Urbania #25 Best-Of

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URBANIA.CA HIVER 2009 | NUMÉRO 25 | NOS 12 HISTOIRES PRÉFÉRÉES | FABRIQUÉ AVEC DU RÉCHAUFFÉ | 9,95$

L’essence d’Urbania Nos12 histoires préférées



Urb25

sommaire

09

Urbania en chiffres 10

Vox pop

Pierre Lapointe, Dany Turcotte et Michèle Richard nous révèlent en primeur pourquoi ils apprécient Urbania et quelle section ils préfèrent lire au petit coin. Deux piasses sur le cover.

13

Petites histoires urbaniennes

En six ans d’existence, Urbania a connu des succès, des déceptions et plusieurs grandes surprises en maillot de bain zébré et en culotte rose avec du poil. Récit de la petite histoire du magazine.

16

Sorry, I don’t speak French

Émilie Dubreuil vit dans le branché quartier du Mile End, où elle côtoie chaque jour une ethnie bien spéciale : les altermondialistes-écolos-artistes-anglos curieux de tout... sauf de la société québécoise.

18

Comme Maurice Richard, mais en moins mort

43

Mon image vaut (plus que) mille mots

Dans les coulisses de Bons baisers de France, Edouard H. Bond fait le procès de l’animatrice du talk-show… et celui des médias en général.

46

50

Le tour du monde pour 2,75 $

Pascal Henrard remonte le boulevard Saint-Laurent du Chinatown à la Petite Italie, en passant par Lisbonne, Amsterdam, Shawinigan et Saint-Pétersbourg.

25

Le journal d’une poule de luxe

Chandail Lululemon détrempé, femme de ménage hyperémotive, parking parallèle en Lexus… Nadine Bismuth nous raconte les hauts griffés et les bas nylon d’une femme de riche.

31

Enlarge your penis

Enfant, Frédéric Guindon souhaitait devenir une pornstar, comme son idole, Ron Jeremy. C’est dans nos pages que son rêve est devenu réalité.

36

Puck bunnies

Dans les lobbys d’hôtels et dans la section VIP du Club Opéra, les plottes à puck sont prêtes à tout pour finir la nuit avec un joueur de la LNH. Notre journaliste aussi.

Le dernier gars

Après avoir été plongé dans un long coma éthylique, le dernier homme de la planète décide de réaliser ses fantasmes les plus fous. Mais vraiment fous.

52

Fable de

(l’hôpital psychiatrique Louis-H.)

C’est l’hiver. Dans les chambres des joueurs d’arénas des quatre coins du Québec, des gars se promènent la graine à l’air. Pourquoi?

21

La caverne d’Ali Baba

Au marché Sainte-Martine, les bmx sont suspendus aux arbres et les hommes confectionnent des robes de Barbie. L’histoire de la famille Éthier racontée par Matthieu Dugal.

Lafontaine

Chaise roulante Bugatti, Jell-O au champagne, camisole de force Armani : le quotidien d’un psychiatrisé revisité par Matthieu Simard.

56

Une nuit avec Capone

Notre journaliste a passé une nuit à errer dans les crackhouses et les bordels de Montréal avec l’un des itinérants les plus célèbres de la métropole.

60

Nous sommes des loups

Tout le monde a une histoire de brosse à raconter. Mais celle de Catherine Pogonat et de Yann Perreau est certainement la plus débridée d’entre toutes. Histoire de citron dans les yeux et de sel dans le nez.

66

S’interroger sur le sens de la vie sur le plus inconfortable des sofas

Nombreux sont ceux qui rêvent depuis leur tendre enfance d’être publiés dans Urbania. On a voulu exaucer le vœu d’un aspirant urbanien en lançant un concours. Steve B. Bernard l’a remporté, grâce à un texte sur les traces de pipi rouge dans les piscines publiques.


Lesnoces d’argent

C’est l’histoire d’une gang de chums qui a décidé de partir un magazine, juste comme ça, pour le trip, dans un local du boulevard Saint-Laurent meublé de vieux futons pleins de puces et où les toilettes flushaient plus ou moins, et qui cherchait un prétexte pour jouer dehors durant les heures de bureau. Tels de véritables Tintin, ces éternels adolescents sont partis voir du monde, armés de leur appareil photo trois mégapixels et de leurs questions d’entrevues bummées à Marie-France Bazzo. Ils ont d’abord interviewé leurs amis, puis leurs voisins, leur chauffeur d’autobus, leur barbier, leur pusher et… même leur chien. À chaque nouvelle rencontre, ils découvraient une nouvelle histoire à raconter, à écrire et à faire corriger par leur blonde. * * * Vingt-cinq numéros se sont écoulés depuis leur premier envoi à l’imprimeur. Beaucoup de pénis bandés, de scratch and sniff d’aisselles de maire et de tatouages de Stéphane Dion ont coulé sous les ponts depuis... et la gang est encore là. Urbania est encore là. Au fil des ans, on s’est fait connaître pour notre goût pour la provocation et notre design, mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, on n’a jamais fabriqué ce magazine dans le but de remporter des prix Grafika ou d’attirer l’attention des recherchistes de Christiane Charrette. Ce qui nous a animés, dès notre premier numéro sur la locomotion, ce sont nos rencontres. Avec Jack le Hell’s en tricycle, Nicolas le danseur de cha-cha, Sylvie la Miss Barbie, Eli le propriétaire de magasin vaudou, Linda la sosie de Céline, Jean l’asexuel et même Popeye, le Gaspésien capable de soulever des poids avec son poil de chest. En racontant leur quotidien et leurs histoires, on s’est aperçu que le monde autour de nous devenait soudainement moins plate, plus beau. Et parmi ces belles rencontres, il y a aussi celles avec nos collabos, comme Émilie la défricheuse, Guindon le gars qui essaie les pompes à pénis, Pascal l’expert en jeux de mots louches, André le gars clean qui écrit des histoires sanglantes ou encore Edouard, le déviant sexuel. Pour ce 25e numéro, on a concocté un buffet à partir de 12 de leurs meilleures histoires. Et pour ceux dont l’appétit est vorace et qui n’en ont jamais assez, faitesvous-en pas, ce numéro ne signifie pas que c’est la fin, loin de là : on fait seulement un hiatus de quelques mois et on revient en juin, en version améliorée...

L’équipe d’Urbania Histoire de la couverture : « Moi, je vois une fleur qui fait Urbania ». Quand le directeur artistique Simon Beaudry nous a proposé de mettre une grosse fleur rose en page couverture, on trouvait que ça faisait un peu fif… Mais c’est lorsqu’il nous a dit qu’il voulait ajouter des épines aiguisées comme des couteaux à steak et mettre une pitoune en arrière-plan qu’on a été convaincu du concept et qu’on a trouvé que ça faisait plus Urbania : beau et incisif, kitsch et percutant. Même si on cherche encore la pitoune, là… direction artistique : simon beaudry (Agence Bos) photo : varial (varialstudio.com) Merci aux Entreprises Marsolais inc., Manon Trépanier et François, le vendeur. éditeurs Philippe Lamarre • Vianney Tremblay rédactrice en chef Catherine Perreault-Lessard adjoints à la rédaction Matthieu Simard • Mélissa Verreault coordonnatrice Kristia Louis-Seize conception graphique Marc Serre (Kuizin) collaborateurs Mélanie Baillairgé • Josée Bisaillon • Nadine Bismuth • Amélie Blanchard • Edouard Bond • Claudie Bouchard • Patrick Cormier • Geneviève Dionne • André Dubois • Émilie Dubreuil • Matthieu Dugal • Maxyme G. Delisle • Marie-Pier Gauthier • Martin Girard • Frédéric Giroux • Frédéric Guindon • Pascal Henrard • Raphaëlle Huysmans • Samuel Jacques • Estelle Laï • Francis Léveillée • John Londono • André Marois • Marion Megglé • Jean-Sébastien Ouellet • Catherine Perreault-Lessard • André Pilon • Laurent Pinabel • Catherine Pogonat • Bruce Roberts • Matthieu Simard • Simon Beaudry ventes publicitaires Xavier Morelle • Mireille Roy · 514.989.9500 · pub@urbania.ca // abonnements 1 an : 30 $ · 2 ans : 50 $ · Prix avant taxes. Pour vous abonner à Urbania, contactez Express Mag au numéro sans frais 1.800.363.1310 ou par Internet au www.urbania. ca/inscription · Vous pouvez poster votre coupon d’abonnement à : Express Mag, 8155, rue Larrey, Montréal (Québec) h1j 2l5. // impression K2 correcteur : Violaine Ducharme distribution lmpi dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, 2009 · Bibliothèque nationale du Canada, 2009 © 2009 magazine urbania inc. Le contenu d’Urbania ne peut être reproduit, en tout en en partie, sans le consentement écrit de l’éditeur. Urbania est toujours intéressé par vos idées, articles, photos et illustrations : redaction@urbania.ca issn 1708-0320 poste-publications Inscription #40826097 pap-no d’enregistrement 10999 magazine Urbania 1435, rue saint-alexandre, bureau 700. montréal (québec) h3a 2g4 · tél. : 514.989.9500 téléc. : 514.989.8085 · info@urbania.ca · www.urbania.ca · Nous reconnaissons l’aide financière accordée par le gouvernement du Canada pour nos coûts d’envoi postal et nos coûts rédactionnels par l’entremise du programme d’aide aux publications et du Fonds du Canada pour les magazines




Steve b. Bernard

Steve vient de Sherbrooke, se décrit comme un gars très moyen et déteste les débuts de relation, car les premiers mois, il se sent obligé de faire semblant qu’il est cool. Charmé par son petit côté loser, on l’a choisi comme gagnant du concours « Réalisez votre rêve de jeunesse et écrivez pour Urbania ». La vérité, c’est qu’il y a quelques mois encore, il ne connaissait pas le magazine – et nous, avant aujourd’hui, on n’avait jamais composé le 819 pour appeler un de nos auteurs. Steve compte bien utiliser son nouveau titre de collaborateur pour rehausser sa cote de popularité, convaincu que ça va faire un bon pick-up line auprès des filles dans les bars « su’a Well’ à Sherbrooke ». Bonne chance, mon Steve.

Collabos MATTHIEU SIMARD

C’était en 2005. Philippe, notre éditeur, venait de lire le roman Ça sent la coupe de Matthieu. Et il avait trouvé ça bon. Au même moment, il travaillait sur le numéro Gars et, en plus de chercher un homme capable de remplir des bobettes roses pour la couverture, il cherchait des collaborateurs capables de remplir l’intérieur du magazine. Hockey... Gars... Il n’en fallait pas plus pour que Phil le cherche sur Altavista et le retrouve dans une obscure agence de publicité du Vieux-Montréal. Depuis, Matthieu a écrit pour nous un paquet de textes, comme sa chronique sur les ligues de garage (p. 18) et sa fable (p.52), et travaille même dans nos bureaux, où il rêve en secret d’une chronique de banc d’essai de chars. Il est devenu notre muse, notre guide spirituel, notre chum de gars.

Laurent Avec ses pinabEL cheveux

poivre et sel, ses gros biceps tatoués, ses V-necks juste assez moulants et son petit accent français, Laurent Pinabel est de toute évidence la bombe sexuelle de nos collaborateurs. Déchiré entre sa carrière de « modèle » et celle de designer, le Playboy de Rosemont est toujours prêt à sortir son pousse-mine de sa poche quand on lui demande d’illustrer avec humour et sensualité nos textes les plus bestiaux comme en p.66.

Émilie Émilie, c’est Dubreuil comme la chick de

l’école privée avec des bas en dentelle et nous, le gars de la polyvalente avec un froc de cuir égratigné qui lui court après, avec pas une cenne dans ses poches pour la sortir. Pendant des semaines, on a dû faire des pieds et des mains pour attirer son attention et la flatter dans le sens de ses beaux cheveux blonds pour la convaincre de venir prendre une king can de Wild Cat avec nous dans la ruelle. Jusqu’à ce qu’elle accepte. Et depuis, chaque trois mois, on essaie de la reconquérir, de la retenir tant bien que mal, parce qu’on sait bien qu’elle est trop hot pour nous. Mais ça nous dérange pas du tout, parce que c’était vraiment un bon move.



32

1056

UN

ou pire encore

Nombres Nombre de fautes trouvées trouver en moyenne par le correcteur la correctrice dans chaques chaque numéro de notre ostie

Nombre d’articles publiés dans Urbania jusqu’à ce jour. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la majorité ne parlent pas de sexe. Il y en a seulement 47 là-dessus.

149264$ Prix d’un condo Urbania à Laval, avec une chambre et un stationnement intérieur. Selon l’agent immobilier, « Urbania est un excellent investissement ».

un

3

HeyMan!

Bonsoir Brrrup

Mfflp

237

3

Nombre de fois où un journaliste a décrit Urbania comme étant un « bum de bonne famille » parce qu’il l’avait lu dans un vieux dossier de presse et qu’on a eu une image mentale pas le fun de Pete dans Chambres en ville.

À VENDRE

24%

Pourcentage de nos employés qui pensent que de dire qu’ils travaillent chez Urbania est un excellent pick-up line dans un bar. Pour obtenir un prêt à la banque ? Beaucoup moins.

CONDO À VENDRE

Nombre de fois où on était en reportage dans un centre pour personnes âgées à Wendake et qu’un journaliste sportif nous a appelés en cachette pour nous dire que l’organisation du Canadien allait nous poursuivre à cause de notre article sur les plottes à puck.

0

Nombre de fois où on s’est assis dans un Fatboy au bureau pour brainstormer pour la page chiffres et qu’on s’est dit « Stie que c’est confortable cette affaire-là ».

Nombre de personnes qui ont collaboré à Urbania jusqu’à ce jour.

385

Nombre de fois où une de nos journalistes a fait le party chez Éric Lapointe, avec Éric Lapointe, et qu’elle a fini la nuit dans le même lit que Denis Bouchard en cuillère.

Nombre de livres prises par notre éditeur depuis le premier numéro.

Nombre de plaintes reçues au sujet des jokes sur la très grosse mère d’Éric Lapointe. C’est exactement le même nombre que celles reçues au sujet du micro-pénis de Guillaume Latendresse.

QUINZE

QUATRE

Nombre de photographes qui nous envoient des photos « un peu abstraites » de graffitis de l’échangeur Turcot et de gros plans de bornes fontaines pour nous prouver à quel point ils sont « urbains » et nous convaincre de collaborer avec eux chaque semaine.

8

POUR UN Ratio de chiffres trouvés pour notre page chiffres par des stagiaires en recherche vs ceux publiés.

Nombre de fois où on a eu le goût d’appeler Michel Girouard, notre rédacteur en chef invité lors du numéro célébrité, pour lui dire : « T’es un crisse de cave! » parce qu’il nous faisait suer avec ses caprices de vedette.

Nombre de pressiers qui ont fait de beaux rêves après avoir imprimé la couverture de notre numéro hockey.

Âge de notre abonné le plus âgé, Victor Lambert, architecte à la retraite qui habite en Mauricie. Victor aime bien le magazine pour son côté jeune, mais trouve qu’il est écrit un peu trop petit. Genre comme ça ou ça

72

Nombre de fois où on nous a dit « Urbania, c’t’un beau magazine ». Comme Playboy, faut croire qu’on ne lit pas Urbania pour ses articles…

Nombre de Montréalais qui a le logo d’Urbania tatoué sur le crâne, juste à côté de la face de Stéphane Dion.

81

18657

Nombre de coups de téléphone qu’on a faits à Curieux Bégin « légèrement » saouls.

Nombre d’années que ça nous a pris avant de révéler que le pénis sur la page couverture du numéro Gars, ben, c’est celui de Steve Proulx. Euh… oups… on veut dire de Styve Larosa, notre ancien vendeur de pub.

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Les gros noms, ça pogne. Ya qu’à voir le générique de La Florida pour s’en rendre compte. C’est pour cette raison que nous avons demandé à nos membres préférés de l’uda de nous dire pourquoi ils apprécient Urbania. Et parce qu’après avoir fait 25 numéros, on commençait à se sentir comme une fille en couple depuis un an : on était inquiet, on avait peur de se faire crisser là et on avait besoin de se faire dire qu’on était encore belle même si on avait pris 15 livres. Quel est votre article préféré ever d’Urbania et pourquoi ? Quelle célébrité ressemble le plus à Urbania et pourquoi ? Si Urbania n’existait plus, je…

Catherine Pogonat animatrice de Mange ta ville

La série de photos d’Anouk Lessard, où elle recrée des clichés célèbres de rockstars des années ’60 avec de jeunes musiciens québécois. C’était beau et déstabilisant. Michèle Richard en maillot de bain zébré, parce qu’elle est à la fois glam et trash. Je me fendrais en quatre pour l’inventer, mais ce serait pas pareil.

Marie-France Bazzo

Nathalie Collard

Poirier a.k.a Ghislain

Celui sur les musulmans qui se ramassent chez les Innus. Ça ne ressemble en rien aux clichés qu’on nous ressasse habituellement sur les Indiens, l’islam et le Québec profond. MC Gilles et Mado Lamotte. Ironiques et rigolards, ils dévoilent nos travers en nous flattant et en nous flagellant à la fois. Je partirais un site Facebook, organiserais une manif et broderais une bannière « Reviens Urbania ». Je rachèterais les parts des éditeurs pour relancer l’affaire sous le même nom.

J’aime les pages de la fin et la page chiffres. C’est les premières choses que je lis en ouvrant le magazine. C’est un mélange de Michèle Richard pour son côté un peu trash m’as-tuvu, de Frédéric Metz pour le souci du design et de Marie-France Bazzo pour l’esprit allumé et caustique. Je regretterais beaucoup ce magazine qui réussit toujours à me sortir de ma zone de confort. Au Québec, aujourd’hui, c’est rarissime.

Moi, je supporte Guindon. Tout ce qu’il écrit est aussi pur qu’un bal de finissants. Lili St-Cyr. Dois-je vraiment expliquer mon humour douteux ? Papier - feuille effeuilleuse. Faites les liens. Je jouerais plus souvent au ballon-chasseur. Et j’écouterais L’attaque à 5, le soir, pour me détendre.

animatrice et idole des employés d’Urbania

Frédéric Metz designer

J’ai adoré la couverture du numéro Odeur, avec les aisselles du maire Gérald Tremblay. À l’époque, c’était très audacieux et choquant de présenter le maire de cette façon. Mado, parce que c’est un personnage créé de toutes pièces, qui représente vraiment bien Montréal, comme Urbania. Je tomberais raide mort.

éditorialiste de La Presse

DJ de gros beats sales

Les Moquettes Coquettes

groupe d’humoristes

L’article où Navet Confit concocte un festin trois services. Parce qu’on aime notre Navet et qu’on veut l’adopter pour l’avoir en permanence dans notre salon. Ou notre cuisine. Michèle Richard, parce qu’elle fait tout pour se faire remarquer, en plus d’être à la fois glam et près du peuple. Et paraît que le maillot qu’elle portait sur une des pages couverture appartient à Philippe Lamarre. On s’abonnerait à Elle Decoration UK. Mais, comme ils n’organisent pas de partys thématiques dans les lieux inusités de Montréal, on s’ennuierait un peu.


Jean-Phi Goncalves

Mado

Michèle Richard

À peu près tous les articles du Spécial Sexe. Pourquoi ? Euh... La poutine au foie gras du Pied de Cochon : elle est class et trash, raffinée et vulgaire. Je devrais me retenir ?

J’ai dévoré le Spécial Filles. Il y avait de tout : des pitounes, des féministes, des punks, des lesbiennes, des drag queens et des bonnes sœurs. En tant que membre des filles d’Isabelle, c’était la réalisation d’un rêve. Louise Harel, parce qu’elle a de très beaux cheveux et Urbania est un magazine très bien coiffé. Je lirais Madame au foyer.

Toute l’édition sur la célébrité, évidemment ! Madonna, pour son talent à se renouveler sans cesse et à rester trend ! Je serais triste de voir un magazine tendance, unique et marginal disparaître du paysage médiatique québécois !

Pierre Lapointe

Pierre-Yves Lord

Philippe Dubuc

Le portrait de Michèle Richard reste un grand moment, parce que c’était à la fois irrévérencieux et troublant. Comme Madame Richard d’ailleurs. La Poune. Du kitsch qui restera à la mode jusqu’à la fin des temps. Un classique. Rose Ouellette et Urbania : même combat. Je me remettrais à acheter le Sélection du Reader’s Digest. Mais pour l’instant, Urbania existe toujours, donc désolé la gang du Sélection du Reader’s Digest.

Le numéro sur le hockey et les plottes à puck était très inspirant. Ça m’a donné le goût de patiner plus vite, faire de la poudre et devenir Russe. Steven Seagal : incisif, irrévérencieux et flexible. Je continuerais à lire La Semaine et Le Lundi.

J’aime beaucoup la page de chiffres, parce qu’ils sont toujours humoristiques, vrais et surprenants. Ça prouve que vos stagiaires font une recherche efficace. Montréal, car c’est avec ce type de publication que l’on démontre l’éclectisme de la Ville. J’n’ose pas y croire…

Jeff Lee

Dany Turcotte

Patrick Masbourian

Celui sur Robert Wilkinson, qui s’est fait tatouer des logos de compagnies sur le crâne, parce que vous avez eu l’audace de lui donner l’espoir que sa vie serait sauvée. Lindsay Lohan, parce qu’elle est pertinente, trash et sexy. Des jours j’aimerais prendre mon temps et lui faire l’amour, alors que d’autres jours, j’aimerais que ça soit rude et rapide pour la jeter après. Je partirais un magazine Bombe.tv.

J’aime les vox-pop. Quand je regarde les réponses des intervenants tous alignés, j’ai l’impression d’être en plein festival de la « fuse brûlée ». Jean Leloup, c’est un véritable chien perdu sans collier. On ne sait jamais comment l’approcher, il est indomptable et sans attache ! Je me tournerais vers La Semaine ! Le cahier l’Épicerie est un incontournable pour tout connaître sur les vertus intestinales du rutabaga.

L’article qui m’a le plus troublé est celui sur Jean, l’asexuel, dans le numéro sexe. Je ne savais pas que ça existait un gars straight, dégoûté par le sexe des femmes et qui n’a pas envie de baiser. Des fois, je l’envie. Je n’ai pas de nom, mais il faudrait qu’elle ait l’esprit critique et intellectuel de Normand Baillargeon, le franc-parler de Jean-François Mercier et le kitsch de Michèle Richard. Je fonderais un magazine équivalent et je deviendrais riche et célèbre. Enfin !

le gars de Beast

auteur-compositeur-interprète

fondateur de Bombe.tv et fan d’Éric Salvail

drag queen

animateur télé et radio

fou du roi

chanteuse à succès

designer de mode

animateur viril



13

Chronique

Un jour, une gang de chums a décidé de partir un magazine. Juste comme ça, pour le trip. Sans plan d’affaires ni trompettes, juste animé par le désir de raconter leurs propres histoires. Après six ans, des dizaines de menaces de poursuite, quelques partys déjantés et un Gérald Tremblay crucifié, Urbania est toujours là. Retour sur quelquesuns de nos coups les plus glorieux... et plusieurs autres qui le sont beaucoup moins.

1

Tout ça pour Jack Tous les

jours, par la fenêtre de nos bureaux jadis situés coin Guy et Maisonneuve, on croisait Jack parké sur son fameux tricycle en allant se chercher un café au Tim Horton’s, à côté de l’université Concordia (on n’avait pas de machine à café... les temps étaient durs). Tels de véritables prodiges

du casting sauvage urbain, on savait qu’il avait toute une bouille et qu’on aimerait bien faire quelque chose avec lui. Quoi ? À l’époque, on n’en avait aucune idée. C’est lorsqu’on a décidé de créer Urbania qu’on a eu le flash de le mettre en couverture. Le premier thème du magazine, la « locomotion », fut expressément choisi pour pouvoir le jouer en une. Mais dans les mois qui ont suivi, Jack était comme une fille d’Outremont qui sort au Diable Vert : il jouait les hard to get. « I don’t need that », nous répondait-il, avec son petit air détaché. Résultat ? Une semaine avant l’envoi du magazine à l’imprimeur, on n’avait toujours pas réussi à le convaincre de poser pour nous. Au bureau, c’était la panique. On avait commencé à penser à un plan B et à faire des maquettes de couvertures avec Jean Leloup en rollerblades… jusqu’à ce qu’on réussisse finalement à convaincre Jack (en fait, on l’a tellement harcelé qu’il a simplement cédé) au Carré Saint-Louis, et qu’on lui croque le portrait avec notre petit appareil 3 mégapixels. Il nous a donné cinq minutes, pas une de plus. Mais, ça a valu le coup. Quand on y repense, on peut dire qu’Urbania a été inventé pour faire de Jack une star.

