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Ringarde, l’administration ? En ayant redessiné ses nouveaux bureaux, le SPF Sécurité sociale a fait entrer son personnel dans l’ère du « dynamic office ». Une nouvelle philosophie de travail, basée sur la flexibilité, la mobilité, l’esprit collaboratif et l’épanouissement du personnel.

Dossier : le SPF New Look

Au bureau comme chez soi

La Tour des Finances a longtemps fait figure de coupure dans le paysage de la capitale. 144 mètres d’austérité, écrasant sous son poids le quartier de la rue de Schaerbeek et mutilant de façon irréversible le boulevard Pachéco. Inaugurée en 1983, elle devait incarner, par son échelle et sa modernité, l’efficacité de la fonction publique. Par un retour de l’histoire, la fédéralisation ayant mis un terme aux rêves de centralisation, le ciel s’est assombri au-dessus de son toit. Rénovée entre 2006 et 2008, la « Tour » revit… De l’intérieur. Début 2009, le Service public fédéral (SPF) Sécurité sociale y établit ses quartiers. Entre la fin décembre 2008 et janvier 2009, il a fallu faire migrer 1400 personnes. Alors que pareille migration aurait pu relever du casse-tête, la Sécu y a vu l’occasion rêvée pour « créer un environnement de travail qui soit attrayant, dans lequel nos collaborateurs se sentent bien, et qui permette de réaliser des économies d’énergie et sur le plan financier. On a donc laissé sur place tout le matériel d’un autre âge et on en a profité pour passer au 21e siècle… », lance Tom Auwers, Directeur Général de la DG Appui Stratégique. Casser l’image poussiéreuse, bureaucratique et inefficace qui colle aux services publics. Tel fut l’objet du plan baptisé Novo, sur lequel Frank Van Massenhove, le président du SPF Sécurité sociale et son comité de direction ont travaillé pendant quatre ans et qui aura coûté la somme rondelette de dix millions d’euros. « Comme nombre de nos collaborateurs se rapprochent de l’âge de la pension, nous devions en outre trouver le moyen d’attirer une nouvelle génération de travailleurs, jeune, hybride et performante, et si possible, de la garder », avance Tom Auwers. Objectif prioritaire, donc : faire du SPF un employeur sexy.

Le « dynamic office » : fini Courteline

D’une réflexion en profondeur, est finalement né le concept de « dynamic office ». Une nouvelle philosophie de travail : « Les collaborateurs n’ont plus de poste de travail fixe, ce qui permet d’utiliser les différents types de bureaux en fonction des tâches à effectuer. Par ailleurs, l’accent est mis sur une utilisation encore plus économe du papier et sur un recours plus important à l’informatique », explique Tom Auwers. Dans le siège du SPF Sécurité Sociale, tout a été pensé selon les nouveaux canons d’occupation flexible de l’espace. Les fonctionnaires se connectent simplement au départ du bureau de leur choix et leur code d’accès personnel et sécurisé au réseau leur assure une disponibilité, à chaque endroit, des mêmes fonctionnalités et applications. « Aujourd’hui, les moyens techniques ont évolué et continuent d’évoluer. Les informations circulent plus rapidement et sans interruption. L’échange de ces informations n’est plus solidaire d’un espace de travail ou d’un horaire. De surcroît, les outils de travail sont devenus mobiles (PC portables, smartphones, téléphonie mobile…), de sorte que nous pouvons décider où et quand nous travaillons. Mon Pc est mon bureau, les espaces de travail deviennent mes outils !, avance Tom Auwers. Nous avons donc dès le départ accordé une place centrale à cet aspect : tous nos collaborateurs bénéficient d’un ordinateur portable, d’un GSM, d’une connexion ASDL et d’une connexion au réseau interne, ceci tant au bureau qu’à domicile. » Inutile de le préciser : le SPF Sécurité sociale est partisan du télétravail. « Beaucoup de gens souhaitent pouvoir travailler de chez eux, et nous les encourageons à le faire. Ainsi, dans la démarche Novo, la question n’a pas été : « Qui est en mesure de travailler de chez lui ? », mais plutôt « Qui n’est pas en mesure de le faire ? ». » En pratique, 91 % des travailleurs du SPF sont responsables de tâches qui peuvent très bien être effectuées à domicile. « Nous ne sommes donc jamais plus de 53 % à être physiquement présents dans les bureaux du SPF, ce qui nous a permis de faire d’énormes économies en termes d’espace », pointe Tom Auwers. Et bien que cette flexibilité ait pour conséquence de diminuer le nombre de temps partiels, il reconnaît que le télétravail n’est pas la panacée. « Les gens doivent être équipés pour travailler facilement de chez eux, mais ils doivent également se sentir aussi bien au bureau qu’à la maison, pointe Tom Auwers. C’est la clé de la productivité : mettre ses collaborateurs dans des conditions telles qu’ils puissent librement choisir où, quand et comment ils travaillent. » n fonction de la tâche qu’ils doivent exécuter, les fonctionnaires peuvent choisir parmi plusieurs espaces : les « lounges » conviennent pour le travail traditionnel ou les discussions informelles, les « benches » sont dédicacés au travail en équipe tandis que les « cocoons » sont plutôt destinés au travail de réflexion ou aux petites réunions. Avec une politique de clean desk – chacun s’installe où il veut, mais ne laisse aucune affaire traîner après son départ – et d’incitation au travail à domicile, l’espace de travail est évidemment rentabilisé. Le SPF Sécurité sociale a également misé sur la numérisation des dossiers pour réduire ses coûts. « Auparavant, nous utilisions dix palettes d’un million de feuilles de papier par mois ; aujourd’hui, nous avons divisé cette consommation par trois, pointe Tom Auwers. La numérisation est non seulement économique, mais elle permet également un travail beaucoup plus efficace, chacun étant libre

