Découvrez des séquences exclusives de Connexion Français 5

Page 1

5

CONNEXION FRANÇAIS 5 – SYLLABUS

Découvrez des séquences exclusives de

ISBN 978-90-xxx-xxxx-x xx

vanin.be

SYLLABUS



Séquence 1

Culture et héritage —

Garder des traces de ses expériences culturelles

ire

« La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert. »

(André Malraux)1

pr ov

is o

À la fin du troisième degré, on te demandera de faire un bilan personnel de ta formation culturelle. À cette fin, tu présenteras un dossier – papier ou multimédia – constitué d’une sélection personnelle et motivée d’expériences culturelles. Par ces termes, on entend tes diverses rencontres avec des productions littéraires ou artistiques, en ce compris les interventions de tes condisciples dans certaines productions. Pour t’acquitter de cette tâche, il est nécessaire que tu conserves des traces de ces expériences et que tu les archives. 1

André Malraux (1901-1976) est un écrivain, aventurier, homme politique et intellectuel français. La citation en sous-titre de cette séquence est tirée d’une conférence donnée en 1959 et intitulée Hommage à la Grèce.

Production attendue

Relater une rencontre culturelle

Dossier (papier ou multimédia) présentant une sélection personnelle et motivée d’expériences culturelles

uv

e

Compétence à développer

Transférer

Ressources

• Analyser les spécificités de la situation de communication • Manifester sa compréhension / son interprétation d’une œuvre culturelle • Référencer des documents • Archiver et classer des documents • Planifier l’organisation du dossier et la motivation à l’aide d’un écrit intermédiaire

Relater, en vue de la partager avec autrui, une rencontre avec • un récit de fiction • un texte poétique ou une œuvre théâtrale • une autre œuvre artistique non littéraire au choix

• Paramètres de la situation de communication • Critères de sélection des expériences culturelles • Effets produits par les rencontres • Critères d’organisation des expériences sélectionnées (gradation, thème, genre*…)

Ep

re

Appliquer

UAA 6 – UAA 1

Ressources communes Connaitre • Justifier l’organisation du dossier • Discuter des critères de sélection des pièces du dossier

• Aspects de la culture contemporaine o Edgar Morin o Abd Al Malik o …

5


Activité 1

Cerner le concept de « culture » —

1. Complète le tableau ci-dessous en explicitant ce que recouvrent les expressions figurant dans la première colonne. Au besoin, effectue les recherches qui te permettront de répondre. 2. Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

Maison de la culture

Explicitations

ire

Expressions

is o

Culture générale

pr ov

Culture musicale

Culture jeune

uv

e

re

Ep

Culture d’entreprise

Politique culturelle

6

Séquence 1


Culture populaire

Culture de masse

ire

is o

Expérience culturelle

pr ov

3. Que signifie le mot « patrimoine » ? Illustre ta réponse.

uv

e

4. Quelle(s) relation(s) fais-tu entre culture et patrimoine ?

re

Ep

Séquence 1

7


5. Comment comprends-tu la citation en sous-titre de cette séquence ?

ire

6. Partages-tu cette opinion d’André Malraux ? a) Explique ta réponse. b) Confronte-la à celle de tes condisciples.

is o

pr ov

Activité 2

Comprendre l’enjeu de l’expérience esthétique —

uv

e

© Thomas Koch - Shutterstock

Edgar Morin (1921) est un sociologue et philosophe français qui a traversé le siècle. Avant de s’imposer dans le domaine des idées, il s’est aventuré du côté de la littérature, du cinéma, et même de la chanson. Ces expériences parallèles ont nourri sa personnalité et sa pensée. Intellectuel engagé, il est aujourd’hui un homme dont la parole compte… Regarde et écoute attentivement la vidéo qui t’est proposée.

re

1. Dans cette vidéo (e-Document 1), Edgar Morin affirme que ses expériences esthétiques l’ont formé. Qu’entend-il par-là ?

Ep

8

Séquence 1

e-Document 1 Interview d’Edgar Morin


2. Pour lui, l’esthétique, c’est plus que des émotions. Que veut-il dire par là ?

ire

is o

pr ov

3. Pour lui, à quoi tient le sens de la vie ?

e

re

uv

Ep

4. Selon toi, Edgar Morin est-il élitiste et/ou conservateur en matière d’expériences esthétiques ? a) Précise le sens de ces adjectifs. b) Justifie ta réponse. 5. Partage tes réponses avec la classe.

Séquence 1

9


Activité 3

Motiver sa sélection d’expériences culturelles —

1. Ressources disponibles Au cours de ta scolarité, tu as été invité(e) plus d’une fois à exprimer un jugement de gout sur divers objets culturels, une lecture, un tableau, etc.

ire

1. Selon toi, la sélection que tu auras à présenter en fin de 6e année s’apparente-t-elle à un jugement de gout ? Explique. 2. Quelle(s) fiche(s) outil(s) pourrai(en)t t’être particulièrement utile(s) pour motiver ta sélection ?

is o

pr ov

2. Récits d’expériences culturelles

uv

e

Voici quelques années, une Britannique de 41 ans a lu Cinquante nuances de Grey. Cette lecture a eu pour effet de lui faire trouver sa vie sexuelle un peu morne et elle a demandé le divorce2. C’est dire si on devrait voir dans les livres bien plus que de simples distractions…

Ep

re

1. Voici six récits d’expériences culturelles. Pour chacun d’eux : a) caractérise l’émetteur(-trice) : âge, professionnel(le) de la culture ou non… Au besoin, effectue une recherche ; b) nomme l’(les) objet(s) culturel(s) dont il est question ; c) identifie les raisons pour lesquelles cet (ces) objet(s) a (ont) constitué une (des) expérience(s) au sens fort du terme et fait (font) partie de la bibliothèque ou du musée intérieur de l’émetteur(-trice). d) reporte tes réponses dans le tableau de la p. 89

10

Reporte tes réponses dans le tableau de la page xx.

Séquence 1

2

Source : L’Obs, 26 juillet 2018, n° 2803.


Expérience 1 : Guillaume Meurice

“Albert Jacquard m’a rendu moins con”

5

U

topie » est le mot le plus 25 galvaudé de ces dernières années, à égalité avec « socialisme » et « révolution ». Il fait partie des mots qui inspirent au mieux la méfiance, 30 au pire la moquerie. « Mon utopie », d’Albert Jacquard, a changé ma façon de voir la vie. J’avais une vingtaine d’années et les certitudes qui vont avec. Mais

L’OBS, 26 juillet 2018, n°2803

uv

e

10

Par Guillaume Meurice Humoriste et écrivain

pr ov

1

20

ire

15

aussi l’âge où l’on a parfois du mal à traduire ce que l’on ressent. Sur les conseils de mon père (antimilitariste, objecteur de conscience, barbu tendance potager bio), j’ai parcouru les premières pages de ce livre écrit par un ancien polytechnicien spécialisé dans la génétique des populations, avec scepticisme. Et pourtant : écriture simple, sans fioritures. Pas de moralisme ni de complexe de supériorité. De la pure mise à distance, de l’esprit critique, aucun prêt-à-penser. Un livre qui, loin d’apporter des réponses aux problèmes de la société, apporte des questions. De celles qui remettent en cause les pseudo-évidences sur le travail, la compétition, les schémas sociaux… C’est sans doute le livre que j’ai le plus offert et le plus relu. « Mon utopie » n’est pas un programme politique, ni même un manifeste. Ce sont des expériences de pensée qui rendent moins con, qui dérouillent les neurones même les plus obtus. Avec, en filigrane, cette phrase de Théodore Monod qui résonne : « L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. »

is o

Photo © G. Caritan

Expérience 2 : Olivia

re

Je pense avoir bien choisi ma lecture (La princesse de Clèves, 1678) car elle m’a enchantée. J’ai été subjuguée par cet ouvrage d’une beauté peu commune, empli d’émotions et de sentiments. […] Je repense d’abord au caractère émouvant de la disparition de M. de Clèves. […] Il me revient à l’esprit le caractère prenant de ce livre, le trouble et la réflexion dans lesquels m’a plongée cette lecture. L’envie de savoir quel futur va connaître cette passion si forte. […] Cet ouvrage m’a finalement menée à une véritable réflexion sur la façon de concevoir l’amour. […] Je transmettrai avec joie cette lecture aux générations futures car pour moi, ce roman est porteur d’une grande valeur morale. […] Ce livre émouvant possède également une richesse inépuisable. […] Les premières pages du livre offrent notamment une magnifique peinture de la cour où les mérites de chaque grand personnage, ducs, princes et princesses sont loués. Ce roman est porteur également d’une grande valeur esthétique par sa composition même.

Ep

1

5

10

15

3

La seconde en France correspond à la quatrième année chez nous.

Séquence y

11


Le récit de Madame de Lafayette a sa place dans l’histoire de la littérature française par la beauté, par l’originalité du sujet traité et la façon dont il est abordé. Le pessimisme du message que transmet Madame de Lafayette dans son œuvre est un sujet de réflexion infini. Dans cette intrigue, la permanence de l’amour paraît impossible. Olivia, élève de seconde3, citée dans SHAWKY-MILCENT, B. (2016). La lecture, ça ne sert à rien ! Paris : PUF.

Expérience 3 : Abd Al Malik

is o

ire

pr ov

e-Document 4 Abd Al Malik raconte « Le jeune noir à l’épée »

Puvis de Chavannes, P. (1850). Jeune noir à l’épée. Peinture à l’huile sur toile. 105 cm x 73 cm. Paris : Musée d’Orsay.

Expérience 4 : Clémence

uv

e

“Persépolis a éveillé mon militantisme”

J

re

’ai lu Persépolis de Marjane Satrapi vers 9 ans. Ma mère avait acheté les quatre tomes juste avant que le film sorte. 20 J’étais une grande lectrice, mais plutôt d’histoires d’amour. Persépolis a été mon premier livre d’une certaine complexité. Une citation de la grand- 25 mère est devenue ma philosophie de vie : « Tu rencontreras beaucoup de cons. S’ils te blessent, dis-toi que c’est la bêtise qui les pousse à te faire du mal. Ça t’évitera de répondre à 30 leur méchanceté. Car il n’y a rien de pire que l’amertume et la vengeance.

Ep

1

5

10

15

12

Par Clémence, 19 ans, étudiante, Metz

Séquence y

Reste toujours digne et intègre à toi-même. » Victime de harcèlement à l’école, j’ai compris que je ne devais pas m’enliser dans la vengeance, mais essayer d’être le plus juste possible. Ça a éveillé mon militantisme, pour défendre la laïcité et m’élever contre le capitalisme. Il y a deux ans, je suis entrée à l’Unef4. Je suis devenue végétarienne, féministe, et cet été, je travaille deux mois pour un parti politique féministe allemand. L’Obs, 26 juillet 2018, n° 2803.

4

Union nationale des étudiants de France : syndicat étudiant.


Expérience 5 : Olivia Rosenthal

20

25

30

ire

is o

15

pr ov

10

e

5

Le premier choc, c’est Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, la prof de français a tout organisé […] on est de moins en moins nombreux à mesure que le film avance, on s’accroche à la force des images, à leur violence, à leur crudité, on ne comprend rien mais on est radicalement transformé. Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, c’est un film dont on n’a pas vraiment envie de raconter l’histoire. À l’époque, 1973, je n’avais jamais entendu parler des Juifs, je ne savais pas ce que c’était, je n’ai aucune éducation religieuse […] L’histoire de Nuit et Brouillard est aussi terrible que mystérieuse. Elle a beau être exceptionnelle, les événements qui la jalonnent ne cessent de se répéter sous des formes diverses. […] Il y a une scène qui me reste de Nuit et Brouillard, c’est quand on voit deux gendarmes français qui surveillent le départ d’un convoi, il y a des femmes et des enfants qui montent dans les wagons de marchandises, on a beaucoup reproché ce plan à Alain Resnais mais il a refusé de le couper. Le cinéma nous rappelle que nous pourrions tous être complices. Cette prof de français a vraiment changé ma vie, elle nous a donné accès à la culture, nous, les enfants de la zone, elle a voulu absolument nous transmettre quelque chose qu’aujourd’hui j’ai envie de redonner aux jeunes de banlieue et aux générations futures. J’ai eu un parcours difficile, je me révoltais contre l’autorité, j’ai passé trois fois le bac mais Nuit et Brouillard a déclenché chez moi une insatiable envie de dire, j’ai interviewé des déportés, je me sentais une mission […] On peut vivre des choses incroyables par procuration. J’ai gardé un autre souvenir très précis d’une autre scène du film, c’est quand le bulldozer pousse des cadavres vers une grande fosse, à l’époque j’ai beaucoup de mal à regarder cette image, je cherche des visages dans ces corps comme si j’allais reconnaître quelqu’un de mon entourage, je veux retrouver l’humanité de ces gens qui sont en train de disparaître sous mes yeux et je pense aussi au gars assis dans sa benne, je souffre avec lui, je n’en reviens pas qu’une telle chose soit possible et que je puisse la voir. Le cinéma me fait oublier que je ne suis pas une victime.

uv

1

Rosenthal, O. (2012). Ils ne sont pour rien dans mes larmes. Minimales/Verticales. Gallimard. Paris.

re

Expérience 6 : Éric Laforge

Ep

Bruce Springsteen et moi

1

5

10

J’ai compté, c’était la 48e fois. J’étais persuadé que je passerais une magnifique soirée, comme les 47 fois précédentes. Mais cette fois-là, il y a eu l’extra-balle, la cerise sur le gâteau, le soleil de minuit. Il y a eu comme une porte qui s’est ouverte vers une autre dimension. J’aurais pu, j’aurais dû commencer ce texte par les mots de Landau, le manager de Bruce Springsteen, ceux qu’il a écrits en 1973 lorsqu’il était encore journaliste. En le paraphrasant légèrement, il avait écrit : « J’ai vingt-sept ans aujourd’hui et je me sens vieux. J’écoute mes disques et je me rappelle qu’il y a dix ans les choses étaient différentes. Mais je connais quelqu’un à propos duquel je peux écrire comme avant, sans réserve aucune. Un soir où j’avais besoin de me sentir jeune, il m’a fait sentir comme si c’était la première fois que j’écoutais de la musique. Lundi soir en concert, j’ai vu le futur du rock’n’roll et son nom est Bruce Springsteen. »

Séquence y

13


30

35

ire

La sono a redémarré péniblement, en partie, en partie seulement. Moins de puissance, un son imparfait aussi, tous les écrans et les lumières sont restés à l’arrêt. Seules les lumières de secours étaient allumées. Et là, un autre concert a commencé, nous sommes passés en vitesse « lumière ». Le Boss s’est planté devant le micro et a dit : « Is it curfew time ? What time is it ? » Une voix loin du micro, probablement celle de son guitariste Van Zandt, a répondu en écho : « It’s BOOOOSS Time ! » Sans lumière, sans écran avec une sono à moitié, le charisme a parlé. Il y a eu un avant et un après l’incident ! Avant c’était le BOSS, plusieurs niveaux au-dessus de tout le monde. Après, la salle entière est entrée en transe, c’était comme un coup de baguette magique !

uv

40

is o

25

Au début de cette chanson, généralement il demande au public du silence. L’émotion est forte, tellement forte. À Paris, vous savez la ville lumière ? Eh bien justement, les lumières se sont éteintes. Au moment où le E Street Band jouait Ramrod, ça a disjoncté. Kaput ! L’ambiance était à la fête, à l’émotion aussi et d’un seul coup plus rien, les écrans, le son, la lumière. Le E Street Band continuait à jouer, un son imperceptible parvenait difficilement jusqu’au dixième rang en étant couvert régulièrement par un message d’alerte de Bercy. Les néons de secours se sont allumés. Après dix bonnes minutes, le groupe s’est arrêté de jouer, un monsieur surement important est venu sur scène et a parlé aux musiciens. Bruce est allé dans la foule chercher un de ces fameux panneaux de request, il a pris un gros feutre et a écrit dessus « 5 mn ». Alors on a attendu. Je maudissais Bercy, cette salle refaite à neuf, si jolie et qui ne peut même pas fournir du courant pendant tout un concert. J’aurais eu le responsable devant moi, je lui aurais dit des choses plus détestables encore que Zidane a dit à Materazzi un soir de finale de Coupe du Monde !

pr ov

20

e

15

Bruce a joué 41 shots, c’est la première fois que j’entendais ce morceau en « vrai ». Un titre qui prend une dimension supplémentaire dans le contexte des émeutes raciales aux États-Unis. Cette chanson évoque un fait divers tragique arrivé à New York en 2000. Amadou Diallo a été abattu par 4 policiers dans le Bronx, 41 balles ont été tirées alors qu’il tentait de sortir son portefeuille, juste son portefeuille, il n’était pas armé. Les 4 policiers ont été acquittés. C’est dans l’écœurement de cet acquittement que Springsteen avait écrit cette chanson dont le refrain dit : Est-ce un pistolet ? Est-ce un couteau ? Est-ce un portefeuille ? C’est ta vie. Il n’y a pas de secret, il n’y a pas de secret, Pas de secret, mon frère… Tu peux te faire tuer uniquement parce que tu vis dans ta peau d’Américain

re

Le proverbe « springsteenien » se vérifie toujours : « Il y a ceux qui ont vu le Boss en concert et ceux qui ne sont pas encore fans ! » J’ai un profond respect pour Bruce. Il est bien plus qu’un artiste, il est un homme. C’était la 48e fois que je le voyais, à chaque fois j’ai été envahi par l’émotion. À chaque fois je suis reparti en pensant, en réfléchissant. À chaque fois j’ai eu la sensation de progresser dans ma vie. À chaque fois j’ai eu la chance de pouvoir être proche, tellement proche que je voyais ses yeux… Il s’y reflétait ce que je vois dans les yeux des gens que j’aime, il s’y reflétait aussi ce que je veux transmettre à mon fils.

50

55

Éric Laforge, animateur du Morning Club sur Classic 21 En ligne https://ericlaforge.wordpress.com.

14

Séquence y

Photo : Jack Fordyce

Ep

45

Comment un homme sur une scène peut-il procurer tant de bouleversements dans l’esprit de tant de gens ? Comment un homme devant une foule immense peut-il devenir un ami ? Comment un homme avec une guitare et des musiciens autour de lui peut-il être bien plus qu’un rockeur ? En assistant à un de ses concerts, on comprend comment cela est possible, on comprend que c’est justement parce qu’il est un homme.


is o pr ov

ire

e

Raisons

uv

Objets

Émetteurs

re

Ep

Expériences culturelles

1.

2.

3.

15

Séquence 1


Expériences culturelles

4.