2

Les taxis pas si roses que ça. Avant la sortie du premier

numéro, on avait distribué des flyers d’Urbania partout dans la ville avec pour simple information l’adresse urbania.ca. Sur le site, on demandait aux Montréalais de choisir la couleur que devraient prendre les taxis montréalais. C’était bien avant que Gérald ne lance un concours à cet effet. Plus de 5 000 personnes ont répondu à l’appel et dans nos pages, toutes imprimées en noir et magenta pour accentuer le statement, on a publié le résultat du sondage sous forme de Plaidoyer pour l’uniformisation des taxis montréalais : « Tous roses nananes ! », scandait-on. « Adopter le rose comme couleur unique serait une belle façon de créer un paysage visuel harmonieux dans la ville, de donner de la gueule à ce moyen de ransport, et d’offrir un élément distinctif et original à Montréal ». Pourtant, c’était de la boulechite. En vérité, la couleur orange l’avait emporté par une mince marge sur le rose, mais on trouvait que ça faisait vraiment trop « wannabe new-yorkais ». Ça fait qu’on a légèrement trafiqué les votes pour le rose moumoune. La vérité au grand jour. On se sent plus légers maintenant.


Chronique

14

jours qui ont suivi, lorsqu’il nous a remis le concentré dans une petite fiole, il était blême et haletant, et nous implorait de changer d’idée. Quand on a humé sa concoction, on a compris qu’il avait bien raison. Nos narines en sont encore traumatisées. En revanche, on y est allé avec l’indémodable Azzaro pour hommes, le parfum du maire Gérald Tremblay, d’après ce que nous avait alors confié une vendeuse de chez La Baie.

tout aussi provocatrice. À l’époque, notre pusher en viandes nous avait déniché des couilles d’agneau, que nous avions emballées sous vide en paires et envoyées dans une boîte sur laquelle était écrit : « qui a dit que les québécois n’avaient pas de couilles ? ». Quand elles ont reçu le charmant emballage, les petites recherchistes de Radio-Canada étaient scandalisées qu’on ait « utilisé des animaux pour faire du marketing ». Elles l’auraient probablement été encore plus si elles avaient su que les bouchées qu’elles ont dégusté au lancement de ce numéro étaient, elles aussi, confectionnées à base de couilles.

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3

Les aisselles au smoked meat. Pour notre deuxième numéro

sur l’odeur, on voulait absolument réaliser un scratch and sniff à base de smoked meat, l’emblème olfactif de Montréal, tel que choisi par sondage sur Internet (mais en toute légitimité cette fois). C’est André Prévost, notre sérigraphe/inventeur fou qui avait proposé de concocter lui-même une huile essentielle du fameux mets montréalais. Pour lui faciliter la tâche, on lui avait alors fourni trois kilos de viande de chez Schwartz (merci encore Frank), afin qu’il puisse en distiller l’essence. Ce qu’il a fait. Chez lui. Dans sa cuisine. Où il a bien failli y rester. En effet, en fabriquant la substance, les vapeurs lui ont monté à la tête et il est subitement tombé malade (tout comme sa femme, qui, depuis, lui a interdit toute expérience de chimie olfactive à base de viande). Dans les

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Ça prenait des couilles

C’est chez Doval, autour d’un poulet grillé, que la photographe Leda nous a pitché son concept de couverture pour le numéro gars : un gars bien poilu, cadré aux hanches, en culottes roses, avec un gros pénis bien bandé, et au verso, son cul. Il n’en fallait pas plus pour tomber sous le charme et commencer à chercher quelqu’un qui répondait à ses exigences. Après une séance d’auditions, nous avons choisi Styve, notre vendeur de pub, dont l’identité avait été préservée jusqu’à ce jour. (Fait intéressant : c’est Styve lui-même qui a convaincu la proprio du bar de danseurs 281 d’apposer son logo sur la photo de la couverture arrière... ornée de ses propres fesses bien velues. Il a donc vendu son postérieur pour la cause). Afin de faire connaître le magazine, on avait élaboré une campagne de relations de presse

Un Passe-Montagne pas content. Été 2005. Notre éditeur

Philippe et le journaliste Steve Proulx cherchaient une photo pour illustrer un article sur Passe-Partout dans les bureaux de Télé-Québec sur la rue Fullum. En fouillant dans les archives photographiques de la célèbre émission, ils sont tombés sur cette image d’un libidineux baiser entre PasseMontagne et Passe-Carreau. Ils n’en croyaient pas leurs yeux. Sans attendre, ils ont apposé un petit autocollant à côté de la photo et l’ont subtilement glissée parmi plein d’autres sélections, en se disant que Télé-Québec ne laisserait jamais sortir le cliché hors des murs de la station. Des rêves seraient brisés et toute une génération traumatisée par cette lubrique scène de leurs héros d’enfance s’adonnant à un bon vieux french. Pourtant, dans les jours qui ont suivi, un(e) employé(e) — qui a probablement perdu sa job depuis — a scanné la photo et nous a envoyé un DVD contenant le fichier du désormais célèbre cliché. Dès lors, nous savions que


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nous tenions quelque chose d’exclusif... que la photo ornerait la page couverture du numéro rétro. Toutefois, quelle ne fut pas notre surprise quand Passe-Montagne (que nous avions tenté de rejoindre avant l’envoi à l’impression, mais qui était alors en voyage) nous appela pour nous donner de la marde. En effet, quand le frisé icône a vu sa photo en page couverture, il était furieux et n’a pas tardé à nous le faire savoir. Au téléphone, on l’entendait tirer fort sur sa cigarette. Ça ne fait pas de doute : on restera à tout jamais marqués par cet étrange feeling de se faire menacer de poursuite par notre héros d’enfance. Presque aussi pire que celui de se faire chicaner par la mère de notre meilleur ami.

Six mots de trop dans le Journal « Open bar, prix

d’entrée : 10$ ». Six mots, hein. À la veille du lancement de notre numéro sur le party, on avait tellement peur que ça ne lève pas qu’on a décidé de prendre les grands moyens : annoncer le party dans la rubrique qu’on publiait jadis dans le journal Métro. Après coup, on s’attendait à voir retontir deux… ou trois cents personnes, gros max. Ce n’est pas exactement ce qui s’est produit. À l’ouverture des portes, il y avait plus de monde devant l’Union Française que dans un show d’ACDC. Du monde qu’on ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam et qui connaissait encore moins Urbania. Quarantecinq minutes plus tard, il ne restait plus une goutte d’alcool. Et la foule — à qui on avait promis de l’alcool à profusion— commençait à s’impatienter. Pour éviter l’émeute, on avait appelé en renfort notre ami Harry, propriétaire du Taza Flores, afin qu’il nous dépanne et sauve notre honneur. Mais, ça ne suffisait pas à contenir nos invités car les caisses n’étaient pas encore rendues au bar qu’elles étaient vides. À partir de ce moment, tout a dérapé. On avait beau supplier les invités de « retourner chez eux, qu’il n’y avait ni place ni alcool », ils ne voulaient rien savoir. Il y a même un gars qui a enlevé son pantalon pour montrer son pénis à une de nos stagiaires qui en fut si impressionnée qu’elle le tâta afin de voir s’il était vrai. D’ailleurs, celui qu’on surnomme amicalement « notre nu-vite » est devenu un personnage récurrent de nos partys, puisqu’il a une grande propension à se dénuder sur la piste de danse vers 2h du matin.

Chronique

Une star est née !

Notre histoire d’amour avec Robert Wilkinson a commencé avec une petite annonce que nous avions fait paraître dans le Journal de Montréal pour trouver un candidat galvanisé à l’idée de se faire tatouer Stéphane Dion sur le crâne. En tout, une vingtaine de personnes avaient répondu à notre appel, mais en bout de ligne, on avait craqué pour Robert. Deux semaines plus tard, on lui donnait rendez-vous chez Tatoo Kiki sur Masson, où Christian, son tatoueur, réalisait son désormais célèbre tatou de Stéphane Dion. Dix mois plus tard, on avait à nouveau de ses nouvelles, alors qu’il débarquait, vêtu d’un bummer, aux auditions qu’on avait organisées pour trouver une wannabe-vedette pour faire la couverture de notre numéro Célébrité. Quand il est arrivé, on a constaté qu’il avait pas mal pris goût à se faire dessiner des trucs sur le coco avec des aiguilles : il avait la tête remplie de logos de compagnies. Au début, soyons honnêtes, on ne voulait rien savoir de sa candidature. On trouvait qu’on lui avait donné assez d’exposure... qu’on avait presque créé un monstre. Mais, à coup de sourires et de pics de guitare, Robert a réussi à nous désarmer par son charme et à nous convaincre de lui organiser un shoot d’envergure pour le cover. Depuis, il est devenu une vraie star. Il nous a accompagné à Christiane Charette et à tqs, et il a même de la difficulté à se trouver un emploi dans son domaine, l’électro-ménager, tellement il est devenu big. Heureusement, des fois, il passe encore au bureau pour nous dire un beau bonjour et nous montrer ses photos en compagnie de vedettes, comme notre bon ami, Justin Trudeau.


Chronique

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y a cent ans, le Mile End était une petite ville indépendante avec son hôtel de ville, son église et une population majoritairement canadiennefrançaise. Au détour de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs sont venus s’y installer en si grand nombre que la langue parlée par la majorité était le yiddish. Au cours des années 70, les Italiens et les Portugais y ont peu à peu remplacé les Juifs partis s’installer dans l’ouest et y ont ouvert des commerces. Si bien qu’on retrouve, chez nous, les meilleurs cafés italiens, des épiceries portugaises, des boucheries hébraïques et les meilleurs bagels au monde. Un quartier formidable donc et qui attire, pour cette raison même, une nouvelle ethnie toute blanche : le Canadien anglais. Mais attention, pas n’importe quelle sorte : l’alter mondialiste / écolo / conscientisé / artiste / et curieux de tout… sauf de la société québécoise. Il y a quelques années déjà que j’étudie cette ethnie avec attention et je m’étonne encore de l’incontournable : « Sorry I don’t speak French » prononcé par des êtres aussi scolarisés qui disent avoir choisi de vivre à Montréal, p.q., parce que la ville vibre distinctement de Toronto, Halifax, Calgary ou Vancouver. Dans notre inconscient collectif, dans le mien du moins, l’unilingue anglophone de Montréal est incarné par une vieille dame de Westmount qui fait du bénévolat au Musée des Beaux-Arts. Elle parle très bien le français à Paris, mais jamais ici. Son mari est avocat et membre du Parti libéral du Canada. Le couple se lève plus tôt le matin pour détester plus longtemps le pq et la loi 101. Ils lisent The Gazette et croient que les francophones sont tous xénophobes. J’ai travaillé au Musée des Beaux-Arts de Montréal pendant mes études et cette race-là, je la connais bien. Cet unilinguisme-là ne me dérange pas le moins du monde, il me fait sourire par son anachronisme attendrissant. Il nous rappelle pourquoi nous eûmes des luttes linguistiques, il est le symbole d’une époque révolue, celle où ma mère exigeait qu’on lui adresse la parole en français chez Eaton. Leur « Sorry I don’t speak French » est imbriqué dans la culture québécoise, alors que l’unilinguisme de mes contemporains du Mile End traduit une indifférence que je ne m’explique pas et qui m’insulte. Ils sont aussi incapables de discuter en français que de nommer le premier ministre du Québec ou le maire de Montréal et ne savent pas si Hochelaga-Maisonneuve se trouve à l’est ou à l’ouest de McGill. La première fois que j’ai rencontré cette indifférence linguistique et culturelle, c’était il y a à peu près dix ans. Une amie m’invite à une fête chez Amy, une cinéaste torontoise qui vit à Montréal depuis sept ou huit ans. Elle vient de réaliser un documentaire sur les femmes lesbiennes en Afrique noire. Devant ses amis, elle est fière de dire qu’elle a dû apprendre le swahili pour entrer en contact avec les gens du pays. Impressionnée, je lui demande en français si l’apprentissage du swahili a été ardu, elle me répond : « Sorry ?? » avec l’air perplexe de celle à qui on adresse la parole dans une langue inconnue.

Émilie Dubreuil habite le Mile End, un quartier branché, habité par des anglophones qui ne parlent pas un traître mot de français. Dans cette chronique (qui a provoqué presque autant de réactions que le passage de Raël à Tout le monde en parle), elle nous dit ce qu’elle pense de cette ethnie bien singulière. Texte : émilie dubreuil illustration : josée bisaillon (joseebisaillon.com)


Publié originalement dans Urbania spécial Montréal

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Je lui repose la question en anglais avant de m’étonner : « You’ve been living here for seven years and don’t speak French ?! », complètement incrédule devant cette curiosité linguistique paradoxale. Elle me répond sans saisir à quel point sa réponse est ironique : « French… It’s really hard for me ! » Débute alors une conversation animée. La plupart des convives vivent au Québec depuis plusieurs années et ne parlent pas… un christ de mot de français ! Le fait que je veuille comprendre pourquoi, s’ils ne peuvent communiquer avec 85 % de la population, ils sont venus s’installer ici… les exaspère. Rapidement, l’un d’entre eux s’énerve : « Les francophones sont racistes, nous avons le droit de parler anglais ici, etc. » Ça le dérange manifestement d’être confronté à un manque de curiosité intellectuelle qu’il Le type est musicien, refuse d’admettre. Le a fait le tour du monde, type est musicien, a mange de la bouffe fait le tour du monde, mange de la bouf- indienne et, pourtant, fe indienne et, pourtant, l’ethnie et la langue québécoises ne l’intéressent absolument pas.

Chronique

L’amie francophone qui m’avait invitée à la fête était verte de honte. Elle étudiait à Concordia et était gênée de moi comme une adolescente qui ramène ses petits amis à la maison. Elle ne voulait surtout pas qu’il y ait de chicane, que ses amis unilingues l’associent à une lutte linguistique qu’elle désapprouvait. Stéphanie aurait souhaité qu’on admire son amie qui parle swahili sans soulever le fait qu’elle ne parlait pas le français puisque, après tout, c’était son choix et qu’il fallait le respecter.

l’ethnie et la langue québécoise ne l’intéressent absolument pas. Depuis, cette histoire se répète inlassablement. Et je continue le combat. Pas plus tard qu’hier, dans un café, rue Saint-Viateur, un type me drague. Il me déclare, en anglais, que j’ai des yeux magnifiques et qu’il aimerait beaucoup m’inviter à souper. Le type vient d’Halifax, vit à Montréal depuis cinq ans et suit actuellement des cours de chinois… But guess what ? Il ne parle pas français ! « French is very difficult », me dit-il. Je lui dis alors que le jour où il sera capable de me demander mon numéro en français, je considérerai son invitation… il me répond dégoûté que je ne suis qu’une hystérique : « I guess you are p.m.s. right now… » se lève et part. Mon amie Nadia, francophone, demeure interdite devant mon intransigeance et me sermonne : « Voyons, t’es ben pas fine ! » Well, ce n’est pas pour me vanter, mais à la suite de notre conversation, Amy s’est inscrite à un cours de français intensif à Baie St-Paul. Elle parle français avec un accent très mignon et s’est trouvé un job à l’Université du Québec à Montréal. Le musicien, aujourd’hui mondialement connu, est le seul à pouvoir donner des entrevues aux médias francophones lorsque son groupe est de passage à Montréal. Il en est très fier. Chaque fois que je les croise dans le Mile End… ils me remercient, en français, de ne pas avoir été fine. Anyway !


Chronique

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Chaque soir d’hiver, des milliers d’hommes bravent le froid, la neige et l’air bête de leur blonde pour se rendre à l’aréna et y défendre l’honneur des Cobras, des Faucons ou des Toitures-Guy-Brochu. Peu importe l’équipe, peu importe la ligue de garage, ils devront passer par un lieu secret où d’étranges rites se perpétuent depuis des décennies : la chambre des joueurs. Texte : Matthieu Simard illustration : francis léveillée (colagene.com)


Publié originalement dans Urbania spécial Hockey

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ui, on se promène la graine à l’air. Oui, il y a quatre fois plus de bouteilles de bière que de gourdes d’eau. Oui, il nous arrive de regarder le pénis d’un coéquipier (mais jamais plus d’une fraction de seconde). Oui, on fait des jokes qui manquent de classe. Et oui, quand on saute sur la glace, on se prend au sérieux. Comme si on était Maurice Richard, mais en moins mort. Parce que, sachez-le, c’est sérieux. Vraiment sérieux. On ne gagne peut-être pas des millions, notre coup de patin a peut-être des airs de rien du tout, et le fait d’être le septième compteur d’une obscure ligue de garage n’attire peut-être pas des troupeaux de groupies, mais quand la game commence, on oublie tout le reste. On se défonce, au point de vouloir arracher des têtes, on donne tout ce qu’on a, au point de se blesser. On est épais, c’est comme ça. On joue pour un trophée en plastique avec de la colle qui dépasse. On «Notre repaire joue pour pouvoir dire à nos blondes qu’on a gagné tranquille à nous, ce soir. On joue parce que quelque part, dans notre arbre généalogique, il doit bien y avoir une arrière-arrière-grande-tante qui a baisé avec l’arrière-grand-oncle du Rocket. C’est sérieux, le hockey. Et au-delà du hockey, ce qui est encore plus sérieux, c’est le rendez-vous. La rencontre hebdomadaire avec les gars. Le trip d’une gang d’adultes qui, une fois par semaine, redeviennent des flos ensemble, peu importe qui ils sont, peu importe d’où ils viennent. Oui, le sport, le jeu, la victoire, tout ça est important. Mais les gens le sont encore plus. Et notre repaire tranquille à nous, notre cabane dans un arbre, loin des filles, c’est la chambre des joueurs. Entrer dans le vestiaire, c’est comme entrer à l’église, sauf que ça sent moins bon. Les salutations sont polies, les gestes, cérémoniaux. Avant le match, les conversations sont discrètes et inoffensives, « passé une belle semaine ? », « comment ça va à job ? » et autres « pis, la petite famille ? ». Les gars s’habillent pudiquement, assis, debout, à genoux, en attendant que le coach fasse le sermon d’avant-match. Et si ça pue autant, c’est parce que Lalancette a laissé son stock dans son char toute la semaine sans le laver. Quand le coach (ou, à défaut d’avoir un coach, le joueur qui s’occupe de collecter l’argent des remplaçants) fait son speech, on n’écoute pas vraiment, mais on fait semblant. Ça fait partie de la cérémonie. Comme à l’église. Puis, on observe quelques secondes de silence, histoire de se

Chronique

concentrer, histoire de continuer à se prendre au sérieux. Quelques gars s’étirent. D’autres ne croient pas à ça. En général, c’est à ce moment-là que Duclos arrive en s’enfargeant dans son propre bâton. Il est toujours en retard, mais on ne peut pas trop chialer, parce que c’est lui qui apporte la bière. Le messie, donc. Ça, c’est avant le match. Parce qu’après le match, dans la chambre, il n’y a plus rien de cérémonial. C’est peutêtre l’épuisement, peut-être le fait d’avoir joué en équipe, peut-être la testostérone qui suinte de partout, peut-être la bière qui rentre trop bien aussi, mais après la game, rien ne va plus. Quelques commentaires sur la partie, puis c’est la débandade. On est rendus une grande famille, la pudeur prend le champ. Les serviettes tombent, la classe aussi. On rote comme des champions du monde. On s’envoie promener en riant, en sacrant. On entre dans tous les détails de nos vies personnelles, idéalement celle des autres. On s’interrompt pour mieux s’insulter. On chiale parce qu’il n’y a plus d’eau chaude dans la douche. Les conversations portent plus sur les boules que sur la Bourse, plus sur le cul que sur la culture. Au milieu de la chambre, Dagenais nous montre comment il est capable de faire le hamburger avec son scrotum. Oui, on est épais. Et oui, c’est la chambre une fois par semaine, c’est des joueurs.» le fun d’être épais.

notre cabane dans un arbre, loin des filles,

••• Il y a, dans le vestiaire des Bulls, des Titans ou des Remorques-Réusinées-Drolet, quelque chose d’essentiel. Des frères, dans un monde où la famille disparaît. Des chums, dans un monde où la solitude règne. Des Maurice Richard, dans un monde de Stéphane Dion.



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Reportage

Pour certains, le boulevard Saint-Laurent est la colonne vertébrale de Montréal qui divise l’île en deux. Pour d’autres, c’est le tube digestif de la métropole. Constipé à l’heure de pointe, il chie sans arrêt les banlieusards vers le Nord. Pour les plus sectaires, c’est la démarcation entre l’Est désolant et l’opulente West. Pour les plus aventureux, c’est un monde de toutes les couleurs, l’artère des Nations Unies, un microcosme de société, les ethnies dans tous leurs états. Pour explorer cette avenue qui est un boulevard, pour longer cette frontière qui est un pays, pour naviguer sur cette rue qui a un nom de fleuve, pour comprendre le cœur de celle qui s’appelle la Main, un seul moyen : la 55. Texte : Pascal Henrard illustrations : Bruce Roberts (brucerobertsart.com)


Reportage

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Sherbrooke Les squeegees jouent aux douaniers sur cette frontière naturelle qui sépare le centre-ville du Plateau. Les mini-jupes volent au vent et les serveuses ressemblent à des danseuses. Saint-Laurent se prend pour Saint-Tropez. Un peu plus loin, un parfum âcre de Slovénie sort d’une épicerie connue pour ses saucisses.

E

mbarquement immédiat dans le Vieux-Montréal sous le regard noir du palais de justice. Déjà quelques visages colorés. Coin Shanghai et Saint-Laurent, ça grouille de monde. Parfums intenses de canard laqué, de poissons frits et de légumes fades. L’affiche du Restaurant du Goût décolle au passage de l’autobus. Mélange d’épices et de poubelles. Deux petits soldats de Mao avec leur casquette bleue et leur dos droit montrent leur passe mensuelle au chauffeur. Sur le trottoir, un vieux descendant de l’empereur mongol Gengis Khan crache des morceaux de poumons en regardant l’étal de fruits du Super Marché Ming. Plus haut, le bras tendu d’un égaré de l’Empire du Milieu fait appel à la générosité des passants en secourant mollement un vieux gobelet de Burger King. Même les quêteux restent dans leurs ghettos. De l’autre côté du boulevard René-Lévesque, le quartier chaud. Les putes usées font la moue aux passants qu’elles espèrent entraîner dans la ruelle la plus proche. Sainte-Catherine coin Amsterdam. Une petite vieille traverse à petits pas. Dans la 55, ça ne parle pas beaucoup. Mais ça n’en pense pas moins en mandarin, en ukrainien, en créole, en cantonais, en azerbaïdjanais, en hindi, en portugais, en espagnol, en swahili… Un quatuor de Chinois embarque à la sortie du métro. Ceux-là sont des touristes reconnaissables à leurs appareils photo. « Avancez en arrière ! », crie le chauffeur. Une Péruvienne qui ne comprend pas se fait happer par un gros mafioso qui l’entraîne dans le fond. Un ado hindou mâchouille mollement un chewing-gum, téléphone soudé à l’oreille.

