mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique octobre 2011 • numéro 319
éditorial
Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - mensuel (sauf juillet et août)
Vive le débat !
C
hers lecteurs et lectrices, vous trouverez dans ce numéro plusieurs droits de réponses et contributions de nos lecteurs et collaborateurs sur trois sujets qui ont suscité un débat assez vif en nos rangs. Il s’agit d’abord de l’article de Nicolas Zomersztajn paru dans notre numéro de septembre au sujet du fameux livre de Marcel Liebman Né juif1 dont nous avions célébré la réédition au printemps en invitant le même Nicolas Zomersztajn – rédacteur en chef de cette autre revue juive Regards - à porter son « regard » de Juif sioniste sur ce défenseur de la première heure des droits des Palestiniens et d’une paix juste au Moyen-Orient. Suite à cette
conférence, qui s’est fort bien déroulée, nous avons décidé de publier cette contribution au débat, quitte à l’assortir dans le même numéro ou plus tard d’autres points de vue, disons plus « maison ». Est-ce le passage de l’oral à l’écrit, est-ce de voir ce point de vue divergent noir sur blanc, ou est-ce le style apparemment plus polémique à l’écrit de Nicolas Zomersztajn, condamnant sans appel et par citations interposées celui qui pour beaucoup fut un proche et un père spirituel, l’ami et fer de lance Marcel Liebman… toujours est-il que la parution de cet article – sans cadrage et sans réponse – dans notre revue a déclenché une avalanche de réactions sur le contenu, jugé erroné et, pour certains, diffamatoire voi-
➜
BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511
octobre 2011 * n°319 • page 1
sommaire
éditorial ➜
éditorial
1 Vive le débat ! ............................................Henri Wajnblum et Anne Grauwels
israël-palestine
4 Cinq minutes de courage politique ........................................ Henri Wajnblum 6 Les femmes dans la contestation sociale en Israël .......... Thérèse Liebmann
lire
8 Aharon Appelfeld et les métamorphoses de la mémoireTessa Parzenczewski 9 Écrire après le deuil.............................................................Tessa Parzenczewski 10 Une femme fuyant l’annonce......................................................Antonio Moyano
agiter
12 Le manifeste du dégagisme .................................................. Roland Baumann
controverse(s)
14 « Place aux historiens » ? Ou à l’histoire ? .................................. Pierre Mertens 15 Réponse à Pierre Mertens...............................................................Mateo Alaluf
réfléchir
16 Équivoques allemandes ............................................................... Jacques Aron
urbanité/isme
18 La démocratie bruxelloise à l’épreuve de l’avenue du Port Sender Wajnberg
à propos d’un « regard » sur Marcel Liebman 21 .............................................Jean Vogel, Adeline Liebman et Sender Wajnberg
diasporas
24 Miropol ou la clé des songes ......................................................... Andrés Sorin
yiddish ? yiddish !
! widYi ? widYi
28 seks shures - Six vers ................................................................Willy Estersohn
humeurs judéo-flamandes
30 (Provisoirement) Historique ! .......................................................Anne Gielczyk
le regard 32 Dans le dédale des négociations intercommunautaires ....... Léon Liebmann 34
activités Maxime Steinberg ou la passion indocile
36 Une journée de réflexion et d’hommage ............................................................ 38 40
droits de réponse les agendas
octobre 2011 * n°319 • page 2
re intellectuellement malhonnête, certains allant jusqu’à remettre en cause la publication même de cet article. En ce qui nous concerne, cet article méritait d’être publié mais il aurait dû être assorti d’une ou plusieurs réponses et/ou mises au point là où elles s’avéraient nécessaires. C’est ce que nous faisons maintenant en publiant quelques-unes des réactions qui ont suivi la parution en septembre. Il ne s’agit nullement comme l’affirme Jean Vogel (voir page 21) « d’un coup (sic) interne à l’UPJB imaginé par dieu sait quels Bornagain Jews » mais il est certain que le débat que cette polémique sous-tend dépasse largement l’intellectuel et la personne de Marcel Liebman. Il concerne l’identité même de l’engagement juif progressiste aujourd’hui et son rapport à Israël, des thèmes qui prêtent régulièrement à controverse dans le monde juif, jusqu’au sein même de l’UPJB et dont nous débattons parfois de façon vive mais toujours ouverte et démocratique. Le deuxième sujet a trait à la polémique qui a opposé Pierre Mertens à Simon Gronowski concernant la nature des propos de Bart de Wever en réaction aux excuses du bourgmestre d’Anvers auprès de la communauté juive. Pierre Mertens les jugeaient « négationnistes ». Pour Simon Gronowski, si ces propos sont inadmissibles, ils n’enfreignent pas la loi et il émet des doutes quant à l’opportunité d’amener la chose devant les tribunaux. Pierre Mer-
tens a tenu à répondre dans nos colonnes au point de vue exprimé par Mateo Alaluf (dans Le Soir du 15 juillet et dans Points Critiques de septembre2) qui se joint à l’argumentaire de Simon Gronowski. Là aussi, le débat dépasse largement les faits et les personnes impliquées. Il s’agit de se prononcer sur ni plus ni moins que la définition du négationnisme (définition étroite : nier le judéocide ou définition plus large : le banaliser) et sur l’opportunité des lois dites « mémorielles » condamnant le négationnisme (la loi peut-elle dire l’histoire ?). En pages 14 et 15, vous lirez la réponse de Pierre Mertens et une réaction de Mateo Alaluf. Notre troisième sujet de polémiques nous a été imposé par les lois sur la déontologie journalistique et le droit de réponse. En pages 38 et 39 nous publions des droits de réponses qui font suite à un article de Manuel Abramowicz « Pour en finir avec (l’imposteur) Dieudonné »3. Dans cet article, Manuel Abramowicz, animateur du blog Résistances.be et spécialiste de l’extrême droite en Belgique, recensait
un livre sur la mouvance « dieudonniste », notamment en Belgique4, et citait plusieurs personnes comme faisant partie de cette mouvance sans que toutes celles-ci soient nommées explicitement dans le livre qu’il recensait. Ces personnes se sont senties calomniées et ont tenu à user de leur droit de réponse estimant que le rectificatif de Manuel Abramowicz, paru dans le numéro de septembre, était insuffisant. Tout étant toujours dans tout, nous voilà replongés dans le débat sur la « liberté d’expression » qui avait agité nos colonnes5 suite à la présentation houleuse d’un film sur Dieudonné à l’ULB. Jusqu’où va le débat ? Et jusqu’où va la libre expression ? Ceci fait également partie du débat. ■
Né juif. Une famille juive pendant la guerre, aux Éditions Aden de Bruxelles, voir la recension qu’en a faite Mateo Alaluf dans notre livraison de juin (Points Critiques n° 317, pp. 12-13). 2 « Le négationnisme et-il l’affaire des tribunaux », Points Critiques n° 318, pp. 26-27. 3 Points Critiques n° 317 juin 2011, p. 16. 4 Michel Briganti, André Déchot et JeanPaul Gautier, La galaxie Dieudonné. Pour en finir avec les impostures, Éditions Syllepse, 2011. 5 De la libre expression, dossier dans Points Critiques n° 311, décembre 2010. 1
Pour la rédaction, Henri Wajnblum et Anne Grauwels
octobre 2011 * n°319 • page 3
israël-palestine Cinq minutes de courage politique pour reconnaître l’État de Palestine HENRI WAJNBLUM
L
e 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies votait le plan de partage de la Palestine (Résolution 181) entre deux États, l’un juif (55%), l’autre palestinien (45%), avec Jérusalem sous contrôle international. Ce plan fut unanimement rejeté par l’ensemble du monde arabe. La Palestine mandataire s’embrasa aussitôt par une guerre judéo-palestinienne qui se déroulera du 29 novembre 1947 au 14 mai 1948 (fin du mandat britannique). On connaît la suite : le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance de l’État d’Israël. Le 15 mai débute la guerre israélo-arabe, déclarée par les pays arabes voisins, qui prendra fin en juillet 1949. À l’issue de cette guerre, l’État d’Israël s’étend sur 78% de la Palestine mandataire. Dès le 3 avril 1949, la Transjordanie qui, le 24 avril 1950 deviendra officiellement le Royaume hachémite de Jordanie, avait annexé la Cisjordanie et la partie arabe de Jérusalem. Il est à noter que le 15 mai 1948, quand commence la guerre israélo-arabe, 400.000 Palestiniens ont déjà été expulsés ou ont fui, et dans son ensemble, la guerre de 1947-1949 a eu pour conséquence, suite au refus d’Israël (loi du 14 mars 1950 sur les biens des absents) de permettre le retour des exilés, de transformer environ 750.000 Palestiniens en réfugiés. Ces réfugiés et leurs descen-
dants sont aujourd’hui évalués à 6 millions (les deux tiers des Palestiniens). L’État de Palestine décidé par la Résolution 181 n’a donc jamais vu le jour ; pire, depuis juin 1967, Israël a pris le contrôle de l’ensemble de la Palestine mandataire et a installé, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, quelque 500.000 colons juifs. Cela n’a que trop duré… Il y a plusieurs mois déjà que Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a marqué sa volonté, au cas où la situation resterait figée, de demander au Conseil de Sécurité de proposer à l’Assemblée générale des Nations unies, lors de sa session d’automne 2011, la finalisation de la résolution 181 (création de deux États) en reconnaissant l’État de Palestine en tant que 194ème État membre de l’ONU, 63 ans après la proclamation de l’État d’Israël et 62 ans après son admission aux Nations unies.
UNE DÉMARCHE HISTORIQUE Le président palestinien aura donc, selon toute vraisemblance, présenté sa demande d’adhésion d’un État de Palestine au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon le 23 septembre. Sauf alternative « crédible » pour reprendre les négociations, a toutefois précisé le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad Al-Malki en
octobre 2011 * n°319 • page 4
faisant référence aux contacts en cours avec les États-Unis et les Européens. « Nous allons soumettre notre demande pour devenir membre (de l’ONU) à part entière (...) Mais d’ici là nous sommes ouverts à toutes suggestions et idées qui pourraient venir de tous côtés pour reprendre des négociations sur des bases fermes, avec des termes de référence clairs, un calendrier clair et des garanties claires », a encore affirmé le ministre palestinien. Des bases fermes ? Des garanties claires ? Oui, notamment celles énoncées par Barack Obama dans un discours prononcé le 19 mai, insistant sur le fait que « les frontières d’Israël et de la Palestine devraient être fondées sur les lignes de 1967 avec des échanges sur lesquels les deux parties seraient d’accord, afin d’établir des frontières sûres et reconnues pour les deux États ». On sait comment ce discours fut accueilli par Binyamin Netanyahou : pas question de négocier sur la base des frontières « indéfendables » de 1967, indivisibilité de Jérusalem qui restera la capitale de l’État d’Israël, refus absolu du retour ne serait-ce que d’un seul réfugié palestinien et sommation à Mahmoud Abbas de dénoncer l’accord conclu entre le Fatah et le Hamas. Bref, pas le moindre entrebâillement de porte. La perspective, bien réelle d’une reconnaissance de l’État de Palestine par une majorité des
deux tiers de l’Assemblée générale des Nations unies a mis le gouvernement Netanyahou-Lieberman-Barak en ébullition. La diplomatie israélienne n’a cessé de se déployer tous azimuts afin de convaincre les gouvernements occidentaux de ne pas la voter, estimant qu’il s’agirait là d’un obstacle au « processus de paix ». On se demande bien de quel processus il est question.
ISRAËL DE PLUS EN PLUS ISOLÉ Israël est inquiet, fort inquiet même. Et il a de quoi l’être… La perspective d’un vote de l’Assemblée générale de l’ONU en faveur de la reconnaissance de l’État de Palestine se superpose en effet à la dégradation – et c’est peu dire – de ses relations avec ses principaux soutiens dans la région : la Turquie et la nouvelle Égypte. Le gouvernement israélien commence donc à craindre un véritable isolement sur la scène internationale. Sans que cela l’incite pour autant le moins du monde à remettre sa « politique palestinienne » en question… Contrairement à une partie de son opinion publique qui commence à se demander s’il n’y aurait pas, somme toute, un fondement à cet isolement. Mais revenons en à la démarche onusienne des Palestiniens… Nous ne sommes pas naïfs, nous n’ignorons pas que pour être admis comme membre des Nations unies, il est nécessaire d’obtenir la recommandation du Conseil de Sécurité. Or, les États-Unis ont clairement annoncé leur intention d’opposer leur veto à une telle recommandation, estimant que la paix ne peut résulter d’un acte unilatéral. Faut-il leur rappeler que l’État d’Israël fut créé par une déclaration unilatérale de David Ben Gourion, et que ce n’est qu’un
an plus tard qu’il fut admis comme membre des Nations unies ? Ceci dit, un veto américain au Conseil de sécurité ne signifiera pas pour autant que la demande palestinienne sera passée par pertes et profits… Il restera en effet à Mahmoud Abbas la possibilité – et peut-être en aura-t-il déjà usé au moment où vous lirez ces lignes – de soumettre une motion aux 193 membres de l’Assemblée générale, où quelque 140 pays sont susceptibles d’appuyer sa demande lors d’un vote qui interviendrait environ deux semaines plus tard. À elle seule, l’Assemblée générale n’a pas le pouvoir d’accepter l’adhésion d’un État à l’ONU, mais elle peut accorder à la Palestine le statut d’« État non membre » (ou d’observateur « renforcé »). C’est le cas du Vatican, par exemple. Privés d’une adhésion formelle, ce statut d’État non membre de l’ONU permettrait néanmoins aux Palestiniens d’accéder, en tant que membres à part entière, à toutes ses agences, comme l’OMS, l’Unesco, l’Unicef, où ils ne siègent qu’en tant qu’observateurs, et aussi à la Cour internationale de justice et, surtout, à la Cour pénale internationale. « Une reconnaissance internationale de notre État, sur la base des frontières de 1967, en fera un État sous occupation. Cela va changer la formule juridique de notre situation », a déclaré Mahmoud Abbas dans une interview conjointe avec le quotidien jordanien Al-Doustour et le quotidien du Qatar Al-Watan. Les Palestiniens espèrent ainsi contraindre Israël à respecter ses obligations légales en tant que puissance occupante d’un autre État – fut-il non membre. Aux imprécations israéliennes martelant que la démarche palestinienne n’avait pour but que de
délégitimer l’État hébreu, Mahmoud Abbas, a calmement répondu que la demande de reconnaissance onusienne d’une Palestine souveraine « ne vise pas à isoler ou délégitimer Israël, mais à délégitimer son occupation des territoires palestiniens ». « Et quoique nous obtenions à l’Onu, nous reprendrons ensuite les négociations avec Israël pour régler les dossiers de l’accord final, ainsi que le sort des Palestiniens prisonniers en Israël ». Nous n’ignorons en effet pas que la reconnaissance ne résoudra pas le conflit israélo-palestinien ; qu’il restera beaucoup de chemin à parcourir ; qu’Israël nous a trop habitués à faire fi de toutes les recommandations de l’ONU, qu’elles émanent de l’Assemblée générale ou du Conseil de Sécurité. Mais, comme l’a déclaré Mahmoud Abbas, si « la démarche auprès de l’ONU ne mettra pas fin à l’occupation, elle est un prélude pour y arriver et atteindre l’indépendance ». Sachant quelle sera l’attitude des États-Unis, reste à savoir comment se positionnera l’Union Européenne. Comme sur quasi tous les sujets, elle est divisée. Certains États voteront probablement la reconnaissance et d’autres pas comme l’Allemagne et l’Italie notamment. Et la Belgique ? Il est difficile de se faire une idée à l’heure ou cet article est rédigé. Nous espérons que la raison et le sens de la justice l’emporteront, et que nos responsables politiques écouteront et entendront enfin la colère contenue, mais pour combien de temps encore, du peuple palestinien qui n’en peut plus d’attendre qu’on lui rende enfin justice. Comme le disait Yves Leterme en 2007 à propos de BHV, il suffirait de cinq minutes de courage politique… ■
octobre 2011 * n°319 • page 5
israël-palestine Les femmes dans la contestation sociale en Israël THÉRÈSE LIEBMANN
B
enyamin Netanyahou avait déjà été confronté, en 2003, à un mouvement de protestation initié par une femme. Il était alors ministre des Finances dans le gouvernement Sharon et avait décidé un plan d’austérité (déjà) qui visait essentiellement à démanteler les programmes sociaux de l’État-Providence. Ainsi Vicky Knafo, mère-célibataire vivant à Mitzpe Ramon, petite « ville de développement » du Neguev, apprenait, fin juin, que son salaire et ses allocations sociales allaient diminuer de moitié pour ne plus atteindre que 1.25O shekels (245 EURO). Ne voyant pas comment elle pourrait subvenir aux besoins de ses enfants, elle décida de « monter à Jérusalem et expliquer à Bibi que ce n’est pas possible ». Ne pouvant se payer un ticket d’autobus, elle partit à pied, bravant le désert et la chaleur du mois de juillet. Au cours des 200 km qu’elle eut à parcourir, elle fut rejointe par une foule, toujours plus nombreuse, de sans-logis et de chômeurs, eux aussi victimes de restrictions budgétaires. À Jérusalem, ils installèrent un village de tentes face au ministère des Finances. Dans un premier temps, celui-ci devint pour la télévision et la presse le symbole du malaise social en Israël. Mais au bout de quelques semaines la lassitude
gagna les manifestants, les media et même Vicky : à la veille de Rosh Hashana 2003, elle renonça à la grève de la faim qu’elle avait entamée 16 jours auparavant et retourna bredouille dans sa petite ville reculée du sud israélien. Elle y reprit le travail en usine, six heures par jour et cinq jours par semaine à raison de 18 shekels (3 EURO) de l’heure.
