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LA grande enquête des salaires
DEntiste
salaire de départ brut
3258 euros
CONSTRUCTION
salaire de départ brut
1.996 euros
PHOTOs shutterstock
« Martine à la ferme », « Martine petite maman », « Martine en voyage »… : en septembre, c’est le 60e album de la série qui sortait de presse, alors que Marcel Marlier fête ses 80 printemps. La Ville de Tournai lui rend d’ailleurs hommage tout ce mois de novembre avec des expos, une cérémonie à l’hôtel de ville et d’autres événements qui salue une longue carrière d’illustrateur.
Mon premier emploi
Photo DR
Marcel Marlier Illustrateur et papa de Martine
Mon premier emploi Mon premier travail rétribué est bien loin : peut-être était-ce ce dessin de saint Nicolas pour un imprimeur libraire du village. Comme dès le plus jeune âge, je remplissais les marges de mes cahiers de croquis, sur les conseils du curé et de mon instituteur, on m’a inscrit dans une école artistique. Mes pauvres parents avaient accepté cette direction, tout en s’inquiétant de savoir si cette activité pourrait un jour nourrir le fiston. Étudiant à l’Institut SaintLuc en 46, au cœur d’un Tournai dévasté par les bombardements, j’ai été sélectionné pour illustrer des livres didactiques. C’était pour les frères des
écoles chrétiennes, j’avais 15 ou 16 ans. Le travail scolaire et les illustrations m’ont dès lors occupé 7 jours sur 7. J’ai commencé à illustrer des albums pour les Éditions Casterman en 51 et d’étudiant, je suis devenu professeur à Saint-Luc. Mais les 7 jours semaine sont restés la règle. Mon premier salaire Je n’ai plus le moindre souvenir du salaire qui fut le mien à l’occasion de ma première illustration. La reconnaissance venant et se traduisant par quelques pièces, puis d’autres et d’autres encore, fut pour moi un laissez-passer vers ce qui deviendrait ma vie. Mes premiers acquis professionnels Dès
le départ, il s’est avéré que j’avais certains dons pour le dessin, puis c’était aussi une époque où le travail ne faisait pas peur. Je passais tout mon temps à dessiner et les croquis s’amoncelaient par centaines. Dans ce métier, les acquis sont venus de certains professeurs, d’un ami peintre, puis d’un travail passionné. Peu à peu, mon trait s’est mis à prendre une certaine personnalité. Les dessins d’alors avaient déjà un je-ne-sais-quoi qui m’est propre et qui est toujours reconnaissable dans mon travail d’aujourd’hui. Ma fin de carrière rêvée J’ai 80 ans et je dessine toujours… Malgré des soucis de santé,
le crayon va toujours là où je lui demande et ma main ne tremble pas. Mon métier est en moi jusqu’au bout des ongles, il est en chacune de mes pensées… Je n’ai pas de fin de carrière rêvée car ma passion et moi ne faisons qu’un. Comment dès lors parler de sa fin à elle sans évoquer la mienne ? Mon conseil aux plus jeunes Soyez passionnés et toujours en recherche. Chaque nouveau dessin est un problème posé, un nouveau défi qu’il faut relever en gardant en soi le plaisir et l’envie de mieux faire.
Propos recueillis par Nathalie Cobbaut
J’ai changé ma vie
Patricia Le Hardÿ Réécrire la vie de ses rêves
« C’est par le langage que nous finissons par croire que nous sommes qui nous disons que nous sommes. » Oui, relisez bien cette phrase, plusieurs fois s’il le faut, car elle résume l’essence de l’Atelier des Mots. Par l’intermédiaire de la littérature et de l’art, cet espace créé en 2005 par Patricia Le Hardÿ permet à chacun de devenir le héros de sa propre vie.
Pourquoi, face à leur vie, tant de gens se concentrent-ils sur les problèmes ? S’il est vrai que problèmes et solutions sont les deux facettes d’une même pièce, Patricia Le Hardÿ a appris à opter pour « la face lumineuse ». « Les problèmes ne m’intéressent pas, et c’est ainsi que j’ai abordé mon propre parcours. À un moment de ma vie, j’ai été dans un précipice de problèmes. Je suis donc consciente des deux choix possibles. Maintenant, j’accompagne des personnes dans la construction de solutions car l’option “problèmes” est un puits sans fond. » L’outil de son métier actuel : l’Approche Narrative. « Les Pratiques narratives sont une approche du coaching, explique cette ancienne journaliste. Il s’agit du dernier-né du courant des thérapies brèves qui inclut la thérapie orientée vers les solutions. Elles aident les personnes à retrouver leur mobilité mémorielle, à déconstruire des souvenirs figés pour concevoir d’autres conclusions. Les personnes vont alors être amenées à se remémorer des moments exceptionnels de leur vie, où l’histoire ne s’est pas passée comme d’habitude. Narrer ces “exceptions” avec une multitude de détails va donner à celles-ci une consistance. À partir de là, les personnes vont réécrire leur autobiographie, et au bout du compte construire pas à pas la vie de leur rêve. » Patricia Le Hardÿ est arrivée à cette pratique un peu par hasard, poussée par la curiosité, une grande ouverture d’esprit… et un arrêt forcé pour cause de maladie. « En 2001, j’ai eu des problèmes de santé et j’ai dû arrêter de travailler, raconte-t-elle. J’avais 45 ans et je me suis rendu
Stressés mais enthousiastes
L’environnement de travail peut exercer une influence positive sur le bien-être des travailleurs. Au-delà de l’épanouissement personnel, le travail offre des possibilités de développer ses compétences et de nouer des contacts sociaux. Mais il peut également être source de stress. C’est pour en mesurer le niveau que le Groupe RH HDP-AristA, partenaire « bien-être au travail » des entreprises, lance son premier Baromètre Zen. Il a pour but de mesurer le niveau et les facteurs de stress auprès des travailleurs. Résultats : les troisquarts des salariés interrogés se déclarent enthousiastes au travail. Un taux qui grimpe à 90 % dans le chef des managers. Mais près de 50 % des travailleurs déclarent avoir un niveau de stress élevé (43 %) à très élevé (6 %). Les résultats complets sur www.hdp-arista.be/images/stories/Groep/Persberichten/Article_Baromètre_Zen.pdf.
