héritière de Solidarité Juive dont la filiation communiste pourrait difficilement être niée et, à ce titre, adversaire déterminée du Bund lors de son époque glorieuse et même après ? N’étionsnous pas nous aussi, au même
titre que les sionistes, responsables de l’assourdissant silence qui s’est abattu sur son histoire et ses idées au sein du monde juif après sa disparition en tant que courant organisé ? La réponse à ces questions ne faisait aucun doute. Mais était-ce une raison pour nous abstenir de réfléchir sur les enseignements du Bund et, même, de lui rendre hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance alors que beaucoup, parmi ceux qui fréquentaient, et fréquentent encore, l’UPJB, se reconnaissent dans son discours identitaire et nationalitaire ? Nous avions estimé que non. Conscients cependant de n’être pas les dépositaires de l’héritage bundiste, nous avons décidé alors de créer un Collectif pour mener ce projet à bien, ouvert à toutes celles et à tous ceux qui se sentaient interpellés par le discours aussi bien identitaire que social du Bund. Il serait excessif de prétendre que notre appel a con-
Chers amis et camarades, Il y a cent ans dans une petite chambre à Vilna, Arkadi Kremer, Wladimir Kowski, John Mill et dix autres personnes créèrent la première organisation politique juive, le Bund. C’est cette organisation qui affirma « Les hommes, qu’ils soient juifs, chinois ou polonais sont égaux ». Elle redressa la colonne vertébrale du monde juif. Elle le fit sortir des échoppes, des ateliers de nuit, des kheyders. C’était la première organisation d’Europe orientale qui proclama que tous les hommes sont égaux. (…) Cet esprit de liberté, d’égalité et de fraternité dans la population juive trouve son origine dans cette réunion de fondation. Il fut l’inspiration pendant de longues années de l’ensemble du mouvement juif. Il a traversé différents stades ; en Russie son destin fut tragique, en Lituanie il cessa d’exister, en Pologne, il devint un mouvement de masse. En effet, dans les années ’30, il est entré dans le conseil municipal de Varsovie avec 17% du total des élus. C’était une force politique liée au mouvement socialiste polonais, à savoir le PPS (parti so-
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nu un large écho en dehors de nos rangs. En fait, seule Thérèse Mangot y avait répondu. Tant pis pour ceux, au sein de la communauté juive, que l’idée d’organiser quoi que ce soit de commun avec l’UPJB faisait et fait encore frémir…Tant pis, parce que le colloque du 8 novembre 1997, intitulé « Minorités, Démocratie, Diasporas » fut une incontestable réussite. Comment aurions-nous pu envisager un colloque sur le centenaire du Bund sans inviter Marek Edelman ? Il avait immédiatement répondu favorablement à notre invitation. La maladie en avait toutefois décidé autrement. Mais il avait tenu à nous adresser un message qui fut lu devant un public, nombreux, extrêmement ému, un message dans lequel il parlait beaucoup plus de ses camarades de combat que de lui-même. En voici des extraits en guise d’ultime hommage… ■
cialiste de Pologne). Le PPS et le Bund disposaient ensemble de la majorité au conseil municipal de Varsovie. Il faut aussi se rappeler qu’il a défendu Varsovie contre l’invasion hitlérienne. C’était en fait les bataillons ouvriers qui épaulèrent les restes de l’armée polonaise en déroute. Les bataillons ouvriers (organisés autour de la rédaction du journal Robotnik, « l’Ouvrier » comptaient 14.000 personnes dont 7.000 étaient des ouvriers juifs. C’est à ce momentlà que périrent les premiers membres du Bund sur les barricades de Wola, Zoliborz, Ochota (quartiers de Varsovie). Il faut aussi rappeler que le combat mené alors par le Bund dans cette guerre ne se limitait pas seulement à défendre la liberté des seuls Juifs, c’était une lutte pour la liberté du monde contre le nazisme. À l’époque, nos hommes étaient encore à Varsovie : Artur Zygielbojm, Abrasza Blum, M. Niedzialkowski, Puzak. Ce sont ces hommes qui défendaient Varsovie et il faut s’en souvenir. Cela ne dura pas longtemps : 28 jours. Les Allemands occupèrent la ville et prirent des otages ; il y en eu douze dont
deux des nôtres : Artur Zygielbojm et Estera Alterlwinska. (…) Nous étions une force qui comptait et c’est pour cela que le commandant allemand avait pris des bundistes en otages. (…) Le Bund en tant qu’organisation n’existe plus aujourd’hui, mais son esprit est toujours présent à Varsovie ; ainsi la loi polonaise actuelle sur les minorités nationales correspond au programme du Bund élaboré dans cette petite chambre de Vilna. Puis le ghetto fut mis en place, il nous y enfermèrent tous ; nous ne pouvions aller à l’école, ni chanter, ni danser, ni lire des livres et de plus nous n’avions rien à manger. Nous savions, bien entendu, que cela allait mal se terminer, mais ne fallait-il pas mourir comme des hommes ? Nous nous sommes efforcés à ce que pendant toute cette période tragique où il faisait sale, faim, pouilleux, les hommes restent des hommes. C’est nous qui, tous les soirs, organisions dans les cours intérieures des maisons des soirées littéraires auxquelles prenaient part des acteurs ainsi que des jeunes qui lisaient des textes. C’est cette activité qui fut la première activité de résistance. Il était interdit de faire fonctionner les écoles, donc, sous le couvert de cuisines populaires, nous organisions des écoles primaires et ensuite des lycées, et enfin, nous avons même dispensé des cours d’enseignement supérieur. L’esprit de liberté et d’égalité a été présent durant toute la période du ghetto. À la fin les ghettos furent liquidés. C’est dans le ghetto de Varsovie qu’eut lieu le premier soulèvement armé de réelle ampleur. Dans ce ghetto, on vit se réaliser l’esprit du Bund. Il s’avère que les idéologues, les inspirateurs et organisateurs de la résistance étaient en premier lieu des membres du Bund. (…) La résistance ferme de nos négociateurs dans les discussions avec les représentants des autres mouvements dans le ghetto a abouti à la création de l’Organisation juive de combat (OJC), et on peut dire ce qu’on veut, mais l’âme de l’OJC fut dès le début le Bund. Nous avons créé l’OJC lorsqu’il n’était pas encore question de liquidation massive des Juifs. Nous étions une organisation de masse, mais, hélas, lors d’un massacre massif, ce sont les masses qui disparaissent et seules subsistent des unités, et c’est pourquoi nous ne sommes restés que quelques-uns. Je ne vous en dirai pas plus aujourd’hui, mais je me sens obligé de citer toutes ces personnes parce que je ne sais pas si l’occasion se représentera de parler de ceux qui constituaient le noyau de no-
tre action. Abrasza Blum tout d’abord qui était l’âme et la conscience de ce mouvement. Cet homme a su, dans les pires conditions, organiser l’aide sociale, s’occuper des tracts et des journaux. Il y avait aussi le petit Maurice Orzech qui était capable d’évaluer correctement la situation politique internationale, Berek Szneidmil, Bernard Goldsztajn, Lozer Klog qui dirigeait les syndicats, ainsi que Sonia Novogrodzka qui fut emmenée vers les chambres à gaz de l’endroit même où elle donnait de la nourriture à des enfants. C’est elle qui organisa l’enseignement dans le ghetto ; on peut donc la mettre sur un pied d’égalité avec Janusz Korczak. Il faut se souvenir qu’elle était des nôtres, de notre engagement bundiste. Il y avait aussi des plus jeunes : Henio Krus, un homme qui ne vivait que par et pour notre mouvement ; Miriam Szyfman, une jeune fille qui avait organisé toute la distribution de la presse clandestine dans le ghetto. Des plus jeunes encore qui organisaient, avec Pola Liwszyc et Mania Katc, des représentations théâtrales pour les enfants ainsi que des récitals de chansons yiddish. Tout cela se faisait à huis clos, dans la clandestinité. Je dois encore évoquer ceux qui étaient les plus courageux et qui prenaient le plus de risques, c’està-dire les agents de liaison, ceux qui nous confirmaient que nous n’étions pas seuls dans notre combat, que nous étions en contact avec la Pologne qui luttait, qui combattait le fascisme. Je pense à Michal Klepfisz, Zygmunt Frydrych, Wladek Peltel-Mit, Marysia Warman, Inka Swidowska. Ce sont toutes ces personnes qui nous reliaient au monde extérieur. Il y avait aussi nos enfants élevés par Sonia Nowogrodzka : Jurek Blones, Janek Bilak, Dawid Hochberg, Topcia Dawidowicz, une fillette qui a sauvé 50 personnes de la mort. C’étaient nos gens et cela se passait au ghetto de Varsovie. N’oubliez pas non plus qu’après le soulèvement du ghetto de Varsovie, il y eut ceux des camps de Treblinka, Sobibor et d’autres. En 1942, le peuple juif a été liquidé en Pologne. Un représentant de Bund à Londres qui appelait le monde libre à aider la population juive se suicida en signe de protestation au moment où les flammes de l’incendie du ghetto de Varsovie s’éteignaient. Cette mort termine symboliquement l’épisode d’activité massive du Bund en Europe de l’Est. Je m’en remets à vous pour que le souvenir de tous ces combattants ne s’efface pas. Marek Edelman
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israël-palestine Mensonges antisémites URI AVNERY
N
’y a-t-il pas de limite à la vilenie de ces lâches antisémites ? Ils ont maintenant décidé de diffamer les Juifs avec une nouvelle accusation de crime rituel. Non pas la vieille accusation d’assassiner des enfants chrétiens pour utiliser leur sang et confectionner leur pain azyme, mais celle du meurtre massif de femmes et d’enfants à Gaza. Mais qui ont-ils bien pu mettre à la tête de la commission chargée de cette tâche ? Ni un négationniste britannique, ni un néonazi allemand, pas plus qu’un fanatique iranien, mais un juge juif qui porte le nom très juif de Goldstone (Goldstein à l’origine, bien sûr). Et pas seulement un Juif avec un nom juif, mais un sioniste dont la fille, Nicole, est une sioniste enthousiaste qui vit en Israël et parle couramment l’hébreu. Et pas seulement un Juif sioniste, mais un Sud-Africain qui s’est opposé à l’apartheid et a été nommé à la Cour constitutionnelle de son pays quand ce système a été aboli. Tout ceci dans le but de diffamer l’armée la plus morale du monde, tout juste de retour de la guerre la plus juste de toute l’histoire ! Richard Goldstone n’est pas le seul Juif manipulé par la conspiration antisémite mondiale. Durant les trois semaines de la guerre de Gaza, plus de dix mille israéliens ont manifesté sans relâche leur opposition. Ils ont été photographiés portant des signes
tels que « Arrêtez le massacre à Gaza », « Cessez les crimes de guerre », « Israël commet des crimes de guerre », « Bombarder des civils est un crime de guerre ». Ils ont chanté à l’unisson : « Olmert, Olmert, c’est vrai - Ils t’attendent à La Haye ! » Qui donc aurait pu croire qu’il y avait tant d’antisémites en Israël ? ! La réaction officielle d’Israël au rapport Goldstone aurait été amusante si l’affaire n’avait pas été aussi grave. A part les « suspects habituels » (Gideon Levy, Amira Hass correspondants de Haaretz en Palestine et consorts), la condamnation du rapport a été unanime, totale et extrême, de Shimon Peres, l’avocat de toutes les abominations, jusqu’au dernier scribouillard dans les journaux. Personne, absolument personne, ne s’est préoccupé du sujet lui-même. Personne n’a examiné les conclusions détaillées. Face à une telle salissure antisémite, cela n’est pas nécessaire. En fait, il n’est pas du tout nécessaire de lire le rapport. Le public, dans toute sa diversi-
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té, s’est levé comme un seul homme pour dénoncer le complot, comme il a appris à le faire depuis mille ans de pogromes, d’inquisition espagnole et de génocide nazi. Une mentalité de siège, une mentalité de ghetto. La réaction instinctive dans une telle situation est la dénégation. Ce n’est simplement pas vrai. Ce n’est jamais arrivé. C’est un tas de mensonges. En soi, la réaction est naturelle. Quand un être humain doit faire face à une situation qu’il n’est pas capable de gérer, la dénégation est le premier refuge. Si les choses ne sont pas arrivées, il n’est pas nécessaire de s’en préoccuper. Fondamentalement, il n’y aucune différence entre les négateurs du génocide arménien, les négateurs de l’annihilation des amérindiens et les négateurs des atrocités de toutes les guerres. De ce point de vue, on peut dire que la dénégation est presque « normale ». Mais chez nous, elle est devenue un art en soi. Nous avons une méthode spéciale : lorsqu’une chose arrive avec laquelle nous ne voulons pas être confrontés, nous dirigeons le pro-
jecteur sur un détail spécifique, quelque chose de tout à fait marginal, et nous nous mettons à insister sur ce point, à en débattre, à l’examiner sous tous les angles comme si c’était une question de vie ou de mort. La guerre de Gaza, elle, n’a donné lieu à aucun débat, parce que tout avait été parfait. Une campagne et un commandement militaires brillants. Bien sûr, nous n’avons pas persuadé la population de Gaza de renverser leurs leaders ; bien sûr, nous n’avons pas réussi à libérer Gilad Shalit le soldat enlevé par le Hamas ; bien sûr, le monde entier nous a condamné, mais nous avons tué de l’Arabe, détruit son environnement et lui avons donné une leçon qu’il n’est pas près d’oublier. Nous en sommes maintenant à débattre du rapport Goldstone. Pas sur son contenu, Dieu nous protège. Il n’y a rien à discuter. Mais sur un point qui est réellement important : notre gouvernement a-t-il eu raison de boycotter la commission ? Aurait-il mieux valu en être ? Notre ministère des Affaires étrangères a-t-il comme de coutume agi de façon légère ? (Bien entendu, notre ministère de la Défense n’agit jamais à la légère). Ça, ce sont les questions importantes dont tout le monde parle. Mais alors, pourquoi le gouvernement a-t-il boycotté la Commission ? La réponse est simple : il savait que la Commission, en fait n’importe quelle commission, serait arrivée aux mêmes résultats. Et de fait, la Commission n’a rien trouvé de nouveau. Presque tous les faits étaient connus : les bombardements de civils, l’utilisation de bombes à fléchettes et de phosphore blanc contre des objectifs civils, des bombes sur les mosquées et les écoles, le blocage de patrouilles de secours pour
Richard Goldstone
atteindre les blessés, le meurtre de civils en fuite qui portent des drapeaux blancs, l’utilisation de boucliers humains, et bien plus. L’armée israélienne a empêché les journalistes d’assister à l’action, mais la guerre a été amplement décrite dans tous ses détails par les medias internationaux. Le monde entier l’a vécue en temps réel sur ses écrans de télévision. Les témoignages sont tellement nombreux et cohérents que tout être humain responsable peut en tirer ses propres conclusions. (…) Toute investigation devait inévitablement mener aux mêmes conclusions que celles de la commission Goldstone. Dès lors, il n’y eut aucun souhait israélien pour qu’une enquête sérieuse soit menée. Les « enquêtes » qui eurent lieu sont une farce. La personne responsable, l’avocat militaire, le brigadier porteur de kippa Avichai Mendelblit, chargé de cette tâche, a été promu cette semaine au rang de major-général. Promotion et timing parlent aussi d’euxmêmes. Il est donc clair qu’il n’y a aucune chance pour qu’un gouverne-
ment israélien entame, sur le tard, une enquête sérieuse comme la demandent les pacifistes. À sa place, la machine de propagande israélienne va s’en prendre au juge juif Goldstone et à ceux qui lui ont demandé de mener l’enquête. L’argument habituel du gouvernement sur l’antisémitisme des Nations unies et le double antisémitisme de la Commission des Droits de l’Homme sera pratique à utiliser. Une vue politique de très court terme. Le monde entier entend ou entendra parler du rapport Goldstone, en se rappelant les images de la dernière guerre vues à la télévision. Les Nations unies sont respectées, tandis que la réputation d’Israël va en diminuant. Et ce rapport ne va pas arranger les choses. Il aura des conséquences politiques, militaires, économiques et culturelles. Seul un fou ou un Avigdor Lieberman peut en faire fi. ■ Traduction Stephane et Victor Ginsburgh. Texte complet sur www.ginsburgh.net/ums. Publié dans La Libre Belgique le 01/10/2009
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israël-palestine Vingt prisonnières contre une vidéo THÉRÈSE LIEBMANN
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e 2 octobre dernier, à l’issue de négociations menées entre les autorités israéliennes et le Hamas sous la médiation égyptienne et allemande, 19 prisonnières politiques palestiniennes ont été libérées (la vingtième l’a été le 4 octobre) en échange d’un enregistrement vidéo récent montrant que le soldat Gilad Shalit, capturé à Gaza par le Hamas le 25 juin 2006, est en vie. Selon Uri Avnery, c’est comme si les Palestiniennes étaient des objets, des marchandises et non des êtres humains. Pourtant elles aussi, comme leurs parents et, dans certains cas, leurs enfants ont dû compter les jours de détention. Il ne convient cependant pas de bouder son plaisir de savoir que Shalit est vivant et qu’une vingtaine de Palestiniennes ont retrouvé leurs familles, sinon une véritable liberté (inexistante en territoire occupé). Elles n’avaient pas ce que les Israéliens appellent du « sang (juif) sur les mains » et avaient déjà purgé la plus grande partie de leur peine, dont il restait entre quelques mois et 2 ans d’emprisonnement à accomplir. Les 19 femmes libérées le 2 octobre ont été amenées en Cisjordanie, où elles ont été reçues dans la liesse. La vingtième doit sa libération au fait que sur la liste des 20 femmes qui devaient recouvrer la li-
berté, le service israélien des prisons avait indiqué le nom d’une femme qui venait d’être libérée pour bonne conduite, après avoir purgé les deux tiers de sa peine. Cette erreur n’a pas échappé aux Palestiniens et Fatima Yunes al-Zaq (41 ans) a pu rejoindre les siens à Gaza, le 4 octobre, avec dans ses bras son huitième enfant, Yussef, né en prison il y a 20 mois. Elle fut même accueillie par Ismaël Haniye, premier ministre du gouvernement du Hamas.