5.

6.

Objets

re Ep 16

Séquence 1

Raisons

uv

e

pr ov

is o

ire

Émetteurs

2. Ces expériences te donnent-elles envie de te confronter à ces objets ? a) Explique et précise ta réponse. b) Confronte-la à celles de tes condisciples.


Activité 4

Archiver des expériences culturelles —

1. Réflexion préalable Pour constituer le dossier comportant ta sélection motivée des expériences culturelles vécues durant le troisième degré, il existe différentes possibilités. 1. Cite celles auxquelles tu penses.

is o

3. Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

pr ov

re

uv

e

ire

2. Cite les informations que, selon toi, chaque fiche d’archivage doit comporter.

Ep

Séquence 1

17


ire

is o

Répartissez-vous en groupes.

pr ov

2. Conception d’un document destiné à l’archivage

1. Sur la base des échanges précédents, concevez un document qui vous permettra d’archiver vos rencontres avec des objets culturels. 2. Chargez l’un d’entre vous de le présenter à la classe.

e

3. Les autres élèves noteront leurs remarques positives et négatives.

uv

3. Évaluation et amélioration des différentes propositions

re

1. Quelle est selon vous la proposition la plus adéquate ? Discutez-en.

Ep

2. Cette proposition est-elle améliorable ? Suggérez des améliorations et justifiez-les. 3. Cite le mode d’organisation du dossier qui te semble le plus approprié.

N’oublie pas d’archiver tes expériences culturelles.

18

Séquence 1


ire

is o

pr ov

re

uv

e

Ep

SĂŠquence 1

19


4. Explicite une procédure à mettre en œuvre pour réaliser pareil dossier.

ire

is o

pr ov

uv

Ep

re

e

1. Sélectionne une production culturelle. 2. Élabore le document d’archivage destiné à ton dossier d’expériences culturelles.

20

Séquence 1

Tâche finale


Séquence 3

La vie est trop courbe — « La vie est trop courbe pour se conformer aux règles. »

(Pol Pierart)

is o

ire

Justifier oralement la présence de caractéristiques baroques dans la production d’un artiste contemporain, sous la forme d’une présentation orale soutenue par un diaporama

pr ov

Classique, baroque… autant d’adjectifs qui, loin de ne définir que des courants artistiques vieux de plusieurs siècles et circonscrits à des époques précises, sont couramment utilisés de nos jours. Cette séquence te propose de remonter le temps jusqu’au début du XVIIe siècle et de cheminer sur les sentiers du classique et du baroque qui, parions-le, ne manqueront pas de te ramener à notre époque.

Production attendue

e

Compétence à développer

uv

Justifier une réponse scolaire

Appliquer

Ep

re

• Analyser les spécificités de la situation de communication • Énoncer les connaissances sur lesquelles fonder la justification • Planifier la justification sous la forme d’un écrit intermédiaire*(schéma, diaporama…) • Rechercher de l’information en vue d’argumenter • Évaluer la qualité d’une justification et l’améliorer

Connaitre Expliciter les facteurs de réussite et/ou d’échec d’une prestation orale argumentée individuelle

Justification de l’appartenance d’un artiste au courant baroque sous la forme d’une présentation orale soutenue par un diaporama

Transférer

Justifier une réponse scolaire

Ressources communes

UAA 0 – UAA 4

• Focus sur la littérature et les arts : le courant classique et le courant baroque

Ressources • Paramètres de la situation de communication • Connaissances à inférer des documents • Connaissances à vérifier ou à rechercher • Concepts et savoir-faire disciplinaires • Sélection des connaissances déclaratives et procédurales adéquates à la demande • Structure discursive pour justifier : structure argumentative • Spécificités d’un diaporama • Cohésion textuelle • Ressources linguistiques

55


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des fiches outils suivantes :

 Convaincre, p. XXX  Prendre la parole en public, p. XXX  Poésie, p. XXX  Situation de communication, p. XXX

Activité 1

Observer un diaporama sur le mouvement classique —

ire

1. Redécouvrir le classicisme

is o

En 4e année, la séquence « C’est classe » t’a permis de découvrir les caractéristiques d’un courant artistique : le classicisme. Ton professeur va t’en rappeler les grandes lignes en s’appuyant sur un diaporama. Centre ton attention sur le contenu de son exposé, mais également sur les caractéristiques spécifiques à cette manière de communiquer. C’est sous cette forme, en effet, que tu auras à présenter un exposé à la fin de cette séquence.

pr ov

1. Écoute l’exposé et observe le diaporama. a) Les dias sont reproduites ci-dessous. b) À côté de chacune d’elles, tu disposes d’un espace de notes. c) Utilise-le, compte tenu du fait que tu devras disposer des connaissances transmises lors de cet exposé.

Dia 1

Ep

re

uv

e

Dia 2

56

Séquence 3


Dia 3

pr ov

is o

Dia 4

ire

Dia 5

Ep

re

uv

e

Dia 6

Séquence 3

57


Dia 7

pr ov

Dia 9

Ep

re

uv

e

Dia 10

58

is o

Dia 8

ire

Séquence 3


Dia 11

pr ov

is o

Dia 12

ire

Dia 13

Ep

re

uv

e

Dia 14

Séquence 3

59


2. Relever les caractéristiques formelles d’un diaporama Tu as pris des notes sur les informations fournies par le diaporama. Reste à observer la manière dont il est conçu. 1. Selon toi, quelle est l’utilité de la projection d’un diaporama pour accompagner ce genre d’exposé ? Pour répondre, place-toi dans la perspective de : a) l’orateur ; b) l’auditeur. 2. Sous quelles formes les informations sont-elles présentées sur les dias ?

ire

3. En combien de grandes parties est structuré cet exposé ? Comment sont-elles identifiées ?

is o

4. Combien de caractéristiques du classicisme sont mentionnées ? Comment sont-elles identifiées ? 5. Pourquoi toutes les informations n’apparaissent-elles pas simultanément sur la dia ?

6. L’auteur du diaporama a mis une partie des informations en italiques. Pourquoi ce choix ?

pr ov

7. Dans un diaporama, les images peuvent être liées au contenu de différentes façons : elles peuvent représenter, symboliser ou illustrer les réalités évoquées. a) Observe les images des dias n° 3, 6 et 7. b) Pour chacune d’elles, détermine le lien qu’elle entretient avec l’information. 8. Toutes les dias ne sont pas illustrées. Selon toi, est-ce judicieux ? Explique.

e

Utilité et caractéristiques du diaporama

Ep

re

uv

60

Séquence 3


Activité 2

Découvrir et comprendre les origines du mouvement baroque —

1. Situer historiquement le courant baroque Remontons le temps : au XVIIe siècle, un courant a précédé le classicisme qui, par ailleurs, s’y est opposé et l’a partiellement évincé : le courant baroque.

ire

1. Observe attentivement les photos de l’église du Gèsu, à Rome (1568-1584). Quelle(s) impression(s) se dégage(nt) de ces photos ?

re

uv

e

Photo : De Stefano_Valeri

pr ov

is o

Ep

2. Selon toi, quel but poursuivait-on en construisant un tel édifice ?

Photo : tango7174, Wikimedia commons

3. Lis le texte suivant en y surlignant les passages qui permettent d’infirmer ou de confirmer tes réponses.

Séquence 3

61


Origines du courant baroque

15

20

ire

En réaction à cette Réforme menaçante pour son existence et son rayonnement, l’Église catholique met en œuvre une opération de reconquête : la Contre-Réforme. Lors du Concile2 de Trente, du nom de la ville italienne où il se tient de 1547 à 1563, elle entreprend de réaffirmer certains dogmes, de consolider la suprématie du pape et les fondements du catholicisme. Elle décide de s’appuyer plus que jamais sur l’art comme instrument de dévotion. Prenant le contrepied de l’austérité affichée par les temples protestants, qui refusent couleurs et statues, elle se lance dans une véritable entreprise de propagande par l’image. Rome commande alors aux architectes, aux peintres, aux sculpteurs italiens des œuvres colossales, foisonnantes, exubérantes, propres à susciter chez les croyants des sensations vertigineuses. Expressivité des personnages, contraste des couleurs, noblesse des matériaux : marbre, argent, dorures… Rien n’est trop « tape-à-l’œil » pour incarner la puissance du culte catholique.

uv

25

is o

10

Autre conséquence de cette invention : la Bible connait une diffusion sans précédent. Désormais, tous les chrétiens lettrés ont accès au texte, accès jusqu’alors réservé au clergé. Cette diffusion est d’autant plus importante qu’apparaissent à cette époque des traductions dans les langues vernaculaires1 et non plus seulement en latin ou en grec. Martin Luther, se fondant sur la lecture des textes sacrés, élabore et répand le principe fondateur de la Réforme protestante : s’en tenir uniquement à ce que disent explicitement ces textes. Il refuse donc vigoureusement certains dogmes et pratiques du catholicisme. Ainsi les protestants ne reconnaissent-ils ni l’autorité du pape, ni la hiérarchie de l’Église, ni l’existence des saints. Ainsi encore fustigent-ils la conduite des membres de l’Église qui se sont éloignés des règles évangéliques de pauvreté et de chasteté. Ce refus et ces critiques heurtent le Vatican. Le conflit entre Luther et les autorités catholiques s’envenime et débouche sur un schisme dans l’Église, lequel entraine les guerres de religion qui, dès 1560, mettent l’Europe à feu et à sang.

pr ov

5

e

1

Le développement de l’imprimerie (mise au point par Gutenberg en 1450) entraine un bouleversement complet de la société européenne. En facilitant la diffusion des textes et du savoir, cette innovation technique est un facteur déterminant de l’avènement de la Renaissance, cette période d’intense bouillonnement intellectuel nourri par l’étude, l’édition et la traduction de textes de l’Antiquité grecque et romaine.

re

Ep

30

Et c’est donc sur l’impulsion de la Contre-Réforme que cet art démonstratif, qu’on qualifiera bien plus tard de « baroque3», va essaimer dans toute l’Europe. Il faut dire que, par son gout pour le bizarre, l’illusion, le déséquilibre, l’instabilité, ce courant répond parfaitement à la sensibilité d’une époque en plein basculement, ébranlée dans ses certitudes par les grandes découvertes géographiques et scientifiques (l’héliocentrisme de Copernic4, la découverte de l’Amérique, la connaissance du corps humain…) qui remettent profondément en question la conception médiévale de l’Univers.

35

© Van In

Langues parlées par les peuples

1

Assemblée d’évêques catholiques

2

L’adjectif « baroque » vient du portugais barroco qui désigne une perle irrégulière. Le terme est utilisé en français depuis le XVIe siècle pour qualifier quelque chose de bizarre ou d’excessif, mais c’est seulement à la fin du XIXe qu’il perdra sa connotation péjorative et sera utilisé pour désigner un courant artistique.

3

En 1513, Nicolas Copernic propose un nouveau modèle de l’univers, plaçant le soleil au centre de celui-ci, et non plus la terre comme on le pensait jusqu’alors. Cette théorie remet en cause la vision de l’homme, qui n’est plus au centre de la Création comme on l’avait toujours pensé.

4

62

Séquence 3


4. Assure-toi que tu as bien compris ce texte. a) Donne un titre à chacun de ses paragraphes. b) Assure-toi que tu comprends bien ce que recouvrent les expressions ou mots soulignés. Oralement, tu seras capable d’expliquer le sens de celles ou ceux que ton (ta) professeur(e) t’aura attribués et, le cas échéant, de les mettre en relation avec le courant baroque.

Vocabulaire

ire

Activité 3

pr ov

is o

Découvrir les caractéristiques du baroque à travers la peinture, la sculpture, l’architecture et la poésie —

1. Ébaucher un diaporama sur les caractéristiques du baroque

e

Ci-dessous, tu trouveras un texte qui décrit les cinq caractéristiques principales du baroque.

uv

1. Prends-en connaissance et assure-toi que tu le comprends bien. Consulte ton (ta) professeur(e) au besoin.

re

Les caractéristiques du mouvement baroque Le baroque touche la totalité des arts de son époque : le théâtre, la musique, la sculpture, la peinture, la littérature et l’architecture. Mais ce courant, étiqueté à postériori, n’est pas une école artistique qui obéirait à des principes concertés. Le baroque est un mouvement protéiforme, aux productions extrêmement diverses, dans lesquelles on peut cependant distinguer quelques grandes tendances, quelques lignes de force.

Ep

1

5

10

Ce qui caractérise d’abord une œuvre baroque, c’est l’excès, la démesure. Qu’il s’agisse des dimensions monumentales de

l’architecture ou de la charge expressive des tableaux ou des sculptures, tout y est porté à un degré extrême. Les personnages sont animés de sentiments passionnés et l’artiste choisit, pour représenter son 20 sujet, le moment où la situation atteint son paroxysme d’émotion, de violence, de déchainement. Ce parti pris produit un effet spectaculaire, c’est pourquoi on parle de « théâtralité ». 15

25

La théâtralité de l’art baroque tient également à l’impression de mouvement qui se dégage des œuvres. Les personnages peints ou sculptés n’ont jamais l’air de

Séquence 3

63


45

50

Autre façon de frapper l’esprit et le regard : la recherche du contraste. Les peintres, par exemple, créent des effets de « clair-obscur », comme l’on nomme la

55

60

65

70

Enfin, le choix des thèmes est de nature à impressionner le spectateur. Par le gout du macabre d’abord : la période est trouble, la violence et la mort imprègnent l’air du temps. Scènes de meurtres et décapitations abondent dans la peinture. Les vanités, œuvres picturales rappelant aux humains leur fin inéluctable, sont très en vogue. L’imaginaire baroque se complait également dans le bizarre. Il fait la part belle aux créatures fantastiques, aux animaux inconnus, aux spectres issus des enfers, à la magie. Il aime à estomper la frontière entre le rêve et la réalité. Les peintures en trompe-l’œil, les jeux de miroir et les mises en abyme1 contribuent à ce plaisir de l’illusion.

ire

40

Complexe, le baroque l’est aussi par sa propension au foisonnement. Les productions sont surchargées, luxuriantes et leur structure multiplie les ramifications. L’artiste accumule les détails, les personnages, entrelace les motifs, mélange les genres, sans crainte de produire une impression de désordre. Le côté décoratif est très affirmé, avec un luxe de fioritures, de courbes ou d’effets de miroir.

rencontre tranchée entre lumière vive et ombre profonde. Ils captent aussi le regard par l’utilisation de couleurs éclatantes.

is o

35

poser, mais plutôt d’être saisis sur le vif, en pleine action, à un point de tension, voire de déséquilibre. Rien n’est stable ni permanent. Fugacité, transformation, métamorphose, travestissement sont au cœur d’une esthétique qui cherche à présenter le réel dans toute sa complexité.

pr ov

30

© Van In

Une mise en abyme désigne, par exemple, l’enchâssement d’une scène de théâtre dans une pièce de théâtre, d’un tableau dans un tableau.

1

Ep

re

uv

e

2. Imagine que tu aies à créer un diaporama pour soutenir la présentation orale de ces caractéristiques. a) Pour chaque caractéristique, rédige le titre de la dia sous la forme d’une phrase nominale. Inspire-toi éventuellement des dias consacrées au classicisme. b) Certaines dias nécessiteront-elles des sous-titres ? Rédige-les, le cas échéant. c) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples et choisissez ensemble la formulation qui vous semble la plus pertinente pour chaque caractéristique.

64

Séquence 3


ire is o pr ov

3. Ci-après, tu trouveras une série d’œuvres d’art des XVIe et XVIIe siècles. Observe-les et consulte le e-Document 1 pour en savoir plus sur certaines d’entre elles.

uv

e

e-Document 1 Pour en savoir plus sur les œuvres présentées

Ep

re

4. Ensemble, choisissez pour chaque diapositive rédigée une ou deux œuvres qui l’illustreraient de façon pertinente. a) Notez le titre de(s) l’œuvre(s) dans la case intégrée à la dia. b) Oralement, justifiez vos choix.

Séquence 3

65


ire is o

e

pr ov

De Valdés Leal, J. (1671). In Ictu Oculi. Huile sur toile. 216 x 220 cm. Séville : Hôpital de la Charité.

Ep

re

uv

Vélasquez, D. (1656). Les Ménines. Huile sur toile. 318 x 276 cm. Madrid : Musée du Prado.

Bibliothèque de l’abbaye d’Admont en Autriche (achevée en 1776). 66

Séquence 3


ire is o Bernini, dit Le Bernin, G.L. (1622-1625). Apollon et Daphné. Marbre. 243 cm. Rome : Galerie Borghèse.

Ep

re

uv

e

Photo : Arcomonte26, Wikimedia commons

pr ov

Rubens, P.P. (1615). La Chasse à l’hippopotame et au crocodile. Huile sur toile. 248 x 321 cm. Munich : Alte Pinakothek.

Rubens, P.P. (1616-1617). La Descente de croix. Huile sur toile. 425 x 295 cm. Lille : Palais des Beaux-Arts.

Séquence 3

67


ire is o pr ov

Le Caravage. (vers 1606). David et Goliath. Huile sur toile. 125 x 1011 cm. Rome : Galerie Borghèse.

Ep

re

uv

e

Le Bernin. (1647-1652). Extase de sainte Thérèse. Marbre. 350 cm. Rome : Église. Santa Maria della Vittoria

Rembrant. (1642). La ronde de nuit. Huile sur toile. 363 x 437 cm. Amsterdam : Rijksmuseum.

68

Séquence 3


pr ov

is o

ire

RUBENS, P.P. (1617-1618), Tête de Méduse. Huile sur bois et toile. 68 x 119 cm. Vienne : Musée d’Histoire de l’art.

Photo : Mistervlad

Ep

re

uv

e

Le Caravage. (1598). Judith décapitant Holopherne. Huile sur toile. 145 x 195 cm. Rome : Galerie nationale d’Art ancien.

Le Bernin. (1648-1651). Fontaine des Quatre-Fleuves. Rome : Piazza Navona.

5. Consultez le e-Document 2. En fonction des conseils qui y sont donnés, améliorez votre production.

e-Document 2 Pour un diaporama efficace

Séquence 3

69


2. La poésie baroque Le baroque s’est aussi illustré dans la littérature et notamment en poésie. 1. Prends connaissance du texte ci-dessous en soulignant les figures de style qui y sont mentionnées.

