n°341 - Points Critiques - décembre

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique décembre 2013 • numéro 341

éditorial

Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - P008 166 - mensuel (sauf juillet et août)

1964-2014 : l’immigration est notre avenir Henri goldman

T

out a commencé officiellement il y aura bientôt 50 ans, le 17 février 1964. Ce jour-là fut signée la Convention belgo-marocaine pour encadrer la nouvelle vague de travailleurs que la Belgique s’apprêtait à recruter pour faire tourner sa machine économique en manque de bras. À partir de là, des dizaines de milliers de travailleurs marocains, rapidement rejoints par leur famille, débarquèrent en Belgique avec un contrat de travail en poche. Quelques mois plus tard, une convention du même type fut signée avec la Turquie. Ces deux conventions seront commémorées

en grande pompe en 2014. Dix ans plus tard, en 1974, fin du premier épisode. Les « Trente Glorieuses » s’achèvent. Le chômage de masse fait sa réapparition et met fin à l’importation de travailleurs étrangers. Mais ceux qui sont venus, leurs femmes, leurs enfants, peuvent évidemment rester. On va même se préoccuper d’améliorer les conditions de leur séjour. Ainsi, leur religion, l’islam, sera reconnue la même année. Le code de la nationalité sera assoupli pour qu’ils puissent devenir belges plus facilement. Et, en attendant qu’ils fassent le pas, on se prépare à leur donner

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

éditorial

1 1964-2014 : l’immigration est notre avenir............................. Henri Goldman

israël-palestine

4 Notes de voyage......................................................................... Henri Wajnblum 6 Solidarity with Bedouins SWB............................................ Marco Abramowicz

moyen-orient

8 « Remettre le peuple syrien au coeur de sa propre histoire ». Jean-Pierre Filiu ......................................................................Propos recueillis par Pascal Fenaux

lire

11 La soeur méconnue...........................................................Tessa Parzenczewski

lire, regarder 12 Des femmes, rien que des femmes (épisode n°7)................. Antonio Moyano mémoire(s) 14 Tatouages et dessins du Goulag........................................... Roland Baumann diaspora(s) 16 Benny Lévy ou un voyage immobile........................................ Gérard Preszow

18 Dissent (traduction).................................................................... Mikhail Krutikov

réfléchir

20 Les voyages forment la vieillesse................................................ Jacques Aron

politique d’asile

22 Stopper la criminalisation pour renforcer la solidarité...................................... ............................. Le comité de soutien aux inculpés du NoBorder et du CAS

yiddish ? yiddish ! !‫יִידיש ? יִידיש‬ 24 Di letste gas – La dernière rue...................................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

26 Testostérone ..................................................................................Anne Gielczyk

28

éditorial

activités écrire

32 Le parti pris d’Adèle ......................................................................Elias Preszow

vie de l’UPJB

34 Les activités du club Sholem Aleichem........... J. Schiffmann et T. Liebmann

artistes de chez nous

38 Yankel Finkelstein........................................................................ Henri Goldman

40 les agendas

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le droit de vote aux élections communales dès 1982. Ces années-là, la Belgique n’aura pas été ingrate. Tous ces immigrés qu’elle a supplié de venir chez elle, elle saura les remercier en leur témoignant de ce que les Québécois appellent la « douceur de l’accueil ». Cet état de grâce aura duré quelques années. Et puis, dès les années 80, tout bascula. Car le pronostic d’un arrêt de l’immigration ne s’est pas réalisé. Si la porte principale s’est refermée, on a continué à passer par les fenêtres. L’immigration est repartie alors, vigoureusement, et n’a plus jamais cessé depuis, indépendamment de toute décision politique. Légale, à base de regroupement familial, d’octroi du droit d’asile, de séjour étudiant. Et illégale aussi apour toutes les personnes qui n’entrent pas dans les bonnes cases. Mais, contrairement à la période précédente, cette immigration n’est plus désirée. Du coup, c’en sera fini de la « douceur de l’accueil ». On fera tout pour dissuader ces gens d’arriver. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, la Belgique – en phase avec l’Union européenne – va multiplier les signaux de fermeture. On commencera par renoncer au droit de vote des étrangers. En 1984, ce sera la « loi Gol » qui donnera une consécration juridique au concept de « seuil de tolérance » en interdisant l’inscription d’étrangers dans les communes qui étaient supposées en avoir déjà trop. L’arrêté royal qui présida à l’ouverture des « centres fermés », sas de sortie pour étrangers sans papiers à

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expulser, date de 1991. En 1996, Johan Vande Lanotte, alors ministre de l’Intérieur, tenta de criminaliser la solidarité et de privatiser les « centres ouverts » pour demandeurs d’asile. (La mobilisation fit échouer ces deux projets). La mort de Sémira Adamu date du 12 décembre 1998 et l’expulsion scandaleuse de 74 Tsiganes slovaques du 5 octobre 1999.

Le balancier Puis, pendant quelques années, le balancier repartira vers une position plus équilibrée. Le 22 décembre 1999 fut votée la loi de régularisation (la première depuis 1974) qui aboutit à régulariser 42.000 personnes, de façon tout à fait inespérée. Le droit de vote fut finalement accordé aux étrangers (2004), tandis qu’une nouvelle réforme du code de la nationalité (2000) fit de la législation belge la plus libérale d’Europe. Enfin, la droite et les milieux patronaux s’interrogent sur la nécessité d’une nouvelle immigration, à la fois pour des raison économiques (de nouvelles pénuries de main d’œuvre apparaissent) et démographiques (qui va payer nos pensions dans une Europe vieillissante ?). La crise financière qui débarque en Europe à la fin 2008 va casser cette inflexion. À nouveau, les accents sécuritaires donnent le ton. Si l’Europe sociale est en panne, celle du contrôle des frontières va de l’avant. Le récent drame de Lampedusa n’est qu’un épisode d’un jeu de chat et de souris commencé en 2005 au-

tour des enclaves espagnoles en terre marocaine de Ceuta et Melilla, qui s’est ensuite déplacé au large des îles Canaries et dans le détroit de Gibraltar et qui, aujourd’hui, se joue principalement entre la Turquie et la Grèce en remontant le long de la frontière orientale de l’Union européenne. Des sommes astronomiques sont dépensées pour blinder les parois de la « forteresse Europe »… qui se révèle aussi solide qu’un pneu crevé : la rustine n’est jamais placée au bon endroit. En 1974, l’Europe avait mis officiellement fin à l’immigration choisie. Mais sur le terrain, celleci ne s’est jamais arrêtée. Si les gouvernements y ont renoncé, la société l’a reprise à son compte à travers mille décisions décentralisées. Migrants légaux et illégaux n’existent que parce qu’au bout du trajet il y a une place, un logement, un travail, une famille. Dans la grande majorité des cas, il y a un comité d’accueil qui les prend en charge. Bien sûr, il y a des drames, auxquels on ne pourra jamais s’habituer. Mais sans tapage, toutes ces formes d’immigration en train de se faire (les chiffres ne se démentent pas) trouvent leur place et transforment jour après jour le visage de nos villes, de nos sociétés… de « nous-mêmes ».

Le​temps des diasporas Pour cette raison, il est vain d’entrer dans des considérations morales en se demandant si l’immigration est «  une chance  » ou « un malheur ». Simplement, l’im-

migration «  est  ». Le monde a changé. Les capitaux circulent, les marchandises circulent, les emplois circulent, l’information circule… Est-ce bien, est-ce mal ? Quoiqu’on puisse en penser, c’est ainsi. Il n’y aucune raison pour que les êtres humains ne participent pas à ce grand brassage et aucun dispositif policier n’est en mesure de l’empêcher. C’est pourquoi une politique migratoire lucide ne peut être rien d’autre qu’une manière d’accompagner un processus qu’on ne peut contrôler qu’à la marge, pour l’orienter de la manière la plus équitable possible pour les sociétés d’accueil et de départ ainsi que pour les migrants eux-mêmes. Enfin, les immigrations marocaine et turque, comme l’immigration juive qui les a précédées, doivent nous aider à en finir avec ce concept dépassé d’intégration. Dans le village mondial, l’acte de migrer n’est plus un moment de transition entre deux appartenances nationales exclusives, ou le civique (la participation à un espace territorial de citoyenneté) devrait forcément absorber toutes les résonances culturelles et émotionnelles. Vivre en diaspora, en connexion avec d’autres groupes ethnoculturels qui partagent un même référentiel historique, est une modalité moderne de l’existence humaine dont la structuration en nations ethniques exclusives cessera de plus en plus d’être la norme. Le judaïsme diasporique l’a préfiguré et Bruxelles en est aujourd’hui le passionnant laboratoire. n

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israël-palestine Notes de voyage Henri wajnblum

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u 25 octobre au 1er novembre, j’ai accompagné un groupe de 20 personnes dans les Territoires palestiniens occupés. Pour beaucoup d’entre elles, c’était leur première visite. Leur but était de voir par ellesmêmes si ce qu’elles avaient lu ou entendu dans les médias était conforme ou non à la réalité. Nos déplacements… Bethlehem, les camps de réfugiés de Deheishe et d’Aida, Hébron, Jérusalem et les quartiers de Silwan et de Sheikh Jarra, Qalqilya, Majdal Shams sur le plateau du Golan, Saint-Jean d’Acre et Jaffa.

Bethlehem Lorsqu’on se réveille à Bethlehem et que l’on commence à parcourir les ruelles de la vieille ville, on pourrait croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… foule bigarrée et nombreuse qui se presse devant les échoppes du marché. Le jour de notre arrivée dans la ville, c’était la fête de l’olivier. Beaucoup de stands sur la place principale, surtout des stands d’associations féminines qui attestent de l’importance des femmes dans la société palestinienne d’aujourd’hui qui compte des milliers d’hommes incarcéré dans les prisons israéliennes. Ambiance de fête donc… Mais que l’on ne s’y trompe pas… En poussant un peu plus loin, on est soudain confronté à une autre réalité, celle de ce mur monstrueux qui serpente à travers la ville et l’enclave littéralement, rendant la situation de ses 30.000

habitants des plus précaires (40% de chômage) ; celle de ces colonies qui l’encerclent comme autant de miradors : Har Homa, Gilo, Maale Adoumim… et la coupent totalement de son hinterland.

Deheishe Deheishe est un camp de réfugiés créé en 1949 aux portes de Bethlehem. Il compte aujourd’hui, sur moins d’un kilomètre carré (!),quelque 13.000 habitants qui viennent de 46 villages juste de l’autre côté de la ligne verte dont ils ont été chassés en 1948 lors de la création de l’État d’Israël. Il est autogéré par un comité populaire constitué de représentants des différentes organisations politiques et associations du camp. Une des principales préoccupations et tâches du comité est de fournir du travail et donc de quoi subsister aux habitants du camp où le chômage touche près de 80% de la population. Il s’évertue aussi à résoudre les problèmes d’accès (argent et transport) des étudiants à l’université. Un jeune représentant du camp nous fait visiter et nous raconte… Deheishe a toujours été à la pointe de la lutte contre l’occupation et des deux Intifadas et il leur a payé un lourd tribut, de nombreux morts et blessés et, aujourd’hui encore, quelques centaines de ses habitants sont incarcérés dans les prisons israéliennes. En raison de cette résistance, il a droit une ou deux fois par semaine à des incursions de l’armée israélienne à la recherche de tel ou tel activiste. Au camp de Deheishe, l’occu-

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pation militaire a eu un impact particulièrement important sur la condition des femmes. Avec le nombre important d’hommes tués, blessés, emprisonnés ou infirmes, beaucoup de femmes sont devenues la seule source de revenus du foyer. Elles doivent subvenir aux besoins de leur famille tout en continuant d’entretenir la maison et de s’occuper des enfants et de leur éducation. Mais ce sont les enfants, 50% de la population du camp, qui sont les plus touchés par la pauvreté croissante et la violence permanente qui les privent d’une enfance normale malgré les efforts fournis par le Centre culturel de Ibdaa, dont l’objectif déclaré est de créer une atmosphère positive pour les enfants, et la Société vision d’avenir pour le développement des capacités (Areen) qui vise à fournir un meilleur avenir pour les enfants et les jeunes. Les habitants du camp qui le quitteraient perdraient aussitôt leur statut de réfugiés et, donc l’aide de l’UNWRA (l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens) qui assure les soins de santé, l’éducation et la fourniture de denrées de base. Ils restent donc, ce qui fait que le camp, ne pouvant le faire en superficie au sol, est obligé de se développer en hauteur.

Aida Créé en 1950 à la limite nord de Bethlehem, ce camp abrite environ 5.000 réfugiés palestiniens, originaires de 41 villages de la Palestine mandataire. Bordé au nord par le « Mur », ce camp a fré-


quemment été l’objet d’incursions de l’armée israélienne depuis la deuxième Intifada. Nous y rencontrons Abdelfattah Abusrour, coordinateur du centre Alrowwad (Les Pionniers), une institution indépendante, non gouvernementale, qui n’est affiliée à aucun parti politique et à aucune organisation confessionnelle. AbdelFattah Abusrour a fait ses études en France. Né dans le camp, il y est revenu après l’obtention de son diplôme de docteur en génie biologique et médical. Mais il était également féru de théâtre. C’est ainsi qu’il a créé le centre Alrowwad qui propose aux enfants des deux sexes, de 10 à 15 ans, des activités de théâtre et d’arts plastiques mais aussi une formation sur ordinateur et une petite bibliothèque. Il s’agit pour lui d’offrir aux jeunes d’autres perspectives que la violence : la résistance à l’agression et à la violence israéliennes par l’expression artistique. C’est ce qu’il appelle la belle résistance. Durant l’adresse qu’il nous a faites, il a répété à maintes reprises son credo et celui qu’il inculque à « ses » jeunes : demain sera meilleur que le jour qui passe… À la question de savoir s’il avait des contacts avec des pacifistes israéliens, il nous a répondu très clairement par la négative, estimant que les Israéliens devaient d’abord et avant tout faire le ménage chez eux. Après, tout serait possible. Mais il n’est aujourd’hui pas intéressé par la photo d’un Israélien et d’un Palestinien se serrant la main pour prouver que la coexistence est possible alors que celle-ci n’est pas à l’ordre du jour pour Israël.

Hébron L’horreur dans toute l’acception du terme. Nous parcourons à pieds la zone H2 qui recouvre la

vieille ville restée sous contrôle exclusif israélien (zone C) en raison de la présence de quelque cinq cents colons ! Comme dans toutes les autres villes de Cisjordanie, le mur affecte considérablement la vie quotidienne des habitants : accès interdit ou considérablement réduit aux terres cultivées ainsi qu’aux sources et aux puits, allongement des distances pour aller vendre les produits. La rue principale d’environ un kilomètre est totalement désertifiée. Les échoppes qui y abondaient ont toutes été fermées pour empêcher les habitants palestiniens de s’approcher des quelques immeubles flambant neufs qui abritent les colons dont l’arrogance est sans limites. Une vraie image de désolation qui laisse le groupe partagé entre effarement, incompréhension et colère difficilement contenue. Le marché, où de nombreuses échoppes sont également vides, provoque un haut-le-cœur dans le groupe. Des filets ont en effet dû être tendus dans les parties surplombées par la colonie juive d’où les habitants s’amusent à jeter des ordures, des pierres et parfois des sacs d’urine ! Tout cela dans le but avéré de faire déguerpir les Palestiniens et de mettre la main sur la totalité de H2 puisqu’ils considèrent que ce sont les Palestiniens qui occupent illégalement cette terre et non eux ! À Hébron, nous rencontrons Raed Abu Yussef, président d’une coopérative vinicole regroupant plus d’une centaine d’agriculteurs. La coopérative produit exclusivement du raisin de table et du jus de pomme. Son objectif est de couvrir l’ensemble du territoire palestinien en convaincant les commerçants de refuser le raisin israélien par une résistance non violente. La situation de la coopérative n’est pas simple car l’Au-

torité palestinienne ne se presse pas pour l’aider économiquement.