de consulter – de l’endroit où il le souhaite et quand il le souhaite – les dossiers qui le concernent. Je suis convaincu que les bureaux de l’avenir seront « sans papier » ! ».

Il a abandonné son bureau

Synonyme d’échelons ultra-hiérarchisés, de figures autoritaires et de procédures à rallonges, il y a encore quelques décennies, l’Administration serait-elle en train de se métamorphoser ? Pour comprendre le travail monacal réalisé par les collaborateurs de la Sécu sociale, il faut retourner à une époque, pas si lointaine, où l’on dilapidait l’espace de bureaux dans la plupart des grandes organisations. C’est que le poste de travail est considéré depuis plus d’un siècle comme une norme sociale : on parle de bureaux fermés pour le management, d’open-space pour le middle management et les employés… Avec pour conséquences déplorables le stress, l’absence de confidentialité, la perte de concentration. « Le temps où les directeurs avaient un bureau personnel de 50 mètres carrés – où ils ne passaient in fine que 3 % de leur temps – est définitivement révolu. En réalité, l’environnement de travail n’a rien à voir avec la hiérarchie ; c’est en fonction des tâches à effectuer qu’il faut organiser l’espace. Lire ses mails, organiser des réunions, boire un café, se concentrer sur un dossier et parler en privé avec un collaborateur : voilà ce qui nous a amenés à imaginer une combinaison d’espaces de travail ouverts, de petits bureaux vitrés, de salles de réunions et d’endroits plus polyvalents, servant tant à la détente qu’aux discussions plus sérieuses », explique Tom Auwers qui a lui-même montré l’exemple, abandonnant en premier son propre bureau. À l’en croire, les dix millions d’euros investis dans le projet Novo seront bien vite récupérés. « Grâce aux réductions de coûts et à l’augmentation de productivité de nos équipes, nous économisons cinq millions d’euros par an », affirme le directeur général. Avec en outre un taux de rétention de plus de 90 %, et 30 candidats par mois qui expriment le souhait de rejoindre son département, Tom Auwers est (presque) l’homme le plus heureux du monde… Entre 2005 et 2009, les fonctionnaires du SPF sécu sociale ont radicalement changé leur façon de travailler. « Il ne s’agit pas seulement de supprimer les pointeuses et de commander du mobilier design, nuance Tom Auwers. C’est tout notre système de fonctionnement qu’il a fallu repenser. Notre philosophie est très simple : chez nous, tous les collègues sont eux-mêmes les régisseurs de leur propre vie. Ainsi, nous n’allons plus leur dire quand, où et comment ils doivent travailler ». Résultat : les statuts deviennent moins visibles, les rigidités hiérarchiques tendent à disparaître et, avec elles, l’encadrement jusqu’alors omniprésent. L’ensemble se transversalise, s’assouplit… Et à la Sécu, on se met à parler « pyramide inversée », management collaboratif et autonomie individuelle mais aussi culture du résultat, management de la performance, travail en mode projet, engagement sans limite. En bref : on est passé d’un modèle qui infantilisait mais protégeait ses fonctionnaires à un autre qui les valorise, tout en les stimulant. Rafal Naczyk

tom auwers

PHOTO DR


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