n°349 - Points Critiques - octobre 2014

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mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique octobre 2014 • numéro 349

éditorial Réparer le monde, car il le faut Bureau de dépôt: 1060 Bruxelles 6 - P008 166 - mensuel (sauf juillet et août)

Anne grauwels

BELGIQUE-BELGIE P.P. 1060 Bruxelles 6 1/1511

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sommaire

éditorial ➜

éditorial

1 Réparer le monde, car il le faut................................................. Anne Grauwels

israël-palestine

4 Les faux amis de la Palestine...................................................Henri Wajnblum.

communauté

6 Militer contre son « clan » à l’ère des réseaux sociaux....... Sharon Geczynski

lire

10 Charlotte Salomon. Une vie revisitée..............................Tessa Parzenczewski 11 Ambitions montoises...................................................................... Jacques Aron

regarder lire

12 Anna Langfus, vous connaissez ?............................................. Antonio Moyano

mémoires

14 La Nueve. Les républicains espagnols qui ont libéré Paris.............................. .................................................................................................. Roland Baumann

réfléchir

16 Les Juifs allemands durant la Première Guerre mondiale....... Jacques Aron

yiddish ? yiddish ! !‫יִידיש ? יִידיש‬ 18 Harbstgezang - Chanson d’automne........................................Willy Estersohn

humeurs judéo-flamandes

20 Humeurs suédoises .......................................................................Anne Gielczyk

activités partager 22

27 Hommage à Eric Durnez (suite).................................................Mina Buhbinder

upjb jeunes

28 La rentrée du mouvement de jeunesse........................................ Julie Demarez

hommage

30 Danielle Rauwers-Szyster .................................................. Jacques Schiffman

32

les agendas Les anciens numéros de Points critiques sont accessibles sur le site www.upjb.be à la rubrique « Points critiques en PDF ».

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T

ikkun olam, tikkun haadam, dit un vieux principe juif. Réparer le monde, car il le faut, en commençant par nous-mêmes et ce faisant nous réparons le monde, car nous en faisons partie. Le 14 septembre, le Musée juif rouvrait ses portes au public après plusieurs mois de fermeture suite à l’attentat du 24 mai. Deux artistes, Marianne Berenhaut et Christian Israël, bien connus dans la maison UPJB, y exposaient lors de l’attentat. Ils seront encore à l’affiche du musée jusqu’au 12 octobre. Pour l’avoir vue avant et après l’attentat, on peut dire qu’elle résonne en nous autrement aujourd’hui. Quatre mois plus tard, cet attentat a laissé des traces. À l’UPJB, nous avons entamé une réflexion sur l’antisémitisme aujourd’hui et préparons une assemblée générale et un dossier dans Points critiques sur le sujet. Et comme si cela ne suffisait pas, l’été nous a apporté la sale guerre de Gaza, la plus meurtrière jusqu’à présent, et ça aussi nous affecte profondément et viendra nourrir notre réflexion. Cette guerre de Gaza nous interpelle en tant que Juifs et en tant que progressistes. Fidèles à notre tradition de défense des opprimés, nous avons pris des décisions graves à contre-courant de la majorité communautaire juive. Car « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Et si je ne suis que pour moi, qui suis-je ? Et si pas maintenant, quand », disait le rabbin Hillel l’Ancien. En allant ma-

nifester pour l’arrêt de cette sale guerre et en ne ménageant pas notre critique de la politique israélienne, en clamant haut et fort en tant que Juifs à l’État d’Israël : Pas en notre nom ! Cela nous a valu, une fois de plus l’opprobre du mainstream communautaire (jusque dans les colonnes de Regards), ainsi que des menaces et insultes de la part de certains membres de la communauté. Vous en trouverez le récit signé de la médiatrice de notre page Facebook à l’intérieur de ce numéro. Mais il n’y a pas que les menaces et les insultes, bon nombre de personnes extérieures à notre association nous ont signifié l’importance irremplaçable de notre présence. Nous avons reçu de nombreux signes de fierté partagée. Nous avons voulu aussi, par notre geste, soutenir les pacifistes israéliens qui osent braver un climat hyper-nationaliste. Nous l’avons toujours fait et continuerons de le faire, en espérant qu’un jour ils seront suffisamment nombreux pour « réparer le monde » en Israël-Palestine. «  Les temps changent  » titrait Points critiques en juin dernier. Comment penser et agir dans un monde qui change si vite et si profondément, où les pistes, de l’extrême droite à l’extrême gauche, et de l’antisionisme à l’antisémitisme en passant par l’islamophobie, sont de plus en plus brouillées. Trois discours remarquables et remarqués furent prononcés au Musée ce jour-là, après les discours officiels, en présence d’un

public nombreux, dont on devinait l’attachement à la fois à ce lieu et la blessure causée par cet attentat et les événements de cet été. Ils viennent nourrir notre réflexion. À commencer par Marianne Berenhaut, qui par la voix de Christian Israël nous raconte son désarroi après l’attentat, jusqu’à se demander si elle pourrait encore à l’avenir poursuivre ce travail d’artiste, avec l’impression qu’il « n’est pas à la hauteur du drame » et reste pour elle « un objet esthétique », « une représentation qui n’est pas la vie ». Et c’est bien de cela, de la vie et de la mort, qu’ont parlé ces trois orateurs, Laurent Busine, Jean Vogel et Christian Israël. Jean Vogel nous a rappelé ce passage de Walter Benjamin, écrit quelques jours avant de se donner la mort à Port Bou en septembre 1940, à propos de ce tableau de Paul Klee, Angelus Novus, qui lui avait appartenu et que nous reproduisons en première page : « Il est un tableau de Klee nommé Angelus Novus. Un ange y est représenté qui semble vouloir s’arracher à un spectacle qui le fascine. Il a les yeux écarquillés, la bouche béante, les ailes déployées. Tel doit apparaître l’ange de l’histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où ne nous apparaît à nous qu’une suite d’événements, il voit, lui, une unique catastrophe, amoncelant inlassablement les décombres et les projetant à ses pieds. Il voudrait un répit pour éveiller les morts, pour rassembler ce qui a été dispersé. Mais du paradis souffle une tem-

pête. Elle s’est engouffrée dans ses ailes si violemment qu’il ne peut plus les refermer ». La vie et la mort, « entre la beauté du monde et le mystère du mal », la parole épinglée par Laurent Busine est de Simon Leys, cet éminent spécialiste belge de la Chine, humaniste, décédé récemment. « Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme », c’est avec cette citation que Laurent Busine, directeur du MAC’s inaugura son allocution. Cette phrase terrible et magnifique, comme il dit, fut prononcée au… 16ème siècle lors de l’exécution à Genève d’un opposant au Calvinisme. Nous voilà en pleine actualité. L’intolérance et la Terreur sont de tous les temps. « U​ ne opération de mort qui n’a aucune portée intérieure, qui n’accomplit rien. C’est aussi la mort la plus froide et la plus plate, sans plus de signification que de trancher une tête de chou ou d’engloutir une gorgée d’eau » nous dit Jean Vogel en citant Hegel. Deux façons de dire l’absurdité de cet acte meurtrier, arbitraire et surtout et c’est sans doute le pire, sans signification autre que la mort des ces quatre personnes. Quatre personnes, souvenons-nous, quatre victimes innocentes, dont le seul crime fut d’être au mauvais endroit au mauvais moment, y trouvèrent la mort : Alexandre Strens, Dominique Chabrier, Emanuel et Miriam Riva. Nous leur rendons hommage. n

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israël-palestine Les faux amis de la Palestine Henri wajnblum

À

la fin du mois d’août, le mouvement de jeunesse du Front populaire de Libération de la Palestine (FPLP) du camp de réfugiés d’Aida publiait le communiqué suivant : « Nous, jeunes du FPLP d’Aida Camp, de Bethlehem et de Palestine, rejetons tout parallélisme entre la lutte de libération du peuple Palestinien et la vermine fasciste. Sionisme et fascisme sont les deux facettes de la même médaille : le capitalisme. Nous refusons en bloc tout type de soutien de la part de ceux, qui depuis toujours, ont été le bras armé du patronat et du capital. Nous n’acceptons donc aucun soutien de ceux qui utilisent le drame du peuple gazaoui, donc palestinien, seulement pour propager haine raciale et antisémitisme et pour défendre leurs petits intérêts. Depuis toujours, nous combattons et combattrons l’occupation sioniste, non pas la présence juive en Palestine. » Si une partie de ce texte prête à polémique – s’il est vrai que la politique israélienne d’occupation, de colonisation et d’agression, est aujourd’hui menée par des ministres fascistes tels Avigdor Liberman et Naftali Bennett, nous ne pouvons accepter que le sionisme soit qualifié de fascisme. De nombreux sionistes, dans le monde et en Israël, sont en effet

en total désaccord avec la politique du gouvernement israélien actuel et de ceux qui l’ont précédé, c’est beaucoup, beaucoup trop réducteur –, Si donc, une partie de ce texte prête à polémique, il est au moins parfaitement clair sur un point : le rejet sans ambiguïté de l’antisémitisme, même, et peut-

ment Nicolas Zomersztajn dans le numéro de Regards, la revue du CCLJ, daté de septembre : ils détestent les Juifs plus qu’ils ne soutiennent la Palestine. Je reviendrai au CCLJ un peu plus loin. Ces actes antisémites, que rien ne peut justifier, ne doivent ce-

Le Mémorial de la déportation à Anderlecht

être surtout, au nom de la défense de la cause palestinienne. Deux semaines plus tard, un incendie criminel était perpétré à la synagogue de la rue de la Clinique, et des briques et des pavés étaient lancés sur un groupe de personnes rassemblées au Mémorial juif de la déportation d’Anderlecht où sont gravés les noms de plus de 24.000 victimes de la barbarie nazie, dont celui de mon père. Comme le disait fort juste-

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pendant pas nous faire oublier la situation désastreuse dans laquelle se trouve la population de Gaza. Après avoir fait la Une des médias durant plus d’un mois, tout se passe aujourd’hui comme si la question était réglée avec la trêve qui a été acceptée par Israël et le Hamas. Or, rien n’est moins vrai… Le passage aux checkpoints n’a toujours pas été allégé, les pêcheurs qui osent s’aventurer au-delà des limites qui leur

ont été assignées par Israël continuent d’essuyer les tirs de sa marine, et les conditions de vie dans le champ de ruines qu’est devenue Gaza sont épouvantables alors que l’hiver approche. Pour n’être pas aussi effroyable, la situation en Cisjordanie n’en est pas moins dramatique… Pas un jour sans arrestations et une colonisation de plus en plus en plus galopante.