UNE AVANCÉE ? Peut-on voir dans l’aboutissement de ce marchandage une avancée dans le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens ? Je n’ose me prononcer. En effet, Israël serait-il prêt, en échange du soldat Shalit, à libérer, comme l’exige le Hamas, 1.000 prisonniers, dont des hommes condamnés pour des attentats meurtriers contre des Israéliens ? Sans compter que le dirigeant du mouvement Khaled Meshal a déclaré, le 2 octobre à Damas : « Nous poursuivrons nos efforts pour kidnapper des soldats en vue d’obtenir la libération de chacun de nos prisonniers en Israël. » Il y a par ailleurs bien d’autres problèmes qui doivent être résolus, notamment mais pas uniquement, l’évacuation des colonies et le statut de Jérusalem-Est. À cela est venu s’ajouter récemment la forte tension autour de
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l’Esplanade des Mosquées - ou Mont du Temple - depuis qu’un groupe important de touristes (ou pèlerins juifs) sont venus y « prier », la veille de Yom Kippour, le 27 septembre, 9 ans, presque jour pour jour, après la visite intempestive qu’y avait rendue Ariel Sharon et qui avait déclenché la deuxième intifada. Cette année, le déploiement de 20.000 agents de sécurité israéliens ne semble pas trop impressionner certains groupes de jeunes Palestiniens de JérusalemEst, ni les Palestiniens israéliens du Mouvement islamique du nord du pays qui font courir le bruit que les Israéliens songent à raser l’Esplanade des Mosquées pour y construire le Troisième Temple. La mission que Georges Mitchell effectue en ce mois d’octobre au Moyen-Orient, à l’heure où le président Barack Obama vient d’obtenir le Prix Nobel de la Paix, pourra-t elle aboutir à une « paix globale » ou faut-il prêter foi à la déclaration d’Avigdor Lieberman, pour qui il n’existe aucune chance que les Israéliens puissent conclure un accord de paix avec les Palestiniens avant plusieurs années ? En attendant cette paix hypothétique, quelque 40 Palestiniennes, dont une mineure d’âge, restent détenues dans les prisons israéliennes. Leurs conditions de détention y sont toujours aussi épouvanta-
Fatimah Yunes al-Zaq et son bébé Yussef. Photo WOFPP
bles : des cellules sont infestées de vermine et quelquefois même les eaux des égouts y débordent ; elles ne sont guère aérées et très chaudes en été et très froides en hiver ; les prisonnières, y compris leurs bébés, sont sous-alimentées, mal vêtues et mal chaussées. Elles ne peuvent presque jamais recevoir de visite des membres, même proches, de leur famille : ceux-ci ne peuvent d’ailleurs presque rien apporter de ce dont elles ont besoin, la direction des prisons incitant ainsi les femmes à acheter dans les cantines, à des prix très élevés, les produits dont elles ont besoin. Quant aux avocats que la Women’s Organization for political Prisoners (WOFPP) leur envoie à ses frais, ils ne sont pas toujours admis dans les prisons. C’est pourtant par l’avocate de la WOFPP que la situation des prisonnières politiques est connue et que quelquefois – mais trop rarement – des prisonnières obtiennent une certaine amélioration dans leurs conditions de détention. Je vous livre ici un extrait de la lettre que j’avais écrite, en sep-
tembre dernier, au commissaire du Service israélien des prisons. Il montre à la fois le sort pénible qui avait été réservé à une mineure palestinienne et le rôle que peuvent jouer les avocats qui travaillent pour la WOFPP : « La jeune prisonnière a été victime non seulement de harcèlement sexuel de la part d’un gardien de la prison de Hasharon, mais également de mauvais traitements qu’elle a dû subir à la suite de la plainte qu’elle avait introduite pour avoir dénoncé cet harcèlement : transfert dans une cellule d’isolement humide, sans aération et infestée d’insectes. Tout ce qu’elle a réussi à obtenir c’est qu’on pulvérise sa cellule mais les gardiens de la prison ont poussé la cruauté jusqu’à lui faire réintégrer sa cellule immédiatement après la pulvérisation de sorte que la jeune fille a été prise de suffocation et d‘étourdissements. L’avocate de la WOFPP (Women’s Organization for political Prisoners), Tagreed Jahsan, a déjà écrit à maintes reprises au commissaire du Service des pri-
sons au sujet des traitements infligés à cette jeune mineure, notamment à propos du harcèlement sexuel dont elle a été victime. Elle a aussi insisté pour que, si elle devait rester en prison, elle soit détenue dans la même aile que les autres prisonnières politiques et non dans celle des prisonnières de droit commun. » Cette jeune fille a heureusement fait partie du lot des prisonnières libérées. Beaucoup de Palestiniens considèrent la libération de la vingtaine de prisonnières politiques palestiniennes comme une victoire, ne fût-ce que partielle. Beaucoup d’Israéliens considèrent que la vidéo montrant Gilad Shalit est une victoire, ne fût-ce que partielle. Mais à quand la victoire complète et définitive : la conclusion d’une paix juste ? ■
Les amis qui souhaitent aider les prisonnières politiques encore détenues dans les prisons israéliennes peuvent faire un versement au compte de l’UPJB (0000743528-23) avec la mention « Femmes belges solidaires de la WOFPP »
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israël Les Palestiniens d’Israël HENRI WAJNBLUM
S
’il est vrai que le règlement global de la question palestinienne, débouchant sur l’avènement d’un État indépendant aux côtés de l’État d’Israël, constitue la condition sine qua non pour que celui-ci puisse enfin pleinement s’intégrer à son environnement géopolitique et connaître une paix durable à ses frontières, celles d’avant juin 1967 s’entend, cette condition risque fort de n’être pas suffisante pour qu’il accède aussi à la paix intérieure, la paix civile. Nous sommes en effet convaincus que pour atteindre cet objectif, Israël devra impérativement parvenir à un règlement juste de sa propre question arabe. Pour autant qu’il admette, avant qu’elle ne s’impose brutalement à lui, qu’il connaît effectivement une question arabe, ce qui est loin d’être acquis. C’est précisément en raison de son refus de l’admettre jusqu’à présent, que ce pourtant indispensable règlement israélo-israélien risque de s’avérer bien plus difficile et douloureux encore que le règlement du contentieux israélo-palestinien ; ce qui n’est pas peu dire mais n’en semble pas moins aller de soi dans la mesure où il implique une remise en question de la nature essentiellement ethnocentriste d’Israël. Ce qui frappe en effet d’em-
Une conférence-débat sur le thème « Les citoyens Palestiniens d’Israël : Quelle place ? Quel avenir ? » aura lieu le mardi 10 novembre à l’ULB. Un partenariat Cercle des étudiants arabo-européens de l’ULB, Dor Hashalom et UPJB. Voir annonce page 40. blée le visiteur qui sillonne la Galilée, qui arpente les rues de Yaffo, et qui ne refuse pas d’ouvrir les yeux, c’est que l’État juif - appellation généralement utilisée, de même que celle d’État hébreu, pour désigner Israël, et pas seulement dans les milieux juifs - est en réalité, qu’il le veuille ou non, et il est patent qu’il ne le veut à aucun prix, un État binational comptant une forte majorité juive et une très importante minorité arabe (pas loin de 20% de la population du pays).
UN PLAN NON ABOUTI Ce n’est cependant pas faute, pour Israël, d’avoir mis tout en œuvre pour se débarrasser de cette population, encombrante pour l’accomplissement du dessein sioniste. Dès décembre 1940 en effet, Yosef Weitz, directeur du département foncier du Fonds national juif, sioniste radical, écrivait déjà dans son journal : «I l doit être clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans ce pays (...), et la seule solution, c’est la terre d’Israël, au moins la partie occidentale de la terre d’Israël, sans Arabes. Il n’y a pas de compromis possible sur ce point (...) Il n’y a pas d’autre moyen que de transférer les Arabes d’ici vers les pays voisins. (...) Pas un village ne doit rester, pas une tribu bédouine. »
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C’est en avril 1948 que Yosef Weitz qui, depuis janvier, orchestrait ici et là, disons de manière empirique, l’expulsion des Palestiniens, obtient la constitution d’« un organisme qui dirige la guerre avec pour but l’éviction d’autant d’Arabes que possible ». Informel jusqu’à la fin août 1948, officiel ensuite, le « Comité du transfert », tout un programme, supervise la destruction des villages abandonnés ou leur repeuplement par de nouveaux immigrants juifs pour interdire tout retour des réfugiés. Il n’empêche que, malgré la somme considérable d’efforts déployés par Israël pour répondre au vœu de Yosef Weitz, 160.700 Palestiniens restèrent néanmoins à l’intérieur de ses nouvelles frontières. Avec leurs descendants, ils sont aujourd’hui plus d’un million. Israël est donc un État binational ou, si cette appellation semble encore par trop provocatrice à certains, à tout le moins un État comptant une réelle minorité nationale, de souche qui plus est, qui réclame d’être reconnue comme telle. Combat politique et émeutes d’abord contre le gouvernement militaire qui leur a été imposé dès le départ et qui a notamment soumis durant de longues années leurs moindres déplacements à travers le pays à autorisation tatillonne ; émeutes
des Bédouins du Néguev ensuite contre leurs conditions de vie et la politique de sédentarisation forcée que les gouvernements israéliens voulaient leur imposer… Soixante ans de luttes de tous ordres pour enfin obtenir, en référence à un terme bien de chez nous, l’égalité des chances, une égalité qui est encore loin, très loin d’être acquise aujourd’hui. C’est cependant et, à première vue, paradoxalement « Oslo » qui a accéléré et radicalisé le mouvement revendicatif en faveur d’une véritable autonomie nationale, « Oslo » qui lui a ouvert les yeux et lui a fait comprendre que les citoyens palestiniens d’Israël ne devaient désormais compter que sur eux-mêmes pour assumer leur destin de diaspora. C’est en effet avec une profonde amertume que ceux-ci ont vécu l’événement, ni les Palestiniens des Territoires occupés ni les Israéliens juifs ne leur ayant à aucun moment demandé leur avis.
UNE DISCRIMINATION QUI NE DIT PAS SON NOM La réelle discrimination dont la population palestino-israélienne est victime est le plus souvent pratiquée de manière insidieuse, le non dit étant roi. Ainsi, le droit aux allocations et aux subsides octroyés par l’État et par des institutions para-étatiques dépend le plus souvent de l’accomplissement du service militaire par le demandeur ou par un de ses proches parents. Sans que cela soit dit explicitement dans les textes, cette pratique vise bel et bien essentiellement à exclure de la manne publique la population palestinoisraélienne qui est, comme chacun ne le sait peut-être pas, interdite de service militaire.
Officiellement, cette interdiction est justifiée par le souci des autorités israéliennes d’éviter à ses citoyens palestiniens d’avoir à porter les armes contre leurs frères palestiniens, ce qui serait généreux mais ne justifierait dès lors pas leur exclusion des aides publiques. En réalité, elle est essentiellement motivée par des raisons sécuritaires, chaque Arabe étant considéré comme un sympathisant de la cause palestinienne et donc comme un ennemi potentiel de l’intérieur. Si on voulait une preuve supplémentaire du ciblage extrêmement précis de cette discrimination qui ne veut pas dire son nom, on la trouverait dans les aides multiples que l’État accorde très généreusement aux haredim (les « craignant Dieu »), ces « hommes en noir » qui ne font pourtant pas, eux non plus, de service militaire. Selon des données recueillies par le Bureau central de statistiques, une famille de haredim paie en effet trois fois moins d’impôts directs que le reste de la population et la moitié de son revenu provient d’aides publiques. Ainsi encore, la redistribution de l’impôt aux municipalités. Contrairement à ce qui se passe chez nous où les municipalités sont habilitées à lever des additionnels à l’impôt direct destinés à assurer les services à rendre à leurs administrés, en Israël, l’impôt est entièrement centralisé et une partie est ensuite redistribuée par l’État aux municipalités selon des critères qu’il a établis, mais rarement, faut-il le dire, à l’avantage des municipalités arabes. Et pour couronner le tout, il y a cette politique de confiscation systématique des terres palestiniennes pour la construction de
routes et de nouvelles implantations juives. Ce sont des régions entières aujourd’hui encore à majorité palestinienne comme le Nord de la Galilée qui font ainsi l’objet de programmes de judaïsation - prenons soin de préciser, pour éviter toute polémique spécieuse au sujet de l’utilisation de ce terme, qu’il s’agit de l’appellation officielle -, destinés à inverser les équilibres démographiques et à confiner la population palestinienne dans des zones toujours plus réduites. Tant et si bien que tout en représentant près de 20% de la population totale du pays, la minorité palestinienne n’occupe en tout et pour tout que 4% des terres.
