TABLE RONDE CAMPUS / MON PREMIER EMPLOI / J’AI CHANGÉ MA VIE / VINCENT COSTE, ENTRE CIEL ET MER Samedi 5 juin 2010
DESIGN YOUR CAREER
VINCENT COSTE PHOTO MIREILLE ROOBAERT
L ’avenir de la santé, c ’est vous.
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3* Il voulait devenir pharmacien quand il était petit. Avec la cuisine moléculaire qu’il propose dans son établissement doublement étoilé, il n’en est finalement pas si éloigné. Avant de devenir chef, il est passé par la salle et ses vins. Aujourd’hui il propose une cuisine inventive, où il met notamment le légume à l’honneur.
MON PREMIER EMPLOI En humanités, le latin et les sciences me passionnaient. Mais en 3e année, j’ai changé d’orientation et mon chemin s’est dirigé vers la boucherie-charcuterie que mes parents ont choisie pour moi, après trois mois en restauration. Après mon cycle d’études, une année d’apprentissage dans une boucherie, une autre dans un hôtel-restaurant et mon service militaire derrière moi, j’ai postulé auprès de 40 restaurants et c’est au Pré Mondain (aujourd’hui, le Fou est
Belge) que je suis arrivé à 19 ans. Alors que je postulais en cuisine pour me rapprocher des fourneaux, le patron m’a embauché comme garçon de salle. Cette première place, où je suis resté de 89 à 90, m’a finalement donné l’opportunité de m’intéresser aux vins, initié par le patron!: c’est à ce momentlà que j’ai commencé à me former et à passer des concours, dans le but de devenir sommelier. MON PREMIER SALAIRE 30.000 FB (750 euros). Avant cela j’avais touché des indemnités comme
SANG HOON DEGEIMBRE, CHEF ET PROPRIÉTAIRE DU RESTAURANT «!L’AIR DU TEMPS!»
apprenti (+/–!250 euros). Avec ces 30.000 FB, j’ai pris mon autonomie, mais ce n’était pas évident de couvrir tous les frais (appartement, voiture…). La semaine, je mangeais au restaurant!; le WE je faisais ceinture… MES PREMIERS ACQUIS PROFESSIONNELS J’ai appris tout au long de mon parcours!: la formation en boucherie me sert aujourd’hui comme chef, mon apprentissage m’a appris à mordre sur ma chique, à travailler sans compter, à aborder toutes les facettes du métier
J’ai changé ma vie
PHOTO J-P. GABRIEL
Mon premier emploi
qu’un de mes enfants décide de prendre ma suite, mais il faut que ce soit un choix personnel. Sinon je me vois bien tenir une petite table d’hôte où je puisse accueillir les gens et continuer à partager. MES CONSEILS AUX PLUS JEUNES Prendre le positif de toute expérience et s’en nourrir, garder une bonne dose d’humilité et avancer prudemment.
car vous êtes au four et au moulin. Le Pré mondain m’a ouvert à cet univers des vins que j’ai pu mettre en pratique dans d’autres maisons comme Le Vivier d’oies, à Dorinnes. Ce chemin m’a permis de prendre suffisamment d’assurance pour oser proposer ma propre cuisine. Quand j’ai ouvert mon restaurant en 97, beaucoup ont essayé de me dissuader, mais j’étais persuadé que ma place était en cuisine et je me suis lancé avec conviction et intensité. MA FIN DE CARRIÈRE RÊVÉE Cela me ferait énormément plaisir
Propos recueillis par NATHALIE COBBAUT
Une fois n’est pas coutume, nous ne nous attarderons pas sur le parcours de Bernadette Pâques. L’année 2010, à elle seule, suffit en effet à écrire plusieurs pages d’un carnet de vie bien rempli. «!2010 est l’année du tigre, souffle-t-elle avec un sourire qui la quitte rarement. C’est donc mon année.!»