L’ambassadeur d’Israël voit rouge Assez silencieux durant l’opération de Gaza, ce qui, nous voulons le croire, dénote un certain malaise face à l’ampleur du nombre de victimes palestiniennes, le CCLJ s’est soudain réveillé à la suite de l’annonce par Israël de l’appropriation de 400 hectares de terres en Cisjordanie en publiant un communiqué qui « condamne sans réserve  » cette « décision irresponsable » s’apparentant à « une punition collective infligée à l’ensemble des Palestiniens de Cisjordanie ». Et d’ajouter qu’une «  démocratie fondée sur l’État de droit comme Israël ne peut adopter ce type de mesure dont l’objectif politique vise exclusivement à renforcer la colonisation de la Cisjordanie. » Ce communiqué a valu au CCLJ un droit de réponse de l’ambassadeur d’Israël Jacques Revah, un droit de réponse qui a tout de la mise en garde… « Je découvre, avec stupéfaction, le communiqué du CCLJ du 2 septembre 2014. Avec stupéfaction, non pas à cause de la teneur du message qui ne diffère en rien de celui d’autres réactions, même officielles de par le monde, légitimes ou pas. Telle n’est pas la question. Par contre, il diffère et de loin, par la virulence et la violence du langage utilisé à l’égard du gouvernement israélien. À chacun, bien

entendu, le droit de critiquer et d’émettre des opinions différentes. Cette fois-ci, le CCLJ a bel et bien dépassé le minimum de réserve, de bon ton, de respect… peut-être même dangereusement. Était-il nécessaire de renforcer les campagnes de délégitimisation de l’existence même de l’État d’Israël ? Est-ce le rôle d’une organisation qui, malgré tout, se définit comme sioniste, d’ajouter de l’eau au moulin des pires ennemis d’Israël et d’alimenter l’antisionisme/antisémitisme  ? Ce n’était certes pas l’intention, mais la pente est bien glissante, donc fort risquée. Eux ne manqueront sûrement pas de faire « bon usage » de ce message. » (…) La réaction du CCLJ n’a pas tardé sous la plume de son président Henri Gutman, et elle vaut son pesant de shkalim… « Nous sommes particulièrement surpris et choqués que l’ambassadeur d’Israël sorte de sa réserve pour s’attaquer à une organisation juive sioniste en l’accusant de renforcer le camp des antisionistes et des antisémites. Toute l’action du CCLJ depuis plus de cinq décennies témoigne d’un attachement indéfectible et passionné à Israël et au projet sioniste. Je le réitère aujourd’hui au nom du CCLJ Je me suis exprimé par une carte blanche intitulée «  Désarmez le Hamas et levez le blocus ! » publiée le 5 août 2014. J’y stigmatise la responsabilité criminelle du Hamas. J’y expose que l’organisation terroriste ne donnait hélas à Israël d’autre choix que d’intervenir militairement. Mais j’y conclus sur la nécessité de reprendre sans tarder les négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne. Si le recours à la force peut se montrer nécessaire, seules des négociations peuvent conduire à la paix. (…) Votre réaction face à notre com-

muniqué est d’autant plus incompréhensible que de nombreux médias et responsables politiques israéliens dont deux figures majeures du gouvernement ont publiquement critiqué en des termes identiques aux nôtres l’appropriation par Israël de 400 hectares de terres en Cisjordanie. À l’instar du ministre de la Justice, Tzipi Livni et du ministre des Finances, Yaïr Lapid, nous ne faisons qu’exprimer notre désapprobation à l’égard d’une décision qui affaiblit Israël et lui cause du tort. Cette annexion n’a aucun sens stratégique ou sécuritaire. Loin de délégitimer Israël, et encore moins de donner du grain à moudre à ses ennemis, le CCLJ s’est toujours battu pour que l’existence d’Israël soit garantie. Le CCLJ ne s’est jamais rangé du côté des partisans de l’État unique et binational, ni du côté des antisionistes. Nous faitesvous l’affront d’oublier l’énergie avec laquelle nous combattons en Belgique toute tentative de boycott d’Israël ? Nous sommes à la pointe de ce combat et les ennemis d’Israël n’ont besoin de quiconque pour le savoir ». Fallait-il vraiment, après que le CCLJ ait publié un communiqué ferme et courageux, que son président s’aplatisse à ce point devant l’ambassadeur d’Israël en lui donnant des gages d’indéfectible attachement à l’État hébreu, en justifiant l’intervention militaire à Gaza dont on sait les ravages qu’elle a provoqués, et en rappelant son combat de pointe contre la campagne BDS ? Et que penset-il des 43 réservistes d’une unité d’élite de Tsahal qui publiaient récemment une lettre pour exprimer leur refus de participer aux (ex)actions d’Israël contre les Palestiniens ? Le CCLJ serait-il traversé par des courants ? n

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communauté Militer contre son « clan » à l’ère des réseaux sociaux sharon geczynski

« Tout édifice bâti sur l’insensibilité à la souffrance d’autrui est appelé à s’effondrer avec fracas. Attention à vous : vous dansez sur un toit reposant sur des piliers qui chancellent »1

Facebook l’UPJB et moi Mon terrain de prédilection pour suivre l’actualité est sans aucun doute internet (quotidiens en ligne, vidéo, blogs spécialisés etc.) et les réseaux sociaux. L’intérêt principal de Facebook est d’accéder à l’actualité mais surtout à son interprétation par son réseau d’amis virtuels. Ma présence accrue sur ce média s’explique également par mon activité de « community manager »2 sur la page Facebook de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique. Cet été, j’ai donc suivi de près l’actualité du Moyen-Orient et relayé le point de vue et les actions de l’UPJB sur ce média social. La guerre et son corollaire de propagande ne sont pas propices au débat d’idées et je commence à me familiariser avec les réactions que peuvent susciter les publications de l’UPJB sur les réseaux sociaux mais j’étais encore loin d’imaginer que cela pouvait donner lieu à autant de haine. Vers le 10 juillet, suite à la publication d’un communiqué et de l’appel à manifester3 pour soutenir les victimes palestiniennes aux côtés d’une cinquantaine d’associations de gauche, de

nombreuses personnes ont salué la présence annoncée d’une association juive au rassemblement de solidarité : « Vous êtes une voix de paix et de solidarité dans ce tsunami de haine aveugle ! », « Merci de prendre position, vous faites partie des Justes »… À côté de ces nombreuses marques de soutien, la page Facebook de l’UPJB fut inondée de commentaires injurieux, parfois d’une violence extrême. Malgré tout l’intérêt que je porte à ce mé-

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dia, en général, je m’abstiens de participer aux échanges dans les fils de discussions. Je privilégie d’autres lieux pour débattre que cet espace virtuel étriqué source de tant de malentendus, trop souvent utilisé comme faire-valoir et où l’on peut interagir sous couvert d’un pseudonyme. Et puis, c’est terriblement chronophage. Mais une fois n’est pas coutume, cet été, en pleine guerre, alors que l’UPJB se faisait copieusement insulter​pour sa par-

ticipation aux manifestations, en guise de réponse à un commentaire désobligeant, j’ai voulu raconter sur le groupe Facebook de l’UPJB une anecdote que j’ai personnellement vécue ; je vous la livre ici : « En janvier 2009, j’étais en visite dans ma famille en Israël, en pleine opération « Plomb durci  ». J’ai été horrifiée de ne rien entendre sur la guerre et les massacres qui se perpétraient à quelques kilomètres de Tel-Aviv. Les médias israéliens passaient en boucle les images des dégâts matériels occasionnés par les tirs de roquettes qui tombaient à proximité de Sderot au Sud d’Israël. Rien, absolument aucune compassion pour les milliers de morts palestiniens. Pour moi, ce silence a été d’une violence inouïe. J’ai été touchée et fière de voir que des Juifs à Bruxelles participaient à une manifestation qui dénonçait ces massacres. » Suite à cette publication sur Facebook, un déferlement de haine s’est abattu sur ma petite personne. Des personnes que je ne connaissais pas et qui se disaient «  Juifs pro-israéliens  » se sont mises à me harceler et à tenter par tous les moyens d’entrer en contact avec moi pour m’insulter. Des amis m’ont avertie qu’un Sharon’s bashing4 était en cours. Après des recherches fructueuses sur le réseau social, je suis finalement tombée sur ce fameux lynchage qui n’avait rien à envier à un appel au meurtre. Un homme que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam mais dont le profil Facebook indiquait que c’était un Juif belge ayant fait son « alyah »5 publiait ceci : « Pour ceux qui sont amis avec une certaine Sharon Geczynski, sachez qu’elle organise un rassemblement AN-

TI-ISRAËL devant le ministère des Affaires étrangères. SACHEZ DONC AVEC QUI VOUS AVEZ AFFAIRE. ». À la suite de cette publication, j’ai pu découvrir les commentaires injurieux échangés sur son Facebook et l’identité de ceux qui les proféraient : « cette pourriture fait partie de l’UPJB comme A., une autre vermine », « je déplore que des Juifs honteux puissent aller manifester contre Israël », « qu’elle aille habiter à Gaza cette connasse », « c’est beau l’assimilation, pauvre Sharon, elle me fait pitié et me dégoûte », « ces Juifs honteux sont pareils à ces assassins du Hamas », « ces sousmerdes ne sont plus juives »… À la base de ces commentaires pour le moins agressifs, l’information diffusée à mon sujet était complètement fausse et diffamatoire, je n’ai bien évidemment jamais organisé toute seule dans mon coin une manifestation et

encore moins une manifestation anti-Israël ! Ce genre d’attaques personnalisées peut avoir des conséquences destructrices sans parler d’un éventuel passage à l’acte. Le but visé est clairement de nuire à quelqu’un qui exprime une autre opinion que la majorité (de son « clan »). Disposant de nombreuses captures d’écrans de cette publication ainsi que des commentaires qui ont suivi, j’ai décidé de les relayer sur mon profil personnel en disant ceci : « Voilà ce qui se passe quand des Juifs de gauche dénoncent la politique israélienne à l’ère des réseaux sociaux. Rien de moins qu’une mise à mort communautaire pour faire peur et pour faire taire. ». Cela peut paraître paradoxal de médiatiser ces menaces mais j’étais tellement sidérée par ces déclarations de haine que j’ai souhaité montrer sur

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➜ la place publique le prix à payer pour exprimer son point de vue et exercer son esprit critique en tant que Juive belgo-israélienne. Le nombre de réactions et de témoignages de sympathie que cela a suscité m’a donné raison.

Dissidence juive israélienne ou suicide social ? Force est de constater que l’occupation des territoires palestiniens s’intensifie en Israël et que la perspective de voir deux États exister côte à côte semble bien compromise par la politique du fait accompli pratiquée par les gouvernements israéliens successifs. La population juive israélienne semble, dans son immense majorité, bien indifférente à ce qui se passe de l’autre côté du moment que sa sécurité et son confort de vie restent assurés, quand elle n’est pas ouvertement hostile aux Palestiniens. Dans son livre, Sylvain Cypel6 développe l’état d’esprit dans lequel se trouve la société israélienne aujourd’hui où les emmurés ne sont pas ceux qu’on imagine : « Au-delà des aléas politiques, la construction du « mur de séparation » qu’Israël bâtit en Cisjordanie ne s’est jamais interrompue. Mais les emmurés ne sont pas seulement ceux qu’on croit et qu’on voit. En enfermant les Palestiniens derrière un mur, des miradors et un fossé barbelé, les Israéliens s’enferment euxmêmes dans une impasse dramatique et plongent dans une crise mortifère ». Dans le camp de la paix, parmi ceux qui tentent de se faire entendre, il y a les Refuzniks7, ces Juifs israéliens qui refusent de servir dans l’armée. Refuser de

faire son service militaire7 en Israël est un suicide social. Ceux qui optent pour cette voie deviennent des parias. Mais cet été en pleine guerre, d’autres Juifs israéliens – dont certaines célébrités – se sont risqués à exprimer leur colère et leur désapprobation en relation avec ce qui se passait à Gaza mais aussi par rapport à l’évolution de la société israélienne de plus en plus droitière et raciste. Des plus modérés comme la chanteuse Noa, en passant par Shira Geffen8, aux plus engagés comme Gideon Levy9, tous se sont sentis menacés au point pour certains d’entre eux de ne plus se déplacer sans un garde du corps10. Ce qui caractérise ces artistes, journalistes ou simples blogueuses, c’est qu’ils ont pignon sur rue mais surtout qu’il est plus difficile de les discréditer en mettant en doute leur lien et leur attachement à Israël. La «  sortie du placard  » de la chercheuse Nadia Ellis7 sur le média en ligne Times of Israel est assez emblématique. Son texte a été écrit le 2 juillet, quelques jours avant l’opération « Bordure protectrice », à une période où on apprenait par les médias que les trois jeunes colons enlevés avaient été assassinés : « Cela fait 48h que mon Facebook est inondé de messages populistes, racistes, haineux et violents. J’en ai marre. J’en ai marre de lire qu’il faut raser Gaza au sol, que ce sont tous des animaux. Marre de lire toute la panoplie de commentaires simplistes et victimaires, à commencer par l’omniprésente déclaration que nos trois adolescents ont été tués seulement parce que Juifs. Non, bordel, non. Ils ont été tués parce qu’ils se sont retrouvés

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victimes innocentes, piégés dans un conflit long et complexe (…) Un conflit où nous, tout comme eux, nous pensons être les seuls êtres humains dignes de ce nom, alors que les autres, ce sont les « animaux » (…) Voilà c’est fait. C’est dit, et maintenant je suis prête à me faire traiter de sale gauchiste, de pacifiste utopique, d’ignorante qui n’a rien compris au conflit, et plus si affinité. C’est parce que j’ai eu peur de ce genre de commentaires que je n’ai pas osé m’exprimer sur Facebook jusque maintenant ».