Jérusalem À Jérusalem, nous avons rendez-vous avec Michel Warschawski qui nous parle de la stratégie de la colonisation tout autour de la ville. Le gouvernement israélien et les représentants des colons ne sont pas naïfs… Ils savent qu’un jour ou l’autre, ils seront obligés d’arrêter. Dès lors leur politique est de construire à tout va pour créer le fait accompli. À la question de savoir si les révolutions arabes ont un impact sur le conflit israélo-palestinien, il nous répond que ce n’est pas encore le cas, mais que cela le sera tôt ou tard. Ces révolutions prendront du temps avant de se stabiliser, mais il est convaincu que plus rien ne sera jamais pareil, les peuples veulent la démocratie et ils n’auront de cesse de l’obtenir. Il nous raconte une anecdote… Lors des rassemblements initiaux sur la place Tahrir, le correspondant de la radio israélienne était en direct. À un moment, son rédacteur en chef lui demande « que disent-ils de nous ? », un moment de silence, et puis la réponse :  « rien » ; « Comment rien ?! » suffoque le rédacteur en chef. Les Israéliens ont tellement l’habitude d’être au centre de tout ce qui se passe au Proche-Orient, qu’il ne peuvent en effet imaginer qu’ils soient absents des préoccupations des révolutions arabes. Et on peut aussi penser qu’un jour viendra où Israël deviendra un allié encombrant pour les ÉtatsUnis si ceux-ci veulent normaliser leurs relations avec les pays arabes. n (À suivre : Silwan, Sheikh Jarra, Qalqilya, Majdal Shams, Saint Jean d’Acre et Jaffa)

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israël-palestine Solidarity with Bedouins SWB Randonnée politico-sportive à Pâques, suivie de conférences-témoignages, avec la participation de l’UPJB, du 17 au 20 octobre 2013 Marco Abramowicz

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t oui  ! en collaboration avec le Negev Coexistence Forum, organisation judéo-arabe à Beersheva, nous l’avons parcouru ce Néguev – Naqab, en vélo et à pied (17 cyclistes et 10 marcheurs) ; du moins, nous avons rejoint, relié, reconnu 10 de ces 35 villages bédouins non-reconnus et menacés de destruction par le plan Prawer-Begin (quasi voté à la Knesset israélienne). Nous les avons trouvés alors qu’ils n’existent sur aucune carte officielle ou touristique. Privés de routes, de réseaux électriques, de conduites d’eau, d’écoulement des eaux usées, ces habitants bédouins s’accrochent à leurs terres ancestrales avec l’énergie d’un désespoir empreint d’indignation, de colère mais surtout de courage, de détermination Parmi les chants que nous entamions lors de nos différentes rencontres avec ces citoyens israéliens de seconde, si pas de troisième catégorie (ils sont plus mal traités que les Palestiniens arabes, également citoyens israéliens), résonne encore en nous le refrain de l’un d’eux : «  …No, no we shall not be moved (bis) – this is our land - this is Bedouinland – we shall not be moved - … ». Quelle émotion ! Quelle empathie, de part et d’autre ! Ce premier trip, que nous vou-

lions avant tout informatif et dénonciateur de la froide détermination des autorités israéliennes, secondées comme pour toute spoliation de terres palestiniennes par le Fonds National Juif, a pris cette allure de randonnée pédestre et cycliste, tant pour favoriser le recrutement de « courageux » randonneurs et cyclistes belges s’engageant à agir en tant que témoins actifs à leur retour en Belgique, que pour espérer une mobilisation, une participation de la part des Bédouins et de leurs responsables dans chaque village. Grâce à cette conjonction, nous pouvions espérer plus

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de publicité et pourquoi pas une couverture médiatique, en Israël et chez nous. Eh bien, et ce n’est qu’un début (pas courant), Colette Braeckman, la spécialiste connue de l’Afrique au journal Le Soir, en payant de sa personne, a pédalé crânement sur son VTT tout au long des 25 à 30 km quotidiens par 30 degrés et a pu, en tant qu’envoyée spéciale couvrir notre mission et publier un reportage dans Le Soir des 27 et 28 avril. Il faut remonter à juillet 2010 pour comprendre l’intérêt du groupe Paix Juste au ProcheOrient d’Ittre au sort des Bédouins d’Israël. Ce groupe, à la base de

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l’initiative SWB, milite depuis 2002 pour soutenir la résistance palestinienne dans les Territoires occupés. À la demande d’un échevin local, PJPO s’est intéressé à la situation dramatique peu connue de ces Bédouins. Une mission de reconnaissance pour promouvoir des échanges culturels fut organisée, et c’est à la fin de celle-ci que nous avons « visité » une maison du village d’Al Araqib, plutôt ses ruines car elle avait été abattue la veille par la police israélienne. Alors que nous étions déjà des témoins « familiers » de la politique de destructions de maisons en Cisjordanie et à Gaza, quel choc dans cette confrontation au désespoir indigné de cette famille israélienne. À peine rentrés en Belgique, nous avons été informés que cette destruction inaugurait un projet d’éradication, de nettoyage ethnique de ce village. Al Araqib a depuis été détruit plus de 50 fois ; la plupart de ses ha-

Le calicot au Parlement européen

bitants déplacés, de fait, dans le « township » de Rahat, une des 7 localités bédouines construites par Israël pour favoriser « l’adaptation des Bédouins à la modernité ». Ces ghettos ethniques où le niveau de vie est le plus bas du pays, le taux du chômage et de la délinquance, le plus haut. Le Fonds National Juif a planté des milliers d’arbres sous le nom de « Forêt des Ambassadeurs » en

lieu et place de nombreuses maisons bédouines abattues. Le plan de développement de cette région, en d’autres mots de judaïsation du Néguev – on oublie le nom arabe de Naqab – vise principalement au tourisme. Dans le prochain Points Critiques, j’aborderai les perspectives de luttes et notamment les premiers résultats engrangés par notre tournée de conférences-témoignages en Belgique fin octobre. Notre déduction, que ce combat contre la destruction systématique des 35 villages non reconnus et la déportation de plus de 70.000 Bédouins envisagés par le plan Prawer–Begin, pourra déclencher – ce qui a déjà été le cas en août dernier, tant en Israël que dans les Territoires occupés – une forte réaction arabe palestinienne, peut-être juive, et d’importantes répercussions citoyennes et politiques dans le monde occidental, est renforcée par la réaction « indignée » de l’ambassade israélienne contre le calicot (ci-dessus) que nous avions apposé lors de la conférence organisée au Parlement européen. n

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moyen-orient « Remettre le peuple syrien au coeur de sa propre histoire » Jean-Pierre Filiu est professeur des universités à Sciences Po (Paris). Historien et arabisant, il a aussi enseigné dans les universités de Columbia, à New York, et de Georgetown, à Washington. Il vient de publier chez Denoël Je vous écris d’Alep, fruit de son séjour en juillet 2013 dans les zones tenues par la révolution au nord de la Syrie. Ses analyses sur le monde arabe ont été diffusées dans une douzaine de langues. Il était l’invité de l’UPJB le 25 octobre dernier. Propos recueillis par Pascal Fenaux*

Après bientôt trois ans de carnage et passée la phase de désobéissance strictement civile, le conflit syrien, en se militarisant, a laissé les observateurs – plus ou moins bien intentionnés – désemparés. Insurrection ? Insurrection populaire  ? Guerre civile ? Guerre confessionnelle ? Guerre de religions ? Guerre régionale par procuration ? Comment expliquer le basculement de la désobéissance civile à l’insurrection armée ? On ne peut strictement rien comprendre de la crise syrienne si on ne met pas en avant la dynamique révolutionnaire qui continue de la sous-tendre. C’est bien pourquoi les commentateurs qui excluent la grille d’interprétation révolutionnaire finissent rapidement par avouer leur impuissance face à la « complexité » syrienne. Cette confusion est entretenue activement par la dicta-

ture qui interdit l’accès libre à son territoire, afin de marteler depuis mars 2011 la même antienne : la Syrie « laïque » serait la cible d’un « complot » international de nature terroriste. Il s’agit rien moins que de nier le peuple syrien comme acteur de sa propre histoire, et de réduire celle-ci à une série de « conspirations ». Le choix stratégique de la non-violence par l’opposition durant les six premiers mois de la révolution a été ainsi combattu par le régime, qui a alors libéré de ses geôles les principaux leaders des groupes radicaux actuels, tout en sévissant contre la résistance civile. Du côté de la contestation, il devenait impossible à partir de l’automne 2011 de continuer de laisser les manifestants se faire massacrer. C’est donc une logique d’auto-défense collective qui a présidé à une militarisation subie, plutôt qu’assumée, d’où les problèmes ressentis jusqu’à ce jour dans cette

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construction par défaut. En 1989 paraissait L’État de Barbarie1, un recueil posthume d’analyses du sociologue français Michel Seurat (décédé en captivité au Liban en 1986), recueil largement consacré au régime baasiste ou néo-baasiste syrien. En quoi ses analyses peuvent-elles aider à comprendre la tragédie actuelle et en quoi ont-elles pris un coup de vieux ? Je m’inscris explicitement dans la lignée de Michel Seurat, qui a démonté les ressorts de la « Syrie des Assad », car cet « État de barbarie » occulte la réalité humaine du pays au profit d’un ballet international aussi intense que vain. La récente séquence « chimique », qui a suivi l’attaque massive aux gaz du 21 août 2013, en est une parfaite illustration, Bachar el-Assad parvenant à retourner à son

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profit la vague d’horreur suscitée par ses crimes, au point de revendiquer pour lui-même le titre de prix Nobel de la Paix. Que pensez-vous de certaines analyses en vogue, «  aplatissant » la complexité sociale, politique et désormais militaire syrienne à un affrontement global entre nébuleuses sunnites et chiites ? Le conflit sunnite-chiite est un prêt-à-penser qui, tout comme l’épouvantail d’Al-Qaida, permet d’évacuer les situations concrètes afin d’appliquer partout les mêmes schémas explicatifs. Les Alaouites ne sont pas plus chiites que les Mormons ne sont protestants. L’alliance stratégique entre la République islamique et la Syrie baasiste a été forgée en 1979-80 sur la base d’intérêts communs, nullement de considérations confessionnelles. La révolution syrienne en tant que telle ne peut donc se réduire à une telle fantasmagorie. Il est en revanche évident que l’intervention massive de l’Iran et du Hezbollah aux côtés du régime alimente un flux continu de jihadistes étrangers, au discours de plus en plus anti-chiite. Mais ces jihadistes sunnites sont eux-mêmes opposés aux principes mêmes de la révolution syrienne. Un reproche souvent fait à l’opposition syrienne organisée au sein du Conseil national syrien, le CNS2 (et dans une certaine mesure au sein de la Coalition nationale3) est sa profonde hétérogéneité. Ce reproche estil fondé ? Le CNS, constitué en octobre 2011, puis la Coalition nationale, qui l’a absorbé un an plus tard, se

présentent comme des rassemblements ouverts à toutes les tendances de l’opposition. C’est pourquoi les nostalgiques des partis uniques ou des mouvements de libération strictement hiérarchisés sont perturbés par un tel modèle, dont ils ne perçoivent que les évidentes faiblesses, cette hétérogénéité que vous évoquiez, et non la représentativité pluraliste.

J’ai pu constater sur le terrain, à Alep, combien les comités révolutionnaires étaient attachés à leur autonomie d’action, rejetant toute intervention d’en haut comme un retour à l’arbitraire de l’ancien régime. On peut regretter cette impuissance organisationnelle, mais sûrement pas en nier la composante démocratique.

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Interviewé en septembre 20124, le jésuite Paolo Dall’Oglio déclarait, à propos du «  complexe alaouite  » : «  L’important est que toute solution politique prenne en compte le récit alaouite. D’autant qu’aujourd’hui, de plus en plus d’Alaouites se demandent s’ils ne sont pas les otages de « leur » régime et si leur avenir ne réside pas plutôt dans un pacte constitutionnel qui garantirait la spécificité de la région majoritairement alaouite, ainsi que la protection de leur communauté dans l’ensemble du pays. Enfin, il faut tout de même rappeler qu’en Syrie, les clivages ne sont pas que confessionnels. Il y a eu, de tout temps, des Alaouites dans les mouvements d’opposition syriens les plus divers et nombre d’entre eux ont été emprisonnés, torturés ou expulsés par le régime. » Ce «  complexe alaouite  » est-il un verrou à faire sauter ? Je tiens d’abord à exprimer toute ma solidarité envers le père Dall’Oglio, que je connais depuis près de vingt ans, et qui a disparu au cours d’une mission de paix en Syrie l’été dernier. Les Alaouites, en tant que groupe comme en tant qu’individus, ont le plus à gagner d’une révolution qui les libèrera enfin de l’identification aux Assad. Mais l’opposition n’a réussi qu’à rallier des personnalités alaouites, et non des pans entiers de cette communauté, plus que jamais prise en otage par le régime. Il y a donc là un défi majeur pour la coalition révolutionnaire, défi qu’avait compris avec passion le père Dall’Oglio. Vous vous êtes à plusieurs reprises prononcé en faveur d’un soutien concret et armé aux

insurgés syriens. Que répondez-vous à ceux qui craignent de voir les armes « tomber entre de mauvaises mains » ? Mon raisonnement est tout sauf belliciste et, lors de mon récent séjour à Alep, je me suis immergé dans la résistance civile, sans jamais chercher la « protection » de tel ou tel groupe armé. Mais la résistance à la tyrannie est un de ces droits que la Révolution française avait posés face à l’Histoire. L’alternative est donc simple : soit la révolution syrienne est légitime, et rien n’interdit alors de répondre à ses demandes désespérées d’assistance militaire face aux bombardements quotidiens du régime par l’aviation, l’artillerie et les missiles balistiques  ; soit nous abandonnons une nouvelle fois le peuple syrien et, après l’avoir livré aux tueurs d’Assad, nous le laissons à la merci des groupes jihadistes, qui ont leurs propres réseaux mafieux d’armement. Trente mois après le début de cette révolution, la passivité internationale n’a fait que renforcer les jihadistes aux dépens des nationalistes. Par ailleurs, je note que pas une des armes livrées aux insurgés libyens durant l’été 2011 n’a été retrouvée dans les arsenaux jihadistes, démantelés au Nord du Mali au printemps 2013. Comment considérez-vous l’attitude des gauches activistes occidentales à l’égard du « printemps des Arabes » en général et de l’insurrection syrienne en particulier ? La centralité absolue accordée au conflit israélo-palestinien (et à l’acteur israélien) n’a-t-elle pas exonéré certains de «  voir  » le MoyenOrient hors du prisme des grands récits idéologiques oc-

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cidentaux  ? (Damas rempart contre le sionisme, puis contre l’Empire, etc.) ? Mon travail d’historien est de remettre le peuple syrien au cœur de sa propre histoire. Le drapeau révolutionnaire est aujourd’hui celui que les nationalistes arboraient face au mandat français dans les années 30. C’est Henry Kissinger qui a construit l’image de Hafez el-Assad comme « Bismarck arabe », tout en concluant entre Israël et la « Syrie des Assad  » un cessez-le-feu respecté durant quatre décennies. Quant à Bachar el-Assad, héritier d’un trône pour lequel il a déjà sacrifié plus de cent mille Syriennes et Syriens, il use et abuse sans vergogne du terme de « résistance ». Mais il ne lui donne plus d’autre sens que la perpétuation de sa propre dictature. n Michel Seurat, L’État de Barbarie, Seuil, 1989. Réédité aux PUF en 2012. 2 Le CNS est présidé par l’opposant communiste Georges Sabra. 3 De son nom complet, la Coalition nationale des Forces de l’Opposition et de la Révolution syriennes (CNFORS) se voulait un rassemblement plus large que le CNS. Elle a été constituée pour répondre aux critiques des États-Unis, de la Turquie, de l’UE et des monarchies du Golfe. Confrontée aux volte-faces occidentales, surtout après l’accord russo-américain sur le désarmement chimique du régime syrien, la Coalition nationale est désormais en crise et le CNS a repris une partie de son autonomie d’action. 4 Pascal Fenaux, « Les divisions de l’opposition sont le gage d’une démocratie plurielle », Courrier international, 25 septembre 2012. http://www.courrierinternational.com/article/2013/07/30/lesdivisions-de-l-opposition-sont-le-gage-dune-democratie-plurielle?page=all 1

* Pascal Fenaux est sociologue et licencié en langues orientales (UCL), journaliste et traducteur à Courrier international (Paris), membre de la Revue nouvelle (Bruxelles) et professeur invité à l’IHECS (Bruxelles).