UN RÊVE INAVOUABLE ? On ne peut s’empêcher de s’interroger face à cette politique... Israël ne rêverait-il pas de résoudre à terme sa question palestinienne par un échange pur et simple ? Une partie de la Galilée du nord avec ses habitants arabes enfin regroupés contre une partie de la Cisjordanie avec ses implantations juives ? Cette menace a encore pris plus de corps avec l’arrivée au pouvoir, suite aux élections législatives du 10 février dernier, du gouvernement Netanyahou-Barak-Lieberman. Ce dernier, Avigdor Lieberman, leader du parti Israel Beitenou (Israël notre Maison) a en effet axé toute sa campagne électorale sur le thème de cet échange, avec le succès que l’on sait. C’est pour cette raison et aussi pour sensibiliser l’opinion publique à la situation de la population palestino-israélienne que nous avons élaboré ce projet de conférence-débat. ■
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lire Jan Karski. Le messager ignoré TESSA PARZENCZEWSKI
E
n 1942, à Varsovie, deux Juifs, un bundiste et un sioniste, viennent voir Jan Karski, résistant polonais. Jan Karski est un émissaire entre la résistance polonaise et le gouvernement polonais en exil. Les deux Juifs demandent à Karski d’avertir les Alliés de l’extermination en cours des Juifs de Pologne et d’insister pour qu’ils interviennent pour arrêter le massacre. Pour convaincre Karski, ils lui organisent une visite à l’intérieur du ghetto. Il s’y rendra deux fois. Plus tard, il s’introduira également dans un camp de concentration, à Izbica Lubelska. Karski parviendra à rejoindre l’Angleterre et ensuite les ÉtatsUnis. Il sera reçu par Anthony Eden et par Roosevelt, ainsi que par des représentants de la communauté juive. Il répète inlassablement son message, mais rien n’y fait. Comme on le sait, il n’y eut aucune intervention. Des années plus tard, en 1977, Jan Karski accepte de témoigner dans Shoah, le film de Claude Lanzmann. C’est ce témoignage qui a bouleversé Yannick Haenel et l’a incité à écrire ce livre. La première partie du livre décrit le témoignage de Karski dans Shoah. L’écriture épouse l’émotion du témoin, rend compte de la difficulté à dire ce qui semblait indicible, mais n’en rajoute jamais. Yannick Haenel suit l’image pas à pas, nous fait entendre quelques
phrases éparses : « Ce n’est pas un monde, ce n’était pas l’humanité », « Ces bébés aux yeux fous qui vous regardaient… ». La deuxième partie est un résumé de l’autobiographie que Karski a écrite en Amérique en 1944. Le parcours d’un officier polonais, prisonnier des Soviétiques en 1940, qui échappe au massacre de Katyn et qui rejoint la résistance. Karski a affronté tous les dangers, a traversé les frontières, a été pris, torturé, s’est évadé, pour finalement atteindre l’Angleterre et les États-Unis pour délivrer ce message, constamment présent en lui. Dans la troisième partie, Yannick Haenel reprend son rôle d’écrivain et dans un récit-fiction, basé sur des faits réels, donne la parole à Jan Karski. Comment vivre lorsque votre message d’urgence n’a pas été écouté et que le massacre s’est accompli. Comment vivre avec les images effroyables qui vous poursuivent, et toujours présents, les visages et les voix des deux Juifs du ghetto de Varsovie. Jan Karski s’est réfugié dans le silence. Pendant trente ans, il s’est tu, et ses nuits étaient blanches. Il avait aussi mal à la Pologne, il n’oubliait pas ses camarades morts à Katyn ni les troupes soviétiques attendant de l’autre côté de la Vistule que Varsovie soit bien détruite et ses habitants assassinés ou déportés. De temps en temps, il se ren-
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Jan Karski en 1943 pendant sa mission d’information aux États-Unis
dait au musée pour contempler Le Cavalier polonais de Rembrandt, comme le symbole d’une Pologne sublimée. Mais pour autant, il n’absolvait pas les Alliés occidentaux, qu’il n’a jamais cessé de considérer comme les complices de l’extermination des Juifs. Un récit d’amertume, qui pose la question de la notion d’humanité, où se niche-t-elle encore, après tant d’infamies. Dans un style épuré, répétitif, comme la musique répétitive, où les mots reviennent en boucle, Yannick Haenel fait revivre un personnage emblématique du 20e siècle, dont la parole essentielle s’est heurtée à l’indifférence et au cynisme. ■ Jan Karski Yannick Haenel Gallimard 187 p., 16,50 EURO
écrire Djonnki-pour ANDRES SORIN
L
a première fois c’était en noir et blanc. Je veux dire à la télé. C’est là que j’ai entendu « Djonnki-Pour » pour la première fois. Je devais avoir une dizaine d’années. C’était un film anglais doublé en espagnol au Mexique, comme la plupart des films diffusés sur les chaînes argentines : pendant l’occupation nazie en Italie un groupe d’enfants et d’adolescents juifs est recueilli dans un couvent dirigé par la belle (et juive !) actrice Lili Palmer*. Les jeunes acteurs étaient tous très foncés de peau ; avec le recul, je trouve qu’ils avaient l’air de Saoudiens ou de Yéménites. Ils s’appelaient tous Sarah, Rebecca, David, Salomon… Le réalisateur voulait sans doute que les spectateurs n’aient aucun doute sur l’origine sémite des gamins. Les petits sont affamés, les bonnes sœurs leur donnent à manger. Soudain, le plus âgé d’entre eux, un acteur assez laid en pleine puberté (duvet sur la lèvre supérieure, nez disproportionné sur un visage tout mince aux cernes bien marqués par le maquillage) dit quelque chose à l’oreille de l’une des mangeuses, qui s’empresse de le répéter à sa voisine. On entend peu à peu une phrase mystérieuse: « C’est djonnki-pour ! ». Les enfants, même morts de faim, crachent tout ce qu’ils avaient mis dans la bouche. Plus tard, les nonnes dénichent un rabbin qui se met à souffler dans une corne (je
ne connaissais pas cela non plus), se, il n’en manquait qu’une dizaiet le son produit dénonce la pré- ne. Mais moi, j’étais là, comme un sence des fugitifs aux oreilles des goy, légèrement jaloux de cette soldats allemands qui fouillent le liberté que les autres prenaient. couvent et finissent par tuer le D’ailleurs, mes parents n’étaient pas contre l’idée que je me fonde rabbin et arrêter les jeunes. Je demande à ma mère, fort dans la majorité non juive, on ne agacée par les prénoms et la tête sait jamais… de Bédouins des petits coméCe film en noir et blanc à l’acdiens : « C’est quoi Djonnki-pour ? » cent mexicain et aux acteurs hyen reproduisant les sons hispano- persémites s’est imprimé avec mexicains que je viens d’enten- force dans ma mémoire. Yom Kipdre. C’est alors que le nom de Yom pur est ainsi resté pour moi syKippur est entré dans ma vie. Ja- nonyme de vague inquiétude en mais auparavant. Pensez-vous, la nuances de gris, un moment opreligion étant l’opium du peuple, pressant proche de ces rêves qui, mes parents m’avaient éduqué sans être des cauchemars, vous dans l’athéisme le plus total. Pas laissent un goût bizarre de mald’alliance au 8e jour, pas de con- heurs à venir. ■ firmation à 13 ans. C’est tout juste si je connaissais « rosheshune » *Les conspiratrices, 1960. car toute la parentèle se réunissait à cette occasion. Andres Sorin est né à Buenos-Aires. Il vit à Plus tard Yom Kippur devint Bruxelles depuis 22 ans. pour moi aussi le jour où, sur 30 lycéens inscrits dans la classe à côté il n’y avait que 5 ou 6 présents. Les autres faisaient Yom Kippur. Remarquez, je parle d’un lycée public, pas d’une école juive. C’était à Buenos Aires dans les années 70, pendant les années noires de la dictature militaire. Dans ma clas- Une synagogue bruxelloise. Photo Alain Mihály
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regarder La descendance de Darwin JACQUES ARON
I
l vous reste jusqu’au 15 novembre pour découvrir la vie et l’œuvre de Charles Darwin (1809-1882), à l’occasion du 150e anniversaire de la publication de son ouvrage majeur L’Origine des espèces par le moyen de la sélection naturelle. « Darwin2009 »1 est le projet commun de plusieurs acteurs culturels liégeois, dont l’Université de Liège, pour nous permettre de mieux connaître le père de la théorie de l’évolution, ses disciples et contradicteurs, et l’influence qu’il exerça en Belgique. En bord de Meuse, à l’AquariumMuseum ULg, une expositionpromenade dans les collections d’histoire naturelle retrace sa vie, sa carrière et ses voyages. On y suit notamment le célèbre périple qu’il fit autour du monde sur le Beagle et l’influence décisive de son étude de la faune des îles Galápagos. Rien de plus révélateur du climat social et politique de l’époque que les discussions passionnées que le jeune savant, libéral et antiesclavagiste eut à bord avec le capitaine, le futur Vice-Amiral Robert FitzRoy, conservateur bon teint et partisan de la traite des Noirs. Adepte des recherches physionomiques de Lavater, FitzRoy avait hésité à prendre Darwin à bord, car la forme de son crâne lui semblait révéler un
caractère dangereux. Aujourd’hui, la figure du savant occupe le fronton de l’imposant bâtiment néoclassique de l’Aquarium-Museum, sur le Quai Van Beneden, du nom de son principal disciple belge. À l’exception de quelques créationnistes attardés, la théorie de l’évolution est acceptée par les scientifiques du monde entier. Mais les débats et les interprétations qu’elle a soulevés ne sont pas près de s’éteindre, tant l’étude de la nature de l’homme reste intimement liée aux croyances, aux superstitions et aux tentatives de légitimer ou de contester, à travers elle, l’ordre social, la hiérarchie des groupes sociaux, les intérêts et les valeurs qu’ils représentent. La race, ses caractères innés ou acquis, ont été et restent un enjeu majeur de ce « choc des civilisations » très en vogue aujourd’hui. Il est peut-être regrettable que cet aspect si actuel de l’héritage darwinien ne soit pas abordé ici, contrairement aux querelles théologiques suscitées par la remise en cause du dogme de la divine création. La caution scientiste ou positiviste que beaucoup de savants ou pseudo-savants ont tenté de donner à leurs préjugés sociaux ou à leur malaise existentiel a joué un rôle considérable non seulement dans les cénacles scientifiques mais aus-
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si dans la pratique politique. La biologie peut être une science dangereuse, si elle n’est en permanence tenue dans des limites éthiques, dont l’unité fondamentale de l’espèce humaine reste le critère. Dans le climat antisémite, et ensuite de haine et d’exclusion raciales de plus en plus affirmées et radicales, le débat sur l’existence ou non d’une race et d’une hérédité des Juifs avait pris une place considérable, souvent trouble et inquiétante, en Allemagne entre 1900 et 1935, date à laquelle le pouvoir nazi a imposé d’autorité l’incompatibilité de deux « espèces » au nom de l’hygiène du « pur aryen ». Détournement idéologique du darwinisme, sans doute ; encore faudrait-il que les scientifiques, à quelque bord qu’ils appartiennent, puissent être crédités de plus de lucidité politique que les citoyens ordinaires, qu’ils soient eux-mêmes dénués de préjugés, d’ambitions ou d’intérêts corporatifs. L’exemple de l’Allemagne montre qu’il n’en est rien. Entre les scientifiques (et autres intellectuels) allemands, juifs et non juifs, anti- ou philosémites, racistes ou antiracistes, la confusion fut effarante quant aux objectifs et aux moyens de la recherche en biologie. Beaucoup se faisaient forts de démontrer à bref délai,
pour peu qu’on leur en fournisse les moyens, l’hérédité des caractères culturels qui faisaient l’objet des préjugés racistes. Le livre d’Ignaz Zollschan, Le problème de la race du point de vue des fondements théoriques de la question raciale juive (Vienne, 1909) projeta cet admirateur juif de HS. Chamberlain sous les feux de l’actualité. En 1933, il essaya de transférer ses recherches à l’Université de Jérusalem, tandis qu’un autre savant juif éminent, Wilhelm Nussbaum, cherchait encore à impliquer toute la communauté juive, regroupée de force par les nazis, dans un vaste programme basé sur l’examen de 50.000 individus, dont 300 jumeaux, pour rassembler des données sur leur criminalité, leurs maladies et dérèglements mentaux les plus fréquents, leurs « capacités culturelles ». Certes, seul le régime nationalsocialiste et les chercheurs qui cautionnèrent son idéologie, versèrent dans la criminalité, dans l’expérimentation sur des cobayes humains de « race inférieure » pour servir à l’« amélioration » de la race des seigneurs. D’hypothèse scientifique, la sélection naturelle avait engendré la « sélection » sur la rampe d’arrivée d’Auschwitz. Dans un beau livre, Lydia Chagoll2 vient de montrer comment les
Roma et les Sinti ont été livrés aux laboratoires des camps par des émules de ces scientifiques ralliés au nazisme, dont beaucoup, parce qu’ils ne portaient pas directement le sang de leurs victimes, ne furent pas inquiétés après-guerre et purent continuer à se prévaloir de leur « neutralité » scientifique. ■
1
Darwin, sa vie, son œuvre, AquariumMuseum Ulg, quai E. Van Beneden 22, 4020 Liège. Pour l’ensemble des manifestations, voir le site : www.darwin2009.be 2 Lydia Chagoll, Tsiganes sous la croix gammée. Le sort des communautés Sinti et Roma, Luc Pire, 2009.
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regarder Simon Konianski et Les Barons CARINE BRATZLAVSKY Coup de fraîcheur sur nos écrans de novembre avec deux comédies réalisées par deux jeunes cinéastes épatants. Côté pile, Micha Wald, judéo-bruxellois dont c’est le deuxième long-métrage et qui nous avait ravis et étonnés avec ses Voleurs de chevaux si loin de ses racines ; côté face, Nabil Ben Yadir, maroxellois, autodidacte (rappelezvous la fameuse réplique « - John ! - John comment ? - John Wayne ! - Tu te fous de ma gueule ? » dans Au-delà de Gibraltar de Mourad Boucif dont il est un peu l’enfant spirituel). Chacun à sa manière, nous raconte la richesse de leur ville, le poids de la famille et de la tradition, la trahison des fils - cherchez la femme - pour en sortir. « Fais attention le mir et le papier ». C’est sur ces mots que Popeck/ Ernest, ouvre le film de Micha Wald, Les Folles aventures de Simon Kosnianski (sortie en salle le 25/11) et ouvre la porte de son appartement de Forest à son fils Simon Konianski/Jonathan Zaccaï, qui se réinstalle chez lui, minerve autour du cou et grosses lunettes rondes à la Woody. Simon, le mauvais fils, même pas marié et déjà séparé de Chloé, la danseuse goy. Simon, incapable de trouver un travail de professeur de physique, malgré ses études de philo à l’université ; Simon, qui à force de vouloir un État palestinien, sera moins fier quand tous ces terroristes auront détruit Israël ; Simon, l’espèce de goy qui ne sait même pas ce que c’est soukkot et que c’est pour ça qu’il y a un cadeau pour Shmouli. Shmouli, c’est Hadrien, le fils de Simon, qu’il oublie à l’école, traitant de nazi le gardien qui lui reproche son retard. Il est surtout la joie de son grand-père qui lui raconte des histoires de déportés et de rescapés des camps qu’il rejoue ensuite dans la cour de récré. Mais Ernest, qui a eu froid dans sa jeunesse et qui, « pire que la pire caricature du vieux youpin radin » comme lui dit Simon, compte le prix de « son » margarine, crache
du sang. Noir, deuxième partie. Ernest a souhaité être enterré en Ukraine, près de Sarah, sa première femme dont Simon ignore jusqu’à l’existence. Alors, puisque l’avion c’est trop cher et que Lufthansa, de toutes façons, on n’en veut pas, tant pis pour l’offre last minute de Liberski/Rebenski pour une dalle au Mont des Oliviers et c’est en voiture que Simon embarque pour Ostrouf – avec son oncle Moshe, sa tante, et son fils. Et puis, en voiture, on aura le temps de tout raconter, depuis le début. Reproches, leçons de morale, impossibilité d’avoir une vie à soi, incompréhension entre les générations, engueulade à table lorsqu’on parle d’Israël, oui, on est dans un petit traité de tous les sujets communautaires, un condensé de ce qu’on a pu entendre de nos grands-parents « rassurez mes parents s’ils regardent », dit Micha sur le plateau de Cinquante degrés nord, « de nos grands-parents pas de nos parents ». Oui, on est dans la caricature de la yiddishkeit et c’est un peu kitsch. Mais, précise Jonathan, « Micha ne dit pas que tous les Juifs sont comme ça. D’ailleurs, moi, je n’ai rien à voir avec tout ça, ma famille, oh, elle est bien plus, vraiment bien plus ouverte ! » Carica-
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tural et cliché (« La meilleure façon de parler des choses », dit le héros de Woody justement, dans son dernier film, hilarant), Micha le revendique pour son deuxième film, mais surtout comédie familiale et populaire par son petit côté Rabbi Jacob, tendre et drôle. Drôle, même si les pleurs ne sont jamais loin des larmes à l’heure de Gaza ; drôle, dans les rêves de scènes de jalousie érotiques de Simon ; tendres, même lorsque faisant un crochet par le camp d’extermination de Majdanek, une partie de cache-cache se mêle à la tragédie. Pour Micha, qu’on interroge sur la persistance de l’humour juif, à travers les générations de Popeck à lui, il y a quelque chose d’un peu belge dans cet humourlà, avec ce même art de se moquer de nous-mêmes.
À LA RECHERCHE... Autre comédie, plus sociale et très croustillante, ce sont Les Barons (sortie en salle le 4/11), réalisé par Nabil Ben Yadir. Où l’on rit de bon cœur avec cette jeunesse désemparée de Molenbeek mais jamais d’eux ; où l’on apprend enfin comment ils se paient une BM ; comment ils parviennent à faire 9 fautes sur un mot de 6 lettres ; où l’on rencontre des génies de la blague pourrie, périmée
Les Folles aventures de Simon Konianski, un film de Micha Wald
(« t’aimes l’art abstrait ? J’aime bien l’arabe en général »). Où l’on croise des vrais belges (Claude Semal en chauffeur de bus et surtout M.Lucien/Ian Decorte qui finira par revendre à Aziz son épicerie) et de vrais Juifs (M. David qui dit Shalom au père de Hassan). Mais où la vraie star du quartier, celle que l’on regarde en boucle, c’est la petite sœur Malika qui a même fait des études de journalisme pour devenir journaliste (suivez mon regard vers le JT de la chaîne publique). Et qui surtout, se révolte contre la pression du grand frère. Et le mot de la fin à Arno en générique : « Les femmes, elles pensent ; chez les mecs, ça monte ». Ici, les jeunes du quartier n’ont pas fait l’unif mais sont pourtant dans la recherche... la recherche d’eux-mêmes. C’est qui d’ailleurs, les Barons ? Le film, à peine sorti, fait fureur sur les forums et il suffit d’un clic pour tomber sur une des définitions, celle à qui Nabil
octroie le prix de la baronnerie. Il écrit : « Le gagnant est vous tous ! Baron(ne)s de ce monde ! Bravo pour vos mots, idées, humour! Mais il en faut un de gagnant, donc le prix de la baronnerie va à Karim Daho ! Sa définition représente ce que j’ai voulu mettre dans mon film! Bravo Karim ! « Le baron et sa définition dans la langue de Molière est celle-ci : personnage important dans un domaine particulier (baron de la finance par exemple. Dans la bouche du réalisateur, si je peux me permettre, ce serait celle du personnage au bout du trou socialement, en bas de l’échelle, et qui plutôt que de s’apitoyer sur son sort, fait en sorte de transformer cette condition en luxe voulu et choisi, en gros t’es un baron quand tu glandes rien mais que tu te la joues King of the world ». Autrement dit, et il faut sans doute être belge pour oser ça pour la sortie du film en France : « Glan-
der plus, pour gagner moins ». Alors, comédies belges ? Comédies communautaires ? Ceux qui comme nous, côté pile ou côté face, sont habités par les deux, auront peut-être du mal à faire la part des choses mais il paraît que le public du Festival du Film de Namur a franchement ri et généreusement applaudi aux deux films. Inch Allah ! À cette petite samba belgo-juive dont on savoure toujours le goût et Mazl Tov ! à Nabil qui apporte un regard moderne sur cette immigration plus récente. Allez les voir, vous soutiendrez en même temps le cinéma belgo-communautaire francophone qui a du mal à se frayer une place sur nos écrans. ■ Avant-première des Folles aventures de Simon Konianski le mardi 24/11. Avec IMAJ, le CCLJ et l’UPJB. Voir annonce page 41.
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mémoire Apocalypse ou l’art de la retouche ROLAND BAUMANN
F
ulgurant succès d’audience en Belgique comme en France, la série documentaire Apocalypse prétend « raconter la véritable histoire de la Seconde Guerre mondiale, pour que les générations se souviennent de l’Apocalypse ». Pourtant, tant la forme que le contenu de cette série documentaire en six épisodes, d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle, largement encensée par les médias, sont sujets à caution. Présentée (voir www.rtbf.be/ apocalypse) comme « une plongée vertigineuse au coeur du plus dévastateur des conflits mondiaux » vu « à travers le regard de ceux qui l’ont vécue » et nous montrant « la guerre telle qu’on ne l’a jamais vue », Apocalypse se veut un « spectacle choc » pour transmettre aux jeunes générations la mémoire de « cette folie meurtrière généralisée ». La réalisatrice, Isabelle Clarke, explique le choix du titre qui joue sur les références bibliques « avec cette idée qu’Hitler serait le cavalier de l’apocalypse, semant ruine, misère et violence sur son passage ». Un projet, « titanesque » et dont la forme constitue, selon Clarke, « un pari novateur et audacieux ». Elle précise : « Nous nous sommes emparés des images d’archives comme si nous les avions tournées nous-mêmes, pour les intégrer dans de véritables séquences, comme une fiction ». La moitié
des images utlisées sont inédites ajoute Clarke et « Comme le reste est mis en couleur, on peut aussi dire qu’Apocalypse est 100 % inédite ». En effet, le travail sur la couleur « donne à voir des images d’archives sous un jour entièrement nouveau ». Les images de la petite Rose, fillette anglaise filmée par son père et retrouvée d’épisode en épisode, « révèlent le sens de la série ». Images d’amateur censées émouvoir le spectateur à l’instar de « la petite fille au manteau rouge » dans La liste de Schindler ? « Rose qui, le dernier jour de l’Apocalypse, a écrit le mot fin sur une bombe » nous dit au terme de la série, son unique narrateur, Mathieu Kassovitz. L’auteur de La Haine, associe Apocalypse au devoir de mémoire. Soulignant le rôle essentiel des images d’archives alors que « les témoins ont pratiquement tous disparus », il affirme l’efficacité du travail cinématographique des auteurs d’Apocalypse : “ces images d’il y a soixante-dix ans, ils les ont renouvelées, réactualisées, modernisées, dépoussiérées, ils sont allés en trouver d’autres », les rendant « accessibles, en particulier aux jeunes générations ». Apocalypse deviendra « la référence pour tous les documentaires à venir » !