Référencé par
compte que je ne me connaissais pas bien. C’est comme si je revenais à moi-même après vingt ans de contacts avec l’extérieur. » Elle a alors commencé par suivre des ateliers d’écriture. C’était une découverte. Une dimension de l’écriture spontanée et créative, sans autre but que le plaisir. « Pour résumer, pendant vingt ans de journalisme, je donnais de l’espace à la créativité de ceux que je rencontrais. Alors que dans cette nouvelle partie de ma vie, je m’intéressais à ma propre créativité. Et comme je suis de tempérament partageur, j’ai eu envie de permettre à d’autres de déployer la leur, de retrouver confiance en eux, et de se rendre compte qu’écrire est moins compliqué qu’ils n’imaginent. » De là ont suivi une série de formations à différentes pratiques. Il lui fallait notamment acquérir des outils pour pouvoir gérer les émotions se manifestant lors des ateliers. C’est au détour de ce parcours initiatique qu’elle a découvert l’Approche Narrative. « C’est un peu comme dans les contes : vous faites un pas, vous ne savez pas où ça va mais vous sentez que c’est bon. Je suis assez entière, je n’ai pas de plan. Je suis portée par une sorte d’enthousiasme, d’envie de découvrir. Et finalement, tout ça est étonnamment cohérent puisque dans l’Approche Narrative, je me retrouve à interviewer des gens qui deviennent des experts de leur propre vie. » L’Atelier des Mots propose un accompagnement individuel ainsi que des formations et séminaires conçus pour des groupes travaillant dans les champs de l’enseignement, la psychothérapie,
l’entreprise, du travail social et associatif, de la relation d’aide, des organisations et institutions. Son métier de journaliste ne l’a jamais vraiment quittée, en réalité. Cela se devine au fait qu’elle semble plus dans son élément à poser les questions qu’à y répondre. Et puis parce qu’on ne tourne pas comme cela la page d’un métier qu’on a exercé avec passion pendant tant de temps. « Ce qui m’a surtout attirée dans mon métier de journaliste, c’est la rencontre avec les personnes. Aller vers les gens qui étaient des experts dans leur domaine était pour moi un grand plaisir. Et puis j’étais très indépendante dans le choix des sujets, ce qui répondait bien à ma grande curiosité. J’ai pu ainsi proposer des sujets très variés. Pendant vingt ans, je n’ai pas vu le temps passer. » Aujourd’hui, Patricia Le Hardÿ a 57 ans, et elle ne s’est jamais sentie aussi jeune, dit-elle. « Je ne conçois pas ma vie comme un chemin pentu, de dégénérescence, mais un chemin de santé, de joie de vivre. Je suis dans un mouvement de l’avant. » Et dans un bouillonnement de projets. Elle se prépare par exemple à retourner, pour ses 60 ans, au Congo où elle est née. Pour l’occasion, elle apprend le lingala et s’initie au kasàlà, une tradition orale africaine qui consiste en un texte poétique et rythmé de louange de soi et de l’autre. Un prochain chapitre de sa vie pourra ainsi s’intituler « Patricia au Congo »… LILIANE FANELLO www.latelierdesmots.be
Serge Dehaes
Enquête Salaires
professionnelle et privée notamment, n’ont pas diminué. À cette différence notable près : les francophones, plus durement touchés, paraissent prêts à accepter davantage de concessions que les Flamands. Les chercheurs de la KU Leuven se sont aussi penchés, cette année, sur la notion d’équité. Attention danger : les excès salariaux des « élites », qu’ils soient réels ou perçus comme tels, paraissent, aux yeux des participants à l’enquête, plus choquants que jamais. BENOÎT JULY
Alors que les effets de la profonde crise traversée par le marché de l’emploi commencent à peine à s’estomper, la vaste enquête salariale réalisée par Références en partenariat avec la KU Leuven tombe à point nommé. Ses résultats sont, à certains égards, rassurants - le niveau global des salaires n’a pas été touché - mais ils interpellent tout autant : les obstacles rencontrés par les candidats dans la quête d’un emploi sont plus nombreux que jamais… alors que leurs exigences, sur le plan des valeurs et de l’équilibre entre vie
Gilles Klass est directeur général adjoint du cabinet de recrutement et sélection Mercuri Urval. À ses yeux, les résultats de l’enquête de Références, réalisée en partenariat avec la KUL, donnent un aperçu très représentatif de la réalité du marché de l’emploi aujourd’hui. Un marché dur, marqué par la crise, au sein duquel les candidats savent pourtant très précisément ce qu’ils recherchent mais aussi ce qu’ils ne sont pas prêts à concéder…
Changer pour le meilleur, même en période de crise
Quel regard portez-vous sur les « sacrifices » ou concessions que les candidats sont prêts – ou non - à consentir pour accepter un emploi ? Pour l’anecdote, je m’interroge sur le sens du mot « sacrifice »… qui me paraît un peu paradoxal dès lors qu’on s’inscrit dans le cadre positif d’une recherche de progression professionnelle ! Ceci étant, je me réjouis de constater que les répondants à l’enquête sont prêts à accepter un nouvel emploi pour de bonnes raisons : ils sont d’accord avec l’idée que celui-ci relève d’un autre secteur, que le contenu ou la fonction diffèrent de leur dernier job, ou qu’il exige d’autres connaissances et compétences. Cet état d’esprit s’inscrit dans le cadre de la flexibilité recherchée par les employeurs et, plus globalement, dans la réalité du marché tel qu’il se présente aujourd’hui : les gens sont prêts à se remettre en question et à évoluer pour s’y adapter. Je suis un peu plus mitigé vis-à-vis du degré d’acceptation un peu moindre du perfectionnement ou du recyclage… dans la mesure où ceux-ci sont souvent indispensables pour exercer une nouvelle fonction. L’enquête démontre aussi que les candidats ne sont pas prêts à tout accepter. La mobilité, notamment, n’est pas aussi forte que souhaitée par les employeurs… C’est exact, mais ce n’est pas nouveau. Le blocage des Belges face à l’idée de déménager est connu de longue date. Contrairement à la France par exemple où il est impossible d’accepter un job à 500 kilomètres de chez soi sans changer de domicile, la Belgique est tellement petite qu’on pense pouvoir résoudre le problème en roulant davantage. Mais on perçoit de plus en plus les limites de ces choix qui conduisent nombre de personnes à perdre des heures dans les embouteillages… ou à refuser un emploi situé trop loin de chez eux ! À défaut de mesures fortes pour favoriser la mobilité, le problème risque de devenir ingérable. Le refus de renoncer à ses valeurs ne colle-t-il pas parfaitement à l’air du temps ? Le refus de sacrifier ses valeurs, ou d’accepter un job qui ne convient pas à ses centres d’intérêts ou à sa personnalité, me paraît effectivement bien représentatif de l’influence de la jeune génération - la Y Génération -, qui pourtant n’est pas majoritaire parmi les répondants. Il s’agit à mes yeux d’un véritable mouvement de fond qui porte non seulement sur le souci d’exiger de son futur employeur qu’il se comporte de manière citoyenne mais aussi qu’il respecte les aspirations de ses collaborateurs à une meilleure qualité de vie, notamment. Mais il ne faut non plus se voiler la face : de telles exigences ne sont pas faciles à rencontrer, surtout dans un contexte de crise. Ce qu’on constate aujourd’hui dans les entreprises, en réalité, c’est que l’atmosphère de travail se dégrade en beaucoup d’endroits du fait de l’obligation de réduire les coûts, ce qui se traduit parfois par des licenciements et, en conséquence, par une augmentation de la charge de travail qui repose sur les collaborateurs « épargnés »… Le refus d’accepter un job qui ne répond à son ambition professionnelle, n’est-ce pas une lapalissade ? À première vue, c’est le cas. Quelqu’un qui a un emploi ne va pas changer pour un « moins ». Mais c’est beaucoup moins vrai pour celles et ceux qui ont récemment perdu leur job et qui sont en plein doute. J’ai rencontré dernièrement des candidats qui étaient prêts à accepter des réductions de salaires très fortes parfois de l’ordre de 30 % - pour retrouver un emploi. Mais on peut relativiser le propos en imaginant qu’il ne s’agit que d’une concession provisoire. La gestion d’une carrière fait appel à la stratégie : il faut parfois accepter de reculer un peu pour mieux rebondir par la suite. Vous évoquez le fait d’accepter une réduction de salaire. Mais celle-ci n’est pas toujours suffisante. On voit bien, dans le regard des répondants, que certains des principaux obstacles dans la recherche d’un emploi leur paraissent difficilement surmontables… Les périodes de
TOP 5 DES SACRIFICES QUE LES CANDIDATS SONT PRÊTS À CONSENTIR 100 %
Pourcentage des candidats prêts à accepter un emploi qui... pas prêts à accepter
90 %
prêts à accepter
sans opinion
80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 %
d’apprendre dans leur nouveau job. Les réponses à l’enquête sont en réalité très cohérentes : les candidats recherchent avant tout du contenu, des possibilités de promotion, mais ne sont pas prêts à tout y sacrifier. Ils veulent du respect (« un emploi où mon niveau est respecté »), de la sécurité (« un contrat à durée indéterminée »), à proximité de chez eux, dans le cadre d’horaires pouvant s’adapter aux priorités de leur vie privée. À mes yeux, cette enquête donne un aperçu très représentatif de la réalité du marché de l’emploi aujourd’hui. Propos recueillis par BENOÎT JULY
20 % 10 % 0%
relève d’un autre secteur que leur dernier emploi
diffère de leur dernier emploi par le contenu
diffère de leur dernier emploi par la fonction
exige d’autres connaissances et compétences que leur dernier emploi
nécessite un perfectionnement ou un recyclage LS - 20.11.10
PRINCIPAUX OBSTACLES DANS LA RECHERCHE D’UN EMPLOI En % Les employeurs exigent plus d’expérience
47
Les employeurs recherchent un candidat moins âgé
TOP 5 DES SACRIFICES QUE LES CANDIDATS SONT LE MOINS PRÊTS À CONSENTIR 100 %
Pourcentage des candidats prêts à accepter un emploi qui...