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lire La soeur méconnue tessa parzenczewski

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saac Bashevis Singer, prix Nobel de littérature, son frère, Israël Joshua Singer, déjà best-seller aux États-Unis en 1936, mais qui connaissait Esther, leur sœur aînée ? Car elle aussi écrivait, et comme eux, en yiddish, elle fut même la première de la famille à écrire. Mais à la fin du XIXe siècle, dans le milieu hassidique, il ne faisait pas bon naître fille. Et c’est de haute lutte, à marche forcée, qu’Esther s’approprie l’étude, la culture, les livres, domaines réservés aux hommes. Et qu’elle apprivoise aussi l’écriture. Son œuvre sera ténue : deux romans et un recueil de nouvelles. Mariée de bonne heure à un tailleur de diamants, mariage arrangé, mariage raté, elle le suivra à Anvers et, au début de la Première Guerre mondiale, à Londres, où elle vivra jusqu’à son décès en 1954. Une vie dans l’ombre et la précarité. Aujourd’hui paraît, traduit en français par Gilles Rozier, un recueil de nouvelles publié en Angleterre en 1949. Un écrivain se révèle dès les premières phrases. Nous découvrons une voix toute personnelle, une écriture tour à tour ramassée, concise et intense ou bien rutilante, gorgée du réel jusqu’à la minutie. « Dans le nouveau monde » est un extraordinaire voyage dans la pré-naissance, le soliloque dans le ventre de la mère et l’ac-

cueil désastreux dans la vie. C’est l’histoire réelle d’Esther Singer Kreitman. Placée chez une nourrice pendant trois ans, repoussée par sa mère qui espérait un garçon, Esther vivra dans un berceau installé sous une table, dans

une pièce sordide : « Finalement, on me casa dans mon petit berceau, sous la table. J’observai, éberluée, les yeux grands ouverts, le dessous du plateau crasseux de la table, recouvert de toiles d’araignées, et je me dis, affligée : C’est ça le monde nouveau dans lequel je suis tombée ? En voilà le ciel ? » Et au fil des années, Esther élaborera, une sorte de

chronique, où les souvenirs du shtetl cohabiteront dans le désordre, avec les événements plus récents à Londres, vus du East End juif. Comme autant d’instantanés, des plongées dans des univers contrastés : rivalités entre bourgades pour garder un rabbin, sombre histoire d’un converti, chasse au bon parti, dans le shtetl comme à Londres, des images saisissantes du Blitz et une vision insolite des Anglais. Et par-dessus tout, un regard incisif, lucide, parfois ironique, porté sur une société impitoyable, avec son cortège de vaincus. D’un univers à l’autre, Esther Kreitman nous transporte des demeures cossues où les failles se révèlent sous les ors vers les marges, où les individus se débattent dans le dénuement, sans aucune fenêtre d’espoir, ici comme là-bas. Une fois encore, l’écho d’un monde disparu, mais pas seulement. Car à travers sa propre souffrance et sa révolte, Esther Kreitman, blessée à vie, se penche sur des destins singuliers, des vies ballottées, des drames intimes, comme autant de pièces à conviction d’une tragi-comédie universelle. n Esther Kreitman Blitz et autres histoires Préface de Paule-Henriette Levy Traduit du yiddish par Gilles Rozier Calmann-Lévy 299 p. 19,50 €

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lire, regarder Des femmes, rien que des femmes (épisode n°7) Antonio Moyano

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osa Luxembourg ? Elle, j’espère qu’on ne va pas l’oublier lors des commémorations du centenaire de la guerre 14-18 ! Car elle fut jetée en prison pour avoir crié NON à la guerre. Elle ne vécut que 67 jours après l’Armistice, avant d’être assassinée à 47 ans. Rosa Luxembourg (1871-1919) vient à mon souvenir par un voyage en train ; soleil accablant, le tortillard, les portes grandes ouvertes, sillonne en escargot un tronçon de l’Andalousie, la loco attirée par les voies de garage ralentit, ralentit et puis s’arrête pour laisser passer le Talgo, et puis repart à la va-comme-je-te-pousse. Et là, ruisselant de sueur, torse nu, un jeune homme lit Rosa Luxembourg – j’ai déjà dit cette histoire, je crois, non ? Et voilà que je la retrouve par la voix déchirante d’Anouk Grinberg1. Elle lit des lettres que Rosa écrivit en prison, et en particulier aux femmes de ses amis ou ex-amis politiques. Voilà une femme qui s’accroche bec et ongle à la moindre trace de promesse de vie. Ainsi elle herborise, et donc, là où ne pousse apparemment que des « mauvaises herbes », elle nomme, égrène et attend ce qui va encore advenir, un petit brin de frémissement de vie, coccinelle ou bourdon dans un nid d’ouate qu’elle protège du froid de l’hiver. Ah qu’elle est fière de ses treize herbiers plein à craquer ! Attention,

ce n’est pas une tendre quand il s’agit de gourmander ou de mettre les points sur les i ! Jérémiades et pleurnicheries l’insupportent. Quand les choses iront mieux, elle aimerait tant revisiter la Corse, et comme elle parle bien du chant des oiseaux ! Son préféré  ? La mésange-charbonnière. Avec quelle fermeté elle exige qu’on lui dise toute la vérité sur l’état de santé de sa chatte, et son cœur se déchire quand elle est témoin dans la cour de la prison de la souffrance de pauvres bêtes qu’un soldat frappe et maltraite, les forçant à passer par une porte trop étroite pour le charroi qu’elles tirent. Ce sont des trophées de guerre, des buffles noirs venus de Roumanie, à large carrure et cornes recourbées, habitués à vivre en liberté. « Et j’étais devant lui et l’animal me regardait et des larmes coulaient de mes yeux…  » Elle écrit, pleine d’amertume : « Et la guerre passa devant moi dans toute sa splendeur. » Et c’est le même constat qui nous vient après lecture de la pièce de Matéi Visniec La Femme comme champ de bataille2. Du même auteur j’avais vu l’année dernière la pièce : Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux. Matéi Visniec (1957) est né en Bucovine (Roumanie). Sur scène, deux femmes, Dorra et Kate. L’une, il y a trois semaines, a été violée par la soldatesque. L’autre est une psychologue, elle « accompagne »

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des soldats de l’ONU chargés de la fouille des charniers. Vontelles pouvoir simplement se parler ? Rien n’est moins sûr. C’est une des saveurs spécifiques du théâtre (le cinéma est bien trop englué de réalisme pour pouvoir s’y engager) : celles, là, devant nous, sur scène, ne sont en vérité que dans « une illusion de rapprochement », j’ai du mal à exprimer cela, mais bref, poursuivons, les deux comédiennes sont traversées également par des « discours » qui ont déjà traînés dans d’autres bouches. Il en va de la sorte dans la scène : qu’est-ce qu’ils ont de si spécifiques les peuples des Balkans ? Une mise à plat par l’absurde de tous les clichés véhiculés à tire-larigot. Et la chose devient encore plus aigüe quand Dorra parle (en se dédoublant comme une ventriloque) à ce bébé-pas-encore-né-pas-existant dont elle ne veut pas car le père n’est pas la semence d’un homme mais germe du viol collectif dont elle a été victime. Et comme Kate est américaine, c’est à elle que je songeais en voyant la belle Sandra Bullock dans Gravity, le film du mexicain Alfonso Cuarón qui donne une place majestueuse à la parole et à la voix. Et surtout, en l’écoutant parler de sa fille morte dans un stupide accident. Et George Clooney (dont on perçoit la voix et quasiment jamais le visage) il s’appelle comment dans ce film ? Kowalski. On répète ce nom au-moins 50 fois,

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Kowalski, Kowalski, ça ne vous dit rien ? Mais oui, Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams, le film d’Elia Kazan. Et pourquoi je dis ça ? Zut, je ne sais plus ! Ma jugeote gambade : pelote de laine éméchée sous les griffes du chat Réminiscences-et-Souvenirs. Et j’en débordais littéralement, de souvenirs, en lisant Le Quai de Ouistreham3 de Florence Aubenas. On en trouve des femmes dans ce livre épatant ! Car bien entendu, les boulots de merde sont pour elles ! Des femmes qui bossent dans des emplois précaires, nettoyeuses, femme de ménage, techniciennes de surface comme ils disent, et des horaires épouvantables ; et si tu veux t’en sortir, t’es bien obligé d’en prendre deux ou trois. La force du livre c’est qu’il excelle à nous injecter de la vitalité malgré la dureté, l’injustice, la désolation. Faut pas s’y tromper, les sans-grades qui sont dans ce livre ont quelque chose d’héroïque. L’écrivain jamais ne verse dans cette vulgarité qui consiste à se moquer sous cape des plus démunis. Ici, pas de place pour la caricature goguenarde, tendance « Striptease ». Ayant pas mal boulotté dans le « frotting-blues » (comme nous disions alors ma sœur et moi), la justesse de ce livre m’a été droit au cœur. Et tout en vidant les poubelles ou récurant les chiottes, on peut se rêver acteur, actrice, et j’incarne tutti-quanti et j’ai le trac… Esther Kahn le film d’Arnaud Desplechin4 nous plonge dans les coulisses du théâtre, ah que j’aime ces films qui nous vissent au cœur d’une passion5 ou d’une vocation irrésistible. Esther Kahn, issue d’une famille d’émi-

nant du film, comme si les bras de la pieuvre l’attirait inexorablement vers l’obscur des abymes. Et ce verre de cristal qu’elle mord à pleine dents, aïe sa bouche ensanglantée  ! Va-t-elle surnager au chagrin et tordre le cou à ses doutes paralysants ? Oui, vous dis-je, et je ne vous en dirais pas plus. Et comme envoi final, un salut de bienvenue, respectueux et fraternel à notre Reine Mathilde, et aussi à Christiane Taubira, ministre de la Justice de notre beau pays de France6 qui lors d’une séance au Sénat répondit aux détracteurs du mariagepour-tous en déclamant, Summer Phoenix dans le rôle d’Esther Kahn avec panache, des vers cependant rompre définitivement. d’un grand poète de la Négritude, Comme elle dit non à ce garçon Léon-Gontran Damas7, bravo juif qui est fou d’elle, lui préférant Madame ! n un beau-parleur coureur de ju1 Rosa, la vie : lettres de Rosa Luxemburg ; pons et sans vergogne. Scène sutextes choisis par Anouk Grinberg, traduits perbe quand, pour lui prouver son par Anouk Grinberg et Laura Bernardi ; amour, l’apprenti-joaillier lui dé- introduction d’Edwy Plenel, Les Éditions de voile son trésor : il déplie un bout l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2009. 249 p. + de papier, et là un petit (si petit 2CD France-Culture, durée : 70’. Matéi Visniec, La Femme comme champ d’ailleurs que nous ne le voyons de bataille ou Du sexe de la femme comme même pas) une miette de frag- champ de bataille dans la guerre en Bosment de diamant, et il remballe nie, Actes Sud-Papiers, 1997. Cette pièce représentée à l’Espace Senghor du 7 son trésor sans même avoir obte- aauété 9 novembre dans une mise en scène de nu d’Esther un baiser. Esther ne Marie Hossenlopp. dit pas je veux triompher, non, elle 3 Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreveut juste être heureuse et aus- 4ham, Éditions de L’Olivier, 2010, 269 p. Arnaud Desplechin, Esther Kahn, VO si vraie et convaincante que pos- Anglais, St FR. 145’ (Studio Canal, DVD, sible sur scène. Et que sa propre 2000, France). vie «  colle  » ou soit en adéqua- 5 Vous avez vu, j’espère, le film d’Abdellatif tion avec ce qu’elle vit sur scène. Kechiche La Vie d’Adèle. Non ? Courez le voir. Un chef d’œuvre. Comme spectateur, on souffre tant 6 « de notre beau pays de France », cela Esther est fragilisée par tous ses vient du Condamné à mort de Jean Genet. 7 Léon-Gontran Damas, Black-Label, suivi doutes, elle en devient même de Graffiti et de Poèmes nègres sur des maniérée et agaçante, et le film airs africains, Collection Poésie/Gallimard, avec. Bientôt elle refusera d’en- 2011. trer en scène, c’est le point culmigrants juifs travaillant dans la confection, dans le Londres des années 1890… Esther veut devenir comédienne, et pour vivre pleinement son apprentissage, elle s’éloigne des siens, comme à son corps défendant, sans jamais

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mémoire(s) Tatouages et dessins du Goulag roland baumann

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raduit du russe par Luba Jurgenson, et co-édité par cette spécialiste de la littérature du Goulag en collaboration avec l’anthropologue Élisabeth Anstett, le surprenant « Album » d’un ancien gardien de camp, montre en images l’horreur et la terreur du système concentrationnaire soviétique. Un album de septante quatre pages, contenant un choix de dessins réalisés de 1949 à 1989 par Dantsig Baldaev (1925-2005), fonctionnaire de l’administration

pénitentiaire et officier du ministère de l’Intérieur soviétique. Un album que l’ancien « gardien du Goulag » composa lui-même, l’offrant en 1990 à l’ethnologue française Roberte Hamayon, spécialiste du chamanisme sibérien et qui, à ce titre, avait travaillé avec son père, Serguei P. Baldaev, folkloriste bouriate réputé. Bien singulier document dont l’imagerie terrifiante contraste avec l’aspect extérieur anodin : « un solide Album photographique protégé d’une épaisse couverture en plastique marron faisant figurer la photographie d’un site touristique de Saint-Pétersbourg  »... Publié en fac-similé aux éditions des Syrtes, l’Album est accompagné de l’appareil critique rédigé par les deux éditeurs dont les contributions analysent les enjeux de l’ouvrage de Baldaev à travers des thèmes privilégiés : la question de l’Album en tant qu’objet singulier, la langue, l’espace géographique, le traitement du corps et du témoignage.