INÉGALITÉS ET APPAUVRISSEMENT Le combat solitaire de Vicky Knafo n’a pas empêché la politique gouvernementale israélienne de consolider le néo-libéralisme dans le pays : les inégalités sociales n’ont cessé de se creuser davantage et l’appauvrissement touche de plus en plus les classes moyennes. Daphné Leef, qui a déclenché le mouvement de contestation sociale de l’été dernier, est d’ailleurs issue de la classe moyenne, « véritable épine dorsale du pays. Et véritable épine dorsale aussi du large mouvement de protestation que le pays connaît depuis la mi-juillet. » C’est ainsi que Henri Wajnblum qualifie cette classe moyenne dans son article « Israël. Une indignation sélective »1, dans lequel il commente les méfaits du néo-libéralisme sur la situation économique, sociale et politique en Israël. Le 14 juillet dernier, Daphné planta sa tente au beau milieu
octobre 2011 * n°319 • page 6
du résidentiel Boulevard Rothschild de Tel-Aviv pour marquer sa protestation contre les prix exorbitants des loyers dans les villes israéliennes. Elle a pu facilement rallier à sa cause des milliers de familles des classes moyennes citadines. Et aussi l’Union nationale des étudiants israéliens et ses adeptes. Dans un deuxième temps, elle mobilisa les familles des classes défavorisées (selon l’Assurance Nationale — Bitouah Leumi — un Israélien sur quatre vit sous le seuil de pauvreté). Si cette jeune femme a pu apparaître comme l’instigatrice de cette action, c’est que la situation était déjà mûre en Israël : les exemples du « printemps arabe » et des « indignés » espagnols ont pu jouer, mais aussi, en Israël même, les grèves des médecins et des enseignants sous-payés ainsi que le boycott du « cottage cheese », dont les prix avaient flambé. Le 13 août, le mouvement fut rejoint par des dizaines de milliers de « périphériques » ce mot désignant, d’une part, la périphérie géographique — les villes du Nord et du Sud d’Israël — et, d’autre part, les plus démunis qui constituent la « périphérie » sociale, notamment les femmes indigentes et la minorité palestinienne d’Israël. Dans le discours qu’elle a prononcé le 3 septembre, elle a fustigé ce terme de « périphérique »
qu’elle trouve condescendant : « Vous êtes mis sur le côté. Vous êtes tenus à distance. Vos besoins sont moins importants et vos demandes sont sans intérêt ». Et de poursuivre : « Cet été, nous avons prouvé qu’il n’y a pas de périphérie, que nous sommes tous au centre, chacun de nous. Nous avons réduit la distance physique entre nous… et nous voulons rester proches les uns des autres. On ne pourra plus manœuvrer pour nous diviser. Et puis vint l’argument sécuritaire. Mais même les missiles (tirés de la Bande de Gaza) n’ont pas réussi à saper notre mouvement de protestation. Au contraire, ils ont montré à quel point il est fort et authentique… Nous avons créé ici un nouveau discours : nous avons remplacé le mot pitié par le mot compassion, le mot charité par le mot justice… Nous avons remplacé le mot consommateur par le mot citoyen… ».
UNE SOCIÉTÉ CIVILE Itzik Shmuli, président de l’Union nationale des étudiants israéliens, dit également à la tribune que « une nouvelle génération d’Israéliens veut le changement et la justice sociale » et que « Nous les nouveaux Israéliens, sommes déterminés à poursuivre le combat pour une société plus juste et meilleure, en sachant qu’il sera long et difficile ». Michel Warshawski s’est fait l’écho de cet état d’esprit dans son article « Birth of an Israeli Civil Society »2 : « Le 3 septembre marque la naissance d’une société civile israélienne »… « Lorsque les porte-paroles (juifs) du mouvement insistaient sur son caractère d’unité, ils parlaient d’unité entre religieux et non-religieux, Mizrahis et Ashkénazis, Juifs et Arabes ».
Mais que restera t-il de ces manifestations de masse où les participants, paraissant avoir compris que la politique néo-libérale du gouvernement Netanyahou les menait dans une impasse, criaient des slogans comme « justice sociale » et « révolution » ? La municipalité de Tel-Aviv a ordonné le démantèlement des tentes au plus tard pour le 27 septembre, veille de Rosh Hashana. Netanyahou a fait quelques promesses mais elles n’ont pas été concrétisées. Il a mis en garde contre les menaces terroristes, le différend avec l’Égypte et avec la Turquie et le danger que pourrait constituer la reconnaissance de l’État palestinien par l’ONU. Quant aux meneurs de la contestation, ils pourront tenir « mille tables de discussions » dans les grandes villes du pays. Cinq tentes symboliques pourraient même être maintenues à Tel-Aviv à cet effet. Les plus démunis et les « périphériques » y seront-ils conviés ? On peut supposer qu’Itzik Shmuli en sera, lui qui a pris soin de publier son discours, remanié, du 3 septembre dans le Guardian3. On peut y lire notamment : « La plus grande protestation sociale du pays a été menée par des étudiants … » (sic). « Les « nouveaux Israéliens » incarnent le sionisme… ; ils reconnaissent l’importance de l’économie de marché… mais souhaitent une meilleure répartition des ressources ». Il se réfère à Ben Gurion et à Jabotinsky qui en avaient appelé à la justice sociale en Israël (sic). On est bien loin du discours unificateur de Daphné Leef. Même si elle fait partie de la classe moyenne, elle voulait que son action s’étende à tous les mal lotis « du centre à la périphérie ». Même si elle a pu être considérée comme l’instigatrice de ce mouvement de
contestation, son engagement a été récupéré par un homme (Itzik) qui a mis son ego en avant. Uri Avnery a écrit à ce propos : « Itzik a parlé à la tête, Daphné au cœur ».
UNE INDIGNATION TOUS AZIMUTS Comme elle prétendait ne pas vouloir s’engager dans un parti politique, son action sera t-elle reconnue ? Ou tombera t-elle, sinon dans l’oubli, du moins dans l’indifférence, comme ce fut le cas pour Vicky Knafo qui, 8 ans avant elle, avait essayé d’affronter la politique néo-libérale du gouvernement israélien. On avait, à l’époque, attribué son échec au fait qu’elle n’était « que » une Mizrahi (juive originaire d’un pays arabe). Cela ne joue pas en ce qui concerne Daphné. Il y a cependant un point commun entre elles : toutes deux ont mené un combat qui met en avant des valeurs humaines qui transcendent la politique politicienne et que celle-ci préfère esquiver. Elles sont, en cela, assez proches des mouvements des femmes pacifistes, comme les « Femmes en Noir », Machsom Watch ou New Profile. À ce propos, il a été reproché à Daphné de ne pas avoir servi dans l‘armée et d’avoir, à 17 ans, signé une pétition des élèves de son lycée dans laquelle elle condamnait l’occupation et refusait de servir dans les territoires (occupés). Il est vrai qu’elle n’a pas fait spontanément état de cette « tare terrible ». Son « indignation » serait-elle, du moins en ce qui la concerne, moins « sélective » qu’il n’y paraît ? ■ Points Critiques, n° 318, septembre 2O11. Alternative Information Center, 7 septembre 2011. 3 Guardian.co.uk, 9 septembre 2011. 1 2
octobre 2011 * n°319 • page 7
lire Aharon Appelfeld et les métamorphoses de la mémoire TESSA PARZENCZEWSKI
T
oujours le même et toujours différent, tel est le « héros » qui hante les romans d’Aharon Appelfeld. Dans Et la fureur ne s’est pas encore tue, il s’appelait Bruno et était manchot. Dans Le garçon qui voulait dormir il s’appelle Erwin, et se réfugie dans le sommeil pour retrouver dans cet univers hors temps, sa vie d’avant le désastre. Car sans se lasser, Aharon Appelfeld retourne continuellement à son histoire fondatrice. De sa petite enfance radieuse en Bucovine, du ghetto, du camp, de la forêt où il a survécu parmi les paysans et les malfrats, du long périple qui l’a conduit en Palestine en 1946, il tire la substance même de ses récits, sans ressasser, sans jamais se répéter. Les points de vue changent, certains personnages rejoignent l’avant-scène, d’autres disparaissent. Sur la ligne du temps, des étapes sont privilégiées, comme ici le voyage vers la Palestine et la lente acclimatation. Et comme toujours Appelfeld préserve le lien avec le passé, par des sortes de passerelles magiques où la dure réalité s’efface et où tout redevient possible. C’est ainsi qu’Erwin, « l’enfant du sommeil » comme l’appelaient les autres réfugiés, retrouve ses parents, leur parle, dans un monde décalé et onirique, où sa maison n’est plus vraiment sa maison et où les trains semblent toujours bi-
furquer. Mais dans le monde réel, il faut changer de peau et de nom. Erwin deviendra Aharon. Exercices militaires, travaux agricoles, étude de l’hébreu, façonneront le nouveau Juif, musclé et bronzé, renvoyant dans les poubelles de l’histoire l’image et le langage du Juif de la diaspora. C’est avec infiniment de délicatesse et d’empathie qu’Appelfeld évoque ses compagnons de l’époque, tous sur la ligne de transition : celui qui prie encore pour ne pas rompre le lien, celui qui copie Giotto pour devenir peintre et le violoniste prodige qui tente à grande peine de retrouver la musique… Nouvelle vie, étape cruciale pour l’auteur où l’enthousiasme cohabite avec une certaine amertume. Amertume de perdre sa langue d’origine, ultime lien avec sa mère assassinée. « L’effort pour conserver ma langue maternelle dans un entourage qui m’en imposait une autre était vain. Elle s’appauvrissait de semaine en semaine et à la fin de la première année il n’en demeura que quelques brandons sauvés des flammes », confiera-t-il dans un entretien. Il se lancera à la conquête de la nouvelle langue avec acharnement, recopiant sans cesse des passages de la Bible, pour s’imprégner des caractères, mais aussi du phrasé, de la musicalité. Car c’est de sa vocation d’écrivain que nous parle aussi l’auteur. De ce chemin ardu qu’il a
octobre 2011 * n°319 • page 8
emprunté, d’une langue à l’autre, pour apprivoiser finalement les nouveaux mots qui lui permettront d’évoquer, dans une sobriété laconique, les événements les plus cruels, mais aussi d’exprimer l’indicible, l’intensité d’une vie intérieure et le silence… car comme il le dit, « Pour moi les mots ne sont pas des pierres mais des êtres vivants ». Une lumière étonnante sourd de cette prose limpide, comme une sorte de rayonnement discret, emblématique de cette voix majeure de la littérature israélienne. ■ Le garçon qui voulait dormir Aharon Appelfeld Traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti Éditions de l’Olivier 297p. 22,55 EURO
Nous reprenons ici la recension par Tessa Parzenczewski d’Une femme fuyant l’annonce de David Grossman, parue dans Points critiques n°299 d’octobre 2009, à l’occasion de la paurion du livre en hébreu. Voir en page suivante une recension par Antonio Moyano du même ouvrage paru récemment en français
Écrire après le deuil. Le dernier roman de David Grossman TESSA PARZENCZEWSKI
E
n août 2006, Uri, le fils de David Grossman, meurt au Liban. Plusieurs mois auparavant, David Grossman avait entamé l’écriture d’un roman, l’histoire d’une femme qui fuit sa maison pour ne pas attendre dans l’angoisse les messagers de la mauvaise nouvelle : la mort de son fils au combat. Et voilà que la réalité s’engouffre dans la fiction.
Malgré sa douleur, Grossman s’est immergé dans l’écriture comme dans une sorte de thérapie et son roman a paru en Israël en 2008. Un roman où se croisent l’amour et l’amitié entre Ora, Avram et Ilan, trois adolescents qui tissent entre eux des liens qui font parfois penser à « Jules et Jim ». Les années ont passé. Ora a épousé Ilan, Avram a été fait prisonnier en Égypte et revient brisé. Les années ont passé mais les guerres sont toujours là. Son fils au combat, Ora, accompagnée d’Avram, part à pied sur les routes de la Galilée, et parle de son fils, le raconte, fait défiler toute sa vie, dans l’espoir illusoire de le maintenir ainsi en vie. Entre vie intime et fracas des guerres, David Grossman décline la gamme des sentiments, évoque avec une sensibilité frémissante la petite enfance avec ses découvertes et ses peurs, comme lorsque le fils d’Ora fait le lien entre la viande qui est dans son assiette et l’animal dans le pré et s’imagine que ses parents dépècent les vaches comme des bêtes sauvages, « Vous êtes des loups », dit-
il. C’est une constante dans le récit, ce va-et-vient entre les détails émouvants, au plus près des êtres, et la violence guerrière omniprésente qui semble ici comme un phénomène naturel. Seul le personnage d’Ora se pose des questions et confrontée dans la vie courante aux Palestiniens d’Israël, lutte entre compassion et méfiance. Un roman aux multiples facettes, très riche et questionneur, où l’histoire se déroule au rythme de l’errance dans des paysages attachants, et où parfois surgissent des épisodes énigmatiques, des plongées dans un réel dérangeant. À lire dans un avenir proche, lorsqu’il paraîtra en français. ■ Isha borekhet mibesora La femme qui fuit la nouvelle Hasifria hakhadasha. Kibbutz Hameukhad.