90 %
pas prêts à accepter
37
35
Les employeurs font appel à des aptitudes particulières comme le fait de savoir dirigerune équipe, résister au stress,être assez flexible, etc.
80 % 70 % 60 % 50 %
32
Je ne connais pas assez de gens influents
40 % 30 % 20 % 10 % 0%
Les employeurs exigent une meilleure connaissance des langues Les employeurs ont d’autres exigences en termes de formation
prêts à accepter
sans opinion
40
implique de déménager dans une autre région
s’exerce au sein d’un organisme dont les valeurs ne correspondent pas aux leurs
s’exerce au sein d’un organisme dont la culture ne convient pas à leur personnalité
ne répond pas à leurs centres d’intérêts
ne répond pas à leurs ambition en termes de carrière professionnelle
LS - 20.11.10
31
Les employeurs engagent très peu de chômeurs de longue durée
28
Les employeurs estiment les travailleurs de ma génération moins productifs
28
Mon barème (coût) est trop élevé
27
Je ne peux ou ne veux pas déménager
17
Je ne suis pas assez assertif dans mes candidatures
crise se traduisent souvent par un durcissement des exigences des employeurs. Pourquoi ? Parce que le risque relatif au recrutement de quelques collaborateurs est plus élevé que lorsqu’on recrute en masse. En clair : les employeurs cherchent de véritables perles rares, des candidats qui ont toutes les qualités, de l’expérience, une bonne connaissance des langues, des aptitudes particulières comme la gestion d’équipe ou la résistance au stress, entre autres. Je dois parfois leur dire que ce raisonnement n’est pas le meilleur car il conduit à des procédures de recrutement plus longues, dont plus coûteuses, et finit parfois, en l’absence de solution, par une réduction des exigences de départ. Les procédures sont plus longues également parce que dans un contexte économique incertain les gens qui ont un emploi sont moins enclins à changer d’employeur : ils privilégient la sécurité. Les perles rares sont donc d’autant plus difficiles à trouver. Certaines exigences ne sont-elles pas illégitimes, voire illégales, comme les obstacles liés à l’âge ? Je comprends que les candidats plus âgés pensent qu’il s’agit-là d’un obstacle mais ce n’est pas le cas - la référence à l’âge est d’ailleurs désormais interdite. Quand on est plus âgé, il faut en revanche adopter des stratégies de recherche différentes : être flexible sur le salaire - car le coût salarial est un facteur déterminant - et faire preuve de modestie - les employeurs apprécient les profils
expérimentés mais détestent l’arrogance. Je dois aussi souligner que le fait de « ne pas connaître des gens influents », qui est invoqué par 31 % des répondants, peut-être par déception ou dans le cadre d’un processus de défense psychologique, ne correspond pas du tout à la réalité. Bénéficier d’un réseau - professionnel, s’entend - peut certes aider à rebondir mais n’est pas déterminant : ce sont toujours les qualités individuelles du candidat qui, au final, font la différence. à cet égard, il est étonnant que seuls 16 % des répondants voient dans le fait de ne pas être assez assertif dans leur candidature un obstacle dans la recherche d’emploi… alors qu’il s’agit d’une qualité déterminante : il est très important de pouvoir montrer qu’on veut ce job, qu’on est motivé ; cela pèse très fort dans la balance ! Un dernier mot sur les critères privilégiés par les candidats pour accepter un emploi : 74 % souhaitent un job dans lequel ils vont apprendre quelques chose et seuls 39 % privilégient le salaire. Hypocrisie ? Soyons clair, personne ou presque ne change de job pour un salaire moins élevé sauf s’il le fait en concordance avec ses valeurs : pour travailler dans une organisation non gouvernementale par exemple. Mais il est tout aussi vrai que la recherche d’un meilleur salaire est rarement le seul élément décisif. On en revient au début de l’entretien : il est vraiment réjouissant que les candidats recherchent en priorité la perspective
Un panel de près de 65.000 personnes
16
Je ne suis pas en assez bonne santé
10
Les employeurs recherchent un candidat plus âgé
10
Je manque de temps pour solliciter un emploi
8 LS - 20.11.10
LES CRITÈRES PRIVILÉGIÉS PAR LES CANDIDATS POUR ACCEPTER UN EMPLOI Un emploi dans lequel j’apprends quelque chose
En % 74
Un emploi où mon niveau est respecté
72 66
Un contrat à durée indéterminée Un emploi à proximité de chez moi
51
Un emploi offrant des opportunités de promotion
50 47
Des horaires réguliers Des horaires pouvant s’adapter aux priorités de la vie privée
45
Un bon salaire Un emploi qui n’exige pas trop d’efforts physique ou qui ne soit pas trop stressant Un emploi qui prévoit des avantages comme la mise à disposition d’un GSM ou d’une voiture de société
39 24
20 LS - 20.11.10
Quelque 63.193 personnes ont participé à cette enquête, ce nombre étant en retrait par rapport à l’édition de 2008 mais néanmoins largement supérieur aux 15.000 personnes de la toute première édition. La répartition entre hommes (58 % des répondants) et femmes (42 %) reste constante au fil des années, de même que la répartition par tranches d’âge : 28 % des répondants ont moins de 30 ans ; 34 % affichent entre 30 et 40 ans ; 25 % ont entre 40 et 50 ans ; 13 % sont plus âgés. La ventilation du panel reflète assez logiquement celle du lectorat de Références puisque les répondants sont majoritairement employés au sens large (77 %). Viennent ensuite les fonctionnaires (14 %) et les ouvriers (9 %). On notera enfin la répartition suivante sur le plan des études : 22 % des répondants sont titulaires d’un diplôme universitaire, 15 % ayant suivi l’enseignement supérieur de type long et 30 % l’enseignement supérieur de type court. 33 % des répondants ont un diplôme de l’enseignement secondaire. BJ
Des francophones plus flexibles que les Flamands C’est probablement l’une des constatations a priori les plus étonnantes de cette enquête réalisée en partenariat avec la KUL : quels que soient les critères pris en compte, les francophones sont, à chaque fois, prêts à consentir davantage d’efforts que leurs homologues flamands pour obtenir le job convoité. Ils se montrent en effet plus conciliants au niveau du contenu du travail et sont prêts à consentir davantage de sacrifices sur le plan personnel ou sur celui de la carrière. Ils se montrent également moins exigeants sur la question du respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et se déclarent prêts à accepter, pour obtenir un nouveau job, une position moins élevée. « Si l’on regardait cela de l’extérieur, sans rien connaître aux spécificités de la Belgique, une seule conclusion s’imposerait : mieux vaut en tant qu’employeur recruter un francophone qu’un néerlandophone puisqu’il est manifestement plus flexible !, commente Gilles Klass, directeur général adjoint de Mercuri Urval. Mais il ne s’agit en réalité que
de l’illustration de l’existence de deux marchés de l’emploi sensiblement différents : la Wallonie est depuis longtemps confrontée à la crise et les candidats ont dès lors intégré l’idée qu’ils n’y sont pas en position de force, qu’ils devront
peut-être accepter l’une ou l’autre concession. Jusqu’il y a peu, c’était nettement moins vrai en Flandre où le marché de l’emploi était beaucoup plus tendu : lorsque le niveau de chômage est faible, les candidats sont en position favorable LS - 20.11.10
LES FRANCOPHONES MOINS REGARDANTS 100 %
pas prêts à accepter
90 %
prêts à accepter
sans opinion
N = Néerlandophones F = Francophones
80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 0%
N
F
N
sacrifices liés au contenu du travail
F
N
sacrifices personnels
F
sacrifices en termes de carrière
N
F
N
position moins élevée
F
plus de conflits entre vie professionnelle et familiale
et peuvent exiger davantage. » L’analyse est identique à la KUL où l’on constate que les francophones ont une approche plus pessimiste du marché de l’emploi, ce point de vue étant justifié aux yeux des chercheurs flamands par le fait que le taux de chômage est plus élevé en Wallonie qu’en Flandre, que les perspectives d’embauche déclarées par les employeurs, du moins au moment de l’enquête (1er trimestre 2010), sont nettement plus faibles en Wallonie, et que le sentiment de confiance, mesuré selon plusieurs critères, y est aussi moins élevé. Bref, si les francophones paraissent plus flexibles, c’est qu’ils y sont contraints et forcés. « Du point de vue du recruteur, ce n’est pas nécessairement une bonne chose, analyse Gilles Klass. Ce n’est pas, en effet, parce qu’il est motivé que le candidat accepte alors de faire des efforts, mais parce qu’il est obligé. Sa satisfaction au travail risque dès lors de ne pas être très élevée, son objectif pouvant se résumer à terme à tenter de trouver… BJ un autre employeur. »
Les effets de la crise, financière dans un premier temps puis économique au sens large, n’avaient pas eu le temps d’influencer les résultats de notre précédente enquête salariale qui avait été publiée à l’automne 2008. Deux ans se sont écoulés depuis lors : qu’en est-il aujourd’hui ?