Un travail de collecte

Une page de l’Album. © Editions des Syrtes

Document précieux sur le fonctionnement interne du Goulag, l’Album commenté, annoté et décoré par Baldaev,

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en utilisant les méthodes du scrapbooking, regroupe une sélection de dessins reproduisant des tatouages classés par thèmes, suivis d’un ensemble de dessins sur la vie des goulags et prisons, puis de quelques caricatures politiques relatives aux dernières années du régime soviétique et à la guerre en Afghanistan. Les reproductions de tatouages sont le produit de plusieurs années d’un travail de collecte mené par Baldaev parmi les détenus et montrent la variété des codes graphiques associés aux différentes catégories de prisonniers. Employé de l’administration pénitentiaire de 1949 à 1981, Baldaev s’intéresse d’emblée à la culture carcérale, travaille sur le vocabulaire des prisonniers et fait des relevés de tatouages des détenus. Après 1953, il réalise aussi des dessins légendés à partir des récits de prisonniers et d’employés du Goulag. L’album offert à Hamayon comporte 8 planches de 6 vignettes, numérotées de 1 à 48. Comme le précisent les éditeurs : «  Dans un contexte général de manque d’images des camps, ce témoignage dessiné devient encore plus précieux. Car il n’existe que très peu de témoignages photographiques ou graphiques permettant de restituer le fonctionnement du Goulag. » Les images de propagande stalinienne et les oeuvres plastiques de survivants du Goulag (cf. Musée virtuel de

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l’association Memorial) ne nous donnent pas en effet le point de vue de gardiens.

le statut de l’auteur Baldaev suit brièvement des cours de dessin à l’Institut pédagogique des beaux-arts d’Irkoutsk de 1942 au début 1943, lorsqu’il entre comme volontaire dans l’armée rouge. Mais sa passion du dessin restera au centre de ses loisirs, durant toute sa vie. Les dessins de l’Album sur la terreur stalinienne et le Goulag mettent en valeur les pratiques d’humiliation, de terreur et de torture, notamment sur les femmes, les conditions de vie et de travail épouvantables, et les abominables méthodes de mise à mort et de disparition des cadavres. Comme le soulignent Jurgenson et Anstett la singularité graphique de « L’Album du gardien » le détache du paysage culturel soviétique dans lequel la bande dessinée n’a jamais tenu qu’une place

mineure. De plus, l’Album «  n’est ni une oeuvre de pure fiction ni un inventaire documentaire ». Le travail graphique de Baldaev « intègre à la fois une dimension documentaire, une dimension fictionnelle, une part de témoignage vécu et une autre de mémoire collective, parmi lesquelles il est difficile d’évaluer le rôle joué par les rumeurs et les fantasmes.  » Le point de vue de l’auteur reste difficile à cerner, à la fois « bourreau », « témoin » et lui-même « victime » du système : de 1938 à 1940, suite à l’emprisonnement de son père, Dantsig Baldaev est placé dans un foyer d’État pour enfants. « En outre, le caractère nettement voyeuriste de certains dessins pose question. » Les dessins rassemblés dans l’Album ne constituent qu’une petite sélection effectuée par l’auteur parmi sa considérable production graphique, réalisée pendant quarante ans dans la clandestinité. L’ancien gardien réalise cet Album en 1989-1990, à la fin de la perestroika, moment charnière de l’histoire russe dont le climat de liberté l’incite à divulguer son oeuvre graphique, tout en étant persuadé de l’impossibilité d’une publication en Russie. C’est pour montrer son travail à des étrangers qu’il compose l’Album, dans lequel il colle des photographies qui reproduisent ses dessins, les groupant sur le modèle des planches de BD. Entre

les vignettes, il orne aussi chaque page d’éléments coupés dans la presse de l’époque et des cartes postales. Beaucoup de pages sont accompagnées de commentaires manuscrits. L’Album de Baldaev s’inscrit donc dans la grande lignée des albums de photographies dont il « pervertit » les codes, montrant le Goulag et la pègre, « deux univers échappant jusquelà à toute iconographie ». l’Album participe aussi des règles de la mise en scène de soi, propres à l’album photo, intégrant en page 2 un portrait de Baldaev en uniforme d’officier de police, et souvent aussi en bas des planches de vignettes la mention de son nom en tant qu’auteur des dessins. Anstett remarque que « L’investissement personnel de Baldaev dans la fabrication, la composition et la décoration de l’Album en fait à plus d’un titre l’oeuvre d’un seul auteur. ». Mais c’est aussi un « objet collectif », fruit d’une expérience partagée par un grand nombre d’officiers de police ou de gardiens de camps de l’époque soviétique, la mise en images de cette « culture professionnelle commune à des centaines de milliers d’employés des institutions concentrationnaires et pénitentiaires  ». Marque des ambivalences du travail de témoignage de Baldaev, son recueil de dessins de tatouages figurant au début de l’Album a tout d’abord été élaboré comme « manuel opérationnel pour le personnel du ministère de l’Intérieur » et diffusé au sein de l’institution avec l’aval des autorités locales du KGB, afin d’être utilisé comme « matériau d’enseignement » par les services de la police soviétique ! n Élisabeth Anstett et Luba Jurgenson (éds.), Gardien de camp. Tatouages et dessins du Goulag, Genève, Éditions des Syrtes, octobre 2013.

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diaspora(s) Benny Lévy ou un voyage immobile gérard preszow

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e ne sais plus où et quand – exactement – a commencé ce voyage. Est-ce dans le cahier Livres du Libé du jeudi ou dans le cahier Livres du Monde du vendredi ? Je ne sais plus. Mais toujours est-il que je tombe sur un article plutôt élogieux à propos d’un livre intitulé : À la vie, signé Léo Lévy. « Léo », qui sonne masculin, n’est pas un des frères de Benny Lévy, mais l’épouse, et mère de leurs 5 enfants, plus que jamais fidèle à la mémoire de son feu mari, mort en 2003 à Jérusalem. Il avait 58 ans et succomba à une crise cardiaque. Il est vrai que depuis un certain temps, je suis particulièrement vigilant à l’âge des décès. Quant à la rubrique nécro, je la lis en premier dans Le Soir depuis que j’ai une dizaine d’années. Benny Lévy, ancien Mao Spontex (ainsi les nommaient les frères ennemis trotskystes), reconverti portant kippa, lecteur assidu et radical du Talmud, fondateur avec ses récents amis Alain Finkielkraut et Bernard-Henri Lévy des Études Lévinassiennes à Jérusalem, ne m’intéressait pas beaucoup plus que ça. Il fait partie de ceux qui, issus du mouvement maoïste de 68, tournèrent mystiques. Bref, ils ne cessèrent d’être pareils à eux-mêmes. À dire vrai, je ne me suis jamais fort intéressé à la mouvance mao (judéo-mao, à vrai dire) mais plutôt à son pendant trotskyste

(judéo-trotskyste) à propos desquels courait à l’époque cette anecdote – désolé pour ceux qui la connaissent – : « Savez-vous pourquoi les réunions du Comité central – ou était-ce du Bureau politique ? – de la Ligue Communiste Révolutionnaire ne se tiennent pas en yiddish  ? Parce que Daniel Bensaïd est sépharade ». Et puis vient ce livre de Léo. Pourquoi Léo en fait ? C’est l’abréviation de son deuxième prénom «  Léopoldine  » (hommage à Victor Hugo d’une famille juive polonaise arrivée en France et reconnaissante ?) et dont le premier prénom est Judith. Ca m’intéressait de lire ce livre, le témoignage biographique excitant bien plus ma curiosité qu’un debreafing politique de celui qui, leader péremptoire et autoritaire de la Gauche Prolétarienne, termina tout aussi dogmatique à l’égard de ceux qui ne l’avaient pas suivi dans son « tournement ». J’ai ce livre en tête quand mon frère me propose de fêter mon anniversaire (pas loin de l’âge de la mort de Benny) chez lui. Et voilà-t-il pas qu’il m’offre 2 bouquins à propos de ce Benny, mais pas le livre de sa femme qui seul m’intéressait à priori. Je fis évidemment un sourire de contentement, touché par l’heureuse coïncidence et l’attention fraternelle tout en me disant « comment fait-on pour mettre en vente sur ebay ? » (joyeusetés de la fratrie).

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Ma déception n’alla pas jusqu’au boycott des livres ; je les feuilletai. L’un est un fort volume des Cahiers d’Etudes lévinassiennes, numéro spécial paru en 2005 après la mort de Benny et reprenant des témoignages de proches ainsi que des transcriptions de conférences qu’il donna à Jérusalem, éclairant la démarche et – la suffisance - du personnage. Quant à l’autre, De Pierre Victor à Benny Lévy, il s’agit d’une biographie détaillée rédigée par un Belge, Philippe Lardinois, et publiée aux éditions Luc Pire en 2008. Le feuilletant un peu distraitement, je tombe sur la page des remerciements qui cite une amie, Marie-Hélène. Mon sang ne fait qu’un tour ; je lui téléphone sur le champ et lui demande de but en blanc, « c’est quoi ton lien avec Benny Lévy ? ». « Nous étions dans la même classe au lycée français pendant son séjour à Bruxelles et il était fort amoureux de moi ». Comble du comble, le jour même, lors d’une de mes pérégrinations dans ma bouquinerie adorée Pêle-Mêle au centre ville, je tombe sur le livre de Léo, paru chez Verdier dans sa belle couverture jaune et qui aurait mieux fait de s’intituler « Lekhaïm » que ce vilain « À la vie ». Les premières pages racontent les origines de Léopoldine, dite Léo. Incroyable, son père et le mien sont du même bled polonais où je n’ai pas encore mis les pieds : Bedzin,

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nay par un vigile de Renault et l’absence de basculement du gauchisme moribond en France vers le terrorisme (contrairement à l’Allemagne de la Fraction Armée Rouge ou à l’Italie des Brigades Rouges). C’est ce foisonnement de noms, cette aventure collective, cette histoire juive et parfois bruxelloise, cette concaténation infinie qui provoquent cette excitation. Oui, bruxelloise, judéo-bruxelloise parce que la faUn an après la Révolution des Œillets, Benny Lévy envoie une carte postale à Marie-Hélène du Portugal mille Lévy, orioù il se trouve avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ginaire du Caire, une bourgade qui fut à majori- gnés dans le Nouvel Observateur a dû fuir l’Égypte en 57 après la té juive entre Oswiecim et Craco- (1980) qui susciteront une forte guerre de Suez et s’est d’abord vie ! Je bascule. D’autant que Léo réprobation, avant tout celle de retrouvée à Bruxelles, avant Paraconte leurs visites à Bruxelles Simone de Beauvoir (S. de B.), ac- ris, où mon ami Edwin, lui auschez Marie-Hélène et celles de cusant le jeune homme de mani- si d’origine cairote, désormais Marie-Hélène chez eux dans la puler, si pas de judaïser, le Sartre à Bruxelles pour les mêmes raibanlieue parisienne. Me voilà as- finissant. Quelques années au- sons, les a bien connus. Pas toute piré dans une spirale provoquée paravant, Pierrre Victor avait été la famille, car le frère aîné, qui par un gars pas plus sympa que nommé leader de la Gauche Pro- vient s’ajouter à la liste infinie ça mais qui déclenche soudaine- létarienne en remplacement de des noms, patronymes et pseument amusement, effervescence Robert Linhart, tombé dans une donymes évocateurs, est resté en et, surtout, une chaîne de rémi- profonde dépression mutique, au- Egypte et s’est converti à l’Islam niscences. Ce « gars pas plus sym- teur de L’établi, paru en 1978 aux (par amour, dit-on) : non seulepa que ça » avait quand même, éditions de Minuit. D’autres noms ment Eddy Lévy est devenu Adel que je le veuille ou non, rejoint viennent alors à la surface, une Rifaat mais aussi l’un des deux inun statut mythique dans les mé- constellation : Virginie Linhart, tellectuels égyptiens coutumiers sa fille, publia à son tour un livre des cartes blanches signées d’un moires, dont la mienne. Qu’on se souvienne… Un pe- touchant, induit par le mutisme de seul pseudo : Mahmoud Hussein. tit livre m’avait marqué dans ces son père, et réalisa un documen- On se souvient de ce nom figuannées-là : On a raison de se taire où elle part à la rencontre rant en couverture d’un livre paru révolter, signé Sartre, Gavy et… des enfants des leaders (les ju- en 1969 aux éditions Maspéro, La un certain Pierre Victor, qui n’est déo-leaders) de 68 (éditions Du lutte de classes en Egypte. Mais voilà que Marie-Hélène me autre que le pseudo militant de Seuil, 2008). Pour la petite – si celui qui redeviendra Benny Lévy pas la grande – histoire : c’est à rappelle. « Tu sais, je suis en train et, sous ce nom retrouvé, le secré- Pierre Victor qu’on attribue le re- d’exhumer ma cave. J’ai trouvé taire de Sartre à la fin de sa vie. fus d’une réponse violente à l’as- quelque chose pour toi… » n Ils publieront des entretiens cosi- sassinat du militant Pierre Over-

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diaspora(s) Dissent (traduction) Mikhail Krutikov1 Titré Di linke yerushe un yidisher tsulehakhes (L’héritage de la gauche et le Dissent juif), cet article est paru dans l’édition en ligne du Forverts, journal yiddish new-yorkais, en date du 11 novembre 2013 (http://yiddish.forward.com). La revue Dissent, auquel il est consacré, fêtera en 2014 ses 60 ans. Elle est accessible sur le site www.dissentmagazine.org.

L

’histoire culturelle juive emprunte des chemins enchevêtrés et parfois tortueux. La période actuelle se caractérise par une cassure entre les générations. L’héritage spirituel n’est pas transmis directement des parents aux enfants mais par delà une ou deux générations. La revue Dissent qui célèbre son soixantième anniversaire appartient à la tradition critique. Bien qu’elle ne soit pas une revue juive, elle perpétue l’ancienne tradition juive de la pensée indépendante de gauche. Parmi ses ancêtres passés depuis longtemps de vie à trépas, on compte par exemple les fraye shriftn farn yidishn sotsyalistishn gedank (Écrits libres pour la pensée juive socialiste) publiés dans la Pologne d’avant le judéocide par Yitskhok-Nakhmen Shteynberg. Dissent a été fondé en 1954 par un groupe de jeunes intellectuels new-yorkais de gauche, déçus tant par le modèle soviétique de socialisme que par le capitalisme réel américain. Il se situèrent entre les deux mondes. Leur position critique a contribué aux protestations sociales des années 60 mais ils n’en étaient pas pour autant eux-mêmes des radicaux.

Ce n’est sans doute pas un hasard si, c’est dans les années 50 qu’on s’est mis à faire la somme de l’héritage culturel yiddish. Et c’est le même homme, le critique littéraire Irving Howe2, qui a porté les deux projets,. Son travail sur l’anthologie A Treasury of Yiddish stories l’aida ainsi qu’il le raconte dans son autobiographie3 « à se sentir en accord avec lui-même ». Dans un certain sens, sa fonction de rédacteur en chef de Dissent a eu le même effet curatif. Il resta de gauche sans devoir pour autant suivre une quelconque ligne de parti ou défendre quelque politique que ce soit. Le statut de Dissent, qui aborde des thématiques actuelles tout en entretenant une certaine distance avec l’actualité politique, représente un grand avantage. La revue propose différents points de vue dans le cadre d’un large diapason libéral de gauche et n’exige aucune unanimité. L’approche critique d’Israël et du sionisme le démontre clairement. Ainsi que l’explique Michael Walzer4, qui appartient à l’ancienne génération de l’actuelle rédaction, « notre yiddishkeyt est plus ancrée dans le politique que cela ne le fut précédemment ». Walzer soutient que la ferveur et la passion mises par la gauche juive dans la

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critique de la politique israélienne s’expliquent par son implication dans ces questions : « Je veux que le retour du peuple juif à l’Histoire et à la souveraineté politique se passe dans de bonnes conditions ». Dissent pourrait trouver son équivalent en yiddish dans l’expression oyf tsu lehakhes5. Cette tradition juive débuta avec la Haskalah sinon plus tôt encore. La génération actuelle des «Dissentniks» prolonge cette tradition. Beaucoup d’attention est portée non seulement aux préoccupations politiques, économiques ou sociales du moment mais aussi à leur arrière-plan historique. On rappelle constamment les ancêtres des «  dissentniks  » d’aujourd’hui, de Karl Marx à Alfred Kazin5. Mais une chose reste inchangée. Dissent regarde le monde à l’aide d’une loupe new-yorkaise. Un article consacré à Israël et au sionisme commence par ces mots : « Lors d’une réunion à Manhattan il a été question des points suivants… » New-York reste bien sûr la capitale juive des États-Unis et Dissent n’a pas renoncé à aborder les questions et préoccupations juives. Mais c’est le concept lui-même de yiddishkeyt qui n’a cessé de changer avec le temps

t J c d

l l y v r s 6 c d c


e n e e -

n e a s t s i n d

. e n u s s n s t a s

tandis que chaque génération de Juifs new-yorkais doit réinventer ce qu’est son attachement au judaïsme. La variante new-yorkaise de la yiddishkeyt était liée au sécularisme, au socialisme et au yiddish  ; elle s’est ensuite investie politiquement dans Israël et le combat pour les Juifs soviétiques ; à partir des années 60, la spiritualité a été recherchée dans de nouvelles formes d’identité religieuse. Les anciennes ressources sont aujo-

urd’hui presque toutes épuisées et ce qu’il reste encore à faire manque de clarté. Il semble aussi que l’intelligentsia libérale newyorkaise quitte progressivement le centre de la scène juive. Les anciennes idées ont perdu leur force magnétique et sont devenues une sorte de jeu à usage interne. Dissent possède une riche tradition critique et un sens aiguisé pour l’analyse historique. Ses auteurs maîtrisent de nombreux sujets, de l’économie globale aux coutumes des tribus africaines. Il reste

cependant une tribu dont l’héritage reste jusqu’ici fort peu interrogé : la judaïcité new-yorkaise et la culture yiddish. Quand la jeune génération de « dissentniks » évoque le yiddish, il n’est question que du shtetl et du « violon sur le toit » et non des écrivains, penseurs, artistes et journalistes yiddish américains qui se comptaient par dizaines. Leurs œuvres n’apporteront évidemment pas de réponse toute faite aux questions que nous nous posons mais elles peuvent revigorer les débats en cours. C’est ce qu’Irving Howe avait jadis compris. n Traduit du yiddish par Alain Mihály Mikhail Krutikov est professeur associé d’études slaves et juives à l’université du Michigan et chroniqueur régulier au Forverts. 2 Irving Howe (1920-1993), une des figures les plus marquantes de la gauche newyorkaise. Parmi ses nombreux ouvrages : A Treasury of Yiddish stories, editor with Eliezer Greenberg, NY, 1954 ; A Treasury of Yiddish Poetry, editor with Eliezer Greenberg, NY, 1969 ; World of our fathers ; the journey of the East European Jews to America and the life they found and made , NY, 1976 (Trad. française : Le monde de nos pères. L’extraordinaire odyssée des Juifs d’Europe de l’Est en Amérique, Michalon, 1999). À relever également, The Penguin book of modern Yiddish verse, ed. Irving Howe, Ruth Wisse and Chone Shmeruk, NY, 1987. 3 A Margin of Hope: An intellectual Autobiography, 1982. 4 Michael Walzer, philosophe juif américain, co-rédacteur en chef émérite de Dissent. Voir par exemple en français son Traité sur la tolérance, Gallimard,1998. 1

« pour agacer ». Alfred Kazin (1915-1998), écrivain et critique juif new-yorkais, de gauche modérée. Proche ami de Hannah Arendt. Il a été peu traduit en français (voir le récit de son enfance de fils d’immigré : Retour à Brooklyn, 1965). Son fils Michael Kazin est l’actuel rédacteur en chef de Dissent.