De l’autre côté Souvent, je me suis demandée pourquoi si peu de voix s’élevaient en Israël mais aussi dans les diasporas juives pour dénoncer tant d’injustices manifestes. Dans son livre Militer contre son camp  ? Des Israéliens engagés aux côtés des Palestiniens, la sociologue Karine Lamarche apporte des éléments de réponse en éclairant les logiques qui président à l’entrée dans une carrière militante à risque et hautement stigmatisée. Elle explique comment ces militants israéliens en passant de « l’autre côté », deviennent des « étrangers à la collectivité »8 dans une société qui les a vus grandir. Grâce à des entretiens, elle parvient à mettre en lumière la violence de ce basculement, à l’origine de véritables déchirements intérieurs par la force de la révélation que prend souvent la découverte de « cet autre monde », si proche et pourtant si lointain9. La force du déni10 – fabriquer une image diabolique de l’Autre en dénaturant sa propre histoire – couplée à la condamnation morale de ceux qui critiquent Israël

de l’intérieur débouche sur une vision bien pessimiste de l’efficacité même de la contestation à changer le paysage politique israélien. Si le conflit israélo-palestinien s’importe en Belgique, il s’importe aussi à l’intérieur même de ce que l’on a coutume d’appeler la communauté juive où des Juifs critiques par rapport à la politique israélienne – à l’instar des (Juifs) israéliens engagés aux côtés des Palestiniens – subissent le même type de condamnation morale si ce n’est que cet ostracisme se vit à l’intérieur du « clan » et ne les exclut pas de la société globale comme c’est le cas en Israël. n

Avraham Burg, ancien président de l’Agence juive, la plus haute instance du mouvement sioniste dans Yedioth Aharonot, trad. Fr., Le Monde, 11 septembre 2003, cité dans le livre de Sylvain Cypel, Les emmurés p.15. 2 Gestionnaire de communauté ou CM, l’abrégé de community manager, est un métier qui consiste à animer et à fédérer des communautés sur Internet pour le compte d’une société ou d’une marque. Profondément lié au web 2.0 et au développement des réseaux sociaux, le métier est aujourd’hui encore en évolution. (Source : Wikipédia). 3 Appel à manifester à l’initiative d’une cinquantaine d’associations mobilisées pour l’occasion autour de la « Plateforme urgence Gaza ». 4 Le bashing (mot qui désigne en anglais le fait de frapper violemment, d’infliger une raclée) est un néologisme d’origine anglophone utilisé pour décrire le « jeu » ou la forme de défoulement qui consiste à dénigrer collectivement une personne ou un sujet. Lorsque le bashing se déroule sur la place publique, il s’apparente parfois à un 1

« lynchage médiatique ». Le développement d’Internet et des réseaux sociaux a offert au bashing un nouveau champ d’action, en permettant à beaucoup plus de monde de participer dans l’anonymat à cette activité collective (Source : Wikipédia). 5 Alyah, Aliya ou Aliyah est un mot hébreu signifiant littéralement « ascension » ou « élévation spirituelle ». Ce terme désigne l’acte d’immigration en Terre sainte (Eretz Israël, en hébreu) par un Juif. Les immigrants juifs sont ainsi appelés Olim. Au contraire, le fait pour un juif d’émigrer en dehors de la Terre d’Israël, est appelé Yérida « descente ») et les émigrants juifs sont les Yordim. (Source : Wikipédia) 6 Sylvain Cypel (2006), Les emmurés. La société israélienne dans l’impasse, Paris, la Découverte. 7 Refuzniks : ceux qui refusent de faire l’armée en Israël. 8 Voir à ce propos l’excellent travail du photographe Martin Barzilai sur les refuzniks 9 Réalisatrice et scénariste. Par ailleurs, épouse de l’écrivain Etgar Keret et sœur du chanteur Aviv Geffen. 10 Journaliste du quotidien israélien de gauche Haaretz. 11 Gideon Levy raconte cet épisode dans un article publié le 19 juillet dans Haaretz. 12 Nadia Ellis, « Ma sortie du placard sur internet », Times of Israel (en ligne), 2 juillet 2014. 13 Howard Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, 1985, Paris, Métailié. 14 Karine Lamarche, Militer contre son camp ? Des israéliens engagés aux côtés des Palestiniens, 2013, Paris, P.U.F. 15 Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le sens du mot déni dont il est question ici, lire Les emmurés de Sylvain Cypel.

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lire

regarder

Charlotte Salomon. Une vie revisitée

Ambitions montoises

tessa Parzenczewski

«  Aller à la ligne à chaque phrase. Pour respirer ». C’est ainsi que David Foenkinos réussit finalement à écrire ce roman consacré à Charlotte Salomon. Roman qu’il portait en lui depuis des années, après avoir ressenti une profonde émotion en découvrant l’œuvre de cette artiste, assassinée à Auschwitz en 1943, à l’âge de 26 ans. Le dispositif adopté fait penser à un poème, mais ce n’est pas de la poésie. C’est simplement un moyen, en phrases brèves, d’éviter toute redondance, de tenir à distance le pathos. Et dans la foulée, de créer cette scansion retenue qui rythme dès le départ toute la tragédie. Née en 1917 à Berlin, dans un milieu aisé, son père est un médecin renommé, Charlotte Salomon ne vivra pas dans un univers paisible. L’histoire familiale est jalonnée de drames. Dépressions, mélancolie profonde, crises délirantes, les suicides se succèdent. Oncle, tante, sa propre mère et bien plus tard, sa grandmère. Toute sa courte vie, Charlotte cherchera des garde-fous pour ne pas sombrer. Et quel meilleur garde-fou que l’art ? Le père de Charlotte se remarie avec une cantatrice. La musique règne. Et puis la peinture. Charlotte s’inscrit à l’académie des beaux-arts, elle remporte un prix. Mais l’art n’est plus dans une bulle préservée. Allemagne années 30. Fini

jacques aron

Charlotte Salomon. Autoportrait

le temps des illusions. Les autodafés, la Nuit de Cristal, les arrestations. Charlotte s’éprend d’un professeur de chant, Alfred Wolfsohn, un homme de la marge, mais bientôt ils seront tous à la marge. C’est une passion dévorante, qui ne la quittera jamais. Elle se résigne à rejoindre ses grands-parents réfugiés dans le sud de la France. C’est là qu’elle sera arrêtée, sur dénonciation, en 1943, avec le réfugié autrichien qu’elle avait épousé et dont elle est enceinte. « Leben ? Oder theater ? » « Vie ? Ou théâtre ? » C’est sous ce titre que Charlotte Salomon a peint entre 1940 et 1942, dans l’urgence, des centaines de gouaches, une œuvre autobiographique, qui reprend les épisodes de sa vie, des scènes recomposées, des portraits, dont celui, récurrent d’Alfred Wolfsohn. Des partitions musicales, des écrits se mélangent

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aux images. Des cadrages étonnants, parfois en surplomb, un trait libéré, fiévreux, des couleurs audacieuses, donnent une œuvre déchirante, d’une émotion rare. Traquée, Charlotte Salomon a remis ses peintures à un médecin ami : « Gardez-les bien, c’est toute ma vie ». Réfugiés à Amsterdam, le père et la belle-mère de Charlotte ont survécu. Ils ont récupéré les peintures qui se trouvent aujourd’hui au Musée juif d’Amsterdam. Et David Foenkinos ? Il a suivi Charlotte à la trace. De Berlin à Nice. Il a interrogé des témoins, ou plutôt leurs descendants. Fasciné par l’artiste, il a voulu s’immerger dans son univers, comprendre ses luttes intimes, et surtout essayer de transmettre ce frémissement qui parcourt toute l’œuvre de Charlotte Salomon. Écrivain populaire, très vendeur, avec une réputation de légèreté, David Foenkinos a complètement changé de registre, à ses risques et périls. Dans le monde des lettres, il n’est pas bon de changer d’étiquette. Cependant, hors de tout a priori, cet hommage à Charlotte, nous touche, sans effets faciles, rien que l’histoire nue. n David Foenkinos Charlotte Gallimard 221p. 18,50€

S

e préparant à être en 2015 une capitale européenne de la culture, Mons présente en ce moment trois expositions centrées sur le thème de la Première Guerre mondiale : •

Signes des temps, œuvres visionnaires d’avant 1914 • La bataille de Mons, Les objets témoignent Au Musée d’Art moderne (BAM) jusqu’au 22 novembre 2014 • Fritz Haber, un esprit en guerre À la Salle Saint-Georges, jusqu’au 16 novembre 2014 Par la qualité des œuvres présentées, Signes des temps vaut à elle-seule le déplacement, même si un certain arbitraire préside nécessairement au choix des artistes qui, par leur sensibilité, auraient annoncé la catastrophe à venir. Les rapprochements sont éloquents et le catalogue conservera le souvenir de la démarche. La scénographie de La bataille de Mons, accompagnée de recherches artistiques inspirées du camouflage militaire, mise sur quelques objets symboliques pour nous rappeler les débuts du conflit dans la région. La troisième manifestation est un hommage au bédéiste belge David Vermeulen, qui nous livre, tome après tome, une biographie

de Fritz Haber, le chimiste qui mit au point la guerre des gaz. Il nous fallait signaler à temps cet événement. Points critiques reviendra dans un prochain numéro sur les interrogations que suscitent la présentation à un large public d’un personnage, Fritz Haber, censé incarner des responsabilités particulières, qualifiées dans la préface d’Élio Di Rupo de « judéo-allemandes ». Y aurait-il donc, face à la guerre et ensuite à la montée du nazisme, un comportement propre aux Juifs allemands, aux Juifs en général, et dont quelques figures emblématiques seraient particulièrement représentatives ? Il y avait, en 1914, 600.000 Allemands de confession juive (1% de la population). Les isoler ne relève-t-il pas d’une vision trop inspirée par le génocide ultérieur ou la proclamation de l’État d’Israël, fruit d’un autre nationalisme de l’époque ? C’est ce que ne peut manquer de renforcer le catalogue de cette exposition, une interview plus subjec-

tive qu’historique du dessinateur de la BD. Notre expérience nous sensibilise sans doute davantage à une pédagogie qui devrait se garder de toutes les confusions et de tous les amalgames. Cette vigilance s’impose encore plus après l’attentat qui a frappé le Musée Juif de Belgique, l’institution qui, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, s’efforce de mieux faire connaître la longue histoire des Juifs, en Belgique     notamment​. n

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lire Anna Langfus, vous connaissez ? antonio moyano

Q

ui a gagné le Goncourt en 1962 ? Anna Langfus. Née à Lublin (Pologne) en 1920, morte à Paris en 1966  ; je viens de lire ses trois romans : Le Sel et le Soufre, Les Bagages de sable, Saute, Barbara ; ils étaient rue de La Paille, on les a extrait de « la réserve », ils sentaient bon la cave, le salpêtre, bref toutes les senteurs de l’oubli. J’ai appris son existence par un article dans Libé, une biographie venant de paraître : Les disparitions d’Anna Langfus, de Jean-Yves Potel (Les Éditions Noir sur blanc, 2014, 308 pages). Ce livre, je l’ai tout de suite acheté, mais pas lu ni entrouvert, rien  ; je voulais tout d’abord explorer l’œuvre par moimême. Sur cet ouvrage précisément, je vous en dirai plus le mois prochain. Le tout premier que j’ai lu, c’est Saute, Barbara (Gallimard, 1965, 261 p.) Le narrateur c’est Michaël, un rescapé des camps, originaire de Lwow. Le récit se livre comme un monologue intérieur, nous le suivons comme s’il avait une caméra fichée au bout d’une perche derrière son dos. Ce n’est qu’à travers ses yeux que nous percevons la réalité des faits, la succession des évènements. Et c’est très captivant car s’infiltrent en nous immédiatement des doutes sur l’identité, l’intégrité et même le passé de celui qui parle, qui est-il vraiment ? Qui est la Barbara du titre ? Est-il dérangé mentalement  ? Rongé de culpabilités, il ne cesse de s’incriminer des pires horreurs.