Les salaires ont été
épargnés par la crise LS - 20.11.10
LES SALAIRES DES PARTICIPANTS
Le salaire brut moyen des participants : 3.004 euros
4.600
Salaire net en euros
Salaire brut en euros
« Les résultats de cette année sont fortement comparables à ceux d’il y a deux ans, constate Gert Theunissen, chercheur à la KU Leuven. Le marché de l’emploi a certes été fortement bousculé par la crise, les vannes du recrutement se sont quasiment fermées pendant de longs mois, mais l’impact sur les salaires a été limité : les entreprises ont préféré limiter leurs coûts par ailleurs. Les mesures gouvernementales anti-crise, comme l’introduction sous condition du chômage économique pour les employés, ont en outre permis de stabiliser quelque peu la situation. » Le mécanisme d’indexation des salaires a bien entendu lui aussi joué un rôle stabilisateur… même lorsqu’il fut (temporairement) légèrement négatif puisque rares sont les entreprises qui ont alors décidé de baisser les salaires à due concurrence. Résultat : le salaire brut médian de notre panel s’élève cette année à 2.648 euros, contre 2.500 euros il y a deux ans, soit en hausse de 5,92 %. Quant au salaire brut moyen de notre enquête, il s’élève à 3.004 euros, ce qui correspond peu ou prou aux derniers chiffres publiés par le SPF Economie (2.936 euros). On notera que la moyenne est plus élevée que la médiane (qui correspond à la moitié de l’échantillon) pour une raison simple : les plus hauts salaires tirent dans ce cas proportionnellement davantage la moyenne vers le haut que les plus bas salaires… vers le bas.
3.718 3.250 2.924 2.200
2.000
1.800 1.320
10 % gagnent moins de
2.400
1.425
20 % gagnent moins de
30 % gagnent moins de
40 % gagnent moins de
50 % gagnent moins de
60 % gagnent moins de
2.250
2.000
1.860
1.740
1.620
1.503
2.650
2.648
70 % gagnent moins de
80 % gagnent moins de
90 % gagnent moins de
DIFFÉRENCES SALARIALES ENTRE FONCTIONS
Ici encore, les données de base n’ont pas été bouleversées. Comme il y a deux ans, ce sont les organisations internationales, l’industrie chimique et l’industrie pharmaceutique qui offrent les salaires les plus attractifs. Tout à l’autre extrémité de l’échelle, ce sont à nouveau l’horeca et le secteur du tourisme et des loisirs qui se caractérisent par les rémunérations les plus basses. Mais on peut constater, cependant, que les écarts se sont quelques peu amoindris : alors que la chimie offrait un différentiel positif de 22,6 % en 2008, il n’est plus « que » de 18,4 % cette année. À l’inverse, l’horeca qui affichait un différentiel négatif de 13,4 % il y a deux ans voit celui-ci se réduire à 11,8 % cette année. « Dans l’ensemble, ce tableau confirme lui aussi l’existence d’une relative stabilité », confirme Gert Theunissen (KU Leuven). LS - 20.11.10
DIFFÉRENCES SALARIALES ENTRE SECTEURS - 11,80 %
Horeca, catering Tourisme et loisirs
- 10,28 % - 8,23 %
Commerce de détail, grossiste
- 7,34 %
Secteur socio-culturel
- 7,04 %
Industrie textile, vêtements, cuir et chaussures
- 6,31 %
Autorités locales (commune, province)
- 4,80 %
Autres services destinés aux entreprises et aux particuliers (immobilier, surveillance, nettoyage…) Aide sociale, prestation de services communautaires, organisations représentatives Agriculture et horticulture, élevage, pisciculture, exploitations minières
- 4,65 %
Gouvernement fédéral
- 5,37 % - 5,36 %
- 3,57 %
Services associés à la gestion des ressources humaines (sélection et recrutement, formation, ...)
- 2,48 %
Institutions régionales et communautaires
- 2,24 %
Publicité et médias, divertissement et communication
- 0,93 %
Consultance, conseil fiscal et juridique, recherche et développement
- 0,61 %
Enseignement et recherche scientifique
Télécommunications
+ 0,82 %
Production de denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac
+ 1,16 %
Santé publique
+ 1,80 %
Informatique
+ 2,18 %
Construction d’habitations et bâtiments utilitaires, routes et voies hydrauliques Transport, logistique et distribution Industrie du bois, industrie du papier, industrie graphique, industrie du diamant, production de meubles, verrerie, … Métallurgie, fabrication de produits métalliques, construction mécanique, industrie électro-technique… Banque et crédit, assurances Production et distribution d’énergie, approvisionnement en eau Industrie pharmaceutique Industrie chimique, pétrochimie et gaz naturel, traitement du caoutchouc et du plastique Organisations et institutions internationales
+ 2,77 % + 3,74 % + 3,84 % + 4,53 % + 6,36 % + 9,86 % + 12,54 % + 18,44 % + 23,35 %
Mieux vaut exercer une fonction juridique que logistique
Logistique et distribution
- 6,82 %
Organisations internationales, chimie et pharma restent dans le top 3
- 3,07 %
Administration, services centraux
- 2,85 %
Services d’assistance technique
- 2,20 % - 1,75 % - 0,77 % - 0,71 % Services exécutifs
Marketing et communication Ingéniérie Gestion du personnel et des ressources humaines Services d’achat
+ 0,00 %
Services commerciaux
+ 0,83 %
Finances et comptabilité
+ 0,93 %
ICT et internet Direction générale Recherche et développement Services juridiques
Le tableau relatif aux fonctions doit s’analyser indépendamment de l’influence sectorielle. Qu’y constate-t-on ? Que ce sont les employés actifs dans les services juridiques qui sont comparativement les mieux payés, quel que soit le secteur dans lequel l’employeur évolue. Les fonctions de recherche et développement bénéficient elles aussi d’une plus-value, ce qui confirme une tendance lourde : les entreprises tendent de plus en plus à se démarquer en développant des produits et services à plus haute valeur ajoutée. Suivent enfin les fonctions attachées à la direction générale, celles relatives à l’informatique (davantage en verve précédemment), à la finance et à la comptabilité. En revanche, on constatera que les fonctions relatives à la logistique et la distribution, à l’administration centrale et aux services d’assistance technique forment le « top 3 »… des fonctions les moins bien rémunérées.