Bernadette Pâques
PHOTO DR
la vie à pleines lettres Plantons le décor tout de même. Bernadette Pâques, 47 ans, est licenciée en philologie romane. C’est donc une femme de lettres et de mots. Mots pour rire, mots pour convaincre… Après ses études, elle a eu notamment l’occasion de promouvoir la littérature belge de langue française à Madrid. Elle a également été assistante à la KUL, puis formatrice en langues, en entreprise. En 2006, elle a eu envie de créer sa propre activité : CompanyWriters. « Une équipe passionnée et compétente, vante le site, qui a pour ambition de développer avec vous des projets liés à la mise en mots de votre message. En différentes langues et dans différentes cultures. » La société assure des travaux de correction, de traduction, de réécriture, d’écriture et de création artistique. On l’a dit, Bernadette Pâques aime les mots. Mais aussi les gens. C’est pourquoi cette chef d’entreprise attache beaucoup d’importance à « la qualité et la finesse » de la relation avec ses clients. « Dans mon travail il est important de connaître les mots, mais aussi mes clients, leurs produits et leurs propres clients. Pour Delvaux, par exemple, la phrase doit être souple et riche comme le cuir. » D’ailleurs, sa capacité à convaincre, elle l’attribue en bonne partie au fait qu’elle est « vraie » dans tout ce qu’elle fait. « Et
donc je sais mettre en confiance, et je peux aller très loin dans la recherche des besoins et l’écoute des désirs. » Alors 2010 ? L’année a commencé par l’Equiwoman Award. Bernadette Pâques a remporté la première place de ce concours qui met à l’honneur des femmes indépendantes gérant particulièrement bien l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. « C’est clair que je voulais gagner. Mais toute la mobilisation autour de ce concours m’a complètement dépassée. C’était fantastique et je remercie à nouveau tout le monde ! Je ne me rendais pas compte que ce prix boosterait aussi beaucoup d’autres femmes. Maintenant, il faut assumer tout cela. C’est pour cela que l’humour est pour moi quelque chose d’important. » Cette notoriété a eu également un impact positif sur les activités de CompanyWriters. « C’est indéniable, il y a un avant et un après le concours. » Depuis lors, Bernadette Pâques continue de surfer sur la vague… du tigre. Elle est sélectionnée pour le Grand Prix wallon de l’Entrepreneuriat, et nominée au premier Prix européen de l’Entrepreneuriat féminin, dont la remise du prix a eu lieu le 3 juin 2010 dans l’enceinte du Parlement européen, à Bruxelles. « Au fond je trouve que je n’ai pas tellement de mérite, car je fais ce que j’aime. Je suis une femme bénie. »
Référencé par
Carte Blanche
CE QUI NOUS DISTINGUE DE NOS CONCURRENTS Ce qui nous distingue sur le marché de l’emploi, c’est tout d’abord le fait que nous sommes l’un des plus grands employeurs du pays, avec nos quelques 48.000 collaborateurs. Par ailleurs, chaque année, pas moins de 2000 personnes sont engagées au sein de la Police. Notre spécificité tient également au fait que nous représentons une institution au service de la communauté, qui respecte l’égalité et la diversité et que nous recrutons pour un métier utile et reposant sur des valeurs fortes. EN QUOI NOUS DÉSIRONS D’ABORD PROGRESSER La police cherche en permanence à améliorer son fonctionnement et la qualité du service rendu au citoyen, afin de contribuer à plus de sécurité dans le pays et de garantir la démocratie.
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Voutch
Pour atteindre ces objectifs, nous recherchons les meilleurs profils car nous sommes persuadés que c’est en investissant dans les compétences que nous progresserons. CE QUE NOUS APPORTONS À NOS COLLABORATEURS La Police offre des possibilités de carrière tant comme policier que comme membre du personnel civil et ce, dans tout le pays. Les possibilités de mobilité horizontale (obtenir une nouvelle fonction) sont très nombreuses et chaque membre du personnel, disposant des compétences requises, peut participer à des sélections objectives en vue d’obtenir un niveau de responsabilité plus élevé. Outre une formation de base de qualité et rémunérée, nos collaborateurs disposent de nombreuses possibilités de formation continuée ou fonctionnelle. À la stabilité de l’emploi s’ajoutent encore un salaire attractif et d’autres avantages (gratuité des soins médicaux, des transports publics, primes…). Plus d’infos sur les possibilités de carrière à la Police!: www.jobpol.be.