octobre 2011 * n°319 • page 9
lire Une femme fuyant l’annonce ANTONIO MOYANO
V
ite, un vœu et droit au but ! Qui veut partir avec moi ? Je ne suis jamais allé en Israël et j’ai une folle envie d’y aller. Pourrons-nous suivre pas à pas, à l’identique, le même tracé, le même parcours qu’Ora et Avram, c’est faisable vous croyez ? Elle a tout prévu, les sacs à dos sont déjà prêts, elle voulait partir avec son fils ; l’armée le rappelle ? Que ça ne tienne, elle partira en randonnée par les montagnes de Galilée, et qu’on ne vienne surtout pas lui casser la tête avec des flashs infos, basta de l’actualité ! Ni radio ni portable, elle ne veut aucun contact avec les hermès de mauvaises nouvelles… Et elle emporte avec elle Avram même si elle doit le porter sur son dos ! Et fait rarissime : j’ai acheté ce livre à l’état neuf ! D’habitude je m’abreuve exclusivement chez les bouquinistes, les Pêle-Mêle, les secondes mains. Et j’ai, selon les dires de la libraire, battu un record : j’ai emporté le livre en moins de 30 secondes ! Mon achat fut si rapide qu’elle a crié : « C’est pour une caméra cachée ? » mais j’étais déjà loin... Ça remonte au samedi 27 août, et vu la grosseur du livre (665 pages bien tassées) j’ai tout de suite sélectionné « calculette » sur mon portable : ce roman, je veux le lire vite, très vite ; tu crois que dix jours te suffiront ? 665:10 = ? J’ai terminé le roman ce vendredi 9 septembre. Et j’ai tout lu, de la première à la dernière page, sans sauter une ligne. Ce sont les articles parus dans Le
Monde des Livres qui m’ont donné l’envie car je ne lis jamais, jamais, au grand jamais les « livres de la rentrée ». C’est le premier livre de David Grossman que je lis, je n’ai donc aucun point de comparaison. Ce roman est exigeant, il nous impose une immersion totale comme on dit pour l’apprentissage des langues étrangères. Et bizarrement (et bien des lecteurs ressentiront la même chose, j’en suis sûr) : refus total d’aller vers les dernières pages, non ! Non ! Ne me parlez pas du dénouement final, comme un refus enfantin de quitter Ora, Avram, Ilian et les deux fils Adam et Ofer… Et qui des deux, Adam ou Ilan a dragué Ora en premier ? Entre Ora et Ilian, il y a Avram. Entre Ilian et Avram, il y a Ora. Et puis naîtront les fils. J’y vais prudemment, je dois éviter de tout vous dévoiler, alors silence ! je ne vous en dit pas plus. Sachez encore que cela fait vingt et un ans que Ilian et Avram, les deux amis jadis inséparables, ne se sont plus revus. Ora, figure centrale du roman, n’est pas la seule à fuir, Ilian et Adam eux aussi sont absents ; et où sont-ils partis le père et le fils ? Ora reste vague, elle n’a aucune certitude sur leur destination. Sont-ils en Amérique du Sud ? En Afrique ? Ces deux-là resteront à l’arrièrefond dans le présent du récit et superbement vivants dans les récits d’Ora. L’annonce du titre est un clin d’œil évident à L’Annonce faite à Marie, Ora a peur qu’on lui an-
octobre 2011 * n°319 • page 10
nonce la mort de son fils, et Marie, elle, comme chacun sait, reste muette devant l’Ange de l’Annonciation, elle aura un fils très, très spécial. Tant et tant de superbes tableaux nous ont raconté ce merveilleux fait-divers… Ora tremble et s’en veut dès qu’Ofer lui sort de la tête, il doit y rester, dans sa tête, pour que vivant il revienne et tout entier de préférence. Pas comme Avram donc. Ora ne veut pas que son fils revive les souffrances du père. Bien sûr, on entre dans les eaux de la tragédie grecque : comment détourner le cours du destin, briser le fatum. Mais c’est quoi être père ? Et le roman parle aussi de cela : l’acceptation, la difficulté ou le refus d’endosser son rôle de père. Reviens-moi vivant ! D’accord, mais elle demande encore plus à son fils : qu’il ne commette aucune exaction, à la rigueur qu’il désobéisse aux ordres de ses supérieurs, qu’il ne tire jamais intentionnellement sur une cible vivante, bref elle voudrait que la guerre, le conflit ne lui salisse pas son fils, bref qu’il soit héroïque o.k. ! mais pas à n’importe quel prix. « Il faudrait traverser le pays trois ou quatre fois pour pouvoir tout se raconter. » (page 518) Une des beautés de ce roman (qui en contient tant et tant) c’est la métamorphose d’Avram, oui, à force d’écouter et d’écouter sans cesse Ora (je n’offense personne en disant qu’Ora est fort bavarde, « Hé toi la fille, tu vas te taire ! »
est la première phrase du roman). Ora offre à Avram l’opportunité de reprendre sa place de père. Et la parole de Ora a un effet et sur le présent mais également sur le passé puisqu’elle lève le voile sur des choses tues, enfouies, ignorées, insoupçonnées. Avec quelle précision d’orfèvres, le romancier raconte l’émerveillement de voir un bébé grandir, prononcer ses premiers balbutiements, ses premiers mots. Avram mue et devient autre au contact de la nature, il reprend des forces grâce à la bonne et saine fatigue de la marche à pied, il abandonne son ancienne peau de dépressif chronique et reprend goût à la vie ; il peut enfin ouvrir et son cœur et ses oreilles à tout ce qu’il avait fui. Ce roman est une espèce de huis-clos, non pas dans un lieu claquemuré et obscur mais en pleine nature sous le ciel, la lune, le soleil, les étoiles. Cette dimension est fort importante et donne au roman une saveur très singulière, tout le livre est jalonné de noms de plantes, d’arbres, de
fleurs. Voici un petit herbier glané tout le long du roman : bec de grue, coquelicots, iris, chêne, crocus, cyclamens, oliveraies, fraisiers, noyers, asters jaunes, séneçons, trèfles pourpres, lin, arums, boutons d’or, tournesols, lupins mauves, framboisiers, un térébinthe atlantique, fleurs de camomille, pimprenelle, pistachiers, bouleaux, caroubiers, pruniers, citronniers, grenadiers, amandiers, l’arbre de Judée... Si par moments Ora et Avram s’imaginent être seuls au monde, c’est une pure illusion bien sûr. Car ils ont à affronter non seulement l’aridité du présent mais aussi les gouffres du passé, et c’est la beauté du livre : tous ces va-et-vient, ces glissements de temps entre la crainte de la nouvelle fatidique et les vicissitudes du passé. L’auteur ne se permet aucune diversion, aucun répit, on ne quitte jamais Ora et Avram qui sont de façon permanente à l’avantplan, et en arrière-fond il y a quoi ? L’histoire d’une famille un peu « canard boiteux », l’emprisonnement d’Avram et puis et puis… La guerre, oui, la guerre, il serait insensé de l’oublier. Toute la randonnée est ponctuée par une sorte de leitmotiv : la découverte au détour d’un chemin d’une stèle, une plaque commémorative, un « passant, souviens-toi » : tel ou tel soldat mort au combat, le nom, le prénom, son âge et la date de sa mort. Périple terrestre et parcours dans la mémoire, dans les années enfouies. Heureusement, si Ora craint follement la mort, elle a aussi le pouvoir d’insuffler la vie. Lire un livre venu d’un pays « étranger », c’est pêcher ici et là des noms inconnus, une citation, des références à un paysage cul-
turel qu’on ignore totalement, ainsi j’ai noté des noms et puis j’ai surfé sur Internet pour éclairer ma lanterne, qui sont Nahum Gutman ? Alexander Penn ? David Avidan ? Yona Wallach ? Ephraïm Kishon ? Naphtali Bezem ? Yossef Zaritsky ? Six cent soixante-cinq pages et pas un seul instant d’ennui, comment cela se fait-il ? Je crois que la magie de ce roman vient de la double complexité : celle des personnages et celle de l’histoire. Je rappelle que les histoires ne nous parviennent que par la voix de Ora, sorte de Shéhérazade, et séquence après séquence, le roman avance, accélère, ralentit, semble faire du surplace, prend la tangente, et cette forme si libre, si imprévue s’apparente à de l’impro en jazz. Et chaque séquence est en soi tout un récit, c’est comme si on lisait un récit passionnant s’emboîtant dans un plus vaste récit tout aussi passionnant. Citons quelques unes de ces séquences : l’apparition du randonneur – la meute des chiens – la chienne qui s’accroche au regard de Ora – quand Ofer et son père cherchent un autre trajet pour se rendre à l’école – les voyages de Ora dans le bus de la ligne 18 – le voyage dans le taxi de Samir, l’ami palestinien de la famille – l’enfant malade que le taxi mène dans un hôpital clandestin – quand Ilian se démène comme un fou pour qu’on aille récupérer Avram… Et donc nous passerons par le mont Thabor et le Guilboa, Nazareth et la vallée de Jezréel et le mont Devorah, le lac de Tibériade, le Golan, les collines de Galaad, le Meron, les monts de Samarie, le Carmel… C’est quand qu’on part ? ■ David Grossman, Une femme fuyant l’annonce, Le Seuil
octobre 2011 * n°319 • page 11
agiter Le manifeste du dégagisme ROLAND BAUMANN « Ben Ali, dégage ! » Ce cri, qui a eu raison de l’autocrate tunisien et qui fait tache d’huile dans tout le Proche-Orient, et jusqu’en Chine en passant par la Grèce, l’Espagne et l’Italie, marque une rupture dans l’histoire des insurrections populaires. Pour la première fois – mais est-ce vraiment la première ? – , il ne s’agit pas de prendre le pouvoir mais de déloger celui qui le détient, de vider la place qu’il occupe. Préambule au Manifeste du Dégagisme
A
lors que du Chili à l’Inde, de Tunis à Madrid, en passant par Tel-Aviv, un vent de révolte marque le retour du politique, le manifeste « dégagiste » d’un groupe d’artistes belges invite à tirer des leçons du « printemps arabe » et à s’interroger sur l’impact global des vastes mouvements populaires qui, en Tunisie, puis en Égypte, ont réalisé l’impensable, mettant un terme à des décennies de despotisme. Renouant avec le discours subversif et ludique de mouvements artistiques révolutionnaires tels le surréalisme et l’Internationale situationniste, le Manifeste du dégagisme se veut d’abord « un exercice politique de gymnastique mentale ». La perspective est résolument théorique, mordante, jubilatoire, émancipatoire, littéraire, apologétique, péremptoire, disparate, elliptique, équivoque, boursouflée, polyphonique, universaliste, prophétique, performative, ano-
nyme et subjective. Le but des dégagistes : Transformer la société afin que chacun de ses membres puisse se développer tout-à-fait librement et qu’il puisse développer toutes ses facultés et toutes ses forces, sans nuire aux fondements essentiels de cette société. Ils se proposent d’y parvenir En évidant le pouvoir et en réalisant le vide. En couverture du manifeste, le footballeur qui « dégage » est la figure emblème du dégagisme. Richement illustré d’une iconographie hétéroclite, et truffé de citations tronquées, ce manifeste est une véritable démonstration « d’art dégagiste », fondée sur les techniques de plagiat et de détournement, à la manière de Lautréamont et des situationnistes. Mais l'ouvrage du collectif Manifestement est aussi un « vrai » manifeste politique, qui plonge le lecteur dans les traditions radicales de dissidence allant du « printemps des peuples » (1848) à Mai 68 et à la révolte zapatiste. Le manifeste montre « en quoi un dégagement se distingue utilement d’une révolution », cherche à travers l’histoire des exemples précurseurs du dégagisme ou des « formes primitives du dégagement ». Cette « archéologie du dégagisme », qui veut pouvoir se lire « comme un roman policier », nous propose une grille de lecture bifocale des révoltes passées, tout comme des mouvements de révolte actuels, comparant « dégagisme » et « révolution » pour mettre en valeur les spécificités du « dégagement » actuel. C’est un
octobre 2011 * n°319 • page 12
mot simple et un message clair : « Dégage ! » qui émane de chacun et que personne ne détient. Donc pas de « leader », poussé par des masses, ni de mouvement organisé et orienté vers un but, avec ses héros et ses martyrs. C’est un ensemble de voix, une polyphonie, qui crie « Dégage ! ». Le dégagiste veut évacuer le pouvoir pour créer l’espace et le temps vides propices à toute potentialité [...] C'est un pur « partir ». Il dégage la place et, du vide qui en résulte, fait sa force créatrice. Ainsi le dégagisme, c’est prendre le temps d’avoir le temps. Le dégagisme, c’est aussi se réapproprier le temps. Hostile à l’idéologie (« Pas de pensée englobante, ni de programme préétabli »), le dégagiste veut d’abord « faire le vide » car « le vide permet l’émergence d’autres possibles ». Membre du collectif Manifestement, Xavier Löwenthal retrace les origines du « manifeste dégagiste » : « La genèse se fait en deux temps. Elle vient bien entendu du cri tunisien « Ben Ali, dégage ! ». Ce cri a essaimé dans tout le Maghreb d’abord et est remonté ensuite dans une version un peu édulcorée vers le Nord, via l’Espagne, où les médias ont fait des dégagistes de gentils indignés, un mot plus inoffensif inspiré du livre de Stéphane Hessel, une véritable omélie de curé de campagne ! D’autre part, la manifestation du collectif Manifestement «Tous unis contre la démocratie ! », à Bruxelles, le 23 janvier 2011, avait été pour nous l’occasion d’une réflexion approfondie sur la démocratie
avec ses guillemets et la critique de la démocratie depuis ses origines, qui commence évidemment avec Platon et se poursuit jusqu’à nos jours. Et, hasard du calendrier et des événements, le même jour que notre marche « Tous unis contre la démocratie ! » avait lieu, une marche SHAME, dénonçant l’impasse politique en Belgique, une marche réclamant un gouvernement pour la Belgique et dont l’immense succès nous a laissé un peu stupéfaits, alors que nous réclamions au contraire de ne plus être gouvernés, éventuellement d’être ingouvernables, en tout cas de repenser l’exercice du pouvoir ! Il nous a semblé qu’il y avait quelque chose de neuf en Tunisie : on se proposait de destituer celui et ceux qui exercent le pouvoir, sans avoir de projets, sans avoir de programme, sans briguer la place, sans vouloir prendre le pouvoir ! Et ce n’est pas la première fois que ce phénomène se produit dans l’histoire. On trouve de nombreux précédents : l’autogestion en Yougoslavie, la Commune de Paris, mai 68, etc. » Xavier Löwenthal souligne que le manifeste ne s’inscrit pas pour autant dans l’héritage de mai 68 bien qu’il puisse se rapprocher
du scénario « utopiste » de la bande dessinée L’an 01 de Gébé (1970) : « Nous avons fait une énorme réflexion autour de la notion de vide. C’est l’aspect métaphysique de la question. L’inverse du plein. La vacance du pouvoir. Ce vide qui effraie et dont l’opposé est le contrôle et le pouvoir ! Le manifeste comporte l’interview d’un astrophysicien démontrant que 80% de l’univers est constitué de vide ! Le vide n’est pas le néant et ce vide est absolument primordial ! La proposition politique du dégagisme est donc la suivante : créons ce vide, protégeons ce vide le temps qu’il faut, contemplons-le ! C’est la seule façon de faire advenir quelque chose de nouveau, de créer quelque chose, tout en sachant parfaitement que ce vide ne peut être que transitoire. Dans un monde, trop plein de pouvoir et de contrôle, il n’y a plus ni espace, ni temps, pour créer . On se trouve alors condamné à la survie dans un société totalement hantée par la mort ! » Le Manifeste du dégagisme estil un projet politique ou artistique ? Quels sont ses objectifs ? Xavier Löwenthal remarque : « Au départ, c’est un projet artistique mais comme le dit clairement la charte à la fin du manifeste c’est la politique élevée au rang des Beaux-Arts, une initiative d’artistes belges, le collectif Manifestement dont la première manifestation collective (2006) était « Y a trop d’artistes ! . Ensuite est venu « Pour le rattachement de la Belgique au Congo ! Un exercice intime de désenvoutement réciproque » : il s’agissait pour nous d’arracher les oeillères des belges face aux crimes commis par Léopold II au Congo, suite aux réactions unaniment choquées et
vertueuses de l’opinion publique belge lors de la diffusion du film de Raoul Peck et du documentaire de la BBC sur le Congo de Léopold II. C’est face à cet épouvantable déni que nous avons mené un travail avec les Congolais. Nous avons ensuite travaillé avec les SDF bruxellois et organisé une manifestation le 31 décembre 2010 « Pour enterrer en beauté l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (sic), les SDF fêtent 2010 ! ». Les objectifs du Manifeste dégagiste sont très ambigus, comme c’était le cas avec « Tous unis contre la démocratie ! », mot d’ordre qui va à contre-courant de toute la bienséance. Notre objectif c’est l’inverse de la publicité ! Un pari sur l’intelligence ! Même si la bêtise triomphe le plus souvent ! Il faut se battre pour l’intelligence ! Interpeller pour susciter un départ de réflexion ! Un message publicitaire doit être clair et univoque. Notre objectif est tout à fait opposé. Donc, pour conclure, je dirais que nous sommes d’abord un mouvement artistique, mais qui n’a pas peur de se mouiller et de se salir dans le travail de terrain. Nous n’avons pas de programme et nous ne voulons pas de programme ! Notre marche de janvier prochain s’intitulera « Nous aussi on est partout, les goys redressent la tête ! », une réflexion sur la communautarisation des discours politiques et également une tentative pour nous de dépasser le trauma indépassable de la Shoah ! ■ Collectif MANIFESTEMENT, Manifeste du Dégagisme. Révolutionnaires d’hier et d’aujourd’hui : dégageons ! , Éditions maelstrOm reEvolution, Bruxelles, 2011 ; www.maelstromreevolution.org Pour en savoir plus sur le collectif MANIFESTEMENT et son Manifeste dégagiste : www. manifestement.be ; www.degagisme.net