Avenue des Pins, nouvelle frontière Un punk demande un droit de passage aux automobilistes. Il laisse notre chauffeur tranquille. Le charme des îles caché sous le regard foncé d’une belle frisée plongée dans les rythmes de son iPod va s’asseoir dans le fond. Sous le manteau, la plage. Un gros Polonais remonte le col de son par-dessus. Un Serbe acerbe se moque du temps qui change. Il se moque en français. Il a tellement de poils sur les oreilles qu’on pourrait en faire un chapeau. Lunettes de soleil, casquette élimée, sac d’épicerie débordant de cochonneries, il est aussi à l’aise dans la 55 que dans l’omnibus pour Belgrade.


« Arrêt demandé » Devant le Cinéma l’Amour qui présente quelques classiques suédois, un vieux Russe prend la place de la jolie perle des îles. À voir son look de prisonnier sorti du goulag, ça ne doit pas faire longtemps qu’il est au Québec. Il sort un vieux sandwich de sa poche. Pour un peu, on l’imagine avec la Pravda sous le bras et une vodka dans la poche du pantalon. L’autobus prend un peu de vitesse. Un restaurant tibétain. Un Club social espagnol, délices de Galice. Avant la rue Villeneuve, on arrive Au bout du monde, boutique exotique. Des gens qui montent, d’autres qui descendent. Il y a un tel va-etvient qu’il est impossible de comptabiliser les différentes nationalités. Les gens se bousculent, d’autres se saluent, il y a des microbes dans toutes les langues. Le Russe sort un vieux mouchoir en tissu bleu et y déverse à grand bruit des litres de morve.

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Reportage

Fairmount coin Bombay Un parfum de poulet au

beurre. Une flopée d’étudiantes bronzées en jupes plissées arrivent essoufflées du Collège français. On se croirait dans une publicité de Benetton. Le boulevard est libre, l’autobus peut décoller.

St-Viateur coin Hollywood boulevard Trois geeks à casquette ont fini de jouer chez Ubisoft, ils embarquent accompagnés du tchinkinkinboumboum de leurs écouteurs. Ça empeste l’odeur collante de la Des gens montent, gomme balloune rose. Petite Italie

d’autres descendent. Il y a un tel va-et-vient qu’il est

On traverse l’Italie, ses cafés, ses pizzerias, ses épiceries, ses mamas. Le temps glisse comme une chanson, O Sole Mio. San-Lorenzo coin Dante. Le Russe se lève et s’excuse poliment avec un gros accent du Lac Saint-Jean. Il ne faut pas se fier aux apparences, tout le monde ne vient pas d’ailleurs.

impossible de comptabiliser toutes les nationalités.

Jean-Talon ralentit le flot qui s’en va vers le nord, vers les grands espaces. Métro de Castelnau. On change de cargaison. Des visages descendent, d’autres embarquent. On change de pays comme on change de correspondance. La fille d’un maharadjah drapée de couleurs étincelantes se tient noble et droite près de la porte. Elle a les cheveux noirs et lisses, la peau mate, des yeux d’ébène mystérieux. Une Shiva en jeans discute avec une Chinoise fatiguée. Le petit-fils d’un conquistador fait la gueule alors qu’un Pimp Daddy secoue ses breloques en agitant la tête. Yo !

Les gens se bousculent, d’autres se saluent, il y a des microbes dans toutes les langues.

On arrive à Jarry. Un petit comptable calque british d’un commis de la City, cravate brune, chemise assortie, cheveu rare plaqué sur le côté, tente de se frayer un passage entre deux grosses mamis haïtiennes.

Boulevard Métropolitain C’est le Nil infesté de crocodiles. Il n’y a plus un seul Blanc dans la 55. Le quartier de la guenille embauche des petites mains de toutes les couleurs. Dans un stationnement, une blonde décolorée accrochée à son cellulaire sort de son vus rutilant. Veston bonne coupe, bon prix, elle n’est pas le genre à prendre l’autobus. Saint-Lau coin Bangladesh, dans les rues transversales, les ateliers de confection fourmillent de mères de famille nombreuse et de travailleurs multicolores. L’autobus ne va pas plus loin que Chabanel. SaintLaurent, coin terminus. Il ne rejoindra jamais les opulentes maisons du boulevard Gouin. Retour à la case départ, 55 direction Sud. Les mêmes senteurs, les mêmes couleurs, les mêmes accents… mais dans l’autre sens.


. J e i l é m A Une comédie tou

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Publié originalement dans Urbania spécial Luxe

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Lundi, 18 h 40. Ce matin, j’ai accompagné Julien à l’aéroport. Il veut que je garde sa voiture cette semaine pour que je l’emmène au garage faire enlever les pneus d’hiver. Il m’a embrassée sur la bouche et il m’a promis qu’il m’appellerait une fois rendu à Londres. Et s’il fallait qu’il soit tué dans un attentat terroriste ? Il s’est fondu dans la foule et tout à coup ç’a été aussi clair que du cristal de Baccarat qui ne va pas au lave-vaisselle : ma vie serait un trou noir sans lui. J’ai eu envie de crier : « Reviens, Juju ! Me laisse pas ! Je passerai pas toute seule à travers la semaine ! » J’avais une grosse boule dans le ventre. Peut-être que je suis dépendante affective. Ou c’est l’angoisse ? Ou le foie gras d’hier soir ? C’était une sacrée grosse boule. Texte  : Nadine Bismuth illustrations  : André Dubois (andredubois.ca) Ce texte est tiré du recueil « Êtes-vous mariée à un psychopathe ? » publié aux éditions du Boréal.

Fiction


Je Fiction

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mon

Journa l réfléchissais à tout ça

quand un incident très désagréable s’est produit : je ne suis pas parvenue à faire démarrer la Lexus de Juju. Tous les conducteurs qui attendaient sur le débarcadère des départs se sont mis à me klaxonner comme des sauvages pendant que je tournais à répétition la clé dans le contact sans que rien ne se produise : silence total du moteur. Il a fallu qu’un chauffeur de taxi vienne me crier par la tête que le moteur était en marche mais qu’il ne faisait pas de bruit parce que la voiture est hybride. On relaxe, monsieur : comment étais-je censée le savoir ? Je conduis ma Mini Cooper, d’habitude. Je suis arrivée stressée à mon cours de yoga, ma camisole en fibres de bambou déjà toute trempe, j’ai parqué la voiture dans un espace réservé aux livraisons pour ne pas arriver en retard. Janet m’a dit : « Honey, are you okay ? » Cette fille est trop gentille. On a travaillé ma salutation au so-

mon Journa l

leil et elle m’a dit que j’avais fait des progrès en trois mois. Tant mieux, parce que même si je ne pige pas le rapport entre me tenir sur une jambe les deux bras en l’air en fixant un point invisible devant moi et l’harmonie intérieure, j’aimerais bien que ça me procure des fesses aussi fermes et rebondies que les siennes. Dans un bar à sushis tout près sur le boulevard Saint-Laurent, j’ai mangé une soupe miso et j’ai appelé Véro pour l’inviter à souper. « Que dirais-tu d’un soufflé au fromage avec une petite verte ? » Elle ne pouvait pas parler, elle était en meeting. Véro passe sa vie en meeting ! Depuis trois mois, elle est « chargée de projet » pour un festival de films. Et puis elle devait me rappeler, mais elle ne l’a pas encore fait et il est presque sept heures et je lui en veux un peu. J’ai pris la peine de lui dire que Juju était parti et elle sait que je déteste être seule ici. La maison est déjà trop grande pour deux, et puis on dirait qu’elle craque de partout, et puis j’ai toujours peur qu’un tueur s’introduise par le soussol, le garage, la terrasse ou (pourquoi pas ?) un des puits de lumière. Si seulement Juju n’était pas asthmatique, je pourrais avoir un chat ou un chien pour me protéger. Pour me changer les idées, j’ai dû feuilleter mes livres de cuisine afin d’élaborer le menu de samedi soir. J’hésite entre des carrés d’agneau et du homard. Je ne voudrais pas être prise à la dernière minute. Je veux que tout soit parfait et pour la soirée je… oh, ça sonne !

19h20

Julien est arrivé à Londres en un seul morceau. Il ne m’avait pas fait signe plus tôt parce qu’il était sorti souper avec des clients. Il pleut là-bas. « Et toi ? » qu’il m’a demandé. « Moi, quoi ? » (Je m’ennuie, il me semble que c’est évident.) Je lui ai tout de même confié que j’étais bien décidée à essayer une nouvelle coupe de cheveux cette semaine, oser une frange — comme la vendeuse chez m0851 tout à l’heure. « Tu serais mignonne », a remarqué Julien, de sorte que je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander : « Tu veux dire que tu me trouves moche, comme ça ? » Bien entendu, il m’a reproché mon insécurité. J’ai suggéré qu’on fasse une séance de sexe au téléphone, mais il était trop crevé à cause du décalage horaire. Je n’ai pas insisté. Cependant, j’ai voulu qu’il m’explique comment allumer la télévision. Sous prétexte qu’il me l’a déjà montré trente fois mais que je ne m’en souviens jamais, il m’a dit de prendre un papier et un crayon, et moi j’ai encore martelé que je n’aimais pas ce nouveau système. C’est vrai : depuis qu’on s’est convertis à la haute définition, je ne fais que remarquer les moustaches des comédiennes et les cicatrices d’acné des animateurs. Ça tue le rêve. Juju a poussé un soupir de condamné à mort quand je l’ai prié de répéter : c’est sur le bouton rouge de la télécommande grise ou sur le bleu de la télécommande noire que j’appuie en premier ? On s’est engueulés. C’est déprimant. J’arrête ici. Je vais faire des muffins.


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mardi, 20h30

Le problème avec Véro, c’est qu’elle est aliénée dans son travail, alors c’est certain qu’elle se sert de moi comme d’une soupape. Elle m’a rappelée ce matin pour m’offrir d’aller luncher avec elle, et ça tombait bien parce que j’avais une course à faire au centre-ville : il faut que je déniche des coupes en cristal de Baccarat d’ici samedi soir, autrement Mme Tardif risque de se demander où sont passées celles qu’elle nous a offertes à Noël. En tout cas, je ne sais pas ce qui a déclenché le délire de Véro — ah si, je le sais : c’est lorsque j’ai appelé Fatima après avoir commandé mon cappuccino. Je devais lui dire d’arriver une demi-heure plus tard que prévu pour lui éviter de poireauter devant la porte. « Qui t’appelles ? » m’a demandé Véro. « Ma femme de ménage. » C’est à ce moment-là qu’elle s’est mise à faire la grimace au-dessus de son thé aux queues de cerises (elle veut maigrir), grimace qui n’a rien d’exceptionnel, Véro étant souvent d’humeur maussade sans qu’on sache trop pourquoi. Et comme le remède à cette situation est d’agir comme si de rien n’était, c’est ce que j’ai fait. Je lui ai raconté que Julien et moi avions loué une villa en Argentine pour trois semaines en juillet. Savait-elle que Buenos Aires était le Paris de l’Amérique du Sud ? Voudrait-elle être l’heureuse gardienne de notre maison durant notre Elle dit que absence ? Elle pourrait je suis devenue profiter de la piscine, du jardin, du sauna, des voitures, du gym et du cinéma maison haute définition. Et cetera, et blablabla. J’y mettais vraiment du mien, mais après cinq minutes, comme elle ne dégrimaçait pas, je lui ai demandé si tout allait bien, et elle a serré les mâchoires et elle a dit : « C’est plutôt à toi qu’il faudrait poser la question. » Elle affirme que je vis sur une autre planète depuis que je sors avec Juju. Elle dit que je suis devenue une fille qui passe ses journées à traîner au centre Rockland, à faire du yoga et à coordonner l’arrivée de sa femme de ménage, et que rien de constructif ne ressort de tout ça. « Tu vis aux crochets d’un mec. Tu vas faire quoi s’il te quitte demain matin ? Un soufflé au fromage ? » J’ai essayé de respirer par le ventre comme Janet s’efforce de me l’apprendre, de visualiser le flouc flouc des vagues de l’océan pour relaxer. Mais ça n’a pas marché et je me suis fâchée et j’ai demandé à Véro si elle était en train de me traiter de poule de luxe. Véro a répliqué qu’elle n’avait jamais dit ça, mais qu’à bien y réfléchir peut-être que j’en étais une, parce que même si je ne me dandine pas en manteau de fourrure et stilettos de six pouces, tout le monde sait qu’avoir du temps de nos jours, c’est un luxe, et que moi, du temps, j’en ai tout plein. En plus, il paraît que je peux bien en profiter, mais au bout du compte, rien de tout cela ne m’appartient. Ma relation avec Julien n’est

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qu’un moyen pour moi de ne pas affronter la vraie vie, de ne pas prendre mes responsabilités, et quoi d’autre encore ? J’ai oublié parce que j’ai explosé au beau milieu du JavaU : faut-il que je me sente coupable parce que je suis tombée amoureuse du fils du président de la plus grande multinationale d’aérospatiale du pays alors qu’elle, tout ce qu’elle a réussi à se dégoter, c’est un assistant-gérant chez Pizzédélic (et encore, aux dernières nouvelles, il hésitait toujours à s’engager sérieusement avec elle !) ? Véro a dit que la compagnie du père de Julien était une compagnie d’aéronautique et non d’aérospatiale. « C’est pareil ! » que j’ai crié. Elle a jeté quinze dollars sur la table et elle est partie en me traitant de sous-clone de Carla Bruni. La salope. Je vais aller faire un gâteau aux bananes. Hier, j’ai brûlé mes muffins.

mercredi, 11h15

J’ai tellement mal dormi que ce matin j’ai appelé Mme Lyne Gounod, la chef du service des ressources humaines du Musée des beaux-arts. « Qui ? Myriam Boisjoli ? » En plein ma chance : une Alzheimer. J’ai dit : « Souvenezvous, je vous ai donné ma recette de croustade aux pommes lors du dernier gala de la fondation de l’Hôpital général. » (C’était l’automne.) Silence radio. « Vous portiez la même robe Miss Sixty que moi », ai-je ajouté. Peut-être que j’aurais dû dire que c’était MOI qui portais la même robe qu’ELLE, mais sur le coup, ça ne m’a pas traversé l’esprit. Enfin, c’est tout à faire du yoga et à de même ça qui l’a sortie de sa torpeur : coordonner l’arrivée de sa femme de ménage. « Ah oui, Myriam ! Vous êtes la conjointe du fils de monsieur Louis Tardif, n’est-ce pas ? » Je suis allée droit au but : je me cherche un emploi. Elle a voulu savoir quel genre de parcours professionnel j’avais et je lui ai dit : un bac en histoire de l’art et deux ans comme assistante à la galerie Noire de la rue Saint-Paul (en réalité, c’était seulement huit mois, mais si elle avait vu le patron débile, c’est vrai que ça compte pour le double). En tout cas, elle m’a dit qu’il n’y avait malheureusement pas d’ouverture au musée pour le moment, mais que, si j’acceptais d’aller passer un test de culture générale, mon nom pourrait figurer sur la liste d’attente de l’équipe de bénévoles. Beau programme. Je lui ai dit que j’allais y penser. Je peux bien l’écrire ici, si je me suis énervée hier midi avec Véro, c’est parce que la question m’a tourné mille fois dans la tête : qu’est-ce que je vais faire si Juju me quitte ? Je veux dire : que suis-je, sinon une femme au foyer sans enfants, donc illégitime ? Juju, Juju… Je viens d’essayer de l’appeler à son hôtel, mais il était sorti. Merde ! Je suis en retard pour les pneus de la Lexus.

une fille qui passe ses journées à traîner au Rockland,


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19h30

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J’ai lunché chez Leméac. Après deux heures à poireauter dans l’antichambre d’un garage qui pue à feuilleter des People de l’ère paléolithique (Jennifer et Brad en vacances !), j’avais besoin de décompresser. Et moi qui me croyais guérie ! Tout avait pourtant bien commencé. On m’a assise près de la fenêtre, dans une flaque chaude de soleil. Autour de moi caquetait la faune habituelle d’hommes d’affaires et de retraitées botoxées. Mais à deux tables de la mienne, il y avait une fille à peine plus jeune que moi. Trente ans, mettons. Elle était avec son mec, un type plutôt mal habillé, mais qui était riche, ça c’est sûr, parce qu’à un certain moment il est sorti du resto pour aller chercher son téléphone dans sa voiture garée en face dans la rue Laurier, et c’était une Mercedes — le même modèle que Juju conduisait quand on s’est rencontrés. Cette fille m’a fait penser à moi : j’ai eu la certitude qu’elle était sans boulot elle aussi, autrement, qu’est-ce qu’elle ferait à téter une crème brûlée à deux heures de l’aprèsmidi un jour de semaine dans un resto ? Je me suis dit : voilà, je ne suis donc pas une extraterrestre ! D’autres filles vivent comme moi, dans un état de… de quoi ? D’autonomie relative ? Dépendantes de leur copain ? Et alors ? Ce n’est pas un crime. Dieu sait comment On n’enlève rien à j’en suis arrivée là, personne. Qu’est-ce qu’on fait de mal, à mais j’ai trente-deux ans et part rendre d’autres filles jalouses, nos meilleures amies les premières ? Je crois que jusque-là tout allait bien. Mais pendant que le jeune riche débraillé parlait au téléphone dans le vestibule du restaurant, le serveur a déposé l’addition sur le bout de la table, et après avoir fixé la pochette de cuir noir comme si c’était un oiseau mort venu s’écraser là par hasard, la fille l’a tirée à elle, elle a fourré une main dans son Rudsak bleu électrique de l’année et elle en a ressorti une liasse de billets qu’elle a déposée délicatement dedans. Au-dessus de ma cuisse de canard confite — à la chair plus sèche que d’habitude, c’était décevant —, j’avais beau me répéter : « Eh bien, à chacun sa façon de vivre », il n’y avait rien à faire. Je me suis tout à coup sentie seule au monde. Mon cœur s’est mis à battre à toute allure, la sueur me coulait entre les seins, j’avais la bouche sèche et mes oreilles bourdonnaient. Il aurait fallu que je me rende à la salle de bains, mais j’avais trop peur de m’effondrer comme une masse devant tout ce monde. Je ne sais pas comment j’ai fait pour me traîner jusqu’à la caisse et donner la carte de crédit de Juju au serveur qui portait des lunettes à la Elton John. Une fois dehors, j’ai pris le premier taxi, j’ai baissé la vitre et j’ai gardé les yeux fermés jusqu’à Ville Mont-Royal. Ça tournait, tournait. Je croyais que j’allais dégueuler. Ou faire un ACV. Ou une crise cardiaque. Bref, mourir sur place. Une fois à la maison, j’ai pensé que ce serait mon pauvre Juju qui découvrirait mon corps à moitié pourri en rentrant ici après-demain et que ça lui ferait sans doute regretter

jusqu’à la fin de ses jours de m’avoir laissée toute seule. Je me sentais vraiment étourdie, je ne savais pas quoi faire. Alerter Véro ? C’était hors de question. Ma mère ? Ça l’inquiéterait beaucoup trop. Le 9-1-1 ? Les voisins risqueraient d’apercevoir l’ambulance, comme cette fois où Juju était parti pour Genève et où j’avais dû inventer une histoire de mal d’estomac carabiné à son retour pour me couvrir. Car comment ne pas redouter le pire ? Qu’un voisin croise Juju au dépanneur un beau matin et lui demande :« Il n’est rien arrivé de grave à Myriam l’autre jour ? On l’a vue partir en ambulance sur une civière. » Oh non ! S’il apprenait que j’avais cessé de prendre mes médicaments, Juju serait tellement déçu. Alors, j’ai appelé Fatima. Je savais bien qu’elle était fâchée parce que je lui avais fait récurer trois fois chacune des cavités de mon moule à muffins tout carbonisé hier après-midi — eh oui, j’adore ce moule, c’est un modèle épuisé ! Mais pour soixante dollars, Fatima a ravalé son amertume et elle est venue. J’avais chaud, j’avais tellement chaud que j’étais à poil, affalée sur le canapé de plumes du salon, quand elle est arrivée. Je me suis enroulée dans le jeté et elle m’a fait couler un bain tiède. Si mon carton de pilules ne traînait pas en permanence sur le comptoir de la salle de bains, Fatima aurait pu penser que j’étais enceinte. Mais ce n’est pas le cas. Et pourquoi donc ? Parce que chaque fois qu’on en parle, Juju affirme qu’on n’est pas prêts. Mais quand le serons-nous ? Un de ces jours, même si je sais que ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie, je crois bien que j’arrêterai de prendre ma pilule en cachette, question de lui prouver qu’il avait tort. À ma demande, une fois que je me suis allongée dans la baignoire, Fatima la télévision dans a bien voulu rester mon propre salon. de l’autre côté du rideau pour me tenir compagnie. Brillante idée, oh la brillante idée ! Fatima s’est mise à me raconter que sa sœur qui habite encore au Maroc a été diagnostiquée avec un cancer du sein. J’avais juste envie de m’écrier : « Sapristi, Fatima, ne me racontez pas une histoire comme ça ! Refilez-moi votre recette de couscous, genre ! » Ne voyait-elle pas que j’émergeais à peine d’une mégacrise de panique ? Ou était-ce sa façon de se venger de l’épisode du moule à muffins ? Derrière le rideau, j’ai marmotté quelques formules banales d’encouragement, incapable toutefois de cesser de me palper les seins et de leur trouver des bosses partout. Pour la suite, c’est flou. J’ai voulu dormir. J’ai imploré Fatima de ne jamais raconter cet incident à Juju : s’il lui demandait pourquoi on lui avait donné soixante dollars de plus, elle devrait dire que c’était parce que je l’avais priée de s’occuper d’un gros tas de lessive. « Vous comprenez, Fatima ? J’ai des petites défaillances, parfois. Mais je suis sur la bonne voie. » Fatima doit me trouver étrange, mais qu’est-ce que je peux y faire ? De toute façon, elle voit des cas pires que moi, comme Mme Gray à trois maisons de la nôtre, chez qui elle fait le ménage aussi, et qui carbure au Johnnie Walker. Je lui ai signé son chèque et elle est partie. Il était quoi, cinq heures ?

Je ne suis pas foutue d’allumer


Il est huit heures maintenant. Sur le répondeur, j’ai un message de Daisy, ma coiffeuse : j’ai loupé notre rendezvous. Et moi qui voulais cette frange ! Pourvu qu’elle ait d’autres disponibilités cette semaine. Que reste-t-il à dire de cette journée catastrophique sinon que j’en rote encore mon confit de canard ? Je vais jeûner demain pour avoir un ventre plat au retour de Juju. Je suis certaine qu’il ne m’aimerait pas si j’étais grosse. En attendant, il restait du gâteau aux bananes dans la cuisine, et comme j’avais mis du crémage au fromage dessus, c’était difficile de résister. J’ai léché tout le fond de l’assiette pendant que j’écrivais ces lignes.

jeudi, 19h45

Juju m’a appelée ce matin. Pourquoi n’ai-je pas laissé sonner ? Il a fallu que je l’assomme avec mes doléances. Il ne veut pas qu’on suive des leçons de tango pour nous préparer à notre séjour en Argentine ; il trouve ça quétaine. « Mais tu peux t’inscrire toute seule si ça te tente », a-t-il suggéré. « Laisse donc faire », que je lui ai dit. Il est toujours aussi inflexible au sujet des enfants, et il veut encore moins qu’on redécore la maison. « Alors quoi ? me suis-je impatientée. On va continuer à passer nos soirées à regarder les moustaches des comédiennes à la télé ? » Tu parles d’un projet commun. Juju a dit qu’il me trouvait chieuse et que, s’il avait su, il ne m’aurait pas appelée. « Ciboire, Mimi, j’ai quatre rendez-vous importants aujourd’hui et je voulais juste te dire que je t’aime ! » Il ne manquait plus que ça, que je me sente coupable. Je suis fébrile. Ça ne va pas. J’ai séché mon cours de yoga et je suis allée récupérer la Lexus rue Laurier. Il y avait trois contraventions collées au pare-brise ; ajoutées à celle de lundi, c’est bien fait pour lui ! Comme j’avais encore cette boule dans mon ventre, sans trop réfléchir, j’ai débarqué au bureau de Véro. J’avais besoin d’elle, mais elle était où ? Eh oui, en meeting ! J’ai attendu dans le fauteuil de la réception, ça m’a paru une éternité, j’avais feuilleté tous les magazines sur le guéridon et je m’étais imaginé plus de flouc flouc de vagues d’océan qu’il n’en a sans doute fallu pour faire couler le Titanic quand elle s’est enfin matérialisée. Elle m’a accueillie avec moins de

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froideur que je m’y attendais, et c’est tant mieux parce que j’ai éclaté en sanglots une fois dans son bureau. J’ai tout déballé : que je ne sais plus si j’aime Juju ou si je reste avec lui parce que je ne saurais pas comment me débrouiller autrement. Que je regrette cette époque où on vivait ensemble toutes les deux dans notre quatre et demie du Plateau-Mont-Royal. Que tout est mêlé dans ma tête et dans mon cœur. Que j’ai arrêté de prendre mes médicaments sans en parler à personne parce que j’espérais que le yoga m’aiderait d’une façon plus naturelle, mais bon sang que les effets tardent à se manifester ! Que je n’ai aucun sentiment d’accomplissement dans ma vie. Que Dieu sait comment j’en suis arrivée là, mais j’ai trente-deux ans et je ne suis pas foutue d’allumer la télévision dans mon propre salon. J’aurais continué pendant des heures, c’était tellement libérateur, mais Véro devait filer à un autre meeting. Elle m’a cependant laissé un double de la clé de son appartement et elle m’a dit que si je le souhaitais je pouvais aller dormir chez elle dès ce soir pour y voir un peu plus clair. J’y ai réfléchi. Je crois que c’est la bonne décision. Je vais faire mes valises.