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ALAIN GOERGEN, DIRECTEUR DU RECRUTEMENT ET DE LA SÉLECTION DE LA POLICE FÉDÉRALE
Pour garder l’équilibre – puisque c’était le thème de l’EquiWoman Award –, Bernadette Pâques a appris, en entreprise comme à la maison, à conjuguer « déléguer » à tous les temps. « Depuis que j’ai créé ma société, les rôles se sont petit à petit inversés dans le ménage », confie-t-elle. Son mari détient 40 % de la société. « Je gère le quotidien, mais c’est lui qui me ramène les pieds sur terre. C’est mon coach. » Au prix de « discussions parfois tendues » et de « compromis très instructifs». « CompanyWriters, c’est d’abord mon histoire, explique Bernadette Pâques. Mais je trouve judicieux de faire participer mon équipe, y compris notre fils, et de communiquer beaucoup. Je souhaite que celui-ci comprenne que quand on travaille dans sa passion et ses atouts, ça marche ! » « Finalement, ces concours sont pour nous des occasions de faire un bilan et d’avoir une réflexion un peu méta sur ce que nous faisons. J’aime réfléchir. Or jusqu’à présent, j’étais beaucoup plus dans l’action que dans la conceptualisation. » C’est peut-être pour cela qu’un des rares loisirs qu’elle s’accorde, c’est la marche le long de l’eau, dans son village entre Visé et Maastricht. Souvent le même tour. LILIANE FANELLO « Environ 4.600 pas. »
-Trop superbe, justement : ça me donne des palpitations. 1RE
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Talent
L’amour des avions peut conduire à piloter… une compagnie aérienne. Ou du moins sa filiale belge. Un métier où il faut savoir rester zen. Chez Vincent Coste, c’est tout un art.
et de yoga tous les matins. Pas le week-end, tout entier consacré à ma femme et à mes deux enfants. Quand je ne dédaigne pas une grasse matinée.»
Vincent Coste entre ciel et mer
DIVERSITÉ CULTURELLE
Entre Paris et New York, Dakar et Santiago, il y a un océan. Son autre passion: la mer. La grande bleue. Vincent Coste pratique la plongée en apnée. Record personnel: plus de 5 minutes sous l’eau sans respirer. « C’est une extraordinaire discipline physique et psychologique. Elle rend capable de faire le vide en soi pour relâcher tous ses muscles et dépenser le moins possible d’oxygène.» Combinée avec les exercices de respiration yogiques du Prana Yama indien, ça « procure un calme qui permet d’affronter le stress du quotidien avec beaucoup plus de sérénité. Mes collaborateurs s’étonnent du calme avec lequel j’affronte toutes les situations. Mais je ne suis pas un poisson froid.» Au contraire. Cette capacité au relâchement lui permet de profiter plus intensément de ses émotions. Et de la vie. « On peut vivre les choses à 100 % si on s’en donne les moyens. Sans se laisser polluer par les petits stress qui nous assaillent en permanence ». Début des années 2000, Air France lui offre de rentrer à Paris comme responsable des lignes vers l’Amérique du Nord. Un retour au siège et au cœur du business. « J’ai pu me frotter à toutes les fonctions stratégiques: pricing, gestion de capacité, ouverture et fermeture de lignes… » Vincent Coste vient de dépasser la trentaine. Mûr pour affronter deux traumatismes professionnels, qui le touchent personnellement. D’abord le crash de Gonesse, en juillet 2000, qui coûte la vie à 113 personnes et signera l’arrêt de mort du Concorde. Son bureau est à Roissy, le drame a lieu presque sous ses fenêtres. Ensuite les attentats du 11 Septembre 2001. « Sa » ville est frappée au cœur. Mais aussi son business. Dans l’instant, pas question de se laisser aller. Il faut réagir au quart de tour, rééquilibrer le réseau du jour au lendemain. Mais dans la foulée, Vincent Coste veut prendre du champ. Il le fait brillamment, en décrochant un MBA à l’Insead de Fontainebleau. Une expérience qu’il qualifie de très enrichissante en termes de diversité culturelle, ses condisciples provenant des quatre coins du monde. Elle donne surtout un nouveau coup de réacteur à sa carrière. D’abord aux « grands comptes », où il est chargé de négocier les contrats avec les plus gros clients de la compagnie. Puis à Milan, comme directeur des ventes. « Je voulais retrouver le terrain, les équipes, remettre les mains dans le cambouis.» Entretemps, la compagnie française a épousé la néerlandaise. « Ma mission a consisté à fusionner les équipes locales des deux compagnies. J’ai appris que la culture d’entreprise est plus forte que la culture géographique.» Vincent Coste apprécie les deux. « J’aurais eu beaucoup de mal à travailler pour une entreprise franco-française. J’ai toujours été attiré par la diversité culturelle.»