La poésie baroque La poésie baroque manifeste, bien entendu, les cinq caractéristiques du courant relevées plus haut. Les poètes recourent à des figures de style qui correspondent parfaitement à l’esthétique baroque. Ainsi, l’expression de l’excès, de la démesure, est rendue par l’hyperbole. Lorsque le peintre accentue les contrastes du clair-obscur, le poète, lui, a recours à l’antithèse ou à l’oxymore. Quant au côté foisonnant des œuvres, il se révèle, dans les poèmes, grâce à la multiplication des métaphores et des jeux sonores comme l’allitération et l’assonance. Enfin, le gout baroque pour les jeux de miroir explique l’utilisation systématique des parallélismes et des anaphores. Il est évident que la seule présence de figures de style ne peut faire d’un texte un texte baroque. Encore faut-il que ces figures contribuent à exprimer une vision du monde.

5

10

is o

ire

1

pr ov

2. Consulte la fiche outil Poésie et cherches-y les figures de style affectionnées par les écrivains baroques afin : a) d’en comprendre le fonctionnement ; b) d’être capable de les identifier dans un texte.

 Fiche outil, Poésie, Figures de style, p. xxx

3. Lis les trois poèmes suivants en t’attachant à bien les comprendre.

e

a) Théophile de Viau (1621)

Un Corbeau devant moi croasse1, Une ombre offusque2 mes regards, Deux belettes et deux renards Traversent l’endroit où je passe : 5 15 Les pieds faillent3 à mon cheval, 4 5 Mon laquais tombe du haut mal , J’entends craqueter6 le tonnerre, Un esprit se présente à moi, J’ois7 Charon8 qui m’appelle à soi, 10 Je vois le centre de la terre9. 20

Ep

re

uv

1

Ce ruisseau remonte en sa source, Un bœuf gravit sur un clocher, Le sang coule de ce rocher, Un aspic10 s’accouple d’une ourse, Sur le haut d’une vieille tour Un serpent déchire un vautour, Le feu brûle dedans la glace, Le Soleil est devenu noir, Je vois la Lune qui va choir11, Cet arbre est sorti de sa place. de

Viau Th. (1621). Sans titre. Œuvres poétiques.

1

Cri du corbeau

6 Faire un bruit de craquement

2

« Offusquer » signifie ici : éblouir, troubler la vue en l’obscurcissant.

7 « J’ois » provient du verbe « ouïr » qui signifie « entendre ».

3

« Faillent » provient du verbe « faillir » qui signifie dans ce sens « manquer ». Les pieds du cheval viennent à lui manquer : il tombe, ne tient plus debout.

8 Fils des Ténèbres et de la Nuit, Charon est le batelier des Enfers. En effet, dans la mythologie grecque, les Enfers sont séparés du Royaume des Vivants par des fleuves qu’il faut traverser en barque.

4

Un valet

9 « Le centre de la terre » désigne les Enfers.

5

Le « haut mal » est le nom qu’on donnait à l’époque à l’épilepsie, maladie nerveuse entrainant perte de connaissance et convulsions. « Tomber du haut mal », c’est donc mourir d’épilepsie.

10 Un serpent (variété de vipère)

70

Séquence 3

11 Tomber


b) Jean Baptiste Chassignet 1

Mortel, pense quel est1 dessous la couverture

D’un charnier mortuaire un corps mangé de vers,

Décharné, dénervé, où les os découverts,

Dépulpés, dénoués, délaissent leur jointure :

5

Ici l’une des mains tombe de pourriture,

Les yeux d’autre côté détournés à l’envers.

Se distillent en glaire, et les muscles divers

Servent aux vers goulus d’ordinaire pâture :

10

Infecte l’air voisin de mauvaise senteur,

Et le nez mi-rongé difforme le visage ;

Puis connaissant l’état de ta fragilité, Fonde en Dieu seulement, estimant vanité

pr ov

Tout ce qui ne te rend plus savant et plus sage

is o

Le ventre déchiré cornant de puanteur 2

ire

Chassignet J.-B. (1574). Mépris de la vie et consolation contre la mort. Sonnet 5. 1 Imagine comment est 2 Puant

c) Pierre De Marbeuf, 1596-1645

Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage,

e

1

L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,

Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

uv

Et la mer est amère, et l’amour est amer,

Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,

Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

re 10

Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,

Ep

5

La mère de l’amour eut la mer pour berceau1,

Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,

Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,

Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,

Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. De Marbeuf P. (1628). Sans titre. Recueil des vers. 1

Allusion à Aphrodite / Vénus, déesse de l’amour, née de l’écume de la mer.

Séquence 3

71


• Le foisonnement

• L’instabilité

• La complexité

• Le gout du macabre

• L’excès

• Le gout du bizarre

ire

4. Pour chacune des caractéristiques baroques suivantes, indique : a) lequel de ces poèmes te semble l’illustrer le plus manifestement ; b) sur quels vers tu fondes ta réponse. c) Justifie oralement.

is o

5. Souligne, dans chacun des textes, des figures de styles typiques de la poésie baroque et nomme-les. 6. Quels effets ces figures sont-elles susceptibles de produire sur le lecteur ?

pr ov

7. Choisis une des œuvres présentées dans l’activité 3 (peinture, sculpture, architecture ou poésie) et complète le schéma argumentatif ci-dessous pour justifier son appartenance au mouvement baroque.

uv

e

 Fiche outil, Convaincre, p. xxx

re

est une œuvre baroque

Ep

8. Présente ta justification oralement à la classe.

72

Séquence 3


Activité 4

Comparer des œuvres baroques et classiques —

1. Comparer des représentations picturales d’épisodes bibliques

is o

uv

e

pr ov

a) Le sacrifice d’Isaac

ire

Observe les deux couples de toiles ci-dessous. Chaque paire met en scène le même épisode biblique : les sujets sont identiques (les artistes puisent leur inspiration dans le même réservoir), mais leur traitement bien différent. Les deux premières toiles représentent le sacrifice d’Isaac. Les secondes, le jugement e-Document 3 de Salomon. Consulte le e-Document 3 pour Pour en savoir plus en savoir plus sur ces récits. sur deux épisodes bibliques

Ep

re

b) Le jugement de Salomon

Séquence 3

73


1. Sur la base des caractéristiques observées précédemment, quel tableau de chaque paire te semble baroque et lequel te semble classique ? 2. Échange tes réponses avec tes condisciples.

2. Exprimer la comparaison classique / baroque

ire

Voici une liste de mots. Lis-les et assure-toi de bien les comprendre. – bariolé – biscornu – choquant – concis – convenable – dépouillé – dynamique – émotionnel – excessif – exubérant – fantaisiste – hétérogène – homogène – intellectuel – invraisemblable – irrégulier – mesuré – modéré – orné – prévisible – prolixe – raisonné – rectiligne – régulier – sobre – statique – surprenant – symétrique – vraisemblable

is o

asymétrique

pr ov

1. Recopie ces adjectifs dans le tableau suivant selon qu’ils conviennent mieux pour évoquer le classique ou le baroque. Place en vis-à-vis sur chaque ligne les termes qui s’opposent deux à deux. Baroque

Classique

Ep

re

e

uv

Baroque

Classique

2. Parmi ces paires d’adjectifs antithétiques : a) choisis-en trois qui conviennent pour qualifier les représentations du Sacrifice d’Isaac ou du Jugement de Salomon. b) Justifie oralement ta réponse.

74

Séquence 3


3. Nuancer l’opposition baroque / classique Les notions de baroque et classique ne sont pas si exclusives qu’il pourrait y paraitre. 1. Prends connaissance du texte suivant. Assure-toi que tu le comprends bien.

10

15

ire

Dans la première moitié du XIXe, on retrouve entre les néo-classiques (DavidIngres) et les romantiques (GéricaultDelacroix) une opposition fort voisine de l’opposition Classique-Baroque. Les 35 romantiques peuvent être perçus comme des néo-baroques s’opposant aux néoclassiques. La peinture romantique est comme une chambre d’écho des audaces du style baroque, tant en ce qui concerne 40 le sujet qu’en ce qui concerne la forme. Ses toiles passionnées contrastent avec celles des peintres néo-classiques, plus froides, où la rigueur de la ligne – du dessin – prime sur l’éclat de la couleur. 30

Ep

re

uv

e

20

Cette domination d’une tendance sur l’autre, on la retrouvera aux siècles suivants 25 et l’on peut dire qu’elle ira s’accentuant au point de donner naissance, au XXe siècle, à des œuvres contemporaines les unes des autres où se manifeste, d’une part, la raison seule, de l’autre, la seule émotion.

is o

5

L’équilibre entre émotion et raison est une caractéristique de l’art de la Renaissance. Le couple BaroqueClassique du XVIIe siècle détruit-il cet équilibre ? Y a-t-il lieu de penser que l’art baroque est tout émotion et l’art classique tout raison ? Faut-il croire que la volonté du roi de France de susciter des œuvres distinctes de celles qu’avait suscitées le pape – des œuvres illustrant un génie typiquement français – a donné naissance à un style intellectualisant où le sentiment n’a plus aucune place ? Faut-il croire, corollairement, que le style baroque né à Rome ne sollicite que l’affectivité ? Non. Baroques ou classiques, les créations du XVIIe siècle manifestent la dominance de l’émotion sur la raison ou l’inverse, mais non l’exclusion de l’une au profit de l’autre.

pr ov

1

David, J.-L. (1785). Le Serment des Horaces. Huile sur toile. 330 x 425 cm. Paris : Musée du Louvre.

Delacroix, E. (1827). La Mort de Sardanapale. Huile sur toile. 392 x 496 cm. Paris : Musée du Louvre.

Séquence 3

75


55

Souveryns, P. (2003). Regards sur le XVIIe siècle, Liège : CIFEN, ULG.

re

uv

e

pr ov

60

ire

50

Baroque et classique sont des termes d’usage assez courant qui servent à qualifier l’apparence, le comportement, les gouts d’une personne. En employant ces motslà, nous ne songeons généralement pas au sens technique qu’ils ont dans le domaine 70 de l’art, nous signifions que la personne fait – de notre point de vue, étant donné notre propre tempérament – la part (plus) belle à la raison ou à l’émotion. Ce qu’il importe de comprendre, s’agissant de 75 la création artistique, c’est que raison et émotion peuvent faire bon ménage, former un couple orageux, se dominer alternativement, divorcer, se réconcilier et que l’histoire de leur relation est une 80 histoire passionnante. 65

is o

45

Au XXe siècle l’opposition se radicalise parfois. Un exemple remarquable est l’art abstrait avec des personnalités comme Kandinsky et Mondrian. On parle même de l’abstrait « chaud » et de l’abstrait « froid ». […] L’art abstrait est une projection la plus fidèle possible de la réalité intérieure de l’artiste, il n’est donc pas étonnant qu’il exhibe et exacerbe les inclinations créatrices de tempéraments opposés, l’intellect dominant celui-ci ou l’affectif celui-là […]. À l’image de l’homme, l’art a deux composantes fondamentales : la raison et l’émotion. Disons-le autrement : l’homme crée à son image et, dès lors qu’il n’est plus contraint de respecter des canons du beau, il ne peut faire autrement que manifester l’équilibre ou le déséquilibre en lui de la raison et de l’émotion, de l’ordre et du désordre, de la rigueur et de la fantaisie.

Ep

Mondrian, P. (1921). Composition en rouge, jaune, bleu et noir. Huile sur toile. 59,5 x 59,5 cm. La Haye : Kunstmuseum.

76

Séquence 3

Kandinsky, W. (1913). Composition VII. Huile sur toile. 200 x 300 cm. Moscou : Gallerie Tretyakov.


2. Propose, pour ce texte, un titre qui en annonce explicitement le propos. 3. Observe les deux œuvres du XXe qui illustrent l’article que tu viens de lire. a) Laquelle de ces œuvres qualifierais-tu de baroque et laquelle de classique ? b) Justifie ta réponse en formulant une comparaison basée sur quelques adjectifs antithétiques de l’activité 3. 4. Quant à toi, te sens-tu davantage de tempérament baroque ou classique ?

Mondrian, Kandinsky... et toi

ire

is o

pr ov

uv

e

re

Ep

Séquence 3

77


Tâche finale

Réaliser et présenter un diaporama —

Comme tu l’as découvert, le baroque s’exprime encore de nos jours. Les œuvres des artistes contemporains expriment tantôt des tendances plus baroques, tantôt plus classiques. 1. Ci-dessous une liste d’artistes du XXe siècle à nos jours. Prends-en connaissance.

is o

3. Réalisez un diaporama conforme aux conseils de l’e-document 2. Il comprendra entre 8 et 10 dias pour 3 à 5 minutes d’exposé oral.

ire

2. En binôme, choisissez un(e) artiste dont vous aurez à mettre en évidence le tempérament baroque.

e-Document 2

Frank Gehry, Antoni Gaudí, Zaha Hadid, Daniel Libeskind

Photographie :

Jean-Paul Goude, Pierre et Gilles, David Lachapelle, Romina Ressia

Arts plastiques :

Jeff Koons, Niki de Saint Phalle, Jan Fabre, Gérard Garouste, Takashi Murakami, Yayoi Kusama, Miguel Chevalier

Stylisme :

John Galliano, Jean-Paul Gautier, Asya Kozina

Bande dessinée :

Philippe Druillet, Olivier Ledroit, Mœbius, Nicolas De Crécy

Design :

Oriel Harwood, Marcel Wanders, Patricia Urquiola, Ron Arad

Ep

re

uv

e

pr ov

Architecture :

Gerhy F. Hôtel de Marques de Riscal. Elciego. Espagne

78

Séquence 3 Photo : Alberto Loyo / Shutterstock.com


Séquence 10

Absolus, mais maudits ! — Réaliser l’interview d’un poète maudit

ire

« Absolus par l’imagination, absolus dans l’expression… Mais maudits ! Jugez-en. » (Verlaine, P. (1888). Les poètes maudits. Avant-propos.)

e

pr ov

is o

Quelle est la place du poète dans une société tout entière dédiée au profit et arcboutée sur les valeurs morales traditionnelles ? Quel accueil réserve-t-on à des sensibilités hors norme, désireuses d’explorer des voies nouvelles ? Quelle postérité pour ces personnalités marginales ? C’est ce que tu découvriras au cours de cette séquence, en te penchant sur trois monstres sacrés de la littérature française : Baudelaire, Verlaine et Rimbaud.

Production attendue

Réponses synthétiques à plusieurs questions

Interview

uv

Compétence à développer

Ressources communes

• Analyser la spécificité de la situation de communication • Identifier des documents • Lire (écouter) des documents sources et en manifester sa compréhension • Comparer des informations • Évaluer et améliorer une interview

Focus sur la littérature et les arts : la Modernité Charles Baudelaire Arthur Rimbaud Paul Verlaine

Ep

re

Appliquer

Connaitre Après la tâche finale, expliciter la démarche et les choix adoptés dans la production

Transférer Rédiger (des questions et) des réponses synthétiques

UAA 2 Ressources • • • • • •

Paramètres de la situation de communication Mode de lecture : avec annotations Connaissance de la thématique Caractéristiques du genre (interview) Structure discursive Cohésion textuelle

81


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des fiches outils suivantes :

 Informer, p. xxx  Courtoisie, p. xxx  Situation de communication, p. xxx  Prendre la parole en public, p. xxx

Activité liminaire

xx

is o Cette année encore des Vénus… toujours des Vénus !... comme s’il y avait des femmes faites comme ça !...

Ep

re

uv

e

pr ov

Au XIXe siècle, époque où la presse connait un développement spectaculaire, les caricatures envahissent les journaux. Usant de l’exagération, les caricaturistes mettent en relief les mœurs et les comportements de certains groupes humains. Voici quelques dessins d’Honoré Daumier (1808-1879), un maitre du genre. Observe-les attentivement en centrant ton attention sur les groupes sociaux représentés.

ire

Le banquier

Voyons ne soyez donc pas bourgeois comme ça … admirez au moins ce Courbet ! 82

Séquence Séquence10 3


ire is o

Partons, madame… ces nudités sont révoltantes … (à part) je reviendrai tout seul !

Ep

re

Le pauvre poète

uv

e

pr ov

Mr Prudhomme vouant son fils au culte du nouveau Dieu des Parisiens

- On a beau dire, l’antique est toujours beau. - Oui, en marbre, ma femme…

La promenade du critique influent

Séquence 3

83


Que nous disent ces caricatures sur l’époque où elles ont été créées ? a) Quel(s) est (sont) le(s) groupe(s) social (sociaux) représenté(s). b) Caractérise l’image qui en est donnée. c) Une de ces caricatures fait allusion à Courbet. Si tu ne comprends pas l’allusion, reporte-toi e-Document 1 au e-Document 1. Courbet (1819-1877), un peintre subversif d) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

La société dans la seconde moitié du XIXe siècle

ire

is o

pr ov

Activité 1

Cerner ce que recouvre l’expression « poète maudit »

e

uv

1. Manifester sa compréhension d’un texte informatif

Ep

re

1. Connais-tu l’expression « poètes maudits » ou « artistes maudits » ? a) Si oui, que signifie-t-elle ? b) Donne des exemples. c) Si non, formule une hypothèse sur ce qu’elle désigne. 2. Prends connaissance du texte ci-dessous. a) S’il comporte des mots, expressions, passages que tu n’es pas certain(e) de comprendre, fais appel à la classe. b) Donne-lui un titre et des intertitres, en veillant à ce qu’ils informent sur le texte qu’ils chapeautent. c) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

84

Séquence 10


1. 1

Dans les années 1880, le poète Paul Verlaine publie un essai intitulé Les Poètes maudits et consacré à Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé, Tristan Corbières, Auguste Villiers de l’Isle-Adam, Marceline Desbordes-Valmore et à lui-même, « le pauvre Lélian1 ». D’autres s’ajouteront à cette liste, en particulier Nerval, Baudelaire et Lautréamont.

5

Quelle peut bien être la malédiction qui réunit tous ces talents qui, aujourd’hui, sont considérés comme de grands, voire d’immenses poètes ?

is o

Tous ont connu un parcours personnel difficile. Au cours de leur petite enfance, ils ont vécu des frustrations affectives qui les ont façonnés et ont nourri un sentiment d’injustice et/ou d’abandon dont ils ne guériront jamais. Telle est l’origine de leur instabilité psychologique, à laquelle s’ajoute une instabilité sociale. Incapables de se fixer et de se contraindre à un travail régulier, ces poètes sont confrontés à des difficultés matérielles qui minent leur existence. Ils se sentent mis au ban d’une société qu’ils accusent de ne pas les comprendre, voire de les mépriser et de les rejeter.

pr ov

10

ire

2.