21h

Le mauvais sort s’acharne : Juju est parti avec la grosse Louis Vuitton.

vendredi, 16h10

Je sors du bain ; Juju, lui, trempe encore dedans. Ce sont de belles retrouvailles. Comme il a signé un contrat important à Londres, il est de bonne humeur. Il n’a même pas râlé quand il a vu les quatre contraventions sur le comptoir de la cuisine. Le décalage horaire lui fait cependant perdre la mémoire, parce que quand je lui ai demandé ce qu’il préférait manger demain soir, de l’agneau ou des homards, il ne se souvenait même plus qu’on recevait ses parents. Et moi qui ai couru à travers la ville à la recherche des coupes de Baccarat ! « C’était pas nécessaire, m’a rassurée Juju pendant que je lui savonnais le dos. Ma mère n’aurait rien pu te reprocher : elle a déjà cassé le lustre crinoline au chalet ! » Je me suis demandé : est-ce que c’est ce qui va m’arriver un de ces jours, à moi aussi ? Rien n’est exclu. Juju m’a rapporté un coffret de thés anglais. Je préfère le café, mais je le sortirai pour la visite. Ou je pourrais l’offrir à Fatima, pour la consoler de la maladie de sa sœur. Ou à Véro, s’il y en a aux queues de cerises. Il faudrait d’ailleurs que je la rappelle aujourd’hui pour la rassurer et lui dire que j’apprécierais qu’elle arrête de s’inquiéter pour moi. En réalité, je vais vraiment bien. Que les choses prennent des proportions énormes quand Juju s’en va et que ça me fasse tout remettre en question, c’est juste normal. J’espère cependant qu’elle sera en meeting et que j’aboutirai dans sa boîte vocale, parce que si elle décroche je sais trop ce qu’elle va me répondre. Sur un ton découragé, ce sera quelque chose du genre : « C’est ta vie, Mimi. » En effet. Merde ! Je vais rater mon rendez-vous chez le coiffeur !


VACCIN


Publié originalement dans Urbania spécial Sexe

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« Y faut que Guindon essaie la pompe à pénis ». Pour nous, ça allait de soi quand on a préparé le numéro sexe : à l’interne, on était plié en deux juste à l’idée de l’imaginer en train d’enfiler le drôle de tube sur son drôle d’engin. Et on avait vu juste, parce que le texte qu’il a écrit après coup était encore plus crampant que ce qu’on avait envisagé. D’ailleurs, depuis qu’il a rédigé cet article, Guindon est devenu une véritable star. Les jeunes filles en chaleur l’arrêtent dans la rue pour lui parler de ses sexploits, les employés de la Capoterie lui déroulent le tapis rouge quand il va acheter du lubrifiant et paraît que Viagra lui a même proposé de devenir leur porte-parole. Texte : FRÉDÉRIC GUINDON titrage et illustrations : SAMUEL JACQUES

Reportage

undi matin, 9h. Comme un élément déclencheur dans un texte de secondaire 3, le téléphone sonne. C’est la madame du Urbania. – Guindon ? Pour le prochain numéro, tu vas devenir une porn star. – Ah non, pas eux autres… Je trouve ça vraiment mauvais ce qu’ils font, pis en plus, je sais pas vraiment jouer de musique. – Pas PORN FLAKES, Guindon… PORN STAR. – Wooouuin… Mais comment je ferais ça ? – Facile. T’améliores tes performances et tu t’arranges pour avoir un pénis plus gros, plus rigide, plus endurant, plus jouissant… On t’a pogné une commandite à La Capoterie. Va là, pis prends ce qu’il te faut. T’as 15 jours pour devenir un homme. Bye ! Le sort était jeté. J’avais deux semaines pour essayer les produits avec ma blonde et devenir Ron Jeremy.


Reportage

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Je reviens de la Capoterie. J’ai acheté de petites bébelles qui devraient faire de moi un vrai étalon : – Des pilules Xplozion qui me donneront supposément un super orgasme. – Une sorte d’onguent chinois à l’allure absolument infecte, qui devrait me tonifier le bambou au moment de passer aux choses sérieuses. – Une pompe à pénis qui donne de l’expansion à vous-savez-qui.

Je sais pas trop ce que feront mes « aides à la performance », mais j’espère qu’il n’y a pas trop d’effets secondaires, comme la perte de cheveux, l’impuissance à moyen terme ou la pousse de cornes. Anyway, je pense pas que mes performances « de base » soient problématiques. En les boostant, je risque juste de devenir superformant. Ça, c’est cool. Je savais que ma blonde Caro allait rentrer tard ce soir. Je savais aussi qu’on allait être fatigués et que ce ne serait pas nécessairement le bon moment pour faire des expériences scientifiques. Mais, j’étais trop curieux à propos de la pompe à pénis. Ça fait que j’ai décidé de l’essayer tout seul. C’était la première fois que j’avais des relations sexuelles avec un objet de ce type et mettons que j’aurais pas voulu que ma mère me surprenne. Je me suis installé nu, dans mon Après 30 minutes lit. Pour s’insérer dans cet appareil, il est préférable d’être de manipulations en érection. J’ai fait ce que atmosphériques j’avais à faire, puis j’ai pénétré diverses, le faux vagin en caoutchouc qui sert d’embout au tube de plastique transparent pour succionner l’air. La sensation était quand même pas si tant différente de la réalité, sauf qu’il manquait tout ce qui entoure l’orifice, c’est-à-dire des fesses, des jambes, des bras, des seins, et une tête. Une fois la graine bien entrée dans le fond du truc, j’ai commencé à pomper. Aussi incroyable que ça puisse paraître, j’ai vu mon membre prendre des proportions colossales, voire titanesques. Au début, c’était tout à fait agréable : le feeling de la stimulation combiné à l’excitation de la nouveauté créait en moi un état de bonheur quasi céleste. Mais plus je pompais, plus je voyais mon pénis devenir mauve. Des veines gorgées de sang apparaissaient et j’avais l’impression qu’il était sur le point d’exploser. J’ai pris peur et je me suis retiré de là avant d’être témoin d’Hiroshima dans un bocal. J’ai débandé sur-le-champ… Saperlipopette, quel moment incroyable !

Ce matin, j’ai repris l’entraînement avec ma pompe. J’ai surmonté ma peur grâce à deux facteurs. Premièrement, je me suis dit qu’Hulk Hogan, mon idole d’enfance, n’était sûrement pas devenu aussi musclé en craignant les haltères. Deuxièmement, j’ai pensé à ce que nous a appris mon prof d’anglais au secondaire : « Practice makes perfect. » En français, ça veut dire : « Pratique fait parfait ». Autrement dit, si tu te pompes le colosse dans ton aspirateur à moineau, il va prendre des proportions énormes. J’ai donc pompé, pompé, pompé… presque jusqu’à en perdre conscience tellement il ne me restait plus de sang ailleurs dans le corps que dans le zob. Chaque fois que j’ai enlevé l’appareil, le même phénomène s’est produit : débandaison instantanée. Je commence à avoir une hypothèse là-dessus. Il doit y avoir un lien avec les questions de pression atmosphérique. Un peu comme quand on sort un gâteau du four. Mettons…

J’ai cet air dans la tête : « Pump Up The Jam, Pump It Up, A Pump It Up, Yo ! Pump It ! ». Je pense que je deviens accro aux plaisirs de la masturbation sous vide. Lors des deux dernières journées, j’ai poursuivi avec succès mes séances d’étirements péniens. Je ne pousse pas ma luck jusqu’à me mesurer l’envergure à l’aide d’une règle parce je crois que les progrès sont visibles à l’œil nu .

Après trois jours d’entraînement, j’avais très hâte de montrer à Caro mes progrès millimétriques. Les pompes à pénis, c’est comme l’économie : c’est avec des millimètres qu’on fait des centimètres. Dès que ma douce moitié est entrée chez moi, j’ai baissé mes culottes et j’ai dit : « Check-moi la graine, bébé ! ». Et elle a admiré. Aussitôt l’admiration terminée, elle m’a attaché au lit, elle s’est emparé de mon dispositifde-masturbation-sous-videfavorisant-l’agrandissementdu-pénis, puis m’a fait prendre grâce à la seule de force une double dose de pilules Xplozion. Elle voulait et unique force synchroniser leurs effets. de l’air. Après 30 minutes de manipulations atmosphériques diverses, j’ai orgasmé à tout rompre grâce à la seule et unique force de l’air. Wow ! Les pilules fonctionnent.

j’ai orgasmé à tout rompre

Quand on s’est réveillés ce matin, ma blonde et moi, on était pas mal horny. J’avoue que je suis un gars de matin. Pour paraphraser le personnage de Peter Fonda dans Easy Rider : « Ça nous donnera une toute nouvelle façon d’envisager la journée… » OK, dans le film, il parle de fumer un joint en se levant, mais moi, je suis un partisan de la perspective que procure une bonne séance de dedans-dehors-dedans dès le réveil. Ça vous délie les muscles et ça vous affûte l’esprit. Et puisqu’on avait toute la journée devant nous, j’ai pris la peine de me gober une petite pilule Xplozion à l’instant même où j’ai ouvert mes yeux.


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La posologie est simple : deux cachets, une heure avant l’explosion anticipée. C’était parfait comme timing. J’ai pas besoin de vous expliquer ce qui s’est passé par la suite ; de toute façon, c’est pas de vos affaires. Néanmoins, je suis venu. Et ma foi, c’était excellent ! Mais Quand au bout d’une de là à dire que c’était quinzaine de minutes au-delà de tout ce que j’ai vécu auparavant, il y a un fleuve de doute que j’hésite à franchir. La véritable efficacité de cette pilule magique dans l’accession à cet orgasme est plus ou moins mesurable. Toutefois, une chose est certaine : ça ne nuit pas.

(parce que, finalement, c’est plus du liquide qu’un onguent) font penser à du Sirop Lambert. Mais l’odeur est inimaginable. Je pense que la langue française est trop belle pour posséder les mots qui me permettraient de décrire ce que ça sent. Je dois procéder par comparaison. Imaginez du vinaigre balsamique en pleine cuisson, mélangé à du Monsieur Net et des beignes aux cerises. Individuellement, chacun de ces parfums peut sembler agréable. Ensemble, ils sont plus destructeurs qu’un attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo à l’heure de pointe. Donc, ça doit marcher !

ton pénis devient l’Épicentre de toute la chaleur du monde,

J’ai décidé de prendre congé de la pompe et d’essayer ce mystérieux onguent chinois que je gardais en cas de panique. Après tout, ma confiance en moi est à un sommet inégalé : je n’ai peur de rien, surtout pas des élixirs douteux d’un vieux bonhomme asiatique. Pour la première fois depuis que je me suis procuré la substance, je prends la peine d’inspecter la boîte. Ça s’appelle la « solution Kwang Tse de Suifan’s ». Le produit vient dans une petite bouteille de 3 mL et s’applique un peu comme du Liquid Paper, mais en version XVIe siècle. La couleur et la texture du liquide

Reportage

Comme pour la pompe à pénis, j’ai préféré essayer l’onguent en solo, pour la première fois, plutôt qu’en couple. J’imagine que ce ne sont pas toutes tu te sens bien. les flores vaginales qui doivent cohabiter en harmonie avec un tel produit, et je crois qu’une tentative de l’intégrer tout d’abord uniquement à mon milieu environnemento-génital s’imposait. Et j’ai aimé ça. Certes, il faut s’habituer à vivre dans une atmosphère hostile pour le nez, mais quand au bout d’une quinzaine de minutes ton pénis devient l’épicentre de toute la chaleur du monde, tu te sens bien.


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Avant de tester à deux la solution de Monsieur Suifan (que je respecte maintenant), j’ai pris le temps de lire le petit papier qui vient avec le « médicament ». C’est écrit : « En mettre nue mince couche sur le périls moitié à deux heures avant de faire l’amour. » Le « périls ». Y aurait-il un petit lapsus là-dessous ? Peutêtre. Toujours est-il que ce J’ai ouvert la petite n’est rien pour mettre ma blonde en confiance. C’est enveloppe. en plaidant l’avancement de la science que j’ai réussi à la convaincre de me laisser lui entrer mon péril dedans. On a attendu une petite demi-heure, histoire que le ginseng du Docteur Suifan fasse effet. C’était comme d’habitude, c’est-à-dire excellent. Sauf que ma blonde a eu plus chaud à la noune qu’à l’accoutumée. J’ai peur que ça lui cause de sévères irritations. Après réflexion, la question que je me pose, c’est : « Si je me mettais de l’antiphlogestine sur le proéminent, estce que je forcerais Caro à se l’introduire dans le jardin secret ? » Et la réponse, c’est non. Alors je me trouve cave de l’avoir fait avec la solution Kwang Tse. Je suis pas sûr que ce soit ISO-Vagin.

Je voulais pas l’admettre avant, mais je pense pas que je sois fait pour ce type d’entraînement. Vous rappelez-vous la télévision interactive sur le Vidéoway ? À l’origine, tout le monde voulait faire partie de la révolution et regarder la Soirée du Hockey en choisissant son angle de caméra. Puis, à la longue, on s’est tannés. La vraie affaire, la tévé ordinaire, c’était toujours mieux. C’est un peu la même chose qui se passait dans mon cas. Baiser avec l’aide d’accesDu Viagra, bâtard. soires, c’est drôle au début, ça fait changement. Mais au bout d’une semaine et demie, tu commences à t’ennuyer du vrai sexe. J’ai appelé la madame du Urbania et je lui ai fait part de mes sentiments. Elle m’a répondu que j’avais besoin d’un remontant et qu’elle allait s’occuper de moi. Deux heures plus tard, un chauffeur de taxi a sonné chez moi. Il m’a tendu un sachet et m’a dit : « Livraison pour vous, de la part de la madame du Urbania. » J’ai ouvert la petite enveloppe. C’étaient deux petites pilules bleues. Du Viagra, bâtard.

C’étaient deux petites pilules bleues.


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Ce soir, c’était la Saint-Valentin. Bien qu’on ne soit pas valentino-pratiquants Caro et moi, on s’est quand même organisé un petit souper semi-romantique. Semi, parce que la bouteille de vin a coûté moins de 10 dollars, qu’il n’y avait pas de chandelles et qu’on écoutait Transformers : The Movie en mangeant. J’avais surfé sur l’autoroute de l’information en quête de données sur l’élixir du Docteur Pfizer. Apparemment, ça peut aussi pimenter la vie sexuelle des femelles. Alors, je n’ai pas hésité une seule seconde. Au dessert, je nous ai offert à chacun un petit losange bleu. À ma grande surprise, ma sublime amoureuse était enchantée par cette proposition. Tant mieux ! Nous avons gobé nos cachets, puis nous avons attendu comme si c’était du buvard. – Ça te fais-tu de quoi ? – Non… Toi ? – Non. Sauf que j’ai chaud dans les pieds. – Ben là, c’est pas là que t’es supposé avoir chaud… – Je sais… Aimerais-tu mieux que je te piednètre ? Puis, au bout de 45 minutes, le Viagra n’avait pas embarqué. On a décidé d’aller se coucher. En chauds lapins que nous sommes, nous avons commencé à nous titiller les entre-jambes. On se disait qu’il fallait peut-être une étincelle dans nos bobettes pour que le feu prenne. Et une mémorable joute de sexualité s’en est suivie.

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Ce que je vais vous raconter est vrai : je n’ai aucunement eu l’effet anticipé. Pas d’érection de six heures ! Moi qui pensais me faire harceler par mon pénis pour que ça continue. Au contraire, une fois la partie terminée, j’ai eu la réaction habituelle de devenir momentanément indisponible sexuellement. Pour ma tendre chérie par contre, ce fut une tout autre aventure ! Dès les premières manipulations coquines, j’ai remarqué une lubrification naturelle anormale. Anormale, dans le sens de vachement accrue. Et le phénomène ne s’est qu’accentué en cours de route. Tellement que je devais constamment m’essuyer les mains sur les draps. Yen avait partout ! Avoir eu un lit d’eau, j’aurais cru qu’on l’avait percé, mais ce n’est pas le cas. Mon matelas était devenu la piscine olympique, et moi, Michael Phelps. C’était extrêmement excitant, et c’est certain que l’événement est dû à la prise de comprimés magiques bleus. Conclusion scientifique : le Viagra ne sert à rien chez l’homme. Par contre, chez la femme, il est un puissant excitant.

C’est drôle, mais après 15 jours d’expérimentations sexuelles ridicules, je me sens plus proche du statut professionnel de clown que de celui de porn star. D’ailleurs, faudrait que je vérifie auprès des vrais pros s’ils s’entraînent véritablement de la sorte. Moi, je pense plus que ça doit être une question de talent naturel. Ron Jeremy, c’est genre le Jaromir Jagr de la baise. Moi, je dois être plus dans la catégorie « Tom Kostopoulos ».


Si on nous avait dit un jour qu’on allait parler du pénis de Guillaume Latendresse à la Fosse aux Lionnes et qu’on allait conquérir le public de 110% en levant le voile sur les pratiques sexuelles de Mike Komisarek, on n’y aurait pas cru. Pourtant, c’est ce qui est arrivé, l’année dernière, lorsqu’on a publié ce désormais célèbre article sur les plottes à puck.

Texte : CATHERINE PERREAULT-LESSARD AVEC L’AIDE DE JT UTAH images d’Archives : Urbania et A. vargas photos : MArtin Girard (tirées du no Hockey) et Marc Serre (inspiré de Thomas Allen)


Publié originalement dans Urbania spécial Hockey

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E

n anglais, on les appelle puck bunnies, mais

en français, c’est moins glamour, on dit plottes à puck. Descendantes directes de Suzie Lambert, ces filles chaudes traînent dans les bars et les lobbys d’hôtel en espérant désespérément finir la nuit avec Carey Price, Mike Komisarek ou, au pire, le moins laid des deux frères Kostitsyn. Mais que peuvent-elles bien leur trouver ? Mis à part quelques scènes de Lance et compte que j’avais vues quand j’étais jeune, je ne connaissais pratiquement rien sur les plottes à puck avant d’écrire cet article. Quand j’ai commencé mes recherches sur le sujet, mon premier réflexe a donc été de contacter Réjean Tremblay, l’auteur de la série. Je l’ai rejoint au Café Cherrier sur Saint-Denis, le temps d’un allongé (et non de m’allonger). Tremblay est arrivé en moto, vêtu d’une « Pendant un vol d’avion, veste en cuir, casque à la main. Un vrai rocker. Devant notre tasse de café, je lui ai naïvement lancé ma première question : – Les plottes à puck, ça existe-tu pour vrai ? – Qu’est-ce que t’en penses ? C’est sûr que ça existe. – Ce qu’on voyait dans Lance et compte, les filles qui attendaient les joueurs dans les hôtels, ça se passe comme ça dans la vraie vie ? C’est aussi intense ? – Yen a plus dans la réalité que dans la série. Pourquoi tu penses que l’organisation du Canadien a offert aux joueurs d’amener leurs femmes quand ils jouent en Floride ? Parce qu’ils perdaient tout le temps. Quand ils sont là-bas, y a 25 filles qui les attendent après chaque game ! – My god ! – Si tu savais toutes les affaires que j’ai vues dans ma carrière… Pour appuyer son propos, il multiplie les histoires croustillantes. « Un jour, je faisais une entrevue avec un joueur du CH dans sa chambre à Buffalo et ya un joueur qui a cogné pour lui demander si ça lui tentait de coucher avec deux filles en même temps ». « Une autre fois, pendant un vol d’avion, j’ai vu un joueur du Canadien sauter deux filles une après l’autre dans les toilettes. Durant les séries éliminatoires à Long Island, y avaient une dizaine de boss du Canadien qui surveillaient les ascenseurs pour éviter que les filles montent dans les chambres des joueurs, mais elles ont réussi à se faufiler par les escaliers de secours. » Y a pas de doute, le vieux routier en a vu des affaires. Je l’interromps : – Mais qu’est-ce que les filles trouvent aux joueurs ?

Reportage

– Le hockey, c’est un sport viril et les femmes le perçoivent. Les gars, c’est des vrais mâles. Ils sont aventureux, ils se battent et, en plus, ils ont des corps extraordinaires. – Et l’argent et la célébrité dans tout ça ? – C’est pas tout. Dans le passé, les joueurs étaient moins riches et ils étaient tout aussi populaires. – Même dans le temps de Maurice Richard ? – Non. C’était pas pareil. Autour de la table, Tremblay m’explique que le phénomène des plottes à puck était différent à l’époque parce que 1, la télé n’existait pas et que les gars n’étaient pas des célébrités 2, ils voyageaient en train et repartaient juste après les matchs, donc, ils n’avaient pas de chance de ramasser une fille après la game dans une chambre l’hôtel. À l’époque, les vrais womanizers, c’était les hommes forts. Notre allongé est presque terminé et le téléphone de Réjean Tremblay ne cesse de sonner. Disons qu’avec tous ses scoops sur le Grand Prix de Montréal, le journaliste a d’autres chats à fouetter. Avant de en même temps. » partir, il me lance : − Réjean Tremblay − – T’sais pour ton article, je pense que la vraie question que tu devrais te poser, c’est pourquoi le phénomène des plottes à puck commence aussi tôt ? Pourquoi les gars qui jouent pee-wee à 12 ans sont pourchassés par des filles plus vieilles ? Pourquoi dans le Junior, les danseuses de Amos prennent soin des joueurs, même quand ils sont pauvres comme la gale ? C’est ça la vraie question. – Et c’est quoi la vraie réponse ? – J’sais pas.

j’ai vu un joueur du canadien sauter deux filles

*** Sur le chemin du retour, en repensant à notre discussion, j’ai réalisé que le pouvoir d’attraction des joueurs de hockey avait toujours été un mystère pour moi aussi. Au primaire, toutes les filles tripaient sur Renaud, le meilleur scoreur de son équipe pee-wee, notre espoir local. Sauf moi. Pendant que mes amies s’amusaient à lui fabriquer des colliers en billes et à lui demander ses trucs au ballon-chasseur pour attirer son attention, je préférais de loin cruiser Alexandre Beaudoin, le petit comique à lunettes qui portait toujours un chandail Humeur Design avec des shorts Adidas.