+ 1,41 % + 4,34 % + 5,02 % + 6,46 % LS - 20.11.10
LE CLASSEMENT DES SALAIRES
Salaires bruts de départ : du simple au double
Comme on le lira par ailleurs, la prime au diplôme reste plus que jamais d’actualité. La formation initiale ne détermine certes par la totalité de la carrière ni même systématiquement la rémunération - qui est essentiellement liée à la fonction - mais force est de constater que, dans les faits, la plus-value d’un « bon diplôme » est réelle. Le tableau qui ressort de notre enquête le démontre à souhait : le diplôme de médecine permet, en moyenne, de démarrer avec un salaire brut (3.258 euros) équivalant pratiquement au double de celui qui figure en bas de l’échelle de notre échantillon (1.740 euros). Le lien avec l’approche sectorielle est frappant : les diplômes scientifiques, qui sont les plus rémunérateurs, sont aussi ceux qui sont les plus recherchés par les secteurs offrant les rémunérations les plus élevées comme la chimie ou la pharma, notamment.
Discipline (avec diplôme unique)
LS - 20.11.10
Salaire moyen de départ (salaire mensuel brut)
Médecine (médecin, dentiste) Sciences pharmaceutiques Ingénieur civil, ingénieur architecte Bio-ingénieur, ingénieur agronome Informatique Droit Sciences exactes (biologie, physique, chimie) Ingénieur commercial, ingénieur commercial en informatique de gestion Ingénieur industriel, expert immobilier-géomètre Sciences économiques Sciences biomédicales Sciences économiques appliquées Médecine vétérinaire Sciences médico-sociales et hospitalières Psychologie, pédagogie Sciences sociales (sociologie, sciences politiques) Criminologie Education physique, kinésithérapie, logopédie Licencié en administration des affaires, ingénieur commercial, sciences économiques Linguistique, philologie Philosophie, théologie Technologie et sciences industrielles Licencié en journalisme, interprétariat, traduction Informatique (A1) Infirmerie, sage-femme Histoire, histoire de l’art, musicologie, archéologie Puériculture, enseignement Régendat, agrégation de l’enseignement secondaire inférieur Construction, graduat bois Travail social (assistant social, etc.) Santé publique (laborantin, logopède, kinésithérapeute) Gestion d’entreprise (comptabilité, fiscalité, etc.) Secrétariat-langues Architecture Tourisme et loisir Médias, publicité Horeca, hôtellerie Architecture d’intérieur Etudes artistiques (théâtre, musique, design, arts plastiques)
3.258 ¤ 2.739 ¤ 2.689 ¤ 2.540 ¤ 2.476 ¤ 2.424 ¤ 2.414 ¤ 2.393 ¤ 2.376 ¤ 2.352 ¤ 2.336 ¤ 2.306 ¤ 2.301 ¤ 2.292 ¤ 2.263 ¤ 2.231 ¤ 2.230 ¤ 2.216 ¤ 2.164 ¤ 2.152 ¤ 2.139 ¤ 2.126 ¤ 2.117 ¤ 2.036 ¤ 2.027 ¤ 2.024 ¤ 2.019 ¤ 2.007 ¤ 1.996 ¤ 1.966 ¤ 1.955 ¤ 1.922 ¤ 1.917 ¤ 1.901 ¤ 1.860 ¤ 1.830 ¤ 1.829 ¤ 1.747 ¤ 1.740 ¤
DIFFÉRENCES SALARIALES EN FONCTION DES RÉGIONS - 6,93 %
LS - 20.11.10
Luxembourg
- 3,09 %
Hainaut
- 2,54 %
Liège
- 1,65 % - 1,04 % - 0,44 % Brabant wallon Flandre occidentale
Limbourg Namur Flandre-Orientale
+ 1,73 % + 2,47 %
Anvers
+ 2,94 %
Brabant flamand
+ 2,96 %
Bruxelles
+ 6,26 %
Les provinces wallonnes en queue de peloton, à l’exception du Brabant wallon
Un différentiel de 6 % à la hausse comme à la baisse, ce n’est pas négligeable : mieux vaut dès lors, à la lecture des différences par province, privilégier un employeur établi à Bruxelles que dans le Luxembourg, le Hainaut, le Limbourg ou Liège. À l’exception notable du Brabant wallon, toutes les provinces wallonnes offrent un différentiel salarial négatif par rapport à la moyenne. Comment expliquer cela ? « La tension sur le marché de l’emploi est déterminante, commente Dimitri Morel, consultant en rémunération chez SD Worx. Mais il faut aussi tenir compte d’autres éléments comme le fait qu’à Bruxelles se trouvent les Q.G. de nombreuses institutions ou entreprises multinationales, qui tirent les salaires vers le haut - ce dont profite aussi le Brabant wallon. Indirectement, le coût de la vie est influencé lui aussi à la hausse et justifie que les candidats souhaitent obtenir un salaire plus élevé. À l’inverse, on sera peut-être tenté d’accepter un salaire moins élevé dans le Hainaut parce que, par exemple, le coût de l’immobilier (loyer ou achat de maison) y est moins élevé et pèse donc moins dans le budget. BENOÎT JULY À l’évidence, tout est lié. »
Enquête Salaires LES AVANTAGES EXTRALÉGAUX
LS -20.11.10
Bénéficient d'avantages Trouvez-vous cet avantage utile ? Indemnité de déplacement
65,47 % 55,02 %
Assurance complémentaire maladie ou hospitalisation
57,79 % 67,14 % 57,27 % 53,09 %
Titres-repas ou repas offerts dans ou à l’extérieur de l’entreprise
42,72 % 61,24 %
Plan de pension ou assurance groupe
35,43 % 33,43 %
Ecochèques Primes de mariage ou de naissance
30,56 % 30,57 %
GSM
23,32 % 28,40 % 17,56 %
Carte carburant
17,18 %
Voiture payée par l’employeur ou mise à disposition en leasing
Smartphone (BlackBerry, iPhone) Garderie ou intervention dans les frais de garderie
44,85 %
41,00 %
16,56 % 27,33 %
Défraiement forfaitaire
Indemnité journalière
La Belgique figure assurément parmi les pays européens au sein desquels les avantages « extralégaux » sont les plus… avantageux, du moins dans les grandes entreprises. La raison en est très simple, telle qu’elle serait exposée en deux mots par n’importe quel directeur des ressources humaines : les coûts salariaux sont « si élevés » chez nous qu’il faut constamment faire preuve d’inventivité pour attirer les talents, les rémunérer correctement et, le cas échéant, les récompenser. Il ne faut pas voir d’autre explication à la quasi-généralisation des plans de pension (qui constituent une rémunération différée), des titres-repas et autres assurances hospitalisation. En sus du facteur « coût salarial », une autre tendance lourde se dessine : le souhait des
17,56 % 28,15 %
Laptop ou pc à domicile
Abonnement internet à domicile
“Quels avantages me proposez-vous ? ”
9,41 %
33,74 %
7,44 % 19,77 % 5,86 % 16,93 % 4,28 %
32,45 %
collaborateurs de bénéficier d’avantages susceptibles de leur faciliter l’existence, de leur assurer un meilleur confort au travail (au bureau ou à la maison) et un meilleur équilibre en vie professionnelle et vie privée (« work-life balance »). C’est dans ce souci des employeurs de se rendre plus attractifs, sur le plan du recrutement ou de la rétention, que s’inscrivent des avantages tels que la mise à disposition (encore rare…) d’une garderie ou l’intervention dans les frais de crèche, la mise à disposition d’un ordinateur portable ou le paiement d’une connexion internet à domicile, par exemple. Le résultat ? Une rémunération en forme de millefeuille, composée du salaire de base (y compris, de plus en plus souvent, une partie variable)
auquel s’ajoutent ces fameux avantages complémentaires. Mais aussi, à y bien penser, tous ces « plus » qui ne sont pas considérés comme partie intégrante du salaire mais en influencent pourtant largement la progression comme l’accès à des formations. Ces avantages sont-ils appréciés par les bénéficiaires ? C’est en tout cas ce que montrent les résultats de notre enquête, l’avantage le plus apprécié étant l’assurance hospitalisation, suivie par le plan de pension. Quitte à poser ce constat paradoxal : le gain dans ce dernier cas peut excéder 10 % de la rémunération brute alors que nombre de bénéficiaires seraient bien en peine d’expliquer en quoi consiste leur épargne-pension ! BENOÎT JULY