3. 3.1.

e

20

De fait, cette société, qui connait un développement matériel sans précédent – banques et grands magasins, chemins de fer, urbanisation galopante – et qu’agitent de fréquents conflits sociaux, est obsédée par l’argent et le travail. Elle ignore superbement les valeurs intellectuelles et esthétiques. Pour elle, seule la rentabilité compte ! L’artiste, qui rejette l’utile et privilégie les forces de l’esprit, est considéré comme un individu en rupture, voire comme un être subversif, puisqu’il conteste la suprématie du matériel sur le spirituel. Premier décalage.

uv

15

3.2.

Ep

re

Par ailleurs, l’industrialisation a entrainé le triomphe de la bourgeoisie. C’est donc cette classe sociale qui dispose des moyens financiers permettant l’acquisition des œuvres d’art. Mais le gout bourgeois en matière artistique est terriblement conservateur : il est formaté par l’académisme. Est considéré comme beau ce qui obéit aux conventions académiques en vigueur depuis des lustres. Or, les artistes dont nous parlons refusent catégoriquement de se soumettre aux dogmes passéistes. Ils veulent rompre avec la tradition, ils veulent innover. Ils se retrouvent donc en total décalage avec la classe dominante, la bourgeoisie, et celle des « honnêtes gens » déroutés, voire choqués dans leurs habitudes esthétiques. Second décalage.

25

3.3. 30

Marginalisés, pauvres, moqués, en butte à la méfiance ou à l’hostilité des bourgeois, écrivains et peintres se regroupent pour faire front. Leur réponse au rejet dont ils sont victimes de la part de la bourgeoisie consistera à mépriser haut et fort les conventions, qu’elles soient artistiques ou sociales. Le poète maudit est, par conséquent, un individu Anagramme de Paul Verlaine

1

Séquence 3

85


35

révolté qui, au lieu de s’acharner et de subir sa malédiction et son exclusion, les assume pleinement en pratiquant, sans modération aucune, alcool, drogue, sexualité débridée, langage ordurier. Ils se retrouveront parfois à l’hôpital, ce qui en dit long sur leur déchéance physique. Ils feront de la provocation et de l’anticonformisme une attitude de principe et un titre de gloire. Troisième décalage. 3.4.

L’artiste nourrit une nouvelle ambition : il ne veut plus se contenter de représenter le monde. Il veut aussi y ajouter sa vision personnelle. C’est donc l’originalité qui, selon lui, confère de la valeur à une œuvre et non le respect des normes ou l’accueil de la critique et/ou du public.

is o

45

Cet anticonformisme et ce gout pour la rupture ne seront pas sans conséquence sur leur œuvre. C’est d’ailleurs avec eux que nait la Modernité. Les traits généraux qui caractérisent la Modernité artistique sont au nombre de quatre.

ire

40

pr ov

50

Ils veulent renouveler les sujets de l’Art : les innovations (villes, machines, vitesse…) en particulier feront partie de leurs thèmes de prédilection. Certains d’entre eux n’hésitent pas à traiter des thèmes jugés tabous. Cette prédilection pour l’actuel, le singulier et l’éphémère est en opposition totale avec l’ambition de l’universalité qui domine l’art depuis des lustres. Ce gout pour la nouveauté des thèmes entraine une recherche de formes et de techniques nouvelles, comme le poème en prose ou la peinture en extérieur. En poésie, l’utilisation du langage ne sert plus la communication ordinaire dans laquelle le sens doit être univoque. Au contraire, le sens devient incertain, difficile à saisir.

e

55

uv

4.

re

Le temps se chargera de reconnaitre leur valeur et leur rendra la reconnaissance qui leur est due. Ces poètes maudits, en effet, sont devenus des icônes de la littérature, de véritables figures mythiques et les hommages qu’on ne cesse de leur rendre prennent des formes très diverses : adaptations musicales, biopics, biographies, objets dérivés, etc. 5.

Aujourd’hui, l’expression « poète maudit » a fait florès et elle sert à qualifier d’autres artistes que les poètes mis à l’honneur par Verlaine. Elle désigne généralement un poète incompris, marginal, provocant, autodestructeur, qui écrit des textes peu accessibles au plus grand nombre et qui s’éteint avant d’être reconnu à sa juste valeur. Cette expression s’étend également à des peintres, des musiciens…

65

De nos jours, bon nombre d’artistes adoptent la posture du maudit : ils élaborent une image d’eux-mêmes faite d’excès en tout genre, ils travaillent leur look pour se présenter comme un individu singulier, volontairement en marge de la société et de ses conventions.

Ep 60

© Van In

86

Séquence 3


3. Reprends les caricatures présentées dans l’activité liminaire. a) Sélectionnes-en au moins deux qui conviendraient pour illustrer ce texte. b) Justifie ta sélection.

c) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

ire

pr ov

is o

4. Il est question dans ce texte d’académisme et d’innovation artistique. Voici une série de reproductions. a) Distingue celles qui, selon toi, relèvent de l’académisme de celles qui représentent l’innovation. b) Justifie ton classement. c) Si tu ne peux pas répondre, informe-toi en consultant le e-Document 2 et en notant e-Document 2 ci-dessous ce que tu estimes devoir retenir. Comparer deux esthétiques picturales d) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

Cabanel, C. (1863). La naissance de Vénus. Huile sur toile. 225 x 130 cm. Paris : Musée d’Orsay.

re

uv

e

A

Ep

B

Couture, T. (1847). Les Romains de la décadence. Huile sur toile. 775 x 466 cm. Paris : Musée d’Orsay.

Séquence 10

87


C

ire

Courbet, G. (1866). Le sommeil. Huile sur toile. 158 x 200 cm. Paris : Petit Palais.

Flandrin, H. (1855). Jeune homme nu assis. Huile sur toile. 98 x 124 cm. Paris : Musée du Louvres.

Ep

re

E

uv

e

pr ov

is o

D

Monet, C. (1877). La gare Saint-Lazare. Huile sur toile. 75 x 105 cm. Paris : Musée d’Orsay.

88

Séquence 10


re

uv

L’académisme

Degas, E. (1875-1876). L’absinthe. Huile sur toile. 92 x 68,5 cm. Paris : Musée d’Orsay.

e

pr ov

is o

ire

F

Ep

Séquence 10

89


2. Lire et comprendre un poème Il est question dans le texte précédent du mal être des poètes maudits. Voici un poème de Mallarmé. Lis-le en étant attentif(ve) au « je » qui s’y exprime.

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres D’être parmi l’écume inconnue et les cieux ! Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son enfant. Je partirai ! Steamer1 balançant ta mâture, Lève l’ancre pour une exotique nature ! Un Ennui, désolé par les cruels espoirs, Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs ! Et, peut-être, les mâts, invitant les orages, Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots… Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

1

5

15

pr ov

is o

10

ire

Brise marine

Mallarmé, S. (1893). Vers et Prose.

1

Bateau à vapeur

uv

e

1. Voici une lecture, une interprétation de ce poème. a) Lis-la. b) Illustre-la en notant dans les parenthèses les fragments du poème sur lesquels elle se fonde.

»), affirme avec

re

D’entrée, le poète, qui parle de lui de manière directe (« désespoir («

») son manque d’intérêt pour l’expérience sensuelle et intellectuelle,

Ep

dont il dit avoir fait le tour («

»).

Ce constat est suivi d’un désir de départ dont l’urgence est soulignée par l’emploi de l’infinitif

»), du point d’exclamation et de la répétition («

La destination reste vague («

»), mais la suite du poème suggère un voyage

par-delà l’océan et vers des contrées très différentes de l’endroit où il vit (« »).

90

Séquence 10

»).


Le poète est déterminé : aucune attache ordinaire comme les liens familiaux ou un environnement familier ne seront suffisants pour l’arrêter («

»). En outre, là où il se trouve, le poète semble bloqué dans son activité créatrice (« »). Bref, il n’a plus aucune illusion et son mal de vivre est infini »).

Le voyage reste donc son seul espoir («

ire

») même s’il n’a rien

d’une paisible croisière («

»). Cependant le danger n’est

is o

rien au regard de la fascination que ce voyage inspire au poète («

»). Peut-être faut-il comprendre avec l’expression « le

l’inspiration poétique.

pr ov

chant des matelots » (chant signifiant aussi « poème »), qu’en réalité le poète espère retrouver

2. Selon toi, ce poème est-il, de près ou de loin, caractéristique des poètes maudits ? Explique.

Ep

re

uv

e

Séquence 10

91


Activité 2

Prendre connaissance de la tâche finale et lister les ressources nécessaires —

ire

Au terme de cette séquence, tu auras à interviewer un poète maudit pour l’émission Connexions poétiques. Cette interview fictive et enregistrée est destinée à informer les auditeurs et à leur permettre de répondre à la question suivante : qu’est-ce qui fait que l’artiste interrogé est considéré comme un artiste maudit ? Tu travailleras avec un(e) condisciple.

Paul Verlaine (1844-1896)

uv

Charles Baudelaire (1821-1867)

e

pr ov

is o

1. Voici les artistes dont il sera question.

2. Les informations dont tu auras besoin sont de deux types. Lesquels ?

re

3. Sur quel genre de documents pourrais-tu te fonder ?

Ep

4. Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

92

Séquence 10

Arthur Rimbaud (1854-1891)


Activité 3

Traiter un dossier informatif —

La tâche finale est extrêmement complexe. Elle suppose plusieurs étapes. La première consiste à prendre connaissance du dossier consacré à l’artiste et à l’exploiter.

1. Observer la manière de traiter le dossier

Ep

delaire Charles Bau

re

uv

e

pr ov

is o

ire

1. Il convient de bien lire le dossier, c’est-à-dire de le lire en gardant à l’esprit la tâche finale. Observe la manière dont on s’y est pris pour bien s’acquitter de cette tâche.

DOSSIER AIRE L E D U A B S E L R A H C

Séquence 10

93


A

Repères biographiques

9 avril 1821 · Charles-Pierre Baudelaire nait à Paris. Son père est âgé de 62 ans, sa mère de 28 ans. · Son père décède et, un an plus tard, sa mère se remarie avec le général Aupick.

Traumatisme ?

1839-1841

· Charles est renvoyé du collège Louis-le-Grand pour insubordination.

Refus des conventions / de la morale bourgeoise s’agissant de la sexualité / provocation / anticonformisme

· Il s’inscrit à l’école de droit, mène une vie libre qui lui vaut une affection vénérienne.

is o

· Le général Aupick, inquiet de la vie dissolue de Charles, convoque un conseil de famille. On décide de le faire voyager.

ire

1827

· Charles embarque pour Calcutta, mais rentre à Paris après un bref séjour à l’ile Maurice.

pr ov

· Parvenu à sa majorité, Charles réclame l’héritage de son père.

· Il rencontre Jeanne Duval, dont on sait peu de choses. Elle serait née en Haïti en 1820. Elle est métisse. C’est une actrice de seconde zone et leur liaison, ponctuée par les infidélités de Jeanne, durera des années. Elle est marquée par de nombreuses ruptures et retrouvailles. Selon certains biographes, Jeanne aurait transmis la syphilis à son amant, maladie dont il mourra à 46 ans. Jeanne Duval est une figure qui hante l’œuvre de Baudelaire, à travers plusieurs textes majeurs des Fleurs du Mal.

Vie scandaleuse / Refus des conventions / de la morale bourgeoise

· Madame Aupick, inquiète des dépenses somptuaires et inconsidérées de Charles, demande sa mise sous tutelle judiciaire.

La société le rattrape. / Pas le sens des réalités

Ep

re

uv

e

1842-1844

1845

· Baudelaire entame sa carrière de critique d’art au cours de laquelle il exprimera une grande admiration pour les peintres de « la vie moderne ». · Il annonce son intention de se suicider et rédige un testament dans lequel il lègue ce qu’il possède (après paiement de ses dettes) à sa maitresse Jeanne Duval. · Il manque son suicide.

94

Séquence 10

Gout artistique qui ne correspond pas à l’académisme ambiant Vie difficile et dramatique Fragilité psychologique


1849

· Il écrit une lettre de recommandation en faveur de Gustave Courbet.

1857

· Baudelaire publie ses Fleurs du Mal.

Gout artistique qui ne correspond pas à l’académisme ambiant

Texte choquant ? Incompris et mal jugé

· Le Parquet requiert contre lui pour outrage à la morale publique. · Baudelaire est condamné à une amende et a ordre de supprimer six pièces du recueil.

1864

· Il part pour la Belgique afin d’échapper à ses créanciers et de donner lectures et conférences.

Centre d’intérêt choquant pour l’époque

ire

· Baudelaire publie Les Paradis artificiels, essai où il analyse la relation entre les drogues et la création poétique.

Refus des lois

is o

1860

- C’est un échec : les conférences n’attirent vraiment pas grand monde.

pr ov

- Le fiasco est tel que Baudelaire rédige un pamphlet rageur, Pauvre Belgique, dans lequel il fustige les Belges avec beaucoup d’agressivité et de mépris.

Incompréhension du public Amertume ?

- À Namur, il rencontre le graveur Félicien Rops qui illustrera Les Fleurs du mal. · Baudelaire séjourne à Namur chez Félicien Rops.

e

1866-1867

uv

- Il fait une chute dans l’église Saint-Loup.

- Il souffre d’une hémiplégie et est rapatrié à Paris.

Ep

re

· Il s’éteint le 31 aout 1867.

2. Quel est le mode de lecture que l’on a adopté ? Explique.

3. Quel lien peux-tu faire entre le dossier, les annotations et la tâche finale ? Tu seras capable d’illustrer ta réponse oralement par deux exemples.

Séquence 10

95


2. Annoter le dossier 1. Ci-dessous, la deuxième partie du dossier. Surligne les passages qui correspondent aux annotations de la deuxième colonne.

Les paradis artificiels (1860)

Consommation thérapeutique devenue addictive

pr ov

Il faut savoir qu’à cette époque, l’expérience du hachisch n’a guère été pour lui qu’une curiosité passagère. En revanche, il consomme de l’opium. Pour lui, c’est un analgésique contre les douleurs et les troubles intestinaux dus notamment à sa syphilis, et un euphorisant qui lui permet d’occulter ses soucis et une dépression toujours menaçante. Comme l’écrit Claude Pichois, spécialiste de Baudelaire, « le hachisch fut pour lui une curiosité exotique, l’opium, une habitude tyrannique1. » Il reste que, pour Baudelaire, « la seule vraie drogue, la drogue absolue, est la Poésie. »

Refus des conventions Provocation ?

ire

Dans cet essai, Baudelaire traite de la relation entre les drogues et la création poétique. À sa sortie, le livre est jugé bizarre, extravagant et… immoral.

is o

B

Extrait : Baudelaire, Ch. (1860) Les Paradis artificiels. Paris.

re

uv

e

En Égypte, le gouvernement défend2 la vente et le commerce du hachisch, à l’intérieur du pays du moins. […] Le gouvernement égyptien a bien raison. Jamais un État raisonnable ne pourrait subsister avec l’usage du hachisch. Cela ne fait ni des guerriers ni des citoyens. […] S’il existait un gouvernement qui eût intérêt à corrompre ses gouvernés, il n’aurait qu’à encourager l’usage du hachisch.

Ep

On dit que cette substance ne cause aucun mal physique. Cela est vrai, jusqu’à présent du moins. Car je ne sais pas jusqu’à quel point on peut dire qu’un homme qui ne ferait que rêver et serait incapable d’action se porterait bien, quand même tous ses membres seraient en bon état. Mais c’est la volonté qui est attaquée, et c’est l’organe le plus précieux. Jamais un homme qui peut, avec une cuillerée3 de confitures, se procurer instantanément tous les biens du ciel et de la terre, n’en acquerra la millième partie par le travail. Il faut avant tout vivre et travailler.

Texte qui n’est pas provocant, au contraire ! Donc incompréhension/ injustice

1 2 3

96

Baudelaire, Ch. (1975). Œuvres complètes. Texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois. Paris : Gallimard. La Pléiade. p.1358. interdit À l’époque, le haschisch est souvent consommé sous forme de confiture, parfois appelée dawamesk, et confectionnée en combinaison avec d’autres ingrédients.

Séquence 10


2. Dans cette troisième partie du dossier, des passages ont été sélectionnés. Annote-les.

Mon cœur mis à nu

Baudelaire nourrit le projet d’écrire ses confessions

et, comme l’indique le titre retenu, de se mettre à

nu. De ce projet, il n’existe que des fragments qui

seront publiés après la mort du poète.

1) Être un homme utile m’a toujours paru quelque chose de bien hideux.

2) Le Français est un animal de basse-cour, si bien domestiqué qu’il n’ose franchir

pr ov

aucune palissade. Voir ses goûts en art et

is o

ire

C

en littérature.