En arrivant au bureau, j’ai téléphoné à d’autres journalistes pour avoir leur son de cloche sur le sujet. Aucun d’entre eux n’a voulu répondre à mes questions. « Je peux te parler de n’importe quel autre sujet, sauf ça. » « Moi, ce qui se passe en dehors de l’aréna, ça m’intéresse pas ». « T’imagines la réaction des joueurs si je te disais ce qu’ils font ? C’est sûr que je perdrais leur confiance. » En les écoutant parler, j’ai eu l’impression qu’il y avait une sorte d’omertà sur la question des puck bunnies dans les médias. Comme si les journalistes craignaient de briser un quelconque code d’honneur en me révélant leurs secrets. Si je voulais percer le mystère, j’allais devoir observer les puck bunnies dans leur habitat naturel : les clubs. Pour y parvenir, j’allais avoir besoin d’un allié, un insider qui allait me révéler où sortent les joueurs du Canadien durant leurs congés. En faisant des recherches sur Internet (Carey+Price+girlfriend), j’ai découvert l’existence du blogueur JT Utah. Au Québec, JT est la référence en matière de gossip sur les joueurs du Canadien. Il connaît tout sur la vie privée des petits gars de Carbo : leur virée à Cancun, leur one-night stand avec des filles ramassées au Globe, la couleur des couches de leur bébé, la taille de leur pénis. Lors de notre premier contact, il m’a révélé que les joueurs se tenaient le dimanche au Club Opéra. C’est là que je lui ai donné rendez-vous pour une première séance de repérage.

28 septembre 2008. Les rues sont désertes, la nuit est

froide. J’embarque dans le premier taxi que j’aperçois sur Saint-Urbain. Je porte un long imperméable rouge, des souliers jaunes, une robe bleue décolletée et de trop nombreuses couches de mascara. Je rejoins le blogueur JT Utah au coin SaintLaurent et SainteCatherine, dans le Sensuelle, la blonde pose sa plus important bar main dans le cou du joueur. de Montréal. À l’intérieur, sur Une seconde plus tard, l’interminable piste de danse blanche et noire, les monsieurs muscles avec des chandails serrés se mêlent aux filles avec des jupes ras-leplaisir. « On dirait une crowd de danseuses », remarque JT. Effectivement. Et comparé au leur, mon décolleté est aussi peu plongeant qu’une piscine pour enfants. Après un rapide tour des lieux, nous nous dirigeons tout droit vers la mezzanine où se tiennent les joueurs du CH. Les prédictions de mon partenaire étaient justes : Guillaume Latendresse et son frère Olivier sont déjà au bar avec une tralée de recrues, bière et shooter à la main. Le party est bien entamé. Discrètement, nous nous installons au comptoir à côté d’eux et commandons deux gin tonic. De vrais habitués. – Tu vois, là, c’est Francis Bouillon et Maxim Lapierre, me glisse JT à l’oreille. – Bouillon, c’est le petit nain ? – Coudonc, tu connais pas les joueurs ? – C’est difficile, yont toujours un casque… – Règle numéro un, si tu veux être une vraie plotte à puck, faut que tu sois capable de les identifier. Ceux qui sortent, c’est surtout les jeunes : Higgins,

Kostytsin, Gorges… Les gars comme Dandenault, Brisebois et Koivu, ça sort pas. – Pis Kovalev ? – Ya 33 ans pis ya 2 enfants. Mettons qu’il a autre chose à faire que d’aller grinder des groupies à l’Opéra. – Pis Guillaume, y vient pas d’avoir un enfant ? Sur la mezzanine, les barbies début vingtaine font tranquillement leur entrée. Le moins subtilement du monde, elles posent leurs pénates et leur sacoche en cuir verni Gucci à quelques mètres des joueurs, directement dans leur champ de vision. Pendant de longues minutes, elles essaient désespérément de se faire remarquer à grands coups d’éclats de rire et de battements de faux cils. « Les joueurs de hockey s’en foutent des filles qui se dandinent à côté d’eux, m’explique JT. Celles qui réussissent à coucher avec eux vont leur parler. Je connais des 7/10 qui ont réussi parce qu’elles étaient entreprenantes et qu’elles avaient confiance en elles. » À côté de JT et moi, les imposants Mike Plekanek et Jaroslav Halak commandent une chaudière de Coors Light. Sergei Kostitsyn, Chris Higgins, Carey Price les suivent de près. Les chicks aussi. Quelques-unes d’entre elles osent même aborder un ailier droit de Saint-Léonard et prendre quelques shooters avec lui. – Je comprends pas ce qu’elles lui trouvent. Crime, y porte un chandail Ed Hardy ! C’est tellement quétaine. On dirait Benoît Gagnon. – C’est le fame. À Montréal, on n’a pas vraiment de vraies grosses célébrités. Nos vedettes hollywoodiennes, ce sont eux. Carey Price, c’est Brad Pitt. Mike Komisarek, c’est Tom Cruise. Georges Laraque, c’est notre Lil Wayne ! C’est pour ça que les filles tripent dessus. À deux pas de nous, les joueurs des Panthers de la Floride — qui ont joué contre le Canadien aujourd’hui — débarquent en autobus dans le VIP. Quinze minutes plus tard, une vingtaine de filles, escortées par les doormans, les rejoignent dans leur booth. (J’apprendrai plus tard qu’elles ont probablement été payées par le bar pour passer la soirée avec les joueurs ou qu’elles ont été engagées Deux secondes plus par une agence spécialisée tard, il lui pogne dans ce genre de services.) Le temps passe et le un sein. party va bon train. Plus la soirée avance et plus on sent des rapprochements… Vers deux heures du matin, j’attire l’attention de JT vers une jeune cégépienne qui attrape la main d’une recrue et l’entraîne sur la piste pour danser : « Check ça ! » Sensuelle comme pas deux, la blonde pose sa main dans le cou du joueur et gratte gentiment sa nuque avec ses faux ongles. Une vraie de vraie plotte à puck. Une seconde plus tard, ils se frenchent à pleine bouche. Deux secondes plus tard, il lui pogne un sein. Trois secondes plus tard, ils jouent à touche-pipi dans un petit coin noir. Quatre secondes plus tard, elle lui demande d’arrêter. Cinq secondes plus tard, elle est partie dehors. Fini le party. Étonnée que cette belle histoire d’amour se ter-

ils se frenchent à pleine bouche.


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mine si rapidement, je demande à JT Utah : – Qu’est-ce qui s’est passé ? – Elle est partie parce qu’il était pas assez big. Crois-moi, si ç’avait été Carey Price, les choses auraient été différentes… Ce gars-là, y vient au bar, y choisit une fille et demande à la barmaid d’aller la chercher. Elle va la voir et lui dit : « Carey Price wants to talk to you ». That’s it. Le deal est closé. – Ah ouin ? Comment tu sais ça ? – C’est une des barmaids qui travaille ici qui me l’a dit. Je ne doute pas une seconde des propos de JT Utah. Au bar, à quelques centimètres de nous, les joueurs sont entourés d’un intense halo de filles. Le ratio est de 3 pour 1 (ok, mettons « 5 pour 1 » pour Carey Price et « 1 pour 1 » pour les gars du 4e trio). Même les joueurs les plus moches, ceux que je ne toucherais pas avec un bâton de hockey, ont leur harem de pitounes. Avant ma visite au Club Opéra, je savais bien que les joueurs du Canadien étaient populaires au Québec, comme n’importe quel Patrick Huard ou Éric Lapointe de ce monde. Mais jamais je n’aurais cru que les plottes à puck étaient si nombreuses. De ma vie, je n’avais jamais vu autant de compétition pour aucune autre vedette québécoise.« Il y a trois ans, avant le lock-out, y avait moins de groupies. Les gars étaient poches et les gens n’embarquaient pas, me dit JT en bâillant. Aujourd’hui, l’équipe est bonne et les joueurs sont connus. Le phénomène est en pleine croissance. » Il est presque trois heures du matin. Les joueurs sont bien saouls et sont sur le point de choisir quelle fille ils ramèneront à la maison. Pour les aider à faire leur choix, les puck bunnies jouent cartent sur table : propositions indécentes dans le creux de l’oreille, baisers langoureux, massage de l’entrejambe… La compétition est forte et tous les coups sont permis pour finir la soirée dans le condo à l’Île des Sœurs de leur joueur favori. La scène est intéressante, mais JT et moi avons de la

Reportage

difficulté à garder l’œil ouvert. Il est tard et nous décidons de quitter avant la fin du spectacle. Malheureusement. *** Ce soir-là, dans mon lit, j’ai repensé à la fille de 19 ans qui se faisait prendre les seins sur la piste de danse par une recrue, à peine cinq minutes après l’avoir rencontré. Puis aux filles qui entraient dans le VIP des Panthers en paquet de 12 et qui dansaient devant eux comme des stripeuses de chez Parée. Je ne les jugeais pas. J’essayais seulement de mettre le doigt sur ce petit « houmpf » — encore plus puissant que la gloire et l’argent — qui les poussait à agir de la sorte. Mais je n’y parvenais pas. Pour le savoir, j’aurais besoin de rencontrer une vraie puck bunny. Le lendemain matin, j’ai amorcé de nouvelles recherches. Pendant des jours et des jours, j’ai multiplié les coups de téléphone, les courriels aux lectrices du blogue de JT Utah et les appels à tous sur les forums de hockey. J’étais devenue obsédée. À la fin du processus, plusieurs filles m’avaient écrit pour me dire qu’elles avaient couché avec un ou deux joueurs du Canadien (surtout pour me parler de la longueur du petit pénis de Latendresse), mais aucune d’elles n’osait s’autoproclamer « plotte à joueur de hockey ». Puis, par un beau dimanche soir, comme par magie, j’ai reçu l’appel d’un ami qui avait trouvé une puck bunny qui était prête à me parler : Jenny. Le mercredi suivant, je lui ai proposé de me rencontrer au Radio Lounge du Complexe Dix30, où j’avais appris par mes recherches que certains Habs de Brossard avaient l’habitude d’aller.

29 octobre 2008. Mercredi soir, 23 heures. Le Radio Lounge est plein à craquer de 450 qui portent des chemises Parasuco, mais aucun joueur du Canadien en vue. Je m’assois sur une banquette avec Jenny, une jolie blonde dans la vingtaine qui travaille dans le milieu des clubs. Après quelques minutes passées à jaser avec elle des bel-


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les grosses fesses de Higgins, elle m’avoue qu’elle est attirée par les joueurs de hockey depuis l’âge de 14 ans. – Ç’a commencé le jour où j’ai vu un joueur taper son bâton au Colisée de Québec, sans chandail, juste en pantalon. Je l’avais trouvé tellement hot ! J’en avais eu des chaleurs… – Qu’est-ce qui t’avait fait capoter ? – C’est l’équipement ! Moi, je suis pas comme les autres plottes à puck. Je tripe pas sur leur cash. Et je n’aime pas non plus le jeu. Moi, je tripe sur leur gear, peu importe leur niveau. Devant nos vodkas raisin, Jenny me parle en long et en large de ses relations avec les joueurs des Canucks, des Islanders et des Remparts de Québec (mais jamais plus d’un gars par trio !) et incidemment, de toutes les fois où ils l’ont trompée. – Pour sortir avec eux, faut pas que tu sois une fille normale, balance-t-elle. – Pourquoi ? – Ils sont sur la route toute l’année, ils sortent dans des clubs où les blondes ne sont pas invitées, ils se payent des prostituées… C’est très difficile. – Pourquoi tu restes avec eux d’abord ? – Parce que c’est mon fantasme. Je fais juste les voir se lever le matin, mettre leur jogging pour aller à l’aréna et ça me rend folle. C’est purement sexuel. Alors qu’elle me parlait à bâtons rompus de ses histoires de cœur, je me suis rappelée une phrase que Réjean Tremblay m’avait dite au sujet des filles qui sortaient avec des joueurs de hockey : « Si elles acceptent ce genre de situation, c’est parce qu’elles se convainquent que leur chum est différent des autres et qu’il ne la tromperait jamais. » I bet. L’entrevue tire à sa fin. Il est presque une heure du matin et toujours pas de trace des joueurs du CH. Incapable de rester au Dix30 pour le fun une seconde plus, je propose à Jenny d’y aller. Sur notre chemin du retour, en traversant le pont Champlain, j’en profite pour lui parler « tactiques ».

– C’est quoi ton truc pour les aborder ? – Premièrement, il faut que tu aies l’air cochonne et confiante. Les gars sont très ouverts au flirt et ils aiment ça se faire aborder par des belles filles. Deuxièmement, il faut pas que tu aies l’air d’une groupie. Les gars haïssent les filles qui leur parlent juste de leurs stats. – C’est pas plus compliqué ? – Non, c’est assez facile. Les joueurs de hockey, tout ce qu’ils veulent, c’est fourrer. Comme ils disent souvent : « un trou, c’est un trou. » Un vrai jeu d’enfant. *** Le lendemain matin, quand je suis arrivée au bureau, j’ai parlé de Jenny aux filles de la job. De ses relations, de ses stratégies, de cette belle façon qu’elle avait de s’assumer et mettre en mots son attirance pour les joueurs de hockey. – Pourquoi tu t’en pognes pas un pour voir ce que ça fait ? m’a défiée une de mes collègues. – Un quoi ? – Un joueur du Canadien. – … – Il me semble que ça serait la meilleure façon de comprendre ce qu’elles leur trouvent, non ? – T’as bien raison. Le dimanche suivant, je donnais rendez-vous à JT Utah une deuxième fois au Club Opéra.

2 novembre. Dimanche soir. Cette fois, j’ai mis la tota-

le : des fuck-me-boots en cuir, un chic collier de perles et une robe noire décolletée, qui laisse légèrement dépasser mon soutien-gorge en dentelle. En marchant, je me sens tellement sexy que j’entends « You can leave your hat on » de Joe Cocker à chacun de mes pas.


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– Tu t’en vas au Club Opéra ? me dit le chauffeur de taxi en embarquant sur Saint-Urbain. – Oui. Comment faites-vous pour savoir ça ? – Ben… t’es toute chromée. Confiante dans ma petite tenue, je rejoins JT à l’intérieur. Malheureusement, sur la mezzanine — leur repaire habituel — pas de trace des Glorieux. En espérant patiemment leur venue, je commande une série de shooters de téquila : c’est la seule chose qui puisse me « Ç’a commencé donner le courage de jouer le jour où j’ai vu un les puck bunnies, moi, l a-f i l le-l a-moi n s-ga me- joueur taper son au-monde-d’al ler-parler- bâton sans chandail, aux-gars-et-qui-pense-quec’est-encore-eux-qui-doivent-faire-les-premier-pas. Après une heure, j’aperçois enfin un défenseur grimper les marches de la mezzanine. Il y a de l’espoir. – Shit, y a une fille avec lui. Penses-tu que c’est sa blonde ? – Tu veux dire « une de ses blondes », me dit JT. Check ça. Devant nous, le grand blond embrasse la première fille et se retourne ensuite pour embrasser la deuxième. Une fois qu’il a terminé, ses deux partenaires frenchent langoureusement devant lui, avant de l’inviter à se joindre à elles. À la fin du manège, leurs trois bouches n’en font plus qu’une. Je suis stupéfaite. – J’en reviens pas qu’il ose faire ça devant tout le monde. Le trois quarts du bar doit avoir une caméra sur son cellulaire. – Ouais, t’as raison. Mais t’imagines à quel point les filles vont être fières demain matin d’écrire sur leur Facebook qu’elles ont frenché M… Je l’interromps pour lui montrer Carey Price au bar. Je le sais parce que j’ai passé trois heures la veille à étudier le profil des joueurs sur le site du Canadien. « Va lui parler, y est juste là », m’ordonne JT Utah. Le « hic », c’est que le gardien est entouré de trois espèces de canons avec des seins refaits et une taille aussi grosse que mon poignet (lire : des danseuses). Deuxième « hic », elles sont scotchées dessus comme des lionnes qui protègent leur petit et je ne pense pas qu’elles vont me laisser m’approcher de lui.

Reportage

– Pourquoi c’est juste les plus beaux qui sont là ? Si au moins Tom Kostopoulos était là, il me semble que ça serait plus facile. – Enweye, fais un move. – C’est bon… Je m’approche du bar et tente par tous les moyens d’établir un eye-contact avec Carey : je bats des cils, je fais des cœurs avec mes lèvres et je me souris à moi-même en fronçant les sourcils, pour avoir l’air enjouée. Mais mystérieuse. Carey reste de glace. Déterminée, je colle mes deux bras contre chacun de mes seins et je pousse pour mettre en valeur mon clivage. Même Bianca Gervais n’a jamais eu un si beau décolleté. Pas de réaction. Rien, niet, nada. Le seul qui semble intrigué par mon petit manège, c’est son voisin de gauche : un jeune J’en avais eu homme légèrement endes chaleurs…» robé, avec des yeux et des cheveux sombres, qui ressemble à Turtle dans Entourage. Il me sourit. – C’est qui lui ? Penses-tu que c’est son meilleur ami ? – Non, c’est l’adjoint au gérant de l’équipement du Canadien. Il me sourit encore.

Je l’avais trouvé tellement hot !

*** Il est presque deux heures du matin. Devant moi, j’ai le choix entre un défenseur qui n’a pas assez de langues pour fournir à la demande. Un gardien sex-symbol paddé de danseuses. Et Turtle. Si j’étais une vraie puck bunny, je me ruerais probablement sur le deuxième choix, Carey Price : il est célibataire, il est riche et, en plus, il est beau comme un coeur. Mais je ne suis pas une vraie plotte à puck. Je ne l’étais pas dans le temps de Renaud au primaire et je ne le suis pas plus aujourd’hui. Pis anyway, je ne suis pas de calibre pour me battre avec les 36-24-36 qui leur courent après. Il me manque le 24. Pis les deux 36. Sauf que, malgré tout, je suis pas assez désespérée pour me pogner Turtle. Un peu de respect. Je jette un coup d’oeil vers le défenseur qui frenche goulûment les deux filles, prends une bonne respiration et me retourne vers JT : « Sais-tu dans quels bars je peux trouver des petits comiques à lunettes qui portent des chandails Humeur Design ? » Pour lire les commentaires de JT Utah sur les plottes à puck, consultez la page 65.



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Fiction

Mon image image vaut plus que que

mots mille mots JETE JE TE DIS DISPAS PASLALAPANIQUE PANIQUE dans les billes de mon agent lorsque j’lui annonce que je vais aligner mille mots pour Urbania. Pas que la publication lui déplaise, au contraire, elle trouve le magazine hyper tight pour les plans qu’elle échafaude pour moi ; nah, ce qui la bogue solide, c’est que je vais y donner mon opinion sur mon passage au talk-show Bons baisers de France. Texte : EDOUARD H. BOND illustrations : MÉLANIE BAILLAIRGÉ


Fiction

44 CT CT 11 22 33 Ah, 44 sacro-foutue-sainte 55 image médiatique 99cette

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CT9 2

43 saitCT9que54lorsque Elle

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bouche d’une dame, eh ben, je l’ai pas dans ma poche. Pendant qu’elle fouille nerveusement dans le tiroir de son bureau pour trouver ses calmants (son mets favori, de toute évidence), je la rassure en lui disant que je vais signer le papier Edouard H. Bond. La pression descend de trois crans — elle s’enfile quand même un cachet rose — et elle me donne sa bénédiction. J’ai le regard braqué sur le moniteur de la loge, mais la cervelle connectée sur les flashbacks indécents de la nuit passée. Je ne me rends pas compte que mademoiselle Beaudoin call mon interview pour le retour de la pause. C’est un nobody sympathique qui me récupère dans l’entre-monde pour me visser de nouveau à la réalité. « Ça va être à vous, monsieur [H. Bond]. » 1 au2 fond 3 deCTmon 1 Je cale les deux doigts de rouge 9 4verre — question de me donner l’impression d’être juste assez cocktail pour le plateau — et pis j’emboîte le pas derrière l’assistant. Lui seul sait s’y retrouver dans ce labyrinthe. À ce moment précis, quand je talonne le guide qui me conduit tout droit dans la fosse aux lions, j’ai l’estomac qui m’escalade l’œsophage. CT

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CT9 pas 43 C’est 54 du trac,5no way, c’est juste le dégoût envers la promo formatée tv. Je trouve la radio pas mal plus cool étant donné l’absence du langage corporel, et l’imprimé d’une non-implication désarmante qui me sied à merveille. S’il y a bévue, un simple démenti formel règle le truc. Au petit écran, le moindre inconfort se transforme en malaise monstrueux. L’image, ça ne ment pas ; je vous dirai jamais un truc aussi grossier, parce que l’image télévisuelle, ça bullshit sévère. Dans le 1 12 collimateur du Kodak, il est impossible d’être C’est plutôt safe de nos jours. Ce inquiétant cet appétit sont les dommages collatéraux des reality du téléspectateur shows. C’est plutôt inquiétant cet appétit du téléspectateur pour voir quelqu’un se planter ou se faire planter en ondes. Alors qu’on élevait quasiment les vedettes au statut de saints il y a quelques années, aujourd’hui on assiste régulièrement à la mise en boîte racoleuse et au passage à tabac assez rough des stars, aussi calculé puisse être le coup d’éclat. Parlez-en en bien, parlez-en en mal… Quelle connerie ! Tu me rappelleras ces sages paroles quand tu me verras la face chez m’sieur Lepage.

que mon agent, ses assistants, ma maison de disque, une armée quoi ! protègent religieusement comme si j’étais leur kid bio et bien-aimé. J’ai aucune difficulté à 5 imaginer leurs gueules débitées, ravagées, accidentées si jamais j’osais déroger au planning, si jamais j’osais faire dévier la discussion sur un terrain glacé. Mais chuis gentleman et surtout fidèle à mes précieux helpers. Chuis assez luckeux pour vivre de mes créations, vivre de mon art. À quoi bon me transformer en authentique rockstar indisciplinée ? On a déjà Lapointe comme bad guy ! Remarque qu’ici, dans notre belle province, suffit de traîner au gala d’boxe et d’se faire prendre avec une quantité ridicule de moulée à danseuse — pas d’quoi tenir un cinq à sept — pour être le garnement de service. À quoi bon être honnête et surtout intègre avec soimême, de la tête aux orteils, quand c’est le personnage qui prime sur l’individu ? Holy fuck, faut que chois propre !

CT9 25 3 « Dis-toi 4 que ta maman 5 regarde le programme » que mon agent m’a dit à mes débuts. J’y ai adhéré, à ce truc. Chuis ce genre d’imbécile sentimental, même si mes idoles sont Gainsbourg, Vicious et Cobain (entre autres). Ça fait mal entrer dans l’moule, modifier son attitude naturelle, mais un coup saucé, on s’y fait. Ha ! Ha ! Je raconte ça comme si on m’avait dépossédé 5 de mon âme. Je caricature à un certain pourcentage, tu comprendras. Mon équipe ne m’a pas fabriqué, elle a simplement saisi l’essence de ma personnalité artistique et l’a emballée dans un package vendeur. S’agit quand même d’une industrie, et faut s’assurer que les quelques milliers de dollars qu’on a misés sur moi retourneront dans les coffres, accompagnés de profits. On ne m’impose pas non plus de dire des trucs précis ; on m’en suggère, certes, mais on préfère s’attarder sur les choses à ne pas dire.

2 3 31CT9CT924 Prétexter 43 CT95 l’intrusion 54 5dans ma vie privée

lorsqu’il est question de mes amours, la belle province n’est tout simplement pas prête à savoir les détails de ma vie sexuelle, elle freakerait ben raide ; ne pas donner mes opinions politiques, pas en début de carrière, à tout le moins ; ne pas m’emporter sur des sujets controversés. Et surtout, la règle d’or : ne pas ou se faire planter dire du mal de qui que en ondes. ce soit dans le milieu. Il est si minuscule, on sait jamais avec qui on peut travailler dans le futur… lieu commun d’mes deux. Faut donc rester poli. Tiens, je grince des crocs !

pour voir quelqu’un se planter


Ce soir, malgré mes appréhensions, ça va être simple. Mon agent a un bon contact avec mademoiselle Beaudoin. La plupart des questions ont été soufflées par mon équipe à la recherchiste. J’ai répété l’interview au téléphone avant-hier, et tantôt en arrivant au studio. Il n’y aura aucun piège, c’est pas du tout le style de l’animatrice, de toute manière. Chuis l’avant-dernier dans le listing, la big star a gobé du temps en début d’émission, me restera trois minutes à combler en blabla, et une prestation musicale. Pas d’quoi fouetter une chatte, mais toujours cet arrièregoût de prostitution propre à la promo.