Très, très utile, la voiture de société ! L'UTILITÉ DE LA VOITURE DE SOCIÉTÉ Très utile
Utile
Ni l'un ni l'autre
Peu utile
LS - 20.11.10
Pas utile du tout
84,8
En %
LS - 20.11.10
LE TOP 10 DES VOITURES DE SOCIÉTÉ En %
6,93
Audi A4
5,83
Volkswagen Golf
5,00
BMW X3
3,83
Volswagen Passat Opel Astra
31,8
2,97
Audi A6 2,89
25,4 26,0
Audi A3 2,88 8,4
8,5
12,0
Ford Focus 2,68 2,1
N'en n'ont pas
0,4 0,7
En ont une
de manière forfaitaire, dixit KPMG. Le coût fiscal pour le salarié étant moindre que le montant réel du bénéfice qu’il retire de l’utilisation du véhicule à des fins privées, on peut comprendre qu’il y soit particulièrement attaché. Fondamentalement, le principe
Volvo V50 2,46 Peugeot 308 2,46
de l’octroi de voitures de société n’est pas remis en question, même si des évolutions y sont apportées visant par exemple à favoriser les véhicules émettant moins de CO2. » Pour Luc Vanophalvens, directeur chez Berenschot, l’analyse du phénomène ne
Plébiscite pour l’assurance hospit’ Comme la voiture de société, l’assurance « hospitalisation » est un avantage particulièrement apprécié par celles et ceux qui en bénéficient. Mais à l’inverse du véhicule, le degré d’adhésion est quasiment tout aussi élevé chez les collaborateurs qui n’en bénéficient pas : près de 90 % d’entre eux estiment cet avantage « utile » voire « très utile ». L’explication ? « Chacun sait ce que coûte une assurance de ce type et, surtout, les économies qu’elle permettrait de réaliser si par malheur elle devait être activée, commente Dimitri Morel, consultant spécialisé en rémunération chez SD Worx. Contrairement à l’assurance groupe, dont l’intérêt est surtout perçu comme tel par les plus âgés car ils en auront un bénéfice à plus ou moins brève échéance, l’utilité de l’assurance hospitalisation est perçue comme telle par quasiment tous les collaborateurs car tous se sentent potentiellement concernés par un risque concret. Les plus âgés l’apprécient, car la probabilité d’une hospitalisation augmente avec l’âge,
peut cependant se limiter à sa seule dimension financière. « La voiture de société reflète la politique de la société à un double niveau : interne et externe, estime-t-il. Sur le plan externe, elle est le reflet de l’image que la société veut donner d’elle-même et de ses collaborateurs auprès de ses clients. C’est la raison pour laquelle des limites sont souvent imposées dans le choix des modèles : obligation de choisir une berline à quatre portes et interdiction des coupés ou des 4x4, par exemple. Sur le plan interne, la hiérarchie des modèles reflète directement celle des fonctions, étant entendu que le prestige du véhicule doit évoluer avec le niveau des responsabilités. Gérer cela est, en réalité, assez compliqué...» A la lecture du tableau, on constate cependant que l’utilité de l’avantage est moins évidente pour celles et ceux… qui n’en bénéficient pas. L’expression d’une frustration ? Pas sûr. Les plus jeunes préfèrent parfois monnayer cet avantage en cash car ils ont d’autres besoins immédiats : payer la crèche ou rembourser la maison. Mais ce n’est pas évident : si l’employeur propose l’avantage, c’est aussi et surtout parce qu’il en tire, lui aussi, un avantage immédiat sur le plan de ses coûts salariaux. BJ
L'UTILITÉ DE L'ASSURANCE HOSPITALISATION Très utile
mais aussi les plus jeunes car ils y voient notamment la perspective de remboursement d’un accouchement ou tout simplement l’assurance de pouvoir couvrir sans souci les éventuels ennuis de santé de leur conjoint ou de leurs enfants. » À l’évidence, donc, nul besoin de bénéficier de cet avantage pour en percevoir l’intérêt, comme le démontre notre enquête. D’où cet « appel » adressé aux employeurs qui ne le proposent pas : voilà un avantage qui ne coûte pas énormément car il est nettement moins taxé que la rémunération brute, mais qui est réellement apprécié par les collaborateurs. « Quand un employeur m’interroge sur l’intérêt de l’intégrer dans le package salarial, je réponds oui d’office, assure Dimitri Morel. Et je l’encourage même à éviter tout plafonnement. Car la frustration engendrée chez le collaborateur qui pensait être couvert totalement et qui découvre en cas de pépin qu’il ne l’était pas est, souvent, irrécupérable… » BJ
Utile
Ni l'un ni l'autre
Peu utile
Pas utile du tout
En % 77,6
53,4
33,8
17,8 8,4 2,5 LS - 20.11.10
Dans le contexte actuel de sensibilisation à la lutte contre le réchauffement climatique, les voitures de société sont souvent pointées du doigt. Mais il n’empêche que cet avantage extralégal a encore de beaux jours devant lui, l’enquête de Références ne faisant que confirmer une réalité déjà maintes fois mise en évidence : plus de 80 % des bénéficiaires de cet avantage - qui restent cependant minoritaires - l’estiment « très utile ». Si l’on y ajoute celles et ceux qui l’estiment simplement « utile », on frôle les… 100 % d’adhésion ! Pourquoi cette attractivité ? Les raisons sont multiples, y compris la reconnaissance sociale qu’apporte une belle voiture, mais la principale est assurément de nature financière : rouler avec le véhicule de sa société coûte moins cher que rouler avec sa propre voiture, d’autant que l’avantage est dans la plupart des cas associé à une carte de carburant. « La voiture de société constitue un élément-clé du package salarial, auquel nombre de sociétés ne peuvent ni ne veulent prendre le risque de renoncer tant il est intégré dans les mœurs pour les cadres et certains employés. La raison principale réside effectivement dans l’attractivité fiscale du système, non seulement pour l’employeur mais aussi pour le bénéficiaire dont l’avantage est taxé
1,9
N'ont pas cet avantage
3,0
0,9
0,8
Ont déjà cet avantage
La prime au diplôme
LA VALEUR AJOUTÉE DU DIPLÔME
LS - 20.11.10
En % du salaire mensuel brut en plus par rapport à un diplôme de base Sans diplôme + 0 % Enseignement primaire Enseignement secondaire inférieur Enseignement secondaire supérieur Enseignement supérieur non universitaires de type court, 1 cycle de bachelier professionnel Bachelier académique dans un établissement d’enseignement supérieur
Enseignement supérieur non universitaires de type long, 2 cycles de master dans un établissement d’enseignement supérieur
Bachelier académique dans un établissement universitaire Enseignement universitaire (licencié, ingénieur, docteur en médecine)
+ 1,36 % + 5,33 % + 12,31 % + 24,30 %
+ 22,71 %
+ 36,74 %
+ 31,24 %
+ 47,18 %
plus que jamais d’actualité
Parfois, l’histoire se fait belle lorsqu’elle raconte le parcours de ce collaborateur qui, parti de la base, est parvenu au sommet ou presque sans aucun diplôme en poche. Mais la réalité est ce qu’elle est : de telles évolutions sont l’exception. Le diplôme représente en effet, plus que jamais, le meilleur atout potentiel pour bénéficier d’un bon salaire. D’une « bonne situation ». L’enquête de Références le démontre à souhait : les salaires bruts de départ oscillent quasiment du simple au double selon le diplôme affiché, les études à fort contenu scientifique (médecine, pharma, ingénieur civil, bio-ingénieur, informatique, entre autres) offrant les meilleures rémunérations. Toutes