Ep

re

uv

e

3. Termine la lecture du dossier et annote-le.

Séquence 10

97


Accueil des Fleurs du Mal

« Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on n’en doute plus; c’est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes mots, des mêmes pensées. L’odieux y côtoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect… jamais on n’assista à une semblable revue de démons, de fœtus, de diables, de chats et de vermine. Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de·l’esprit, à toutes les putridités du cœur…

is o

Si l’on comprend qu’à vingt ans l’imagination d’un poète puisse se laisser entraîner à traiter de semblables sujets, rien ne peut justifier un homme de plus de trente d’avoir donné la publicité du livre à de semblables monstruosités. »

pr ov

Bourdin, Figaro, 5 juillet 1857

E

Lettre de Baudelaire à sa mère

Ma chère mère, si tu possèdes vraiment le génie maternel et si tu n’es pas encore lasse, viens à Paris, viens me voir et me chercher. […] Je donnerais je ne sais quoi pour passer quelques jours auprès de toi, le seul être à qui ma vie est suspendue, huit jours, trois jours, quelques heures. […] Car, en vérité, j’ai besoin d’être sauvé, et toi seule tu peux me sauver. Je veux tout dire aujourd’hui. Je suis seul, sans amis, sans chien et sans chat, à qui me plaindre ? Je n’ai que le portrait de mon père, qui est toujours muet. […] Il y a eu dans mon enfance une époque d’amour passionné pour toi […] Ah ! ç’a été pour moi le bon temps des tendresses maternelles ! […] j’étais toujours vivant en toi ; tu étais uniquement à moi. […] Adieu. Je suis exténué. Pour rentrer dans les détails de santé, je n’ai ni dormi, ni mangé depuis presque trois jours […] Et je t’aime. Charles

re

uv

e

6 mai 1861

Ep 98

ire

D

Séquence 10


F 4e de couverture

is o

ire

pr ov

« Il a habité tantôt en haut, tantôt en bas, de plain-pied ou sous les toits, près du ciel ou de la rue. Les témoignages contemporains, ou la tradition orale qui a suivi, ne retiennent, dans la cinquantaine de domiciles parisiens qu’il a occupés, que des mansardes ou des rez-dechaussée. À l’hôtel d’York – rebaptisé hôtel Baudelaire parce qu’il y a passé quelques jours en février 1854 – la femme de service m’a fait visiter sa chambre et récité recto tono tout ce qu’on lui avait fait apprendre par cœur comme un parfait guide de musée. Et à l’hôtel Voltaire, sur le quai du même nom, qui commémore fièrement son séjour ici par une plaque de cuivre apposée sur la façade avec les derniers vers du « Crépuscule du matin », le réceptionniste que j’ai interrogé, embarrassé, s’en est tiré comme M. B., de la rue Frochot : « C’était certainement en haut, au cinquième », a-t-il répondu après un moment d’hésitation. Un poète ne peut vivre que dans une mansarde, près du ciel, la tête dans les nuages… »

© Gallimard, 2003

Ep

re

uv

e

Didier Blonde

Séquence 10

99


G

is o

ire

pr ov

· Léo Ferré a consacré trois albums au poète : Les Fleurs du mal en 1957 (12 poèmes), Léo Ferré chante Baudelaire en 1967 (23 poèmes et l’épigraphe du recueil), et Les Fleurs du mal (suite et fin) (21 poèmes) en 1977. · Serge Gainsbourg a mis en musique Le Serpent qui danse en 1962. · Le groupe français de poèmes-rock Anakarsis reprend plusieurs textes issus des Fleurs du Mal, dont À une Madone, Sed Non Satiata, Les Bijoux, Élévation, Les Litanies de Satan. · Mylène Farmer chante L’Horloge sur l’album Ainsi soit je… en 1988, et Au lecteur sur l’album Désobéissance en 2018. · Le groupe français de black metal et postpunk / coldwave Amesoeurs reprend dans son unique album éponyme sorti en 2009 le poème Recueillement.

re

uv

e

Extrait de Wikipédia. En ligne https://fr.wikipedia/wiki/ Mise_en_musique_des_poèmes_de_Charles_Baudelaire

Ep

H

Tombe de Charles Baudelaire au cimetière Montparnasse à Paris

Des centaines de visiteurs glissent des poèmes dans les interstices de la pierre tombale. C’est aussi un haut lieu de rendez-vous de la jeunesse gothique. En ligne http://www.slate.fr/story/45789/les-10-tombesles-plus-cools-de-paris

100

Séquence 10


4. À ce stade, quelles thématiques confirment l’appartenance de Baudelaire aux poètes maudits ?

Lire et exploiter une anthologie —

ire

Activité 4

pr ov

1. Analyser « L’albatros »

is o

La lecture du dossier est, certes, très importante. Mais reste l’œuvre ! Ci-dessous une anthologie de poèmes de nature à approfondir ta connaissance du poète.

Lis « L’albatros » en centrant ton attention sur le thème du poème et réponds aux questions qui l’accompagnent.

L’albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.

5

À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux.

re

uv

e

1

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! L’un agace son bec avec un brûle-gueule1, L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Ep

10

15

Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher. Baudelaire, Ch. (1857). Les Fleurs du Mal.

1

Pipe à tuyau très court

Séquence 10

101


1. Dans ce texte, Baudelaire parle de lui-même au lecteur. Directement ou indirectement ? 2. Les deuxième et troisième strophes comportent plusieurs antithèses. a) Surligne dans une couleur les termes qui désignent et/ou caractérisent positivement les albatros. b) Surligne dans une autre couleur ceux qui les désignent /ou caractérisent négativement. c) Qu’est-ce qui explique ce passage du positif au négatif ?

ire

3. Sur quel(s) point(s) commun(s) Baudelaire fonde-t-il sa comparaison entre le poète et l’albatros ?

is o

pr ov

4. De quoi « le navire » et « les gouffres amers » sont-ils, selon toi, la métaphore ?

e

re

uv

5. Ce poème te semble-t-il caractéristique des poètes maudits ? Explique.

Ep

102

Séquence 10


2. Prendre connaissance de l’anthologie de poèmes de Baudelaire et l’exploiter Ci-dessous, tu trouveras une sélection de poèmes de Baudelaire. Lis-les et réponds aux questions suivantes. 1. Quel est le thème principal de chaque poème ? 2. Quelle image du poète s’en dégage ?

4. Quel(s) effet(s) produi(sen)t cette (ces) figure(s) ?

ire

3. Quelle(s) figure(s) poétique(s) remarquable(s) est (sont) mise(s) en œuvre dans les fragments surlignés ?

is o

5. Y a-t-il dans ces poèmes des vers ou fragments qui te paraissent particulièrement forts, particulièrement réussis ? a) Si oui, lesquels ?

pr ov

b) Explique.

re

uv

e

Poèmes issus des Fleurs du Mal

Ep

A

Anthologie Baudelaire

Spleen

1

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis, Et que de l’horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Séquence 10

103


Quand la terre est changée en un cachot humide,

Où l’Espérance, comme une chauve-souris,

Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

10

Quand la pluie étalant ses immenses traînées

D’une vaste prison imite les barreaux,

Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

15

Des cloches tout à coup sautent avec furie

Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

Ainsi que des esprits errants et sans patrie

Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

ire

S’en va battant les murs de son aile timide

is o

5

Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,

Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,

pr ov

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,

Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

20

Baudelaire, Ch. (1857). Les Fleurs du Mal.

uv

e

Une charogne

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d’été si doux : Au détour d’un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux,

Ep

re

1

5

Le ventre en l’air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture, 10 Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

104

Séquence 10


Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s’épanouir. 15 La puanteur était si forte, que sur l’herbe Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride D’où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide 20 Le long de ces vivants haillons.

Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l’eau courante et le vent, Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van1. Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve, 30 Une ébauche lente à venir Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève Seulement par le souvenir. Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d’un œil fâché, 35 Épiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu’elle avait lâché.

e

pr ov

is o

25

ire

Tout cela descendait, montait comme une vague Ou s’élançait en pétillant ; On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague, Vivait en se multipliant.

uv

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, À cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, 40 Vous, mon ange et ma passion !

Ep

re

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses, Moisir parmi les ossements.

45

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j’ai gardé la forme et l’essence divine De mes amours décomposés ! Baudelaire, Ch. (1857). Les Fleurs du Mal.

1

Panier à fond plat, large, muni de deux anses, qui sert à vanner les grains.

Séquence 10

105


Invitation au voyage

Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs 5 Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, 10 Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale. 1

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté. Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir 20 Qu’ils viennent du bout du monde. – Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; 25 Le monde s’endort Dans une chaude lumière.

15

uv

e

pr ov

is o

ire

Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.

Ep

re

Baudelaire, Ch. (1857). Les Fleurs du Mal.

B

Les Petits poèmes en prose

Les Petits poèmes en prose, également connus sous le titre Le spleen de Paris, est un recueil posthume. Les cinquante poèmes qui composent ce recueil ont été rédigés entre 1857 et 1864. Si Baudelaire a fait le choix de se libérer de la contrainte du vers et de la rime, il s’est véritablement attaché à créer une prose poétique.

106

Séquence 10


L’étranger

Enivrez-vous

Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.

uv

5

Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

e

1

ire

pr ov

Baudelaire, Ch. (1869). Petits poèmes en prose

is o

— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère — Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. — Tes amis ? 5 — Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu. — Ta patrie ? — J’ignore sous quelle latitude elle est située. — La beauté ? 10 — Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle. — L’or ? — Je le hais comme vous haïssez Dieu. — Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? 15 — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! 1

Ep

re

Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse 10 déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, 15 l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrezvous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » Baudelaire, Ch. (1869). Petits poèmes en prose

Séquence 10

107


Activité 5

Observer et poursuivre un exemple de performance attendue —

Observer le début de l’interview

C.B. L.C.

re

C.B.

e

C.B. L.C.

Bonjour, Charles Baudelaire, et merci d’avoir accepté de participer à l’émission Connexions poétiques. C’est un grand honneur que vous nous faites. Savez-vous, Charles Baudelaire, qu’aujourd’hui toute une partie de la jeunesse que l’on appelle « gothique » vous voue un véritable culte ? Bonsoir, Madame. Jeunesse gothique, dites-vous ? Il s’agit de jeunes gens et de jeunes filles qui contestent le conformisme ambiant et qui veulent s’en démarquer très nettement, par leur apparence, leur discours et leurs valeurs. Ils me ressemblent donc… On peut dire cela. Mais il n’y a pas qu’eux ! Vous êtes, sans conteste, considéré, par les spécialistes et les amateurs de poésie, comme un des plus grands poètes français. Qu’est-ce que cela vous fait ? Moi ? Reconnu ? Apprécié ? Le monde a donc bien changé ! De mon vivant, je n’ai subi que mépris, rejet et condamnations de toutes sortes… Vous évoquez des condamnations. Que s’est-il passé avec Les Fleurs du Mal ? Ce qui s’est passé ? Un procès ! Une censure ! Le résultat d’une société bourgeoise et bornée. Ces gens-là, Madame, ne comprenaient rien à la poésie ni, d’ailleurs, aux autres formes d’art. Voyez ce qu’ils ont fait au pauvre Courbet ! Des bourgeois imbéciles motivés uniquement par le profit ! Alors, la poésie, pour eux… Et la poésie, pour vous ? Pour moi ? Madame, la poésie, pour moi, c’est l’Absolu ! C’est pour elle que j’ai tout supporté : le procès, la misère, la maladie… La poésie m’était nécessaire, indispensable. La poésie m’a permis de m’extraire de cette société stupide et méchante et d’exprimer des sentiments forts et de manière nouvelle, de montrer, parfois, les horreurs et le malheur, mais en les dépassant grâce aux mots, aux vers, aux métaphores… La poésie, c’est l’ivresse, la grande ivresse, même et surtout si on écrit un poème sur une charogne.

uv

L.C.

pr ov

Interview de Charles Beaudelaire

Ep

L.C. C.B.

L.C. C.B.

108

is o

ire

Une professeure, L.C., s’est attachée à commencer la tâche demandée afin que ses élèves soient bien au clair avec ce qu’elle attendait. Voici le début et la fin de l’interview de Charles Baudelaire qu’elle a imaginés. Prends-en connaissance en vue d’en dégager les caractéristiques principales.

Séquence 10


L.C.

Dites-nous, Charles Baudelaire, puisque vous parlez de métaphores, L’albatros, ce poème que j’adore, c’est vous ? C.B. C’est moi, mais aussi tous ceux qui, à cause de leur amour de l’Art, se voient moqués. Ce sont les poètes et les artistes inaptes à vivre dans le monde, mais si heureux dès qu’ils créent. Voyez-vous, nous les artistes, nous sommes des étrangers dans ce monde, nous sommes comme des orphelins… […] L.C. Merci, Charles Baudelaire, et pour terminer cet entretien, je ne résiste pas au plaisir d’offrir à nos auditeurs un extrait de « Enivrez-vous », ce poème que j’affectionne particulièrement : « Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »

ire

© Van In

is o

1. L’énonciation de l’acte de communication de la professeure est double. Prouve-le en complétant le schéma suivant.

pr ov

2. Quelle est l’intention poursuivie par L.C. ? Explique.

re

uv

e

3. À qui s’adressent les questions posées lors de l’interview ?

Ep

4. À qui s’adressent les réponses ?

Séquence 10

109


5. Liste les qualités que manifeste l’intervieweuse. 6. L’image de Baudelaire qui se dégage de cette interview est-elle conforme à ce que tu en sais ? Prouve ta réponse.

ire

is o

b) Selon toi, pourquoi ?

pr ov

7. On distingue généralement les questions ouvertes et les questions fermées. Si on peut répondre aux secondes par « oui » ou par « non », il n’en va pas de même avec les premières. a) Pour quel type de questions l’intervieweuse a-t-elle principalement opté ?

re

uv

e

8. Montre que cette interview se déroule comme une conversation et que la journaliste « rebondit » sur les propos du poète.

Ep

9. Les questions posées te semblent-elles pertinentes à la tâche ? Prouve ta réponse. 10. Pour poser des questions pertinentes, que faut-il faire, selon toi ? Imaginer une série de questions en vrac et les trier ensuite. Partir de réponses que l’on voudrait obtenir compte tenu du projet et, sur cette base, rédiger des questions.

110

Séquence 10


Illustre ta réponse par un exemple. 11. Repère trois allusions directes à des œuvres de Baudelaire. Selon toi, pourquoi ces allusions ?

ire

is o

pr ov

12. Imagine la question qui pourrait suivre et s’enchainer directement à la dernière question de LC.

uv

e

13. Imagine deux autres questions qui : a) complèteront l’interview ; b) seront pertinentes à la tâche finale ; c) s’enchaineront de manière fluide.

re

14. Rédige les réponses à ces deux questions.

Ep

15. Comment se clôture cette interview ? a) Ce choix te parait-il judicieux ? b) Explique.

Séquence 10

111


Activité 6

S’exercer à la tâche —

Cette activité est consacrée à Arthur Rimbaud, le poète qui est sans doute le plus mythique de la littérature française.

1. Discuter d’une procédure à suivre

2. Discutes-en avec tes condisciples.

is o

pr ov

e

re

uv

Ep

112

ire

1. Propose une procédure qui te semble appropriée à la tâche imposée.

Séquence 10


2.

Réaliser et enregistrer l’interview de Rimbaud Prends connaissance du dossier consacré à Rimbaud et analyse-le, selon les modalités fixées par ton (ta) professeur(e). Ce dossier est constitué de deux volets : a) l’anthologie d’œuvres ci-dessous, accompagnée de consignes de lecture ; b) le dossier documentaire, disponible en e-Document.

ire

e-Document 3 Dossier sur Arthur Rimbaud

2. Envoyez votre travail à votre professeur.

is o

1. En duos, réalisez l’interview de Rimbaud en respectant l’intention et la procédure fixées lors de l’activité précédente.

pr ov

Anthologie Rimbaud

Ma bohême

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal1; Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

5

Mon unique culotte avait un large trou. – Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

re

uv

e

1

Ep

10

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! RIMBAUD, A. (1870). Cahier de Douai.

1

Ami fidèle et dévoué

Séquence 10

113


3. Dans ce texte, Rimbaud parle de lui-même au lecteur. Directement ou indirectement ? 4. Dans ce texte, Rimbaud donne une image de lui-même. a) Surligne dans une couleur les indications sur sa condition sociale. b) Surligne dans une autre couleur ceux qui désignent son état d’esprit. c) Que peux-tu en conclure ?

5. « Petit-Poucet rêveur » est une métaphore. a) Sur quoi est-elle fondée ? b) Quel est son effet ?

pr ov

is o

ire

e

6. Que dit « J’étais ton féal » du rapport de Rimbaud à la poésie au moment où il écrit ce poème ?

uv

7. Ce poème te semble-t-il caractéristique des poètes maudits ? Explique.

re

Ep

114

Séquence 10


Sensation

5

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l’amour infini me montera dans l’âme, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, – heureux comme avec une femme. RIMBAUD, A. (1870). Poésies.

Rêvé pour l’hiver

5

is o

À elle L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose Avec des coussins bleus. Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose Dans chaque coin moelleux.

pr ov

1

ire

1

Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace, Grimacer les ombres des soirs, Ces monstruosités hargneuses, populace De démons noirs et de loups noirs.

e

Puis tu te sentiras la joue égratignée… 10 Un petit baiser, comme une folle araignée, Te courra par le cou…

RIMBAUD, A. (1870). Poésies.

Ep

re

uv

Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête, – Et nous prendrons du temps à trouver cette bête Qui voyage beaucoup… En wagon, le 7 octobre1870

Le dormeur du val

1

5

C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Séquence 10

115


10

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Place de la Gare, à Charleville. 1

Sur la place taillée en mesquines pelouses, Square où tout est correct, les arbres et les fleurs, Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

– L’orchestre militaire, au milieu du jardin, Balance ses schakos1 dans la Valse des fifres : – Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ; Le notaire pend à ses breloques à chiffres.

pr ov

5

is o

À la musique

ire

RIMBAUD, A. (1870). Cahier de Douai.

e

Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs : 10 Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames Auprès desquelles vont, officieux cornacs2, Celles dont les volants ont des airs de réclames ;

uv

Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme, 15 Fort sérieusement discutent les traités, Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »

Ep

re

Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins, Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande, Savoure son onnaing3 d’où le tabac par brins 20 Déborde – vous savez, c’est de la contrebande ; –

25

Le long des gazons verts ricanent les voyous ; Et, rendus amoureux par le chant des trombones, Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…

– Moi, je suis, débraillé comme un étudiant, Sous les marronniers verts les alertes fillettes : Elles le savent bien ; et tournent en riant, Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.

1 2

116

Séquence 10

3

Couvre-chef militaire Maitre, guide et soigneur de l’éléphant Pipe en terre cuite fabriquée à Onnaing


Je ne dis pas un mot : je regarde toujours La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles : Je suis, sous le corsage et les frêles atours, Le dos divin après la courbe des épaules.

J’ai bientôt déniché la bottine, le bas… – Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres. 35 Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas… – Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…

RIMBAUD, A. (1870). Poésies.

Alchimie du verbe À moi. L’histoire d’une de mes folies. Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie modernes. 5 J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, 10 refrains niais, rythmes naïfs. Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations, républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs, déplacements de races et de continents : je croyais à 15 tous les enchantements. J’inventai la couleur des voyelles ! – A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert1. – Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes instinctifs, je 20 me flattai d’inventer un verbe poétique accessible, un jour ou l’autre, à tous les sens. Je réservais la traduction. Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges.

is o

1

ire

30

Ep

re

uv

e

pr ov

Rimbaud, A. (1873). Une saison en enfer.

Rimbaud a écrit un sonnet intitulé « Voyelles » dans lequel il fait correspondre, sans logique aucune, une couleur à chacune des voyelles.

1

Séquence 10

117


Matinée d’ivresse 1

[…] J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.

Rimbaud, A. (1873-1875). Les Illuminations.

10

Ep

25

re

20

uv

e

15

is o

5

Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays, Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.) Remis des vieilles fanfares d’héroïsme – qui nous attaquent encore le cœur et la tête – loin des anciens assassins – Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.) Douceurs ! Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, – Douceurs ! – les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous. – Ô monde ! – (Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,) Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres. Ô Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, – ô douceurs ! – et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques. Le pavillon…

pr ov

1

ire

Barbare

Rimbaud, A. (1873-1875). Les Illuminations.