11 22 33LaCTCT 55mon agent m’a imposée, c’est seule 99 44chose que

de féliciter la belle France et de lui dire à quel point elle fait du bon boulot. « Tout l’monde lui a dit, cet été… de quoi on aurait l’air si on passait à côté de ça ? » Je verrai, une fois sur le plateau, si chuis dans l’mood lichage. L’assistance se met à faire du bruit quand le band entame une version instrumentale de Whole Lotta Love, la coiffeuse dépeigne mes cheveux adéquatement, un peu de poudre au visage (aux yeux, oui !), et hop…

La seule chose que mon agent m’a imposée,

c’est de féliciter la belle France et de lui dire à quel point elle fait du bon boulot.

« Il sera présent tout au long des Francofolies. Son deuxième album, lancé au printemps dernier, s’est écoulé à trente mille copies. Mesdames, mesdemoiselles, accueillons [Edouard H. Bond] ! »



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Reportage

C’est une histoire où le passe-temps devient un gagne-pain, puis au passage, une œuvre d’art. Un lieu avec des bmx suspendus aux arbres et des plafonds trop bas, où un homme dessine des autos dignes de Dali et confectionne des robes de Barbie. Comme dans les films de Tim Burton. Texte : MATTHIEU DUGAL photos : MAXYME GRENIER-DELISLE (maxyme.net)

l y a près de 40 ans, la famille Éthier, Gérard, Pauline et leur fils Michel, ont créé involontairement l’une des installations les plus ahurissantes du Québec. Une « installation » qui n’en porte pas le nom officiellement, mais qui ferait l’envie de plus d’un artiste établi : le Marché aux puces Sainte-Martine. Pour y aller, il faut se taper la 138. Comme toutes les routes du Québec, la 138 a cette particularité pittoresque de contenir quelques rares îlots de beauté, perdus dans des mers de mochetés ordinaires. Entre Sainte-Martine et Huntingdon, on retrouve, côté pile, des champs de maïs et quelques chênes ensevelis sous la neige. Côté face, un mini-centre d’achat et son stationnement. Et puis, au détour de la route, on découvre « ça ». Comme si au beau milieu d’un album de Lara Fabian, on tombait sur un lied de Schubert. « Ça », c’est un amas de portes, de baignoires, de meubles et d’objets de toutes sortes qui s’enchevêtrent autour de quelques remises en vieux bois gris.

Un magnifique et étrange bric-à-brac, qui ensevelit presque la maison des propriétaires. Le marché aux puces Sainte-Martine. Un de ces lieux improbables qu’on retrouve plus souvent dans les romans d’Hubert Selby qu’en Montérégie. La robe ou la vie L’histoire du Marché est à l’image de ce qu’il dégage : une histoire touchante et difficile à cerner. Tout a commencé un beau matin de 1970, quand Gérard Éthier — débosseleur et peintre automobile — est passé tout près de la mort. Des vapeurs toxiques l’ont carrément envoyé au tapis et pendant trois ans, il a erré dans sa maison, groggy. Pour assurer la survie de la petite famille, sa femme Pauline a décidé de délaisser son travail de couturière pour faire de son passe-temps de « ramasseuse de cossins », son nouveau métier. Lentement, elle a transformé le garage adjacent à la maison en petit commerce pour vendre des babioles qu’elle avait amassées au fil des ans : ustensiles, bibelots, meubles… « Quand on a commencé, on n’avait pas trop le choix », me dit leur fils Michel, 52 ans, futur héritier de « l’Empire » que ses parents ont construit.


Reportage

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Puis, à la surprise de tous, et surtout des médecins, Gérard est revenu parmi les vivants. Il a commencé à mettre la main à la pâte en construisant des remises pour abriter la collection d’objets de son épouse. Avec le temps, la petite entreprise a envahi la maison, la pelouse, les arbres et tout ce qui se trouvait sur le périmètre du terrain, qui s’est à son tour transformé en une hallucinante courtepointe 3D. Une ode à la réutilisation, sans discours militant, sans label écolo, sans rien d’autre que la volonté de payer le loyer. Même s’il ne s’inscrit dans aucun discours savant sur la simplicité volontaire, le commerce, devenu le marché aux puces Sainte-Martine, impressionne. « C’est moi qui ai construit ça tout seul ! » me dit Gérard, un brin triomphant, en me montrant le formidable enchevêtrement d’abris accolés à la maison. Dans ces cabanes informes, on retrouve des objets par dizaines de milliers qui déclassent les rêves les plus fous des BGL et autres artistes intentionnés. Dans une succession serrée de couloirs étroits, on découvre de la vaisselle, des moteurs électriques, des Avec le temps, disques, des livres, des BMX, des horloges en tronc d’arbre, des plaques d’immatriculation et des centaines de tasses. Le tout dans une lumière glauque, filtrée par les fenêtres givrées. Quand on demande à Gérard « Ali Baba » Éthier comment il fait pour se retrouver dans sa caverne, il répond en se touchant la tête de l’index : « Tout est là ! » Pas étonnant que l’endroit soit devenu une véritable institution où les touristes et les curieux arrêtent en masse. « On ne compte plus vraiment les gens qui viennent ici pour prendre des photos, explique Michel. Y en a beaucoup du milieu du cinéma et de la télévision, qui viennent ici pour chercher des affaires pour leurs films. » Ah ouais, qui ? « Je sais pas trop, je ne le demande pas. »

Pauline est couchée dans le lit d’hôpital qui trône en plein milieu du salon. Il y a quatre ans, le diabète l’a rendue aveugle et lui a enlevé une jambe. Lorsqu’on la regarde recroquevillée au centre de cette maison pleine d’excroissances, perdue dans des draps trop grands pour elle, on ne parvient pas à oublier que c’est à elle qu’on doit, non seulement la vie de son mari, mais aussi l’existence du marché aux puces, depuis qu’elle a quitté son emploi pour vendre ses objets et s’occuper de lui. Visiblement, les épreuves n’ont jamais été très loin dans la vie des Éthier : un de leurs quatre enfants s’est noyé à deux ans dans la rivière juste en arrière du terrain. À côté de Pauline, son fils Michel se tient, droit et fier. Comme sa mère ancienne couturière et ramasseuse, comme son père patenteux, il aime travailler de ses mains. Aujourd’hui, dans ses temps libres, il s’amuse à confectionner des robes au grand bonheur de sa mère : « Enwoueille, va chercher tes robes de Barbie et tes dessins de chars ! » qu’elle lui lance. Michel monte à l’étage et revient avec des centaines de la pelouse, les arbres et feuilles et des poupées tout ce qui se trouvait sur habillées comme dans un rêve délirant de le périmètre du terrain jeune fille. Des robes de bal cousues avec un souci maniaque du détails. De la tulle, de la dentelle et de la soie qui déferlent en cascades sur des corsets dignes de Cendrillon. Du Jean-Paul Gaultier pour Barbie. À temps perdu, Michel dessine aussi des autos qui ressemblent à des Batmobile qui se seraient perdues dans Woody et les robots. « Il a déjà envoyé ses dessins à General Motors, mais il n’a pas eu de réponse », indique son père. « De toute façon, je ne sais pas si j’aurais le temps… » dit Michel en riant. Entre son travail d’infirmier improvisé pour ses vieux parents et son statut de futur héritier de l’entreprise familiale, il lui resterait bien peu de temps pour travailler. Et là, dans ce petit salon chambre d’hôpital lové au creux de cette fabuleuse construction bancale, loin de la ville, de ses poseurs et de ses modes, une révélation. Au milieu de ces champs tristes tellement gris en février, dans cette maison de bric et de broc suspendue dans le temps, on découvre simplement ce plaisir non coupable qui consiste à faire de sa vie un passe-temps.

la petite entreprise a envahi la maison,

La tanière Comme dans une fourmilière, cachée au centre d’un réseau de tunnels et de couloirs, la maison des Éthier s’inscrit dans le même esprit que le reste du terrain. En y entrant, on trouve un petit solarium qui n’a pas dû voir le soleil depuis longtemps et une cuisine où les fenêtres donnent sur le marché aux puces, comme toutes celles de la maison. À côté d’un immense foyer de pierre qui ressemble à une maison de Gaudi, on devine un salonchambre à coucher.



Ça faisait maintenant deux jours que j’errais dans Montréal. Quarante-huit heures à foncer dans les rues avec toutes sortes de véhicules empruntés, à zigzaguer entre les cadavres, à paniquer au moindre aboiement de chien enragé. Il fallait que je me rende à l’évidence : j’étais désormais seul sur cette foutue planète. Texte : ANDRÉ MAROIS | illustration : ALAIN PILON

Q

uand j’ai émergé de mon long coma éthylique, il m’a fallu une éternité pour parvenir à me souvenir de vagues bribes de la soirée. J’avais visiblement dormi trente heures, mon record à ce jour. Des litres d’alcool pour noyer une semaine de bureau et voilà le résultat. J’ai tourné au hasard dans la ville, tentant de rencontrer femme qui vive. Ça commençait à renifler le faisandé partout où je me pointais. Je me pensais perdu, sans but, sans dessein. Et tout à coup, j’ai senti une immense libération en moi. Je n’ai pas tout de suite J’ai mis un string compris ce qui se produisait. J’aurais hyper moule-boules et dû être angoissé, me demander pourquoi j’avais été choisi pour jouer au miraculé. Pourquoi les habitants de la Terre avaient profité de mon sommeil trop profond pour participer à cet auto génocide collectif ? Étais-je le nouveau messie ? À quoi bon : il n’y avait plus aucun damné à sauver, zéro Indien à convertir, pas un seul terroriste à ramener à la raison. Mais alors, pourquoi cette soudaine sensation de béatitude ? Aucune pression, plus de stress. J’étais enfin débarrassé de tout ce fardeau bien pensant qui m’empêchait de jouir en paix depuis ma première communion. Adieu les curés, les politiquement corrects, les œuvres, les bénévoles, le respect hypocrite et les convenances. Je n’avais plus de compte à rendre à personne. J’allais pouvoir me lâcher comme jamais je n’avais osé.

En route pour les fantasmes coriaces. Je suis monté dans le gros Hummer jaune canari, stationné sur le parking rue Saint-Paul. Les clés étaient dans la cabine du gardien du stationnement, bien en évidence. Le pauvre gars avait déjà été à moitié bouffé par les rats. Un trépas à l’image de sa misérable existence : sordide et étriqué. Le monstre polluant a bondi. Les 316 chevaux ont fait décoller les trois tonnes de ferraille. J’ai écrapouti une New Beetle, la transformant en modèle réduit pour morveux de banlieue. Je déteste ce type de bagnole conduite par des filles contrôlantes. Le genre qui te réexplique chaque matin pourquoi il faut manger tes fruits avant tes œufs. J’ai foncé au centre-ville pour aller exploser la vitrine de La vie en rose. Les mannequins en tenue olé olé ont giclé dans tous les sens. J’ai toujours eu envie de sad’un rouge carmin épatant, voir ce que ça faisait de avant de remonter au volant se saper en pute. Avant du 4x4 éjaculateur de CO2. la catastrophe, j’aurais fait ça et on m’aurait pris pour un dangereux déviant. On m’aurait gentiment souri, condescendance de merde, jugement muet, judéochristianisme castrateur. J’ai enfilé un soutien-gorge 36d en dentelle violette par-dessus mon t-shirt à l’effigie des Chiefs de Laval. La classe, man. J’ai mis un string hyper moule-boules et j’ai conclu en me barbouillant les lèvres d’un rouge carmin épatant.

j’ai conclu en me barbouillant les lèvres


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Je me suis aussi aspergé de parfum, car l’odeur doit être aussi sexy que l’allure. Je suis remonté au volant du 4x4 éjaculateur de CO2. Le V8 a vrombi. Même à Kyoto, ils étaient tous morts, alors. Maintenant, il me fallait une arme. Un gros gun à faire rougir d’envie Charlton Heston. J’ai déniché une armurerie dans les Pages Jaunes d’un Radio Shack, où j’ai réquisitionné une cargaison de piles, un gros ghetto blaster et des disques. Le son à fond. Chez l’armurier, je me suis équipé d’un Uzi et d’un Beretta M12, histoire de comparer ces deux merveilles. J’ai aussi agrippé un 44 Magnum, le revolver douze coups dont je rêvais déjà avant de naître. J’ai jeté une arbalète, des boîtes de munitions et un paquet de grenades explosives dans un sac qui a rejoint la caisse de 24 sur le siège du Hummer. Après, je me suis baladé au hasard, tirant sur les chats errants, les landaus abandonnés, les métrosexuels décomposés. Primaire, stupide, donc jouissif. Enfin, je me sentais un vrai gars, la testostérone distillée à grosse dose. Sans limites, sans morale, sans maman, sans mauvaise conscience collective, sans mensonge publicitaire. J’étais moi pour la première fois. Pas celui qu’on me recommandait fortement d’être. Ça m’a épuisé cette promenade. J’ai improvisé un barbecue en face du Commensal de l’avenue Mont-Royal. Je me suis envoyé deux énormes côtes de bœuf, flambées au cognac trente-cinq ans d’âge. De la nourriture d’homme. Les prochaines viandes, j’allais les abattre moi-même à la campagne. Le premier veau de grain venu viendrait à moi en meuglant de joie pour que je le zigouille à bout portant. Je laissais tourner le moteur du Hummer même à l’arrêt. Je pétais, je rotais. Joie virile. La sono crachait un mélange de Dalida et de Deep Purple. Méchant bon stock ! J’aurais écouté ça du vivant des autres, je me serais fait traité de fifi ou de has been. Et alors ? J’ai le droit d’aimer les extrêmes. Finies la frustration et les étiquettes trop collantes. J’étais devenu le nouveau prototype du macho qui assume ses goûts vulgaires. J’ai sabré une bouteille de Dom Pérignon 1993 et lâché une rafale sur la vitrine du resto bio. Eh, leur végétarisme ne les a pas empêchés de crever comme tout le monde. Moi, c’est l’alcool qui m’avait sauvé la vie. Comment j’avais atterri dans cette chambre à Westmount ? Aucune idée. Qui était la fille morte sur le lit au-dessus de moi ? Jamais vue avant. Ivre sous le lit de cette inconnue, sans manger ni boire pendant trente heures, j’étais passé au travers du nuage toxique, du virus assassin ou du tsunami cardiaque qui avait ôté la vie à tous ces donneurs de leçon. De quoi ils étaient tous décédés, je ne le saurais jamais, mais je m’en contrefichais. Moi d’abord. À ce stade, il y avait maintenant l’intense plaisir de conduire bourré en percutant tout ce qui se présentait. – Ça manque de femmes, ai-je gueulé par la fenêtre baissée. Ouais, c’était bien beau de laisser enfin libre cours à ces pulsions masculines, mais l’absence de chair fraîche gâchait un peu mon plaisir. Il me restait les substituts habituels : sex-shops en libre service.

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Fiction

Je suis rentré chez Adult pour effectuer une razzia de vidéos hard, un assortiment de godemichés sophistiqués et une poupée gonflable Made in Bulgaria 100 % latex avec anus vibrant. Quand je pense que j’avais passé trentedeux ans à côté de ça. Il avait fallu ce cataclysme pour m’ouvrir les yeux et me permettre de rattraper le temps perdu. Je suis ressorti en sifflotant. Et je l’ai vue traverser la rue Sainte-Catherine. Une longue chevelure blonde, une poitrine à la hauteur de mes espoirs adolescents, des cuisses interminables. Une créature de rêve rien que pour moi ! Mon cœur a battu comme un fou. Mes jambes se sont transformées en coton. Je lui ai couru après en criant d’allégresse. Ce cadeau du ciel s’est immobilisé et m’a attendu. Son regard ne me disait rien qui vaille. J’avais encore mes sous-vêtements féminins, mon Uzi dans une main, mon dvd de Queue de béton dans l’autre, du rouge à lèvres jusqu’aux oreilles, plus un hoquet de pochtron. Je m’en foutais. Mon sperme immortel allait repeupler l’univers. Et si cette pouf me la jouait snob, j’étais bien décidé à la descendre et à abuser de son cadavre. Mon ange a souri et m’a demandé comment je m’appelais. Le timbre de sa voix m’a fait débander aussi sec. J’ai compris que je n’étais plus le seul gars sur cette planète.


Fiction

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Fable de

l’ Hô p i ta l p s yc h i at r i q u e L o u i s -H i p p o ly t e

Lafontaine

Le Chien est debout à côté de mon lit. C’est un homme pas très grand, pas très heureux non plus. Il ne vient pas me voir souvent. Il n’a pas de temps à perdre avec moi : il est directeur de quelque chose. Mais ce midi il est là, devant moi, et il me regarde de haut, du haut de toute sa condescendance. Il a dans les yeux une colère inutile, dans la bouche un jappement mécontent. J’ai dû faire une bêtise. Texte : Matthieu Simard | illustrations : Laurent Pinabel


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C’est peut-être le Jell-O. Sur le mur. Qui coule jusqu’au plancher. Comme des bouts de cerveau explosé, de la tapisserie au sang suintant. Je suis tanné du Jell-O rouge. J’ai fait une crise. – Tu as encore fait une crise, me dit le Chien. Il me sourit comme on sourit à un poisson, bêtement, juste parce qu’il sait qu’il est plus fort que moi, plus grand que moi, meilleur que moi. Il me sourit parce qu’il sait qu’il peut J’aime bien me flusher, d’une signature, m’écraser, d’un twist de talon. parler au Cochon. Il me sourit d’aquarium, et moi Le seul problème, je garde la bouche ouverte sans faire un bruit. – Qu’est-ce qu’on va faire avec ça ? me demande-t-il. Je ne réponds pas. Nettoyer ? Dans ma tête, c’est la réponse : on va nettoyer. Mais je ne pense pas que c’est ce qu’il veut entendre, alors je me tais. Il continue de sourire, et il hoche la tête, découragé. Il soupire. Ça fait un an ou deux que je suis enfermé ici. Les moments sont flous, comme la lumière dans la fenêtre. Le passé est malaxé, il y a dans mon jus d’existence un peu de futur, du présent pas épicé, des souvenirs incertains. Un an ou deux, peut-être un mois mais je ne crois pas. Chaque midi, on met sur mon plateau ce petit bol en papier rempli de Jell-O à saveur de rouge. Je me décide enfin à parler. – C’est parce que… C’est juste que… – Quoi ? – C’est toujours… – C’est toujours quoi ? – Rien. Je peux nettoyer, si vous voulez. Je ne devrais pas parler. Je ne sais jamais quoi dire. Le Chien regarde par la fenêtre. Dans le stationnement, en bas, son nouveau jouet à pneus attend que la journée se termine. Elle lui a coûté 89 000 $, m’a-t-il dit l’autre jour, pour me rappeler qu’il avait plus d’argent que moi, que je ne pourrais même pas m’acheter une brouette, moi. Et que même si je pouvais, je ne pourrais pas m’en servir ailleurs que dans ma chambre. Et encore. Une BMW, rouge, grosse. Je l’ai regardée longtemps hier par la fenêtre.

C’est qu’il

Fiction

Le Chien soupire encore. Peut-être aurait-il préféré qu’elle soit noire. La porte de ma chambre s’ouvre. C’est la Vache. Elle rumine. – Bon, qu’est-ce qu’il a encore fait ? demande-t-elle au Chien. – Devine… – Ça devient grave, là. Faudrait peut-être faire quelque chose ? – J’y pense, j’y pense. Je vais en glisser un mot à docteur Berthiaume. – Parce que ça fait trois fois cette semaine… – Je sais… Ils se parlent comme si je n’étais pas là. Je n’ai jamais vu la Vache sourire. Elle doit avoir cinquante ans et des problèmes d’estomac. Je ne l’ai jamais vue sans gomme dans la bouche, non plus. Pour l’haleine, j’imagine. Elle mâche avec bruit, comme si sa vie en dépendait, et parfois sa mâchoire s’enfarge, et ça fait crac, et elle porte sa main à sa joue pendant une seconde. Elle ne me parle pas beaucoup. Elle fait son travail, parfois à moitié. Un repas, un oreiller, quelques instruments sur ma peau, elle me surAlors que moi, le sexe… veille comme une caméra. Des fois j’aperçois ses yeux dans la petite vitre dans la porte. Quand ça arrive, j’essaie de bouger doucement, pour la rassurer. Parce que si je fais semblant de dormir, elle entre pour voir si je suis mort, et je préfère qu’elle n’entre pas. Il y a assez de moi qui ne souris pas ici. Mardi dernier, c’est étrange, la Vache était loquace. Elle m’a parlé pendant une demi-heure du voyage à Cuba qu’elle allait faire. Repos total, a-t-elle dit, loin de l’hôpital pendant toute une semaine, au soleil, sur le sable. « Avec mon mari, mais quand même. » Elle parlait vite, comme si elle avait mille choses à dire, et pourtant, après m’avoir dévoilé que c’était un tout compris, l’information s’essoufflait. Elle m’a tout de même décrit le tout qui était compris. Le logement, les repas, les drinks, la plage. Elle essayait même de sourire, je crois, mais en vain. Elle va prendre l’avion. Je n’ai jamais pris l’avion. Ce soir-là, j’ai regardé le ciel longtemps par la fenêtre. Le Chien et la Vache continuent de parler, et ça ne m’intéresse pas. Je m’endors. Puis je me réveille. J’ai dû dormir une demi-heure, parce que les rayons du soleil sont rendus à mes pieds. Il doit être une heure et quart. J’ai les orteils qui brûlent.

ramène toujours tout au sexe.


C’est le Cochon qui m’a réveillé, en me tapotant l’épaule. Il a déplacé la chaise du coin, l’a approchée de mon lit. Sur le dossier de la chaise, il y a une fissure dans le vinyle et on voit la mousse jaune devenir de moins en moins jaune, de plus en plus brune. Le Chien et la Vache ne sont plus dans la pièce. Il n’y a que le Cochon, assis à mes côtés. Il est psychiatre mais il ne porte pas de lunettes. Je le vois presque tous les jours, dans son bureau, troisième porte à gauche, mais je n’ai pas le droit d’y aller tout seul, la Vache doit m’y accompagner. Cet après-midi, c’est lui qui est dans ma chambre, mais ça ne change rien à son attitude. Il a l’air sombre et se gratte l’oreille avec la pointe de son crayon, un tic qu’il traîne depuis l’école secondaire. Quand je suis arrivé ici, il m’a raconté son enfance, pour gagner ma confiance. Il ne m’a pas dit que c’était pour ça, mais j’ai tout de suite compris. Il a eu une enfance difficile. C’est pour ça qu’il se gratte l’oreille avec la pointe de son crayon. Une histoire de fille, une petite blonde qui l’a rejeté à répétition, et soudainement l’oreille s’est L’ombre des barreaux mise à lui piquer, dans un qui m’empêchent de cours de mathématiques. J’aime bien parler avec le sauter en bas, Cochon. Le seul problème, c’est qu’il ramène toujours tout au sexe. Alors que moi, le sexe… Seul dans ma chambre, avec les yeux de la Vache dans la petite fenêtre dans la porte chaque cinq minutes… Pourtant, le Cochon veut toujours que je lui parle de ça. De ce que j’ai vu, de ce que j’ai fait, quand j’étais petit, hier, toujours, tout le temps. Il veut que la source de mes problèmes soit là. C’est ce qu’il dit. Que tout doit être là. Dans le sexe. Moi je pense plutôt que ça l’excite. Le mois passé, alors que je lui inventais une petite histoire épicée, juste pour lui faire plaisir, il s’est mis à me raconter sa soirée de la veille. Il m’a dit que c’était pour voir si ça suscitait des réactions chez moi, mais je ne l’ai pas cru. Je crois qu’il avait besoin de partager. Il a partagé. C’est fou, tout ce qu’il a fait à cette prostituée.

en forme

Ce soir-là, j’ai regardé le vide longtemps par la fenêtre. Et maintenant il est là, juste à côté, et il prend des notes, mais je ne parle même pas. Il fait oui de la tête, et je ne connais même pas la question. – On va essayer quelque chose avec toi. Un nouveau traitement. – Un traitement ? – Oui. C’est totalement sans danger, et on pense que ça pourrait beaucoup t’aider. C’est un traitement d’électrochocs, tu en as peut-être déjà entendu parler… – Des électrochocs ? Je ne veux pas. Je ne veux pas. Je disparais. Quand je reviens, je ne peux plus bouger. Mes mains sont attachées. Je suis sur une chaise roulante. Je ne sais pas ce qui s’est passé, tout était noir, pendant deux secondes ou deux jours. Ça arrive tout le temps. C’est tout le temps comme ça. Quand je me fâche, je disparais nulle part, tout devient noir. J’ai mal à l’épaule, comme si je m’étais battu. Il y a un nouveau trou dans le mur, à gauche. Je fixe le trou, pour éviter le regard du Cochon. Le mur est jaune. Je cligne des yeux, et il est jaune luisant. Je cligne encore, il est doré. En or, en fait. Les murs de ma chambre sont en or. Il y a un tableau accroché, je le remarque parce qu’il n’est pas tout à fait droit. C’est un Renoir. L’original. J’aime bien Renoir. Il doit être 15 h. L’ombre des barreaux qui m’empêchent de sauter en bas, en forme de logo Chanel, rejoint mon oreiller. De plumes.

de logo Chanel,

rejoint mon oreiller. De plumes.