Comment n’aurait-il pas été prédestiné, lui que les hasards de la vie et de fréquentes expatriations ont si souvent placé dans les traces de son héros, l’écrivain Antoine de Saint-Exupéry, le père du Petit Prince ? SaintEx, le pionnier de l’aviation civile, pilote de l’Aéropostale aux temps héroïques des premières traversées transatlantiques reliant l’Afrique à l’Amérique du Sud, au début du siècle dernier. C’est au Sénégal, là d’où décollaient les avions, que le petit Vincent en a rêvé pour la première fois. Il ne l’a plus lâché. Né à Angers d’un père militaire régulièrement envoyé en garnison à l’étranger, Vincent Coste passe une enfance nomade ballottée entre la Côte d’Ivoire, Djibouti, l’Allemagne ou le Sénégal. C’est là qu’il grandit. L’Aéropostale y avait établi une base et de nombreux vestiges subsistent de cet aventureux passé. Les avions peuplent depuis toujours une part importante de son imaginaire. Un modèle en particulier. Contemporain, celui-là. Et également croisé au Sénégal. Vincent Coste pouvait l’observer à loisir puisqu’il faisait escale à Dakar sur la route de Rio au Brésil. C’est le Concorde mythique, « le plus bel avion qui ait jamais volé ». Dans son bureau du 17e étage de la Tour Louise à Bruxelles, un supersonique miniature lui fait face, posé sur une armoire, le nez tourné vers le large. Entouré d’autres maquettes aux cocardes d’Air France et de KLM. Comme pour rappeler à l’occupant des lieux que la volonté peut suffire à décrocher les rêves. Le sien n’était pourtant pas de piloter. Ou du moins pas un jet. Derrière les baies vitrées qui offrent sur Bruxelles une vue panoramique époustouflante – « on peut même voir les avions décoller de Zaventem » –, c’est la filiale belgo-luxembourgeoise du groupe Air France – KLM que pilote ce passionné. À quarante ans à peine sonnés. Il n’y a pas de hasard.
UNE CARRIÈRE SUPERSONIQUE
Il risque d’être servi, depuis son atterrissage à Bruxelles mi-2008. « Quand on m’a proposé le poste de directeur général d’Air France - KLM pour la Belgique et le Luxembourg, j’ai pensé qu’il ne s’agissait pas d’une destination très exotique, que la culture n’était pas très différente de la mienne. Erreur. La Belgique est un vrai melting-pot culturel.» C’est vrai aussi à l’intérieur de la compagnie. « La greffe a pris. Les deux cultures ont pris le meilleur l’une de l’autre.» Vincent Coste en est persuadé: son parcours international, sa capacité d’adaptation et de compréhension des autres cultures l’ont aidé à réussir l’alchimie de la fusion des équipes qu’il dirige – 60 personnes, à Bruxelles. Mais il est aussi un adepte du soft-management. « Je ne crois pas l’approche violente, à l’américaine. La clé d’une équipe efficace réside dans la motivation, pas dans la peur ni le stress. J’ai toujours cherché à créer un environnement où les gens sont heureux de venir au bureau, où ils se sentent responsabilisés et bien dans leur boulot.» Bien dans sa tête, bien dans son job et bien avec les siens. Son secret? Une philosophie de vie. « Je me suis toujours efforcé de respecter l’équilibre entre quatre piliers. Ma famille, ma vie professionnelle, ma vie sociale et ma vie personnelle. S’ils sont solides et qu’on en coupe un, l’équilibre tient. Mais si on investit toute son énergie dans un seul pilier, par exemple son travail, et qu’on le perd, le monde s’écroule. Une telle vision permet d’orienter plus sagement les décisions du quotidien.» Cela ne vous étonnera pas: même s’il se plaît à Bruxelles, Vincent Coste rêve qu’une prochaine affectation le conduise en Inde, qui le fascine. Peut-être la philosophie bouddhiste y est-elle pour quelque chose. Pas au point d’en faire un adepte. « Le bouddhisme conduit parfois à un certain détachement. Moi, je veux garder ma capacité à être triste ou joyeux, à avoir des émotions.» Comme celle qu’il a ressentie tout récemment, lorsqu’il a eu l’occasion de voler en Airbus A380, le super jumbo exploité par sa compagnie. « J’ai beaucoup de respect pour ceux qui vendent des tournevis ou des biscuits. Mais nulle part ailleurs je ne pourrais me trouver à ce point dans la peau d’un grand enfant. Qui vit ses PHILIPPE BERKENBAUM rêves de jeunesse.» www.references.be
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L’ÉQUILIBRE ENTRE QUATRE PILIERS
PHOTO MIREILLE ROOBAERT