octobre 2011 * n°319 • page 13
controverse(s) « Place aux historiens » ? Ou à l’histoire ? PIERRE MERTENS
L
es obsessions les plus paradoxales doivent être les plus tenaces. M’ayant pris à partie dans les colonnes du Soir*, Matéo Alaluf remet le couvert sous la forme d’une seconde mercuriale dans Points critiques. Dans le sillage de Simon Gronowski, il expose que le tribunal ne serait pas le lieu idéal où traiter le genre de controverse qui m’oppose à Bart De Wever sur la question du négationnisme. En omettant, tout comme lui, de préciser que c’est celui choisi, cette fois, par le leader de la N.V.A. et non l’inverse (mais il ne s’agit que d’un « détail », bien sûr…). C’est tout juste si je ne réclamerais pas le privilège de me retrouver justiciable. Lors d’un débat qui s’est déroulé dans un théâtre (significativement, sans doute, il s’agissait du Vaudeville), Gronowski avait déjà insinué que si je perdais mon procès, je serais « déshonoré ». À chacun sa conception de l’honneur. En s’attaquant plus largement, aux lois mémorielles — et curieusement, en citant davantage la loi française (dite Gayssot) que la belge, du 23 mars 1995, Alaluf n’évoque que le déni de la Shoah et non sa minimisation, qui est le véritable enjeu de notre discussion... Car, si on raille une initiative de repentance prise par un adversaire politique comme l’a fait De Wever à propos de Patrick Janssens lorsque celui-ci condam-
na le comportement de l’Administration communale d’Anvers, à l’heure des rafles de Juifs l’été ’42 — Administration dont il occupe aujourd’hui la place — , oui : si ces sarcasmes ne constituent pas une singulière sous-estimation de l’Holocauste lui-même, qu’on nous dise à quel terme il aurait donc fallu recourir ? Les indignations peuvent quelquefois se révéler bien sélectives, et l’appréhension des cas d’espèce, à géométrie variable. Même jugés « inadmissibles » par Simon Gronowski, les propos de De Wever devraient cependant bénéficier d’une définitive impunité ? Au mépris de la loi. Cette casuistique sophistiquée risque de ravir les esprits raffinés moins sensibles, semble-t-il, à un grossier bon sens ! Au nom de la liberté d’expression qui, rappelons-le, à l’instar de la plupart des droits de l’homme, n’est pas illimitée, on irait garantir celle de qui bafoue une valeur sacrée, mais au détriment de qui la met en question… Si nos contradicteurs n’apprécient guère le recours aux tribunaux pour gérer les cas d’une gravité pourtant exceptionnelle, c’est surtout à la loi elle-même qu’ils s’en prennent. L’Histoire, à les en croire et les entend-on répéter parfois à l’envi, ne serait-elle pas « l’affaire des (seuls) historiens ? ». Leur propriété exclusive, pour ne pas dire leur fonds de commerce. Étrange démonstration de corporatisme. Un travail d’historien eût-il pu
octobre 2011 * n°319 • page 14
prendre (avantageusement) la place du jugement du Tribunal de Nuremberg, même s’il rendit, comme on l’a quelques fois relevé, « une justice de vainqueurs » ? Ou le procès, à Francfort en 1965 des gardiens du camp de Treblinka ? « L’Histoire, observait, avec malice, Ingeborg Bachmann, a bien des leçons à donner. Mais elle n’a pas d’élèves. » On nous objecte aussi que la multiplication des procédures relatives à la répression du négationnisme aurait pour effet de le « banaliser ». À ce qu’on croit savoir, les prétoires ne sont pas engorgés par cette sorte de litiges, au sein d’une société qui a, quelquefois, l’oubli facile. Et serait-il raisonnable de supposer que le silence judiciaire ne banaliserait rien ? En amont du « devoir de mémoire » dont on nous rebat — souvent à raison — les oreilles, il existe surtout un droit à la mémoire dont il ne s’agit pas de nous déposséder. Quand j’entends un historien médire des lois mémorielles, je crois voir un pompier se muer en pyromane. Je ne pense même pas que le grand Vidal-Naquet ait livré, sur ce terrain, son plus noble combat, ainsi que l’estime Alaluf (n’était-il pas mieux inspiré lorsqu’il dénonçait le recours à la torture par la République durant la guerre d’Algérie ?). Alors cette idée d’exclure l’État, en toutes circonstances, de cet
enjeu pour l’abandonner à qui ? à quoi ? (au risque de rencontrer sur sa route quelques révisionnistes), peut se révéler bien irresponsable. Quant à parler de « théâtralisation judiciaire », tout dépendra de la portée pédagogique qu’elle pourrait acquérir. Et il n’est rien d’aussi spectaculaire, bien mis en scène, que certaine amnésie délibérée. Croire qu’on risque d’encourager l’antisémitisme en le dénonçant est, pour le moins, original. On sait où nous ont menés ceux qui ont cru devoir se taire à son sujet. On pèche parfois par omission, n’est-il pas vrai ? Cette méfiance à l’égard du « mémoriel » ne vaut pas que pour la Shoah… Elle concerne aussi les Tutsis, entre quelques autres. Et ne ciblerait-elle pas aussi le génocide des Arméniens ? Pourquoi Matéo Alaluf ne nous en ditil rien ? Il se pourrait que la question le jette dans un certain malaise. Que ne le précise-t-il pas ? Pourquoi une telle pudeur ? Alors que tant d’intellectuels turcs, suite à l’assassinat de Hrant Dink se sont depuis lors élevés contre les thèses que formule l’Histoire officielle dans leur pays ? Au lieu de renoncer aux lois mémorielles, ne conviendrait-il pas d’en élargir le champ, le cas échéant ? Mais revenons à ce goût du paradoxe que nous pensions devoir identifier au départ de notre réflexion. S’il cèderait, pour un rien à une sorte de mondanité, il comporte, en tous cas, une fameuse dose de masochisme. On prétend protéger la démocratie et on ne redoute pas d’autoriser, sinon de cautionner, des comportements d’extrême droite. Pour sûr, les adeptes de celle-ci auront tout lieu de se réjouir. Ils n’en espéraient peut-être pas tant. Merci
pour eux. C’est une prime au cynisme. Reste à espérer que la majorité de ceux qui se proclament « progressistes » ne s’y reconnaîtra pas. Il est une façon presque obscène de « tendre l’autre joue ». ■ *
Le Soir du 15 juillet.
RÉPONSE À PIERRE MERTENS 1) Je n’omets pas, contrairement au reproche que m’adresse Pierre Mertens, le fait que Bart de Wever ait porté plainte pour calomnie et diffamation pour avoir été désigné comme « leader résolument négationniste » par Mertens dans son article du Monde du 6/12/2007. Mais la controverse débute plus tard, en 2011, au moment où la Chambre du Conseil évoque la prescription et que Pierre Mertens proclame son refus de toute prescription et réclame un procès en assises en vertu de la loi du 23/3/1995. 2) Comme Gronowski et Mertens, je pense que les propos de Bart De Wever sont inadmissibles et que le geste de Patrick Janssens est digne et respectable. Il y a cependant, selon Simon Gronowski et moi, à la différence de Mertens, une distinction nécessaire à faire entre d’une part la minimisation de la collaboration des autorités anversoises à la déportation des Juifs auquel se livre De Wever et d’autre part le négationnisme qui réside dans la négation ou la minimisation de la Shoah. 3) Je n’ai pas dit qu’on « risquait de renforcer l’antisémitisme en le dénonçant ». L’antisémitisme de l’après-guerre se nourrit aussi du négationnisme. C’est pourquoi il est primordial non seulement de dénoncer l’antisémitisme mais de combattre aussi pied à pied le négationnisme. Je pense en effet qu’il tire profit des lois qui l’interdisent pour se donner une posture
de victime provocatrice et transgressive. C’est pourquoi j’ai soutenu que la pénalisation du négationnisme était contre-productive. 4) Je suis consterné par les insinuations de Pierre Mertens à mon égard. Quel écrit, quelle parole, quelle attitude de ma part pourrait laisser croire « un certain malaise » vis-à-vis du génocide des Arméniens ? En tant que Juif turc serais-je suspect en la matière ? Bien sûr que je dénonce la position des autorités turques qui nient ce génocide. J’ai marqué ma solidarité avec Hrant Dink et les intellectuels comme Elif Chafak, Eytan Mehçupyan, Ahmet Insel, Baskin Oran etc... dont j’ai la chance de compter certains d’entre eux parmi mes amis. Ils ont dénoncé le négationnisme de l’État turc qui exporte aussi sa politique négationniste au delà des frontières, en Europe et en Belgique. Dans le même temps, ces mêmes intellectuels ont signé, au moment où le parlement français débattait d’une loi visant à pénaliser le génocide des Arméniens une pétition intitulée : « L’adoption d’une loi pénalisant le génocide des arméniens serait contre-productive ». Personne ne peut mettre en doute le courage de Hrant Dink ni son combat pour la reconnaissance par la Turquie du génocide des Arméniens. Cependant peu avant son assassinat, il avait affirmé que si la France adoptait une telle loi, il n’hésiterait pas à se rendre à Paris pour dire, en guise de protestation, qu’il n’y avait pas eu génocide. 5) Le lecteur jugera la façon dont P. Mertens disqualifie Pierre Vidal-Naquet sans répondre à aucun argument. Procédera-t-il ainsi aussi avec Hrant Dink qu’il mentionne lui-même à propos du génocide des Arméniens ? Mateo Alaluf
octobre 2011 * n°319 • page 15
réfléchir Équivoques allemandes JACQUES ARON
L
’Allemagne s’opposerat-elle, comme on peut le craindre, à la reconnaissance officielle d’un État palestinien dans les frontières de 1967, solution la plus évidente à la fin d’un conflit dont les racines se situent en Europe, pour autant que cette solution s’inscrive dans une volonté de coopération entre Israël et la Palestine nouvelle, de résolution négociée des séquelles d’un siècle de colonisation, anglaise d’abord, israélienne ensuite. Pour comprendre l’ambiguïté permanente de l’attitude allemande, il faut connaître l’évolution de ce pays qui a jeté le monde dans la guerre la plus meurtrière de l’histoire, en est sorti détruit et divisé, s’est reconstruit dans la guerre froide, au gré d’alliances qui ont favorisé l’émergence, par étapes, d’une nouvelle conscience nationale sensible à certaines questions et totalement amnésique sur d’autres aspects de son passé. On peut à bon droit se poser aujourd’hui la question de savoir si la conscience d’Auschwitz, symbole sans précédent d’un programme d’éradication systématique d’un groupe ethnique (ou présenté comme tel) diabolisé et stigmatisé — « les Juifs sont coupables de tout » — n’est pas, 65 ans
après la fin de la Seconde Guerre, devenue la feuille de vigne placée devant les « parties honteuses » d’une histoire refoulée pour ne pas remettre en cause une unité nationale fragile. En 1862, Moses Hess, cet Allemand déchiré entre sa germanité et sa judéité culturelles, avait eu cette intuition de génie que l’Europe entrait dans une double guerre civile faite de tensions sociales (les inégalités croissantes d’un capitalisme sauvage) et de tensions nationales ou « nationalitaires » (dans les empires multi-ethniques). Il avait résumé cette intuition en une formule-choc : « guerre des races ou guerre des classes » ? Laquelle précéderait l’autre ? Laquelle engloberait ou dévoierait l’autre ? Parce qu’elle mobilisait tous les affects, tous les préjugés instinctifs irrationnels, plutôt que la rationalité du droit ou de l’organisation étatique, la « guerre des races » lui paraissait plus imminente ; la solidarité des exploités, des exclus, l’internationalisme, pour lesquels il luttait, lui semblaient plus difficile à construire, fondés sur une compréhension des intérêts à plus long terme de tous les habitants de la planète. Le chauvinisme, ce culte de la supériorité et de la pureté eth-
octobre 2011 * n°319 • page 16
nique allait effectivement l’emporter dans un avenir immédiat. Cette croyance (la nouvelle foi, cette scientologie de pacotille fondée sur la race) allait culminer dans le nazisme. Inspiré du fascisme italien, il allait se montrer plus radical dans l’héroïsme meurtrier, fusionnant en apparence deux pôles opposés : le « socialisme-national », subterfuge linguistique qui allait entrer au dictionnaire sous sa monstrueuse contraction : nazisme. La croyance encore bien vivante en une opposition de nature entre Allemands et Juifs est l’héritage de ce monstre. Un malaise subsiste, en Allemagne particulièrement, dans ce que l’on appelle « les relations judéo-allemandes », comme s’il s’agissait de deux réalités distinctes et non d’une histoire commune où les clivages et les responsabilités ne se partagent pas selon cette frontière illusoire. Tout y est confus et confusion entretenue selon les intérêts immédiats des uns et des autres. Tout s’interprète selon un schéma manichéen : Allemands = coupables (Täter) ; Juifs = victimes (Opfer). Un pays de coupables, l’Allemagne, qui devrait se racheter en soutenant un pays de victimes, Israël. Quand donc l’Allemagne rendra-t-elle l’hommage
qu’ils méritent aux anti-nazis allemands (Juifs et non-Juifs confondus) et condamnera-t-elle (politiquement et moralement) les nazis et les héritiers de tout ou partie de leurs conceptions, quels qu’ils soient ? Le fait que des néo-nazis y soient encore autorisés à se rendre en pèlerinage (c’est bien de foi qu’il s’agit !) sur des lieux symboliques à leurs yeux n’est jamais que la face visible de l’iceberg. Sept cents d’entre eux défilaient il y a peu à Bad Nenndorf, où des nazis (selon leurs séides) auraient été torturés ! La communauté juive crut devoir y réagir en agitant des drapeaux israéliens, et des Allemands d’autres confessions manifestèrent leur solidarité avec les « victimes ». Les communautés juives actuelles (officiellement reconnues au sens religieux, libéral, conservateur ou orthodoxe) sont pour l’essentiel constituées d’immigrés récents issus de l’ex-URSS. Désireux de sortir de ce rôle officiel de « victimes », en rendant fièrement hommage à leurs vétérans de l’Armée rouge couverts de médailles — transformés pour l’occasion en résistants « juifs ». Bien sûr, il n’y a pas que la « démocratie » allemande qui révèle ses limites. Le néo-nazisme se porte bien aux États-Unis.
Le National Socialist Movement qui s’est créé en 1994 compterait aujourd’hui cinquante organisations dans trente-deux États. Et ses oripeaux, comme chez nous, se renouvellent. Si le nouvel ennemi fantasmé est plutôt chez nous d’obédience islamique, c’est la « montée » des Latino-Américains, bientôt majoritaires, qui inquiète les WASP (White AngloSaxon Protestants), le noyau de la droite traditionnelle. Un autre déni des meilleures traditions progressistes en Allemagne est la campagne scandaleuse menée contre la gauche dès qu’elle ose émettre des critiques à la politique d’Israël. Pas un jour où on ne l’affuble de l’épithète infamante : antisémite. Chacun feint d’avoir oublié ce qu’elle a politiquement signifié en Allemagne, à partir de 1871, dans le processus d’unification nationale en cours : l’exclusion de l’« ennemi » intérieur et extérieur. Les temps ont changé, la figure de l’ennemi aussi. Le processus de diabolisation subsiste et ressert en permanence. ■
octobre 2011 * n°319 • page 17
urbanité/urbanisme La démocratie bruxelloise à l’épreuve de l’avenue du Port SENDER WAJNBERG
L
a première fois que je suis arrivé à BruxellesCentre par cette avenue qui longe Tour & Taxis, ce fut à la suite d’une délibération sur la carte de Bruxelles. Le problème à résoudre était de se désenclaver de Schaerbeek pour arriver au plus vite « en ville » en évitant le maximum de feux, d’embouteillages et de goulets bourrés d’échoppes et de livreurs, genre chaussée de Helmet. La solution défiait l’intuition : il fallait filer vers le nord à l’OPPOSÉ de ma direction, passer au-dessus des voies ferrées et redescendre de l’autre côté en longeant le canal du côté gauche ! En une seule grande boucle, j’atteignais le pont Van Praet, à prendre à droite et virer tout de suite à gauche pour Tour & Taxis d’emblée ! Sur la carte c’était plus long que le chemin ordinaire, mais prometteur. Restait à faire l’expérience.