118

Séquence 10


Tâche finale

Transposer une œuvre artistique —

1. Forme un binôme avec un(e) condisciple. 2. Réalisez l’interview de Paul Verlaine en vous fondant sur l’anthologie ci-dessous et le dossier documentaire.

e-Document 4 Dossier sur Paul Verlaine

is o

ire

3. Envoyez votre travail à votre professeur.

pr ov

Anthologie Verlaine

Chanson d’automne Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone.

e

1

Ep

re

uv

5

10

15

Tout suffocant Et blême, quand Sonne l’heure, Je me souviens Des jours anciens Et je pleure Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte.

Verlaine, P. (1866). Poèmes saturniens.

Séquence 10

119


4. Chanson d’automne est, à l’instar de nombreux poèmes de Verlaine, un texte très musical, analogue à une chanson. À quoi cela tient-il ? a) Observe les vers. Comment se présentent-ils ? b) Schématise les rimes. c) Repère les répétitions de sons.

ire

is o

5. Dans ce poème, Verlaine parle-t-il de lui directement ou indirectement ? Justifie.

pr ov

6. Quelle image donne-t-il de lui ? Fonde ta réponse sur le texte.

e

7. Verlaine associe son état mélancolique à une saison.

re

uv

a) Laquelle ? b) Sur quelles bases fait-il ce rapprochement ?

Ep

8. Repère une métaphore et une comparaison. a) Démonte chacune d’elles. b) Quel effet produisent-elles.

120

Séquence 10


ire

is o

9. Ce poème te semble-t-il caractéristique des poètes maudits ? Explique.

pr ov

Ep

re

5

De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’Impair1 Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il faut aussi que tu n’ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l’Indécis au Précis se joint.

uv

1

e

Art poétique

10

C’est des beaux yeux derrière des voiles, C’est le grand jour tremblant de midi, C’est, par un ciel d’automne attiédi, Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor, Pas la Couleur, rien que la nuance ! 15 Oh ! la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor ! […]

Il faut comprendre « le vers impair », c’est-à-dire un vers qui compte un nombre impair de syllabes.

1

Séquence 10

121


De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée 20 Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée Vers d’autres cieux à d’autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure Éparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym… 25 Et tout le reste est littérature.

5

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

pr ov

1

is o

Mon rêve familier

ire

Verlaine, P. (1884). Jadis et naguère.

Car elle me comprend, et mon cœur transparent Pour elle seule, hélas ! Cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

e

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore. 10 Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore, Comme ceux des aimés que la Vie exila.

uv

Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

Ep

re

Verlaine, P. (1866). Poèmes saturniens.

122

Séquence 10


Gaspard Hauser chante 1

5

Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin. À vingt ans un trouble nouveau Sous le nom d’amoureuses flammes M’a fait trouver belles les femmes : Elles ne m’ont pas trouvé beau.

is o

pr ov

Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu’est-ce que je fais en ce monde ? 15 Ô vous tous, ma peine est profonde : Priez pour le pauvre Gaspard.

ire

Bien que sans patrie et sans roi 10 Et très brave ne l’étant guère, J’ai voulu mourir à la guerre : La mort n’a pas voulu de moi.

Verlaine, P. (1880). Sagesse.

Le ciel par-dessus le toit Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu’on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l’arbre qu’on voit, Chante sa plainte.

re

5

uv

e

1

Ep

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là 10 Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville. – Qu’as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, 15 Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ?

Verlaine, P. (1866). Poèmes saturniens.

Séquence 10

123


Monsieur Prudhomme 1

5

Il est grave : il est maire et père de famille. Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux Dans un rêve sans fin flottent insoucieux, Et le printemps en fleurs sur ses pantoufles brille. Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux, Et les prés verts et les gazons silencieux ? Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille.

is o

Ep

re

uv

e

pr ov

Verlaine, P. (1866). Poèmes saturniens.

ire

Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu 10 B est juste milieu, botaniste et pansu. Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles, Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a Plus en horreurs que son éternel coryza. Et le printemps en fleurs brille sur ses pantoufles.

124

Séquence 10


Séquence 12

Un monde plus beau — Transposer une œuvre surréaliste

ire

« Le monde à bas je le bâtis plus beau. »

(Louis Aragon)1

is o

« C’est surréaliste ! » Cette expression, devenue très courante, désigne généralement l’absurdité, l’invraisemblance et le côté inouï d’une situation. Mais le surréalisme, c’est bien plus que cela ! Cette séquence va te permettre de découvrir comment ce mouvement a bouleversé l’art du XXe siècle…

Compétence à développer

Production attendue

Transposer (de façon sérieuse, ludique, parodique…) une œuvre culturelle (partielle ou complète) en conservant le même langage ou en en changeant

e

S’inscrire dans une œuvre culturelle source en la transposant.

Appliquer

re

Ep Connaitre

Après la tâche finale, expliciter la démarche et les choix adoptés dans la production

Ressources communes

Transférer

En autonomie : Intervenir dans une œuvre littéraire ou dans une autre œuvre en la transposant

uv

• Planifier un avis argumenté à l’aide d’un écrit intermédiaire • Rédiger/exprimer oralement un avis argumenté • Manifester sa compréhension, son interprétation de l’œuvre culturelle source • Planifier une intervention et intervenir dans une œuvre source • Évaluer la production finale et la démarche de création

Aragon, L. (1920). Feu de joie. Paris : Au sans pareil (p. 21).

pr ov

1

UAA 5

• Mobiliser des connaissances de réception • Focus sur les opérations d’écriture • Focus sur les opérations de prise de parole préparée • Focus sur la littérature et les arts : le surréalisme

Ressources Pour manifester sa compréhension, son interprétation de l’œuvre culturelle source • Questionnement sur ce qu’on ressent, observe, interprète • Interpréter, apprécier les effets de sens générés par des choix langagiers • Œuvre littéraire Texte poétique Œuvre graphique / picturale ou multimédia ou œuvre artistique • Références culturelles (intertexte) Pour planifier l’intervention et intervenir dans l’œuvre source • Transposition o Choix interprétatifs de l’œuvre source o Facteurs de cohérence avec l’œuvre source

57


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des Fiches outils suivantes :

 Référencer un document, p. xx  Poésie, p. xx  Prendre la parole en public, p. xx

Activité liminaire

Caractériser une expérience culturelle contemporaine

is o

e-Document 1

Clip de Come de Jain

pr ov

Photo : Melanie Lemahieu/ Shutterstock

Regarde l’extrait du clip de la chanson Come de Jain en vue de le caractériser.

ire

1. Parmi la liste suivante, quels qualificatifs attribuerais-tu à ce clip ? Justifie ta réponse oralement.

Imaginaire – Bizarre – Réaliste – Original – Romantique – Surréaliste – Onirique – Classique – Fantastique – Merveilleux – Parodique – Invraisemblable – Insolite

uv

e

2. La chanteuse Jain affirme que, pour ses clips, elle aime s’inspirer du peintre surréaliste belge René Magritte. Complète la grille ci-dessous. a) Effectue une recherche d’images afin d’identifier quatre tableaux de cet artiste qui ont manifestement inspiré l’univers visuel de cette vidéo. b) Référence précisément chacune de ces œuvres.

re

Un exemple t’est fourni.

3. Oralement, énonce les points communs entre les tableaux de Magritte et les images du clip.

Ep

Titre du tableau de Magritte Le Blanc-seing

58

Séquence 12

Références Magritte, R. (1965). Le Blanc-seing. Huile sur toile. 81,3 × 65,1 cm. Paris : Centre Pompidou.


4. À la suite de ces observations, te semble-t-il pertinent de qualifier le clip de la chanson Come de « surréaliste » ? Quelle signification donnes-tu à cet adjectif ?

5. Partage tes réponses avec la classe.

Activité 1

S’informer sur le surréalisme

pr ov

is o

ire

1. La révolution surréaliste

Le terme « surréalisme » désigne un mouvement artistique très important du XXe siècle. Le texte ci-dessous te permettra de situer ce mouvement. Mais auparavant…

re

uv

e

1. Ce texte fait allusion à la découverte de l’inconscient par Freud et à l’avènement du communisme en Russie. a) Si tu n’es pas au clair avec cela, consulte les e-Documents 2 et 3. b) Note ce qui te parait important.

e-Document 2 Le communisme e-Document 3 L’inconscient chez Freud, enfin expliqué simplement

Ep

L’avènement du communisme La découverte de l’inconscient Séquence 12

59


2. Prends connaissance du texte ci-dessous en vue de rédiger, pour chacune des illustrations qui lui font suite, une légende qui : a) comptera 10 à 20 mots ; b) s’appuiera sur les informations du texte pertinentes à chaque illustration. Un exemple t’est fourni.

Hisser le drapeau de l’imaginaire « Ce n’est pas la crainte de la folie qui nous forcera à laisser en berne le drapeau de l’imagination. »

20

Ep

25

30

35

60

is o

45

Il s’attaque à l’esprit occidental, ses valeurs traditionnelles, sa logique et ses repères culturels. Tzara et sa bande refusent toute forme de rationalité et privilégient le hasard comme mode de création. C’est ainsi qu’ils décident du nom de leur mouvement : « Dada », en pointant le premier mot trouvé en ouvrant le dictionnaire. Le dadaïsme cherche le scandale, déboulonne les piliers de l’art, telle La Joconde, que Marcel Duchamp affuble de moustaches (en gamin frondeur, il titre cette œuvre d’une suite d’initiales graveleuses : L.H.O.O.Q.). En 1917, le même Duchamp présente dans une exposition d’art moderne un urinoir renversé qu’il baptise Fontaine et signe du pseudonyme R. Mutt. Il invente ainsi le ready-made (objets « tout faits ») auquel l’artiste décide arbitrairement de conférer un statut d’œuvre d’art. Le surréalisme nait dans le sillage de Dada. Inspiré par l’énergie destructrice des dadaïstes, par leur agitation joyeusement nihiliste, c’est-à-dire leur manière très jubilatoire de s’attaquer aux valeurs bourgeoises, il n’en restera pas là, mais se sentira investi d’un projet plus ambitieux. La révolte se mue en révolution. Il s’agit toujours de renverser l’ordre bourgeois, certes, mais pour construire autre chose, pour faire advenir une nouvelle vie, un nouveau monde fondé sur l’avènement de valeurs positives : la poésie, la liberté, l’amour. André Breton, qui deviendra le chef de file du mouvement (on l’appellera

pr ov

15

40

50

55

e

10

uv

5

Dans la langue courante, le mot « surréaliste » qualifie des situations étranges, absurdes, invraisemblables. C’est dans ce sens qu’on le retrouve régulièrement dans la bouche de commentateurs sportifs ou politiques en mal de superlatifs. On en oublierait presque que, dans son sens premier, le mot désigne un courant artistique d’avant-garde qui a fait son apparition suite à la première guerre mondiale (1914-1918). Si aucun conflit armé n’est admirable, il faut bien reconnaitre que la guerre 1418 fut particulièrement insoutenable et déshumanisante. On pense aux poilus enlisés dans la boue des tranchées, à la barbarie inédite que l’industrie met au service de la destruction (l’invention du combat aérien, l’évolution de l’artillerie – la « grosse Bertha » allemande – ou le tristement célèbre « gaz moutarde »), on pense au monstrueux bilan de ses huit millions de morts. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », dira Paul Valéry. Les piliers s’effondrent : la longue tradition d’humanisme qui faisait la fierté du monde occidental n’a pas pu empêcher la catastrophe. À quoi bon ces siècles de culture, ces discours raffinés, ces sommets artistiques, si c’est pour en arriver là ? Et le positivisme qui a marqué le XIXe siècle, cette confiance aveugle dans le progrès de la science… Quelle naïveté ! Un premier mouvement de jeunes provocateurs se constitue à Paris en 1916 derrière le poète Tristan Tzara.

re

1

ire

André Breton, Premier manifeste du surréalisme

Séquence x

60

65

70

75


100

105

110

Ep

re

115

120

125

130

150

ire

145

is o

95

140

Paul Éluard, ou Nadja d’André Breton, œuvre mixte composée de collages, de prose poétique, d’intrigue policière ; la peinture et la création de collages insolites auxquels s’adonnent avec génie Max Ernst, Salvador Dalí, Juan Miró ou René Magritte ; la photographie, sous l’objectif de Man Ray ou de Dora Maar ; la sculpture, avec Jean Arp ou encore le tout jeune cinéma que marqueront durablement les premiers films de Buñuel (Le Chien andalou et L’Âge d’or). Autant de démarches dont le point commun est de décontenancer le public en explorant l’insolite, le rêve ou l’érotisme. Par ailleurs, de nombreux surréalistes seront tentés par l’aventure communiste dont le projet de révolution politique (la volonté de « transformer le monde » prônée par Karl Marx) leur semble rencontrer leurs ambitions. La deuxième guerre mondiale (19401945) verra également une partie des surréalistes s’engager dans la Résistance pour défendre la liberté. La terre natale du surréalisme est sans conteste la France, mais le phénomène ne tardera pas à essaimer hors des frontières hexagonales pour gagner une ampleur internationale (il s’imposera durablement dans des territoires aux cultures aussi diverses que l’Irak, le Japon, les États-Unis ou le Brésil). C’est en Belgique que le mouvement trouvera, dès 1924, son terrain d’expression le plus vivace après la France. Des poètes comme Paul Nougé ou Achille Chavée, « vieux peaurouge qui ne marchera jamais dans une file indienne », des peintres comme René Magritte ou Paul Delvaux, participeront au rayonnement artistique du plat pays à l’étranger. Ils marqueront à ce point les esprits qu’on associe souvent l’identité belge à l’idée qu’elle est une « terre de surréalisme », expression qui pointe surtout notre gout pour l’absurde et l’autodérision. La période d’activité la plus intense du mouvement correspond à l’entredeux-guerres. Le groupe prononcera

pr ov

90

135

155

160

e

85

même « le pape du surréalisme » en raison de sa gestion autoritaire), a dix-huit ans quand la Grande Guerre éclate. Il y sert notamment comme infirmier dans un centre de psychiatrie. Passionné par les théories de Sigmund Freud, il s’intéresse particulièrement aux capacités créatives de ses patients, des soldats que la guerre a fait sombrer dans la folie. De cette nouvelle discipline qu’est la psychanalyse freudienne, les jeunes surréalistes tireront des moyens nouveaux éloignés de la rationalité et de la logique pour appréhender la réalité, qu’ils considèrent comme moins « réelle » que la surréalité : associations d’idées produites par l’esprit en dehors de toute réflexion, interprétation des rêves, exploration de l’inconscient. Revenu à Paris après la guerre, Breton s’intéresse, avec Louis Aragon et Philippe Soupault, à la technique de l’écriture automatique. Il s’agit de transcrire spontanément la pensée telle qu’elle se forme, sans censure ni réflexion, comme un accès direct aux profondeurs de l’inconscient. Avec le petit groupe qui se forme bientôt autour d’eux, ils voient dans cette pratique une méthode de transformation de la société qu’ils jugent plus aboutie que la rébellion dadaïste. La définition du surréalisme que donne Breton en 1924 dans le premier manifeste du surréalisme l’identifie à cette pratique : « Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » L’objectif est ambitieux : transformer en profondeur la société, et les moyens d’intervention seront multiples. Toutes les disciplines artistiques sont invitées à se mettre au service du grand chambardement : la littérature, bien sûr, avec des œuvres majeures comme Capitale de la douleur, recueil du poète

uv

80

165

170

175

180

Séquence x

61


210

215

240

© Éditions Van In

Ep

re

uv

Exemple —

235

ire

205

230

is o

200

225

pr ov

195

220

poétique du réel par un « dérèglement de tous les sens », et Alfred Jarry (18731907), pour la provocation jubilatoire qui traverse sa pièce Ubu roi. De nos jours, les procédés percutants mis au point par les artistes surréalistes pour bousculer la société ont été récupérés par la publicité pour vendre des voitures, des parfums et des téléphones. On observe régulièrement des campagnes qui, dans le but d’accrocher le regard, détournent des motifs de Dalí ou de Magritte, au risque de les affadir et de les banaliser. On pourrait penser que l’héritage surréaliste se résume aujourd’hui à ces jolis effets poétiques ou visuels qui n’en retiennent que la dimension ludique. Ce serait oublier que de nombreux artistes contemporains, comme les Belges Jan Fabre ou Wim Delvoye, se réclament volontiers de cette lignée et qu’ils perpétuent, à travers des œuvres à la renommée souvent scandaleuse, les intentions subversives qui animaient André Breton et Paul Nougé.

e

190

sa dissolution officielle en 1969, trois ans après le décès d’André Breton. Ce courant est donc l’un des seuls à posséder des dates de naissance et de mort précises (1924-1969). Il n’est pourtant pas apparu ex nihilo et se perpétue aujourd’hui dans le travail de nombreux créateurs. Parmi les précurseurs les plus illustres, on trouve des artistes tels que Jérôme Bosch, peintre de la Renaissance dont les tableaux regorgent de créatures et de situations qui défient l’imagination et ne sont pas sans évoquer les collisions surréalistes, mais aussi Isidore Ducasse (1846-1870), dit « Comte de Lautréamont ». Dans ses Chants de Maldoror, ouvrage de poésie débridée, on trouve cette formule rendue célèbre par les surréalistes : « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Autres figures tutélaires du courant, qui en préfigurent le souffle et les outrances, le poète Arthur Rimbaud (1854-1891), par sa volonté proclamée de « changer la vie », mais aussi d’accéder à la perception

Des soldats confrontés à la déshumanisation de la guerre 14-18. Cet évènement marquera profondément la génération surréaliste. (17 mots)

Hurley, F. (1917). Soldats australiens portant des masques anti-gaz, près de Ypres.

62

Séquence 12


A

ire

B

is o

Ep

re

uv

e

pr ov

Singer, A. Dessin.

Duchamp, M. (1917). Fontaine. Urinoir en porcelaine manufacturée (ready-made). 63 × 48 × 35 cm. San Francisco : Musée d’art moderne. Photographie d’Alfred Stieglitz.

Duchamp, M. (1919). L.H.O.O.Q. Mine graphite sur héliogravure. 61,5 x 49,5 cm. Paris : Centre Pompidou.

Séquence 12

63


C

ire

D

is o

Nerilicon. (2008). Sigmund Freud.

pr ov

E

re

uv

e

Ep

Breton, A. et Soupault, P. (1919). Les Champs magnétiques. Manuscrit autographe. Paris : Bibliothèque nationale de France.

64

Séquence 12

Dalí, S. (1944). Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une grenade, une seconde avant l’éveil. Huile sur bois. 51 × 41 cm. Madrid : Musée Thyssen-Bornemisza.


F

pr ov

Ernst, M. (1932), Le Facteur Cheval. Papier et colle avec crayonnage, encre et gouache. 64,3 x 48,9 cm. Venise : Collection Peggy Guggenheim.

is o

ire

G

e

uv

Musée Magritte, place Royale, à Bruxelles.