Vincent Coste se voyait plutôt écrivain, « avec un net penchant pour le journalisme ». L’ombre de Saint-Ex, toujours. Et la passion des livres. C’est sans doute son relatif isolement d’enfant toujours entre deux déménagements – celui qui l’a installé à Bruxelles est le 18e du genre – qui l’a amené très jeune à « dévorer beaucoup de romans et grands classiques ». Direction la Sorbonne, à Paris, pour des études d’histoire, suivies par sciences po à Bordeaux. Mais à nouveau, la bougeotte. Pendant ses études, il décroche un stage à New York chez un fabricant de vodka – ça ne s’invente pas. Même si Vincent, dont le père est natif de l’enclave des Papes, en Avignon, est plutôt grand amateur de vin. Il a 21 ans, la vie devant lui et la Grande Pomme à ses pieds, pas question de rentrer trop vite. « J’ai obtenu un second stage dans l’agence de pub qui gérait le budget de la marque de vodka. Parmi ses clients, il y avait Air France. La première guerre du Golfe venait de s’achever. J’ai travaillé sur le repositionnement de l’image du Concorde aux Etats-Unis.» Pas de hasard, vraiment? Un an plus tard, c’est dans l’immeuble new-yorkais où a vécu… Saint-Exupéry pendant la guerre qu’il pose ses valises. Son destin était tracé. Bye la littérature. Bonjour Air France. Début d’une carrière supersonique. « J’ai travaillé trois mois sur ce projet et il faut croire que je ne me suis pas trop mal débrouillé, puisque le directeur général d’Air France Etats-Unis m’a proposé de revenir après mes études. Je l’ai fait dans le cadre de mon service civil. Un an et demi à la direction marketing à New York… Un service militaire de rêve ! » La suite aurait dû être classique. Retour à Paris, parcours du jeune cadre dynamique… Sauf qu’entretemps, Vincent a rencontré Nancy, la jeune photographe américaine qui deviendra sa femme. « Je suis resté encore deux ans aux USA. J’y ai rencontré l’auteur des plus célèbres photos de mon aviateur préféré. Puis Air France m’a offert un poste de directeur commercial à Santiago du Chili. Au bout de la ligne de l’Aéropostale. Vous pensez si je n’ai pas hésité.» Sa femme et lui y passeront quatre ans. À l’époque, les compagnies aériennes se livrent une concurrence effrénée, en surcapacité sur l’Amérique latine. La sienne parvient à s’imposer en damant le pion à la concurrence européenne. Et lance les premiers vols directs entre Paris et Santiago. Pour Vincent Coste, c’est une époque bénie. Ponctuée de trekkings en Patagonie ou dans la cordillère des Andes, arrosée par ces vins du Nouveau Monde qui comblent son amour du divin nectar. Tel est ce quadra. Grand sportif soucieux d’hygiène de vie et amateur de bonne chère, bon vin et même d’un bon cigare. Yin et yang. « En semaine, je pratique une heure de gym
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La table ronde Campus :
On les appelle «!Millennials!» ou «!Facebookers!». La Génération Y, celle des jeunes nés dans les années 1980, fait progressivement son entrée dans la vie professionnelle. Plus d’un DRH est actuellement aux prises avec ces jeunes. Tellement dissemblables de leurs aînés, ils sont proprement incapables de se couler dans le moule du management traditionnel. Tout chez eux est différent!: leur rapport au temps, leur exigence d’individualisation, leur virtuosité avec l’outil internet, leur nomadisme qui en fait des enfants de la mondialisation, riches de leurs réseaux d’amitiés planétaires. Bref, une vision du monde à mille lieues de celle de leurs aînés. Plus important!: ce n’est pas tant l’agilité dans la maîtrise des outils numériques qui les en distingue que leurs systèmes de valeurs largement contrastés. Ces jeunes-là sont impatients, indépendants, multitâches, mobiles, autonomes, adaptables, spontanés, ils aiment les nouvelles technologies et l’engagement citoyen. Le management à l’ancienne qui ne partage pas ses informations pour garder le pouvoir!? Très peu pour eux. Ils vivent l’autorité à travers des rapports horizontaux. Les «!digital natives!» (leur autre nom) ont une manie de l’info en ligne et savent tout très rapidement. En bref, ils ont le respect des connaissances, certes, mais peuvent prouver que vous avez tort. Les décisions!? Ils se sentent en mesure de les remettre en cause, même si elles descendent de la plus haute hiérarchie. Leurs connaissances!? Ils préfèrent les partager, héritage de l’esprit «!wiki!» et du web 2.0. Leurs collègues!? Ils ne sont absolument pas gênés par les open spaces, ces salles où tous les salariés travaillent ensemble, sans cloison. Sans complexe, cette nouvelle génération!? On aurait pu croire que ces jeunes, dans un contexte de chômage élevé, «!filent doux devant un entrepreneur». Raté. Ils contestent, tutoient et n’hésitent pas à quitter un job qui ne leur convient pas, quitte à fonder leur propre boîte. Toute la difficulté pour les entreprises est de parvenir à attirer et à intégrer ces jeunes aux autres salariés. Le défi n’est pas mince. D’ici cinq ans, cette génération représentera 40!% de la population active, pouvant créer un décalage avec les «!anciens!».