PLEIN LES YEUX ! François Montpellier explique la portée de son énorme travail de
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retouche video : « La couleur rend les images plus lisibles, plus immédiatement accessibles, elle redonne du relief en détachant les plans, et permet, de fait, une nouvelle écriture documentaire. [ ...] la couleur apporte une plus grande cohérence entre les scènes, elle unifie, dans une même continuité visuelle, des documents provenant parfois de sources très différentes. » Gilbert Courtois justifie la sonorisation des images d’Apocalypse. La prise de son nécessitait alors des moyens considérables et ces documents d’archives sont donc le plus souvent muets. Seuls certains discours officiels ont été enregistrés et il n’existe aucune information sonore des combats filmés, sinon dans les reconstitutions de la propagande. Courtois a donc sonorisé toutes les images d’archives pour permettre au spectateur « une approche physique du conflit ». Plans originaux des films d’archives mutilés pour donner à Apocalypse le rythme du film d’action, fait d’une surabondance de plans rapides. Couleurs reconstituées. Sons absents des images originales et entièrement « inventés ». Georges Didi-Huberman (« En mettre plein les yeux et rendre « Apocalypse » irregardable », Libération, 22.09.09) dénonce ces procédés et souligne que coloriser c’est maquiller, « plaquer une certaine couleur sur un support qui en était dépourvu », ren-
dre invisibles « les réels signes du temps sur le visage - ou les images - de l’histoire » et donc mentir en prétendant offrir « le visage nu, véritable, de la guerre, quand c’est un visage maquillé ». Et l’historien d’art argumente sa critique radicale. La véritable histoire est faite de discontinuités : « parce qu’elle a été regardée, vécue, enregistrée selon des points différents. Apocalypse, au contraire, veut nous faire croire qu’un seul cinéaste, avec le même sens des couleurs, aurait tout vu à la fois en tous les points du globe. » Il note que les auteurs d’Apocalypse ont renoncé à coloriser les images de la Shoah pour « ne laisser aucun doute sur leur authenticité », mais ils ont colorisé Dachau et aussi certaines images de Buchenwald, alors que d’autres plans filmés dans ce même camp restent en noir et blanc... Il conclut : « Les images d’Apocalypse ne constituent en rien notre patrimoine historique. Elles forment juste un montage et un traitement contestables de ce patrimoine. En ce sens, elles ne nous appartiennent pas. Elles n’appartiennent qu’au monde de la télévision qui les commercialise habilement. »
DÉTAILS DE L’HISTOIRE ? Dans le 5e épisode, « L’étau », suivant une brève évocation de la Résistance européenne (sur fond du « Chant des partisans » chanté par Germaine Sablon), la séquence consacrée à la révolte du ghetto de Varsovie fait un flashback : « Avant la guerre le ghetto de Varsovie était un quartier animé et libre » nous dit Kassovitz. Les images prises en couleur par un touriste américain de Juifs rieurs, face à la caméra, dans une rue du centre de Varsovie font place à ces images en noir et blanc, tournées par les allemands, que nous connaissons depuis longtemps (cf. Le
temps du ghetto de F. Rossif, 1961). Lorsque le narrateur déclare « les nazis ont fait du ghetto un quartier surpeuplé », rien n’indique au spectateur que ce ghetto n’existait pas avant octobre 1940 et qu’à Varsovie, comme dans toute la Pologne, ce sont les allemands qui ont créé les ghettos ! Dans le commentaire qui suit, alors que défilent les images allemandes, le narrateur égrène les années (« le ghetto en 1941... le ghetto en 1942... le ghetto en 1943 »), mais ne dit rien du moment décisif de l’anéantissement des Juifs de Varsovie. Les déportations massives de l’été 42 sont en effet absentes du texte d’Apocalypse ! La voix « émouvante » de Kassovitz nous apprend que « Les nazis ont organisé la famine pour tuer, affaiblir et empêcher toute révolte, mais les Juifs ont réussi à se procurer des armes et ils sont morts en combattant. Les survivants sont déportés et assassinés au camp d’extermination de Treblinka ». Les plans en noir et blanc de cadavres cachexiques emportés au cimetière ont soudain fait place aux images colorisées de combattants juifs débusqués des ruines par les allemands ! Un plan final colorisé nous montre les ruines du ghetto, « totalement rasé. » précise Kassovitz qui enchaine avec une carte des opérations en Afrique du Nord où l’avance alliée sauve les Juifs de Tunisie ! Un peu plus loin, « L’étau », s’attarde à nous faire le portrait d’Hitler, brisé par la défaite de Stalingrad (moustache blanchie, injections de cocaïne, Parkinson précoce...). De fait, Hitler
est le vrai protagoniste d’Apocalypse qui nous détaille ses grands succès et ses premières défaites. Après Koursk, le « vrai tournant de la guerre », la fin s’annonce pour les réalisateurs du film. Le 6ème épisode boucle toute la suite de la guerre, jusqu’à Hiroshima ! Beaucoup de clichés, puisés dans l’abondante littérature populaire sur la Deuxième Guerre mondiale : lanciers polonais contre panzers, chiens « kamikaze » lancés par les soviétiques sur les chars allemands (une anecdote popularisée par le nazi Paul Carell dans son best-seller Opération Barbarossa), etc.). Et aussi de bien singulières omissions (ainsi du rôle de Hindenburg et de la droite allemande dans l’avènement de Hitler). On peut multiplier l’analyse critique d’autres « détails de l’histoire » qui jettent la suspicion, tant sur les bases historiques d’Apocalypse que sur les orientations politiques de ses auteurs et la vraie nature de la « véritable histoire » de la Deuxième Guerre mondiale qu’ils veulent transmettre aux jeunes générations. ■
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lire, regarder, écouter Notules d’octobre GÉRARD PRESZOW
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oom ou travelling avant ? Faux ou vrai mouvement ? L’image avance entre les jambes, se glisse entre les cuisses, sous la jupe serrée et s’y noie. Noir. Viennent des visages de stars féminines d’un autre temps, une galerie, un défilé, sur lesquels une voix off, au « r » vibrant contre le palais, à la respiration puisant dans les blancs, pose sur
chacune d’elles un : « ne meurrrs pas », « ne meurrrs pas »… Apparaît, star parmi les stars, la mère du réalisateur, elle lève le bras dans l’embrasure de la fenêtre et nous salue à jamais. Archipels nitrate de Claudio Pazienza, réalisé à l’occasion de la métamorphose de la Cinémathèque royale de Belgique (Belgik) en Cinematek (une nov’langue qui se répand à Bruxelles), est un essai sur le ci-
néma autant qu’une manière de s’inventer une autobiographie de cinéaste autodidacte. Ce film, fait de tous les films, joue de l’instant et de l’éternité, de la mort irréversible et de la résurrection infinie. Un rewind incessant. On a pu croire que le numérique serait la solution définitive à ce rêve d’immortalité. On sait qu’à son tour il n’est qu’un simple mortel. Comme si le cinéma, cette image du passé qui aurait toute la vie devant elle (la vie et un jour), n’incarnait virtuellement que la plus formidable fiction de l’humanité : la Sainte Trinité. Le virtuel, aussi, a un corps. Avec Claudio Pazienza, il est grand le mystère du cinéma… *
Undzer vort 1947. Extrait de « La région de Bruxelles », Crédit communal, 1990
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Au comptoir, un vieux monsieur se baisse vers la libraire et lui glisse à l’oreille, en criant : j’ai commandé Ce jour-là de Willy Ronis, le photographe. Elle répond : en Folio poche alors. Je fonce à l’étage « livres d’art » et je demande cejourlàdewillyronisenfoliopoche. C’est un délice, une délicatesse. Une photo, un court texte qui dit l’histoire de la photo, son hors-champ, deux trois pages max. Peut-être un rien trop pudique mais quelle bonté dans le regard, quelle simplicité complice, quelle amitié non feinte pour le populaire, quelle évidence de vivre : rues, gosses, visages, nus, guinguettes, grèves, front popu…. Et quelle mise en image d’une nostalgie de l’inexistant. Il est dedans. Parmi. J’ai connu le pho-
tographe Willy Ronis le jour de sa mort. Il nous a pourtant quittés presque centenaire. Il est fréquent que l’on fasse connaissance des artistes le jour de leur disparition, ou plus exactement le lendemain dans la presse du matin. D’après ce que j’ai pu comprendre, il était photographe comme tant d’autres furent tailleurs à façon. Parmi eux, mon père, paraîtil. Un jour le père d’un ami me dit : « ah, vous vous appelez Preszow. Votre père était un bon tailleur, très bon. D’ailleurs mon veston, après tant d’années, est encore de chez lui ». Il retourne le revers de sa veste et je lis sur l’étiquette en tissus : « tailleur Preszow ». Il me dit : « Je l’ai bien connu ». Je lui dis « moi pas ». Je jetais un froid malgré moi. Je pensais : une bonne veste. Plutôt qu’un bon mot… * Tout à coup, ils avaient disparu. Les cornichons israéliens en conserve y étaient, les cornichons polonais en bocaux aussi ainsi que les sprots fumés à la russe mais les matses, non, disparus. Les matses, pas les maatjes, dont je suis également friand. Peut-être sont-ils sur cet autre rayon, avec les biscottes, cracottes, barquettes, galettes de riz, grissini, smöröbrö (de mémoire…) et autres pains azymes non cashers, le tout avec ou sans sel, avec ou sans sésame ? Non. Plus de matses dans mon Delhaize Saint-Antoine. Oï gevald, je fais quoi ? J’appelle notre khakham et lui demande s’il se souvient du nom du distributeur des produits israéliens. « Tu sais, c’est écrit sur l’autocollant qu’ils ajoutent manuellement sur la boîte ». « Oui, c’est ça, tu as raison, je m’en souviens maintenant ». 1307.be et je tombe sur un répondeur. Un accent pas d’ici. Quelques minutes
Khamets ou matsa ? Photo gépé
plus tard, mon téléphone (fixe) sonne. L’accent de tout à l’heure : « vous avez appelé ? ». Petit blanc de suspens parano et je dis « oui ». « Oui, je voulais savoir pourquoi je ne trouve plus mes matses au Delhaize Saint-Antoine ». « Mais il n’y a que des Polonais chez vous…Les boîtes me reviennent, périmées. Vous en trouverez à Jourdan ou à Flagey ». Je raccroche… et… je rappelle. Un rire chaleureux m’accueille. « C’est moi qui… ». « Oui, je sais… ». « Voilà, je voulais savoir…En fait, à partir de votre job, il y a moyen de faire une thèse de sociologie urbaine sur la mobilité de la population juive à Bruxelles ». « Bien sûr. Vous voulez que je vous dise où il y a le plus de Juifs à Bruxelles ? ». « Je suppose Uccle et Forest mais … n’en dites pas plus ». Je raccroche, sûr que Saint-Antoine retrouvera mes matses. * Femmes en résistance. Quel beau titre pour une exposition. Mais que lit-on derrière les mots ? Que voit-on derrière les images ? Au-delà d’une saga fonda-
trice et des « histoires de l’Oncle Paul » pour les générations futures, tout se mélange. L’histoire, les mythes qu’on se donne, l’enfance. Les réminiscences. Les chants, les chansons, les chœurs parlés. Le temps des colonies… de vacances. Je vois l’une de ces résistantes traverser ce long réfectoire qui s’ouvre sur la mer et crier : « qui vouï encore des macaronis ? ». Ou : « pas de moniteurs dans les monitrices » (trad. : pas de moniteurs dans la chambre des monitrices). Peu d’années plus tôt, d’autres enfants mangeaient dans la même cité de Middelkerke quelques maisons plus loin. La « Maison du Bonheur » s’appelait alors « Villa Johanna ». Sur des archives muettes, on voit ces enfants rayonner de lumière. La plupart sont orphelins de guerre. Ils sortent à peine de leur cache et (ré)apprennent à vivre. Et la vie, elle commence tôt le matin en se brossant les dents. Le film ne nous dit pas que la plupart d’entre eux doivent d’être en vie à ces « femmes en résistance ». Les images célèbrent la résurrection dans la joie et la prophylaxie, la victoire de la vie sur la mort. ■
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anniversaire Points critiques, un rayonnement sans centre HENRI GOLDMAN
Nous entamons avec cet article une série consacrée aux trente ans de Points critiques. Ancien du comité de rédaction de Points critiques la revue et par ailleurs auteur de la maquette de ce mensuel, Henri Goldman est rédacteur en chef de Politique, revue de débats et blogueur à l’adresse http://blogs.politique.eu.org/henrigoldman
T
rente ans de Points critiques... Putain, trente ans. Les équipes se sont succédées, les styles aussi, jusqu’à la léthargie et la renaissance actuelle. Qu’en retenir ? J’ai choisi de commenter un des premiers numéros, le numéro 7 d’avril 1981. C’est le premier où je me retrouve au comité de rédaction, qui sera rejoint dans le numéro suivant par Marcel Liebman. Nous le quitterons ensemble après le numéro 22 (février 1985), et j’y retournerai pour un numéro unique, le 25 de mars 86, celui qui rendra hommage à Marcel qui vient alors de disparaître. Le thème de ce numéro 7 : « Juifs comme bon nous semble Enquête aux marches de la communauté ». J’ai rédigé l’édito au nom de l’équipe qui aura traité le dossier. Nous souhaitions donner la parole à tous ces Juifs hé-
rétiques considérés comme de mauvais Juifs par le mainstream des notables de la communauté, ceux qui ont l’habitude de parler au nom des 40.000 Juifs de Belgique. Nous allons donc donner la parole à 18 personnes s’affirmant toutes juives à leur manière. Dans la synthèse non signée rédigée par Marcel Liebman, il est affirmé qu’ils constituent « tous des cas particuliers [qui] récuseraient toute tentative de les ramener à un moule unique. (...) Ils ne revendiquent rien et leur dénominateur commun est négatif : ils n’apprécient pas qu’on parle en leur nom (...) tout en les excluant du caucus reconnu. » La suite de cette synthèse est la tentative de montrer à quel point l’identité juive est un acte de liberté individuelle. Sur la base de cet acte de radicale liberté, Points critiques ne respectera aucune parole juive politiquement correcte. Non seu-
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lement nous n’étions juifs ni par l’allégeance à Israël ni par la religion (et nous l’étions de moins en moins par la culture, puis le yiddish n’était parlé que par une minorité d’entre nous), mais nous nous déclarions aussi Juifs que quiconque et nous nous faisions un devoir de le faire savoir à chaque occasion. Évidemment, nous ne nous sommes pas faits que des amis. Quelle illusion ! L’affirmation très libérale d’une judéité à la carte faisait l’impasse sur la question existentielle pourtant parfaitement posée à cette époque par Richard Marienstras : que peut bien signifier « Être un peuple en diaspora », du nom de son ouvrage publié en 1975 et que peu d’entre nous avaient lu. Les réflexions de Points Critiques défrichaient courageusement toutes les thématiques, sauf une : quel est ce lieu d’où nous parlons ? Car ce libéra-
lisme était contredit par l’extraordinaire compacité du groupe de personnes qui gravitaient autour de l’UPJB. Au départ de Points critiques, nous vivions encore sur la force propulsive de la génération des fondateurs, dont l’identité juive communiste était tellement évidente qu’elle n’avait nul besoin d’une redéfinition nombriliste. Nous ne nous rendions pas compte que la fin des évidences, de notre évidence allait nous laisser démunis pour donner du contenu vivant à une identité tour-
née vers le futur, identité qui ne pouvait pas se limiter au culte des actes héroïques de nos martyrs à laquelle nous avons sans doute trop sacrifié d’une manière un peu morbide. Beaucoup de temps, trop de temps aura été perdu. Juifs « comme bon nous semble », ça ne suffit pas. Le centre du travail intellectuel que l’UPJB doit animer, c’est, pour utiliser un vocabulaire plus moderne, comment faire minorité dans une société plurielle où des revendications ethno-culturelles sont formulées par d’autres mi-
norités, et comment revendiquer cette inscription dans la société alors que, paradoxalement, les institutions juives les plus classiquement communautaires se sont mises à la tête de la lutte contre le communautarisme des autres. Voilà un beau créneau à explorer pour Points critiques dans les années à venir. ■
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réfléchir «Sand» ou la bonne nouvelle ALAIN MIHÁLY