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Fiction

Je suis bien. Cette

camisole de force Armani

Devant moi, le Cochon est habillé en domestique. Je n’avais pas remarqué. Il cire mes souliers. Et la Vache, à ses côtés, sent bon. Je suis bien. Cette camisole de force Armani est plutôt confortable, finalement. Et je pourrais m’habituer à cette chaise roulante Bugatti à double suspension. – Un peu de champagne avant les électrochocs ? – Volontiers. La Vache verse doucement une gorgée dans ma bouche, et ça fait pétiller tout le bonheur qu’il y a en moi. Elle est belle, elle sourit, et son décolleté me fait bander. – Jell-O au caviar ? – Volontiers. J’ai la plus belle vie du monde. Je sais bien qu’il n’y a rien de vrai. Que tout est dans ma tête. Je fais exprès. Je m’imagine tout ça, tout seul. Je veux tellement voir ces choses magnifiques, les sentir, que je les crée autour de moi. Mon confort, ma vie, je les invente, et ça me rend heureux. Changer la peinture jaune en or, inventer un tableau, boire du champagne de robinet, creuser un décolleté, ça me fait du bien. Ça me réchauffe. Je sais que c’est faux. Pour eux, c’est faux. Mais pour moi, c’est vrai. Je regarde le Cochon, et le malheur qu’il traîne derrière lui, et je le plains. Il n’est plus capable de fantasmer, plus capable d’imaginer quoi que ce soit. Il doit se le faire raconter, il doit le vivre, l’acheter. Il doit acheter ses fantasmes, prisonnier de ses volontés tordues. Puis je regarde la Vache, si contente d’aller à Cuba, et ça me fait rire. Elle déteste tant son travail qu’elle doit s’enfuir. Mais pour une semaine seulement. Elle appelle ça la liberté.

est plutôt confortable.

Et je pourrais m’habituer à cette chaise roulante Bugatti à double suspension. Et le Chien… Le Chien… Il a tout l’argent qu’il veut, directeur de n’importe quoi. Les voitures. La maison. Les grands restaurants. Le regard vide. Les soirées solitaires. Le quotidien gris. Réduit à me regarder pour se sentir bon, à m’écraser pour se sentir puissant. Ils sont vides. Ils n’ont rien. Et moi, enfermé ici depuis des mois morts, j’ai tout. J’ai tout ce que je veux. Tout ce que je peux vouloir. Quand je vais trop mal, quand je me sens seul, quand il me manque quelque chose, je m’imagine une vie, et je la vis. La plus belle vie du monde. Dans ma chambre ici, à l’hôpital, depuis des mois morts, j’ai la plus belle vie du monde. Parce que le luxe, le vrai, c’est d’être capable de rêver.


Rue Dufresne, Centre-Sud. La tête dans un nuage de fumée, Dédé place la fiole au-dessus de sa bouche. Je détourne les yeux vers la télé qui diffuse un vidéoclip de Marie-Mai, mais c’est plus fort que moi : il faut que je regarde. Puis il incline légèrement la tête, inhale, expire. Rien de trop traumatisant. Texte : Catherine Perreault-Lessard

Une nuit avec Capone Pour la plupart des gens, le Montréal de la rue se limite aux reportages d’Enjeux sur la prostitution, aux articles sur les gangs de rue dans le Journal de Montréal et aux émissions de télé de Dan Bigras. Moi j’en voulais plus. Je voulais faire comme les Aventuriers du timbre perdu et sauter à pieds joints dans l’image. À la suite d’une entrevue avec une travailleuse de rue du Centre-Sud, j’ai décidé de passer une nuit dans VilleMarie avec un gars de la rue : Capone, l’un des itinérants les plus célèbres de Montréal et les plus respectés du milieu, un leader, un vieux de la vieille qui consomme encore, mais qui sait à quel moment s’arrêter. Avec lui, je savais que j’aurais accès aux endroits de la ville où la madame de la rue Panet n’a jamais mis pied et surtout, je savais que je serais en sécurité. Un peu comme la fille qui sort avec le boss de la gang au primaire. Le 31 août, le jour du chèque, je l’ai contacté pour lui demander de passer la nuit en sa compagnie. Il a accepté de me rencontrer le soir même, au coin des rues Sainte-Catherine et Berri.


Publié originalement dans Urbania spécial Montréal

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20 h 30, avenue Louis-Hébert

La météo annonce de la pluie. Après maintes hésitations, je décide d’enfiler mon manteau et ma casquette noire. Je garde mes souliers en vernis rouge par simple coquetterie. Avant de partir, j’appelle mon ami David pour lui demander de laisser son cellulaire ouvert. Réflexe de fille de la Rive-Sud.

21 h, rue Sainte-Catherine

Devant le Archambault Berri, j’attends Capone, qui surgit finalement de nulle part. Il est vêtu d’un chandail à capuchon blanc Ogunquit, d’un pantalon d’armée, et ses longs cheveux bruns sont coiffés d’un béret basque. L’homme qui se tient devant moi n’a rien du sans-abri cliché avec des vêtements troués et des dents jaunes. Bien au contraire. Il a l’air d’un bum, voilà tout. En le regardant, je me demande une fois de plus dans quoi je me suis embarquée. Je lui propose d’aller prendre un café, histoire d’apprivoiser le personnage et surtout pour m’assurer que je suis bel et bien en sécurité, seule, avec cet homme aux mains serties de bagues en argent et enrobées de gants de cuir.

21 h 15, rue Saint-Denis

Sur la terrasse du Second Cup Saint-Denis, Capone me raconte son histoire. Né sur la Rive-Sud, il a connu une enfance heureuse : famille de classe moyenne, parents aimants, travaillants. S’il s’est retrouvé sans logis, c’est à cause d’une histoire avec la police qui a tourné au vinaigre. Recherché, il a choisi de refaire sa vie dehors et d’emprunter l’identité du célèbre mafieux pour ne pas se faire retracer. Voilà douze ans qu’il est sans domicile fixe, douze ans qu’il vit dans des squats dissimulés partout sur l’Île et qu’il passe ses nuits emmitouflé dans son manteau en carbone, plutôt qu’à la Mission Old Brewery. Pour lui, la rue, c’est un mode de vie qu’il prend au sérieux. Même s’il

Reportage

23 h, rue Saint-Hubert

Premier arrêt, Capone m’entraîne dans un stationnement de la rue Saint-Hubert. « Ici, c’est l’un des gros points de vente de drogue du Quartier Latin », dit-il. Derrière des conteneurs, une quinzaine d’hommes discutent, vont et viennent, s’échangent des smokes, se passent de la dope. Un vrai tourbillon. Capone parle à tout le monde et moi, je reste bien collée à ses côtés. Je les regarde délirer, en leur renvoyant des sourires forcés. – Toi, t’es une bourgeoise ? me lance soudainement Capone. – Euh… non… Ben, ça dépend… Je regarde mes souliers en vernis rouge. La fille du 450 est démasquée.

Minuit, rue Ontario

Capone et moi remontons la petite rue Champlain. Il fait sombre. Arrivés coin Ontario, je m’arrête devant le CitiBar : un bar qui a l’air clean vu de l’extérieur, mais où traînent toujours une trâlée de transexuels. Capone accepte de m’y accompagner. Je passe la porte et balaie le bar du regard. L’endroit est plein à craquer. Prostitués transexuels et clients de tous les genres jouent au billard, boivent de la bière, se draguent. Je suis la seule fille, fille. Puis, mes yeux se fixent sur le stage : en avant de moi, un homme déguisé en femme, coiffé d’une ridicule perruque blonde et vêtu d’une paire de jeans très serrée fait du lipsync sur une musique d’Annie Villeneuve. La scène est surréelle. Incapable de contenir mon malaise, j’éclate de rire et demande à Capone de sortir.

Je veux voir des seringues, du sang, des wash, du crack.

Découvrir son monde qui est à des consomme toujours de la drogue, il oeuvre à titre de « pair années-lumière aidant » auprès des autres itinérants et toxicomanes. Il leur fournit des seringues, il les conseille, les guide, du mien. écoute leur souffrance. Sa façon à lui d’oublier la sienne. Une fois mon café terminé, je suis prête à partir. Étonnamment, naïvement peut-être, Capone m’inspire confiance. « Avant de partir, faut que j’aille acheter des cigarettes, dit-il. Je connais un Indien qui m’en vend 200 pour 5 $ pas loin de la Place Dupuis… »

Une fois à l’extérieur, nous marchons quelques pas avant de nous immobiliser coin Ontario et Papineau. Capone me parle de l’ancienne piquerie qu’il y avait autrefois en haut du Pub Jacques-Cartier. – L’auberge Jolicoeur, c’t’ait la pire piaule qu’y’avait pas. Les filles allaient là avec leurs clients. Les gens se piquaient dans les chambres… Pis le proprio de l’hôtel était trop


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con pour mettre des bacs pour les seringues, fait que y en avait toujours plein dans les conteneurs dans la ruelle en arrière. Le monde allait fouiller dans les vidanges pour les prendre, pis y se faisait des wash avec. Des wash ? C’est quand tu vides plein de seringues, pis que tu récupères toute le liquide pour te l’injecter. Je ravale ma salive silencieusement. Mais tu l’sais qu’Ontario c’est la rue de la prostitution ? C’pas Sainte-Catherine ? Ben c’est différent. Les filles chargent pas 150 $ comme sur Sainte-Cath. Elles ont pas de pimp non plus. Ici, elles font ça pour moins cher, genre 10-20 piasses. Pis elles sont à leur compte. Elles sont où, là, j’les vois pas ? On est le premier du mois. Elles ont pas besoin d’argent.

Moi avant j’avais toute. Une maison, un chalet, des enfants, une femme. Toute.

Pis j’ai toute quitté pour la rue. Elles sont dans les crackhouse en train de consommer Il fallait que je l’essaie. leur chèque. – Ils sont où, les crackhouse ? – Ben, y en a beaucoup dans Hochelaga, sur SainteCatherine, sur Lafontaine. Beaucoup aussi dans le Quartier latin et dans Montréal-Nord. Avant, y en avait plein sur les avenues à Verdun, mais la police est rentrée là-dedans. Depuis, ça se passe au métro Charlevoix, dans Pointe-Saint-Charles. Faut dire qu’les crackhouse, ça a beaucoup changé dans les dernières années… Avant, c’était le milieu [ndlr : le crime organisé] qui gérait ça. Ils louaient un appartement et les gens s’y rendaient pour consommer. Aujourd’hui, les dealers prennent possession d’un lieu désaffecté, souvent insalubre, pis ils l’occupent. Les clients s’y rendent pour consommer du crack et certaines filles amènent leurs clients, jusqu’à ce que les voisins s’en rendent compte pis qu’ils appellent la police. Généralement, ça dure un mois. Ensuite, ils changent de place. À ce moment précis, je ferais tout pour que Capone me fasse visiter l’une de ces crackhouse. Pour voir des gens paranoïer parce qu’ils sont trop high et devenir complètement fous parce qu’ils sont trop low. Je veux voir des seringues, du sang, des wash, du crack. Découvrir son monde qui est à des années-lumière du mien. – Crois-tu que tu pourrais m’y emmener ?

00 h 30, rue Dufresne

Mon guide m’entraîne sur Dufresne, située juste derrière la prison Parthenais. Capone s’immobilise devant un duplex. « Avant, j’avais un crackhouse au deuxième », explique-t-il. « Y avait une file d’attente presque aussi longue que la rue pour entrer ! » Aujourd’hui, impossible de se douter de quoi que ce soit : le crackhouse est devenu un appart tout ce qu’il y a plus de normal. Meublé Ikea. Sa phrase à peine terminée, il se retourne pour sonner à la porte derrière lui. « Ça te dérange-tu, on va arrêter chercher des cigarettes chez mon ami ? » Je n’ai pas le temps de répondre que la porte s’ouvre déjà. Un homme d’une cinquantaine d’années apparaît. – Salut Capone. – Est-ce que Dédé est là ? – Entre.

Un épais nuage de fumée s’échappe de l’appartement meublé de bibelots de chats, de statues de la Sainte-Vierge et d’un immense écran géant branché sur Musimax. Trois gars sont assis autour de la table en mélamine noire couverte de bouteilles de Boréale, de pailles, de cigarettes et de cendriers. Le premier, c’est Dédé. Un grand maigre, souriant. À côté de lui, en chemise blanche avec des bretelles, c’est Gérard. Il a l’air si âgé qu’il pourrait être mon grand-père. Et finalement, à l’autre bout de la table, Marc, le plus jeune des trois, qui porte un chandail psychédélique de Yes. – A’ veut de la neige ? demande Dédé. – Non, c’t’une journaliste. Elle fait un article sur la rue. – Ah bon. Assis-toi. Veux-tu quelque chose à boire ? Verre de Coke à la main, je m’assois sur la chaise berçante en cuir, en me disant que ma mère ferait sûrement une syncope si elle me voyait dans cet appart’ de Centre-Sud. Je suis à peine installée que Dédé, complètement gelé, déballe son sac. – T’sais la rue, c’est pas plus beau, pas plus laid. C’est juste différent. Moi avant j’avais toute. Une maison, un chalet, des enfants, une femme. Toute. Pis j’ai toute quitté. Il fallait que je l’essaie. J’suis resté là un maudit boutte, pis j’ai aimé ça. On est comme une grande famille dans la rue. Là aujourd’hui, j’t’en appartement pis je pense rien qu’à une chose : y retourner. – Étais-tu heureux dans la rue ? – Oui. – Plus que maintenant dans ton appartement ? – Oui. J’ai peine à croire ce qu’il me raconte. Mais je le crois sur parole. Dédé est trop vieux, trop expérimenté pour jouer une game. Il poursuit : – T’sais l’hiver, quand tu te r’trouves dans un champ, tu’ seul, pis qu’y fait moins vingt, tu penses à toi, à ta vie. La rue, c’est le meilleur endroit pour faire le point. J’étais bien, pis je manquais jamais de rien, surtout pas à manger. Ceux qui mangent pas, c’est parce qu’ils sont trop paresseux pour se lever le cul pour aller en chercher. Y a 116 organismes qui donnent de la bouffe à Montréal ! Moi, j’tais même plus gros quand j’étais dans la rue…


Impossible d’interrompre Dédé. Pendant une heure, il enchaîne les histoires, comme les cigarettes. Il parle de Céline Dion qu’il aime tant. De Manon, une prostituée qui a reçu de la coke de sa mère pour ses 13 ans. Elle en a aujourd’hui 26, elle souffre de troubles bipolaires et vient de tomber enceinte de Michel, un transexuel. Je l’écoute et renvoie la balle, tout en retenant mes haussements de sourcils et mes cris d’étonnement… Soudain, Dédé arrête de parler pour appeler son pusher. Dix minutes plus tard, il tient entre ses mains un minuscule tube de verre. – S’cuse-moi de faire ça devant toi ma chérie, mais t’es chez nous. – Non, non. Ça va. Je lui réponds que ça va, mais ça ne va pas du tout. J’ai les mains moites, le coeur qui bat comme lorsque j’étais petite et que j’attendais en ligne pour faire le Boomerang à la Ronde. Stay cool. La tête dans un nuage de fumée, Dédé place la fiole au-dessus de sa bouche. Je détourne les yeux vers la télé qui diffuse un vidéoclip de Marie-Mai, mais c’est plus fort que moi : il faut que je regarde. Puis il incline légèrement la tête, inhale, expire. Rien de trop traumatisant. Quelques secondes plus tard, Capone se lève pour aller aux toilettes. J’attends. Dix, quinze, vingt minutes… Puis, il revient. Incroyablement calme. Alors qu’il était si verbeux depuis le début de la soirée, voilà qu’il se referme comme une huître et qu’il arrête de parler. Je sais par son attitude qu’il a consommé. Mais quoi ? Plus tard, lorsque je lui demande ce qu’ils ont pris, Capone m’avoue que c’était du crack. Il est trois heures du matin. Je propose à Capone d’y aller. En sortant de l’appartement, Dédé nous suit, fait un court arrêt au parc Coupal et revient. « Je viens de voir la petite Marie dans le parc », dit-il. « Quand je suis arrivé, elle chialait qu’elle n’avait pas eu de client. J’lui ai donné une cigarette, pis une auto est arrivée pour l’embarquer. J’crois ben que j’lui ai porté chance ! »

3 h, rue Sainte-Catherine Est

– Bon, tu veux voir c’est quoi un crackhouse ? – Oui. Capone m’amène de l’autre côté du pont : dans Hochelaga, là où ça brasse pour vrai. Nous marchons sur la rue Sainte-Catherine et il s’arrête devant un appartement complètement délabré qui donne sur la rue. « Ici », dit-il. Nous ouvrons la porte du bloc qui est débarrée. À l’intérieur, une série de portes, dont l’une où il est inscrit « Albert » à la mine. Plus loin, on entend du bruit, et de la fumée s’échappe de sous la porte. « C’est là », dit Capone. Mon pouls s’accélère. Il me regarde, hésitant… Puis me ramène dehors. « Je peux pas t’amener là, c’est trop dangereux », ditil. « Les gens qui entrent dans les crackhouse doivent absolument consommer… Quand ils ont fini, ils doivent partir pour laisser la place à d’autres. Ils n’aimeraient pas ça que tu sois là, pis y se douteraient de quelque chose s’ils te voyaient. Surtout le dealer. Pis en plus y a du monde qui font des psychoses… Non, c’est trop dangereux. »

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Reportage

4 h 30 boulevard Saint-Laurent

Sur le chemin du retour, je le bombarde de questions. – Pis les HLM Jeanne-Mance, en face du cégep du Vieux, c’tu vrai que c’est fou ? – Moins qu’avant. Nous autres on appelle ça le « Project ». C’est les Noirs qui contrôlent ça. – Pis Saint-Laurent/Sainte-Cath, c’tu encore là que ça se passe ? – C’pas si pire que ça. C’pas dan-ge-reux. – Qu’est-ce que tu regardes à terre ? – Rien. – Là, comment est-ce que tu vois Montréal ? – Comme toi. Visiblement, Capone commence à en avoir marre de toutes mes questions. Puis il s’arrête devant un hôtel coin Sainte-Catherine et Saint-Laurent : le Botero. « Là, c’est le plus grand bordel en ville. C’t’un motel de passes. Moi, j’rentre jamais là, y a toujours des descentes », dit-il. La porte est ouverte. Devant moi, un immense escalier orange. Mon coeur bat à tout rompre à la seule idée d’y rentrer. Hô tel Bo tero, u ne sem a ine plus ta r d Je grimpe les escaliers orange. Au comptoir, je demande une sieste d’une heure en échange de 20 $. L’employé m’assigne la chambre la plus isolée de l’hôtel, en me tendant deux débarbouillettes. Même pas de clé. Dans les corridors, je croise des hommes et des femmes qui courent de tous bords tous côtés à la recherche de smack. Je croise des prostituées tellement puckées, aux bras de leur client tellement straight. Dont l’une, qui a l’air âgée d’à peine 15 ans. Une fois dans la chambre, le photographe prend quelques photos du lit insalubre et des draps jaunis, dans lesquels même un sansabri n’oserait pas se coucher. Chaque fois qu’il appuie sur le déclencheur, je simule des cris de jouissance pour camoufler le bruit de son appareil et éviter tout soupçon. Après vingt minutes à tourner en rond, je sors de la chambre. Dans le corridor, un autochtone, complètement stone, bave par terre. Je fais mon chemin jusqu’à la réception, remets les débarbouillettes au commis, puis part en lui feignant le sourire de la fille qui vient de baiser.

6 h, rue Berri

De retour à notre point de rencontre, je dis au revoir à Capone, épuisée. J’ai le goût de le serrer dans mes bras, mais je me retiens. Je dis merci, puis rembarque dans ma voiture.

7 h, avenue Louis-Hébert

J’arrive chez moi, prends un grand verre d’eau et saute dans mon lit pour m’enrober dans ma couette blanche en plumes d’oie. Je suis complètement vidée. Incapable de fermer l’oeil.

FIN


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NOUS SOMMES des loups Yann Perreau est un être de paradoxes. Sous son profil givré, il est un vrai de vrai. Un dur de dur. Un party animal qui s’assume et s’affiche. Sa carrière de chanteur lui permet d’être délinquant, alors son party il le crie, il le vit, il le mange. Sous son profil nutritif, Yann Perreau est un être zen. Capable par un beau lendemain de brosse, colossal et vaporeux, d’enfiler ses espadrilles et d’aller faire son jogging au petit matin. Yann est un être contrasté, à la fois complètement fou et vaguement méditatif. J’ai décidé de tenter le diable, de laisser sortir le Yann Perreau débridé, sauvage et dévergondé, de sa coquille. Et d’en profiter pour être délinquante ave c lui. Privilège de journaliste. Voici donc en grande première mondiale : l’histoire de ma nuit avec Yann. Texte  : Catherine Pogonat Photos  : John LonDono


Publié originalement dans Urbania spécial Party

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Reportage

20:20 Tiens-toi ben, j’arrive

Comme toujours, j’arrive un peu en retard à la Sala Rossa où Yann Perreau et John Londono (notre super photographe et compagnon de fête) sont déjà en train de boire leur dose de vin rouge. Merde le party a commencé sans moi ! Pas grave, je vais me rattraper. Et hop un grand verre de pinard pour Catherine. Yann me prévient qu’il est capable d’en prendre, que la vie de tournée est souvent nocturne et qu’il a la couenne dure en matière de fiesta. Je prends ça comme un défi, moi aussi j’ai la couenne dure et je vais le prouver, bon.