Quels sont les nouveaux critères pour séduire les jeunes actifs de la «!génération Y!»!? Comment les recruter!?
travers lequel nos employés peuvent eux-même recommander des candidats à l’entreprise.
Talent Manager Benelux & Germany chez Electrabel!:
membre du Comité des Questions Sociales auprès de la FABI (Fédération royale d’Associations belges d’Ingénieurs civils, d’Ingénieurs agronomes et de Bioingénieurs)!:
ANNE VOGELEER,
Depuis 5 ou 6 ans, notre groupe a surtout mis l’accent sur l’interactivité. D’une part, nous avons renforcé nos partenariats avec les campus des universités et des écoles supérieures, notamment à l’aide d’un réseau de jeunes ambassadeurs, qui témoignent de leur expérience en entreprise. D’autre part, à travers des stages et des traineeships, qui offrent une vue globale de la connaissance de nos métiers. Aujourd’hui, les jeunes diplômés ne se limitent plus à une offre d’emploi officielle ; ils demandent à connaître l’entreprise de l’intérieur. Ils recherchent un dialogue d’égal à égal avec les employés, voire les managers. Ce constat nous a conduit, en 2009, à créer un site web permettant à chaque jeune candidat de dialoguer avec le travailleur de son choix. Cette initiative, encore fraîche, a rencontré beaucoup de succès. Nous avons aussi lancé un programme de « referal » à
Réunis autour de notre table ronde, modérée par Philippe Meysman – directeur recrutement et sélection Belgique pour le cabinet Hudson!–, cinq spécialistes RH et un jeune diplômé tentent de répondre à nos questions.
PATRICK FAUTRÉ,
Quand on interroge les jeunes diplômés, ils se montrent très demandeurs d’un discours opérationnel, aux dépens du discours habituellement formaté de l’entreprise. Toutes les démarches qui sortent du cadre, les rencontres informelles, la possibilité de pouvoir discuter même avec les ouvriers ou les opérations marketing originales, agissent sur eux comme un aimant. En 20 ans, la donne a totalement changé. Aujourd’hui, même si elle n’engage pas, une entreprise se doit d’être présente sur un campus.
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PHOTOS DOMINIQUE RODENBACH
“Génération Y” vs “Monde du Travail S.A.”
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7* Comment les jeunes s’identifient-ils à leur employeur!?
moyen pour postuler, c’est mon réseau d’amis et de connaissances qui ont déjà un job. J’ai un profil LinkedIn, même si je trouve ce réseau plus austère que Facebook. Par contre, jamais il ne me viendrait à l’esprit de postuler via Second Life. Ça véhicule une image totalement fausse. C’est une perte de temps.
SEBASTIEN FONTANA,
jeune diplômé en Communication Sociale et Marketing!: Nous sommes surtout mus par nos valeurs personnelles. Par exemple, je ne pourrais jamais travailler pour une société qui vend du tabac ou un pétrolier. J’essaie de postuler vers une entreprise dont je vais être fier. Je ne considère pas le travail comme un simple acte technique. Nous sommes responsables de ce que nous faisons.
ANNE VOGELEER,
Talent Manager Benelux & Germany chez Electrabel!:
MYRIAM VANDERWEERDE,
Manager RH Broker & Bank Channel chez AG Insurance!: Leur relation à l’argent est beaucoup plus claire et plus ouverte qu’avant. Il n’est plus tabou de demander quelle sera leur rémunération lors d’un entretien d’embauche. Comment fidéliser les jeunes actifs!? Sont-ils tentés par un départ plus rapide et plus fréquent!?
MYRIAM VANDERWEERDE,
Manager RH Broker & Bank Channel chez AG Insurance!: Le véritable changement, c’est que le recrutement sort du cadre strict des ressources humaines. L’entreprise s’ouvre : tous les travailleurs sont aujourd’hui des recruteurs potentiels. Et ce, grâce aux liens directs et informels qu’ils peuvent établir avec les candidats lors d’évènements ou de soirées d’entreprises. Nous recrutons environs 400 personnes par an, à travers plusieurs canaux, dont un programme spécifique, baptisé « Da Vinci ». Le principe ? On propose aux gradués de suivre des sessions techniques, dans nos bureaux, une fois par mois. Cela leur permet de se plonger dans le bain et de poser leurs questions directement aux managers, s’ils le souhaitent. En contrepartie, cela nous permet de repérer les potentiels intéressants. Nous avons aussi un programme de « referal » ou « cooptation », lié à une prime de 1.000 euros brut.