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e livre de Shlomo Sand Comment le peuple juif a été inventé est paru en 2008. Les raisons qui obligent à revenir1 sur cet ouvrage sont plurielles. Elles tiennent avant tout au paradoxe de le voir bénéficier d’une réception dans la durée sans commune mesure avec sa valeur réelle sur le plan historique. L’auteur luimême, dans ce qui peut apparaître comme un lapsus, écrit d’emblée que « ce livre n’est pas une œuvre de pure fiction ; il ambitionne d’être un essai à caractère historique ». La fiction, loin d’être pure, est bien au rendez-vous. Mais cet aspect essentiel n’a retenu ni la masse des lecteurs ni les quelques historiens qui ont commenté l’ouvrage en prenant pour acquises les assertions de S. Sand au prétexte formel qu’elles s’inscrivent dans un projet de déconstruction de mythes nationaux. L’accueil qui fut fait à S. Sand par le CEGES pourrait, sur ce point, tenir lieu d’événement paradigmatique. Le seul institut de recherche historique autonome du pays a en effet endossé sans réserve les thèses avancées2. Le paradoxe relevé ci-dessus n’est cependant qu’apparent dans la mesure où « l’invention » et donc l’inexistence des Juifs en tant que peuple3 ont comblé des attentes impatientes et conforté des a priori. Tous ceux à qui le « nom Juif » pèse furent donc plongés par la « bonne nouvelle » et sa caution « scientifique » (un historien) et « ethnique » (un « israélien d’origine juive ») dans la jubilation : « gauche de gauche »,
nébuleuse musulmane pro-palestinienne et « Juifs non juifs »4 forment, dans ce cadre, un tryptique infernal. Sand justifie sa démarche par la nécessité de déconstruire les mythes fondateurs de l’État d’Israël et de rendre cet État à tous ses citoyens. L’objectif réel de celui qui admet sans discussion l’existence d’une société israélienne n’est cependant pas l’« ethnocratie » israélienne, qui ne se distingue pas fondamentalement de dizaines d’autres « ethnocraties », mais l’identité juive. Menant, en quelque sorte, la négation sioniste de la Diaspora (Shlilat haGola) à son terme, S. Sand a conclu son intervention au CEGES sur l’affirmation que : « Les Juifs de Belgique ne sont pas juifs ; ils sont belges, peut-être wallons ou flamands ». Historien des représentations, S. Sand n’ignore pas non plus l’impact de son livre auquel, par son action médiatique, il a largement contribué. « L’invention » a en effet pris les dimensions d’un phénomène socio-culturel et acquis caractère de vérité établie auprès d’un large public. La thèse de l’inexistence des Juifs représente, au terme de son élaboration, une nouvelle modalité de l’antisémitisme. S’il ne leur est plus imputé, du moins au premier chef, une série de travers, les Juifs se voient affirmer a) qu’ils n’existent pas à l’égal des autre cultures b) qu’en prétendant exister, ils sont soit bernés et manipulés par un « sionisme » qui aurait « inventé » la fiction de leur existence, soit complices d’une entreprise de falsification d’autant
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plus répréhensible qu’elle a conduit à la spoliation du peuple palestinien. La contribution majeure de S. Sand à ce tableau est sa dimension « racialiste ». En inscrivant, sans échappatoire possible, l’idée même de « peuple juif» dans le cadre de ce qu’il nomme, pour le condamner, un « peuple-race », dont il impute la conception aux historiens juifs du XIXe siècle, il en fait une notion explicitement raciste et, sous la forme prudente d’une question, nazie5. Il ne nous est pas dit en quoi le nationalisme juif se distinguerait des autres nationalismes ethniques d’Europe orientale mais ce postulat initial conditionne le reste de l’ouvrage. Sur le plan anthropologique, S. Sand ne retient pas de sa lecture de B. Anderson6 que les « communautés », qui sont toutes « imaginées », existent, quel que soit le moment et les modalités de leur « invention ». Sur la base d’une définition restrictive de la « nation » (échappent seules à la catégorie infamante de l’« ethnie » les cultures incarnées dans un État-Nation ou façonnées dans ce cadre) et de l’exigence d’un caractère « laïque et commun » pour accepter, en tant que telle, une « culture », est dénié aux Juifs le droit de se doter d’une narration autonome. Les cultures résistent pourtant à un tel réductionnisme. L’identité, tant individuelle que collective, n’est, d’autre part, fonction de l’origine que sur un plan mythique. Face à son imputation aux historiens juifs du XIXè, au « sionisme » et, par extension, aux Juifs contemporains d’une construc-
tion identitaire raciale, S. Sand édifie cependant une « contre-fiction biologique », dénuée de sens mais censée démontrer l’absence de filiation génétique entre Juifs de l’antiquité et Juifs contemporains. Il reproche donc concomitamment aux Juifs de se prétendre « biologiquement purs » et de ne pas l’être. Cette démarche mène l’auteur à plusieurs impasses historiographiques. Les moindres ne sont pas l’absence de références au Moyen-Âge et à ses communautés juives autonomes, au Conseil des Quatre Pays (1580-1764) qui représentait les communautés juives auprès du pouvoir polonais ainsi qu’à la période des Lumières. L’émancipation des Juifs à partir de la fin du XVIIIe siècle a comme corollaire le refus de leur intégration collective en tant que « nation » dans les nouveaux États7. On comprend aisément que la mention de ce processus puisse saper la thèse présentée. La vision de S. Sand est toute entière « négative » : les Juifs ne sont jamais juifs, ils descendent de convertis ou sont convertis eux-mêmes à d’autres religions. Les conversions de l’époque hellénistique sont donc inscrites dans le cadre d’un prosélytisme annonciateur et concurrent de celui du christianisme, bien que l’auteur reconnaisse que rien ne prouve l’existence de « précheurs juifs » ; des Berbères judaïsés sont à l’origine du peuplement juif de l’Espagne sans qu’on comprenne comment, de troupiers de l’expansion musulmane, ils seraient ensuite redevenus des Juifs observants. Deux ouvrages récents présentant des conversions une vision diamétralement opposée, S. Sand se contente de leur opposer un argument idéologique8. L’essentiel de son argumentaire « génétique » porte néanmoins sur ce qu’il nomme de manière abs-
conse « les juifs des langues du yiddish » soit, à la fin du XIXe siècle, 80% de la judaïcité mondiale. Appliquant un principe inédit des « peuples communicants », il pose, sans qu’aucune source historique (archéologique, épigraphique, littéraire) ne vienne le soutenir, que les Khazars sont à l’origine du peuplement juif d’Europe orientale. L’essor démographique massif des Juifs de Pologne, qui tient lieu pour S. Sand de clé explicative, date du XIXè siècle et il n’y a pas, selon les estimations acceptées par tous les historiens compétents, plus de 30.000 Juifs en Pologne en 15009, 300 à 500 ans après l’effondrement de l’empire khazar. Ni le hiatus temporel ni les données démographiques ne sont donc pris en compte. Le caractère indubitablement germanique du yiddish faisant obstacle, S. Sand présente comme établies les thèses récusées par la communauté scientifique du linguiste israélien P. Wexler. Sur la base « d’étymologies de cow-boy »10, P. Wexler fait du yiddish une langue « slavo-turque » relexifiée. Les exemples repris par S. Sand sont fantaisistes ainsi que son affirmation de l’inexistence de termes d’origine romane en yiddish oriental (l’enjeu étant la parenté avec le yiddish occidental d’Allemagne), sans compter que l’origine d’une langue est fonction avant tout de sa morphologie et ensuite de son lexique. Des considérations pseudo-anthropologiques parachèvent le caractère a-scientifique de l’ouvrage11. Notons in fine que l’emploi récurrent de l’expression « peuple élu » donne à l’ouvrage une tonalité inquiétante. Il n’est pas non plus exempt d’un penchant « complotiste », l’absence prétendue de référence à la conversion des Khazars au judaïsme dans l’enseignement israélien est ainsi cor-
rélée à la nécessité de consolider la légitimité de l’État. Naviguant constamment entre apparence de scientificité et débat interne à l’État d’Israël, l’auteur asservit l’histoire des Juifs à son projet politique. ■ Cf. Michel Staszewski, « Un livre important. Comment le peuple juif fut inventé », Points critiques n° 293, février 2009 2 Séminaire tenu le 16 septembre 2009 au Centre d’Études et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines. 3 Selon la formule d’Isaac Deutscher. L’UJFP (Union juive française pour la paix) reprend la thèse de S. Sand dans ses publications. 4 Au sens le plus large de ce terme. Pour S. Sand, « le judaïsme a « seulement » été une religion captivante... », S. Sand, p.35. 5 « Ainsi donc, Hitler,..., aurait en fin de compte remporté la victoire au plan conceptuel et mental dans l’État « juif » ? », p.35. 6 B. Anderson, L’imaginaire national, Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme (titre original : Imagined Communities), La découverte, 1996 7 Cf. Clermont-Tonnerre: « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus. Il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre. Il faut qu’ils soient individuellement citoyens. » 8 S. Sand, p. 211, note 1. Edouard Will, Claude Orrieux, « Prosélytisme juif » ? Histoire d’une erreur, Paris, Les Belles Lettres, 1992 ; Martin Goodman, Mission and Conversion. Proselytizing in the Religious History of the Roman Empire, Oxford, Clarendon Press, 1994. Au sujet du plus récent de ces ouvrages, S. Sand retient uniquement que sa « dernière version a été écrite dans la ville de Jérusalem « unifiée » » et du second qu’il a été écrit « dans le même esprit ». 11 Raphael Mahler, « Di Yidn in amolikn Poyln » in Yidn in Poyln, vol. I, col. 11, NewYork, 1946 10 D. Katz, « A Late Twentieth-century case of katoves » , History of Yiddish Studies, éd. Dov-Ber Kerler, Chur:Harwood,1991, p. 141-163 (www.dovidkatz.net/dovid/ PDFLinguistics/1991aa.pdf). Voir aussi R. D. King, « Conflicting Theories of The Origins of Yiddish », www.nostratic.ru/books/ (157)king.pdf. 11 Le « style typiquement oriental » des synagogues polonaises en bois est censé prouver leur origine khazare alors qu’elles ont été construites au XVIIe et XVIIIe siècles sous l’inspiration de modèles locaux et ottomans. Cf. Thomas C. Hubka, Resplendent Synagogue : Architecture and Worship in an Eighteenth-century Polish Community, Brandeis University Press, 2003 1
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réfléchir Ces Juifs qui portent la croix JACQUES ARON
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lus de soixante ans après le génocide des Juifs, il est devenu d’une évidence aveuglante que la normalisation de l’État d’Israël au regard des lois internationales et celle des relations israélo-palestiniennes sont les clés de la normalisation de la condition juive diasporique, de son émancipation politique définitive dans une société démocratique. La fin aussi de toutes les confusions séculaires qui entourent la notion même de « Juif », charriée par l’histoire souvent à leur corps défendant. Rien n’est plus propre que la situation des Juifs en Allemagne, leurs débats internes et leurs relations au pays dont ils sont citoyens, pour en faire chaque jour l’amer constat. Je ne reprendrai ici que trois événements récents qui illustrent ces rapports ambigus, où tous les arguments se confondent en un détestable brouet : judéité, judaïsme, sionisme et antisémitisme, nationalité israélienne, etc. Dans une incapacité totale à dépasser toute approche politique exempte de préjugés nationalistes et de condamnations sommaires au nom de collectivités entières sensées former des blocs monolithiques.
Tout d’abord, l’affaire de la « Croix ». L’octroi de la plus haute distinction allemande, la BVK, la Croix du Mérite fédérale de première classe à Felicia Langer a déchainé une véritable tempête médiatique. Pour un douteux symbole de 5 x 5 cm. Que le pays ait pu décorer cette avocate israélienne, défenderesse des Droits de l’Homme et de nombreux prisonniers palestiniens, revenue en Allemagne en 1990 après sa réunification, a suffi à susciter aujourd’hui les réactions les plus passionnelles et les plus sommaires. L’écrivain Ralph Giordano a menacé de rendre sa médaille, si la même n’était pas retirée à la nouvelle promue, geste considéré comme « un affront aux relations germano-juives et germanoisraéliennes ». Un autre lauréat juif a comparé l’attitude de Langer à l’égard d’Israël à la littérature nazie de Der Stürmer. Dans sa lettre au président de la République, Giordano accuse même Langer de diaboliser Israël sous la pression de son propre sentiment de culpabilité juif ! Deuxième exemple : dans une exposition didactique sur les crimes nazis, destinée à favoriser une meilleure compréhension mutuelle des citoyens (dans l’Allema-
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gne de 2009, avec son importante communauté arabo-musulmane), trois panneaux ont fait l’objet d’une vive controverse. La responsable de la Maison de la Culture qui accueillait l’exposition les a retirés et a aussitôt été soupçonnée d’antisémitisme dans certains milieux juifs. De quoi s’agissaitil ? De présenter le chef politique et religieux du mouvement national palestinien, le mufti Amin elHusseini comme « collaborateur arabe des nazis », fasciste et antisémite viscéral ayant empêché le sauvetage vers la Palestine de milliers de Juifs des pays occupés par l’Allemagne. Les relations du mufti avec le régime nazi sont notoires et peuvent être bien documentées dans leur contexte ; les présenter de cette sorte relevait pourtant manifestement du déni historique. Troisième cas qui éclaire probablement plus profondément les deux précédents : un journal allemand a décidé d’offrir solennellement à Binyamin Netanyahou les plans originaux du camp d’Auschwitz. Plus que le geste, ce sont évidemment ses justifications qui interpellent : « le pays des bourreaux les doit au pays des victimes » ! Yad Vashem serait plus indiqué qu’Auschwitz ou que tout
La Croix du Mérite fédéral de première classe
autre lieu (Berlin ?) pour leur étude et leur conservation. Le génocide européen des Juifs n’est-il pas devenu l’ultime légitimation d’Israël et donc de sa politique, argument suprême après la faillite de la proclamation unilatérale des « droits religieux ou historiques au retour des Juifs sur la terre des ancêtres » et l’incapacité de bâtir une vie commune aux Juifs et aux Arabes de Palestine. À mes yeux, ce geste démontre deux choses : combien les intérêts politiques - souvent à très court terme - des deux pays, Israël
et l’Allemagne, orientent les débats actuels et instrumentalisent l’histoire ; et par ailleurs, combien il est urgent d’écrire une relation réelle des faits qui ont conduit à la guerre et au génocide en Europe dans un cadre plus large et, surtout, débarrassé de cette vision d’affrontements ethnocentriques merci Adolf Hitler - de peuples ou de communautés homogènes, faites de bourreaux ou de victimes. Cette conception de l’histoire, en en supprimant les contradictions et les complexités gênantes, est la plus grave et tragique condamna-
tion à l’oubli de tous ceux qui ont lutté et luttent encore aujourd’hui, à quelque camp qu’ils appartiennent, pour l’égalité politique et la justice sociale dans une société globale. La construction de l’Europe comme celle de la paix au Proche-Orient sont pourtant à ce prix. ■
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Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN
retreuucirpw ewidYi yidishe shprikhverter Proverbes yiddish .z]n id Ciz tp=lkeq Nuj Nkur Nfiuj tl=f lzmilw = noz di zikh tseklapt un rukn oyfn falt shlimazl a .retk]d rets]rp = rediij retsuw relediij N= reseb dokter proster a eyder shuster eydeler an beser .]tin sresiz Niik zij’s tniim Nuj Niirc Nij tgil Mer]uu = nito zisers keyn s’iz meynt un khreyn in ligt vorem a .wtnem Niik ]twin Nuj Mlue resiurg = mentsh keyn nishto un oylem groyser a .sif edmerf Fiuj twin iiz tsem ]t Ciz r=f Ciw tsfiuk fis
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.tleg Niik twin ts]k Ng]zuq Nuj Nb]h bil gelt keyn nisht kost tsuzogn un hobn lib .tc=n id iuu reserg Mulx Med Nc=m Nek Nem nakht di vi greser kholem dem makhn ken men .Ql]h Niij Fiuj Nsk=uu Jl]tw Nuj tiikwir=n holts eyn oyf vaksn shtolts un narishkeyt .]i sretsuw Neq reb] Nc=m twin Ninm Niik Nenek Minbr NUn yo shusters tsen ober makhn nisht minyen keyn kenen rabonim nayn TRADUCTION Un malchanceux tombe sur le dos et se casse le nez. Mieux vaut (meilleur) un honorable cordonnier (plutôt) qu’un médecin grossier. Un ver se trouve dans (le) raifort et pense (qu’) il n’y a rien de plus sucré. Une foule nombreuse et aucun (il n’y a pas de) mentsh. (Si) tu t’achètes (tu achètes pour toi) des souliers, alors ne les essaye (mesure) pas sur les pieds de quelqu’un d’autre (sur des pieds étrangers). Aimer et promettre ne coûte rien (ne coûte aucun argent). On peut rendre (faire) le rêve plus grand que la nuit. Bêtise et fierté poussent sur une même branche. Neuf rabbins ne peuvent constituer (faire) un minyen mais dix cordonniers oui.