LA JOYEUSE ENTRÉE Ça roule ma poule, même à du 50 (c’est moi qui le dit !), je retrouve des sensations perdues : de l’espace, des feux vaguement synchronisés, ça ronronne, ça roule ma poule ! Et ce n’était encore rien. Après le pont Van Praet, je redescends tout de suite
à gauche vers T&T, et là !… Une symphonie de vert me saute au visage à l’entrée d’une très large avenue : des platanes ! Comme en vacances en France ! Inouï. À Bruxelles ! La France à Bruxelles ! Des platanes ! Et le soleil avec, … même quand ça drache ! Il y a aussi des pavés, des vrais, des au-then-tiques (1.500.000 blocs sortis des carrières de Quenast). Ça chahute comme de la moutarde Maille à l’ancienne dans le palais ; ou comme une baguette farine mi-complète cuite sur pierre au feu de bois sous la dent ! Ça croustille du tonnerre de dieu sous mes roues. Un son qui n’existe presque plus. Peu de signalisations ni de bandes contraignantes, rien, la circulation est fluide, chacun y trouve naturellement sa place. C’est un véritable miracle : l’endroit a jusqu’ici échappé aux responsables atteints de la thijserââ, maladie grave qui consiste à créer des difficultés de circulation (en référence à l’ancien ministre « de la mobilité » Jean-Louis Thijs). La voie est un peu défoncée à force de ne pas avoir été entretenue depuis 40 ans — remarquable robustesse soit dit en y passant, la route a été faite sur-mesure et à la main !,
octobre 2011 * n°319 • page 18
mais elle m’oblige à ralentir — et c’est mieux que ces foutus cassevitesses qui cassent les couilles, les suspensions, et polluent en gaz mal brûlés (freiner puis re-accélérer) et en particules d’amiante (plaquettes de freins). Ici, on respire. Une vraie route comme au XIXe siècle. Merveilleux OVNI surgi du passé de ma ville ! Et un trésor patrimonial de la Région bruxelloise, me dis-je après-coup, télescopant dans le présent billet mon entrée ci-dessus décrite avec la dernière début septembre, celle où j’allais à la manif. Quelle manif ? La manif organisée avec des bénévoles par le Comité de quartier « Avenue du Port », et l’Action Patrimoine Pavés Platanes, soutenues par des mandataires politiques, par l’Arau, par Inter-Environnement Bxl, par les associations de quartiers riveraines et par 10 000 signatures (une signature = 150 pavés). Car les 300 platanes en bonne santé contrairement aux allégations (comme on dit) vont être abattus et le million et demi de pavés authentiques remplacé par du béton ! L’œuvre de la ministre bruxelloise « des travaux publics et des transports et du port de Bruxelles », madame
Brigitte Grouwels (non, elle n’est pas la sœur du flûtiste) qui tient sans doute à prouver à son parti le CD&V, parti flamand, « qu’on peut encore faire quelque chose avec Bruxelles » (si vous voyez ce que je veux dire).
LES RÉTROACTES Le projet émane initialement de Pascal Smets, précédent ministre de la mobilité, lorsqu’il fut question d’installer là, juste à côté de Tour & Taxis, le BILC — acronyme anglais pour « Centre de Distribution Logistique International », nous traduisons de la langue de bois vers le français : une gare/parking pour gros camions de transports internationaux. Les associations déjà citées s’étaient mobilisées, le « BILC » est tombé mais les arbres sont toujours menacés ! : la ministre Grouwels a repris tel quel le projet de réaménagement de toute la rue. Ça fait deux ans que les associations riveraines, les urbanistes, des politiques et des citoyens alertent le monde politique sur l’imbécillité incroyable de ce projet à 12 millions d’euros alors que les finances de Bruxelles sont au plus mal, pour un projet qui n’est ni bon pour Bruxelles et les Bruxellois, ni un exemple d’une bonne gestion financière, ni porté par la société, ni durable et ne tient compte que des besoins de certains usagers. C’est-à-dire qu’il ne répond qu’à un seul des 5 critères d’une bonne gestion définis précédemment par… la ministre elle-même. Rien n’y fait, Brigitte-enville s’entête alors que deux pistes cyclables, quelques lignes blanches et une égalisation de la chaussée — un tel contre-projet existe, bien ficelé et réfléchi — feraient l’affaire pour le tiers du prix tout en donnant du travail aux carriéristes (les vrais, les artisans
du pavé). Quelle que soit l’issue de cette affaire, un nouveau mot pour la nouvelle souche d’un ancien virus dangereux fait son entrée dans notre lexique : la grouwelserââ, pour l’irrépressible envie de détruire arbres et patrimoine bruxellois. Stem Grouwels ! Stem CD&V !… De Brusselse kiezers zullen het niet vergeten.
UNE QUESTION POLITICIENNE …ET CULTURELLE Mais pour qui roule-telle finalement, cette ministre « bruxelloise » (sic) qui s’est encore mouillée récemment en participant à la kermesse annuelle flandriste sympathiquement intégriste et dont le symbole est l’étranglement de Bruxelles, le Gordel ? ! Il a pourtant été délaissé cette année par la grande majorité des mandataires flamands mais pour elle ça reste à son agenda ! Estelle vraiment ministre bruxelloise de la Région de Bruxelles, capitale de l’Europe ? Ou ministre bruxelloise de la capitale éternelle et divisible de la Flandre et du peuple flamand ? ? Merde y en a marre à la fin.
Outre une psycho-rigidité probable, il est vraiment permis de poser tout haut la question d’un combat culturel entre une vision flandrienne de l’espace citadin et la vision bruxelloise traditionnelle. Elles ont très peu en commun. Il suffit de comparer les centreville joliment rénovés de Bruges, Gand ou Anvers (proprets, alignés au cordeau, faux vieux) avec, par exemple, l’Îlot Sacré et son héros qui après avoir sauvé la ville d’un grand danger explosif pisse à tous vents depuis six siècles : ça n’a rien à voir ! ! ! Deux mondes, deux traditions antinomiques qui correspondent parfaitement, chacune, aux usages et souhaits de leurs indigènes respectifs. Seulement faut pas mélanger.
RE-MOBILISATION Décision prise début septembre par le gouvernement bruxellois : on rase ! Bedank ae Madam Écolo, en ae Menhier Picqué. Car en cas d’annulation, la Région devra, ditelle, payer un dédit de 3 millions à l’entrepreneur — lequel on s’en doute n’est pas né de la dernière pluie ; il connait très bien les aléas
octobre 2011 * n°319 • page 19
➜ d’un tel contrat public impliquant 36 partenaires et lié au BILC qui a été enterré. Il a donc prévu ses arrières ; ça pourrait même l’arranger. (Question stupide: qui va ramasser les miettes de ce gâteau ?) Tiens ! À propos, « le réaménagement sera réalisé par l’entrepreneur Verhaeren,… de Zemst, et ne bénéficiera pas à l’économie bruxelloise… » Le déni de démocratie est massif : les assoc directement concernées n’ont ni été consultées, ni même entendues, contrairement aux usages contemporains de la gestion environnementale citoyenne. Les assoc n’ont bien sûr pas pu avoir accès aux rapports d’expertises et de mesures d’impacts. Non madame Grouwels-CD&V, ce ne sont pas les arbres qui détruisent Bruxelles, c’est vous ! …Les arbres « …malades » ? ! En gâ gelûef dâ ? ! À la manif — discours, angoisse, rage, dépit et finalement, sit-in joyeux — pas un flic, seulement trois agents pour régler le traffic ! Miracle ! Et je ne vois personne de l’UPJB. Comme si l’expression de la volonté des habitants teintée de folklore bruxellois ici …était moins chic que les grands événements planétaires là-bas pour lesquels nous nous mobilisons. (Ce serait différent si le tich du Mennekepis était circoncis peut-être ?). Sur le site *avenueduport.be*, les buumredders (sauveurs des arbres) communiquent : « Nous continuerons nos actions jusqu’au moment où ce gouvernement bruxellois se daigne à ouvrir un véritable débat, et à confronter notre proposition alternative avec le projet de réaménagement actuel. Ce débat dépasse largement l’avenue du Port. C’est un débat autour de la démocratie par-
ticipative (l’intelligence collective) et d’une vision pour un urbanisme respectueux des habitants et des usagers, pour une ville durable. » Donc, lecteur de Poings Critiques, si vous voulez aider, allez sur le site où vous lirez infos / historique / et actions de sauvetage en cours…
SURSIS À l’heure où vous lisez ces lignes, je ne sais si Charlie, l’arbre que j’ai adopté, a été abattu ou si grâce à l’action intentée en référé, il survit toujours. Les travaux ont été arrêtés in extremis le premier soir des opérations pour « non conformité aux travaux planifiés soumis à autorisation, et problème de légalité concernant le permis lui-même qui ne comprend pas de rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement. »… Fragile première victoire Mais au fait, y s’en aperçoivent seulement maintenant de l’absence du rapport d’évaluation des incidences ? ? ! Astabléeft ! !… Et pourquoi y s’en aperçoivent mènant si vous plaît ? ! Mais parce que des Bruxellois la leur ont mise sous le nez tiens et ne se laissent pas avoir dans la combine ! Arâ ! Moralité, la démocratie est un excellent véhicule… à condition de ne pas oublier son carburant : la vigilance citoyenne. Ne pas confondre en effet « la puissance du peuple » (des gens qui vivent là) : dèmos-cratia, avec « la puissance des élus par le peuple » : eklektos-cratia. Autrement nous serions dans une électocratie. Mais il n’en est rien : c’est à nous de jouer, restons branchés. Alleï ça roule Chaerel, tu peux d’jà démarreï ! Salu, ‘k benne weg ! ■
octobre 2011 * n°319 • page 20
V
ous me permettrez d’apporter quelques bémols à l’article « Regard sur Marcel Liebman » publié dans le numéro 318 de Points Critiques.
1. Contrairement à ce qu’affirme le chapeau de la rédaction, l’article de Nicolas Zomersztajn ne coïncide pas avec l’exposé qu’il avait fait le 7 juin dernier, lors de la présentation de la nouvelle édition de Né juif. Autant celui-ci était nuancé et stimulant, autant le texte écrit me paraît schématique, voire caricatural. Hélas, verba volant, scripta manent. 2. Lorsqu’il présente les idées de M. Liebman sur la question israélo-palestinienne, N.Z. contrevient à la règle la plus élémentaire à suivre lorsqu’on veut juger l’œuvre d’un écrivain politique : envisager ses positions dans leur contexte et dans leur évolution. La rubrique Archives du site de l’Institut Liebman (www.institutliebman.be) reproduit 45 articles consacrés à Israël, au sionisme et à la Palestine, s’échelonnant entre 1956 et 1984. Le 29 novembre 2006, lors d’une journée à l’ULB sur « Les Juifs et le conflit israélopalestinien », à laquelle N.Z. participait pourtant, je m’étais efforcé de retracer à la fois les lignes de force constantes et les variations des positions de Liebman. Un seul exemple : M.L. est passé vers la fin des années 70 du pro-
à propos d’un regard La publication de l’article de Nicolas Zomerstajn « Regard sur Marcel Liebman » dans Points critiques n°318 de septembre 2011 a suscité des réactions en sens divers. Jean Vogel, responsable de l’Institut Liebman, nous a adressé ses bémols. Nous publions également une «lettre ouverte d’Adeline Liebman au comité de l’UPJB» ainsi que les réflexions de Sender Wajnberg jet d’une « Palestine binationale laïque et démocratique » au ralliement à la thèse des deux États. En fonction de quel argument ? Parce qu’il en était venu à la conclusion que la majorité de la population israélienne n’accepterait pas la première solution et que pour faire un État en commun, il faut être deux à le vouloir. Bel exemple de « pro-arabisme forcené » n’estce pas ! 3. L’article de N.Z. est presque entièrement construit sur une opposition entre Liebman et d’autres figures juives radicales étrangères au sionisme tels que Pierre VidalNaquet, Isaac Deutscher ou Ralph Miliband (il leur adjoint Raymond Aron, qu’il semble difficile de qualifier de « radical »). De la part de Liebman, il s’agirait de « positionnement hostile », de « virulence » anti-israélienne, d’« engagement entier et inconditionnel », voire « forcené », en faveur des Arabes, qu’il faudrait opposer à la « lucidité intellectuelle », à « l’absence de radicalité » ou à la « dilection particulière » pour Israël présentes chez les autres. Pour qui lit les prises de position de Miliband, de Deutscher et également de VidalNaquet dans la durée et dans leur contexte (pas seulement un écrit au moment de la guerre de 1967), cette dichotomie est très largement factice. À eux aussi, il est arrivé de se tromper, de se contredire, d’adoucir une prise de position, d’en radicaliser une autre. Ce qu’ils partagent en revanche
avec Liebman, c’est le refus de cette « raison d’État » ethno-communautaire interdisant toute critique sérieuse d’Israël qui est propre à BHL et autres chéris de la tribune du CCLJ. 4. N.Z. insiste sur le fait que les prises de position de M.L. sur Israël et le conflit israélo-palestinien l’ont marginalisé et « ne manqueraient pas aujourd’hui encore de le confiner aux marges de la communauté juive de Belgique ». Il a entièrement raison en ce qui concerne la communauté juive mais il aurait dû ajouter qu’il y a, disons, 40 ou 30 ans, de telles positions plaçaient aussi Liebman aux marges de la société belge, alors qu’aujourd’hui elles y sont largement partagées. On peut, sans doute, estimer que la judéité de M.L. était à la source d’une sensibilité particulièrement vive vis-à-vis de la question palestinoisraélienne. Mais, en tant que citoyen agissant dans la société, du point de vue intellectuel et politique, les Juifs ne représentaient pas pour lui un interlocuteur privilégié, il s’efforçait de faire bouger la société dans son ensemble et il a sans aucun doute été un des grands « introducteurs » de la légitimité de la revendication palestinienne dans l’opinion belge. Ajoutons encore sur ce point que l’ostracisme qu’a connu et que connaît toujours l’UPJB a la même source et est de même nature que celui subi par Marcel Liebman. 5. En ce qui concerne l’analy-
se de la communauté juive, N.Z. préfère, à l’« embourgeoisement » diagnostiqué par M.L., parler de façon « neutre » de « mobilité sociale » d’une population d’ex-immigrés. Querelle de mots ? Oui et non me semble-t-il. On part de la même réalité sociologique mais, dans le chef de M.L. celle-ci produisait des effets politiques, comme par exemple le glissement à droite de l’opinion communautaire juive majoritaire, sur lesquels N.Z. n’a pas d’avis. Et, plus grossièrement, dans ce qui distingue l’UPJB et le CCLJ, n’y aurait-il pas, toute politique mise à part, une dimension sociale et institutionnelle qui mériterait de faire l’objet d’une thèse en sociologie. 6. La position politique et institutionnelle de Nicolas Zomersztajn étant ce qu’elle est, je trouve logique et légitime de son point de vue la plupart des critiques ou des réserves exprimées vis-à-vis de Marcel Liebman. J’ai vécu son apport à la présentation de la nouvelle édition de Né juif comme un événement intéressant et sympathique. Je regrette qu’il se soit trouvé d’une certaine façon instrumentalisé dans un « coup » interne à l’UPJB imaginé par dieu sait quels Born-again Jews à l’occasion des vingt-cinq ans de la disparition de Marcel Liebman. Il arrive que le manque de tact provoque des avalanches… ■ Jean Vogel
➜
octobre 2011 * n°319 • page 21
à prppos d’un regard Lettre ouverte au comité de l’UPJB
J