21:14 Les dents tachées de vin rouge

Le vin coule à flots, les sourires rougissent, les langues se délient. On a l’œil de plus en plus grisé et le verbe de plus en plus grisant. Yann nous raconte ses efforts pour rester sain suite à une nuit d’alcool et de rêve éthylique. Il nous affirme haut et fort qu’il fait toujours son jogging le lendemain matin d’une cuite, mal de tête ou pas. Et qu’il ne mange jamais de poutine à 3h du matin. Mal de cœur ou pas. Je ne le crois pas. Pas possible. Juré craché, il Une expérience promet que c’est la vérité vraie. unique : boire un C’est ce qu’on va voir. shooter de

22:02 Les deux mains dans la paella

Entre deux tapas, la conversation bat son plein sur la célébrité. On discute d’intégrité et des limites à ne pas dépasser pour se respecter quand on fait un métier public. Moi j’espère seulement qu’aucune photo de nous complètement saouls, en train de danser sur une table un lasso à la main, ne se retrouvera dans un tabloïd douteux le lendemain matin… Yann titille notre curiosité en nous promettant une expérience unique : boire un shooter de tequila à la mode australienne. On garde cette arme secrète pour plus tard. Après moult bouteilles de vin, des cafés exotiques au brandy et de la paella dans tous les coins, on décide qu’il est grand temps de vivre le rock… C’est un départ !

tequila A la mode australienne

23:08 TOUT POUR LE ROCK

Yann, John, quelques amis et moi marchons bras dessus bras dessous en plein milieu du trottoir, sous la pluie, direction le Divan orange pour voir un bon show rock : Comme un homme libre. Dès notre arrivée, on juge qu’il faut rattraper le temps perdu… et se lancer dans le fort ! C’est là qu’on s’enfile nos premiers shooters de Jagermeister tonic, un mélange de mon cru. On est arrivés trop tard… Le groupe joue sa dernière chanson. Pas grave, on boit un peu pour oublier et Yann retrouve le piano de son enfance qui est maintenant en résidence au Divan orange. Nostalgie… il pianote pour la postérité. On claironne à qui veut l’entendre qu’on va être les meilleurs rats de laboratoire et qu’on va faire le party du siècle ! Tant qu’à être sous observation, autant en mettre plein la vue et s’en mettre plein la panse. Yann continue à épater la galerie avec ses promesses de shooters de type australien.



00:15 Dans la gueule du loup

On a des fourmis dans les jambes, des papillons dans le ventre, on n’a pas encore eu notre pleine dose de rock. On repart à pied, trottinant d’une flaque d’eau à l’autre, vers la Sala Rossa pour voir le fameux groupe montréalais We are Wolves, qui y joue à guichets fermés. On arrive à soudoyer le portier pour entrer tous les trois, même si c’est archi complet. Vive la vie, vive la fête, vive les amis de brosse. Yann a définitivement perdu sa timidité et saute au cou de tous les copains qu’il croise. On débarque en pleine marée humaine, il fait chaud, la foule est dense, et les musiciens sur scène portent d’énormes têtes de mort dans le dos. Tout ça donne soif ! Alors on court se chercher d’autres cocktails explosifs. Je décide qu’il faut donner notre corps au rock en allant se jeter dans la gueule du loup. Je fends la foule telle une super-héroïne en one-piece moulant, entraînant tout le monde avec moi. On se retrouve aux premières loges, on danse, on pousse, on reçoit tantôt un coude, tantôt de la bière, ou autres liquides non identifiés, Je décide qu’il en pleine gueule. On crie notre faut donner notre joie. John suit Yann aux toilettes pour immortaliser une pisse corps au rock entre gars. Je leur laisse cette saine intimité. Trop d’émotions, ça donne soif, encore. Yann traverse la foule à rebours tel un chevalier pointant son glaive et on se retrouve enfin au bar. Le temps de prendre quelques gorgées d’un drink oublié et le glas a sonné : on est gavé de rock, nos chandails sont mouillés, il nous faut absolument une piste de danse…

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02:25 Je t’aime À l’australienne

Yann nous entraîne au bar d’un pas décidé mais chancelant, commande trois shooters de tequila, du sel et du citron. Il nous met au défi de boire notre tequila comme à Sydney, c’est-à-dire en se mettant du sel dans le nez, de la tequila dans la bouche et du citron dans l’œil. Littéralement et dans cet ordre. C’est con, inutile et terriblement Jackass. Mais on est fous, on est jeunes et on dit oui à la vie ! Résultat : ça fait tellement mal que tu ne goûtes pas la tequila. Pratique. La barmaid nous fait la moue, elle boude, elle n’aime pas trop nos expériences exotiques.

En allant se jeter dans la gueule du loup

01:50 On the road again

À peine sortis de la Sala Rossa, plus enjoués que jamais, et accompagnés de Jody, une coiffeuse ontarienne au regard glauque, on saute dans un taxi en direction du Saphir. Le chauffeur est pas fin, il chiale un peu et reste de glace devant notre bonheur immense. Tant pis pour lui, notre joie est infinie. Nous on veut une boule disco et de la basse sous nos pieds.

02:04

Rock’n’roll et loup-garou

Devant le bar, on convainc le vieux portier et la fille au vestiaire de nous laisser entrer gratuitement. Après tout, nous sommes en mission hautement professionnelle et scientifique… Mais dès notre entrée fracassante, une angoisse s’installe. On a perdu John, le pétulant photographe ! Yann sort sur le boulevard Saint-Laurent pour crier son nom dans la nuit. Pendant que Yann hurle à la lune sous la pluie, je retrouve John, tout bonnement installé au bar, avec à la main, un drink qui lui a coûté 12 $, bizarre… On accapare le dj, on se prend pour John Travolta, la piste de danse s’enflamme sous nos chorégraphies rock’n’roll. J’ai le tournis. Yann déclare que c’est enfin l’heure de la fameuse expérience australienne…

03:00 Avant que les nÉons ne s’allument

On se sauve du Saphir avant que notre carrosse ne se transforme en citrouille. On se retrouve chez des copains de Yann qui fêtent un anniversaire. Il y a des serpentins et des flûtes. Il y a plein d’inconnus qui deviennent illico nos amis. Il y a un gros ballon d’exercice rouge. Hourra. La fête continue. Yann essaie de se tenir en équilibre sur le gros ballon d’exercice rouge pendant au moins une demi-heure. Il n’y arrive pas. On débouche une autre bière, qu’on ne boira pas. On est les meilleurs amis du monde. On laisse notre euphorie mariner en tentant de faire la split debout.

Mission accomplie.

Le party est fini. On est allés jusqu’au bout de la fête, on a dévoré la planète à pleines dents. John a immortalisé chaque état. Yann est ravi et rêveur. Moi je me sens comme une fleur. Je ne sais pas trop pourquoi. On marche tous les trois sous la pluie battante, histoire de rentrer chacun chez soi trempés, complètement vidés, avec un sourire un peu béat aux lèvres. Entre les vapeurs d’alcool, je dois maintenant retrouver mes souvenirs, relire les notes que je n’ai pas prises, recoller mes mots à la bonne place, pour pouvoir raconter notre folle nuit. Et non, ben non, Yann n’a pas fait son jogging le lendemain matin… Pour lire la version du photographe John Londono, allez en page 65.

Reportage


Le pire d’Urbania

5 personnes qui n’écriront jamais dans Urbania 1. Voltaire 2. Jacques Demers 3. Yannick Marjot 4. Nicolas Langelier 5. Stevie Wonder

5 pires idées de cover

1. Numéro Montréal : Martin Deschamps crucifié sur la croix du mont Royal 2. Numéro Locomotion : Martin Deschamps sur un skateboard 3. Numéro Sexe : Martin Deschamps en costume de serveuse sexy 4. Numéro Rétro : Martin Deschamps en train de frencher Passe-Montagne 5. Numéro Hockey : Martin Deschamps en habit de goaler

3 pires peurs de l’équipe d’Urbania 1. Être acheté par PKP 2. Être acheté par Rue Frontenac 3. Être acheté par Bombe.tv

3 pires payeurs

On se doute bien qu’on ne reverra jamais la couleur de notre argent, mais ça fait rien. La vengeance est beaucoup trop douce au cœur de l’indien pour laisser passer une occasion comme celle-ci. Voici donc les annonceurs qui n’ont jamais payé une crisse de cenne : 1. Daniel Benhamou : ex-ami et propriétaire de UN Iceland, une boutique de chaussures sur la rue Sainte-Catherine, qui nous a « acheté » une pub dans le numéro sur le commerce il y a six ans. 2. Maximilien Girard : Informaticien merdeux qui propose des logiciels de gestion qui ne fonctionnent qu’à moitié et qui trouve le moyen de perdre les mots de passe du système. 3. Le Festival international de reggae de Montréal : Dans ce cas-ci, on peut se demander qui a été le plus con des deux.

Notre pire mise en page

Pour l’édition Luxe, on avait eu l’idée du siècle : comparer la vie d’un millionnaire fictif à celle d’un graphiste d’Urbania. Pendant deux mois, les deux stagiaires en communication de l’UQAM avaient travaillé d’arrache-pied pour trouver les dépenses les plus extravagantes à Montréal, comme le prix d’une dent en or ou le salaire d’un chauffeur privé. Une fois toutes les données cumulées, on avait demandé à deux designers de mettre en page le torchon qu’on avait rédigé. À quelques jours de l’envoi à l’imprimeur, les deux artistes avaient fait du mieux qu’ils avaient pu pour créer des illustrations cohérentes, comme des bouteilles de spray net avec le logo de Burberry et des ballounes en forme de seins refaits. Un petit problème de communication, les gars ?

Notre pire article

2 pires apparitions dans les médias 1. À l’émission Je l’ai vu à la radio, lorsque Franco Nuovo a demandé quelle serait la tendance 2008 et que notre éditeur Philippe a répondu « le décolleté vulvien ». 2. À l’émission Matin Express, avec Louis Lemieux, lorsque notre éditeur Vianney a porté son petit coat en cuirette cheap qui valait 50 $... et qui avait l’air de valoir 50 $.

Difficile à imaginer, mais notre petit prodige mexicain, Sébastien Diaz, n’a pas connu que des bons coups dans les pages d’Urbania… La preuve se trouve dans notre numéro Gars. Dans l’article Docteur Style (qu’on a dû réécrire environ 3 000 fois), Sébastien nous livre ses meilleurs conseils de métrosexuel pour avoir du style, comme : « Éviter les t-shirts de Che Guevara », « porter une boucle de ceinture capable de déboucher les bières » et « s’afficher en rose ». Même un finissant de l’École nationale de l’humour n’aurait pas pu trouver mieux.

Notre pire compliment reçu

Avec tout le respect qu’on lui doit, la palme d’or du pire compliment revient à l’éditorialiste de La Presse Nathalie Collard, qui avait qualifié Urbania de « trash imitation fanzine ». Et « manga », dans tout ça ?

Notre pire rédacteur en chef invité Pour le numéro Célébrité, on avait demandé à Michel « peau orange » Girouard d’être notre rédacteur en chef invité. Le chroniqueur a gentiment accepté et nous a donné rendez-vous dans un resto branché du bas de la ville, pour discuter des modalités. Quand on est arrivé, on a réalisé qu’il se crissait pas mal de nos sujets. Tout ce qu’il voulait, c’était de faire le cover du magazine, comme Michèle Richard.


Il avait même pensé à un concept : lui, à l’Hôtel St-James, déguisé en femme avec des boucles d’oreilles en ivoire, avec ses crisses de chiens laids et des paparazzis en arrière, pis toute. On lui a dit qu’on allait y penser. Tout le reste du repas a été consacré au bitchage de vedettes, du genre : « Rita Lafontaine, est ben fine, mais est pas glamour pentoute, elle fait son épicerie sur le Plateau » ou encore « Gino Chouinard, il s’habille en fonctionnaire ! » ou, la meilleure, « Caroline Néron est même pas assez belle pour travailler au Wanda’s de jour ». Traumatisant comme moment. Quelques semaines plus tard, on l’a rappelé pour lui dire qu’on acceptait son idée et qu’on allait shooter sa fameuse photo. Malheureusement, le St-James a refusé de nous recevoir. Comme d’autres endroits qui ne voulaient pas être associés à ce vieux has-been. En désespoir de cause, on a décidé de le faire dans un studio. On avait tout loué, tout réservé : coiffeuse, maquilleuse, styliste, assistant. Le gros kit. Quand on lui a annoncé que c’était le matin, Michel a refusé. On a repoussé ça jusqu’à 11 heures, mais y avait rien à faire. « Je vais avoir les yeux toute puffy ! » a-t-il répondu. C’en était trop. On a donc tiré la plogue. Depuis, on l’a recroisé quelques fois avec ses chiens au Boccaccino’s aux Galeries du Parc. Et, chaque fois, on se retient pour ne pas lui crier : « Michel, mange un char ».

Notre pire faute de français

Voilà le genre d’erreurs qui se glisse dans Urbania quand la rédactrice en chef fait une commotion cérébrale le jour avant l’envoi à l’imprimeur et qu’en prime, on embauche un designer franco-ontarien (voir photo).

Notre pire vox pop

Inspiré par les émissions du Doc Mailloux, on a décidé d’aller s’émoustiller au Salon de l’amour et de la séduction, pour le numéro Sexe. On s’est installé au beau milieu des kiosques de dildos phosphorescents. En moins de temps qu’il n’en faut pour crier « rectum », les visiteurs faisaient

la file pour répondre à nos questions. Puis, sans trop comprendre pourquoi, ils ont commencé à enlever du linge. Ça a commencé par les petites filles « barely legal » qui voulaient impressionner leur chum, au grand plaisir des vieux cochons qui avaient peine à cacher leur érection. Puis, il y a eu ce gars complètement saoul (appelons-le Jonathan Boulanger) qui s’est promené tout nu dans le Salon en criant aux visiteurs : « Check ma graine !!! » En deuxième position, pas très loin derrière, on retrouve notre vox pop du numéro Hobbys, pour lequel on avait eu la brillante idée de demander aux itinérants de la Mission Old Brewery : « Quel est votre passe-temps préféré ? » En deux jours de travail, on a réussi à recueillir les propos de 12 participants, dont les réponses variaient entre « rien », « pas grand-chose » et « j’m’en câlisse ».

Notre pire erratum

Tout a commencé lors d’un moment de folie chez l’imprimeur. Alors qu’on faisait les dernières corrections du numéro Hobbys et qu’on avait à peu près 0 heure de sommeil dans le corps, on a ajouté le mot « grosse » à la phrase suivante : « Je ne collectionnerais jamais les photos d’Éric Lapointe et de son frère Hugo avec leur grosse mère ». C’était gratuit. Et méchant, c’est vrai. La belle Doris ne méritait pas un tel traitement dans nos pages. D’ailleurs, nos lecteurs n’ont pas tardé à nous le rappeler en nous écrivant des courriels. Dans le numéro suivant, pour nous faire pardonner, on a donc publié l’excuse suivante: « Dans le dernier numéro, on a dit qu’on ne collectionnerait pas les photos d’Éric Lapointe avec sa grosse mère. On s’excuse. Finalement, à bien y penser, on les collectionnerait. »

Notre pire ennemi

On a hésité longuement entre Yannick Marjot, Guillaume Latendresse et la mère d’Éric Lapointe pour cette catégorie. Dans la course, il y avait aussi tous les journalistes qui se sont fait couper leur article parce qu’ils étaient trop poches et les designers qui ont fait des crises d’épilepsie après avoir travaillé trois nuits blanches consécutives. Mais ce n’est probablement rien comparé au non-amour qu’entretient à notre égard Nicolas Langelier, journaliste-éditeur-de-P45-et-président-del’Association-des-journalistes-indépendantsdu-Québec-champion-des-slashs. On a beau s’être occupé du design de P45 pendant un an, lui avoir offert la page 45 du magazine, le suivre sur Twitter, le défendre contre Michelle Blanc et même l’avoir frenché dans un party, ça ne change rien : le beau blond ne veut rien savoir et refuse de parler de nous dans sa chronique à Christiane Charette. Encore aujourd’hui, on est dans la même situation qu’une ex-participante de Loft Story qui fait le cover du Dernière Heure : on est prêt à tout pour se faire aimer. Donc, Nicolas, si tu lis ces lignes, reviens-nous. On t’aime, tsé.

Nous sommes des loups :

la version de John Londono (La suite de la page 61) C’est avec une vieille caméra 35 mm en plastique cheap que John Londono a capturé les moments forts de la virée de Yann Perreau et de Catherine Pogonat. Presque quatre ans se sont écoulés depuis cette cuite légendaire, mais malgré le fait que John avait lui-même pas mal bu, il se rappelle encore bien des détails (dont certains qu’il aurait préféré oublier). « C’est pratique de faire la tournée des bars avec des vedettes. Ce soir-là, il suffisait de négocier avec les portiers et les serveuses pour qu’on nous laisse faire tout ce qu’on voulait. Au Divan Orange, par exemple, c’était sold out pour le show de We are Wolves, mais on nous a laissé entrer tout de suite. Au Saphir, par contre, quand on a fait des tequilas à l’australienne, ça a été légèrement différent. Je me souviens que la gérante est devenue terrifiée quand elle a vu que Yann nous préparait des “lignes” sur le comptoir. C’était juste du sel, mais les clients faisaient pas la différence. Elle nous a demandé de tout arrêter et nous a menacés de nous mettre à la porte si on n’acceptait pas. Dans le fond, ça a fait mon affaire, parce qu’une fois que j’ai immortalisé le moment où les deux kamikazes se sont foutu du citron dans l’œil, je n’ai malheureusement pas eu le temps de tenter moi-même l’expérience. Rendu à 5 heures du matin, je ne tenais plus debout. Je suis rentré chez moi et j’ai abandonné Yann et Catherine. Par après, j’ai su qu’ils étaient allés étirer le plaisir dans un afterhour. Rien ne les arrêtait cette nuit-là. On avait l’impression que le monde nous appartenait. »

Les plottes à puck : mise au point

(La suite de la page 56) Beaucoup de jeunes filles au nombril percé sont passées dans le lit de Maxim Lapierre depuis la publication de notre article sur le phénomène des puck bunnies. On a demandé à JT Utah, le blogueur expert en potins de hockey qui avait rendu cet article possible, où en était la situation, un an plus tard. « C’est pire qu’avant, nous a-t-il répondu tout de go. J’ai l’impression que le fait d’avoir parlé au grand jour des plottes à puck, ça a encouragé les filles à assumer qu’elles en étaient elles-mêmes ! Je dirais que les filles sont encore plus fières qu’avant de dire qu’elles ont couché avec un joueur du CH, comme si ça leur conférait un statut plus élevé. J’ai aussi l’impression qu’il y a plus de femmes qui fréquentent des joueurs de hockey uniquement pour la notoriété qui vient avec, simplement parce qu’elles se montrent plus et qu’on en entend plus parler. D’un autre côté, ce qui est dommage, c’est que le public a l’air de penser que toutes les filles qui sortent avec un joueur le font dans le but d’avoir leur face sur le cover des magazines. Mais c’est faux. C’est plate parce qu’il y a aussi des vraies fans de hockey qui se font traiter de plottes à puck alors que ça n’a rien à voir ! »


Parfois, je dors sur le sofa. Est-ce que je le mérite ? Et comment ! Je suis toujours le premier à chercher la confrontation. Lorsque madame me traite de vilains mots qu’on n’enseigne pas à l’école et qu’elle claque la porte de toutes ses forces, je ressens une sorte de chaleur dans mon thorax qui me fait dire : « Hey, champion ! Tu t’es surpassé. Je suis fier de toi. » Texte  : Steve B. Bernard | illustration  : Laurent Pinabel

Toutes les fois où je me suis retrouvé sur mon vieux sofa qui sent le vomi non nettoyé — je suis du genre à mettre des journaux pour cacher la merde de chien au lieu de la ramasser —, j’ai pris énormément de temps pour réfléchir. Du genre fort, fort à m’en donner des rides. Je sais que dans ces moments, la chose intelligente à faire aurait été de me préoccuper de l’état de santé de mon couple, mais la réalité est un tantinet différente… La dernière fois que j’ai passé la nuit sur mon vieux sofa, j’ai répertorié tous les trucs qui m’ont traversé le crâne. Le résultat est assez pathétique, merci. Primo, je me suis demandé si ça existait vraiment, les colorants rouges qui vous suivent si vous pissez dans une piscine. Merde ! Je m’empêche d’uriner dans l’eau depuis plus de 20 ans à cause de ça. Après, j’ai tenté de m’imaginer à quoi ressemblerait la vie si on mourait à 250 ans. Est-ce que l’âge légal pour boire serait 65 ans ? Est-ce qu’un type qui meurt à 100 ans serait considéré comme trop jeune pour passer l’arme à gauche ? Par la suite, je me suis posé trois questions existentielles : estce que quelqu’un sur la planète se nomme Bob Laden ? Ça doit pas être vendeur lorsqu’on rencontre une dame dans un bar et qu’on veut la ramener à la maison pour faire du rodéo. Pourquoi, quand je me pointe au service à l’auto d’un resto et qu’on me demande ma commande, je pense toujours à répondre « une fellation » ? Pourquoi je rêve de m’opposer à un mariage dans une église ? Après avoir envisagé prendre le bottin téléphonique, appeler des gens au hasard, me faire passer pour un collègue de leur conjoint et leur dire qu’il était infidèle, je me suis interrogé sur l’an 0. Les conversations devaient être étranges. – Hey mec ! Joyeuse année zéro ! – Merci. Ça faisait longtemps qu’on s’était vus, non ? – Ouais, c’était en moins cinq la dernière fois. Ça va faire bizarre d’être dans les années positives, tu trouves pas ? Ensuite, j’ai pensé aux feux d’artifice. Pourquoi, au lieu de s’étirer inutilement sur 30 minutes, les feux d’artifice n’explosent pas tous en même temps durant deux minutes ? Après, j’ai été faire un tour sur le Web et je suis tombé sur l’histoire de Toma Sota Balcu. En 1933, un psychopathe aurait brûlé une jeune fille en chantant « Toma Sota Balcu ». À ce qu’on dit, si on ne chante

PROCHAIN NUMÉRO : FACEBOOK

pas cette chanson après avoir lu l’histoire, le tueur apparaîtrait et nous brûlerait à notre tour. C’est con. Mais j’ai pas pris de chance. Quand je me suis finalement endormi, j’ai fait un rêve bouleversant. J’étais dans mon ancienne chambre, celle que j’avais lorsque j’étais ado. On m’offrait la possibilité de faire un ménage à trois avec deux filles incroyables – le genre de bombes siliconées qui ne poseraient jamais leur regard sur un affreux moche comme moi en temps normal. – Vous avez un condom, les filles ? – Non. – Ah ! Moi non plus. Elles ont enlevé leurs vêtements. Dieu existe. Dieu est généreux. Mais Dieu est un véritable arriéré : il nous a doté d’une conscience. – Je suis désolé, Yasmine et Rebecca, mais non. Ça serait pas prudent. – Tu le sais que c’est un rêve, hein ? – Ouep. – Ok. Une fellation dans ce cas-là ? – Ça serait tentant… mais j’ai pas nettoyé mon pénis aujourd’hui. On regarde un film de Police Académie à place ? Je me suis réveillé avec deux certitudes qui m’ont donné mal à la tête : j’ai loupé la seule chance que j’aurai jamais de vivre une aventure sexuelle de la sorte et je devrai décidément réfléchir à ce qui ne tourne pas rond chez moi. Bon sang ! Mais qu’est-ce qui m’allume autant dans les confrontations ? Pourquoi l’idée de m’engueuler me rend aussi fébrile et joyeux que le jour de Noël ? Question de réparer les pots cassés et de ne pas me retrouver célibataire – je suis devenu trop gras et paresseux pour me remettre à draguer –, j’ai rendu visite à madame qui se trouvait encore au lit. « Steve, tu oublies ton ego, tu hisses le drapeau blanc et tu te métamorphoses en conjoint idéal. Vas-y, champion… » – Salut ! – Allô. T’as bien dormi ? – J’ai passé la nuit sur un vieux sofa dégueulasse. Et toi, t’as bien dormi ?

Il n’y a pas si longtemps, on laissait des messages sur le paget de nos amis et on sacrait quand leur ligne téléphonique était occupée quand ils téléchargeaient des chansons sur Napster. De cette époque glorieuse où on avait la fleur de ICQ tatouée sur le coeur, on est passé à l’ère des « pokes » et des « status » sans cesse renouvelés. Facebook a révolutionné le monde des communications et dans le prochain numéro, on décortique le phénomène avec un regard bien de notre temps.


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