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! widYi ? widYi
retsuw relediij N= -
an eydeler shuster - un honorable
cordonnier
REMARQUES retreuucirpw shprikhverter : pluriel de tr]uucirpw shprikhvort = proverbe. lzmilw shlimazl (hébr.) = malchanceux (substantif). rediij eyder = avant que, plutôt que, que (lorsqu’il y a comparaison, comme c’est le cas ici). zij’s s’iz = zij se es iz = il y a. ]tin nito/ ]twin nishto = (il n’y a)pas (abréviations de la forme plus complète ]tin/]twin zij se es iz nishto/ nito. Mlue oylem (hébr.)= public, foule. wtnem mentsh = homme, être humain, personne ; également : quelqu’un de bien, d’honorable (peut s’appliquer à une femme) ; ne pas oublier le « t » « t ». Ciw shikh : pluriel de Cuw shukh = chaussure. sif fis : pluriel de suf fus = pied ou jambe. Mulx kholem (hébr.) = rêve. Ql]h holts = bois (la matière). Minbr rabonim : pluriel de Br rov = rabbin. Ninm minyen : « quorum de dix hommes adultes réunis pour la prière » (définition du dictionnaire de Niborski et Vaisbrot). novembre 2009 * n°300 • page 29
ANNE GIELCZYK
Référendum
Ê
tes-vous pour ou contre ? Les sujets ne manquent pas ces temps-ci : par exemple, êtes-vous pour ou contre la fermeture des centrales nucléaires qui ne produisent certes pas de CO2 mais n’ont toujours pas de solution pour leurs déchets hautement toxiques ? Êtes-vous pour ou contre le vaccin anti-grippe A puisque même les infirmières ne semblent pas en vouloir ? Êtes-vous pour ou contre le prix Nobel de la paix à Obama alorsqu’iln’aencorerienfait ? Êtes-vous pour ou contre la régulation du marché du lait et êtes-vous disposés à payer plus pour votre lait alorsque toutestdéjàsicher ? Êtes-vous pour ou contre Kindle, le livre électronique d’Amazon et d’ailleurs êtes-vous pour ou contre Amazon tout court, alorsquvotrelibraireesttellementsympa ? Êtes-vous pour ou contre le coup de gueule de Luckas Vander Taelen, s’agitil pour vous d’un dérapage contrôlé ou de parler vrai ? Êtesvous pour ou contre l’arrestation de Roman Polanski quiacertesfaitdebeauxfilms mais quand même transgressé la loi et tant qu’on y est êtes-vous pour
ou contre Frédéric Mitterand qui a raté une occasion de se taire, maintenant tout le monde trouve que ses histoires avec les garçons çanevapaspourun ministre, sans oublier bien sûr l’inusable question êtes-vous pour ou contre le port du foulard à l’école ? Bon, le foulard, on a déjà donné, et on n’est pas là pour parler des histoires de cul du ministre français de la culture, la question du jour est : êtes-vous pour ou contre le Lange Wapper ? Le Lange quoi ? C’est quoi le Lange Wappeur ? Non les amis, pas « Wappeur », « Wappr ». (C’est comme « lokshn », ça se prononce « lokshn » et pas « lokshenne »).
C
e dimanche 18 octobre les Anversois organisaient un référendum pour ou contre le Lange Wapper. Cette question mobilise Anvers, la Flandre et tous les medias flamands depuis plusieurs mois, sans que vous vous en soyez rendu compte. Oui les amis nous vivons dans deux pays différents et moi dans les deux à la fois, c’est très fatigant : deux langues, deux cultures, deux journaux, deux JP, quatre JT... Donc, nous
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disions, le Lange Wapper, eh bien le Lange Wapper, c’est le viaduc qui est censé compléter le ring au Nord d’Anvers en faisant le raccord entre Merksem (à hauteur du Sportpaleis) et l’autre rive, où débouche la E 17 venant de Gand. Le ring d’Anvers est l’entonnoir où s’engouffre tout le trafic entre les Pays-Bas et le Sud de l’Europe. Ce ring trop étroit et incomplet est à l’origine de gigantesques embouteillages qui empoisonnent la mobilité sur les routes de Flandre et de Navarre. Il y a 10 ans le gouvernement flamand a donc passé commande à la ville d’Anvers pour résoudre cette question et depuis 10 ans le BAM (Beheersmaatschappij Antwerpen Mobiel, Société de gestion de la mobilité à Anvers) planche là-dessus. Ce qui nous a valu un tracé dénommé BAM-tracé avec comme pièce maîtresse le viaduc du Lange Wapper, un pont de 5 km à deux étages dont le coût est estimé à 3 milliards d’euros, une somme faramineuse, et qui a déjà coûté 74 millions d’euros en travaux préparatoires (nouvelles canalisations, déplacement de dépot de bus, expropriations et démolitions...) Sur maquette c’est assez beau,
un serpentin qui fait penser au mouvement ondulant d’un drapeau flottant au vent (=« wapperen »). On dirait (presque) du Calatrava, mais le propre des maquettes c’est qu’on les voit d’en haut alors qu’un viaduc en général c’est en dessous qu’il faut vivre avec. Au bas du pont donc nous avons les habitants du Luchtbal (quartier ouvrier de dockers), de Merksem et de Deurne (Forest et Anderlecht si vous voulez) et là-haut, deux étages de camions et de voitures et jusqu’à, tenez-vous bien, 14 bandes de circulation à hauteur du Sportpaleis ! Ça promet quand même beaucoup de bruit et beaucoup de particules fines.
L
e petit peuple d’en bas a donc pris son destin en main et revendique un autre tracé où le Lange Wapper serait remplacé par un tunnel. Ils ont finalement obtenu l’organisation d’un référendum qui ne comportait qu’une question : pour ou contre le BAM-tracé, le CD&V, ardent défenseur du BAM-tracé s’étant farouchement opposé à toute question supplémentaire sur un tracé alternatif. Ce dimanche 18 octobre,
La maquette du « Lange Wapper », ce pont ondulant au-dessus de la ville d’Anvers, la cible du référendum
35% des électeurs sont venus exprimer leur avis et 59,24% ont voté contre. La victoire de David contre Goliath. Mais on se querelle déjà sur l’interprétation du vote. 35% de participation au référendum, est-ce beaucoup ? Oui disent les gagnants (les groupes d’action, Groen !, le SP.a et... le VB). Seulement 25.000 voix de différence entre les « non » et les « oui » selon les autres (le CD&V, la NV.A de Bart De Wever peut-être futur bourgmestre d’Anvers, et l’Open VLD (à l’exception de leur échevin Ludo Van Campenhout qui est contre)). Deuxième question, que signifie ce « non », est-ce un « oui » pour le tunnel ? Oui, disent les groupes citoyens, il s’agit d’un signal fort contre le pont, bye bye brug clament-ils. Pas si clair disent les autres, qui, souvenezvous, ont refusé d’ajouter la question d’un tracé alternatif au
référendum... Patrick Janssens, le bourgmestre qui s’est rallié assez tard au camp des « non » est très embêté, il veut un avis « collégial » de la ville d’Anvers au gouvernement flamand (qui est le seul à pouvoir trancher) et où son parti, le SP.a est minoritaire. Qui dit « collégial » dit compromis et donc un Lange Wapper aménagé ? Cette victoire de David contre Goliath vat-elle se muer en victoire à la Pyrrhus ? Et d’ailleurs comment ont-ils voté nos David à nous ? Sur le site de Joods actueel pas un mot sur le Lange Wapper ni sur le référendum, eux aussi vivent dans un autre pays, celui de l’eruv peut-êre, ce fil qui leur permet de vaquer à leurs occupations le jour du Shabbat, qui est complet lui et qui court bien en deça du ring... ■
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LE
DE LÉON LIEBMANN
La justice belge sur le banc des accusés
I
l y a un phénomène de mode, capricieuse et simplificatrice par définition, dans la mise en cause systématique et souvent tendancieuse des « dysfonctionnements » de la justice dans notre pays. Elle est très vite répercutée et amplifiée par la plupart des médias, avides de scoops exclusifs et de sensationnalisme tous azimuts. Le citoyen lambda, submergé de révélations basées le plus souvent sur des rumeurs et sur des indiscrétions émanant de gens peu scrupuleux, oscille entre le crédit illimité accordé aux accusations, même les plus graves, et leur rejet pur et simple, faute de preuves tangibles de leur véracité. Une fois de plus, la vérité se situe entre les deux points de vue extrêmes. Il y a, en effet, beaucoup, sans doute même une majorité, de magistrats et d’auxiliaires de justice qui s’efforcent d’exercer honnêtement et correctement leur métier. Mais il y a aussi un nombre important et forcément indéterminé de professionnels de la justice qui s’insinuent dans ses failles et les exploitent abusivement à leur profit ou à celui du parti ou du clan qu’ils veulent favoriser. Plutôt que de commenter à chaud une actualité fertile en rebondissements, j’ai préféré livrer à mes lecteurs une série de constatations et d’observations effectuées tout au long de ma carrière judiciaire et para-
judiciaire et qui, je l’espère, les aideront à prendre la mesure des déviations qui ont vu leurs auteurs s’écarter de plus en plus du respect de la loi et de la recherche de la vérité quand celle-ci est litigieuse, c’est-à-dire contestée entre les parties dans un procès. J’ai veillé à éviter que les acteurs de ces péripéties insolites soient identifiables : je ne cherche pas à les clouer au pilori mais à faire connaître des procédés qui ont court au sein de la justice belge et qui sont indignes d’un État de droit.
P
remier vrai... faux pas : celui commis par une femme qui présidait une chambre d’un tribunal mais qui ne rédigeait aucun (!!!) des jugements qu’elle se contentait de co-signer avec ses deux assesseurs. Son « rédacteur de service » n’était personne d’autre que son mari, haut magistrat attaché à une cour d’appel. Comment l’a-t-on su ? Parce qu’un jour où elle n’était pourtant pas éméchée, elle vendit la... mèche en confiant à « son » greffier qu’au cas où il ne saurait pas lire un ou plusieurs mots des jugements qu’elle lui remettait, il devrait s’adresser directement à l’auteur, à savoir son mari. Cette assertion fit le tour du Palais de Justice sans provoquer de remous. Cette répartition inattendue des tâches judiciaires entre les deux époux prit brusquement fin... par leur divorce. Plutôt que de
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chercher un remplaçant, cette magistrate de pacotille trouva une solution simplette, sinon élégante : elle donna instruction à « son » greffier de recopier dans les jugements qu’elle devait prononcer (c’est-à-dire lire à haute voix en audience publique) l’avis du ministère public et de se borner à ajouter que le tribunal faisait sienne la teneur de cet avis et statuait en conséquence ! Tout cela fut bientôt connu de tous mais cette femme peu scrupuleuse et totalement improductive ne fut jamais sanctionnée.
D
euxième série d’irrégularités aussi flagrantes commises, elles, à l’instigation d’un haut magistrat d’une cour et mettant à contribution un auxiliaire de justice d’une juridiction inférieure, cas de figure inverse du précédent. Le magistrat en question avait bien connu un fonctionnaire zélé et compétent et avait pu mettre à l’épreuve son savoir et son savoir-faire. Les deux hommes avaient chacun une couleur politique mais pas la même ! Nonobstant, le plus influent des deux réussit à faire nommer à « sa » cour cette perle rare et à se l’attacher de façon permanente en obtenant qu’il devienne son greffier attitré. Vous devinez la suite : ce magistrat confia à son factotum le soin de rédiger... avec soin tous ses arrêts. Moins flatté
qu’abasourdi, ce greffier promu « bon à tout faire » fit tout ce qu’« on » attendait de lui mais cela à l’insu de tous. Comment l’ai-je su moi-même ? Quand cette véritable bête de somme finit par se confier à moi après m’avoir mis plusieurs fois à contribution sans me dire « le fin mot » de l’histoire. Il avait déjà auparavant fait appel à mes clignotantes lumières en tant que mon subordonné dans le service juridique d’un grand parastatal social. Naïvement, j’avais cru que c’était toujours ès qualités qu’il m’interrogeait. Quand il m’apprit pour et à la place de qui il rédigeait tous « ses » arrêts, je mis fin à l’exercice « de facto » d’une fonction qui était encore moins la mienne que la sienne.
T
roisième façon prohibée mais tout aussi fréquemment utilisée : le recours pour « tenir la plume » d’une juridiction à une personne sans mandat légal pour le faire. C’est, cette fois, dans une chambre pénale d’une cour d’appel que les règles les plus élémentaires du droit furent violées sans vergogne et à longueur d’années. Le président de la chambre en question ne délibérait pas avec ses assesseurs sur la teneur des arrêts qu’il prononçait moins de trente secondes après la clôture des débats. Il se bornait à les interroger un par un à voix basse et donnait immédiatement après lecture de la sentence. Pour apprécier le caractère
singulier d’un tel procédé, il faut savoir qu’après la clôture des débats judiciaires, la juridiction saisie dispose d’un mois pour délibérer et prononcer la décision subséquente. Si ce magistrat concluait aussi rapidement, c’est que « ses » arrêts étaient rédigés avant l’audience ! Pire encore, ils étaient l’oeuvre d’un « nègre », en l’espèce un haut fonctionnaire ayant une formation juridique qui, contre rémunération, traitait de a à z tout le contentieux imparti à son fournisseur et client !
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uatrième acte de cette comédie judiciaire dont, si l’on rit, ce ne peut être que rire jaune tant sont graves les faits ici rapportés. Il s’agit de jugements, rédigés par des avocats de parties en justice et cela à leur insu et, a fortiori, sans leur consentement ! Formellement, mais seulement formellement, ils étaient l’oeuvre d’une juge flamande du tribunal de première instance de Bruxelles. Mais son rôle se bornait à indiquer à son greffier la marche à suivre : dans la version écrite de chacun de ces jugements, il fallait recopier sans y changer un iota, les thèses émises par les parties et les faire suivre par un bref paragraphe stéréotypé où « on » se bornait à dire que le tribunal faisait sienne la thèse du demandeur ou du défendeur à tour de rôle, donc une fois cette juge donnait
raison à la partie demanderesse et la fois suivante à la partie défenderesse ! Cette façon stupide et seulement en apparence équilibrée fut révélée publiquement par une troupe d’avocats flamands dans un spectacle de fin d’année judiciaire organisé par la Conférence flamande du jeune Barreau de Bruxelles. Il n’y eut ni démenti de la principale intéressée ni sanction disciplinaire à son encontre !
D
ans ma prochaine chronique, je révélerai quatre autres manquements graves à la déontologie, commis par de pseudo-serviteurs du droit.. Les deux premiers sont imputables à des membres du Parquet - qu’on appelle plus communément le Ministère public – et les deux derniers à de très hauts fonctionnaires placés sous l’autorité directe du ministre de la Justice. Les violations de la loi belge y sont flagrantes, quoique soigneusement cachées et ignorées par l’opinion publique. Leur lecture attentive et la réflexion qu’elle appelle vous mettront mieux à même de comprendre les dysfonctionnements récents, présents et, hélas, sans doute encore à venir de notre appareil judiciaire. ■
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cultes et laïcité Jef De Veuster ou le père Damien CAROLINE SÄGESSER
J
ozef De Veuster est né en janvier 1840, dans une famille de fermiers du Brabant flamand. Il échappera au destin tracé par son père - reprendre la ferme familiale - en rejoignant la congrégation des Sacrés cœurs de Jésus et de Marie, familièrement dénommée de Picpus. Parce que le pape a confié à cet ordre la tâche d’évangélisation de l’Océanie, le jeune De Veuster s’embarquera pour Hawaï en 1863. Pendant une dizaine d’années, il se consacrera à cette tâche d’évangélisation dans l’île d’Hawaï, avant de partir s’installer, sur l’appel de son évêque, dans l’île de Molokaï, gigantesque léproserie à ciel ouvert. Durant quinze années, il soignera des malades alors incurables, attirant sur leur sort l’attention des autorités ecclésiastiques et civiles, négligeant ainsi, pour palier des besoins plus urgents, la tâche principale que lui avait confié l’Église : convertir les païens. Il succombera lui-même à la lèpre en 1889. La vie et l’action de de Veuster commandent le respect. Peu importe que le prêtre mieux connu sous le nom de père Damien ait été mu par le souci de la gloire de Dieu, l’amour de l’humanité ou toute autre chose. Il faut laisser aux religieux le soin de sonder les âmes (sic) et de jauger les motivations s’ils le souhaitent ; dans notre monde, seuls les actes
Le roi, la reine et le pape
comptent, et ceux de Jef De Veuster sont suffisamment éloquents pour lui décerner le titre de héros. Les Américains, qui ont installé un buste du père Damien au Capitol à Washington ne s’y sont pas trompés. L’auteure Aldith Morris, résidente d’Honolulu, lui a consacré une pièce en 1976 : Damien est un fantastique one-man show dont la version française a été présentée au théâtre de Poche il y a une vingtaine d’années. En Belgique, la population considère Damien comme l’un des plus grands Belges de tous les temps (sic), il est même le premier d’entre eux pour les Flamands (il n’est que le troisième pour les francophones qui lui préfèrent Jacques
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Brel et le roi Baudouin, l’opinion des germanophones n’ayant, apparemment, pas été demandée). Aussi est-il parfaitement légitime de lui rendre hommage, dans son village natal de Tremelo où il est enterré par exemple. Le Roi aurait pu aussi lui décerner quelque chose comme le Grand cordon de l’ordre de Léopold, à titre posthume (mais il paraît que cela ne se fait pas). Faire du père Damien un saint, le canoniser selon la terminologie ecclésiastique, c’est autre chose. On quitte le domaine de l’hommage pour entrer dans celui du culte. Depuis le dimanche 11 octobre, selon les mots du cardinal Daneels, Damien n’est plus seu-
lement un héros, mais un saint que l’on prie et à qui l’on fait appel pour résoudre des problèmes. Les saints sont en effet des personnes dont l’Église affirme qu’elle est sûre qu’ils sont au paradis, et qui peuvent donc intercéder en faveur des pauvres pécheurs dont le reste de l’humanité est constituée. Le culte des saints, quoique bien moins important aujourd’hui qu’aux siècles passés, fait partie des pratiques religieuses catholiques usuelles. La canonisation suit une procédure stricte, qui comprend notamment la reconnaissance officielle de deux miracles, le plus souvent sous forme de guérison miraculeuse. On est là au cœur même de la foi religieuse catholique. Aussi, la décision d’inscrire Damien au calendrier des saints (la Saint-Damien est fixée au 10 mai) est-elle une décision interne à l’Église catholique, dont on a un peu de mal à imaginer qu’elle puisse concerner de quelque manière que ce soit des non-catholiques. C’est donc avec étonnement que l’on a pu voir le chef de l’État et son épouse, le premier ministre, les présidents du Sénat et de la Chambre au premier rang lors de la messe de canonisation à la Basilique Saint-Pierre. L’étonnement grandit en apprenant que divers ministres (dont la présidente du déconfessionnalisé CDH, en mantille noire) ont interrompu le « conclave » budgétaire pour se rendre à Rome ce dimanchelà. La canonisation du père Damien était donc plus importante que le bouclage du budget ? Il n’est pas certain que tous les citoyens partagent cette opinion ; le Centre d’action laïque a, quant à lui, critiqué cet « exode gouver-
nemental » dans lequel il voit une affirmation de la prééminence du religieux dans la société civile. Bien sûr, une représentation belge à cette cérémonie était légitime, mais la présence de notre ambassadeur auprès du SaintSiège aurait sans doute suffi. On peut s’interroger sur les raisons qui ont poussé nos éminences à faire le voyage à Rome : se sontils laissés abuser par la grande popularité du père Damien, dont ils ont pu croire qu’elle rejaillirait sur eux ? Le calcul paraît risqué : les forums d’internautes et les micro-trottoirs ne sont guère favorables à ce type de dépenses, ni même au faste déployé pour la canonisation. Il est possible que le public aurait préféré continuer à rendre un hommage discret à Jef De Veuster et qu’il n’aura pas vis-à-vis de celui désormais officiellement adoubé par Rome le même élan.