C’est à un tel point qu’il va commettre un geste inadmissible. Le livre débute en Allemagne, dans une ville en ruines, et Michaël se retrouve parmi d’autres rescapés qui tentent de rejoindre la France. Il raconte à tout qui veut l’entendre que la fillette qui l’accompagne, c’est la sienne, qu’elle a grandi loin de lui forcément, qu’il avait réussi à la caser dans une famille aryenne, si la petite est un peu revêche ça se comprend, leur retrouvaille ne se fait pas sans mal. « Difficile de leur expliquer que je suis un déserteur et que je fuis avec une enfant volée. (…) Moi, je demande trop. Une retraite chez les ombres et une demeure chez les hommes. Je prends une fillette d’ici et je lui dis : tu seras l’autre, celle qui n’est plus. Il y a un ordre à respecter, et je ne le respecte pas. Comment pourrait-on jouir en même temps des prérogatives des morts et des attributs de la vie ? » Roman de la lente, douloureuse reconversion à la vie normale d’un survivant, et roman audacieux, presque scandaleux, puisqu’il désacralise la figure de la victime pour d’emblée nous le faire détester : Michaël endosse le rôle odieux de celui qui cherche à se venger sur un être innocent. Et cela ne fait qu’empirer, ne cherche-t-il pas à se débarrasser de la fillette ? « Une sourde colère s’éveille en moi. Qu’ai-je à faire de ce fardeau dont je me suis stupidement chargé ? (…) Je maudis le moment d’aberration où j’ai lié mon sort à celui de cette fillette qui me sera

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toujours indifférente ou hostile. » Car ce qu’il cherche désespérément est détruit à tout jamais : sa femme et son enfant tuées par les nazis. « Mais il faut que tu meures, à cause de Barbara, parce que ce monde n’est plus le mien, parce que je dois accepter l’homme que je suis devenu. L’autre, on l’a tué, en même temps que Barbara. Non, pas tout à fait. Pas tout à fait. Il s’accroche. Il n’en finit pas d’agoniser en moi. » Il souffre du symptôme du survivant : alors que tant d’autres ont péri, pourquoi ai-je eu droit à la vie ? Arrivé à Paris, il va rencontrer d’autres Juifs ; je précise que le mot Juif n’est quasiment jamais prononcé dans ce livre. Voici le préposé au bureau d’accueil des réfugiés, voici le surnommé Zizi à l’atelier de maroquinerie, voici le patron, et en particulier sa fille, Mlle Denise. Son héros, Anna Langfus le connaît comme une part d’ellemême, ah combien il est atrocement acide et ironique quelquefois  ! Elle excelle à raconter le va-et-vient de balancier dans le cœur de Michaël, un coup le goût de vivre, un coup l’envie d’en finir. «  Où est l’irréparable  ? Qui parle de l’impossibilité du retour à la vie normale ? » – « Et soudain, au milieu d’une phrase, la brèche à travers laquelle se ruent les fantômes ». Comment ça se termine ? Je ne vous en dirai rien. Et voici Maria, la jeune héroïne des Bagages de sable (Gallimard, 1962 – Collection Folio n°1283, 1981, 217 p.) Sa famille exterminée, la voici seule à Paris. Elle dialogue

quotidiennement avec son père, sa mère et Jacques son mari, rien d’autre que des spectres qui se collent à elle. Comme Michaël, elle aussi, chaque fois qu’elle se retrouve seule, ce sont ses morts qui viennent lui rendre visite  ; comment leur dire allez-vous-en, je veux vivre ? Elle a bien du mal à trouver un sens à sa vie. Son quo-

tidien ? Errer par les rues, et jouer à suivre des inconnus. Pourtant, d’autres perspectives s’offraient à elle. Il y a cet oncle, frère de son père qui a retrouvé sa trace et qui se décarcasse pour l’aider, il lui a même déniché un époux-clé-surporte. Elle n’avait qu’à dire oui, mais non, Maria refuse. Et c’est ainsi qu’un jour, dans un square, elle sympathise avec un certain Michel Cordier qui a presque l’âge d’être son père. Une amitié ? Maria est désireuse qu’on s’occupe d’elle, elle a faim et soif de faire le vide en elle. Si Michaël ne pouvait supporter l’affection de Mlle De-

nise, Maria est révulsée à l’idée que ce vieux monsieur soit attiré par elle. On brûle d’envie de lui dire : prends la fuite, va-t-en, mais s’il te plaît, épargne-nous les «  oui mais non mais si  » de la sainte-nitouche. Si la situation peut sembler ambiguë, le décor par contre est paradisiaque – oui, l’auteur a le chic pour nous désorienter – la Côte d’Azur, une villa à flanc de colline dans un village escarpé et la mer à portée de main. Hé bien, c’est dans ce lieu de villégiature que Maria plonge dans un état dépressif : la peur au ventre et qui lacère, rester dans le noir, ne plus s’habiller ni se laver, devenir souillon, rester prostrée dans son lit, hagarde et muette, dégoûtée de tout et de soi en particulier. Elle qui était seule, s’emmure peu à peu dans un néant. Le cafard, la déprime, est-ce contagieux ? Voici que la santé du vieux monsieur se détériore, dès lors qui aidera Maria ? L’épisode le plus vif du roman se situe aux pages 127 à 144 : Maria rencontre un gars de son âge lui aussi revenu miraculeusement de Pologne : « Peut-être espérais-je trouver en lui un être perdu, qui aurait eu besoin de moi ; peut-être avais-je été appâtée par les plaies que je lui supposais et qu’il m’aurait dévoilées, ces vieilles blessures encore à vif… » Et le mal-être de Maria nous saute aux yeux : ceux qui l’entourent ne peuvent pas l’entendre, et ce n’est pas une question « d’appareil auditif » mais bien

d’oreille « historique », on touche ici au nerf de l’œuvre d’Anne Langfus. À qui la faute si l’idylle vire à l’aigre ? Que deviendra Maria ? Ce passé qu’elle ne peut dire, Le Sel et le Soufre nous le fait revivre (Gallimard, 1962 – Folio n°1506, 1983, 311 p.). Livre magistral, inoubliable et bouleversant, il évoque en sept chapitres le destin d’une jeune femme juive qui réussissant à quitter le ghetto de Varsovie, va, tout à fait par hasard, rencontrer un résistant polonais qui lui fournira de faux papiers et la possibilité d’une vie d’emprunt. Que d’épreuves devra-t-elle surmonter  ! Survivre sous un masque impassible parmi des antisémites rabiques, et la cache, la traque, la fuite, la torture, l’usine-prison, et sans cesse feindre l’indifférence, se durcir impitoyablement, dissimuler son identité, ravaler ses peines et toujours veiller à ne jamais ouvrir son cœur. Cela tient du miracle – quelle main invisible a permis que je puisse en réchapper ? Le début du livre est surprenant, voilà une jeune fille – c’est elle la narratrice – qui refuse de voir ce qu’elle doit endurer, niant farouchement les vicissitudes, les cruelles réalités du ghetto. «  J’ai su me faire aveugle et sourde à volonté. Je ne voulais ni entendre ni voir rien qui pût troubler la vie que je menais, hors du temps. Jusqu’au jour où j’ai rencontré, assis sur une marche de notre escalier, ce vieux Juif… » Et c’est le réveil, la prise de conscience, la décision d’agir. La place me manque, je dois conclure, je reviendrai plus longuement sur Le Sel et le Soufre, promis. Ai-je assez de matière ? Ce cahier en est la preuve, voyez donc, dix-sept pages de prises de notes. À bientôt, et toujours avec Anna Langfus l’oubliée. n

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mémoire(s) veulent pas voir de «  nègres  » combattre aux côtés de blancs dans l’armée alliée en Europe !

La Nueve. Les républicains espagnols qui ont libéré Paris

commémoration

roland bauman

L

e 25 août dernier, Paris fêtait le septantième anniversaire de sa libération et, dans le cadre de ces commémorations, honorait la mémoire de la Nueve, compagnie espagnole de la division Leclerc dont les combattants, exilés antifascistes, furent les premiers « soldats français » à entrer dans la ville au secours des Parisiens insurgés. Envoyée en avant-garde par le général Leclerc et composée quasi exclusivement de républicains espagnols, la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad arrive à l’Hôtel-de-Ville au soir du 24 août 1944. Le lendemain, les Allemands capitulent et dans un discours retransmis à la radio depuis l’Hôtel-de-Ville le général de Gaulle rend hommage à « Paris, Paris outragé, Paris martyrisé, mais Paris libéré par son peuple avec le concours des armées de la France ! ». Portant les noms de batailles de la guerre d’Espagne (Madrid, Guadalajara, Teruel, Ebro, etc.) les « halftracks » de la Nueve arborent le drapeau de la République espagnole dans le défilé de la victoire sur les Champs-Élysées le 26 août, escortant le général de Gaulle, au milieu de la liesse populaire. Traduit récemment en français, La Nueve roman graphique de Paco Roca (Francisco Martinez Roca), talentueux auteur de bandes dessinées, relate l’odyssée des combattants de la Nueve.

Parcours héroïque et tragique d’exilés, décidés à mettre fin au fascisme en Europe avec l’espoir que leur victoire sur l’Allemagne nazie serait suivie du renversement de la dictature franquiste en Espagne, mais dont la plupart des survivants ne connurent jamais que l’exil et dont les rêves démocratiques finirent fracassés dans les oubliettes de l’histoire.

des vaincus Primé cette année au salon international du Comic de Barcelone, ce volumineux roman graphique espagnol sur l’histoire oubliée de la Nueve est un récit véridique : ses protagonistes sont tous des personnages historiques dont Paco Roca reproduit fidèlement les physionomies, tels le lieutenant Amado Granell (représenté en photo en première du journal Libération le 25 août 1944), ou l’énigmatique Miguel Campos, membre de la colonne Durutti en 1936, célèbre pour son audace et ses coups de main derrière les lignes ennemies, disparu sur le front des Vosges en décembre 1944, ou encore le capitaine Raymond Dronne, Français et gaulliste de la première heure, fidèle compagnon de Leclerc et chef de la Nueve. Mais ce récit véridique, loin d’être une épopée militaire riche en actions d’éclat est surtout l’histoire de vaincus qui, après avoir échappé à l’effondrement de la République espagnole fin mars 1939, puis survécu à l’inter-

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nement et aux travaux forcés dans les camps français en Algérie et au Maroc, sont enfin libérés suite aux débarquements alliés de novembre 1942 en Afrique du Nord, et participent au sein des corps francs d’Afrique à la campagne de Tunisie contre l’Afrika Korps, puis s’engagent dans la 2ème division blindée du général Leclerc, contribuant ensuite à la libération de la France et à la victoire sur le nazisme jusqu’à Berchtesgaden, pour finir oubliés par l’Histoire et abandonnés à leur propre sort, loin de leur terre natale et de leurs foyers après 1945. Dans sa BD historique, Paco Roca, admirateur d’Hergé et de Spiegelman, se met en scène lui-même comme jeune reporter-écrivain arrivé dans une petite ville des Vosges à la recherche d’un certain Miguel Ruiz, vétéran supposé de la Nueve et dont les proches méconnaissent le passé antifasciste. Les scènes du présent de l’enquête d’histoire orale sont représentées en noir et blanc, tandis que l’Histoire, vue à travers le témoignage de Miguel (alias Miguel Campos), est évoquée par la couleur. Le titre de la version originale de ce récit graphique, Los surcos del azar («  Les sillons/ornières du hasard  »), tiré d’un vers du recueil de poèmes « Champs de Castille  » d’Antonio Machado (¿ Para qué llamar caminos a los surcos del azar ?) évoque toutes les incertitudes de l’exil vécu par les républicains parvenus à