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réfléchir Les voyages forment la vieillesse jacques aron

P

ourquoi voyage-t-on encore à l’heure où la télévision fait entrer le monde et le passé virtuel chez soi, si ce n’est pour mieux se connaître au contact et dans le miroir des autres ? Et puisqu’il ne nous est pas donné de remonter le cours du temps, l’espace doit nous en fournir un substitut. Il apparaît alors bien vite que le temps linéaire auquel nous avons pris l’habitude de croire comme s’il était réel n’est pas celui du vivant mais son échelle abstraite de référence  ; des temps très différents cohabitent dans le vécu des hommes. Et ce choc se révèle particulièrement là où s’interpénètrent des mondes aux rythmes inégaux, dont les traces imprègnent autant les êtres que les lieux. Depuis des millénaires, les hommes s’attirent ainsi autant qu’ils se repoussent. * Plutôt que de voir Vesoul, nous sommes allés à Istanbul, alias Constantinople ou Byzance. Deux mille cinq cents ans de croisements incessants, terrestres ou maritimes. Premier paradoxe : le centre marqué par ses mosquées à couper le souffle est sur la rive européenne du Bosphore ; la ville au profil occidental sur sa rive asiatique. Tout s’y mélange sans cesse en un jeu de renvois incessants. Chaque décor en cache un autre : l’ancien et le moderne, tour à tour désirés ou rejetés, l’authentique et le kitsch, l’opulent et le misérable. Rêve d’Orient ? Dif-

ficilement évitable pour un Européen. Combien ne suivent-ils pas les traces de Pierre Loti, lui qui pestait déjà contre les touristes pressés « vomis » par l’Orient-Express (le City-trip), pour se réfugier aussitôt dans les hammams ou dans la fumée partagée des narguilés. « Qui me rendra ma vie d’Orient, ma vie libre et en plein air, mes longues promenades sans but, et le tapage de Stamboul ? » L’enlèvement au sérail de sa belle Stambouliote Aziyadé – le thème de son premier roman – appartient à une autre époque. Nous aussi, nous l’avons suivi pas à pas depuis la Mosquée d’Eyoub (Eyüp) jusqu’au café qui porte son nom, par le sentier escarpé du cimetière à flanc de colline. Au milieu d’une foule de pèlerins venus de partout pour les Fêtes du sacrifice d’Abraham, père d’Ismaël autant que d’Israël. Nous non plus, nous n’aurons pas boudé notre dose de senteurs et de couleurs locales, la profusion du Grand Bazar, les épices du Bazar égyptien, mais aussi ces commerces en tous genres, tellement nombreux que l’on se demande bien qui achète tant de bijoux (vrais ou faux), de vêtements, de chaussures, de pâtisseries et de friandises, d’accessoires et de rebuts d’une société de consommation débordante. Sans parler des marchands ambulants et des racoleurs de tout acabit. * Chacun se prépare au voyage d’une autre façon et y emporte

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son imaginaire. Avec ou sans guides, de chair ou de papier. Depuis Baedeker, des milliers d’ouvrages s’impriment chaque année, plus ou moins futés, plus ou moins savants, plus ou moins épais ou illustrés. Ce qui a fondamentalement changé en une vie humaine, c’est la manière de voir. J’ai hérité de l’album de voyage d’un oncle, philologue classique et archéologue : son périple grec effectué l’année de ma naissance, illustré de minuscules photos en noir et blanc aux bords dentelés. Ses guides de voyage dépourvus d’illustrations doublaient de volume par les notes qu’il y insérait. Avons-nous croisé aujourd’hui un seul touriste (turc ou étranger) qui n’ait l’œil de son portable ou d’un autre appareil ? Jamais nos prothèses n’ont pris autant de place. Selon leur condition sociale, les femmes voilées enregistrent goulûment le monde dont elles se cachent sur leur tablette ou leur GSM. Mais leur cornet de crème glacée a fondu avant qu’elles n’aient trouvé un endroit discret pour la lécher. En files compactes, tous les fantasmes des voyeurs du monde entier convergent vers le harem déserté de Topkapi. * L’Empire ottoman – et la Turquie sur sa lancée – se sont modernisés plus tard que les grandes nations industrialisées d’Occident. D’abord sous le règne des derniers sultans, et ensuite de la révolution des Jeunes Turcs et de la république proclamée en 1923


par Mustafa Kemal (1881-1938), dit Atatürk, le « père de la nation ». Les tombeaux des souverains et les statues d’Atatürk jalonnent la ville. Cours d’histoire à la clé. Abdülhamid II (1876-1909), le sultan rouge (du sang des premiers massacres d’Arméniens), y est présenté comme un génie politique « athlétique, sportif, pieux et courageux, instruit dans la mystique musulmane  ». Il serait parvenu à ramener la dette de l’empire de 252 à 30 millions de pièces d’or, malgré ses réceptions somptueuses au chalet du château de Yildiz. Où il accueillit Guillaume II – et notre Léopold, deuxième du nom. Rien n’a changé dans le bureau où l’empereur d’Allemagne reçut en 1898 Herzl venu plai-

der la cause du sionisme, le retour à Sion. « Très bien, dit Guillaume II, les usuriers y seront mieux que chez nous. » Herzl fit semblant de n’avoir pas entendu. Il pensait avoir de meilleurs arguments : « Nous empêcherons ainsi les Juifs de rejoindre les partis révolutionnaires. » La rencontre avec le sultan, en 1901, ne donna aucun résultat. Atatürk, de son côté, créa l’État turc moderne, séparé jusqu’à un certain point de l’islam – qui, sous sa forme sunnite, y reste la religion dominante et très présente. Pas moyen d’échapper 5 fois par jour à l’appel à la prière des hautparleurs. Ô technique ! Ni la foi, ni la voix ni les jambes des muezzins ne les poussent plus à gra-

vir les minarets dès 5 heures du matin. L’alphabet latin a remplacé la calligraphie arabe dans laquelle excellaient encore les sultans. La polygamie fut abolie. Et les femmes votèrent en Turquie avant de le faire en Belgique. Le guide que j’emportais – Points critiques s’interdit toute publicité – m’avait intrigué par ces quelques lignes : « De 1929 à 1933, Léon Trotski habita l’une des plus belles demeures de Büyükada, située…  » Ce fut l’une des raisons qui nous menèrent sur la plus grande des îles des Princes, en mer de Marmara, à 20 km environ de l’embarcadère au pied de Taksim. On y respire l’iode, la résine et le crottin, la voiture y étant interdite. Je n’ai pas encore compris la mention d’une villa disparue sans laisser de trace autre que le souvenir de cet exil forcé du fondateur de l’Armée rouge. Sans doute la doit-on au feuilleton cinématographique à succès d’un scénariste turc, que le lecteur intéressé peut retrouver sur You Tube1. On y apprend qu’Atatürk accueillit et protégea Trotsky à l’époque où celui-ci plaçait encore tous ses espoirs dans la révolution allemande. Mais l’exilé dut se chercher un autre asile – ce fut d’abord Paris avec tous les interdits diplomatiques d’usage –, dès que l’hôte encombrant mit en péril le rapprochement entre la Turquie et le puissant voisin soviétique. Une page parmi d’autres dans l’histoire de cette ville. Aujourd’hui les pétroliers remontent vides le Bosphore pour aller chercher leur précieuse cargaison en Mer noire. Istanbul à la croisée des chemins entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud. n « Leon Trotsky. Exile in Büyükada. Parts 1-6 ». Récit lu en anglais​par Vanessa Redgrave.

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politique d’asile Stopper la criminalisation pour renforcer la solidarité le comité de soutien aux inculpés du NoBorder et du cas

C

es 20 et 27 novembre 2013 verront se dérouler deux procès en appel, à Bruxelles, à l’encontre d’activistes de deux collectifs de soutien aux migrants « sans-papiers », le NoBorder et le Comité d’Actions et de Soutien (CAS). Le premier procès concerne deux activistes qui ont participé, en septembre 2010, à une manifestation devant le centre fermé 127bis à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de Semira Adamu. Sur place, les manifestants se sont retrouvés coincés par un dispositif policier disproportionné (brigades à cheval, brigades anti-émeutes). Lors de la dispersion de la manifestation, un policier est tombé de son cheval et s’est vraisemblablement blessé. Deux arrestations musclées d’activistes s’en sont suivies entraînant l’hospitalisation de l’un d’eux. Alors qu’aucun élément ne permettait d’établir la responsabilité de ces personnes dans la chute du policier, celles-ci se sont néanmoins retrouvées inculpées pour « rébellion » et « rébellion armée ». En première instance, ces activistes ont été condamnés : l’un à un emprisonnement de 6 mois avec un sursis de 5 ans et l’autre à un emprison-

nement d’un an avec un sursis de 5 ans. Le second procès concerne six activistes du Comité d’Actions et de Soutien aux migrants « sans-papiers  » (CAS), un collectif fondé suite aux occupations de migrants « sans-papiers » sur le campus de l’Université libre de Bruxelles en 2008. Ces militants ont été poursuivi pour deux de leurs actions. Ils ont été condamnés à un mois de prison avec un sursis de 3 ans et à verser des astreintes au fond des victimes de violences volontaires. Lors de la première action, quelques membres du CAS se sont opposés pacifiquement à la rafle de 54 migrants afghans et iraniens qui occupaient le hall du Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides. Après une interpellation sans ménagement, trois membres du CAS ont été inculpés. Quelques mois plus tard, alors que la ministre de l’immigration de l’époque, Annemie Turtelboom (Open-VLD), demeurait sourde aux multiples demandes des collectifs de « sans-papiers » d’appliquer la circulaire gouvernementale sur les « attaches Durables », 21 membres du CAS ont fait irruption dans un meeting de lancement de la campagne électorale des partis libéraux européens. Alors que ces militants quittaient

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pacifiquement les lieux, ils ont été violemment arrêtés. Six policiers se portèrent partie civile pour réclamer des dommages et intérêts, alors que 6 activistes furent condamnés pour « rébellion ». Ces procès des 20 et 27 novembre sont la conséquence de la criminalisation de plus en plus systématique de la résistance légitime à la politique migratoire belge et européenne inhumaine et criminelle. Par ce procédé pervers, il s’agit en réalité de masquer la violence des politiques migratoires des migrants «  sans-papiers  ». Dans ces procès, comme dans de nombreux autres, alors que les forces de l’ordre n’ont pas hésité à faire un usage de violences physiques et verbales, il s’agit de renverser la responsabilité de l’exercice de la violence en faisant passer l’agresseur pour une victime. À travers les accusations floues et mal définies, regroupées sous le concept juridique de « rébellion », il s’agit de fabriquer l’image d’un noyau dur et « anti-police » et légitimer, a posteriori, l’exercice excessif de cette violence par la police. Ces procès, généralement instruits à charge des inculpés, cautionnent la répression policière qui n’a d’autre but que de briser les solidarités et les résistances.

A d a t e C p d e a d d a f

r m d d t c d m r d g n s d g à v v l d v n


é s t

e s e é s x e n t a a s t t u , f . e r .

Ainsi déplacés sur la scène judiciaire, les actions de soutien aux migrants «  sans-papiers  » se trouvent coupées de leur contexte et vidées de leur portée politique. Cette tendance au contrôle de la population et à la criminalisation des actions politiques s’accentue encore d’avantage avec le nouvel arsenal anti-terroriste qui permet de criminaliser une « présomption d’intention » et plus seulement les actes commis (nouvelle loi du 18 février 2013). Les politiques belges et européennes en matière d’immigration n’ont cessé de se durcir : non-respect du droit d’asile, dégradation des politiques d’accueil, militarisation du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, traque des migrants « sans-papiers » à l’intérieur des frontières, construction de nouveaux camps pour étrangers... Nos États qui mènent de nouvelles guerres (post)coloniales sous couvert de droits de l’homme dans de nombreux points du globe n’hésitent pas à traquer, à rejeter dans la clandestinité voire à expulser au risque de leur vie les ressortissants de ces pays lorsqu’ils arrivent chez nous pour demander l’asile institué par diverses conventions internationales. La mort affreuse et régu-

lière de centaines de migrants en Méditerranée, – le dernier drame de Lampedusa en est encore une illustration –, l’exploitation des travailleurs « sans-papiers », la violence des rapatriements forcés sont la conséquence directe de ces politiques. En même temps que les droits sociaux sont partout sacrifiés sur l’autel de l’austérité, l’Europe s’enfonce aussi dans une xénophobie nauséabonde dont l’islamophobie est aujourd’hui le signe le plus explicite. Dans ce contexte délétère, nous disons avec les inculpés du NoBorder et du CAS, avec les collectifs de migrants «  sans-papier  », qu’ils ont raison de se révolter. On a raison de se révolter contre le sort réservé à ceux qui n’ont rien fait d’autre que de tenter d’échapper à ce qui est devenu invivable ailleurs, pour aller là où vivre redeviendra possible. Afin de lutter contre la criminalisation des solidarités, un comité de soutien aux inculpés du CAS et du NoBorder s’est créé. Si celles et ceux qui sont aujourd’hui sous les coups de la justice sont poursuivis parce qu’ils ont réussi à ébranler un tant soit peu le sentiment d’impuissance qui nous est inculqué ; s’ils sont considérés comme dangereux parce que leurs actions pourraient en appeler d’autres et

menacer un ordre public de plus en plus fondé sur la résignation, alors nous nous déclarons solidaires de ces actions ainsi que de toutes celles qui visent à transformer en profondeur les politiques d’accueil des étrangers « sans-papiers ». En conséquence, nous exigeons l’arrêt des rafles et des expulsions, la fermeture des centres fermés ainsi que la régularisation de toutes les personnes « sans-papiers ». Nous défendons l’institution d’un droit nouveau de la liberté de circuler des humains, ainsi que le renforcement des droits au logement, au salaire et à la sécurité sociale, par dessus les frontières. Nous appelons à un grand rassemblement les 20 et 27 novembre prochains à partir de 9h devant le Palais de justice de Bruxelles. n (http://comitedesoutienbxl.blog.com)

Cette carte blanche est parue dans Le Soir du 14 novembre 2013. La liste des signataires est accessible sur le site de l’UPJB : www.upjb.be

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Yiddish ? Yiddish ! par willy estersohn

‫גאס‬ ַ ‫די לעצטע‬ Di letste gas La dernière rue

L L E m

L’auteur de ce poème, Abraham Reisen (‫ אֿברהם רײזען‬Avrom Reyzen), est né en 1876 en Russie dans une famille où la poésie n’était pas une abstraction. Son père, Kalman, écrivait des vers tant en hébreu qu’en yiddish. Sa sœur, Sarah, traductrice, versifiait également. Enfin, son frère, Zalman, fut un philologue apprécié. Abraham Reisen se mit à écrire de bonne heure : il était encore adolescent lorsque les deux géants de la littérature yiddish classique, I.L. Peretz et Sholem Aleykhem, reconnurent son talent et favorisèrent la publication de ses poèmes précoces. Il s’installa à New York en 1914. Reisen partagea les préoccupations sociales des poètes prolétariens yiddish installés aux Etats-Unis longtemps avant lui, mais il n’adhéra pas à leur « rhétorique propagandiste » (*). Nombre de ses poèmes sont devenus des chansons. Certaines d’entre elles ont été interprétées lors de rassemblements ouvriers. Beaucoup de nouvelles de Reisen parurent dans plusieurs publications – dont des quotidiens – auxquelles il collaborait régulièrement. Il s’éteignit à New York en 1953. (*) Sur le site de la Jewish Virtual Library.