choses égales par ailleurs, un diplôme universitaire quel qu’il soit offre un surcroît de salaire moyen de l’ordre de 50 % par rapport à l’absence de diplôme (cas évidemment extrême…) et de 40 % par rapport à un diplôme limité à l’enseignement secondaire supérieur. La différence reste sensible également vis-à-vis des études supérieures non universitaires, en particulier de type court… Ceci étant, le propos doit apparemment être relativisé. « Le lien entre le diplôme et la rémunération est le plus souvent indirect, commente Dimitri Morel, consultant chez SD Worx. Ce que les entreprises rémunèrent, en effet, c’est avant tout la fonction, le salaire qui y est lié dans le cadre de leur
politique de rémunération étant en outre pondéré par d’autres facteurs tels que le secteur dans lequel elles évoluent, leur taille, leur situation géographique, entre autres. » Il n’est donc pas impossible qu’un juriste exerçant une fonction administrative dans une PME dans le secteur de la logistique dans la province du Hainaut, par exemple, soit moins bien rémunéré que le titulaire d’un graduat en marketing qui se serait hissé au rang de responsable commercial d’une société de 350 personnes dans l’informatique, dans le Brabant wallon. Mais, même si le lien n’est qu’indirect entre diplôme et rémunération - à l’exception notable de l’administration -, il n’en est pas
moins réel. « Quand l’employeur regarde le diplôme, il y voit surtout la preuve que le candidat a pu fournir les efforts indispensables pour réussir ses études, qu’il y a évidemment acquis des connaissances mais aussi la capacité d’en acquérir de nouvelles, ce qui est très important à l’heure actuelle où il est moins permis que jamais de se reposer sur ses lauriers, poursuit Dimitri Morel. Le diplôme, c’est donc avant tout une carte de visite et un potentiel. » Autrement dit : le diplôme est indispensable pour ouvrir la porte mais ne garantit pas autre chose qu’un a priori favorable. Les évolutions salariales ultérieures dépendront de bien d’autres BJ facteurs…
TOP 10 DES PROFESSIONS PERÇUES COMME LES MIEUX RÉMUNÉRÉES Professions
LS - 20.11.10
Salaires moyens estimés
Premier ministre du gouvernement fédéral Footballeur professionnel de haut niveau Chef d’entreprise (10.000 salariés) Ministre Entraîneur d’équipe de football de première division Neurochirurgien Chef d’entreprise (1.000 salariés) Notaire Chef d’entreprise (100 salariés) Juge
10.000 ¤ 9.650 ¤ 8.250 ¤ 8.000 ¤ 7.550 ¤ 7.050 ¤ 7.000 ¤ 5.300 ¤ 5.000 ¤ 4.500 ¤
TOP 10 DES PROFESSIONS PERÇUES COMME LES MOINS BIEN PAYÉES Professions
LS - 20.11.10
Salaires moyens estimés 1.200 ¤ 1.200 ¤ 1.250 ¤ 1.300 ¤ 1.300 ¤ 1.400 ¤ 1.400 ¤ 1.400 ¤ 1.450 ¤ 1.500 ¤
Femme de chambre Femme/homme de ménage Aide ménagère Caissier Nettoyeur Agent de call-center Vendeur Garde d’enfants Eboueur Transporteur de courrier express
Qui est trop payé, qui ne l’est pas assez ? CLASSEMENTS DES HAUTS ET DES BAS SALAIRES PERÇUS COMME ÉQUITABLES
LS - 20.11.10
dans ce classement les neurochirurgiens, les notaires et les juges, entre autres. Dans le bas du panier, on Chef d’entreprise (10 000 salariés) 6.775 ¤ constatera la présence de nombreuses fonctions Premier ministre fédéral 6.750 ¤ liées à l’entretien ainsi que celles de transporteur Neurochirurgien de courrier express, d’agent de centre d’appels mais 6.000 ¤ aussi de garde d’enfants, notamment. Si l’on effectue Chef d’entreprise (1 000 salariés) 5.700 ¤ la comparaison avec les salaires qui sont estimés les Ministre 5.000 ¤ plus justes, on constate que les classements diffèrent Chef d’entreprise (100 salariés) 4.625 ¤ peu, en particulier pour les fonctions les moins bien Chef d’entreprise (10 salariés) 4.000 ¤ rémunérées au sein desquelles on retrouve, entre Médecin généraliste 4.000 ¤ autres, la femme de chambre, l’éboueur ou l’agent Pilote d’avion 4.000 ¤ de call-center. Mais les rémunérations qui devraient leur être allouées sont, en revanche, revues à la ... hausse par les répondants. Parmi les fonctions qui Eboueur 1.600 ¤ devraient être les mieux rémunérées - quoique à Agent de call-center 1.550 ¤ un niveau inférieur à celui estimé dans un premier Prêtre 1.500 ¤ temps - on retrouve la présence des ministres, des Vendeur 1.500 ¤ chefs d’entreprise et des neurochirurgiens, auxquels Nettoyeur 1.450 ¤ se sont ajoutés les médecins généralistes et les pilotes Caissier d’avion. Tout ceci est résumé de manière frappante 1.450 ¤ dans les tableaux explicitant les décalages entre les Aide ménagère 1.400 ¤ salaires « estimés » et ceux qui seraient « équitables » Femme/homme de ménage 1.400 ¤ aux yeux des répondants. Les grands perdants ? Femme de chambre 1.400 ¤ Les joueurs de foot (dont les salaires devraient être diminués de moitié…), mais aussi les ministres, les évêques, les notaires, les bourgmestres, les avocats, Alors que les scandales financiers se sont multipliés ces derniers les juges et certains dirigeants d’entreprise - ceux des mois - pensons, par exemple, aux fameux parachutes dorés - les plus grandes structures, essentiellement. Soit autant de fonctions chercheurs de la KU Leuven ont sondé les répondants afin de qui sont liées, de près ou de loin, à l’autorité - à l’exception bien percevoir quels niveaux de salaires leur paraissent équitables. entendu des sportifs - et qui, selon la KU Leuven correspondent Pour ce faire, ils ont procédé en deux étapes : d’une part, en leur aux « notables » d’antan ». Quant aux fonctions qui devraient être demandant d’estimer les rémunérations des uns et des autres, et revalorisées aux yeux des répondants, elles sont surtout orientées d’autre part, en leur demandant de préciser quel serait le niveau vers l’aide aux personnes : les ambulanciers, les pompiers, les de salaire le plus juste à leurs yeux. S’agissant des rémunérations infirmières, notamment. « On y note aussi la présence de fonctions estimées, on constate que les personnes sondées placent les lourdes sur le plan physique ou étant plus risquées que la politiciens en haut du panier… mais aussi les footballeurs moyenne », notent les chercheurs de la KU Leuven. BENOÎT JULY professionnels ainsi que les chefs d’entreprise. Figurent également
Professions
Salaires moyens
TOP 15 DES PROFESSIONS SURVALORISÉES ET SOUS-VALORISÉES Les salaires estimés comme trop élevés
LS - 20.11.10
Les salaires estimés comme trop mal payés
Pourcentage moyen - 49,16
Footballeur professionnel de haut niveau
- 41,29
Entraîneur d’équipe de football de première division
- 30,77
Ministre
- 26,36
Premier ministre fédéral
- 25,00
Evêque
- 23,08
Notaire
- 14,29
Bourgmestre
- 12,85
Chef d’entreprise (10.000 salariés)
- 11,11
Avocat
- 11,11
Chef de cabinet ministériel
- 8,33
Juge
- 7,83
Chef d’entreprise (1.000 salariés)
- 7,41
Directeur de banque
- 5,00 - 3,23
Assureur Prêtre
Gardien de prison
+ 10,00
Sage-femme
+ 10,34
Garçon de café
+ 10,71
Eboueur
+ 11,43
Nettoyeur
+ 12,12
Ambulancier
+ 12,50
Infirmière
+ 13,33
Femme/homme de ménage
+ 13,64
Femme de chambre
+ 13,64
Infirmier
+ 13,71
Sapeur-pompier
+ 13,79
Aide ménagère
+ 14,29
Prestataires de soins aux personnes âgées
+ 15,63
Garde d’enfants Agriculteur
+ 17,86 + 23,33
François Pichault est professeur à HEC, École de Gestion de l’Université de Liège. Il a notamment étudié la question de l’équité salariale dans les entreprises, qui est devenue centrale à ses yeux en raison de la généralisation de systèmes de rémunération de plus en plus individualisés.