Half-track peint aux couleurs du Guadalajara, premier blindé de la Nueve à entrer dans Paris et mis en place sur le lieu de la commémoration officielle, quai Henri IV

fuir l’Espagne après la victoire de Franco. Chaque exilé se voit dès lors contraint d’emprunter un itinéraire différent, soumis aux aléas du hasard et face à la mort. Dès les premières pages de son oeuvre, Paco Roca confronte le lecteur au climat de danger permanent et de souffrances sans fin que subissent les républicains vaincus lorsqu’il évoque avec talent et émotion la tragédie qui se déroule le 28 mars 1939 dans le port d’Alicante où se pressent des milliers de républicains épuisés et désespérés de pouvoir s’embarquer sur des navires neutres dont un seul, le charbonnier britannique Stanbrook, parvient finalement à quitter le port, emportant sa cargaison de réfugiés vers Oran. Début d’un long martyre pour ces «  rouges  » en déroute, confrontés d’abord à l’hostilité déclarée des autorités françaises, puis aux humiliations et aux brimades de leurs gardes dans les camps de travail. Paco Roca intègre aussi à son récit le poète Machado, mort d’épuisement et de désespoir à Collioure, près de la frontière avec la Catalogne, une figure emblématique du sort des

antifascistes espagnols réfugiés en France après la Retirada. Sortie en avril dernier l’édition française de cette oeuvre de mémoire, préfacée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, est parue sous un titre certainement moins évocateur du sort tragique des républicains vaincus mais auquel le lectorat français sera probablement plus sensible : La Nueve, les républicains espagnols qui ont libéré Paris. Fidèle à l’histoire et à la mémoire républicaine, Roca représente dans sa BD sans concessions la brutalité et l’ignominie dont se rendent coupables les autorités françaises, de la défaite républicaine au gouvernement de Vichy. Loin d’idéaliser la France du général de Gaulle, il montre aussi le licenciement des tirailleurs africains, qui, après avoir joué un rôle décisif dans les premières campagnes des forces françaises libres en Lybie et en Tunisie, sont désarmés et renvoyés chez eux parce que les Américains, qui équipent et entrainent la nouvelle division blindée placée sous le commandement du général Leclerc en vue de participer au débarquement en France ne

Animée par Evelyn Mesquida, l’association «  24 août 1944  » organisait le mois passé dans les rues de Paris une marche commémorative de la porte d’Italie à la Seine. En 2004, Bertrand Delanoë (PS), maire de Paris, a fait apposer onze plaques commémoratives ponctuant l’itinéraire parcouru dans la ville en 1944 par la Nueve et l’après-midi du dimanche 24, c’est en suivant ce chemin qu’une manifestation internationale rassemblant quelques centaines de personnes a traversé Paris, arborant les drapeaux de la République espagnole, de la Fédération anarchiste et de la Confédération nationale du travail (CNT), pour participer ensuite, au bord de la Seine, près de l’Hôtel-de-Ville, à une cérémonie officielle animée par Anne Hidalgo (PS), l’actuelle maire de Paris, elle-même petite-fille de réfugiés républicains espagnols, et Kader Arif, secrétaire d’État aux Anciens combattants et de la Mémoire, en présence de Rafael Gomez, un des deux vétérans encore en vie de la Nueve. Acte de mémoire en souvenir d’antifascistes espagnols, républicains, anarchistes et communistes, qui, ont contribué à la libération de Paris et à la défaite du nazisme et, qui, précisons-le, ne figurent pas dans les livres d’histoire scolaires, ni en France, ni en Espagne. n Paco Roca, La Nueve, les républicains espagnols qui ont libéré Paris, Éditions Delcourt, collection Mirages, 2014 (Traduction de Los surcos del azar, Ediciones Astiberri, 2013).

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réfléchir Les Juifs allemands durant la Première Guerre mondiale jacques aron

C

ommémorations du centenaire de l’entrée en guerre obligent, une exposition se tient à présent au Musée Juif de Munich sur le thème : « Guerre : Juifs entre les fronts 1914-1918 ».1 Le sujet méritait effectivement d’être traité, tant il est révélateur d’un tournant dans la condition des Juifs allemands depuis la fondation de l’empire en 1871, qui leur avait enfin reconnu l’entièreté des droits civils et politiques. Sans doute est-il bon de rappeler la résistance farouche qui s’était maintenue contre leur accession à l’administration, à l’université et surtout aux grades supérieurs d’une armée de caste dirigée essentiellement par la noblesse. La guerre fut évidemment accompagnée partout d’appels à l’union sacrée et Guillaume II ne manqua pas de rappeler qu’il ne connaissait plus que des Allemands, sans distinction de confession ou de parti. Les Juifs dans leur grande majorité s’inscrivirent évidemment dans le courant d’enthousiasme chauvin qui déferla sur le pays et beaucoup se portèrent volontaires. Les Allemands de confession juive affiliés aux communautés reconnues étaient alors au nombre de 620.000 environ, soit 1% de la population du Reich. L’antisémitisme officiellement représenté au Reichstag par des partis d’intérêts corporatifs, qui avait compté jusqu’à 16 députés en 1893, était depuis lors en déclin, grâce à l’opposition résolue

des grandes organisations juives et à la résistance que lui avaient opposée le libéralisme progressiste et surtout la social-démocratie, grand vainqueur des dernières élections de 1912 avec 35% des suffrages. Les partis ouvertement antisémites récoltaient cependant encore près de 3% des voix. Sommairement, l’Allemagne comptait donc trois antisémites pour un Juif !2

le sort des Juifs Pour comprendre ce qui va se jouer durant la guerre, il n’était pas seulement nécessaire d’évoquer l’antisémitisme – c’est-àdire le rejet de l’émancipation politique accordée aux Juifs – qui s’établit dès la fin de la première décennie du Reich, mais aussi d’évoquer deux faits déjà marquants et qui divisent la judéité elle-même. Le premier est le sionisme, dans l’organisation internationale duquel les Juifs de langue allemande jouèrent un rôle de premier plan. Dans ce courant issu davantage d’Autriche-Hongrie que du Reich, l’Association sioniste pour l’Allemagne se proposa néanmoins dans les années qui précédèrent le conflit d’introduire ses visées politiques dans les grandes institutions communautaires religieuses, suscitant une vive opposition qui ira jusqu’à la création d’organes ouvertement antisionistes. Le second fait qui s’avèrera déterminant durant la guerre est la vague croissante d’immigration de Juifs orientaux

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en proie à l’antisémitisme tsariste, de coreligionnaires maintenus dans un isolement forcé, très différents des Allemands et présentant entre eux des disparités notoires selon l’histoire de leurs régions respectives. Une confrontation qui ébranlait les acquis du judaïsme allemand, le déstabilisait et entraînait nombre de réactions divergentes. Un journal s’était ainsi créé à Berlin en 1910, sous le titre Ost und West, pour tenter de rapprocher ces deux branches du judaïsme et empêcher que leurs tensions ne s’exacerbent sur le sol allemand. Comment ces trois facteurs ontils influencé le sort des Juifs allemands durant la guerre ? Il n’est pas facile de l’établir, tant, avec le recul du temps, notre vision est devenue trop globale et trop marquée par son issue. Durant les premières années, le sol allemand n’est pas affecté par la guerre. Des dizaines, voire des centaines de publications continuent à voir le jour, qui nous documentent abondamment sur les réactions juives, toutes orientations confondues : sermons des rabbins à l’usage des troupes ou des fidèles, prises de position communautaires, revendications des différents courants politiques, réflexions religieuses, philosophiques ou sociologiques, manifestes sionistes, etc. Elles sont évidemment marquées par l’évolution des fronts occidental et oriental, les combats du Sud paraissant plus lointains affectant surtout la diplomatie sioniste, af-

faire de ses dirigeants plus que de l’opinion publique allemande. Après l’invasion de la Belgique, le front occidental se fige en France en une guerre de tranchées dont on connaît le prix, tandis que les rapides victoires à l’Est sur les troupes russes dégagent un vaste territoire sur lesquels vivent notamment des millions de Juifs qui deviennent alternativement, selon la fluctua-

Juifs planqués au sein de l’armée, fuyant le front ou se soustrayant à leurs obligations patriotiques. On évaluera à près de 100.000 hommes le nombre de Juifs engagés, dont 12.000 trouveront la mort sur les champs de bataille. Les résultats de l’enquête, publiés ultérieurement, ne confirmeront pas la campagne antisémite, mais le ver restera durablement dans le fruit, obligeant plus tard les nazis

a sa propre logique. L’histoire, en accordant à la Déclaration Balfour de novembre 1917 – une lettre élevée au rang d’acte diplomatique international – un rôle de premier plan, a refoulé la course de vitesse engagée durant le conflit pour s’assurer les faveurs du vainqueur, quelle que soit l’issue de la guerre. Tandis que les uns courtisaient les Britanniques, d’autres sollicitaient l’appui des puissances centrales et de leur allié turc, que l’on pensait encore déterminant pour l’avenir de la Palestine. Avec la Première Guerre mondiale, les masses juives en mouvement sont devenues un enjeu spécifique dans le jeu d’alliances des grandes puissances. La défaite des puissances centrales, l’écroulement de l’empire ottoman et la poussée révolutionnaire vont complètement changer la donne. n Jusqu’au 22 février 2015. Contrairement à d’autres pays, le statut officiel des confessions reconnues, qui se financent par un impôt du culte, livre toutes les données relatives à la condition sociale de leurs membres. 3 Heinrich Class, pangermaniste sur une base raciale, l’un des maîtres à penser d’Hitler concluait déjà sa monumentale « Histoire allemande » (Deutsche Geschichte, T. Weicher, Leipzig, 1912, par ces mots : « Il y a aujourd’hui sur la terre 90 millions d’hommes allemands… et 58 millions d’entre eux sont unis dans un État allemand ; à côté d’eux vivent 5,5 millions de non-Allemands avec leurs associations nationales, c’est-à-dire 4 millions de Polonais, plus de 600.000 Juifs, environ 250.000 Français, 150.000 Danois et plus d’un million parlant des langues diverses. » Et, sentant venir la guerre, il ajoutait et soulignait : « Si l’ennemi extérieur ne nous laissait pas le temps de préparer notre avenir par une épuration et une élucidation interne, que se passera-t-il ? Eh bien, ce sera une chance pour notre peuple. Ce sera la guerre qui lui rendra la santé, la misère et les larmes éveilleront sa force morale, le tonnerre des armes séparera les peuples ; notre peuple affirmera sa puissance et retrouvera son sens de l’héroïsme, il reviendra renforcé et enrichi du combat sanglant, malgré toutes les pertes humaines et matérielles. » (p. 415). 1 2

Affiche pour le recrutement de soldats juifs en Palestine, Jérusalem, s. d., Musée Juif de Vienne

tion des combats, l’objet des tentatives de ralliement ou de refoulement des différents belligérants. Toujours entre deux feux et facilement soupçonnés de trahison de part et d’autre. De notables contradictions existent au sein même de l’État-major, du ministère de la Guerre et de la Direction de l’économie de guerre au sein de laquelle Walter Rathenau, qui succède à son père en 1915 à la direction d’AEG, exerce une grande influence. Les courants antisémites, on devrait plutôt dire pangermanistes, xénophobes et racistes3, obtiennent du ministère de la Guerre, à l’automne 1915, qu’il organise une enquête sur le soupçon indéfinissable de

eux-mêmes à réserver longtemps un sort différent aux anciens combattants de la Grande Guerre. La nouveauté radicale de la Guerre 1914-18 est évidemment le recrutement massif de Juifs dans toutes les armées belligérantes. On évalue leur nombre entre 1,2 et 1,4 millions de soldats, la moitié étant constituée de Russes et 300.000 d’Austro-Hongrois (dont 10% trouveront également la mort). Mais on en dénombre aussi dans les armées bulgare, roumaine, italienne, turque, américaine, etc. Que les sionistes aient trouvé là aussi un argument supplémentaire à la promotion d’une politique purement «  juive  » n’a pas de quoi surprendre. La guerre

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! ‫יִידיש ? יִידיש‬

Yiddish ? Yiddish ! par willy estersohn

‫רבסטגעזאנג‬ ַ ‫הא‬ ַ

Poème de Paul Verlaine

Harbstgezang Chanson d’automne Un texte de saison. Il s’agit du célébrissime poème impressioniste de Paul Verlaine (1844-1896). Exceptionnellement, donc, le texte en yiddish que nous vous présentons est une traduction. Nous la devons à Mordekhay Litvin dont l’oeuvre est considérable (il a également traduit Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément). Et, en guise de traduction, nous ne pouvions, évidemment, que vous soumettre le poème écrit par Verlaine.