EN MANTILLE BLANCHE Mais il y a eu plus grave que le déplacement en ordre rangé des autorités du pays : la presse a publié des images de l’audience privée du Roi et de la Reine (en mantille blanche, privilège des reines - et seulement des reines - catholiques) avec le pape, sur lesquelles on aperçoit Albert II agenouillé devant le souverain pontife. D’aucuns s’en sont - justement - émus. Dans Le Soir, Ricardo Gutiérrez a voulu leur expliquer que « la génuflexion royale ne menaçait pas la laïcité »1, et il a défendu le droit pour Albert II à jouir de la liberté religieuse. L’argument laisse perplexe : nul, en effet, ne songe à priver le Roi de sa liberté religieuse, il est libre de s’agenouiller devant Monsieur
Joseph Ratzinger s’il le souhaite. Mais il est tout-à-fait inopportun de convier la presse à immortaliser cet instant qui relève de sa vie privée. L’invitation de la presse est une surprise, dans la mesure où le Palais, depuis l’avènement d’Albert II, semblait avoir compris la nécessité d’entourer la pratique religieuse du souverain et de sa famille d’une certaine discrétion. C’est ainsi que les baptêmes des petits-enfants du roi ont été considérés comme des événements relevant de la sphère privée, auxquels la presse n’a pas été conviée, contrairement à ce qui avait été la règle à la génération précédente. On se prenait à espérer que lors du mariage de ces mêmes enfants, seule la cérémonie civile ferait l’objet d’une couverture médiatique. Ce qui vient de se passer lors de la canonisation du père Damien est ainsi bien décevant et constitue, sans aucun doute, une régression dans l’approfondissement de la séparation de l’Église et de l’État, en l’occurrence celle de l’Église catholique et du chef de l’État. Pour terminer sur une note plus légère, notons que parmi ceux que la canonisation du père Damien n’a pas remplis que d’allégresse figurent les militants du mouvement B.U.B (Belgische Unie - Union belge, parti centriste pour l’unité nationale). Dans un communiqué, ils ont dénoncé la « bourde » du pape qui a indiqué dans son discours que le Père provenait d’un pays nommé la Flandre. Sacrilège… En Belgique, le contentieux communautaire n’est jamais loin… ■ 1
Le Soir, 12 octobre 2009, p.2.
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mémoire Quatre résistantes de Solidarité juive. Genèse d’une exposition JO SZYSTER
E
n rapport avec la date du 8 novembre, jour de la femme, la ville de Bruxelles organise chaque année une « Quinzaine des femmes » au cours de laquelle divers événements et expositions sont organisés. Le thème de cette année est « Femmes et citoyenneté – Femmes et diversité » et aborde aussi bien le sort des femmes violées pendant les conflits armés à l’est du Congo, le travail des femmes en attente de régularisation, les femmes du monde arabe ici ou ailleurs, les savoirs des femmes et la transmission et bien d’autre sujets. L’UPJB a contacté Corinne Hanon de la cellule Égalité des Chances de la ville de Bruxelles, cellule placée sous la responsabilité de monsieur Ahmed El Ktibi, échevin des Travaux public, de la Participation et de l’Égalité des chances à la ville de Bruxelles, pour lui proposer une exposition et un exposé sur « quatre femmes marquantes du mouvement qui se sont distinguées par leur activité de résistance contre l’occupant nazi », ainsi qu’une conférence de Jacques Aron sur Félicie Aron-Lewin. Corinne Hanon et sa collègue d’Ixelles, Godelieve Bonnet, ont accepté cette proposition avec enthousiasme. La première cho-
Maggy Wolman à la Gare du Midi. 1946 (avec le bouquet)
se qu’il a fallu préciser était que l’UPJB, née en 1969 était la continuité du mouvement « Solidarité juive », né en 1939 et dont les quatre femmes avaient été des personnalités marquantes. Ensuite s’est posée la question de savoir quelles femmes choisir parmi les nombreuses résistantes qui avaient été militantes ou proches de « Sol » pendant la guerre. Divers noms ont été proposés par des membres de l’UPJB et finalement le comité a bien dû arrêter un choix sur quatre noms. Cela n’a pas été facile car la liste des courageuses était longue… Nous avons eu le plaisir de re-
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cevoir un mail d’une lectrice et d’un lecteur de notre mensuel qui nous félicitaient de rendre hommage à des femmes dans la résistance mais se demandaient aussi pourquoi on se limitait aux quatre femmes choisies. Je pense avoir répondu à cette question ci-dessus. Mais leur message m’a donné une idée ; nos lecteurs énumèrent une série de noms de femmes ; j’ai connu personnellement plusieurs d’entre elles et j’ai été ému de repenser à ces femmes dont je dois bien l’avouer, le souvenir commençait petit à petit à s’estomper. Pourquoi ne pas songer dès à
Sarah Goldberg (à l’avant-plan)
présent à préparer la quinzaine des femmes 2010, à faire appel à tous les amis, les historiens, les descendants, les transmetteurs de
la mémoire, les organismes, enfin tout le monde et établir une liste la plus complète possible de toutes ces résistantes courageuses, de centraliser toutes les informations les concernant avec photos et textes biographiques et de raviver ainsi la mémoire de toutes ces femmes connues ou moins connues qui ont préféré prendre le risque de mourir debout plutôt que de vivre à genoux.
QUATRE RÉSISTANTES
Maggy Wolman. Milieu des années septante
L’exposition et la conférence de l’UPJB présentées dans le cadre de la quinzaine des femmes sont donc consacrées à quatre femmes militantes du mouvement « Solidarité juive » qui ont ac-
tivement participé à la résistance en Belgique dès le début de la guerre et dès la promulgation des lois raciales antisémites par l’autorité occupante. Maggy Volman, Yvonne Jospa, Sonia Goldman et Sarah Goldberg ne sont pas nées en Belgique ; deux d’entre elles viennent de Bessarabie, une région de l’empire tsariste et les deux autres viennent de Pologne. Toutes les quatre sont arrivées jeunes ou enfants dans notre pays et sont donc issues de cette immigration juive en Belgique, qui a vu cette population passer de 4.000 personnes en 1880 à 55.000 personnes avant 1920 pour passer à 65.000 personnes en 1940. Dès avant la guerre, et chacune de son côté, elles ont adhéré à des mouvement ou des organisations juives d’obédience communiste et deux d’entre elles étaient même déjà membres du Parti communiste avant la guerre. Trois d’entre elles militaient dans des mouvements de soutien aux républicains espagnols en guerre contre l’agression fasciste des troupes de Franco. la Luftwaffe nazie y avait déjà commis son premier grand crime de guerre : Guernica en avril 1937. Et c’est donc tout naturellement et conformément à leurs choix politiques d’avant guerre que, sous l’occupation, elles ont plongé dans la clandestinité et se sont engagées dans la lutte active et parfois armée contre l’occupant nazi. Chacune a eu son parcours ; leurs actions ont été multiples et
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chacune s’est distinguée dans divers actes de résistance : résistance armée, transport d’armes de poing ou d ’explosifs ; courrières qui distribuaient de l’argent, des colis divers et des timbres de ravitaillement aux familles cachées, commission enfance du CDJ ; prise en charge des enfants à séparer de leurs parents, à cacher dans des familles ou des institutions non juives afin de les soustraire à la déportation, information et propagande antinazie ; trans- Sarah Goldberg et Sonia Goldman (3ème et 4ème à gauche) port et distribution de tracts en avaient été arrêtées et envoyées des mères de famille, elles ont eu yiddish, distribution de la presse comme Juives au camp d’extermi- une vie professionnelle car il falclandestine, collage d’affiches et nation d’Auschwitz-Birkenau. El- lait aussi manger, se loger et se pour l’une d’elle, Sarah qui après les ont eu la chance d’en revenir. vêtir… Dès la libération et le retour des avoir été une des « pianistes » de Parmi les dizaines d’autres feml’Orchestre rouge est entrée au camps, elles se sont mises au tra- mes courageuses et résistantes Corps mobile de Bruxelles de l’Ar- vail de reconstruction de la vie de « Solidarité juive », nous avons juive détruite. Actives à « Solidari- bien dû faire un choix. Notre exmée Belge des Partisans. Elles avaient fait leurs choix té juive », et pour certaines, mem- position et notre conférence sephilosophique et politique avant bres du Parti communiste, elles ront donc consacrées à Maggy, la guerre et leur activité socia- ont continué à militer pour « des Yvonne, Sonia et Sarah. le militante ne s’est pas arrêtée lendemains qui chantent ». Elles ont aussi été des épouses, REMERCIEMENTS après la guerre. Sarah et Sonia L’équipe qui a travaillé à l’élaboration de l’exposition « Femmes en résistance » tient à remercier Paul Jospa, Simon et Michel Goldberg, Henri Goldman et Boris Gvirtman pour nous avoir fourni des documents sur leur mère ; Johannes Blum et André Goldberg pour l’utilisation du matériel dont ils disposaient (interviews filmées et photos), Corinne Hanon de la Cellule Égalité des Chances de la Ville de Bruxelles ainsi que Godelieve Bonnet du Service de l’Égalité des Chances d’Ixelles et monsieur Hauwaerts du Petit Théâtre Mercelis. ■ Yvonne Jospa (au centre)
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activités du 13 au 25 novembre Dans le cadre de la « Quinzaine des femmes »
Exposition « Femmes en résistance » au Petit Théâtre Mercelis, 13 rue Mercelis 1050 Ixelles L’exposition « Femmes en résistance » est consacrée à Maggy Volman, Sarah Goldberg, Sonia Goldman et Yvonne Jospa. Le parcours de quatre femmes de « Solidarité juive », militantes infatigables, est évoqué par des photos et des textes qui mettent en relief leur engagement. Le vernissage de cette exposition aura lieu le jeudi 12 novembre à partir de 18h30
Deux conférences à l’Hôtel de Ville de Bruxelles* ■ vendredi
13 novembre à 20h15
Conférence de Jo Szyster
Quatre résistantes de « Solidarité juive » La conférence est consacrée à ces quatre femmes, Maggy Volman, Yvonne Jospa, Sonia Goldman et Sarah Goldberg, quatre femmes qui ont milité toute leur vie contre l’antisémitisme et le racisme et activement combattu le fascisme et le nazisme. ■ mardi
17 novembre à 20h15
Conférence de Jacques Aron
Félicie Aron-Lewin, résistante belge condamnée par la Wehrmacht, déportée comme juive par les SS J’ai vécu plus de trente avec l’absence d’une mère. Je lui dédiai en 1978 un livre sur l’urbanisme bruxellois : À la mémoire de ma mère morte à Auschwitz à l’âge de trente ans. En 1995, André Dartevelle tournait un film : À mon père résistant. Il me demanda de lire, sur le lieu de son exécution, la lettre que Jean Guillissen, dirigeant communiste des Partisans armés avait adressée le dernier jour à ma mère. Mon père était mort en février 1939 et ma mère était devenue la compagne de Jean deux ans plus tard. Arrêté les armes à la main, Guillissen fut condamné à mort et exécuté malgré d’innombrables protestations. Ma mère ne fut condamnée qu’à trois mois d’emprisonnement. À l’issue de sa peine, la SS s’en saisit pour compléter le IIIe Convoi vers Auschwitz, auquel manquaient 269 Juifs. Le destin d’une fille d’émigrés juifs avait rejoint celui du fils de patriotes belges. Le récit d’une rencontre avec l’histoire. Jacques Aron *Grand-Place. L’entrée se fait par la rue de l’Amigo à l’arrière de l’Hôtel de Ville. La salle de conférence sera fléchée.
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activités mardi 10 novembre à 19h30
Les citoyens Palestiniens d’Israël : Quelle place ? Quel avenir ? Conférence coorganisée par le Cercle des étudiants arabo-européens de l’ULB, Dor Hashalom et l’UPJB Conférence en anglais avec traduction simultanée ULB, campus du Solbosch, auditoire H2.215 avec
Jaffar Farah, directeur du Centre Mossawa pour la défense des droits des Arabes d’Israël Daniel Monterrescu, sociologue Shuli Dichter, militant israélien pour l’égalité des droits entre Juifs et Arabes en Israël Modérateur : Baudouin
Loos, journaliste au Soir
PAF : 3 EURO (2 euros pour les membres, étudiants et chômeurs)
vendredi 27 novembre à 20h15
Barack Obama. Un an après son élection, quel bilan ? Conférence-débat avec Eric Remacle, professeur à l’ULB, directeur du Pôle Bernheim Paix & Citoyenneté Un an après son élection, Barack Obama est-il en mesure de tenir les promesses de son ambitieuse campagne électorale ? On constate que, malgré des discours de grande qualité et des initiatives diplomatiques qui tranchent avec son prédécesseur et replacent les États-Unis au centre de la scène internationale, les résultats se font attendre. Sur le plan interne, le projet de réforme de l’assurance-maladie fait l’objet de fortes résistances et la régulation des marchés financiers reste minimaliste. Dans la politique étrangère, l’Afghanistan ressemble de plus en plus à un nouveau bourbier et le Moyen-Orient est loin de connaître des avancées pour la paix. Alors que va commencer la campagne électorale pour la réélection du Congrès fin 2010, le président a-t-il d’ores et déjà pieds et poings liés par la politique intérieure ? Les Républicains préparent-ils leur revanche ? PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO
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activités samedi 28 novembre dès 18h - spectacle à 20h30 Place aux jeunes Concert exceptionnel et en première mondiale
•
Première partie :
Entre Renaud et Thiéfaine, en passant par Bashung, venez découvrir
Noé Preszow Accompagné de Fanny Tehoval, Samuel Behr and Co...
•Venez vous plonger dans un bouillon de rock, de funk et de jazz. Deuxième partie :
C’est dire que ça va bouger et chauffer...
Extrasystole avec Yvan Rother Accompagné de Gary Celnik, Victor Goldschmidt, Ienad Frydman, Quentin Steffen and Co... (sous réserves : Galia De Backer) Ouverture des portes à 18H avec possibilité de déguster notre désormais traditionnel bouillon (3 EURO) – Bouillon du jour : Krupnik Début du spectacle à 20h30 PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO
vendredi 4 décembre à 20h15 Communautarisme électoral à Bruxelles, pourquoi changer une formule qui gagne ? Conférence-débat avec
Mehmet Koksal,
auteur du livre Bruxelles 2009, l’autre campagne Journaliste-reporter pour Parlamento.com, rédacteur pour l’agence de presse IPS, correspondant du Courrier international En guise de présentation de son nouveau livre, Mehmet Koksal viendra nous raconter la campagne de séduction communautaire menée dans l’ombres par plusieurs candidats d’origines diverses. Un phénomène qui traverse toutes les communautés et pratiquement tous les partis. PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO
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lundi 7 décembre à 20h aux Halles de Schaerbeek* Un partenariat des Halles de Schaerbeek et de l’UPJB Conférence-débat avec
Shlomo Sand, autour de son livre
et
historien
Comment le peuple juif fut inventé
Jean-Philippe Schreiber,
historien
Se basant sur des recherches historiques, Shlomo Sand déconstruit les mythes en remettant en question la thèse de l’unicité du peuple juif et en affirmant que l’existence des diasporas de Méditerranée et d’Europe Centrale est principalement le résultat de conversions anciennes au judaïsme. Pour lui, l’exil du peuple juif est un mythe né d’une reconstruction a posteriori et sans fondement historique. Une thèse controversée et à débattre.
Shlomo Sand sera interpellé par Jean Philippe Schreiber sur les thèses qu’il développe dans son ouvrage.