,‫שטאט‬ ָ ‫גאס ֿפון‬ ַ ‫די לעצטע‬

,‫הײזער ַאזוי קלײן‬ ַ ‫די‬

shtot fun gas

kleyn azoy hayzer di

gas fun hoyz

shtil azoy shkheynim di

dos

breyt

vi

geroysh

derfar

shpas

un

um zikh

kukst du vu

un

;‫דײן אויג זיך העלט און קװעלט‬ ַ un

helt zikh oyg dayn

,‫שטאט‬ ָ ‫דא ענדיקט זיך די‬ ָ shtot

di zikh

endikt

do

di on zikh heybt

do

.‫דא הײבט זיך ָאן די װעלט‬ ָ velt

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di

shtotishn nokh

a vi do

,‫און װּו דו קוקסט זיך אום‬ kvelt

letste

.‫שּפאס‬ ַ ‫דא װי ַא‬ ָ ‫קוקט אויס‬

.‫און הימל ַאזוי ֿפיל‬ fil azoy himl

di

‫שטאטישן גערויש‬ ָ ‫נאך‬ ָ

‫דאס ֿפעלד‬ ָ ‫דערֿפאר װי ברײט‬ ַ feld

letste

: ‫גאס‬ ַ ‫די לעצטע הויז ֿפון‬

;‫די שכנים ַאזוי שטיל‬

oys

kukt


! ‫יִידיש ? יִידיש‬ Traduction La dernière rue de la ville,/La dernière maison de la rue./Après la rumeur urbaine/Le lieu à l’air d’une facétie. Les maisons si petites,/Les riverains si paisibles,/Raison de l’ampleur des champs/Et du ciel si encombré. Et de quelque côté que tu regardes,/Ton œil s’éclaire et rayonne de joie./Ici se termine la ville,/Ici commence le monde.

remarques

‫ אויסקוקן װי‬oyskukn vi = ressembler à, avoir l’air de. ‫ הַײזער‬hayzer : plur. de ‫ הויז‬hoyz = maison. ‫שכנים‬ shkheynim : plur. de ‫ שכן‬shokhn (hébr.) = voisin. ‫ דערֿפַאר‬derfar = pour cette raison, parce que. ‫ זיך אומקוקן‬zikh umkukn = regarder de tous côtés. ‫ זיך ָאנהײבן‬zikh onheybn = commencer.

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anne gielczyk

Testostérone

B

onjour les amis. Dites, vous vous souvenez du viagra pour les femmes ? Mais oui, je vous en avais parlé, c’était en 2004… ouille ! ça fait quand même dix ans, le temps passe, le temps passe… Ça s’appelait le « Viacrème », j’avais même ajouté une illustration : une jolie boite mauve – très féminine – avec dedans alignés comme dans

un écrin douze petites doses de cet élixir sensé nous amener au septième ciel. Seulement voilà, cela n’a pas vraiment marché, car ce produit était en fait un resucé si j’ose dire d’un autre produit de la marque pharmaceutique Lexxus, le « Lexlips » destiné à gonfler les lèvres. Les autres. Enfin quelles qu’elles soient en fait, mais avec cette particularité que le

menthol contenu dans la crème provoquait certes un gonflement des dudites lèvres mais aussi une sensation de réfrigération plutôt anesthésiante. Exit donc le Viacrème. D’autres géants du secteur s’étaient également attelé à la tâche, dont Procter&Gamble et, bien sûr, Pfizer, la firme qui a inventé le Viagra, mais tous avaient abandonné car les effets n’étaient pas concluants. Le responsable du programme de recherche de Pfizer avait même déclaré, après huit ans de recherche sur un échantillon de pas moins de 3000 femmes, que décidément « l’organe sexuel par excellence des femmes ce ne sont pas les organes génitaux mais le cerveau ». Freud l’avait déjà dit : « que veut la femme ? » Mystère… Mais soit, Pfizer n’a pas laché le morceau pour autant, il faut dire que ça peut rapporter gros, une femme sur cinq (selon Pfizer, méfions-nous quand même) souffrirait d’un manque de libido.

A

ujourd’hui, dix ans plus tard, nous apprenons qu’ils sont en passe de mettre sur le marché pas moins de deux viagrettes. C’est un chercheur hollandais, un certain Adriaan Tuiten, qui a fait cette découverte aussi surprenante que lucrative, les femmes n’ont pas un, mais deux problèmes qu’il

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faut « soigner » séparément: la panne de désir et la panne de jouissance. Il faut donc deux médicaments : ils s’appelleront Lybrido et Lybridos et seront en vente à partir de 2016. Lybrido pour agir sur la libido, Lybridos sur le cerveau pour lever le blocage au moment de la jouissance. Tous deux contiennent néanmoins de la testostérone, l’hormone mâle. La potion magique. Eh oui les filles, on savait déjà qu’il nous manquait quelque chose, que cette chose était bien évidemment l’apanage de la gent masculine. Cette chose porte aujourd’hui un nom: la testostérone ! Malheureusement, la testostérone, ça peut aussi faire des dégats. J’en ai fait l’expérience l’autre jour. Alors que je conduisais tranquillement ma petite Smart sous le tunnel de l’avenue Louise en respectant scrupuleusement a limite de vitesse de 50 km/h, j’ai vu dans mon rétroviseur s’approcher dangereusement un SUV énoooorme dont les phares puissants à hauteur de mon rétroviseur (ou presque) m’intimaient de me rabattre sur la droite. Après une rapide évaluation de la situation, j’ai jugé que ce n’était plus possible car la bande de droite tournait bientôt à droite et moi je continuais tout droit vers la place Poelaert. J’ai donc

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Que veut la femme ? De la testostérone !

poursuivi tranquillement ma route et en réponse aux klaxons et aux appels de phares insistants du monstre derrière moi, j’ai fait ce geste incroyable, très « testostéronien », mais tellement jouissif, j’ai levé mon majeur. On appelle ça je crois, un doigt d’honneur. Je suppose que le sang de mon poursuivant n’a fait qu’un tour, car en sortant du tunnel et malgré mes efforts frénétiques, je n’ai pu empêcher l’engin de venir se presser à côté de mon véhicule. J’ai alors aperçu un gros tas de testostérone qui vociférait des mots que je ne pouvais (et ne voulais) comprendre puisque nous avions tous deux les vitres fermées. Je l’ai regardé du haut de ma progestérone, j’étais d’un calme olympien, et j’ai poursuivi ma route, imperturbable, le forçant avec ma petite Smart à se ranger derrière moi. Un vrai plaisir, que dis-je une jouissance

proche de l’orgasme. On sait donc ce qui nous attend les filles si nous nous mettons à bouffer de la testostérone. Nous, si délicates et si fines, nous allons devenir grossières et aggressives et tout ça pour ça ! C’est cher payé pour quelque chose qui n’est même pas sûr. Moi la petite pilule magique j’ai quand même des doutes, car je peux vous assurer, que rien, même pas une boite entière de Lybrido ne me donnera envie d’un mec pareil !

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ans le même ordre d’idées et à titre purement illustratif, j’éprouve la même aversion à l’évocation d’un personnage pourtant pas dénué de sex appeal s’il faut en croire sa popularité électorale, j’ai nommé Emir Kir, bourgmestre de Saint-Josse. Notre Valls(eke) local. Sans doute était-il en

manque de testostérone quand il s’est présenté aux élections communales sous le slogan « pour une commune solidaire, dynamique et ouverte à tous et à toutes ». Aujourd’hui, nous ne retriendrons de ce programme que le qualificatif « dynamique ». Et encore, le mot est faible. Même si la commune la plus pauvre du pays ne peut pas accueillir toute la misère du monde, ce n›était pas une raison pour envoyer 200 policiers armés jusqu’aux dents pour déloger quelques dizaines de sanspapiers et leurs enfants ! Le père fouettard, à côté de ça, quoiqu’en pense l’ONU, c’est de la gnognote, un gentil nounours. Bien que… il a de grosses lèvres rouges, le père fouettard, aurait-il abusé de crème à la testostérone ? Non, ça fait partie du personnage, un peu cliché, faut bien le dire : crolles noires et grosses lèvres rouges sur visage passé au cirage couleur marron. En Flandre et aux Pays-Bas, il s’appelle Zwarte Piet, pas Piet, Zwarte Piet. Parce qu’il est passé par la cheminée vous me dites ? Et les crolles, et les grosses lèvres rouges, ça s’attrappe aussi dans la cheminée ? Et si c’était un gars blanc, habillé de noir, au nez crochu et aux pieds plats, courbé, trainant un sac plein de pièces d’or qui s’appellerait le Juif Süss, vous diriez quoi ? Non les amis, en ces temps de guenons et de peaux de bananes, osons un rêve : un SaintNicolas noir et un père fouettard blanc à la tignasse blonde, un peu comme Geert Wilders, le nouveau copain de Marine Le Pen. Pas sûre qu’ils apprécieront. Trop de testostérone n’est-ce pas. n

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activités vendredi 6 décembre à 20h15 Hommage à Bernard Fenerberg et aux cinq autres résistants qui sauvèrent de la déportation 14 fillettes juives et leur accompagnatrice Le 20 mai 1943, un groupe de résistants sous le commandement de Paul Halter décida de sa propre initiative de confier au Comité de Défense des Juifs 14 enfants et leur accompagnatrice, découvertes par la Gestapo au Couvent du Très Saint Sauveur à Anderlecht et promises à la déportation. Bernard Fenerberg présentera le livre qu’il vient de consacrer à ce sauvetage exceptionnel sous le titre : Ces enfants, ils ne les auront pas ! (Éditions Couleur Livres), préfacé par Anne Morelli. Ce sera aussi l’occasion de voir le court film réalisé par son fils Gérald Fenerberg : une série émouvante d’interviews des survivantes de cette audacieuse opération à laquelle prirent encore part Floris Desmedt, Andrée Ermel, Jankiel Parancevitch et Tobie Cymberknopf. PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

dimanche 15 décembre de 14h à 17h Atelier de fabrication de produits de beauté bio • •

Réalisation de 4 recettes à base d’huiles végétales, de cire d’abeille, d’argile, d’huiles essentielles..., testées, éprouvées, utilisées personnellement par Catherine (de Lokshn) jusque 16 h Pause gâteaux et échange de recettes entre les participants

Apportez vos grimoires et des petits pots et bouteilles pour y mettre vos préparations. PAF: 10 € pour les ingrédients et les contenants – Inscription indispensable : upjb2@skynet.be

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club Sholem-Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

Jeudi 5 décembre

Israël, Syrie, Iran… Et la Palestine ? Avec Henri Wajnblum, rédacteur en chef de Points critiques.

Jeudi 12 décembre

« Aller vers l’Autre : Oui, mais pas sans biscuits ! » À partir d’exemples personnels, tirés d’histoires vécues, nous irons à la découverte du Blues afro-américain dans les ghettos U.S. avec André Hobus, ancien instituteur et directeur d’école, amateur et collectionneur de Blues.

jeudi 19 décembre

Après-midi de fin d’année 2013 avec le duo Anda la Iré, Christina Requena Lopez (chant) et Gilles Daems (guitare). Passionné, tendre, chaleureux, ce duo interprète des chansons en espagnol et en français. Inspiré par les rythmes latins,

leur répertoire fait la part belle aux classiques du genre (d’Almodovar à Buena Vista Social Club) mais aussi aux compositions originales. Congés de Noël et Nouvel An du 21 décembre 2013 au 5 janvier 2014

jeudi 9 janvier 2014

À l’occasion de la nouvelle année : après-midi festive ! • Concert avec Maroussia et son accompagnateur, Igor Beer (études musicales au Conservatoire de Moscou, piano, guitare, accordéon) • Goûter maison • Bilan des activités du dernier trimestre • Propositions d’activités futures

et aussi... du 27 novembre au 20 décembre à la Maison du Livre* Vivre pour aimer  Exposition de dessins originaux de Sarah Kaliski reproduits dans son livre posthume Vivre pour aimer ! (Didier Devillez Editeur) et hommage dessiné à Sarah par Chaïm Kaliski Sarah Kaliski est aussi l’auteur, chez Fata Morgana, de Quel est ton nom petit ? Louis-Ferdinand Céline, Le sexe du mort avec Jacques Sojcher, Autres jeunes filles avec Richard Millet et de Je me noie avec Werner Lambersy aux éditions l’Amourier. Vernissage et présentation du livre Mardi 26 novembre à 18h30 Avec la participation de Didier Devillez, Chaïm Kaliski, Marc Quaghebeur et Jonathan Zaccaï (sous réserves) et de Jacques Sojcher, commissaire de l’exposition. L’exposition est visible du 27 novembre au 20 décembre 2013, les mardis de 14h à 17h, les mercredis, jeudis et vendredis de 14h à 18h ou sur rendez-vous. Entrée libre. * 24, rue de Rome 1060 Bruxelles

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activités

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mardi 28 janvier 2014 à 20h

à la Maison du Livre 24, rue de Rome 1060 Bxl

L’UPJB, la Maison du Livre et IMAJ proposent une

Soirée sur les combattants juifs dans la guerre d’Espagne (1936-1939) • Projection de Madrid before Hanita un film de Eran Torbiner, 58’, VO st fr., Israël, 2006 Ce film nous propose de découvrir une page d’histoire, celle de 300 Juifs de Palestine, aujourd’hui Israël, partis combattre le fascisme et rejoindre les Brigades internationales durant la guerre civile espagnole de 1936 à 1939. Beaucoup d’entre eux étaient des communistes, convaincus que le fascisme était le principal ennemi de l’humanité et des Juifs en particulier. Ce film suit leurs histoires en Palestine et à l’aide de documents et de témoignages relate leurs luttes, leurs relations complexes avec la population civile espagnole, leurs amours, leurs déceptions. Les personnages principaux du film sont les derniers témoins de ce combat, les membres de la famille et les proches de ceux qui ont été tués ou sont morts depuis.