,‫עס װערגט מיך שװער‬ shver mikh vergt

es

klang

un veyn ikh shoen

di

dem fun

kler

un

kumt

vos

iz

vos

monotone

un

harbst

der

oyf

vekt

,‫װאס קומט‬ ָ ,‫הארבסט‬ ַ ‫דער‬ vos

‫װעקט אויף די װּונד‬ vund di

.‫רטראגן‬ ָ ‫ֿפא‬ ַ ‫און איז‬ fartrogn

mit

,‫טאנע‬ ָ ‫נא‬ ָ ‫מא‬ ָ ‫און‬

‫װאס איז געװען‬ ָ iz

fidl

lang zikh klogt

,‫און קלער ֿפון דעם‬ geven

Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà Pareil à la Feuille morte.

‫לאנג‬ ַ ‫קלאגט זיך‬ ָ ‫װאס‬ ָ

; ‫שלאגן‬ ָ ‫די שעהען‬ shlogn

Tout suffocant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure

,‫קלאנג‬-‫ֿפידל‬ ַ ‫מיט‬

‫איך װײן און הער‬ her

Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon coeur D’une langueur Monotone

.‫מײן נשמה‬ ַ ‫אין‬

un

neshome mayn

in

,‫ֿפארשװינד‬ ַ ‫און איך‬ farshvind

ikh

un

.‫געיאגט ֿפון װינט‬ ָ vint fun

geyogt

,‫און בײזן װעטער‬ veter

beyzn un

,‫ֿפון ָארט צו ָארט‬ ort

tsu

ort

fun

,‫דארטן‬ ָ ‫באלד‬ ַ ,‫דא‬ ָ ‫באלד‬ ַ dort

bald

do

bald

.‫װי טויטע בלעטער‬ bleter

octobre 2014 * n°349 • page 18

toyte

remarques

‫ קלָאגן‬klogn = gémir, pleurer ; ‫ זיך קלָאגן‬zikh klogn = se plaindre. Traduction littérale des deux derniers vers de la première strophe : « Réveille la blessure/Dans mon âme » (‫ נשמה‬neshome (hébr.) = âme). ‫װערגן‬ vergn (ou ‫ װַארגן‬vargn) = étouffer. ‫ שעהען‬shoen (prononcer sho-en) : plur. de ‫ שעה‬sho (hébr.) = heure.  ‫ ֿפַארטרָאגן‬fartrogn = supporter ou (traduction qui convient ici) emporter au loin ; au participe passé, même forme qu’à l’infinitif. ‫ געיָאגט‬geyogt : part. passé de ‫ יָאגן‬yogn = chasser, pousser ; ‫ זיך יָאגן‬zikh yogn = se hâter.

vi

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anne gielczyk

Humeurs suédoises

J

e me suis plongée dans l’affaire Valérie Trierweiler, à mon corps défendant, dirais-je. Juste « pour voir » si ça pouvait faire l’objet d’une chronique. Maintenant je ne peux plus reculer, car le temps presse. C’est toujours comme ça au début d’une chronique, on s’engage dans une voie et il n’y a plus de retour possible, si ce n’est de déclarer forfait. C’est casse-gueule l’écriture ! La preuve, ce livre de Valérie Trierweiler, ça lui revient un peu en pleine figure. Bon, je précise tout de suite, je ne l’ai pas lu et je ne le lirai pas. Comme tout le monde. Sauf Cohn-Bendit apparemment qui va le lire parce qu’il est « un voyeur normal qui aime les ragots ». Sacré CohnBendit ! Pas que je ne sois pas voyeuse, je le suis. Comme tout le monde. Il m’est même arrivé d’acheter, il y a des années de ça, à l’été 1992 pour être tout à fait précise, un exemplaire de Paris Match. Normalement Paris Match, je lis ça chez le coiffeur, et encore… depuis que j’ai l’iPad, je continue tout simplement chez le coiffeur à faire ce que je fais chez moi, lire mon journal, surfer sur le net et envoyer des mails. Bref, le jour où j’ai acheté Paris Match, je ne sais pas si Valérie Trierweiler y travaillait déjà, mais Woody Allen figurait en couverture, car il venait de quitter Mia Farrow pour sa fille adoptive Soon-Yi. Autant dire, le choc ! A l’époque,

j’étais une grande fan de Woody Allen (je le suis toujours, mais un peu moins qu’à l’époque quand même). On ne peut pas en dire autant du couple François Hollande et Valérie Trierweiler. Je les trouve un peu « ennuyeux » à vrai dire. Un couple « normal »

en quelque sorte, sauf qu’il s’agit, je vous l’accorde du président de la République française. Je n’irai pas jusqu’à dire, comme Alain Finkielkraut, que ce livre de Valérie Trierweiler est un crime contre la République (et contre l’individu François Hollande). On reconnaît bien là son emphase légendaire et on s’étonne un peu que notre éminent philosophe se fende d’une tribune dans Libé sur le sujet. Ceci dit, il en profite pour endosser la fonction présidentielle (ça s’intitule « Si

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j’étais François Hollande »1) et pour égratigner au passage les réseaux sociaux (une « hydre infernale »), Médiapart (« le site d’informations qui donne envie de changer de planète »), la postmodernité et la République, morte selon lui (« et ce n’est

pas un nouveau numéro qui la ressuscitera »).

À

propos de l’expression « sans-dents », Finkielkraut dit ne pas y croire et le président lui, le vrai, l’individu François Hollande, déclare solennellement que « c’est un mensonge qui (le) blesse ». On devine qu’il l’a dit, mais que c’était pour rire. Hin hin hin. Moi, je me pose des questions sur son humour. Cynique, et surtout, pas drôle.

Mais revenons à Valérie Trierweiler et à son livre. J’ai eu beau chercher, je n’ai trouvé personne dans les médias pour la défendre. Même pas une féministe ! Pas de Marguerite Duras pour l’élever au rang de sublime, forcément sublime. « Elle est encore seule dans la solitude, là où sont encore les femmes du fond de la terre, du noir, afin qu’elles restent telles qu’elles étaient avant, reléguées dans la matérialité de la matière. Christine V. est sublime. Forcément sublime »2. Héroïne « médéenne », Valérie T., se vengeant avec les armes qui sont les siennes – journaliste à Paris Match (ben oui) –, femme répudiée, chassée publiquement du Palais en 18 mots. On aurait des envies de vengeance pour moins que ça. Toujours estil que la vengeance, comme le dit le proverbe, est un plat qui se mange froid. Ici, il a été servi à chaud. Un passage à l’acte suicidaire – suicide moral, entendons-nous, pas financier – ou pour le dire en termes plus guerriers : une opération kamikaze.

K

amikaze… nous y voilà ! Mais oui, nous aussi nous avons notre kamikaze. Même qu’elle est suédoise. C’est la coalition de notre futur gouvernement fédéral. Enfin, peut-être. En Belgique quand il s’agit du fédéral, il ne faut jamais préjuger de rien. Et surtout pas du nombre de jours que prendra la formation de son gouvernement. Cette foisci on ne sait même pas qui est pressenti comme premier ministre. Heureusement que nous en avons trois autres, de gouvernements. Avec socialistes en Wallonie et à Bruxelles, sans

socialistes en Flandre. De l’eau au moulin de Bart De Wever qui prétend que nous vivons dans deux démocraties. Mais pourquoi suédoise, kamikaze on comprend, mais suédoise ? Eh bien c’est tout bête en fait, c’est à cause de leur drapeau aux Suédois : croix jaune sur fond bleu. Bleu pour libéral, jaune pour nationaliste flamand et la croix pour les démo-chrétiens. À se demander qui a bien pu inventer un truc pareil !

E

ntre-temps en Suède, il y a un parti féministe qui monte, qui monte et qui a obtenu un siège au Parlement européen, le « Feministisk initiativ (FI) ». Il défend une journée de travail de six heures, le démantèlement de l’armée, l’ouverture des frontières, la gratuité des transports en commun. Pas mal, je trouve. Pour notre Suédoise, rien de tout ça, vous vous en doutez. Au contraire même. On imagine mal une Maggy De Block défendant l’ouverture des frontières, ou un Pieter De Crem, le démantèlement de l’armée. Quant aux chômeurs, qu’ils ne comptent pas sur une augmentation des offres d’emploi grâce à une plus juste répartition du temps de travail, au contraire, ils sont sommés de prouver qu’ils cherchent un boulot, pas d’en trouver un. Quant à la gratuité des transports en commun, la Suédoise flamande vient juste de la supprimer pour les + de 65 ans, qui en bénéficiaient encore. Bref, nos Suédoises sont bien ancrées à droite. Guido Fonteyn, journaliste flamand, réputé en Flandre pour ses analyses de la Wallonie, a déclaré dans un journal francophone que la N-VA est un parti d’extrême droite ;

les journaux francophones adorent ce genre d’analyse, on se souvient de l’interview du frère de Bart De Wever, Bruno, l’historien, qui, dans Le Soir, déclarait que le président de la N-VA cachait son jeu et continuait de préparer la scission de la Belgique, ce qui donnerait, si le fait était avéré, une tout autre connotation au concept de kamikaze, mais soit. Personnellement je ne me prononcerai pas sur le supposé agenda caché de Bart De Wever, on peut se demander en effet pourquoi il ne fait partie d’aucun gouvernement. Tout ce que je sais, c’est que la N-VA n’est pas un parti d’extrême droite. C’est un parti indépendantiste et tous les indépendantistes ne sont pas par définition d’extrême droite, voyez l’Écosse, ou la Catalogne. Celui-ci n’est certes pas de gauche, il est même ultra-libéral, on pourrait même dire « tatchérien », pour une forte réduction des dépenses publiques, avec un système de contributions inégalitaire et la conviction que chaque individu est responsable de son propre sort.

D

es coupes sombres nous attendent. En Flandre, elles ont déjà commencé. On dirait qu’ils ont appliqué cette « Perle du Bac » 2014 sur le thème du bonheur, « Pour vivre dans la joie et l’allée graisse, il faut faire des sacrifices »​. Sauf que l’allée ne sera pas grasse pour tous. n Libération du 9 septembre 2014. Marguerite Duras, « Sublime, forcément sublime Christine V. », Libération 17 juillet 1985.