e n’ai pas besoin que l’UPJB soit le club des supporters ou des fans de Marcel Liebman. Ses idées peuvent et doivent être discutées, reprises, rejetées ou amendées au cours de débats politiques. Il a eu lui-même des échanges avec des amis ou des ennemis politiques après lesquels il lui est arrivé d’infléchir un point de vue, sans toutefois renoncer à ses valeurs. Son combat a été de faire entendre le point de vue des Israéliens de gauche à des Arabes (c’est lui qui, le premier a fait venir le général Peled à Bruxelles) et le point de vue des Palestiniens à des Juifs (c’est lui qui nous a fait entendre la voix de Naïm Khader). La caricature qui est faite de son combat et que vous avez publiée sans la moindre distance est le contraire de la vérité. Je relève : « Un engagement entier et inconditionnel en faveur de la cause arabe » nous est-il dit dans ce texte, alors que justement Marcel était un homme libre,un intellectuel rigoureux dans ses analyses,hostile à toute inféodation partisane Je relève encore : « Ni le temps, ni les progrès historiographiques n’ont la moindre incidence sur les prises de positions de Marcel Liebman ». Façon très élégante de dire que c’est un imbécile rigide. Je relève toujours : « La lucidité de Vidal-Naquet échappe à Marcel Liebman. Est-ce la conséquence d’un engagement entier et inconditionnel en faveur de la cause Arabe ». C’est donc vraiment
un fanatique buté ! Enfin, la dernière phrase de ce texte date de mai 1967, moment de grande panique dans les milieux juifs et phrase que Milliband a complètement reniée par la suite, cette phrase est reprise à son compte par N. Zomersztajn qui s’en ressert aujourd’hui et colle à Marcel cette image de pro-arabe forcené sur laquelle le texte se termine et qui est l’image classique dont ses ennemis politiques l’ont toujours affublé. N.Z. est libre de penser et de dire ce que bon lui semble. Mais que nos propres colonnes lui soient proposées pour ce dénigrement balancé et subtil par endroits, irrespectueux et brutal à
octobre 2011 * n°319 • page 22
d’autres est choquant. J’espère que le comité lui-même aura le courage et l’honnêteté intellectuelle de prendre position par rapport à une « analyse » si peu conforme à la vérité du combat et de la rigueur de Marcel, et que ce soin ne sera pas laissé uniquement à d’autres qui sont extérieurs à l’UPJB. Si vous avez publié ce texte sans le lire, c’est grave. Si vous l’avez publié après l’avoir lu, c’est encore plus grave. Et si vous l’avez publié sans avoir saisi comment il caresse d’une main et gifle de l’autre, alors ce n’est même plus grave, c’est désespérant ! Avec toute mon indignation pour le manque de respect à l’égard d’un homme qui n’a cessé de lutter pour une paix juste au Moyen-Orient, lutte que vous menez vous-mêmes dans des difficultés analogues à celles qu’il a connues. ■ Adeline Liebman
Une autre lecture de l’Homme
C
hers amis et collègues de la rédaction, Chers lecteurs/trices de Points Critiques J’ai trouvé l’article de Nicolas Zomersztajn TRÈS intéressant et ne m’inscris pas dans l’émoi qu’il a pu susciter. Il est vrai que je n’ai pas connu l’Homme, ce qui me place en grande distance affective en la matière. Mais enfin, cet article... 1. Il donnait une autre « lecture » de l’Homme ; 2. une lecture qui secouait notre hagiographisme naturel envers cette grande figure, mais hagiographisme quand même, et c’est toujours bon d’être (un peu) secoué dans nos certitudes ; 3. cette lecture était clairement une *proposition* non imposée au lecteur (libre à nous d’y « adhérer » ou non, mais c’est toujours mauvais « d’adhérer »), proposition amenée, me semble-t-il de mon point de vue partiel, avec une délicatesse et un respect de l’Homme certains ; 4. à travers cette proposition, cet article donnait (in)directement mais clairement une autre point de vue juif, nuancé, sur notre militantisme juif progressiste, ce militantisme maison vu à travers la personnalité charismatique et fédérative de Marcel Liebman ; point de vue en soi non dénué d’intérêt. D’autre part, il est toujours intéressant de prendre connaissance des autres points de vues, même « erronnés » ! C’est constitutif de notre tradition de culture
et de pensée (le Talmud n’est rien d’autre qu’une compilation de points de vues opposés sur toutes les questions, importantes et non importantes, de la vie juive...) ; 5. Le fait d’avoir publié un tel article, effectivement « pas dans la tonalité habituelle » de la revue, m’est apparu comme le signe d’une grande ouverture d’esprit de la part de la rédaction : depuis quand le questionnement critique est-il à éviter (voir à bannir de) chez nous, nous qui nous proclamons champions de la pensée critique non-mainstream fièrement assumée, nous qui ne craignons pas la contradiction ? ! ! 6. Cet article est un texte proposé suite à une conférence qu’il a donnée en nos murs ! S’il rend compte d’une de nos activités, fallait-il alors ne pas l’avoir invité ? ! ...À moins que sa contribution écrite ne cadre pas avec sa contribution orale, mais n’ayant pas été présent, laissons ce point aux personnes au courant. 7. Nicolas ne s’est parfois pas privé de prendre des positions plutôt radicales dans certains de ses éditoriaux de Regards, des positions même proches des nôtres ; et je trouve très significatif qu’un éditorialiste de Regards accepte d’être publié dans Points Critiques : quelqu’un de la maison d’en face qui fait un pas assumé vers l’UPJB, connue dans la rue juive pour son impertinence, son indépendance absolue de pensée, ses positions minoritaires, et activement marginalisée par l’establishment juif !...Il est non moins
significatif que notre revue accueille cette sorte de main tendue... 8. Moralité : encore encore ! J’en veux encore de ces pensées « obliques » ! ...Pour autant que le débat soit fair play of course, et basé sur des faits avérés. Nous n’avons pas vocation à devenir curés idolâtres des grandes figures disparues ! Il ne s’agit évidemment pas de les « déboulonner » — GRAND RESPECT pour les hommes et leurs œuvres — mais ne peut-on pas relire ce que leurs pensées avaient de prédictif, et — sans commettre le péché d’anachronisme bien connu des historiens — les relire à la lumière du temps qui s’est écoulé depuis : en quoi ont-ils vu juste ? En quoi se sont-ils trompés ? En quoi leur pensée reste actuelle et peut nourrir nos réflexions ? En quoi nos réflexions peuvent s’éprouver à la lumière des leurs ? ! Ainsi les échanges intellectuels peuvent-ils se poursuivre au-delà de la mort ! Ainsi les morts sont-ils un peu moins morts ! Et les vivants un peu plus vivants ! 9. Merci donc Nicolas, merci Points Critiques, et merci aussi lecteurs émus, de provoquer ce débat très intéressant entre la mémoire (en)cryptée dans le passé et la mémoire vive bien vivace d’aujourd’hui ! 10. À+ ! ■ Sender Wajnberg
octobre 2011 * n°319 • page 23
diasporas Miropol ou la clé des songes ANDRÉS SORIN
Cette année également, Andrés Sorin, Juif franco-argentino-ukrainien de Bruxelles, nous entraîne dans ses pérégrinations estivales et diasporiques. Nous publierons la suite de son voyage dans notre prochain numéro
J
oseph avait rêvé de va- peu d’attention. Ma bobe Braynches égyptiennes, moi dl (de son prénom yiddish) moud’un adolescent ukrainien voulant émigrer en Syrie1. Le rêve biblique se réalisa... dans la Bible ; pour le mien... je peux toujours rêver. Il est vrai que depuis ce rêve-là, la Syrie est présente dans l’actualité réelle, mais c’est une autre histoire. Il y a des rêves individuels, ceux qui expriment sous la forme d’un film un peu fou l’activité cérébra- Les fraises de Miropol le. Il y a aussi les rêves collectifs, ceux d’une famille, rut en 1982 en Argentine, loin de d’une tribu, d’un peuple, qui ne nous, qui avions émigré en France sont pas l’expression directe du quelques années auparavant. Elle subconscient mais l’expression ne revit jamais la terre qui l’avait d’un désir bien conscient. vue naître, là où les griottes à conBerta, ma grand-mère mater- fiture étaient les meilleures ; là où, nelle, exprimait souvent à la fin d’après mon grand-père Sanye, de sa vie le désir de retrouver des son mari, les fraises étaient grosmembres de sa famille restés « en ses comme un poing. Russie »2. La faisabilité du projet Un peu plus tard je me mis à étant faible, nous n’y prêtions que tourner autour du rêve. Une in-
octobre 2011 * n°319 • page 24
cursion en Crimée pour connaître la ville de mon autre grand-père,
puis un voyage organisé avec un groupe belge de fous de trams à Kiev et en Ukraine orientale ; plus récemment, deux semaines à Odessa pendant l’été 20101. Je visais toujours à côté : à la recherche de mes racines, je voyais bien l’Ukraine sur la carte, mais je n’arrivais jamais là où il fallait. Telle une comète suivant une orbite elliptique extrême, je m’approchais
Devant le restaurant Tsimes à Kiev
de la Terre de mes racines, pour me perdre ensuite dans les noirceurs de mon âme interstellaire. J’avais l’excuse d’avoir à ma disposition deux ou trois de ces « terres » (promises ?) : l’Argentine, la Russie éternelle, Eretz... Et puis, Luisa, ma mère, désormais plus âgée que Brayndl à l’époque, me rappela justement qu’elle voulait « y aller » et que ce serait quand-même mieux de le faire pendant qu’elle pouvait encore entreprendre un tel voyage sans trop de difficultés. J’avoue que ma tendance à... l’ellipse accueillit ce souhait avec scepticis-
Après une matinée de marme. Heureusement que mon orbite était alors che à travers le centre historisur la courbe appro- que de Kiev, nous voici à Podol chante et que le soleil (ukrainien Podil), quartier hisfinit par m’illuminer de torique commerçant connu pour toute sa force. Nu, da- sa traditionnelle présence juive. Nous arrivons au restaurant Tsivay ! Allons-y ! ! Internet mit sur mon mes3, où nous sommes accueillis chemin une Française- par un mannequin en bois assis dans-une-agence-à- à une table et comptant ses sous Berlin-spécialiste-de- : calotte noire, longue barbe, nez l’Ukraine (j’affectionne crochu, grandes oreilles. Le resces combinaisons mul- taurant est joliment décoré à l’anticolores, elles accom- cienne avec des textes en yidpagnent ma propre dish et en hébreu sur les murs, existence) qui, à ma de- des images chagalliennes de la mande, fit faire d’abord vie juive d’autrefois, des meubles des recherches d’archi- anciens.... Les serveurs portent la ves sur place, engagea kipa, les serveuses pas. Le resensuite une jeune inter- taurant est ouvert, bien que nous prète et une non moins soyons samedi. La carte est assez jeune conductrice au drôle : à côté de chaque plat, un volant de son véhicule. proverbe ou un texte humoristiLes recherches furent que en russe, à moins que ce ne infructueuses, mais no- soit en syldave (voir photo). Je me tre interprète et notre demande si l’épouvantail de l’enconductrice furent, el- trée n’est pas une forme d’exorles, parfaites d’efficaci- cisme par autodérision : « Ce n’est pas la peine que vous nous fassiez té et de sympathie. Le plan de voyage remarquer ce qu’on dit de nous ; n’était pas anodin : aller visiter cette poupée en est une persondeux villages perdus dans l’Ukraine profonde, à savoir les lieux de naissance des parents de ma mère. Pour agrémenter le tout, il était prévu de visiter Kiev, que nous connais- « Portez-vous bien – Profitez de la vie » sions un peu, ainsi que d’aller à la nification. Maintenant, passons à rencontre de la « vie juive » dans autre chose ». La prochaine fois j’aurai une disles régions visitées.
➜
octobre 2011 * n°319 • page 25
➜ tre cinquante-sept de ma mère en la faisant presque disparaître dans ses bras. Prise de lyrisme, Luisa déclare ensuite se sentir ukrainienne avec des accents si touchants que son interlocutrice, une employée de mairie, en a la chair de poule.
Stèle à Miropol
cussion avec le patron, mais ce jour-là je n’avais qu’une envie en partant, c’était de faire une bonne sieste. Deux jours plus tard, notre petite troupe s’en allait par la route de Jitomir. Notre logement : le « Spa » (sic), une sympathique maison d’hôtes, à la décoration intérieure... étonnante, et aux nombreuses marches et gradins. J’avais peur que ma mère tombe dans les nombreux dénivelés des chambres. Ce sont là sans doute les charmes de l’architecture de l’Ukraine nouvelle. Mais les propriétaires furent très serviables et... italophones ! Aussitôt repartis, la route qui serpentait parmi de charmantes prairies, forêts et lacs fut une approche autant géographique que spirituelle de... Miropol (ukrainien Myropil), première rencontre avec le passé familial. Le prénom yiddish de ma mère, Leye, est étrangement associé à Miropol. Son grand-père était rabbin à Miro-
pol. S’appelait-il Azriel, peut-être celui même qui, dans Le Dibbouk essaie d’aider Léa-Leye à laisser derrière elle les ombres de son passé ? Arrivés à la petite ville, le maire, un géant aux dents d’or, nous attend devant la mairie. J’avais prévenu ma mère « pas de bise comme en Argentine, soyons plus circonspects ». Vaines paroles : en guise de bienvenue, ces deux mètres de slavitude étreignent le mè-
octobre 2011 * n°319 • page 26
Nous nous approchons d’un site charmant sur les rives du Sloutch, que mon grand-père évoquait avec nostalgie. Vert pré, sable doré, mamans et enfants du XXIe siècle bronzant comme sur n’importe quelle plage et, à quelques dizaines de mètres, à l’orée du bois, une stèle soviétique de 1982 en ukrainien « À la lumineuse mémoire de citoyens pacifiques (expression codée désignant à l’époque les victimes juives), fusillés par l’occupant fasciste ». Émotion encore en visitant le cimetière juif où mes ancêtres
sont peut-être enterrés. On voyait le maire habitué aux visites de groupes juifs ; ils étaient nombreux en provenance des États-Unis jusqu’à un attentat à la bombe il y a une dizaine d’années dans la ville d’Ouman. Devant l’église catholique, en restauration, de SaintAntoine, sur un promontoire, le bourg à nos pieds, nous appelons un cousin de ma mère en Argentine. « Nous sommes à Miropol ! ! ». Réaction d’Hector, à des dizaines de milliers de kilomètres : « Alors, c’est vrai, Miropol, existe ! ? ». Cette question résumait bien notre état d’esprit : pour la première fois de nos vies nous touchions à la légende familiale. Un lieu fondateur prenait corps. Grand-père Sanye disait vrai ; Miropol est bien divisée en deux quartiers, et au milieu coule une rivière. Un ami du maire nous accueille chez lui, aux portes du cimetière dont le terrain prolonge la ferme. Vodka maison parfumée aux racines et herbes du coin, saindoux bien peu kasher mais fort bon, cornichons et confiture furent le colophon de notre visite. Il ne manquait plus que le dessert. Les fraises de Sanye. Elles nous attendaient là, bien rouges, présentées dans un sac plastique par une vieille dame au bord de la route du retour. « Alors, elles sont vraies, les fraises, aussi ? », aurait probablement demandé le cousin d’Argentine. Nous naviguions gaiement entre rêve et réalité. ■ (à suivre...) Voir « Odessa-Mama », Points Critiques n° 309, octobre 2010. Techniquement, l’Union soviétique. 3 Du nom d’un plat ashkénaze. 1
2
octobre 2011 * n°319 • page 27
Yiddish ? Yiddish ! PAR WILLY ESTERSOHN
Svrvw skez
zeks shures Six vers
C’est Aaron Zeitlin (Arn Tseytlin), né en Bielorussie en 1899 et mort à New York en 1974, qui est l’auteur de ce court poème. Ses parents étaient écrivains de langue yiddish, le père traitant de questions religieuses et la mère publiant des ouvrages sur la littérature yiddish. Dans l’entre-deux-guerres, Zeitlin, installé à Varsovie, apporte sa contribution littéraire à plusieurs publications. Isaac Bashevis Singer le considérait comme « un véritable géant spirituel ». En 1939, il est invité à New York où l’on souhaite monter son drame Esterke qui connaîtra un énorme succès (on y entend notamment Dona, dona, une chanson qui fera le tour du monde). Zeitlin est contraint de rester aux Etats-Unis après l’occupation de la Pologne. Sa femme, demeurée à Varsovie, ainsi que le reste de sa famille, périront à Auschwitz.