Ep

re

H

Publicité pour la Polo Blue Motion de Volkswagen

Séquence 12

65


I

pr ov

is o

ire

Bosch, J. (entre 1494 et 1505). Le Jardin des délices. Huile sur bois. 220 × 386 cm. Madrid : Musée du Prado.

e

uv

3. Récapitule : a) les facteurs qui expliquent l’apparition de ce mouvement ;

re

b) ce que visent les artistes surréalistes ;

Ep

c) les moyens qu’ils mettent en place pour atteindre ces objectifs.

66

Séquence 12


2. Surréalisme et subversion « Transformer le monde, a dit Marx ; Changer la vie, a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un. » a déclaré André Breton dans un discours en 1935. Ce mot d’ordre est loin d’être anodin. 1. Le surréalisme est un mouvement subversif. a) Que faut-il entendre par « subversif » ? b) Illustre cette affirmation par un exemple tiré du texte lu précédemment.

ire

is o

pr ov

2. Voici une sélection d’œuvres surréalistes. a) Prends-en connaissance. b) Relèves-y des passages qui te semblent manifester cet esprit de subversion. c) Indique à quelle valeur ou à quelle norme ils s’en prennent. Un exemple t’est fourni.

A

Ep

re

5

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumière, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d’une couvée d’aurores Qui gît toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l’innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards.

uv

1

e

La Courbe de tes yeux

10

15

Éluard, P. (1926). Capitale de la douleur. Paris : Gallimard

Exemple de réponse Les vers soulignés sont subversifs car ils s’en prennent à la logique, à la raison. Tout d’abord, les « ailes » du huitième vers sont démesurées (elles « couvrent le monde »). Et bizarrement, plutôt que de mettre le monde à l’ombre, les ailes le couvrent de lumière. On retrouve la même absence de logique pour les « bateaux » du vers suivant : comment peuvent-ils être « chargés du ciel et de la mer » ? Et qu’est-ce qui porte encore ces bateaux s’ils ont pris la mer à leur bord ? Le poème s’attaque également à la morale bourgeoise : Paul Éluard y place la passion amoureuse audessus de tout, il s’oppose au sérieux, au conformisme, à la respectabilité bourgeoises.

Séquence 12

67


B

Un chien andalou Luis Buñuel (1929)

e-Document 4 Première séquence d’Un chien andalou

ire

is o

C

pr ov

— Parodie d’un slogan publicitaire

e

Ep

re

uv

Nougé, P. (1966). L’Expérience continue. Lausanne : L’âge d’homme.

68

Séquence 12


Je me de de

1

5

10

Hymne des anciens combattants patriotes Regardez, comme je suis beau J’ai chassé la taupe dans les Ardennes pêché la sardine sur la côte belge Je suis un ancien combattant

5

Si la Marne se jette dans la Seine c’est parce que j’ai gagné la Marne S’il y a du vin en Champagne c’est parce que j’y ai pissé

25

Mais maintenant je ne suis plus militaire les grenades me pètent au nez et les citrons éclatent dans ma main Et pourtant je suis un ancien combattant

Pour rappeler mon ruban je me suis peint le nez en rouge et j’ai du persil dans le nez pour la croix de guerre

Je suis un ancien combattant Regardez comme je suis beau

e

J’ai reçu des pattes de lapin dans le cul j’ai été aveuglé par des crottes de bique asphyxié par le fumier de mon cheval alors on m’a donné la croix d’honneur

re 20

Ep

15

E

J’ai jeté ma crosse en l’air mais les tauben m’ont craché sur la gueule c’est comme ça que j’ai été décoré Vive la république

uv

10

Chavée, A. (1969). Le Grand cardiaque. La Louvière : Daily-Bul.

pr ov

1

is o

15

Je me vermine je me métaphysique je me termite je m’albumine je me métamorphose je me métempsychose me dilapide je n’en aurai jamais fini Je me reprends je me dévore je me sournoise je me cloaque et m’analyse je me de de je m’altruise je deviens mon alter ego je me cache sous les couvertures je transpire l’angoisse je vais crever madame la marquise

ire

D

Péret, B. (1936). Je ne mange pas de ce pain-là. Paris : Les éditions surréalistes.

Séquence 12

69


F

La vierge corrigeant l’Enfant Jésus devant trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre

pr ov

is o

ire

re

uv

e

3. À ce stade, qualifierais-tu (toujours) le clip de Jain de surréaliste ? Explique.

Ep

4. Procédez à la mise en commun de vos réponses.

70

Séquence 12


Activité 2

Découvrir et pratiquer la création surréaliste —

Les surréalistes ont proposé des pratiques diverses et variées. En voici quelques-unes.

1. Qu’est-ce qu’un proverbe ? 2. À quoi sert-il ?

is o

Pour rendre toute leur force aux mots, les surréalistes recyclent fréquemment des lieux communs, des expressions « usées jusqu’à la corde » (c’en est une) qu’ils réaniment. C’est ainsi que Paul Éluard et Benjamin Péret ont publié 152 proverbes mis au gout du jour.

ire

1. Mettre une claque aux stéréotypes

Paul Eluard

Benjamin Péret

pr ov

3. Caractérise les valeurs le plus souvent véhiculées par les proverbes. 4. Illustre tes réponses par l’un ou l’autre exemple.

5. En les prenant pour cibles, Éluard et Péret sont-ils en accord avec l’esprit du surréalisme ?

e

uv

re

Ep

Séquence 12

71


6. Voici sept exemples de créations tirées du recueil mentionné plus haut. Dans le tableau ci-dessous : a) retrouve pour chacune d’entre elles le proverbe qui a servi de source à sa création ; b) propose une signification pour chacun de ces détournements. Proverbe de départ

Quand la raison n’est pas là, les souris dansent.

is o

Il faut battre sa mère pendant qu’elle est jeune.

Il ne faut pas lâcher la canne pour la pêche.

pr ov

e

re

uv

À quelque rose chasseur est bon.

Qui s’y remue s’y perd.

Ep

Qui sème des ongles récolte une torche.

Signification

ire

Proverbe surréaliste

Éluard, P. et Péret, B. (1925). 152 proverbes mis au goût du jour. Paris : Gallimard.

c) Selon vous, qu’est-ce qui est en jeu dans cette perversion de proverbes ?

72

Séquence 12


7. Détourne des proverbes. a) En remplaçant certains mots par d’autres, transforme chacun des proverbes du tableau suivant en une proposition surréaliste. - Tu peux t’inspirer de la liste de mots proposés ci-dessous ou laisser libre cours à ton imagination. - Les adjectifs peuvent remplacer les participes passés employés seuls. b) Confronte tes productions au regard de ton (ta) voisin(e) et améliore-les en fonction de ses commentaires. c) Partage avec la classe la production qui te semble la plus intéressante. NOMS :

ambulance, arbitre, autoroute, baleine, brosse, camion, colère, couteau, cruche, dictionnaire, étoile, feu, fièvre, girafe, superhéros, jambe, hirondelle,

ire

hiver, miel, ministre, mousse, neige, nuit, pantalon, patron, perruque, police, rat, sirène, sourire, tarte, vitre, voleur, zèbre

VERBES :

abandonner, aimer, attacher, boire, chanter, chercher, cuire, danser, déraper, écraser, étudier, embrasser, jouer, monter, marcher, mentir, nager,

ADJECTIFS :

is o

perdre, prier, rêver, rougir, siffler, tatouer, tirer, travailler, vider, vivre

abruti, absent, avare, bleu, célibataire, chaud, citadin, compliqué, démodé, flou, fondant, gastronomique, poétique, précieux, magique, mazouté,

Proverbe original

Création surréaliste

e

Ventre affamé n’a pas d’oreilles.

pr ov

mécanique, militaire, paternel, sale, spatial, tordu, toxique, transparent

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Faute avouée est à moitié pardonnée.

À cheval donné, on ne regarde pas la denture.

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

Ep

re

uv

Séquence 12

73


2. Détourner une œuvre célèbre Dans leur volonté de désacraliser les chefs-d’œuvre, les artistes surréalistes vont égratigner certaines œuvres consacrées. Duchamp, on l’a vu, affuble la Joconde de moustaches, Magritte enferme les personnages de David ou de Manet dans des cercueils. Le photographe Man Ray, quant à lui, s’en prend à une toile de 1808, La Baigneuse Valpinçon de Jean-Auguste Dominique Ingres.

uv

e

pr ov

is o

ire

1. Voici l’œuvre de Manet détournée par Magritte. a) Quel est l’effet produit sur le spectateur ? b) Confronte ta réponse à celles des autres élèves de la classe.

Ep

re

Manet, É. (1868-1869). Le Balcon. Huile sur toile. 170 x 124 cm. Paris : Musée d’Orsay.

74

Séquence x

Magritte, R. (1950). Perspective II, Le Balcon de Manet. Huile sur toile. 84 x 65cm. Gand : Musée des Beaux-Arts.


2. Attarde-toi sur la photographie de Man Ray (à droite). a) Qu’évoquent les formes tracées à l’encre de Chine sur le dos du modèle ? b) Man Ray titre sa photographie : « Le Violon d’Ingres ». Connais-tu cette expression ? Si non, cherche ce qu’elle signifie. c) Au-delà du jeu sur les mots, que peut évoquer ce rapprochement insolite entre la femme et l’instrument pour un surréaliste ? d) Confronte tes réponses à celles de tes condisciples.

uv

e

pr ov

is o

ire

Man Ray

Man Ray (1924). Le Violon d’Ingres. Photographie rehaussée à la mine de plomb et à l’encre de Chine. 28,2 × 22,5 cm. Paris : Musée national d’art moderne.

Ep

re

Ingres, J.-D. (1808). La Baigneuse Valpinçon. Huile sur toile. 146 × 97 cm. Paris : Musée du Louvre.

Séquence x

75


3. À ton tour de subvertir un tableau… surréaliste ! Souviens-toi de La Clairvoyance de Magritte, dont on retrouvait un écho dans le clip de Jain.

Magritte, R. (1936). La Clairvoyance. Huile sur toile. 41 x 33cm. Collection privée.

Ep

re

uv

e

pr ov

is o

ire

a) Revisite cette œuvre en remplaçant les motifs originaux par des dessins ou des collages qui lui donnent un sens nouveau. b) Attribue un titre à ta création. c) Partage ta création avec la classe.

76

Séquence x


3. Court-circuiter les comparaisons Les surréalistes cherchent à créer ce que Paul Nougé appelle des « objets bouleversants », destinés à bousculer notre perception du monde. Dans ce but, les poètes vont accorder une attention particulière à la force des comparaisons. 1. Rappelle ce qu’est une comparaison.

Comparé

Outil de comparaison

Comparant

Point commun

is o

Comparaisons

ire

2. Décompose les comparaisons suivantes.

uv

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle

Ep

re

Baudelaire, C. (1857). Spleen. Les Fleurs du mal. Paris : Auguste Poulet-Malassis.

e

Rimbaud, A. (1891). Rêvé pour l’hiver. Le Reliquaire. Paris : Genonceaux.

pr ov

Un petit baiser, comme une folle araignée, Te courra par le cou…

Séquence 12

77


3. Lis ce poème de Louis Aragon.

10

15

20

re

30

uv

e

25

is o

5

Tu m’as trouvé comme un caillou que l’on ramasse sur la plage Comme un bizarre objet perdu dont nul ne peut dire l’usage Comme l’algue sur un sextant qu’échoue à terre la marée Comme à la fenêtre un brouillard qui ne demande qu’à entrer Comme le désordre d’une chambre d’hôtel qu’on n’a pas faite Un lendemain de carrefour dans les papiers gras de la fête Un voyageur sans billet assis sur le marchepied du train Un ruisseau dans leur champ détourné par les mauvais riverains Une bête des bois que les autos ont prise dans leurs phares Comme un veilleur de nuit qui s’en revient dans le matin blafard Comme un rêve mal dissipé dans l’ombre noire des prisons Comme l’affolement d’un oiseau fourvoyé dans la maison Comme au doigt de l’amant trahi la marque rouge d’une bague Une voiture abandonnée au beau milieu d’un terrain vague Comme une lettre déchirée éparpillée au vent des rues Comme le hâle sur les mains qu’a laissé l’été disparu Comme le regard égaré de l’être qui voit qu’il s’égare Comme les bagages laissés en souffrance dans une gare Comme une porte quelque part ou peut-être un volet qui bat Le sillon pareil du cœur et de l’arbre où la foudre tomba Une pierre au bord de la route en souvenir de quelque chose Un mal qui n’en finit pas plus que la couleur des ecchymoses Comme au loin sur la mer la sirène inutile d’un bateau Comme longtemps après dans la chair la mémoire du couteau Comme le cheval échappé qui boit l’eau sale d’une mare Comme un oreiller dévasté par une nuit de cauchemars Comme une injure au soleil avec de la paille dans les yeux Comme la colère à revoir que rien n’a changé sous les cieux Tu m’as trouvé dans la nuit comme une parole irréparable Comme un vagabond pour dormir qui s’était couché dans l’étable Comme un chien qui porte un collier aux initiales d’autrui Un homme des jours d’autrefois rempli de fureur et de bruit

pr ov

1

ire

Tu m’as trouvé comme un caillou…

Aragon, L. (1956). Le Roman inachevé. Paris : Gallimard.

Ep

a) Explique quelle impression te laisse la lecture de ce texte.

b) Le poème procède par accumulation de comparaisons. Quel en est le comparé ? Quels points communs relèves-tu entre les différents comparants ?

78

Séquence 12


c) Ces comparaisons correspondent-elles à ce que tu connais maintenant du surréalisme ? Et le poème dans son ensemble ? Pourquoi ?

ire

La terre est bleue 10

Les guêpes fleurissent vert L’aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.

15

Éluard, P. (1929). L’Amour la poésie. Paris : Gallimard.

e

5

La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s’entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d’alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d’indulgence À la croire toute nue.

pr ov

1

is o

4. Lis ce poème de Paul Éluard. Dans ce texte de 1929, il évoque ses sentiments pour Gala en multipliant les associations renversantes, comme dans le premier vers, qui est un des plus célèbres de la poésie française. Il présente, en effet, une comparaison encore plus déroutante que celles observées dans le poème de Louis Aragon.

uv

a) Qu’est-ce qui rend la comparaison « La terre est bleue comme une orange » différente de celles de Rimbaud et de Baudelaire analysées à l’exercice 2 ? Comment Paul Éluard s’y est-il pris pour bousculer son lecteur ?

re

Ep

Séquence 12

79


b) Outre cette comparaison, le poème d’Éluard propose de nombreuses associations insolites. Relèves-en deux et explique comment tu les interprètes.

4. Provoquer des rencontres fortuites

is o

1. Prends connaissance des informations ci-dessous.

ire

Les surréalistes ont développé de nombreux procédés ludiques dans le but de braver la raison en faisant se rencontrer les mots et les objets dans des associations improbables. Parmi ces procédés, le « cadavre exquis » et l’objet surréaliste.

pr ov

Le « cadavre exquis » est un jeu qui permet de créer collectivement des phrases inattendues. Le principe est simple : chacun écrit le début d’une phrase avant de plier la feuille et de la passer à son voisin qui continue la phrase sans savoir ce qui précède, selon la structure : nom + adjectif + verbe + complément d’objet direct + adjectif. En 1925, lorsqu’ils s’y sont essayés pour la première fois, les auteurs surréalistes ont obtenu la phrase : « Le cadavre - exquis - boira - le vin - nouveau. » C’est de là que cette technique a reçu son nom.

e

2. Suis les directives de ton professeur afin de produire, par la technique du cadavre exquis, une comparaison surréaliste.

Ep

re

uv

3. Observe ces trois objets surréalistes.

Dalí, S. (1936). Le Téléphone aphrodisiaque, Plastique et métal. 20,96 cm × 31,12 cm × 16,5 cm. Minneapolis : Minneapolis Institute of Art.

Brauner, V. (1947). Loup-table. Bois et renard naturalisé. 54 cm × 57 cm × 28,5 cm. Paris : Centre Pompidou.

Fouts, N. (2010). Purse with teeth. Bourse et prothèse dentaire. 7 cm x 6 cm x 3 cm. Sans localisation. 80

Séquence x


a) Comment qualifierais-tu les trois objets qui servent de supports à ces assemblages ? b) L’autre objet a-t-il été, selon toi, choisi par hasard pour entrer dans cette composition ? Explique. c) Quel(s) effet(s) résulte(nt) de l’association des deux objets ?

ire

is o

pr ov

Tâche finale

e

uv

Transposer une œuvre artistique Réalise l’une des tâches suivantes.

Ep

re

1. Détournement d’un objet a) Choisis un objet du quotidien comme une chaussure, une cuillère, un moulin à poivre, un cadenas, une cage, un tube de colle, une coquille d’œuf, une paire de ciseaux, un cintre, etc. b) Transforme-le en une œuvre surréaliste par une association inédite qui modifie son usage et la perception qu’on en a.

Séquence 12

81


c) Donne un titre à ton œuvre. d) Rédige un texte qui explicite ta démarche et les choix adoptés dans la production de cette œuvre surréaliste. e) Présente-la oralement au reste de la classe. 2. Réalisation d’un collage surréaliste a) Choisis un vers de départ parmi ces propositions ou parmi ceux que tu as découverts tout au long de la séquence. Le matin s’écroule comme une pile d’assiette

ire

Desnos, R. (1975 – posthume). À l’aube. Destinée arbitraire. Paris : Gallimard.

Vas-tu trainer toute ta vie au milieu du monde

is o

Aragon, L. (1926). Air du temps. Le Mouvement perpétuel. Paris : Gallimard.

La cloche de mon cœur chante à voix basse un espoir très ancien Aragon, L. (1926).Air du temps. Le Mouvement perpétuel. Paris : Gallimard.

pr ov

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Éluard, P. (1926). La courbe de tes yeux. Capitale de la douleur. Paris : Gallimard.

Ep

re

uv

e

b) Sur base de ce vers et à l’aide d’autres mots, de lettres, d’illustrations découpées dans des revues, réalise un collage surréaliste qui allie poésie et art visuel. c) Donne un titre à ton œuvre. d) Rédige un texte qui explicite ta démarche et les choix adoptés dans la production de cette œuvre surréaliste. e) Présente-la oralement au reste de la classe.