1 2

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activités dimanche 5 octobre à 16h

Des terroristes à la retraite

vendredi 10 octobre à 20h15

Un film de Mosco Boucault (84’ – 1985)

Question juive, question noire

Introduction Elias Preszow

Conférence-débat avec

Il n’y a pas si longtemps j’ai vu un film. « Bordure protectrice » n’avait pas encore eu lieu. C’était avant, mais par contre, j’ai vu ce film après « Plomb durci ». Voilà pour le calendrier, le film, lui, a été réalisé dans les années 80, par un certain Mosco. Son titre : « Des terroristes à la retraite »… Après l’avoir vu sur Arte, je me suis dit deux choses : la première était que je voulais le revoir, et, plus précisément, le montrer à un ami, le revoir avec un ami ; la seconde était que ce film racontait l’histoire, une histoire, qui pourrait être celle de l’Upjb, telle que je l’imagine. Glorieuse, pathétique, tour à tour, elle est celle de ces vieux résistants immigrés (des Juifs de l’Est), qui ont pris les armes, et puis qui furent oubliés. Sciemment oubliés. Car ce film, comme une enquête – ou peut-être un jugement à charge - , montre comment ces quelques hommes à l’accent yiddish ne furent plus si nécessaires dans le récit d’une France dont l’imaginaire national meurtri désirait plutôt l’homogénéité de couleur sur l’affiche, fut-elle rouge, qui vantait les rares héros de la patrie… Qui sont les terroristes aujourd’hui, comment avons nous encore le choix des armes dans ce temps où du rouge ne reste que le sang des vaincus, et la chanson de Ferré. Si ce film, bien sûr, ne donne aucune réponse, peut-être nous permettra-t-il d’attaquer la rentrée avec un décalage vital face à l’urgence du désastre omniprésent. Elias Preszow PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

Cabaret II de l’UPJB le 8 novembre L’UPJB organise son deuxième Cabaret le samedi 8 novembre. Pour cela, nous faisons appel à nos membres, amiEs, sympathisantEs, proches et moins proches, pour partager leurs musiques, chansons, poèmes, danses, slam, (très) courts métrages, etc... Si vous êtes candidatEs pour participer à cette rencontre artistique et conviviale, merci de contacter Ariane en annonçant votre participation et ce que vous ferez : arianebratz@gmail.com

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Patrick Siblerstein,

co-éditeur avec Danièle Obono du recueil de textes de Léon Trotsky, Question juive, question noire (Syllepse, 2011) Présentation Daniel Liebmann Double paradoxe qu’offre ce livre. Tout d’abord celui de discuter de la question noire américaine en écho à la question juive dans la Russie tsariste, au cours de la Révolution russe puis à l’époque stalinienne et à la veille de la destruction des Juifs d’Europe. Ensuite d’organiser ce débat autour des réflexions du fondateur de l’Armée rouge : Léon Trotsky, lequel séjourna à New York en 1917 et ne revendiquait aucune judéité, bien que nombre de ses adversaires aient manié l’argument antisémite contre lui. Trotsky, adversaire de Staline qui devait le faire assassiner en 1940, est un des plus illustres dirigeants de la Révolution d’octobre 1917. Son expulsion d’URSS le conduit à entretenir des relations avec ses camarades américains qui devaient lui faire partager leurs préoccupations politiques sur la question noire. Par ailleurs, la montée du nazisme, son pronostic d’une guerre mondiale dans les années 1930, l’amènent à considérer à nouveau la question juive en Europe et ses conclusions seront tristement prophétiques quant à l’extermination à venir des communautés juives européennes. De la lecture des textes de Léon Trotsky qui traitent de ces deux questions, on comprend que ce paradoxe n’est qu’apparent. Les formes d’oppression des deux minorités dans des situations nationales particulières ont beaucoup en commun : pogroms/lynchages, Bund /parti noir, retour vers la Palestine/Afrique, revendications culturelles, particularisme/universalisme… et les moyens d’émancipation de deux communautés respectives tout autant compliqués. Comment défendre ses droits lorsqu’on est minoritaire, victimes d’un racisme ancestral ? Patrick Siblerstein est co-fondateur des éditions Syllepse et du collectif antifasciste « Ras l’Front ». Il a publié (avec Patrick Le Tréhondat) Vive la discrimination positive. Plaidoyer pour une République des égaux (Syllepse, 2004) et L’ouragan Katrina (Syllepse, 2005). PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

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activités vendredi 17 octobre à 20h15 Israël-Palestine : au delà de la séparation

dimanche 19 octobre de 10h30 à 17h

Atelier créatif collectif

Conférence-débat avec

Yoav Shemer-Kunz,

Cet atelier propose de partager un moment créatif/récréatif. Nous terminerons la saison par une séance de mosaïque.

citoyen et refuznik israélien, doctorant en sciences politiques

En quelques heures, vous pouvez découvrir une technique et le plaisir de réaliser quelque chose selon votre idée... Matériel à apporter : support plat (plateau, assiette, sous plat,...), déchets de vaisselle, carrelage, boutons, coquillages, etc...

Le conflit israélo-palestinien ne sera pas résolu par la séparation entre Israéliens et Palestiniens. Le slogan « Deux peuples, deux États », promu par la communauté internationale et le « camp de la paix » israélien, est désormais caduc. L’accélération de la colonisation israélienne de la Cisjordanie rend la création d’un État palestinien viable impossible en réalité. L’effondrement des accords d’Oslo de 1993 et l’impossibilité de parvenir à un nouvel accord de paix, malgré les efforts internationaux, emmènent le conflit israélo-palestinien dans une impasse historique. Le résultat est une guerre continue, sans victoires ni défaites, et la montée du mouvement BDS contre Israël dans le monde, notamment en Europe occidentale. Cette impasse nous invite à chercher une alternative en phase avec la réalité sur le terrain en Israël-Palestine. Cette alternative n’est pas forcément un État unitaire, qui est davantage une vision utopique postnationale qu’un plan politique réalisable dans un avenir proche. Il faut repenser la solution de ce conflit au delà de ces deux alternatives simplistes. Comment partager un seul pays – la Terre d’Israël pour les uns, la Palestine historique pour les autres – entre les deux communautés nationales ? Que pourrions nous apprendre d’autres expériences dans le monde où différentes communautés nationales partagent un territoire commun, telles la Belgique ? Que pourrions nous apprendre des expériences concrètes de la minorité arabe palestinienne en Israël, dans la perspective de vivre-ensemble en Israël-Palestine ? PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

À Flagey, Studio 5, du 21 octobre au 29 novembre

Liên de Mê Linh ou guerre et crimes de guerre Un documentaire de Jean-Marc

Turine

Un film pamphlet qui dénonce les effets ravageurs encore aujourd’hui de l’utilisation par les Américains de défoliants à la dioxine pendant la guerre du Vietnam : des milliers d’enfants naissent chaque années porteurs de multiples handicaps. Ils sont plus de trois millions à ce jour.

Prochaines dates : dimanches 23/11 et 21/12 Inscriptions : upjb2@skynet.be Renseignements : bettinabra@gmail.com PAF: 10 € - Petite restauration prévue

dimanche 19 octobre à 17h15 Dans le cadre du Festival des Libertés (au Théâtre national)

Désobéissance militaire 1914-2014 Débat avec Stefanie Prezioso, directrice de recherche à l’Université de Lausanne, auteur de

Obéir pour mieux désobéir ? Les volontaires italiens dans la Première Guerre mondiale (2008)

et Yoav Shemer-Kunz, citoyen israélien, refuznik, membre de Combattants de la paix La Grande Guerre, commémorée en grandes pompes, fut aussi celle de la mutinerie et de la désertion. La désobéissance militaire traverse les époques et les conflits. Il s’agit d’en témoigner dans différents contextes. D’observer ce qui la motive ou la rend moralement nécessaire. Quelles en sont les conditions ? Comment en arrive-t-on là ? Quelles en sont les conséquences ? Et quelle est sa portée politique ? Entrée libre http://www.festivaldeslibertes.be

www.flagey.be

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activités

partager club Sholem-Aleichem

Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

Jeudi 9 octobre

« Épidémies des maladies infectieuses en général et d’Ebola en particulier » par la professeure Debby Guha-Sapir, docteur en épidémiologie et médecine préventive, directrice de l’Institut de recherche santé et société à l’UCL.

Jeudi 16 octobre

Jo Szyster, responsable avec Léon Buhbinder des archives de Solidarité Juive et actuellement guide accompagnateur de groupes scolaires à Kazerne Dossin (Malines), interrogera Eugène Lipinsky (dit Poulain) sur son parcours d’enfant caché, de militant aux Jeunesses communistes et de combattant de la guerre d’Indépendance d’Israël en 1948, dont il est l’un des derniers survivants belges.

Jeudi 23 octobre

Marc Sapir nous entretiendra de son expérience au sein de la Confédération européenne des syndicats (CES). Licencié en chimie et docteur en sciences de l’ULB, Marc Sapir a été conseiller scientifique au CRIOC pendant plusieurs années. Il rejoint en 1985 la Confédération européenne des syndicats où il suit les questions de santé et de sécurité au travail. En 1989, il fonde et dirige le Bureau technique syndical et organise en 2004 la fusion des trois organismes attachés à la CES, dont il devient le premier directeur général.

Jeudi 30 octobre Congé

vendredi 24 octobre à 20h15 Daniel Timsit, l’Algérien Un film de Nasredine Guenifi En présence du réalisateur Daniel Timsit (1928-2002) fait partie de ces militants communistes algériens qui ont rejoint le FLN pendant la guerre d’indépendance. Petit-fils d’un rabbin de Constantine, il participe à la création d’un atelier clandestin d’explosifs près d’Alger. Arrêté par l’armée française en 1956, il est emprisonné jusqu’en 1962 en Algérie et en France. Il rentre en Algérie après l’indépendance et occupe des fonctions gouvernementales sous la présidence de Ben Bella. Ecarté de toute responsabilité après le putsch du colonel Boumedienne en 1965, il finit par quitter l’Algérie. Il a publié son journal de prison (Récits de la longue patience) et deux récits consacrés à la guerre de libération (Algérie, récit anachronique et Suite baroque) aux éditions Bouchène (www.bouchene.com). Nasredine Guenifi est un réalisateur algérien qui vit en France depuis 1994. Son film Daniel Timsit, l’Algérien a été monté à partir de longs entretiens avec Daniel Timsit en 2000. Introduction : Laurent Vogel PAF: 6 €, 4 € pour les membres, tarif réduit: 2 €

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Hommage à Eric Durnez (suite) mina buhbinder Le samedi 26 juin, hommage a été rendu au Centre Culturel Jacques Frank au dramaturge Eric Durnez qui avait mis en scène plusieurs pièces pour le Théâtre de la Magnanerie. Mina Buhbinder y a pris la parole au nom de l’UPJB.

Eric Durnez est mort ! Je suis si triste !... Je savais qu’il était malade… gravement malade… Le temps passe si vite… mais non, là c’est trop tôt. C’est toujours trop tôt pour ceux qu’on aime ! Il avait encore tant de choses à dire… à écrire surtout, puisque c’est ce qu’il a fait ces derniers temps avec tellement de talent . Je le vois encore : jeune, beau, ténébreux ! c’est comme ça qu’il restera toujours dans nos cœurs, dans nos têtes, dans nos yeux . Dans mes yeux ! Ses débuts de mises en scène à l’Upjb : Le procès de Kafka, Ubu Roi d’Alfred Jarry, des textes de Woody Allen, Carmelke ( pastiche de Carmen), Grand-peur et misère du IIIe Reich. BRECHT, KAFKA, JARRY, WOODY ALLEN ( pour moi, ces auteurs résument bien la personnalité d’Eric)... ...un peu compliqué… un peu écorché… mais si intéressant et si passionnant . Me reste à découvrir ses écrits à lui . Quelle chance d’avoir eu Eric au théâtre de l’UPJB ! Tous ceux qui l’ont approché, ont pu apprécier sa culture, sa modestie et ses nombreux talents dont celui de bon pédagogue à l’occasion de

formations de moniteurs de notre mouvement de jeunesse. Quel bonheur d’avoir été dirigée par lui dans «  La femme juive  », une scène de Grand-peur et misère… Je n’oublierai jamais tout ce qu’Eric m’a donné . Sa confiance, son attention sur le plan de mon jeu, de mon interprétation, sa délicatesse dans ses exigences pour exprimer tous les tourments que devait ressentir cette femme juive qui s’éloigne des mondanités pour ne pas entraver la carrière de son mari . Et puis, je me suis rappelée d’une pièce qu’Eric à mise en scène avant que la troupe de l’Upjb ne soit reconnue, une pièce d’Evgueni Schwartz dans laquelle j’avais vraiment envie de jouer . Hélas il n’y a pas de rôle pour toi, me dit Eric, …à moins que… tu veux faire le curé ? me dit- il en riant. Moi, je veux bien (dis-je, pas très convaincue...) ( Eric réfléchit et me scrute souriant …)... Et pourquoi pas ? C’est ainsi que parmi mes pho-

tos, se trouve une photo bien étrange d’un petit curé ! ​Au revoir Eric ! Je garde en moi de très beaux souvenirs d’une personne sensible, drôle, grave, émouvante et très attachante. n

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UPJB Jeunes

Carte de visite

La rentrée du mouvement de jeunesse julie demarez

S

i le mois de septembre rime bel et bien avec la rentrée, ses livres, ses cartables, il est également synonyme de retrouvailles pour l’UPJB-Jeunes. Après deux mois sans réunion, sans activité, sans jeu, nous nous sommes tous retrouvés pour une après-midi chaleureuse. Parents et enfants étaient conviés à nous rejoindre à l’UPJB. Bien que de coutume, nous organisons un pique-nique au Bois de la Cambre, nous voulions pour une fois nous approprier les lieux avec tous les parents. En effet, ils n’ont que rarement l’occasion de passer la porte du 61 et passer un peu plus de temps ensemble à échanger, discuter et se rencontrer. Chose faite, chacun a pu papoter et faire connaissance avec les nouveaux venus. En effet, une petite dizaine de nouveaux enfants ont rejoint le mouvement pour cette nouvelle saison. Bienvenue à eux  ! L’après-midi fut aussi l’occasion de se rappeler les bons souvenirs de l’année passée, une projection de photos a retracé les grands moments de l’année précédente. Cette année, nous avons également décidé d’inviter le comité, afin que celui-ci puisse se présenter mais aussi présenter la maison et ce qui s’y passe toute l’année en-dehors de nos activités pour les jeunes.