OLIVIER ANDRÉ,
coordinateur Affaires sociales et juridiques au sein du groupe CORA!:
PATRICK FAUTRÉ,
membre du Comité des Questions Sociales auprès de la FABI!: Quelles sont les attentes et les valeurs au travail des jeunes de la génération Y!? Nomades, indépendants, interconnectés sont-ils en rupture avec les codes traditionnels de l’entreprise!? Cette quasi-fracture induit-elle des transformations radicales à venir dans l’organisation et le management des entreprises!?
NADINE DEE,
Responsable du recrutement pour la Belgique chez Partners Assurances!:
Chez nous, le recrutement de la « génération Y » ne constitue pas de révolution en soi. Culturellement, nous avons toujours eu une démarche régionale et ce sont les managers qui sont chargés de la gestion de leurs ressources humaines et du recrutement. Par contre, nous souffrons d’une mauvaise image du secteur de la grande distribution. Les carrières dans ce secteur ne sont pas suffisamment valorisées dans les écoles, alors que le travail dans un hypermarché recouvre un spectre de responsabilités extrêmement variées.
Les entreprises doivent leur proposer des politiques de mobilité interne et de formation très fortes. Elles doivent aussi appuyer un feed-back régulier de la hiérarchie, les primes sur les performances, etc. À ce niveau, on constate un déséquilibre entre les PME et les multinationales qui ne disposent pas des mêmes outils et incitants de rétention.
NADINE DEE,
Responsable du recrutement pour la Belgique chez Partners Assurances!: Nous sommes une petite société. Alors, nous essayons davantage de développer une certaine convivialité, en dehors du travail. Mais les jeunes ne sont pas seulement mus par leur rémunération. Ils ont un besoin accru de reconnaissance à travers leur travail. Et demandent des « feed-back » réguliers. Ils ont une capacité de remise en question, mais peuvent se montrer plus « verbaux ».
SEBASTIEN FONTANA,
jeune diplômé en Communication Sociale et Marketing!: Nous avons l’habitude d’être critiqués lors de nos formations. On nous a toujours appris à justifier et à argumenter nos choix. Il est donc normal d’avoir ces attentes envers les managers que nous considérons comme des mentors.
OLIVIER ANDRÉ,
coordinateur Affaires sociales et juridiques au sein du groupe CORA!:
La loyauté dans la durée, la fidélité à l’entreprise n’est plus aussi présente qu’auparavant. Si un jeune ne trouve pas sa fonction intéressante ou les perspectives de carrière insuffisantes, il n’hésitera pas à aller voir ailleurs. Chez Electrabel, nous soutenons le développement des collaborateurs à travers la formation et la mobilité interne. Nous veillons également à les impliquer dans les projets de l’entreprise autour de valeurs et de thèmes partagés comme le développement durable, thèmes pour lesquels les jeunes sont particulièrement sensibilisés Comment se passe la cohabitation entre la génération Y et celle des babyboomers!? Risque-t-elle de provoquer quelques sérieux conflits de générations, tant les sensibilités sont contrastées!?
NADINE DEE,
Responsable du recrutement pour la Belgique chez Partners Assurances!: Tout évolue en symbiose. La jeune génération amène parfois des dynamiques nouvelles, elle est source de renouvellement. Elle peut déclencher des remises en question positives chez des employés plus âgés.
MYRIAM VANDERWEERDE,
Manager RH Broker & Bank Channel chez AG Insurance!: Les jeunes affichent moins de résistance aux changements. Ils s’adaptent plus vite et évoluent en phase avec leur époque. Ils veulent également apparaître comme vecteurs de sens dans le travail. Généralement, ils font carrière plus rapidement que leurs aînés car ils savent saisir les opportunités et ont la volonté de se développer plus rapidement. Dans 5 à 10 ans, la génération Y commencera à prendre les rênes des départements et des entreprises. Quels impacts annonce-t-elle en termes d’organisation et de management!? Peut-elle changer la finalité même de l’entreprise!?
PATRICK FAUTRÉ,
membre du Comité des Questions Sociales auprès de la FABI!: Les débats autour de la bonne gouvernance, de l’éthique, du développement durable et de la responsabilité sociétale de l’entreprise sont de plus en plus prégnants. Et trouvent un écho favorable auprès des jeunes. C’est dans ce sens qu’ils vont sans doute redéfinir le moule.