“L’insatisfaction salariale exprime bien d’autres frustrations”
Réduire les rémunérations des fonctions dites d’autorité, augmenter les salaires des fonctions plus risquées ou davantage tournées vers autrui : ces demandes de plus grande équité salariale, exprimées dans l’enquête de Références, vous étonnent-elles ? Pas vraiment. Je pense d’ailleurs qu’on aurait obtenu des résultats comparables il y a dix ou vingt ans : revaloriser les rémunérations des infirmières, des enseignants, des pompiers… cela touche à des valeurs sociales très fortes. En revanche, la propension à estimer inéquitables certaines rémunérations dans le monde de la politique, de l’entreprise ou même dans l’univers du sport me paraît beaucoup plus forte aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que plusieurs scandales sont passés par-là : les problèmes de gouvernance dans le monde politique, les parachutes dorés des patrons de certaines grandes entreprises, les excès inacceptables liés à la crise financière, entre autres. Les gens se sentent d’autant plus concernés et sont d’autant plus choqués qu’ils sont personnellement touchés ou à tout le moins fragilisés par cette crise. Et ce, même s’ils sont titulaires d’un diplôme universitaire… Comment aborde-t-on la notion d’équité salariale en gestion des ressources humaines ? Est-ce une question centrale ? Ce problème est plus important que jamais ! Pourquoi ? Parce que nous sommes passés d’un BJsystème de rémunération « objectivant », basé
sur des catégories et des échelles barémiques connues de tous et parfaitement reconnaissables, à des systèmes beaucoup plus individualisés, plus variables, dont la lisibilité est parfois devenue très difficile. Alors qu’avant, quiconque occupait telle fonction depuis tel nombre d’années touchait la même rémunération, ce n’est plus le cas aujourd’hui et cela induit des questions : pourquoi mon collègue gagne-t-il plus que moi, quelles sont les règles qui lui ont permis de toucher un bonus, suis-je victime d’une forme d’arbitraire ?… Voulezvous dire que les systèmes de rémunération étaient plus équitables par le passé ? Non, je ne porte aucun jugement. C’est d’ailleurs parce que les anciens systèmes rémunéraient de la même manière le collaborateur qui se défonçait et celui qui se la coulait douce qu’est progressivement née l’idée d’individualiser davantage les salaires et d’y induire une partie variable liée à des critères de performance. Mais ces nouveaux systèmes de rémunération génèrent indubitablement de nouvelles questions… Comment éviter que se développe le sentiment d’absence d’équité ? Individualisation ne signifie pas absence de règles : il en faut davantage, au contraire. Formaliser les choses, adopter des procédures claires, transparentes et connues de tous est indispensable. Il faut aussi que les processus soient vérifiés et garantis pour qu’ils soient acceptés, légitimés. J’ai souvent vu, dans ma pratique en entreprise, des systèmes de rémunération nés des meilleures
intentions mais tombant dans l’arbitraire parce que les processus d’objectivation n’étaient pas maîtrisés par les managers, parce que ces derniers étaient trop débordés que pour réaliser des entretiens d’évaluation dignes de ce nom. Quand on constate que dans certains cas la part variable peut monter jusqu’à 70 %, on est en droit d’exiger des améliorations… Faut-il y voir la cause des excès des dernières années, de dirigeants s’octroyant des rémunérations stratosphériques ? Il ne s’agit pas à mes yeux d’un problème de gestion des ressources humaines au sens strict mais plus globalement d’une question de gouvernance qui touche à celles et ceux qui exercent les fonctions dirigeantes. Les excès ont été mis sous le boisseau peu après l’éclatement de la crise financière mais on perçoit déjà qu’ils vont reprendre de plus belle et alimenter le sentiment d’injustice dans le chef de nombreux travailleurs. La mise en place de codes et autres comités de rémunération n’a manifestement pas réglé le problème. Comment expliquezvous que les rémunérations des dirigeants de PME paraissent plus équitables que celles des dirigeants des grandes entreprises ? Le dirigeant de PME prend des risques, il est au four et au moulin alors que le dirigeant de grande entreprise est davantage perçu comme exerçant un mandat à durée déterminée. Quand il s’en ira, il sera remplacé par un collègue qui sera dans la même situation. La notion de responsabilité n’est pas la même : le dirigeant de PME est là quasiment
« à vie », le patron d’une grande entreprise ne fait parfois que passer. Fondamentalement, l’appréciation que l’on porte sur les salaires - qu’il s’agisse du sien ou de celui d’autrui… n’est-elle pas forcément subjective, voire biaisée ? N’est-on pas - presque par définition insatisfait de son salaire ? Le salaire peut effectivement constituer une grande source d’insatisfaction : beaucoup de gens estiment qu’ils ne sont pas assez rémunérés. Paradoxalement, on constate dans le même temps que cet élément est rarement cité parmi les premiers facteurs incitant à changer d’employeur. Hypocrisie ? Non. De nombreuses études ont montré l’existence d’une distinction fondamentale entre la satisfaction et la motivation. En clair : un employeur peut réduire l’insatisfaction en augmentant le salaire mais sans pour autant augmenter la motivation qui obéit à une autre logique et dépend davantage des valeurs de l’entreprise, du contenu du job, de l’ambiance au travail, entre autres. En caricaturant très fort le propos, des organisations peuvent fonctionner avec des collaborateurs insatisfaits mais très motivés (dans les ONG, par exemple), d’autres avec des collaborateurs satisfaits mais peu motivés (dans certaines administrations par exemple). En réalité, l’argent n’est pas une valeur aussi fondamentale qu’on le pense mais le sujet vient souvent sur la table car il permet d’exprimer, en creux, bien d’autres frustrations… Propos recueillis par BENOÎT JULY