,Mlve Med t] Fyvj twyn Cym Fr=d renyyk : syyvv’c oylem dem ot
oyf
nisht mikh darf
keyner
kh’veys
.Mlve-Sib NwidYy Med Fyvj relteb-retrevv ,Cym besoylem
yidishn dem oyf
betler
verter
mikh
? widYi Fivj vqred C]n Nvj _ dil = Fr=d revv yidish
oyf
dertsu nokh un
lid
a
darf
ver
,Nyyw zij dre red Fivj ez]lsgnvnf]h s]d zivlb r]n sheyn iz
erd
der
oyf
hofnungsloze
dos bloyz
,Nyygr=f zvm s]vv ,s]d r]n zyj Celteg Nvj fargeyn muz vos
dos
nor
iz
getlekh
.wyhdyrm zyj hench r]n Nvj meridish
octobre 2011 * n°319 • page 28
iz hakhnoe nor un
un
nor
! widYi ? widYi
REMARQUES Svrvw shures (plur. de hrvw shure)= lignes, vers (litt.). syyvv’c kh’veys = syyvv Cyj ikh veys : je sais. t] ot : adverbe de désignation = ici, voici ; là, voilà. Mlve oylem (hébr.) = public, foule, monde. Mlve-Sib besoylem (hébr.) = cimetière juif. dil lid = chanson, chant, poème. vqred dertsu : en outre, à cela. gnvnef]h ou gnvnf]h hofenung ou hofnung = espoir, espérance ; z]lsgnvnf]h hofnungsloz (adj. et adv.) = désespéré, sans espoir. Celteg getlekh = divin ; de t]g got = dieu. Nyygr=f fargeyn = passer, disparaître. hench hakhnoe (hébr.) = soumission, humilité. hdyrm meride (hébr.) = insurrection, révolte.
octobre 2011 * n°319 • page 29
ANNE GIELCZYK
(Provisoirement) Historique !
S
alut les amis, quelle rentrée hein dites ! Enfin, « rentrée » c’est un grand mot. J’ai plutôt l’impression que tout le monde sort ces jours-ci. À commencer par notre premier ministre ff., lui qui s’occupait si bien de nos petites affaires en attendant qu’un gouvernement, un vrai, soit enfin formé. Qui travaillait dans l’ombre depuis 500 jours, avec patience et abnégation. Et dire qu’Onkelinx a dit de lui que c’était un homme dangereux ! On croit rêver aujourd’hui. Non Yves Leterme, c’était devenu notre soutien, notre bouée de sauvetage, notre roc, notre phare par ces temps de tempête, osons le mot, de tsunami. On le choyait, on le croyait définitif, provisoire certes, mais définitif au fond. Ben non, il était définitivement provisoire. Un peu comme les facilités : définitivement provisoires et provisoirement définitives. Ca dépend des moments. Après Inge Vervotte et Steven Vanackere voilà donc le troisième ministre CD&V qui quitte – provisoirement ? définitivement ? – la politique. Avec près de 40% d’intentions de vote pour la N-VA, ça ne laisse plus beaucoup de place pour ceux qui furent pendant des décennies les plus grands pourvoyeurs de (premiers) ministres en Belgique. Avec tout ça, bientôt
il n’y aura plus personne dans ce gouvernement, maintenant je comprends pourquoi ça s’appelle un gouvernement des affaires « courantes ».
C
eci dit, il y a ceux qui sortent et puis il y a ceux qui rentrent. Prenez DSK, ça c’est ce qui s’appelle une « rentrée ». En deux temps (trois mouvements). Premier temps : retour « médiatique mais silencieux » : beaucoup de sourires mais seulement deux mots : « à bientôt ». Deuxième temps : apparition au journal télévisé de TF1 du dimanche soir (13 millions de téléspectateurs, un record) : plus de sourires mais beaucoup de paroles. Une apparition qui ressemblait plus à un grand entretien présidentiel qu’ à un véritable entretien journalistique. Vous savez, ce genre d’interview où les questions viennent après les réponses. Du coup, on n’a rien cru de ce qu’il a dit. En tous les cas, JE n’ai rien cru de ce qu’il a dit. Donc, cet homme qui aurait avec les femmes, des « rapports précipités » (c’est Cyrus Vance, le procureur qui le dit), n’aurait commis qu’ « une faute morale », celle d’avoir trompé sa femme… au mauvais moment, privant par là les Français de sa présence à la tête de l’État. Il le regrette, comme il regrette « cette
octobre 2011 * n°319 • page 30
légèreté » qu’il avait vis-à-vis des femmes, qu’il a perdue « pour toujours ». De la « légèreté » … ça c’est très fort ! Il nous assure que dans « ce qui s’est passé » (quoi exactement ? Il n’en dira rien) il n’y a « ni violence, ni contrainte, ni agression ». Bref, lui si léger d’ordinaire, a tout simplement raté l’occasion de… ne rien faire. C’est trop bête ça! Donc, résumons-nous, la femme de chambre est entrée, lui sortait de sa douche, nu, et au lieu de se précipiter pour se couvrir d’une sortie de bain (bien moelleuse comme il y en a dans ces hôtels) il s’est précipité… sur la femme, qui s’est gentiment laissé faire et qui, mais ça c’est difficile à prouver, avait été envoyée spécialement là pour le piéger. Ouuui, c’est possible, il ne faut jamais rien exclure, même les hypothèses les plus saugrenues, mais… si vous voulez mon avis, franchement, j’ai plutôt tendance en général à privilégier l’explication simple, en l’occurrence celle de l’agression sexuelle à celle quand même nettement plus hypothétique du complot. Mais bon c’est sans doute mon côté féministe indécrottable, je l’admets volontiers.
M
ais le virtuose en matière de rentrée, celui qui maitrise à la perfection la
dialectique « sortir (en claquant la porte) pour mieux rentrer » c’est bien évidemment Elio di Rupo. On a bien cru que c’était fini cette fois-ci ! Eh bien non, c’était sans compter avec les talents dramatiques d’Elio di Rupo et sa machine de guerre, le PS. Après une nuit pleine de rebondissements (annonce du départ de Leterme en janvier, négociations au finish dites « de la dernière chance », Elio élève la voix, chose rarissime et d’autant plus efficace : « bande d’irresponsables » et claque la porte, sur quoi le Roi revient de vacances daredare sans avoir eu le temps de déballer sa valise) oh miracle, le lendemain les négociations reprennent ! Même que « l’atmosphère est bonne » « nous sommes au bord d’un accord sur BHV », personne n’ose y croire, mais oui ça y est… fumée blanche, habemus pactum BHV-um, nous avons un accord sur BHV ! 50 ans qu’on attendait ça. Pourtant Leterme n’avait pas tout à fait tort, il ne s’agit au final que de cinq minutes de courage politique. Sauf que le courage c’est les partis francophones qui l’ont eu, car ne nous leurrons pas les amis : les Flamands ont gagné. Ils ont réussi à scinder
BHV ET le MR ! Même Bart De Wever a dû admettre que le FDF n’avait rien obtenu tout en affirmant que c’était un mauvais compromis, opposition oblige. Il s’agit bien d’une scission pure et simple, een zuivere splitsing, tous les commentateurs flamands le disent. Même si certains regrettent le stemmencorridor, le corridor virtuel des communes à facilité qui pourront continuer à voter sur les listes bruxelloises. « La frontière de la Flandre (sic) est intacte » déclarait Kris Peeters, le ministre-président flamand, l’homme fort du CD&V (il se dit que quand Kris Peeters part se coucher, les négociateurs arrêtent de travailler).
T
enez-le vous pour dit les amis, désormais la frontière passe entre le B et le H. Il n’y a plus de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Désormais il y a BruxellesBrussel et Halle-Vilvoorde. Vous de Tervuren, de Overijse et de Beersel, en Flandre vous êtes, en Flandre vous voterez. Certes les Flamands de Bruxelles ne pourront plus compter sur les voix des Flamands de la périphérie (pardon du rand) et n’ont plus aucune chance d’être
élus à la Chambre, à moins… à moins de se présenter sur des listes bilingues, un peu rétro, « vintage » comme on dit maintenant : PSB-BSP, CVPPSC, PRL-PVV… C’est très tendance le vintage. Mais avant ça, comme titrait De Morgen le lendemain de l’accord historique sur BHV : « BHV is gesplitst, nu nog de welvaartstaat redden »*. Il nous reste tout le reste : loi de financement, degré d’autonomie financière des régions, transfert de compétences, politique de rigueur budgétaire et tout ça … sans appauvrissement. Mais comme dit Philippe Moureaux (entendu à Controverse le dimanche 18 septembre), sur ces matières il y a beaucoup d’entrées et de sorties, ça laisse plus de marge à la négociation. Et surtout à l’interprétation dirais-je. Mais ça c’est pour le prochain épisode. À chaque chronique sa peine. ■
*
« BHV est scindé, il ne nous reste plus qu’à sauver notre État-providence », De Morgen, 15 septembre 2011.
octobre 2011 * n°319 • page 31
LE
DE LÉON LIEBMANN
Dans le dédale des négociations intercommunautaires
J
’ai déjà, dans une précédente chronique, relevé la singulière formulation, par Elio Di Rupo, de l’objectif auquel devraient s’astreindre les chefs de partis associés à la recherche d’un règlement du contentieux communautaire et du contenu de la Déclaration gouvernementale du futur exécutif fédéral, en ce compris le budget de l’État et la loi de financement des trois niveaux de pouvoir (fédéral, communautaires et régionaux). Rappelons-en les termes pour le moins étonnants : « il faudra concilier l’inconciliable ». Cette assertion était tout sauf une boutade. On s’en rendit très rapidement compte quand on apprit que le président du Parti socialiste s’adressait tantôt séparément, tantôt par groupes linguistiques, à ses collègues des autres partis, à l’exception de l’ex-champion du nationalisme flamand – le Vlaams Belang, héritier du défunt Vlaams Blok. Il soumit à ses (autres) collègues une première mouture de son plan de règlement du contentieux communautaire et sa première version de la Déclaration gouvernementale. Il y traitait également de la loi de financement et de la répartition des blocs de compétences qui seraient attribués respectivement
à l’État fédéral et aux entités fédérées. Les préformateur, informateur, facilitateur, médiateur et enfin formateur se succédèrent sans aboutir jusqu’ici* au moindre résultat. Cela ne signifie pas pour autant que les esprits n’ont pas évolué depuis le début des négociations. Je ne mentionnerai ici que quelques faits nouveaux témoignant d’une évolution enfin accélérée.
L
e MR, longtemps écarté des débats, grâce en grande partie à la souplesse et à la relative modération de ses dirigeants, et en particulier de Charles Michel et de Didier Reynders, a été admis par ses pairs dans « la cour des grands ». Le président du FDF, Olivier Maingain, a, sans être formellement désavoué par le MR dont il fait partie, réitéré son intention de soumettre à l‘ensemble de ses collègues, la totalité des revendications de son parti contre l’acceptation de la scission de BHV. Parmi ses exigences, citons l’absorption par la Région bruxelloise des six communes à facilités et une loi de financement beaucoup plus avantageuse pour cette région. Aucun parti flamand n’a jusqu’ici manifesté son accord
octobre 2011 * n°319 • page 32
à ces prétentions et on ignore si les autres partis francophones s’associeront aux exigences de Maingain. Quasiment tous les partis flamands insistent auprès du MR pour qu’il s’abstienne de les reprendre à son compte et même de faire figurer le président du FDF à la table de négociation. À elle seule, le maintien de pareilles revendications risque de faire capoter tout le processus de règlement du contentieux intercommunautaire. Sur un autre plan, tous les partis appelés à cette négociation y ont répondu favorablement à l’exception de la N-VA dont le président Bart De Wever a déclaré que la première mouture du texte élaboré par le formateur était totalement inacceptable et qu’il la combattrait avec la plus extrême vigueur. Sa prise de position surprit d’autant plus que peu après avoir reçu un exemplaire du texte de Di Rupo, il lui avait fait d’abord un accueil relativement favorable. Il attribua sa volteface aux « experts » de son parti en citant, entre autres points inadmissibles, des versions très déformées de ce texte capital. Un autre parti flamand, le CD&V, estimant devoir tenir compte du revirement complet de la position adoptée par son
Grand Allié, la N-VA, se décida pour la première fois à ne pas suivre ce parti et à participer à la grande négociation entamée par le président du PS. Il ne le fit cependant qu’en posant une condition à cette participation : que la négociation débute par le problème de la scission de BHV, préalablement à l’examen du reste du contentieux communautaire. Di Rupo accéda à cette demande et les pourparlers démarrèrent de cette façon. e n’ai pas cru devoir attendre une nouvelle décantation de la situation politique dans notre pays pour attirer l’attention de mes lecteurs sur deux données importantes apparues récemment. Elles concernent toutes les deux Bart De Wever qui a évolué dans son comportement et dans la place qu’il occupe dans le monde politique. Le procédé auquel il a eu recours peut être sommairement exposé comme suit : systématiquement,
J
il soumet à ses « partenaires » des exigences excessives et qu’il sait inacceptables. Quand un de ses interlocuteurs réagit dans ce sens, le président de la N-VA fait davantage encore monter les enchères en rejetant immédiatement et totalement la contre-proposition de l’un ou (et) l’autre de ses interlocuteurs et en présentant des « solutions » encore plus exorbitantes, tout en exigeant la discrétion absolue de ses partenaires… sans la respecter lui-même ! Plusieurs exemples de cette façon de faire ont transpiré dans les comptes rendus officieux émanant de la direction des partis engagés dans la négociation. En termes familiers, cela s’énumère ainsi : « Faites non pas comme je fais, mais faites comme je vous dis de faire ! » Dans le même temps, ce politicien peu scrupuleux voit sa cote de popularité grimper jusqu’à atteindre des sommets vertigineux. Les derniers sondages répercutés par la presse flamande lui « accordent » 39 %
des voix (contre 28 aux dernières élections législatives). Mieux, ou plutôt pire encore : 54 % des Flamands sondés à ce propos déclarent qu’ils approuvent son retrait brutal de la négociation intercommunautaire ! De plus en plus de nos compatriotes flamands se laissent abuser par les apparences langagières, vestimentaires et consuméristes de ce personnage qui se fait aussi passer pour un grand amateur de frites et de gaufres dévorées sur la place publique où il utilise des termes aussi populistes que simplistes et accrocheurs.