• Présentation par Larissa Gruszow, membre de l’UPJB, du livre écrit par son père, Efraïm Wuzek :

Combattants juifs de Palestine dans la Guerre d’Espagne. La compagnie Botwin Efraïm Wuzek (1904-1998) arrive dans les Brigades en octobre 1937. Il est affecté à la Brigade Dombrowski, constituée essentiellement de volontaires d’origine polonaise, parmi lesquels de nombreux Juifs. La compagnie d’Efraïm sera bientôt déclarée « Compagnie juive » et adoptera le nom de Naftali Botwin, en hommage à un jeune militant communiste, condamné à mort quelques années plus tôt pour avoir tué un mouchard. La compagnie juive possède son drapeau et son journal en langue yiddish, et elle prendra part à tous les fronts : Teruel, Guadalaraja, Sierra de Quemada... jusqu’au dernier, celui de l’Ebre. La traduction française, complétée par une présentation rédigée par Larissa Gruszow, des Zikhroynes fun a botvinist (Souvenirs d’un Botwinik), parus à Varsovie en 1964, a été publiée en 2012 aux Éditions Syllepse, collection Yiddishland. (Des « bonnes pages » du livre ont été sélectionnées par Willy Estersohn et publiées dans Points critiques, novembre et décembre 2012, p. 14 et 20).

PAF : 4 €, 2,5 € étudiants et chômeurs, 1,25 € article 27 et entrée libre pour les sans-papiers

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Et aussi... du 2 au 29 décembre 2013 à FLAGEY Rétrospective Nurith Aviv

À l’occasion de la sortie du dernier film de Nurith Aviv Annonces, Dérives et la Cinematek organisent une rétrospective de la cinéaste du 2 au 29 décembre 2013 à FLAGEY.

Annonces

Sept femmes, sept intellectuelles issues de disciplines différentes, apportent chacune leur clé de lecture à trois épisodes tirés des textes fondateurs des religions monothéistes. La confrontation magistrale de la tradition sacrée et de l’intelligence laïque, toujours élevée par une poésie lucide. de Nurith Aviv / France - Belgique - Israël / 2012 / Couleur / 64’ Lun 02.12.13 / 19:30 / FLAGEY - Studio 5 En présence de la réalisatrice Mer 04.12.13 / 19:30 / FLAGEY - Studio 5 Mar 10.12.13 / 17:30 / FLAGEY - Studio 5 Lun 23.12.13 / 18:00 / FLAGEY - Studio 5

Traduire

10 traducteurs parlent des défis de leur métier. Traduttore, traditore…ou l’élaboration d’une philosophie du langage à travers la fonction de traduire... Nurith Aviv poursuit sa réflexion sur les relations complexes entre les mots, leur sens, leurs racines et la culture. de Nurith Aviv / France - Israël / 2011 / Couleur / 70’ L’UPJB est partenaire de la première Mer 18.12.13 / 17:30 / FLAGEY - Studio 5 d’Annonces et offre 5 x 2 places aux Ven 27.12.13 / 21:30 / FLAGEY - Studio 5 premiers lecteurs qui contacteront le Dim 29.12.13 / 18:15 / FLAGEY - Studio 5 secrétariat de l’UPJB :  upjb2@skynet.be

Langue sacrée. Langue parlée

Après avoir été durant des millénaires lié à la pratique religieuse d’une diaspora, l’hébreu n’est devenu que récemment une langue véhiculaire officielle. L’analyse passionnante de la laïcisation volontariste d’un idiome, devenu le ciment d’une nation. de Nurith Aviv / France / 2008 / Couleur / 73’ Sam 14.12.13 / 19:30 / FLAGEY - Studio 5 Mar 17.12.13 / 21:45 / FLAGEY - Studio 5 Jeu 19.12.13 / 19:30 / FLAGEY - Studio 5

Misafa lesafa. D’une langue à l’autre

L’imposition de l’hébreu comme langue d’Etat a forcé les diverses communautés juives à se distancier de leur idiome traditionnel (yiddish, allemand, russe ou autre). Un arrachement parfois violent, le monde des mots étant central dans la constitution de l’esprit. Un superbe essai sémantique qui situe l’humain et ses sociétés dans leurs rapports au langage. de Nurith Aviv / Belgique - Allemagne - Israël / 2004 / Couleur / 55’ Mer 11.12.13 / 21:45 / FLAGEY - Studio 5 Dim 15.12.13 / 15:30 / FLAGEY - Studio 5

Circoncision

Un geste sacré ou médical, étroitement lié à la religion, mais évoqué ici dans un questionnement culturel. Comment un rituel issu de la foi peut devenir un signe d’appartenance, une insertion dans la tradition et l’acceptation d’une identité… de Nurith Aviv / France / 2000 / Couleur / 52’ Ven 06.12.13 / 17:30 / FLAGEY - Studio 5 Ven 13.12.13 / 17:30 / FLAGEY - Studio 5 Sam 21.12.13 / 18:15 / FLAGEY - Studio 5 Tickets et réservations : http://www.flagey.be/fr/tickets

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écrire Le parti pris d’Adèle elias preszow

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robablement qu’il nous restait quelques illusions à massacrer. Mission désormais accomplie, avec l’une des plus tenaces, toujours coincée entre nos dents, celle dont on ne démord pas gratuitement : de nous appartenir, déjà. De le prétendre qu’à l’identique et dans la différence, ce spectre qui hante notre peau, c’est bien nous. Douloureuse constatation, car on se croyait maître au moins de son corps. Mais non : on n’a pas le contrôle de son corps, ni de ses membres. De quel côté aborder le dernier film d’Abdelatif Kechiche aux aires d’assassinat politique  ? Le crime se passe ici, au coin de la rue ou presque : à Lille. De sorte qu’on pourrait aisément s’écrier : que notre peau soit si proche d’être balancée et que, pourtant, il faille partir à sa recherche, la ronger jusqu’à l’os pour effleurer son secret, voilà un vibrant paradoxe qui n’invite pas spécialement au voyage. Et en effet, si c’était pour nous apprendre le néant que nous sommes, il ne serait pas nécessaire de pousser jusqu’à Lille – sa brocante, ses moules – ni d’ôter ses chaussures dans le premier cinéma. Lire les articles, subir les bandes annonces et les panneaux de publicité suffirait pour connaître la vanité d’un tel détour. Le tourisme, telle est notre commune condition de part et d’autre de la frontière, qu’on se

rassure. Mais pour le reste demeure cette question : comment raconte-t-on une histoire, aujourd’hui, et laquelle, puisque c’est la nôtre ? Celle d’une jeune femme, c’est-à-dire d’un morceau de viande, petit paquet de sensations organiques perdu au milieu de tant d’autres, de la foule bariolée et médiocre de ses contemporains. Mais attendons un peu néanmoins. Il se pourrait que La vie d’Adèle soit, en vérité, le récit d’un visage. Immanquable. Rondeur des joues, volume de la chevelure, canines aiguisées. Et qu’il parle d’un cœur, d’une âme, – choisie un jour, repérée quelque part – de ses états, de ses mouvements : de son allure, en fait. D’Adèle, enfin. Une manière d’allonger les jambes ou de les replier contre elle, seule dans la nuit ; de sortir de son lit, de la maison familiale, prendre le bus qui l’emmène chaque matin à l’école. En passe de réussir son bac dans l’espoir de devenir institutrice. C’est avant tout une façon d’exprimer du quotidien : se vêtir, se nourrir… tchatcher avec ses potes ; essayer la vie comme une fringue pendant les soldes, s’y dissoudre bientôt en chevauchements improbables, avant la promesse, d’un jour s’y retrouver... Mais d’abord, comment ne pas se perdre ? Et comment, en ce qui nous concerne, ne pas rédiger le bête compte rendu d’un film parmi tant. Alors qu’il s’agit d’un « moi », d’un « vous », de

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leur communes remises en question. De l’insondable présence d’un nom. D’un nom qui déborde de toutes parts. Celui d’un petit bout d’héroïne qui trace sa route dans un pays, la France, et troque son avenir, au marché maudit de la littérature, du cinéma, silencieusement. Il y a le bruit que fait Marivaux, puis toutes les odeurs du désert qu’il faut éponger : sexe, larmes, fumée de cigarette. Odeur de paroles, bruits de la pluie, reflets qui filtrent entre les barreaux, autant d’appâts, d’indices, de signaux électriques. Des phrases qui éclatent, tel Bob Marley relisant Sartre en impro : Get up, stand up… celles qu’on trouve dans certains livres et qui insistent, qui persistent jusqu’à l’incarnat du rougir lorsque l’autre chose advient, campe et décampe au gré des saisons : la rencontre, avec Emma. Malgré la fatigue et l’ennui du tunnel macabre où nous rentrons surgit un évènement. Expérience du tournant dans laquelle il faut croire et qui déjà nous échappe, fatalement. Impossible confiance : ce manque qui nous tient à la gorge et étouffe parfois jusqu’à l’égarement, tremblements d’air, bifurcations. Voyez-vous combien difficile à atteindre ce point, comme si on ne pouvait qu’éviter le brûlant de ce film, rôdant autour, comme au-dessus d’un vide, par cause même du désir d’en souffler un mot, d’en tirer la substance

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jusqu’au bout. Comme si, parce que tout était vécu d’avance, il fallait le revivre depuis le début, dorénavant, afin de tout oublier entièrement et se réveiller ; perdre la recette pour goûter la saveur du plat qui, sans doute, n’est qu’une chimère aussitôt engloutie, qu’un symbole. Ode à Adèle, Eloge d’Adèle, oui ce serait plutôt ça : Que Vive Adèle ! Ses fesses, ses seins. Aux femmes, embrassées et caressées avec les yeux, écoutées de travers, femmes qui murmurent et s’excitent, pleurent, fulminent, tour à tour s’indifférent et affectionnent, et tourbillonnent en s’éloignant. Aux contorsions qui la poussent, Adèle, à regarder d’un coup derrière elle, oblige à nous retourner sur ses formes, pudiquement ouvertes ; que son secret circule au dehors, à l’air libre, lentement, dans les rues de nulle part qu’elle arpente comme elle peut. Comme l’amour et la foudre. À tomber. Les épaules qui portent et supportent l’esprit tout entier. Ses saccades dans le geste de remonter son pantalon, ses halètements qui réhabilitent toute la pornographie du ciel, tandis que le soleil des caméras frappe la nudité comme un hommage, quand même, face contre terre. Face à face, dos à dos. À peine l’histoire d’une rencontre amoureuse, d’un esclavage épisodique au merveilleux. Rien qu’une guerre inlassable qui arrive, par hasard, soudain nous fait, nous dé-

fait, dans ce pur écart qu’est la liberté : pourparlers incessants, sources intarissables, correspondances impossibles. Du vent dans les feuilles, deux femmes, une lumière qui chavire, ce tempo qui laisse danser les reins et arrondit la bouche, contamine la langue, inonde la rétine ; comme si l’intelligence nous venait de quelque astres oubliés, de quelques incomprises prophéties qui remonteraient le cours du monde reprenant, pour nous seul, son entière, son improbable évolution, entonnant sa glorieuse mélodie. Un miracle au milieu du désastre, cette tourmente qui nous plonge dans la gueule d’un autre, d’une adorée, nous retient à sa surface, infiniment ? Cela est-il réel, conforme, envisageable ? Et sinon le projet original, nulle tricherie, assurément… Qu’on brûle au fer rouge les yeux du premier spectateur qui proclamerait le contraire. Et sans doute est-ce la condition, à minima, pour pouvoir saisir de quoi il retourne avec ce jeu bizarre qui va en ricochets. Espace pervers où se mime la séparation afin de réunir un metteur en scène avec son objet : le plaçant, le déplaçant, à travers morves et sourires, le perdant bientôt, pour le plaisir d’un parterre anonyme dispersé dans la touffeur d’une salle caverneuse. Pendant quelques trois heures, des amis d’un côté et de l’autre de l’écran, du mur, de la toile, veillons ce-

pendant à ne point repousser trop vite le monstrueux de l’affaire, car c’est un piège qui nous est tendu, tout au plus d’un autre genre quoi qu’il reste à découvrir pourquoi. D’où l’aveuglement, la difficulté d’écrire cette article, de le rattacher aux lieux dont il émerge, aux chemins sur lesquels il est né, autant d’élans brisés à force d’impatience. Mais en dessous ça marche du tonnerre, s’éclaire le mouvement comme une vague qui disperserait les mots, dévorerait les discours, renverserait la donne et nous noierait au passage : I follow you, deep sea baby,… le reste n’appartient qu’aux morts, n’estce pas ? Aux images en vadrouille, comme une école intérieure, un apprentissage bon gré mal gré, l’esquive qu’il faut faire et, en faisant, se faire, entre deux eaux. Sur cette ligne de crête, dans cette proximité singulière, ancestrale qui fonde la relation : entre ; entre alliance et séparation, ressemblance et distinction, hostilité et hospitalité, etc... C’est à ce niveau que Kechiche semble se mouvoir, en traître. C’est à partir de là qu’il déploie un art de la déconstruction qui, en même temps, laisse étrangement tout en l’état. Tel un génial restaurateur de statues, d’illusions. n

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vie de l’UPJB Les activités du club Sholem Aleichem jacques schiffmann et Thérèse Liebmann

10 octobre :  L’extrême droite, état des lieux aujourd’hui en Belgique par Manuel Abramowicz, animateur du site ResistanceS.be Auteur très documenté de plusieurs livres et articles sur l’extrême droite en Europe, Manuel Abramowicz est aussi l’animateur du site web RésistanceS.be qui, depuis 1997, est le véritable « observatoire » de l’extrême droite en Belgique. Les recherches d’informations opérées sous un faux nom sur Facebook par les responsables du site leur ont d’ailleurs valu trois procès en correctionnelle à la suite d’une plainte portée par un membre du FN. Ils les ont heureusement gagnés au civil, parce qu’il a été admis qu’ils avaient scrupuleusement respecté la déontologie en matière de journalisme d’investigation et de technique d’enquête «  undercover » (en dissimulant leur identité). L’effondrement du Front national en Belgique – dû à la fois à la qualité de la presse belge et à la mauvaise organisation du parti – ne doit pas nous empêcher de rester attentifs car le potentiel électoral du FN existe pour le 25 mai prochain, avec des slogans islamophobes, anti-immigration et pro-sécuritaires. C’est précisément pour amener ses étudiants à user de vigilance que, dans ses cours de com-

munication et de techniques de la presse écrite, Manu Abramowicz fait l’historique des slogans utilisés par la droite et l’extrême droite depuis les années 30 en les comparant avec ceux qui ont cours depuis les années 1970/80 jusqu’à nos jours. La mise en parallèle est stupéfiante, comme cela ressort des photos qu’il montre à l’appui de sa démonstration. Il contribue ainsi efficacement à l’éducation citoyenne de jeunes provenant de divers horizons. 17 octobre : Colette Braeckman, journaliste reporter au Soir, spécialiste de l’Afrique, nous a parlé de la situation des femmes en RDC. Le viol comme arme de guerre et le rôle du Dr Mukwege, sujet de son récent livre, L’Homme qui répare les femmes. Violences sexuelles au Congo Colette Braeckman nous a fait avec passion une synthèse brillante sur l’inextricable et dramatique situation dans l’Est du Congo, qui a débuté en 1994 lors du génocide rwandais, et un vibrant récit du combat inlassable mené depuis 15 ans par le docteur Denis Mukwege, pasteur et médecin-chef de l’hôpital de Panzi, dans le Sud Kivu. Après sa spécialisation de gynécologie en France, le docteur Mukwege retourne au Kivu, malgré la situation troublée qui a suivi le génocide rwan-

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dais. Après le démantèlement fin 96 des camps de réfugiés, des bandes de Rwandais armés repliés dans la forêt pillent, tuent, violent, répandent le sida et vivent aux dépens de la population civile. Le docteur Mukwege soigne tout le monde, mais son action se tourne surtout vers les femmes de tous âges, victimes de viols sauvages et mutilations suite à la prolifération, à partir de 1998, de groupes armés de toute nature, dont des hutus et tutsis rwandais qui se livrent la guerre en territoire congolais. Pour Colette Braeckman et le docteur Mukwege, les viols publics et les violences sexuelles ne sont pas inscrits dans les gênes congolais et ne s’expliquent ni par la recherche du plaisir ni par le sadisme, mais par une politique systématique de terreur à l’égard de la population qui se transforme au fil du temps en véritable arme de guerre. Le but est d’humilier et de terroriser la population civile, détruire les familles et les communautés, les réduire en esclavage, ou encore les pousser à fuir, pour s’emparer des terres du Kivu riches en minerais, surtout le coltan. Celui-ci fait l’objet de trafics dont tous les acteurs, bandes rebelles, armée congolaise, pays voisins, Monuc, tirent des profits illicites, aux dépens de la population. La pratique de la terreur s’est répandue comme une épidé-

