Cinquième Consultation régionale des peuples autochtones, des mouvements et des organisations de la société civile pour la souveraineté alimentaire et la justice sociale En vue de la trente-quatrième session de la Conférence régionale de la FAO pour l’Amérique latine et les Caraïbes Panama (Panama), 19 et 20 février 2016 Dans le contexte continental et mondial, l'unité et l'organisation autour du principe politique de la souveraineté alimentaire sont aujourd'hui et plus que jamais une nécessité. Nous, les femmes et les hommes qui représentons 20 pays et 14 réseaux organisés autour de plateformes sociales, régionales et sous-régionales, rassemblant les productrices et producteurs de denrées alimentaires vivant dans les campagnes, les zones côtières, les sierras, les îles, les steppes, les prairies et les montagnes d'Amérique latine et des Caraïbes, sommes réunis aujourd'hui en consultation préparatoire en vue de la trente -quatrième session de la Conférence régionale de la FAO, qui se tiendra à Mexico du 29 février au 3 mars prochain. Nous sommes solidaires du peuple mexicain et du combat que mènent les mouvements paysans, ainsi que des familles des étudiants disparus de l'École normale rurale de Ayotzinapa. Sans oublier tous ceux qui ont été privés de leur liberté pour des luttes concernant le territoire, les ressources naturelles et la souveraineté alimentaire. Nous nous opposons aux pratiques d'éradication des familles paysannes et autochtones dans la région, comme cela s'est produit récemment dans la province de Mendoza, en Argentine, avec l'expulsion des petits exploitants agricoles. Nous saluons les progrès accomplis par les gouvernements de certains pays dans leur action en faveur de la souveraineté alimentaire et pour l'intégration de ce principe dans leurs politiques publiques et sommes reconnaissants de l'espace qui nous a été réservé, en espérant que les États Membres ici présents tiendront compte de cette déclaration au moment de définir le programme d'activités de la FAO au cours du prochain exercice biennal. Dans la continuation du processus lancé lors des précédentes consultations des plateformes et des mouvements citoyens, tenues préalablement aux sessions des Conférences régionales de la FAO, nous réaffirmons notre engagement dans la lutte en faveur du développement de la production à petite échelle d'aliments sains et adaptés culturellement, qui contribuera à l'élimination de la faim et de la pauvreté dans le cadre des objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030, compte tenu des traités et des accords régionaux et internationaux 1. La 1
La Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (3 janvier 1976), la Déclaration sur les droits des peuples autochtones (13 septembre 2007), la Charte des droits des petits exploitants agricoles encore à l'étude, ainsi que les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale (11 mai 2012), les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l'éradication
présente consultation permet aux peuples autochtones, aux petits paysans, aux travailleurs ruraux, femmes et hommes, aux éleveurs, aux défenseurs de l'environnement et aux artisans-pêcheurs de se réunir et d'agir, tout en ouvrant un espace de dialogue et de rencontre avec les habitants des villes, les travailleurs et la population en général. Par ailleurs, l'expérience que nous avons acquise en tant qu'organismes et réseaux continentaux, dans le cadre de l'Alliance pour la souveraineté alimentaire et en collaboration avec d'autres plateformes, nous permet d'affirmer qu'il est impossible de mettre en œuvre des politiques publiques inclusives ou des actions efficaces en faveur de la réalisation des objectifs de développement durable sans tenir compte du principe de la souveraineté alimentaire fondée sur l'agroécologie. Cette nouvelle consultation préalable à la trente-quatrième session de la Conférence régionale de la FAO en témoigne. Nous ne renoncerons pas à nos principes ni à nos droits, point de convergence de nos identités, et c'est sur la base de ce principe même que nous dénonçons les fausses solutions au problème de la faim et de la pauvreté rurale: les marchés de droits d'émission de carbone, l'économie verte, les biotechnologies et «l'agriculture intelligente face au climat». Nous contestons le bien-fondé des propositions qui auront pour effet d'accentuer la dépendance à l'égard des modes de production alimentaire capitalistes, en exploitant les populations, les travailleuses et les travailleurs, ainsi que les écosystèmes au nom d'une politique et de stratégies de mercantilisation centrées sur le profit, au lieu de privilégier le droit à l'alimentation et la souveraineté alimentaire en tant que droits fondamentaux de tout être humain, et de contribuer ainsi à l'autonomie, à la paix et à une nutrition adéquate sans aliments transgéniques et de permettre aux populations rurales et urbaines de mener une existence digne. L'Accord de Paris ne constitue pas à nos yeux un événement marquant de la lutte contre le changement climatique: il n'a aucun caractère contraignant et ne propose qu'une adaptation, sans s'attaquer aux facteurs qui contribuent concrètement à exacerber le changement climatique. Cet accord est salué comme étant une réussite alors qu'en réalité, il marque une régression dans la mesure où il n'a plus le caractère contraignant du Protocole de Kyoto, qui imposait aux pays les plus pollueurs de réduire leurs émissions et qui est remplacé par un système de compensation fondé sur le marché des émissions de carbone lié aux monocultures et aux plantations forestières. Ces mécanismes constituent de fausses solutions face au défi climatique. C'est la raison pour laquelle nous rejetons le concept d'agriculture intelligente face au climat, de même que l'idée selon laquelle les forêts sont la solution au problème du changement climatique, telle qu'elle est mise en avant par la FAO et son programme ONU -REDD.