I
l est grand temps d’organiser, au moins du côté francophone, une riposte vigoureuse et de ne pas laisser accréditer le trop fameux « qui ne dit mot consent ». Pour ma modeste part, je continuerai mon pacifique combat contre les idées et les pratiques d’un démagogue impénitent et incorrigible : la perspective de le voir mener tout un peuple dans une funeste impasse ne peut nous laisser… impassibles. ■ * J’écris ces lignes le 9 septembre.
octobre 2011 * n°319 • page 33
activités vendredi 7 octobre à 20h15 Un regard sur la communauté juive iranienne Conférence-débat avec
Mojgan Kahen La communauté juive d’Iran est l’une des plus anciennes au monde. Sa présence dans ce pays remonte à bien des siècles avant l’Islam. Mojgan Kahen nous fera mieux connaitre cette communauté et son vécu dans un pays qui a subi de grands bouleversements au fil de l’histoire. En évoquant quelques épisodes cruciaux, elle abordera l’évolution et les changements qu’a connus la communauté juive en contact avec la société iranienne, la place et la représentation des Juifs dans cette société à différentes époques, l’impact de cette représentation sur leur vie et leur relation avec la population iranienne mais aussi l’influence de la culture iranienne sur les Juifs d’Iran. Née en 1965 à Téhéran, Mojgan Kahen vit en Belgique depuis 1989. Psychologue, elle vient de publier son premier roman, Les murs et le miroir aux Éditions L’Harmattan. Largement autobiographique, le récit évoque, tel un roman d’apprentissage, un itinéraire de vie, de la découverte du monde qui l’entoure par une petite fille aux questionnements de l’adolescence, jusqu’à la transgression des traditions et l’exil. Entre introspection intime et violence de l’Histoire. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO
vendredi 14 octobre à 20h15 Être Rom en Belgique aujourd’hui Conférence-débat avec
Maud Cols, Ahmed Ahkim,
membre de l’UPJB et militante rom directeur du Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie
En plein été, sous le gouvernement en affaires courantes, des rafles et des expulsions de Roms vers le Kosovo ont été organisées par les autorités belges. Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut. Le droit de séjour, le droit de s’installer sur des terrains, le droit de fuir des pays où ils sont discriminés et maltraités sont loin d’être des acquis pour les Roms et gens du voyage. Nos invités nous feront part de leurs témoignages et de leurs analyses sur la situation alarmante des Roms en Belgique, sur un système d’exclusion apparemment archaïque mais en réalité pleinement assumé par l’Europe-forteresse. PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO
octobre 2011 * n°319 • page 34
vendredi 21 octobre à 20h15 La crise de la zone euro : les marchés font-ils la loi ? Conférence-débat avec
André Sapir, professeur d’économie à l’ULB, ancien conseiller économique du président de la Commission européenne La crise de la zone euro qui a commencé en janvier 2010 par la Grèce s’est ensuite étendue à d’autres pays dits périphériques comme l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et Chypre. Les marchés sontils en train de vaincre la zone euro ou au contraire est-ce que la crise est l’occasion pour celle-ci de mettre en place les instruments politiques qui lui ont fait défaut lors de sa création ? PAF: 6 EURO, 4 EURO pour les membres, tarif réduit: 2 EURO
samedi 19 novembre à 20h15
gérardW et Noé en concert gérardW a fait l’essentiel de sa vie professionnelle à la RTBF. Il la quitte à l’occasion d’un plan de réduction de personnel, s’entoure de musiciens, plonge dans les partitions, travaille la voix et la scène... et monte sur les planches. Depuis, il vit à 100% l’aventure de la chanson. À son actif plus de 80 concerts dans des cabarets et des centres culturels bruxellois et wallons ainsi que des tournées dans des prisons. La preuve qu’il y a une vie après la vie (... professionnelle !). En formule trio, avec Renaud Ziegler aux claviers et Olivier Catala à la basse. J’veux pas passer ma retraite De regrets en peut-être Je veux clore mes derniers instants Dans une boîte où tout l’monde est bi Faire la grimace comme les enfants Ne plus jamais être gentil (Je veux - Iza Loris)
En deuxième partie de soirée : Il est moniteur à l’UPJB-Jeunes, auteurcompositeur-interprète, mais c’est en tant que chroniqueur musical de Points Critiques que Noé prendra place sur la scène du 61. Il chantera des chansons engagées, de révoltes, de luttes. Renaud, Ferrat, Ferré, Saez, Béranger, Lavillers, et d’autres encore. Sans oublier les classiques du répertoire de la Maison qui lui tiennent tant à coeur. La guitare en bandoulière, seul, ou accompagné pour des surprises. PAF: 9 EURO, jeunes et petits revenus: 5�EURO
octobre 2011 * n°319 • page 35
activités dimanche 20 novembre de 10h à 17h Points critiques et l’UPJB organisent à la Maison du Livre, 24-28 rue de Rome à Saint-Gilles
Maxime Steinberg ou la passion indocile Une journée de réflexion et d’hommage
I
l y a un an, notre ami Maxime Steinberg, précurseur et autorité en matière d’histoire du judéocide en Belgique, nous quittait. La revue Points Critiques organise le 20 novembre une journée de réflexion et d’hommage à l’homme et à l’intellectuel. Maxime Steinberg, qui a œuvré longtemps à la marge du monde académique avant d’être reconnu par celui-ci, a toujours trouvé refuge dans les colonnes de notre revue. Quelques mois avant son décès, lors d’une communication au colloque « Le siècle de Lemkin II », il citait un article paru dans la revue Points Critiques en la qualifiant avec un petit sourire de « revue juive peu orthodoxe », un qualificatif qui lui va comme un gant. Il s’est battu pour que soit pris en compte le rôle des autorités belges dans la responsabilité du judéocide à une époque où l’on n’y voyait que la main de l’occupant et de ses acolytes d’extrême droite mais ne pouvait se satisfaire des conclusions et de l’approche du CEGES (Centre d’études et de documentation guerre et sociétés) en la matière, dans son rapport sur « La Belgique docile ».
Dans sa quête inlassable de la vérité historique, il se heurtait souvent aux historiens « institutionnels » et aux « simples » témoins (rescapés des camps et enfants cachés) dont il réfutait (parfois de façon abrupte) le statut de source historique. À l’origine de la cellule « Démocratie ou Barbarie » de la Communauté française, il s’est battu pour que soit transmise aux générations futures l’histoire de cette « barbarie ». Pour nous éclairer sur la pensée et la personnalité de Maxime Steinberg, son combat passionné et sans concessions, nous avons invité des historiens, des collègues et des amis d’antan. La journée alternera témoignages personnels, exposés, débats et images filmées de cet intellectuel indocile. Participeront à la journée, des historien(ne)s proches de Maxime :
octobre 2011 * n°319 • page 36
Annette Wieviorka, historienne française du judéocide et des Juifs au XXème siècle (Auschwitz expliqué à ma fille ; Eichmann, de la traque au procès,…) ; Insa Meinen (Die Shoah in Belgien, premier ouvrage d’un historien allemand et dernier ouvrage paru sur la traque des Juifs de Belgique) ; Laurence Schram, historienne et archiviste au Musée Juif de la Déportation et de la Résistance de Malines ; Jean-Philippe Schreiber, historien, directeur du Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité à l'ULB ; Simon Gronowski, avocat, auteur de Simon, le petit évadé : l’enfant du 20e convoi ; Johannes Blum, « recueilleur » de témoignages de rescapés du judéocide en Belgique ; Michel Hérode, responsable de la cellule « Démocratie ou Barbarie » ; Michel Staszewski, enseignant en histoire ; Sender Wajnberg qui a eu l’occasion de filmer la participation de Maxime Steinberg à quelques colloques, et, last but not least, ses anciens camarades de la section Leibke de l'USJJ (Union Sportive des Jeunes Juifs) : Léon Ingber et Jo Szyster. ■
samedi 3 décembre
4ème atelier de cuisine juive Vous avez une recette de cuisine juive (ashkenaze ou sépharade) qui fait baver de plaisir tout votre entourage et que vous avez envie de transmettre ? Alors, nous comptons sur vous pour notre 4ème atelier de cuisine juive qui aura lieu au local.
Pour la commission Lokshn, contacter Nathalie Dunkelman : nathalie.dunkelman@brutele.be 0477/61.90.23
octobre 2011 * n°319 • page 37
droits de réponse Les droits de réponse publiés ci-après font suite à la publication dans Points critiques n°317 de juin 2011 d’un article de Manuel Abramowicz «Pour en finir avec (l’imposteur) Dieudonné», recensant le livre La galaxie Dieudonné - Pour en finir avec les impostures, de M. Briganti, A. Déchot et J-P. Gautier (Éditions Syllepse). Manuel Abramowicz a également publié un rectificatif dans Points critiques n°318 de septembre 2011. Pierre Piccinin, Souhail Chichah et Michel Collon ont estimé ce retificatif insuffisant. Manuel Abramowicz étant mis en cause, nous lui avons proposé de réagir directement.
D
ans son article « Pour en finir avec (l’imposteur) Dieudonné », M. Abramowicz associait mon nom à l’extrêmedroite et, citant M. Briganti (La Galaxie Dieudonné), me stigmatisait comme membre d’un réseau antisémite promouvant l’amalgame entre l’antisémitisme et l’antisionisme. 1. L’ouvrage cité ne fait pas la moindre allusion à moi. 2. Je combats régulièrement les thèses de l’extrême-droite. 3. J’ai dénoncé cet amalgame, auquel encouragent les organisations sionistes, dans le but de discréditer et d’intimider, en les taxant d’antisémitisme, les intellectuels qui s’opposent au lobby sioniste international et à la politique colonialiste et meurtrière de l’État d’Israël (« Antisionisme et antisémitisme : les confusions et tabous de l’Occident », L’Orient – Le Jour, 1er octobre 2010). Il apparaît donc que l’auteur de l’article n’a pas commis une « erreur », mais a volontairement tenté de salir mon nom, en usant de procédés diffamatoires et de cet amalgame qu’il prétendait dénoncer. J’ai eu l’honnêteté d’analyser dans plusieurs articles la politique israélienne en Palestine, son illégalité et ses exactions nombreuses. Depuis, des groupes manifestant un sionisme inconditionnel m’attaquent systématiquement et
de manière coordonnée, sur des sites de l’internet, par des courriers anonymes, des tentatives de pression au plan professionnel... L’article publié par l’UPJB, qui semble avoir rallié les sionistes radicaux, incontestablement, ajoute son lot à leurs vilains procédés. Pierre Piccinin (Historien – Politologue)
D
ans sa livraison de juin dernier, Points critiques me fait une fois encore l’honneur de ses colonnes en sa rubrique « Extrême Droite » (sic), dans le cadre de la revue d’un mauvais livre qui, à en croire M. Abramowicz, m’excommunierait pour délit d’appartenance à une « galaxie » (sic) antisémite. Dans un « rectificatif » (Points critiques de septembre) annoncé corriger cette allégation mensongère, mon nom ne ressortant pas de la liste de proscription établie par les auteurs du dudit mauvais livre contrairement à ce qu’allègue M. Abramowicz, ce dernier persévère dans son pathétique chantage à l’antisémitisme. Je ne reconnais aucune légitimité à l’auteur, avec l’islamophobe Claude Demelenne, d’une inoubliable tribune musulmanophobe très largement saluée par l’extrême-droite pour instruire un quelconque procès en racisme. Je n’entends donc pas répondre ici aux divagations de
octobre 2011 * n°319 • page 38
M. Abramowicz – alias Karima lorsqu’il dénonce dans le journal on-line Satiricon.be, sous l’anonymat de la délation, ma participation à une manifestation de soutien à la cause palestinienne au motif que j’étais d’après lui en congé de maladie pour mon employeur ! Du reste, l’espace trop restreint qui m’est concédé en violation de la législation relative au droit de réponse, et ce malgré la gravité de la calomnie relayée par Points critiques, ne permet pas l’analyse. Souhail Chichah NDLR : S. Chichah renvoie pour la suite au site du Collectif Réflexion Indigène
C
omment Points critiques peut-il diffuser de telles calomnies sans rien vérifier ? Votre revue m’a accusé, ainsi que d’autres intellectuels belges, de faire partie de « la galaxie Dieudonné » et de collaborer ainsi avec un réseau antisémite et avec l’extrême droite. Exactement la diabolisation répandue par les propagandistes d’Israël. De cette accusation ahurissante, Manuel Abramowicz n’avance aucune preuve. Pas le moindre fait concret, pas la moindre citation. Il n’a pas pris la peine de vérifier ses accusations auprès de moi, ni de personne. La simple lecture de mon livre Israël, parlons-en ! aurait envoyé ces stupi-
dités à leur place : la poubelle. Je ne comprends pas qu’une organisation se disant progressiste publie de telles calomnies. Quel est le mobile ? J’ai demandé une explication à Manuel Abramowicz. Aucune explication. J’ai demandé une entrevue au comité de l’UPJB afin de comprendre. Même pas un accusé de réception par politesse. J’ai demandé à la revue de pouvoir débattre du fonctionnement d’une telle rumeur. Il m’a été proposé un rectificatif hypocrite qui ne rectifiait rien. Avec un espace de réponse dérisoire. J’invite donc chacun à lire sur michelcollon.info ma réponse qui analysera de façon générale ces méthodes de diabolisation par rumeurs et amalgames. Et j’invite ceux qui nous ont calomniés à publier leurs explications sur notre Forum. La résistance au colonialisme israélien ne devrait pas être affaiblie par le sectarisme. Nous devrions lutter ensemble dans l’unité et le respect de nos différences. Michel Collon
A
près des attaques en règle – avec insultes à la clés – contre d’autres membres de l’UPJB (Jean Vogel, Caroline Sägesser...) me voici à mon tour dans la ligne de mire des nouveaux gardiens de la « bonne pensée » (leurs présents droits de réponse s’accompagnent également d’une profusion d’e-mails du même tonneau). L’observation serait-elle désormais devenue un exercice à risque ? Évoquer des accointances directes ou indirectes de certains « progressistes » avec une mouvance alliée à l’antisémite Dieudonné serait un crime de lèse-majesté et contraire au politiquement correct, bien ancré
chez certains. La pensée unique, le maccarthysme et le dogmatisme restent à l’ordre du jour. Dieudonné est un tabou et un complexe. Un « phénomène » paradoxal qui ne peut que déboussoler ceux qui – comme lui – se sont intégrés dans une obsession perpétuelle d’Israël. Et dire cela n’équivaut pas à soutenir cet État. La critique de dérives d’antisionistes ne transforme pas automatiquement ceux qui la font en sionistes. Agir de la sorte est une adhésion à l’application pure et simple de la censure. L’analogie érigée en règle est la pire ennemie de la pensée critique et de l’intelligence. Pour S. Chichah, une personne qui s’attaque à des aspects de l’Islam est un « musulmanophobe », donc un raciste, voire un fasciste. Un procédé identique à la propagande des ultrasionistes, qui assimilent toute critique d’Israël à de l’antisionisme, c’est-à-dire pour eux à de l’antisémitisme. S. Chichah est-il un Demelenne inversé ? Pour ma part, j’ai clairement dénoncé le tournant néoréac et islamophobe de Claude Demelenne sur mon blog (www.abramowicz.blogspot.com), un positionnement public confirmé dans le journal Le Soir du 10 mars dernier. Par ailleurs, afin de faire cesser les fantasmes de S. Chichah, je ne collabore pas au journal qu’il évoque ! Concernant Michel Collon, est-il au courant que l’un des deux autres coauteurs de son livre cité dans son texte est bien connu pour être une militante pro-Dieudonné et pro-Chichah ? C’est bien cela une « galaxie ». Malgré cela, je ne considère pas S. Chichah, M. Collon ou encore P. Piccinin comme des antisémites ni des extrémistes de droite. Manuel Abramowicz
est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août) L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski, Sender Wajnberg Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann, Adeline Liebman, Léon Liebmann, Thérèse Liebmann, Mateo Alaluf, Pierre Mertens, Antonio Moyano, Andrés Sorin, Jean Vogel Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB. Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 EURO ou par ordre permanent mensuel de 2 EURO Abonnement de soutien 30 EURO ou par ordre permanent mensuel de 3 EURO Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 EURO Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 EURO pour un isolé, 15 EURO pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.
octobre 2011 * n°319 • page 39
agenda UPJB Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)
vendredi 7 octobre à 20h15
Un regard sur la communauté juive iranienne. iranienne Conférence-débat avec Mojgan Kahen (voir page 34)
vendredi 14 octobre à 20h15
Être Rom en Belgique aujourd’hui. Conférence-débat avec Maud Cols, membre de l’UPJB et militante rom et Ahmed Ahkim, directeur du Centre De Médiation des Gens du Voyage et des Roms en Wallonie (voir page 34)
vendredi 21 octobre à 20 h15
La crise de la zone euro : les marchés font-ils la loi ? Conférence-débat avec André Sapir, professeur d’économie à l’ULB, ancien conseiller économique du président de la Commis sion européenne (voir page 35)
samedi 19 novembre à 20h15
gérardW et Noé en concert (voir page 35)
dimanche 20 novembre de 10h à 17h
Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles
Journée de réflexion et d’hommage. Maxime Steinberg ou la passion indocile. À la Maison du Livre 24-28 rue de Rome à Saint-Gilles (voir page 36)
club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)
jeudi 6 octobre
« Philippe Buonarroti : pour une république belge en 1830 » par Bernard Dandoy, historien
jeudi 13 octobre
« Les violences faites aux femmes : développer leurs capacités de résistance » par Irène Kaufer, collaboratrice à Garance
jeudi 20 octobre
« Les identités multiples d’un Allemand post-soixante-huitard » par Joachim Grimm, kinésithérapeute et eutoniste
jeudi 27 octobre
« L’actualité politique au Moyen-Orient » par Henri Wajnblum Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be
Prix : 2 EURO