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Braeckman, et l’action inlassable du docteur Mukwege, qui mérite d’être soutenue par des dons via la Fondation Roi Baudouin, au compte : BE10 0000 0000 0404 BIC: BPOTBEB1: avec la communication : ***191/3230/00060*** 24 octobre: Projection du film Das Kind Ce film émouvant relate, 60 ans après les faits, le voyage intime d’Irma Miko, femme très engagée dans le communisme, et de son fils André, à travers l’Europe, sur les traces d’un passé dont elle fut actrice active et témoin.

mie, car d’une part les assassins violeurs jouissent de l’impunité, faute d’une répression efficace de la RDC, et d’autre part suite à des accords de paix boiteux. Au lieu de mettre en prison les chefs de bande, on en fait des partenaires aux négociations de paix ! Le docteur Mukwege a parcouru le monde pour alerter les autorités internationales et pour qu’intervienne une solution politique, qui seule peut mettre fin aux exactions. Son action dérange et il a échappé de peu à un attentat. Si son action est largement reconnue par de nombreux prix, dont en 2011 le prix Roi Baudouin, le danger persiste pour lui et il vit assiégé à résidence dans son hôpital à Panzi, qui ne cesse de s’agrandir. Il a aussi créé à proximité, grâce aux dons et à des micro-crédits, des centres d’activités artisanales permettant aux femmes victimes de rebondir dans la vie. On ne peut qu’admirer le travail d’information de Colette

31octobre : Roland Baumann, anthropologue et chroniqueur de l’héritage judéo-polonais a fait pour nous le point sur le Musée d’histoire des Juifs de Pologne à Varsovie, inauguré en avril 2013 Roland Baumann nous a d’abord projeté une vidéo sur cet impressionnant bâtiment, conçu par des architectes finnois à l’issue d’un concours. Localisé au cœur de l’ancien ghetto, à côté du Mémorial aux héros du ghetto datant de 1948, il est appelé à devenir un symbole marquant de la nouvelle Varsovie. Enveloppé de verre, sur lequel est gravé à l’infini le terme hébreu Polin, « d’ici », traversé en son centre par un canyon symbolisant la rupture, il renferme à l’intérieur, dans un immense patio, des structures très libres qui abritent les différents départements du musée. Si les activités du musée ont démarré en force, avec des expositions temporaires et des évènements culturels dans l’auditorium de 450 places, le cœur du musée, l’exposition permanente qui doit occuper tout le sous sol, à savoir la mise en scène muséale chronologique des 1000 ans de présence

juive en Pologne depuis le Moyen Âge, n’est toujours pas en place, en raison de retards et de manque de fonds. Elle ne serait visible que vers l’automne 2014. Roland Baumann nous a néanmoins gratifiés d’une visite virtuelle qui donne une bonne idée de ce que sera ce parcours muséal allant jusqu’en 1968. Ce très important musée a été financé par l’État, la Ville de Varsovie, le privé et par des dons. Sur le site internet du musée, on constate que les publics cibles visés sont les Polonais, le monde anglo-saxon et les Israéliens, les francophones étant par contre les parents pauvres. Le musée dépend théoriquement de l’Institut Historique juif Ringelblum, qui s’adresse lui avant tout aux chercheurs, mais en réalité il faut craindre la concurrence entre ces deux institutions. Au cours des échanges qui ont suivi la présentation, à côté de certaines vives réactions négatives par rapport aux motivations polonaises supposées, d’autres craignent une orientation muséale donnant une vision un peu idyllique des relations judéo-polonaises passées. D’autre part, les années noires puis tragiques, entre 1918 et 1944, ne peuvent seules rendre compte des 1000 ans de la présence juive, qui a aussi connu son siècle d’or  ! L’antijudaïsme virulent entre 1918 et 1945 avec la montée du nationalisme, le rejet des minorités, et, après guerre encore, les pogroms de Jedwabne et de Kielce, etc..., tout cela trouvera-t-il sa juste place dans cette exposition ou assistera-t-on à une idéalisation, à une lecture orientée de ce passé ? Il faudra juger sur pièces en 2014. Pourquoi pas un voyage organisé par l’UPJB ou le Club ? n

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UPJB Jeunes Un mois éclectique

r s t

Julie Demarez

L R

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epuis le début de l’année, les Jospa assument la relève éducative de l’UPJB-Jeunes avec pour bagage leur expérience d’enfant dans le mouvement de jeunes et les quelques journées destinées à leur transmettre les principes de base du monitorat. Pendant les congés d’automne, quatre d’entre eux ont eu l’occasion de suivre la première partie de la formation de base d’animateurs du CEMEA. Le CEMEA, Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active, est « un organisme d’animation et de formation qui s’adresse aux intervenants de terrain pour leur offrir des outils adéquats de développement et de changement et renforcer leurs compétences  ». La formation de base consiste à « vivre en groupe : communiquer, travailler en équipe, prendre des responsabilités, à pratiquer des activités : jeux, chants, danses, activité manuelles et corporelles, découverte du milieu et à réfléchir au rôle de l’animateur et à l’animation de groupe d’enfants et de jeunes ». Voici leurs impressions : « Dans ce stage résidentiel près de Liège, nous avons eu la chance de rencontrer des personnes de tous les milieux et de tous les âges, tous animés par la même envie d’apprendre et de s’amuser ! Nous étions un groupe de 24 personnes et 5 formateurs et, comme au camp de l’UPJB, nous avions tous des responsabilités envers le groupe (charges, rangements, etc). C’était pour nous

une nouvelle expérience du vivre ensemble mais cette fois ailleurs qu’à l’UPJB-Jeunes. L’ambiance était au rendez-vous ! La formation était essentiellement basée sur la pratique : pas de cours ni de syllabus, juste une participation à tout ce qui était proposé. Jeux intérieurs et extérieurs, bricolages, sports, ateliers d’expressions mais aussi chants et danses, nous sommes de retour avec un bon bagage d’activités en tout genre ! La formation se terminera pour nous avec un week-end entier fin novembre. Nous sommes tous les quatre impatients de mettre en pratique ce qu’on a appris  ! Laurie, Simon, Salomé et Léa ».

lectif des Afghans et se rendront ensemble à Malines visiter le Musée Kazerne Dossin sur l’Holocauste et les Droits de l’Homme. Il fut un temps où les frontières européennes se fermaient aux Juifs victimes de l’antisémitisme, aujourd’hui c’est un arsenal puissant qui se met en place contre ceux qui fuient les régions dévastées du monde. Ce groupe de jeunes ados désirent manifester leur solidarité envers les jeunes Afghans qui se voient refuser la protection internationale par la Belgique et qui redoutent d’être renvoyées

Pour une politique d’asile plus respectable Fin octobre, les Zola ont manifesté contre la politique d’asile européenne de plus en plus restrictive et se sont joint aux quelques 350 personnes qui formaient le cortège. C’est au même moment que le Collectif de soutien des Afghans s’est adressé aux moniteurs présents. Ils ont ensemble décidé de mettre en place une activité commune avec les jeunes afghans. Ainsi, l’’UPJB-Jeunes, Solidarité et le SCI s’associent au Col-

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dans leur pays. Nous sommes là pour rappeler qu’il faut empêcher l’exclusion, la discrimination et l’intolérance et défendre les valeurs fondamentales censées protéger les jeunes. Par cette activité, l’UPJB-Jeunes a montré son opposition à cette politique non

l p B B e l

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à r t n n

Carte de visite respectueuse des droits des personnes et particulièrement des très jeunes.

Les aventures de la Reine de Chat-Ba Le mois de novembre fut aussi l’occasion pour les plus petits de profiter du spectacle de Michèle Baczynsky : La Reine de ChatBa et C°. Des histoires courtes et des chansons qui explorent la culture juive à travers la mu-

L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus

Les pour les enfants nés en 2006 et 2007 Moniteurs : Salomé : 0470.82.76.46 Leila : 0487.18.35.10 Aristide : 0488.03.17.56

Juliano Mer-Khamis

Les pour les enfants nés en 2004 et 2005 Moniteurs : Léa : 0487.69.36.11 Selim : 0496.24.56.37 Samuel : 0475.74.64.51 Hippolyte : 0474.42.33.46

Marek Edelman

sique et l’écriture. Michèle Baczynsky, mise en scène par JeanLouis Sbille, nous emmène dans un univers coloré, amusant, parfois déjanté mais certainement humainement universel. ll a suffit qu’une souris soit attrapée dans le palais de la Reine de Chat-ba, qu’elle lui raconte des histoires tantôt drôles, tantôt graves et souvent autour du roi Chat-lomon pour que l’appétit de la Reine s’en détourne un moment. Souriyarazade, la reine de Chat-Ba et et le Roi Chat-Lomon ont amusés les Juliano et les Marek le temps d’un après-midi. n Les réunions s’arrêteront le 7 décembre avec une activité spéciale Hanouka.

Les pour les enfants nés en 2002 et 2003 Moniteurs : Tara-Mitchell : 0487.42.41.74 Luna : 0479.01.72.17 Felix : 0471.65.50.41 Simon : 0470.56.85.71

Janus Korczak

Les pour les enfants nés en 2000 et 2001 Moniteurs : Jeyhan : 0488.49.71.37 Andres : 0479.77.39.23 Eliott : 0488.95.88.71 Laurie : 0477.07.50.38

Émile Zola

Les pour les enfants nés en 1998 et 1999 Moniteurs : Totti : 0474.64.32.74 Tania : 0475.61.66.80 Théo : 0474.48.67.59

Informations et inscriptions : Julie Demarez – upjbjeunes@yahoo.fr – 0486.75.90.53

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artistes de chez nous Yankel Finkelstein henri goldman À fin des années 70, s’ouvrit à l’UPJB une période particulièrement créative qui culminera en 1982 par la représentation de la comédie musicale Un violon sur le toit. Les premières esquisses de cette époque ressemblaient encore à des veillées légèrement scénarisées. Un quatuor fit alors merveille. Composé de Léon Buhbinder, Michel Verbeke, Marcel Gudanski et Bobby Gvirtman, il reproduisit quelques œuvres immortelles des Frères Jacques, comme « Les petits cabinets » ou « Le général Castagnetas ». En 1979, Henri Goldman leur offrit cette chanson qui raconte les déconvenues familiales de Yankel Finkelstein, « nouvel Abraham » qui résume avec dérision les possibles contemporains de l’existence juive. Yankel Finkelstein devint par la suite un personnage récurrent traversant tel Hitchcock d’autres productions artistiques de l’UPJB, jusqu’à aujourd’hui.

Yankel Finkelstein il avait trois fils /Quel supplice Mais c’était pourtant un excellent tailleur / Quel bonheur On la connaissait jusqu’à la mer Baltique, tique, tique Sa boutique
 Et les diamantaires venaient de Belgique Et payaient comptant / Ses plus jolis vêtements Yankel Finkelstein dans son magasin / L’était bien Mais pourtant souvent on l’entendait pleurer / Quelle pitié Souvent l’éternel veut éprouver le juste, juste, juste C’est pas juste Yankel Finkelstein avait mal dans son buste Son cœur était plein d’un immense chagrin

M A f

L I C E I R

U b B c

C v P P P N T

Y

Car ses trois enfants / La chair de son sang / Qui n’avaient même pas quarante ans Dans le magasin ils n’étaient contents / Ils voulaient quitter Papa et Maman Le premier voulait devenir cow-boy / Oï oï oï Dans son pantalon on n’avait l’air normal / Qu’à cheval Son père lui disait toujours : « Mon pauvre Schmiele, Schmiele, Schmiele
 Tu n’as pas de shtyle
 C’est pas le Texas notre petite ville Tu n’es qu’un coupeur / T ‘es pas Gary Cooper

 Regarde plutôt / Deux maisons plus haut / Chez le voisin qui fait les manteaux Regarde son fils avec ses ciseaux / Comme il coupe bien et comme il est beau » Le deuxième voulait devenir sioniste / C’est bien triste
 Il rêvait de partit pour l’Orient / L’inconscient
Son père lui disait : « Moi aussi j’aime Israële, ele, ele Mais pourquoi ce zèle
 On a donné plein d’argent à l’année nouvelle Pour qu’un autre y aille / Pour toi j’ai du travail

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D B


est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août)

Mais le fils crânait / Mais il insistait / Apprenait l’hébreu et le libanais Au lieu de couper vestons et gilets / Pour que son Papa rentre dans ses frais
 Le troisième était révolutionnaire / Quelle misère Il parlait d’émanciper le travail / Oï vaï
 C’était un caissier anticapitaliste, lisse, lisse En coulisse Il s’arrangeait pour ne pas faire de bénéfice Rendant trop d’argent systématiquement

 Une fois par an / On faisait les bilans / Le teint du Papa il devenait tout blanc Bien qu’il refusait des tas de clients / C’était pas la joie sur son compte courant
 Ce fut un beau jour, un beau jour de juin
Ils sont partis tous les trois vers leur destin Pour accumuler l’or et les dollars Pour chercher à n’être plus de nulle part
 Pour féconder le monde d’espoir
 Ne pleure pas, Yankel Finkelstein,
 Tu es notre nouvel Abraham

 Yankel Finkelstein il avait trois fils /Quel supplice

L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente) Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Marco Abramowicz Roland Baumann Julie Demarez Pascal Fenaux Henri Goldman Thérèse Liebmann Antonio Moyano Elias Preszow Gérard Preszow Jacques Schiffmann Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB.

De gauche à droite : Léon Buhbinder, Marcel Gudanski, Michel Verbeke, Bobby Bvirtman

Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 € ou par ordre permanent mensuel de 2 € Prix au numéro 2 € Abonnement de soutien 30 € ou par ordre permanent mensuel de 3 € Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 € Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 € pour un isolé, 15 € pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

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agenda UPJB

Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

vendredi 6 décembre à 20h15

Hommage à Bernard Fenerberg et aux cinq autres résistants qui sauvèrent de la déportation14 fillettes juives et leur accompagnatrice (voir page 28)

dimanche 15 décembre de 14h à à 17h

Atelier de fabrication de produits de beauté bio (voir page 28)

mardi 28 janvier 2014 à 20h

À la Maison du Livre. Soirée sur les combattants juifs dans la guerre d’Espagne (1936-1939), proposée par l’UPJB, la Maison du Livre et IMAJ. (voir page 30)

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 5 décembre

Israël, Syrie, Iran… Et la Palestine ? Avec Henri Wajnblum, rédacteur en chef de Points critiques (voir page 29)

jeudi 12 décembre Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

« Aller vers l’Autre : Oui, mais pas sans biscuits ! » avec André Hobus, ancien instituteur et directeur d’école, amateur et collectionneur de Blues (voir page 29)

jeudi 19 décembre

Après-midi de fin d’année 2013 avec le duo Anda la Iré, Christina Requena Lopez (chant) et Gilles Daems (guitare) (voir page 29) Congés de Noël et Nouvel An du 21 décembre 2013 au 5 janvier 2014

jeudi 9 janvier

À l’occasion de la nouvelle année : après midi festive ! Concert avec Maroussia et son accompagnateur, Igor Beer (voir page 29)

et aussi

du 27 novembre au 20 décembre

À la Maison du Livre. Vivre pour aimer ! Exposition de dessins originaux de Sarah Kaliski et hommage dessiné à Sarah par Chaïm Kaliski (voir page 29)

du 2 au 29 décembre

Prix : 2 €

Rétrospective Nurith Aviv à FLAGEY (voir page 31)

Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be


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