Les enfants ont ensuite profité du grand jeu organisé par les monos afin de découvrir la nouvelle configuration de l’équipe de moniteurs. Et oui, il y a du changement, des nouveaux défis pour l’année à venir. Désormais, les Bienvenus seront animés par Leila, T-M, Felix et Samuel. Les Julia-

des Korczak est à présent composée de Laurie, Jeyhan et Andres. Enfin, les Zola seront accompagnés de Tania et Théo. Tous ensemble, nous espérons, une année de plus, vous offrir une saison remplie de nouvelles expériences, nouvelles rencontres et surtout beaucoup de divertissement. n

L’UPJB Jeunes est le mouvement de jeunesse de l’Union des progressistes juifs de Belgique. Elle organise des activités pour tous les enfants de 6 à 15 ans dans une perspective juive laïque, de gauche et diasporiste. Attachée aux valeurs de l’organisation mère, l’UPJB jeunes veille à transmettre les valeurs de solidarité, d’ouverture à l’autre, de justice sociale et de liberté, d’engagement politique et de responsabilité individuelle et collective. Chaque samedi, l’UPJB Jeunes accueille vos enfants au 61 rue de la Victoire, 1060 Bruxelles (Saint-Gilles) de 14h30 à 18h. En fonction de leur âge, ils sont répartis entre cinq groupes différents.

Bienvenus

Les pour les enfants nés en 2006, 2007 et 2008 Moniteurs : Leila : 0487.18.35.10 Tara-Mitchell : 0487.42.41.74 Samuel : 0475.74.64.51 Felix : 0471.65.50.41

Juliano Mer-Khamis

Les pour les enfants nés en 2004 et 2005 Moniteurs : Salomé : 0470.82.76.46 Luna : 0479.01.72.17 Eliott : 0488.95.88.71 Hippolyte : 0474.42.33.46

Marek Edelman

Les pour les enfants nés en 2002 et 2003 Moniteurs : Léa : 0487.69.36.11 Aristide : 0488.03.17.56 Simon : 0470.56.85.71 Youri : 0474.49.54.31

Janus Korczak

Les pour les enfants nés en 2000 et 2001 Moniteurs : Jeyhan : 0488.49.71.37 Andres : 0479.77.39.23 Laurie : 0477.07.50.38

Émile Zola

no auront l’occasion de s’éclater avec Eliott, Luna, Hippolyte et Salomé. Quant aux Marek, ce sont Simon, Léa, Aristide et Youri qui les accompagneront pour cette année. Pour les plus grands, moins de changements : l’équipe mono

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Les pour les enfants nés en 1998 et 1999 Moniteurs : Tania : 0475.61.66.80 Théo : 0474.48.67.59

Informations et inscriptions : Julie Demarez – upjbjeunes@yahoo.fr – 0486.75.90.53

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hommage

est le mensuel de l’Union des progressistes juifs de Belgique (ne paraît pas en juillet et en août)

Danielle Rauwers-Szyster

L’UPJB est soutenue par la Communauté française (Service de l’éducation permanente)

11 mars 1938 – 17 août 2014

Secrétariat et rédaction : rue de la Victoire 61 B-1060 Bruxelles tél + 32 2 537 82 45 fax + 32 2 534 66 96 courriel upjb2@skynet.be www.upjb.be

jacques Schiffmann

N

otre amie Danielle nous a quittés après une longue maladie. Elle s’est battue jusqu’au bout avec lucidité et courage, mais son corps a fini par la lâcher. Retraçons brièvement son parcours au cours duquel nombre d’entre nous, qui avons comme elle fréquenté les colonies de Solidarité Juive, l’USJJ et l’UPJB, l’avons côtoyée pendant tant d’années. Son grand-père, Juif sépharade originaire d’Alep, se fixa en Belgique avec sa famille : il eut onze enfants, dont Allegria Ancona, la mère de Danielle. En allant danser au chalet Robinson, elle rencontra son futur mari, Roger Rauwers, jeune militant communiste. Deux enfants leur naquirent, Yvette en 36 et Danielle en 38. En 1940, Roger fut mobilisé et se retrouva après l’occupation de la Belgique bloqué avec les troupes anglaises à Dunkerque. Au milieu d’une lettre qu’Allegria lui écrivait, elle eût une attaque qui lui fût fatale et les deux fillettes devinrent orphelines. Drame de l’enfance, aggravé par le décès plus tard de leur deuxième maman, à laquelle elles étaient très attachées. Jeunesse bruxelloise en milieu communiste. Roger Rauwers envoie ses filles aux Pionniers, et pendant les vacances, dans la colonie du parti, « Notre solidari-

té ». Et lors d’une fête du Drapeau Rouge, à laquelle participent les jeunes de l’USJJ, Dorette Szyster reconnaît avec surprise Danielle, sa condisciple du lycée Jacqmain. Elle lui parle avec enthousiasme de Solidarité Juive et c’est ainsi que Danielle et Yvette iront en colonie à Middelkerke, et fréquenteront l’USJJ. Danielle y rencontrera son futur mari Jo Szyster, à la section Leibke. Beaucoup de liens se tissent dans ce terreau, d’où a émergé un groupe resté très soudé jusqu’aujourd’hui, qui a partagé beaucoup de moments de vie et s’est aussi beaucoup investi dans l’UPJB. Le départ de Danielle éclaircit encore nos rangs, c’est dur ! Voisins, les Buhbinder et les Szyster étaient proches. Mina me rapporte : « Pour moi, qui fut longtemps sa voisine, Danielle m’apparaissait comme la parfaite ménagère ! Mais cela n’a rien de péjoratif ! Elle se disait féministe pour taquiner son mari ! En tout cas, elle m’a appris plein de petits trucs pour améliorer la cuisson de certains plats, pour l’exécution d’un tricot, de broderie de crochet, de coupe et couture ….tout ça, mais pas que ça ! Elle avait grandi dans le giron

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progressiste, communiste, athée, laïque et elle défendait ses idées avec conviction et ténacité. Hélas, avec le temps et la cigarette, elle a perdu sa voix qui était si jolie et

moi j’ai perdu une chouette complice ». En effet Danielle aimait chanter, et s’accompagnait à la guitare dans sa jeunesse. Elle est même passée au cabaret « Le cheval de Troie », avec Tessa, à qui elle a donné des cours de guitare. C’était aussi une grande lectrice et

elle aimait s’occuper les mains par des travaux d’aiguille, ce qu’elle a fait jusqu’à la fin. Elle a manifesté sa grande ouverture d’esprit en accueillant chaleureusement une belle fille japonaise qui lui a donné deux superbes petits-enfants, et une autre africaine dont elle ne verra hélas pas l’enfant. Danielle a fait des études de secrétariat, et, après deux années passées à Londres, a travaillé jusqu’à la pension à British Airways​. À sa retraite, pendant plus de 10 ans, elle a assumé bénévolement le secrétariat comptable de l’UPJB, avec Simone et Bobby, que je cite ici à ce propos. « Nous formions une équipe amicale, et ‘professionnelle’. Nous ne nous nous sommes jamais accrochés, malgré les failles dans mes connaissances en compta, qu’elle essayait d’améliorer par des explications patientes. Chaque année, elle sortait un bilan ‘tip-top‘ conforme aux exigences légales, et une présentation pour l’Éducation permanente, ainsi qu’un

Comité de rédaction : Henri Wajnblum (rédacteur en chef), Alain Mihály (secrétaire de rédaction), Anne Gielczyk, Carine Bratzlavsky, Jacques Aron, Willy Estersohn, Tessa Parzenczewski Ont également collaboré à ce numéro : Roland Baumann Mina Buhbinder Julie Demarez Sharon Geczynski Rosa Gudanski Antonio Moyano Jacques Schiffmann Conception de la maquette Henri Goldman Seuls les éditoriaux engagent l’UPJB.

Power Point lumineux pour l’AG statutaire. Ses opinions, en désaccord souvent avec l’UPJB, elle savait les défendre et les faire savoir au Comité sans mettre de gants, par exemple sur le voile. Donc franchise et franc-parler, ce qui pour moi est une qualité ! Et notre tâche terminée, on se retrouvait souvent chez elle pour un lunch convivial, avec vue sur la serre et la vigne de Jo, et sur le jardin et sa mare ». Danielle restera dans notre souvenir. À Jo qui a veillé sur elle jusqu’au terme ultime de son dur combat, à Philippe, Laurent, Naoko, Erica, Jua et Lona, toutes nos pensées affectueuses. n

Compte UPJB IBAN BE92 0000 7435 2823 BIC BPOTBEB1 Abonnement annuel 18 € ou par ordre permanent mensuel de 2 € Prix au numéro 2 € Abonnement de soutien 30 € ou par ordre permanent mensuel de 3 € Abonnement annuel à l’étranger par virement de 40 € Devenir membre de l’UPJB Les membres de l’UPJB reçoivent automatiquement le mensuel. Pour s’affilier: établir un ordre permanent à l’ordre de l’UPJB. Montant minimal mensuel: 10 € pour un isolé, 15 € pour un couple. Ces montants sont réduits de moitié pour les personnes disposant de bas revenus.

octobre 2014 * n°349 • page 31


agenda UPJB

Sauf indication contraire, toutes les activités annoncées se déroulent au local de l’UPJB, 61 rue de la Victoire à 1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

dimanche 5 octobre à 16h

Des terroristes à la retraite. Un film de Mosco Boucault (84’ – 1985) (voir page 22)

vendredi 10 octobre à 2Oh15

Question juive, question noire. Conférence-débat avec Patrick Siblerstein (voir page 23)

vendredi 17 octobre à 2Oh15

Israël-Palestine : au delà de la séparation. Conférence-débat avec Yoav Shemer-Kunz (voir page 24)

dimanche 19 octobre de 10h30 à 17h

Atelier créatif collectif (voir page 25)

dimanche 19 octobre à 17h15

Dans le cadre du Festival des Libertés (au Théâtre national). Désobéissance militaire 1914-2014. Débat avec Stefanie Prezioso et Yoav Shemer-Kunz (voir page 25)

vendredi 24 octobre à 20h15

Daniel Timsit, l’Algérien. Un film de Nasredine Guenifi. En présence du réalisateur (voir page 26)

samedi 8 novembre à 19h30

Éditeur responsable : Henri Wajnblum / rue de la victoire 61 / B-1060 Bruxelles

Cabaret II de l’UPJB (voir page 22)

club Sholem Aleichem Sauf indication contraire, les activités du club Sholem Aleichem se déroulent au local de l’UPJB tous les jeudi à 15h (Ouverture des portes à 14h30)

jeudi 9 octobre

Épidémies des maladies infectieuses en général et d’Ebola en particulier  par la professeure Debby Guha-Sapir (voir page 26)

jeudi 16 octobre

Jo Szyster interviewe Eugène Lipinsky (voir page 26)

jeudi 23 octobre

La Confédération européenne des syndicats par Marc Sapir (voir page 26)

et aussi À Flagey, Studio 5, du 21 octobre au 29 novembre

Prix : 2 €

Liên de Mê Linh ou guerre et crimes de guerre. Un documentaire de Jean-Marc Turine (voir page 24)

Les agendas sont également en ligne sur le site www.upjb.be


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