Les jeunes recherchent davantage un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Nous observons qu’ils prennent de plus en plus de congés parentaux, de crédits temps et de 4/5e. D’ailleurs, ils connaissent très bien la législation à ce sujet. On doit donc s’adapter, car ces départs peuvent dérégler certains services. Ils attendent aussi beaucoup de formations en interne ou en externe. Ils veulent être au courant de toutes les évolutions.
ANNE VOGELEER,
Talent Manager Benelux & Germany chez Electrabel!: Les changements que drainent les jeunes sont déjà visibles. La génération Y évolue par réseaux, par tribus, par communautés. Ils ont besoin de convivialité, adorent se rencontrer pour échanger des informations. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à acquérir des informations auprès des patrons, sur un mode décontracté, hors cadre. Ils prennent une série d’initiatives qui autrefois n’auraient pas eu lieu. Cela a un impact sur la manière de gérer les ressources humaines, car il faut leur laisser suffisamment de marge de manœuvre, tout en préservant certaines balises.
ANNE VOGELEER,
Talent Manager Benelux & Germany chez Electrabel!:
Nous aussi, nous appliquons un mode de recrutement plus classique. Mais nous n’hésitons pas à placer les candidats en situation réelle, sur le terrain, pour qu’ils puissent interroger les employés, mesurer la température du service et rencontrer les managers.
Nous devons parfois tempérer leur impatience, car ils sont prompts à changer de fonction presque tous les 6 mois. Ils sont également demandeurs de nombreuses explications et réclament un retour régulier sur leurs prestations. Nous travaillons d’ailleurs à leur proposer des tâches attractives, mais aussi à sensibiliser les managers au dialogue, à l’interactivité. Ils sont davantage des « people managers ». Les jeunes veulent aussi progresser plus vite.
SEBASTIEN FONTANA,
OLIVIER ANDRÉ,
NADINE DEE,
Responsable du recrutement pour la Belgique chez Partners Assurances!:
jeune diplômé en Communication Sociale et Marketing!: L’image de l’entreprise joue un rôle très important. Personnellement, je veux un métier qui demande de l’énergie. Nous sommes une génération qui ne sait pas rester sur place. Nous sommes rompus aux citytrips ; presque tous mes congénères voyagent 2 ou 3 fois par an. Et le travail est un moyen pour vivre nos passions. Le moyen le plus simple, selon moi, pour postuler est internet. Au point où il m’est presque devenu impossible de lire les annonces dans le journal. Je me sers de 4 ou 5 moteurs de recherche d’emploi différents. L’avantage ? Il suffit que je personnalise mon profil, ma recherche et j’obtiens des résultats instantanés. Un autre www.references.be
04/06/10 11:51 - REFERENCES
coordinateur Affaires sociales et juridiques au sein du groupe CORA!: En effet, leur rapport au temps a évolué : ils vivent dans l’impatience et l’instantanéité. Un an dans une fonction peut leur paraître une éternité. Il faut donc prévoir des entretiens d’évolution intermédiaires, les formaliser plus régulièrement et donner des perspectives. La rémunération apparaît aussi comme un levier, alors que le statut social que peut représenter un emploi a, à leurs yeux, beaucoup moins d’importance. Ils sont très pragmatiques.
OLIVIER ANDRÉ,
coordinateur Affaires sociales et juridiques au sein du groupe CORA!: La relation à l’autorité a fortement évolué. C’est une génération qui n’a pas connu le service militaire obligatoire. Elle entretient des contacts directs et décomplexés avec les responsables hiérarchiques. La confiance que ceux-ci arrivent à inspirer est un point clé de la fidélisation. D’ailleurs, une mauvaise relation avec son manager est une des principales raisons de départ d’une entreprise.
On croit plus dans les hommes que dans les systèmes. Chaque génération essaie d’apporter le meilleur. Avec les « Y », on est davantage dans une évolution que dans une rupture. Ils ont une capacité d’innovation très forte. Encore fautil que la structure de l’entreprise permette cet épanouissement.
PROPOS RECUEILLIS PAR R.N.
MYRIAM VANDERWEERDE,
Manager RH Broker & Bank Channel chez AG Insurance!: Les jeunes ressentent aussi un énorme besoin de mobilité. Nous la stimulons en réduisant les cycles internes. Mais nous essayons malgré tout de les garder pendant 3 ans dans la même fonction. Ce qui semble parfois encore trop long.
1RE
du 05/06/10 - p. 7