de la pauvreté (10 juin 2014), la Déclaration de la décennie de l'agriculture familiale (2015-2025), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (18 décembre 1979), la politique alimentaire et nutritionnelle de la Communauté des Caraïbes (13 septembre 2010), la stratégie régionale des Caraïbes pour l'adaptation au changement climatique et le renforcement de la résilience de l'agriculture face à l'évolution du climat (2009-2015) et, enfin, la politique de la Communauté des Caraïbes en matière de pêche.
Aujourd'hui, le système agroalimentaire à grande échelle est responsable de 41 à 54 pour cent des émissions de gaz à effet de serre. Compte tenu de ce qui précède, nous formulons les propositions suivantes: Il convient de reconnaître le rôle de la pêche artisanale et de l'aquaculture dans la consommation de produits hydrobiologiques afin de garantir la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des populations du monde entier. Les États doivent promouvoir des politiques publiques visant à assurer la conservation des ressources halieutiques et une gestion responsable et durable des pêches, tout en encourageant l'utilisation de nos ressources à des fins nutritionnelles; ils doivent apporter les financements et l'infrastructure nécessaires, assurer l'accès aux marchés, la protection sociale et des incitations visant à favoriser le développement de la production, avec la participation du secteur mondial de la pêche, compte tenu de notre contribution importante à la culture familiale. Nous demandons aux gouvernements et aux organismes internationaux que sont la FAO et le FIDA de reconnaître, de renforcer et de soutenir les comités nationaux qui ont participé aux initiatives menées dans le cadre de l'Année internationale de l'agriculture familiale 2014 (AIAF), et qui constituent des espaces nationaux de dialogue et de concertation entre les pouvoirs publics et les acteurs de l'agriculture familiale, les paysans, les populations autochtones, les artisans-pêcheurs et les éleveurs, qui plus est au regard de l'engagement mondial au titre de la décennie de l'agriculture familiale (AIAF+10). S'agissant de la réalisation des objectifs de développement durable, nous déclarons que les industries extractives ont des incidences néfastes sur les peuples autochtones et que cette situation s'est aggravée au cours des dernières décennies. Les entreprises ont les mêmes obligations et responsabilités envers les populations et sont tenues de protéger et de respecter nos droits fondamentaux, notamment le droit au consentement libre, préalable et éclairé, qui offre un cadre sans précédent, en faveur des femmes, des jeunes et des adultes, compte tenu des répercussions négatives des activités extractives et du pillage des ressources naturelles sur les territoires ancestraux touchés, dont les femmes sont les premières victimes. Il faut également mettre fin à la militarisation et aux déplacements forcés2. En matière d'éducation, nous proposons et exigeons qu'en ce qui concerne les investissements et l'accès à la terre, une attention particulière soit accordée aux jeunes afin que ceux-ci n'aient pas à quitter les villages ruraux et les territoires autochtones, et cela en misant sur les effets incitatifs de techniques appropriées sur la recherche, l'action participative et le respect des savoirs des différentes générations au profit des nouvelles générations rurales grâce à la production alimentaire agroécologique .
2
Document de positionnement politique et plan d’action des femmes autochtones du monde, Lima, 2013.
Nous, les communautés pastorales, demandons à pouvoir compter sur des moyens de consultation participatifs, compte tenu de la situation d'isolement qui est la nôtre et des contextes dans lesquels vivent nos familles, ainsi que sur des politiques différenciées en matière de régimes fonciers, sur des programmes de développement et sur un meilleur accès aux services. Nous percevons et défendons l’agroécologie comme un moyen de résister à un système économique qui place le profit avant la vie. Nos divers modes de production alimentaire à petite échelle basés sur l’agroécologie génèrent des savoirs locaux et contribuent à promouvoir la justice sociale, à définir notre identité et notre culture et à renforcer la viabilité économique des zones rurales. Déclaration de Nyeleny, Mali (2015). Étant donné que l'Accord de Paris met l'accent sur la mercantilisation du climat, nous proposons d'en évaluer les répercussions futures sur l'agriculture familiale. Il est nécessaire de reconnaître l'importance de l'agriculture familiale et le rôle que jouent les petits producteurs, non pas en tant que populations vulnérables ni comme simples parties prenantes parmi tant d'autres, mais en leur qualité de détenteurs de droits et d'acteurs fondamentaux du refroidissement de la planète. Si les États proposent des mécanismes d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ses effets, ils doivent tenir compte des connaissances traditionnelles et des savoirs ancestraux pour les construire. Nous demandons instamment aux États et à la FAO de continuer à favoriser le dialogue en encourageant la participation des plateformes et des mouvements citoyens. L'agroécologie est un droit des peuples. La souveraineté alimentaire ne peut plus attendre! Panama, 19 et 20 février 2016