Shlomo Sand a fait ses études d’histoire à l’Université de Tel-Aviv et à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. Depuis 1985, il enseigne l’histoire contemporaine à l’Université de Tel-Aviv. Outre des ouvrages consacrés au sociologue français Georges Sorel, il a publié également en français Le XXe siècle à l’écran et Les mots et la terre, les intellectuels en Israël. Jean-Philippe Schreiber est professeur à l’Université libre de Bruxelles. PAF : 5 EURO, tarif réduit 3 EURO
*Rue Royale Ste-Marie, 22b 1030 Schaerbeek
mercredi 9 décembre à 20h15 Conférence-débat autour du livre d’Isabelle Stengers
Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient avec Isabelle Stengers et Mateo Alaluf
Isabelle Stengers est docteur en philosophie et enseigne à l’ULB. Elle est l’auteure de nombreux livres sur l’histoire et la philosophie des sciences, dont L’Invention des sciences modernes (La Découverte, 1993) et Sciences et pouvoir (1997, 2002). Elle a reçu le grand prix de philosophie de l’Académie française en 1993. Mateo Alaluf est sociologue, docteur en sciences sociales et professeur à l’ULB. Nous vivons des temps étranges. Que les décennies qui viennent soient porteuses de bouleversements irréversibles pour l’histoire humaine est désormais accepté, et ceux qui nous gouvernent affirment que l’on peut leur faire confiance, ils vont prendre les décisions qui conviennent. À quoi répond un certain scepticisme mais aussi un sentiment certain d’impuissance. Il nous est difficile de « réaliser » ce qui se prépare, sauf par les gestes individuels de bonne volonté culpabilisée (changer vos ampoules !) auxquels on nous exhorte. Isabelle Stengers n’a aucune solution rassurante à proposer. Son « intervention » a pour but de forcer à penser la radicalité du défi politique auquel nous confronte ce qu’elle appelle « l’intrusion de Gaïa », un défi adressé d’abord aux forces qui se nomment « progressistes ». PAF : 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit : 2 EURO
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UPJB Jeunes Sur des chapeaux de roue NOÉMIE SCHONKER
C
omme chaque année, la rentrée est pleine d’inconnues. Quelques réunions, quelques bonnes résolutions, Valentine et Léone, bientôt parties sous d’autres cieux, décidées à nous épauler pour lancer la machine… Et, petit à petit, cela prend forme : nous profitons du dernier soleil d’été pour notre première journée de rentrée commune UPJB/UPJBjeunes ; Shana, une nouvelle recrue, rejoint Volodia pour animer les « Bienvenus » ; Fanny, une « Mala » devient mono aux côtés de Lucas pour s’occuper des « Zola » et Félicia passe des tout petits aux jeunes ados. Les autres groupes garderont leurs fidèles moniteurs. Le train-train des réunions mis sur les rails, le groupe des « Bienvenus » accueille de nouveaux enfants et investit les locaux. Les « Korczak » déambulent dans les rues de Bruxelles à la rencontre de l’art psychédélique, participent à la réalisation d’une fresque murale, découvrent les premières bandes dessinées pour adultes et assistent à un « concert dessiné de jazz » au Bozar. Les « Jospa » inaugurent l’année par un grand jeu de ville. Les « Mala » et les monos échangent leurs points de vues avec de jeunes israéliens et les parents se retrouvent au « bar du samedi upjbien ». Ouvert depuis le début de l’année de 17h30 à 19h00, le « bar du samedi upjibien » est destiné aux parents et amis de l’UPJB-Jeunes. Sur fond de musique farniente, on prend le temps d’y boire un verre et de pa-
poter avec des gens qu’on ne fait que croiser, souvent depuis des années. C’est également un moment à partager avec les monos et la coordinatrice, plus détendu que sur le pas de la porte, et parfois même une occasion de faire connaissance avec nos hôtes. Samedi dernier, par exemple, nous recevions Omer Sharir et Michal Raz, deux jeunes israéliens membres des « Anarchistes contre le mur ». Nous avions prévu qu’Omer et Michal rencontreraient les moniteurs avant l’arrivée des enfants et passeraient l’après-midi avec les « Mala ». Nous n’avions pas pensé qu’une troisième session allait s’improviser avec les parents. Inutile de préciser que les moments forts de l’évènement se sont déroulés l’après-midi. En effet, après une brève présentation, la discussion a débuté avec des questions sur leur parcours de jeunes militants. Ainsi, tant les « Mala » que les monos ont d’abord été curieux de savoir à quel âge ils avaient commencé à questionner leur éducation, à quel âge ils avaient posé leur premier acte militant et comment avait réagi leur famille. Agréablement surpris par leur intérêt, Omer et Michal ont répondu à leurs questions dans un langage proche des jeunes. Michal leur a expliqué que l’armée, omniprésente dès leur plus jeune âge, est le passage obligé et logique pour tout jeune en terminale. À partir de là, des questions ont surgi. Pourquoi devaitelle y aller ? Comment cela se
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faisait-il que ce soit la seule alternative laissée aux jeunes et pourquoi cette institution avait-elle tant d’importance dans ce pays ? Elle a refusé d’aller à l’armée, ce que ses parents n’ont pas compris, s’est intéressée à d’autres canaux d’information avant de rejoindre des personnes qui, comme elle, s’opposaient au courant de pensée dominant. Omer, enfant d’officier, a fait les choix. À 17 ans, ils passaient de l’autre côté du mur pour participer à une action contre sa construction. Ensuite, les moniteurs se sont interrogés sur leur pratique et la raison de leur nom. Michal et Omer leur ont expliqué que les « Anarchistes contre le mur » est un groupe de jeunes pacifistes, non hiérarchisé, qui mène des actions directes. Par des actions symboliques, le groupe s’oppose à l’injustice à l’endroit même où elle opère. Ils considèrent également que la légalité n’est pas synonyme de légitimité et que dès lors, la transgresser relève du devoir. Leur nom n’implique pas une appartenance au mouvement anarchiste tel que nous l’entendons. Il leur a été donné par les médias qui les présentaient comme des jeunes s’opposant à tout. Provocateur, médiatique, il fut gardé. L’essentiel de leurs actions se déroulent en Cisjordanie, toujours sur demande des comités populaires palestiniens, seuls à subir la répression qui s’ensuit. Ensuite, Omer et Michal ont discuté de l’impact de leur action sur la population
israélienne. Selon eux, l’ensemble de la société, médias compris, est hermétique à leur action, et plus encore depuis « Gaza », les considérant au mieux comme des fous, au pire comme des traîtres. En effet, sans pouvoir l’expliquer, ils constatent que les rangs de la gauche se sont nettement rétrécis depuis. Enfin, avant de s’activer à leur besogne hebdomadaire, les monos ont encore voulu savoir si l’arrivée au pouvoir de partis d’extrême droite avait déjà eu des répercussions sur la liberté d’expression des organisations militantes, si l’arrivée d’Obama suscitait chez eux quelqu’espoir. Comme aux « Mala », ils ont répondu que certes, des militants étaient traînés en justice mais que la liberté d’expression n’était pas encore trop atteinte malgré des tentatives inquiétantes. Le plus difficile pour eux, c’est que personne ne veut les entendre ! Quant aux « Mala », nos amis israéliens leur ont renvoyé leur question sur les réactions hostiles qu’ils pouvaient susciter, intéressés de connaître celles que l’UPJB provoquait et comment ils le vivaient. Échange intéressant qui déboucha sur la question du sionisme. En effet, Omer et Michal ont exprimé leur difficile rapport à Israël et leur rejet du sionisme. Ce fut l’occasion de revenir sur les mythes fondateurs des États-Nations en général et celui d’Israël en particulier et sur le contexte historique dans lesquels ils s’inscrivent. À la question du découragement, nos jeunes amis ont répondu que, souvent, ils se replongeaient dans leurs livres d’Histoire pour se rappeler que les changements avaient été possibles grâce aux personnes qui les avaient souhaités et qui y avaient œuvré… ■
Carte de visite L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.
Bienvenus pour les enfants de 6 ans ou qui entrent en
Les 1ère primaire Moniteurs :
Shana : 0476/74.42.64
Volodia : 0497/26.98.91 Les
Janus Korczak pour les enfants de 8 à 9 ans
Moniteurs : Max : 0479/30.75.71 Mona : 0474/42.37.74 Les
Émile Zola pour les enfants de 10 à11 ans
Moniteurs : Fanny : 0474/63.76.73 Lucas : 0476/56.72.37
Les
Yvonne Jospa
pour les enfants de 12 à 13 ans
Moniteurs : Cyril : 0474/26.59.09 Ivan : 0474/35.96.77 Félicia : 0472/62.06.95 Les
Mala Zimetbaum
pour les enfants de 14 à 16 ans
Moniteurs : Alice : 0476/01.95.22 Théo : 0485/02.37.27
Informations : Noémie Schonker - noschon@yahoo.fr - 0485/37.85.24
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diasporas Deux dynasties khassidiques en Pologne. Ger et Aleksander MORDKHE BAUMAN L’article qui suit vient d’un monde qui pourra sembler étrange sinon étranger à beaucoup. C’était pourtant celui d’une grande partie des Juifs de Pologne et des provinces hongroises ou roumaines avant la seconde guerre mondiale, celui de la tradition la plus rigoureuse, celui du khassidisme et de ses multiples cours rabbiniques. Un monde qui, tragiquement frappé par la Catastrophe, n’en a pas pour autant disparu... Cet article a été publié le 14 août dernier dans le Algemeyner zhurnal, un hebdomadaire orthodoxe new-yorkais, lié au khassidisme de Lubavitsh, qui paraît en yiddish et en anglais. Son auteur, rescapé du génocide, est décédé cette année à l’âge de 99 ans et ce fut son dernier texte publié.
G
er et Aleksander1 constituaient les plus puissantes cours khassidiques* de Pologne et c’était aussi le cas à Zhirardov, notre shtetl. Les deux cours y possédaient chacune deux oratoires où priaient quotidiennement plus d’une centaine d’hommes. On pouvait les voir chaque shabes et chaque jour de fête rentrer à la maison en bandes. Ceux de Ger étaient tous habillés de long et nombreux étaient ceux coiffés d’un shtreyml2. Les khassidim d’Aleksander étaient également habillés de long mais étaient un rien plus élégants. Cela fait déjà plus de septante années mais un épisode me revient qui s’est déroulé dans les années trente du siècle dernier, un jour de Yom Kiper. J’étais encore un jeune homme et je priais à côté de mon père, qu’il repose en paix, dans l’oratoire de Ger. On en était déjà à musef3 quand la porte de l’oratoire s’est ouverte d’un seul coup et un homme est accouru en criant
: « Juifs, vous priez et vous jeûnez mais à un demi-pâté de maisons d’ici, le jour le plus saint de l’année, des jeunes gens font un repas, une provocation de bouffe, à leur Union professionnelle ». Cette exhortation, cette exclamation au sujet de cette bouffe le jour de Yom Kiper mirent tout l’oratoire en émoi. Quelques jeunes khassidim se sont proposés pour descendre à l’Union professionnelle et s’élever contre cette Profanation du Saint Nom4. J’avais décidé par curiosité de suivre les quelques protestataires pour voir ce qui allait se passer. Et voici ce que nous avons vu. Le long de quelques bancs étaient assis une trentaine de jeunes hommes et quelques jeunes femmes. Ils écoutaient ce qu’un homme, debout à un pupitre, disait avec ardeur et rage au sujet de l’exploitation des tailleurs dans notre shtetl. Les personnes présentes dans le local de l’Union furent surprises par ces « invités » indésirables, le tales5 sur les épaules, et leur ont fait comprendre qu’il n’était question d’aucu-
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ne «bouffe» à leur local mais d’un meeting sur les conditions de travail des tailleurs. Cette explication et l’absence de « bouffe » calmèrent les protestataires qui saisirent immédiatement que l’erreur provenait d’une confusion entre les mots mitog6 et meeting. Mais les khassidim se mirent à protester à voix haute contre le fait d’organiser un meeting en un jour aussi saint pour les Juifs que Yom Kiper et de parler de choses aussi « prosaïques » que « l’exploitation » et les salaires. Tant les Gerer que les Aleksanderer étaient rigoureusement orthodoxes mais les Gerer l’étaient encore plus. Les Aleksanderer étaient plus libéraux. Il est vrai aussi que le gerer rebe7, l’admor8 rebe Avrom Mordkhe Alter , que le souvenir du tsadek9 soit béni, avait été le fondateur du parti politique Agudes Yisroel10 et que tous ses khassidim étaient automatiquement membres du parti alors que les Aleksanderer y appartenaient uniquement sur une base individuelle. Mais quand le rebe de Pie-
est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) Les adeptes de ces deux dynasties khassidiques sont communément appelés Gerer et Aleksanderer. Ger qui se prononce avec un «g» dur, est originaire de la bourgade de Ger (Gora Kalwaria) à 25 km au dud-est de Varsovie. Première obédience de Pologne avant-guerre, Ger, basée aujourd’hui en Israël, reste aujourd’hui une des plus importantes dans le monde. Les Aleksanderer Khasidim, dont l’obédience avait pris naissance dans le village de Aleksander près de Lodz (Aleksandrow Lodzki), constituaient le second groupe khassidique de Pologne. Le khassidisme d’Aleksander, très durement frappé, compte aujourd’hui seulement quelques centaines d’adeptes. 2 Chapeau rond bordé de fourrure porté le shabes et les jours de fête. 3 Prière supplémentaire du shabes et de certains jours de fête. 4 Khilel haShem. 5 Châle de prière. 6 Repas de midi. 7 Rebe, maître khassidique. gerer rebe, le chef de la dynastie de Ger. Reb est l’équivalent de « monsieur ». 8 Titre donné aux rebes, abréviation de « notre prince, professeur et maître » en hébreu. 9 « Juste ». Autre titre donné aux figures du khassidisme. 10 « Union d’Israël ». Parti orthodoxe, antisioniste à sa fondation en 1912 à Katowice. Le parti est représenté au parlement israélien depuis 1951, actuellement au sein d’une alliance électorale ultra-orthodoxe. 11 Piortkow Trybunalski à 26 km au sud de Lodz. Introduit par Yehude Meyer Shapiro (1887-1933), élu président du Agudes Yisroel en 1922, le daf yomi (« feuillet quotidien ») mène à l’étude du Talmud en sept années et demie. Shapiro présida également à la construction d’une yeshive (académie talmudique) destinée à former les cadres du khassidisme polonais. La Yeshivas Khakmey Lublin fut inauguée en 1930. Le bâtiment est toujours en place. 1
Le gerer rebe, Avrom Mordkhe Alter (1866-1948)
trikov11, le rabbin et érudit talmudique reb Meyer Shapiro, que le souvenir du tsadek soit béni, introduisit le daf yomi, une page du Talmud chaque jour, tous les Aleksanderer adoptèrent cette coutume. Les relations entre Ger et Aleksander étaient en général correctes mais froides et variaient de villes en bourgades. Cela se manifestait surtout quand il s’agissait de choisir un rabbin pour la ville ou d’élire un représentant à la communauté et que tant les uns que les autres voulaient que le rabbin ou que le représentant soit l’un des leurs. On le constatait aussi quand il fallait choisir un membre de la famille. Mon père, qu’il repose en paix, fut mécontent quand un marieur proposa que sa fille, ma sœur, se marie avec le fils d’un Aleksanderer. Il préférait encore le fils d’un khassid de Radzimir. Le couple a cependant vécu honorablement et dans le bonheur jusqu’à ce que les assassins allemands mettent fin à leur jeune vie. Le génocide n’a pas fait de différence entre Ger et Aleksander. Que leur souvenir soit béni jusqu’à la fin des générations. ■
* À l’exception de « khassidisme » et de ses dérivés, tous les termes repris du yiddish respectent le système de transcription proposé par le Yivo. Pour éviter toute erreur de prononciation, la gutturale initiale de « khassidisme » n’est pas rendue par un simple « h » mais par le « kh » proposé par le Yivo.
Traduction et notes : Alain Mihály
L’UPJB est membre de la Fédération des Juifs européens pour une paix juste (www.ejjp.org) et est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Sender Wajnberg, Caroline Sägesser, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Henri Goldman Léon Liebmann Thérèse Liebmann Gérard Preszow Noémie Schonker Andres Sorin Jo Szyster Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Abonnement annuel 18 EURO Abonnement de soutien 30 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB (CCP 000-0743528-23). Montant minimal mensuel: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus
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agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)
mardi 10 novembre à 19h30
Les citoyens Palestiniens d’Israël. Quelle Qu place ? Quel avenir ? Conférence coorganisée par le Cercle des étudiants arabo-européens de l’ULB, Dor Hashalom et l’UPJB. ULB, campus du Solbosch, auditoire H2.215 (voir article page 10 et annonce page 40)
du 13 au 15 novembre
Femmes en résistance. résistance. Dans le cadre de la Quinzaine des femmes. Exposition et conférences. Salle Salle Mercelis et Hôtel de Ville de Bruxelles. Vernissage le jeudi 12 novembre à partir de 18h30 (voir page 39)
vendredi 13 novembre à 20h15
Quatre résistantes de « Solidarité juive». Conférence de Jo Szyster. Hôtel de Ville de Bruxelles (voir page 39)
mardi 17 novembre à 20h15
Félicie Aron-Lewin, résistante belge condamnée par la Wehrmacht, déportée comme juive par les SS. Conférence de Jacques Aron. Hôtel de Ville de Bruxelles (voir page 39)
mardi 24 novembre à 20h
Première des Folles aventures de Simon Konianski, un film de Micha Wald. Avec IMAJ, le CCLJ et l’UPJB. Cinéma Kinepolis (voir article page 16 et annonce page 41)
vendredi 27 novembre à 2Oh15
Barack Obama. Un an après son élection, quel bilan ? Conférence-débat avec Éric Remacle, professeur à l’ULB (voir page 40)
samedi 28 novembre dès 18h
Concert « Place aux jeunes » avec Noé Preszow, Yvan Rather et Extrasystole (voir page 42)
vendredi 4 décembre à 20h15
Communautarisme électoral à Bruxelles, pourquoi changer une formule qui gagne ? Conférence-débat avec Mehmet Koksal, journaliste (voir page 42)
Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles
lundi 7 décembre à 20h30
Conférence-débat avec Shlomo Sand, historien, autour de son livre Comment le peuple juif fut inventé et Jean-Philippe Schreiber, historien. Halles de Schaerbeek (voir page 43)
mercredi 9 décembre à 20h15
Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient. Conférence-débat avec Isabelle Stengers, philosophe et Mateo Alaluf, sociologue (voir page 43)
club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)
jeudi 5 novembre
Pas d’activité (congé de Toussaint)
jeudi 12 novembre
« Ma participation à la résistance contre l’occupant nazi » par Ignace Lapiower
jeudi 19 novembre
« Femmes en résistance », exposition consacrée à quatre femmes de « Solidarité juive » (Maggy Volman, Yvonne Jospa, Sonia Goldman et Sarah Goldberg). Rendez-vous à l’entrée du Théâtre Mercelis, 13 rue Mercelis à Ixelles à 14h45. Entrée groupée à 15 heures
jeudi 26 novembre
« Le foulard islamique, enjeu de société » ? par Henri Goldman