82

Séquence 12


Séquence x

L’éléphant et les fourmis — « Quand l’éléphant trébuche, ce sont les fourmis qui en pâtissent. »

(Proverbe africain)

ire

Lire, partager sa lecture et négocier en vue de présenter collectivement un roman

Compétence à développer

pr ov

is o

La littérature francophone, ce n’est pas seulement la littérature émanant d’écrivains français. L’histoire, en effet, a fait que de nombreuses personnes dans le monde – personnes qui ne sont pas françaises – utilisent la langue de Molière. Cette séquence est une invitation au voyage. Tu auras l’occasion de partir à la découverte de l’Afrique, d’une certaine Afrique, et cette découverte, tu la partageras avec tes condisciples.

Production attendue

Prise de parole dans une discussion avec négociation entre pairs et en présence d’un modérateur

Relater une rencontre avec une œuvre culturelle

Relater une rencontre avec une œuvre culturelle : une œuvre littéraire (récit de fiction), à l’oral

Appliquer

e

Négocier en vue d’aboutir à une décision commune

Ressources

Prendre la parole dans le cadre d’une discussion Relater, en vue de la partager avec autrui, sa rencontre avec un récit de fiction

• Rôles et mandats • Temps et tours de parole • Enchainement entre les interactions • Questions propres à faire avancer la négociation : neutres (et non orientées), ouvertes (et non fermées) • Critères pour évaluer et améliorer la qualité d’une prestation orale argumentée : audibilité, intelligibilité, recevabilité, pertinence • Questions sur ce qu’on ressent, observe, interprète • Œuvre littéraire - récit de fiction : action, personnages, cadre spatiotemporel, choix narratifs, caractéristiques du genre de récit, choix stylistiques

Ep

re

uv

• Écouter et évaluer une prestation orale argumentée en discussion • Planifier une prestation orale argumentée en discussion à l’aide d’un écrit intermédiaire • Évaluer une prestation orale argumentée dans le cadre d’une discussion (avec négociation) • Manifester sa compréhension d’une œuvre • Manifester son appréciation d’une œuvre • Analyser la spécificité de la situation de communication de la production visée • Évaluer, améliorer la qualité de la relation d’expérience

Transférer

UAA 4 – UAA 6 Ressources communes • Focus sur les opérations de prise de parole • Normes de l’oral • Focus sur la littérature : la littérature-monde • Aspect de la culture contemporaine : la littérature francophone en Afrique aujourd’hui Connaitre

Expliciter les facteurs de réussite et/ou d’échec des interventions dans le cadre d’une discussion (avec négociation) Expliciter les facteurs d’agrément ou de désagrément de la rencontre avec une œuvre culturelle 19


Dans cette séquence, tu pourrais avoir besoin des Fiches outils suivantes :

 Apprécier une production culturelle, p. xxx  Convaincre, p. xxx  Prendre la parole en public, p. xxx  Récit, p. xxx  Situation de communication, p. xxx

Activité liminaire

Identifier et énoncer une question

e-Document 1

Télégramme de Dakar

pr ov

is o

Henri Michaux, né à Namur en 1899 et mort à Paris en 1984, est un écrivain, poète et peintre qui a demandé la naturalisation française en 1955. Il a beaucoup voyagé et écrit de nombreux carnets de voyages réels ou imaginaires. Écoute un de ses poèmes, Télégramme de Dakar. Si tu es attentif(ve), tu percevras peut-être le rythme des tambours, au loin, à l’ombre des baobabs.

ire

1. Quelle image Michaux donne-t-il de l’Afrique ? Coche les adjectifs qui te semblent correspondre et explique la raison de ton choix. Rythmée Aride Misérable Mystérieuse

e

Chatoyante Colorée Animée Pauvre

re

Activité 1

uv

2. Et toi, quels mots et quelles images te viennent à l’esprit quand on évoque l’Afrique subsaharienne ? Échange tes représentations avec tes condisciples.

Ep

Cerner les concepts de francophonie et de littérature-monde —

1. La francophonie : où ? pourquoi ?

La francophonie, également appelée « monde francophone », désigne l’ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue de première socialisation, langue d’usage, langue administrative ou langue d’enseignement. La Francophonie, avec une majuscule, renvoie à l’ensemble des pays ou régions membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

20

Séquence x


1. La Francophonie, c’est par où ? Teste tes connaissances en répondant au questionnaire ci-dessous. Sache que les chiffres sont issus des données 2018 de l’OIF.

Quiz

7 19 54

7 % 45 % 73 %

Ep

re

uv

e

100 millions 300 millions 1 milliard

e) Quel est le pourcentage de locuteurs quotidiens en français situés en Afrique subsaharienne et dans l’océan indien ?

pr ov

c) Selon toi, combien y a-t-il de francophones dans le monde en 2018 ?

6 24 36

ire

b) Sachant qu’il y a environ 200 états dans le monde, combien la Francophonie en compte-t-elle ?

d) Dans combien de pays le français est-il la langue d’enseignement ?

is o

a) Sur la carte du monde ci-dessous, colore les pays ou régions qui, selon toi, utilisent le français comme langue officielle ou langue d’enseignement.

f) Consulte la carte des pays et régions faisant partie de l’OIF pour la confronter à tes réponses de la question a). Pour les autres réponses, confronte tes réponses avec les solutions données par ton professeur.

e-Document 2 Carte des pays et régions faisant partie de l’OIF

Séquence x

21


2. Observe la carte d’Afrique ci-dessous. Elle t’indique les pays où le français est langue officielle et/ou de culture. a) Que constates-tu et quelle(s) explication(s) à cet état des choses pourrais-tu avancer ? b) Échange avec tes condisciples. Tunisie

roc

Ma Sahara Occidental

Algérie

Niger

ire

Érythrée

Mali

Soudan

Sénégal

Tchad

Djibouti

Burkina Faso Nigeria

Côteéri d’Ivoire Ghana a

Lib

is o Soudan du Sud

Centrafrique Bénin

Sierra Leone

Cameroun Congo

Kenya

Rwanda

pr ov

Gabon

RD Congo

Burundi

Tanzanie

Pays Francophone d’Afrique

e

ali

m

So

Togo Guinée Équatoriale

Éthiopie

Ouganda Malawi

Angola

e

biq

o

M

Botswana

ar

m za

asc

Zimbabwe

Namibie

Afrique du Sud

re

uv

ue

Zambie

Pays dont le français est la langue officielle Pays dont le français est la langue de culture

dag

Guinée Guinée Bissau

Égypte

Ma

Mauritanie

Gambie

Libye

e-Document 3 Carte de la colonisation de l’Afrique

Ep

c) Consulte le e-Document 3 afin de confirmer ou de rectifier vos réponses.

d) Sais-tu ce que sont la colonisation et la décolonisation ? Si oui, rappelle-le en quelques mots. Si non, consulte les e-Documents suivants.

e-Document 4 La colonisation de l’Afrique © Histoire Géo, chaîne youtube e-Document 5 Colonisation et décolonisation

Tu remarqueras peut-être quelques erreurs de liaisons dans la vidéo (e-Document 4). Cependant, nous avons fait le choix de te la proposer en dépit de ces pataquès tant les explications de l’orateur sont claires et à la portée de tous. e) Échange avec tes condisciples. 22

Séquence x


ire

is o

pr ov

e

2. La littérature-monde

re

uv

Ep

Lis l’article Le chant de l’oiseau migrateur d’Alain Mabanckou en t’aidant des questions de la colonne de droite pour mieux en comprendre le propos. 1. Afin de mieux cerner l’organisation de cet article, attribue à chaque partie le sous-titre qui lui convient parmi ceux qui te sont proposés ci-dessous. Le but d’un auteur – L’écrivain francophone – La littérature-monde – Un complexe d’infériorité – La reconnaissance ambigüe des écrivains francophones – Paris, le centre de la création littéraire – Atteindre le monde en partant du local

2. Note un synonyme ou une paraphrase pour les mots ou expressions soulignés. Si besoin, consulte le dictionnaire. 3. Prépare-toi à répondre oralement aux questions ponctuelles de la deuxième colonne.

Séquence x

23


Le chant de l’oiseau migrateur Alain Mabanckou

is o

ire

Alain Mabanckou (1966) est un écrivain congolais qui a découvert la lecture grâce aux livres abandonnés par les touristes dans l’hôtel où travaillait son père. Bénéficiant d’une bourse, il arrive en France où il poursuit des études de droit. Il se consacre de plus en plus à l’écriture et, en 1998, il obtient le grand prix littéraire d’Afrique noire pour son roman Bleu-Blanc-Rouge. Actuellement, il enseigne à l’Université de Californie (Los Angeles). En 2016, il est nommé au Collège de France où il prononce sa leçon inaugurale, Lettres noires : des ténèbres à la lumière. En 2018, il est invité par Emmanuel Macron pour réfléchir à la francophonie. Il refuse et s’en explique dans une lettre ouverte où il appelle à dépasser les origines coloniales du concept de francophonie et où il dénonce la complaisance de la francophonie à l’égard des « régimes autocratiques, des élections truquées et du manque de liberté d’expression ».

pr ov

[…]

« Être un écrivain francophone, c’est être

1

dépositaire de cultures, d’un tourbillon d’univers. Être un écrivain francophone, c’est certes bénéficier de l’héritage des lettres françaises, mais c’est surtout

apporter sa touche dans un grand ensemble, cette

e

5

uv

touche qui brise les frontières, efface les races, amoindrit la distance des continents pour ne plus établir que la fraternité par la langue et l’univers. 10

re

La fratrie francophone est en route. Nous ne viendrons plus de tel pays, de tel continent, mais de telle langue. Et notre proximité de créateurs ne

Ep

sera plus que celle des univers1. »

15

24

Il faut se rappeler que pour en arriver à cette

conclusion, je partais du constat qu’il nous était

proposé une vision exclusive de la création littéraire

en langue française. Le modèle achevé — et donc

intouchable — étant la littérature française, forte

Séquence x

1

Mabanckou, A. La francophonie, oui... le ghetto, non. Le Soir (19 mars 2006).


20

et fière de sa longue tradition des lettres, de

a) Paris est le centre de la littérature

ses différents courants, de ses prix d’automne,

française. Souligne dans le texte des

de ses illustres auteurs, de ses prestigieuses

exemples qui le prouvent.

maisons d’édition parisiennes. Les littératures « périphériques » d’expression française devaient graviter autour de ce noyau. Dans ces conditions, même lorsque certains espaces francophones 25

révélaient un dynamisme littéraire indéniable comme que jamais le centre, l’unité de mesure. […]

fait,

lorsqu’on

regarde

de

près

ce

is o

En

ire

au Québec ou à Bruxelles […], Paris demeurait plus

phénomène de l’hégémonie parisienne, surtout en 30

ce qui concerne les auteurs originaires de l’espace francophone, on en arrive au constat que cette

pr ov

hiérarchisation n’est pas imputable uniquement à la France, encore moins à la vanité ou au mépris

que manifesteraient les auteurs ou les éditeurs 35

français à l’égard de ces écrivains venus d’ailleurs.

Ces derniers ont une grande part de responsabilité. Ils affichent de manière presque naturelle un

e

complexe d’infériorité au point qu’une bénédiction dans leur propre contrée demeure, pour eux, un b) Pour bien des auteurs, que

l’espace francophone ne commencerait à exister

faut-il faire pour réussir « en

que lorsque la place parisienne tout entière lui

littérature » ? Souligne le passage

aurait décerné un passeport. Du coup, le regard de

qui répond à cette question.

uv

épiphénomène, un sacre local […]. L’auteur de

re

40

la France sur ces littératures fut d’ordinaire marqué par une espèce de condescendance.

Ep

45

C’est aussi en France qu’allait s’opérer la mutation, le rapprochement de nos univers. Des salons du livre seront tournés vers « le monde en français » […]. Ainsi, certains auteurs francophones

Séquence x

25


50

qui ne s’étaient jamais rencontrés dans leur pays vont se côtoyer à Saint-Malo ou à Bamako et comprendre que quelque chose est en train de naître, ou plutôt de se confirmer […]. Peu à peu une autre image allait s’imposer, et des préjugés. […] Qui n’a pas lu

55

un jour des « compliments » du genre : « un des

majeures de la littérature francophone » ou encore

« un des auteurs québécois de premier plan », « le

Voltaire africain », « le Céline tropical ». Et, parfois,

c) Qui sont Voltaire et Céline ?

on lâchera d’un air satisfait et ragaillardi que ces

Que révèlent les comparaisons

auteurs « qui ont un accent » enrichissent, sauvent

que l’on opère entre eux et

« notre » langue française, et donc contribuent au « rayonnement » de celle-ci dans le monde au moment où la langue anglaise serait en train de tout écraser sur son chemin. […]

certains auteurs africains ?

pr ov

65

ire

60

qui manie notre langue avec brio », « une des voix

is o

auteurs les plus importants du continent africain

Au fond, dire d’un auteur francophone qu’il

enrichit ou sauve la langue est loin d’être un compliment. […] En quoi la langue française aurait-

elle besoin d’un service de sécurité, de veilleurs

e

70

de nuit ? Et pourquoi serait-ce uniquement aux

littérature ne peut se contenter d’un rôle d’officier

d’ordonnance. On n’écrit pas pour sauver une

langue, mais justement pour en créer une… […]

d) Qu’est-ce que Mabanckou

re

de subalterne ? La Vérité est là, indubitable : aucune

Ep

75

uv

auteurs venus d’ailleurs d’exécuter cette besogne

Qu’est-ce à dire alors ?

Eh bien, il s’agit de rappeler que le monde

bouge, que les cultures se croisent, que l’heure

80

est à l’inventaire de nos propres connaissances, et surtout à l’inévitable interrogation qui ne cessera de nous hanter, de nous obnubiler tant que nous ne nous serons pas prononcés : qu’apportons-nous au

26

Séquence x

entend par « on écrit pour créer une langue » ? Pourquoi refuse-t-il le verbe « sauver » d’après toi ?


monde, ou que devrions-nous apporter au monde, 85

nous autres écrivains qui avons en partage la langue française ? […] Je suis conscient et plus que convaincu que c’est en partant du « local » qu’on atteint le monde, l’universel, que le Larousse définit comme « ce qui

90

concerne l’Univers, le Cosmos », « ce qui s’étend sur toute la surface de la Terre », « ce qui embrasse la totalité des êtres et des choses ». Cette dernière e) Explique à ta manière comment

universus et qui veut simplement dire : tout entier !

les auteurs peuvent atteindre

[…]

ire

95

définition étant la plus proche du sens du mot latin

is o

l’universalité avec leurs romans.

La littérature-monde en langue française est la

reconnaissance et la prise de conscience de notre

f) Mabanckou écrit « notre

la langue française, cet outil que beaucoup ont

apport ». Qui désigne ce « notre » ?

pr ov

100

apport à l’intelligence humaine, avec cet outil qu’est hérité de manière conflictuelle, d’autres par choix,

d’autres encore parce que leurs ancêtres étaient des

Gaulois. […] Notre tâche est de suivre la marche de cette littérature-monde en langue française. […]

uv

e

Mabanckou, A. (2007). Le chant de l’oiseau migrateur. Le Bris, M. & Rouaud, J. (dir.). Pour une littérature-monde (pp. 56-66). Paris : Gallimard.

re

4. Alain Mabanckou dénonce une situation. Laquelle ?

Ep

5. Que veut-il pour la littérature francophone ? Séquence x

27


Activité 2

Observer et évaluer un exemple de tâche finale —

1. Prendre connaissance des consignes de la tâche finale

ire

Tu vas choisir un roman dans une liste de quatre romans d’auteurs africains de langue française. À la fin de la séquence, vous aurez, en groupes, à présenter « votre » roman aux autres élèves qui, eux, ne l’auront pas forcément lu. L’activité qui suit a pour but de vous mettre au clair avec cette tâche et les étapes nécessaires pour y parvenir.

is o

1. Les livres de la sélection présentent tous un intérêt certain. Il est important que tu sois conscient(e) qu’on n’attend pas de toi un jugement de gout personnel sur le roman que tu choisiras. Ta ligne de conduite doit être la mise en évidence de l’intérêt que présente ce livre. Ton avis s’apparente donc à un jugement de valeur.

2. La présentation par le groupe visera à partager la lecture du roman avec les autres élèves. Ci-dessous, la procédure à suivre.

re

uv

e

pr ov

3. La lecture de ce livre se fera individuellement et en trois étapes.

Ep

4. Au fur et à mesure de ta lecture, tu constitueras un portefeuille qui servira à enrichir les cercles de lecture organisés à l’issue de chaque étape. Pour chaque réunion, ce portefeuille contiendra : a) la liste des facteurs d’intérêt que tu as trouvés dans la partie que tu viens de lire et l’illustration de chacun d’eux par un court extrait (10-15 lignes) dont tu indiqueras la page. Tu pourras ainsi envisager les aspects suivants : - les composantes de l’histoire (personnages, intrigue, cadre spatiotemporel), - les choix narratifs (le narrateur, la focalisation, la chronologie, les ellipses, le suspense…), - tes réactions face aux personnages et à l’intrigue, - la langue et le style de l’auteur (mots étonnants, tournures particulières, mots d’une autre langue…), - l’univers que tu as découvert ;  Fiche outil, Récit, p. xxx

28

Séquence x


b) une illustration (photo, dessin, tableau, caricature…) qui aide à se faire une image d’un thème, du cadre, d’un aspect du roman ou qui les symbolise ; c) les questions de compréhension et/ou d’interprétation que tu souhaites aborder au cours du cercle de lecture. d) De plus, pour le dernier cercle de lecture et en vue de mettre en lumière les forces en présence dans le récit, tu élaboreras le(s) schéma(s) actanciel(s) du roman. Tu envisageras le personnage principal comme héros, mais tu pourrais aussi faire ce schéma en envisageant la quête d’autres personnages.

6. La présentation collective comportera obligatoirement : a) un résumé apéritif ;

ire

5. Les cercles de lecture vous permettront à la fois de partager vos difficultés, vos questions et vos interprétations. Le dernier cercle de lecture vous permettra, en outre, de négocier en vue de préparer la présentation collective du livre.

is o

b) la présentation de quatre facteurs d’intérêt tenant à la fois de la matière et de la manière. Ces facteurs d’intérêt seront illustrés par de courts extraits à lire à haute voix. La totalité de ces extraits ne peut excéder deux pages de livre de poche. Attention ! la lecture à haute voix se prépare. Elle doit permettre aux auditeurs d’entrer dans l’histoire ; c) quatre illustrations.

pr ov

7. Votre présentation s’appuiera sur un support de communication de votre choix (panneau, affiche, diaporama…).

Ep

re

uv

e

8. La présentation (support et contenu) sera le résultat d’une négociation.

Séquence x

29


2. Observer des portefeuilles de lecture et évaluer leur adéquation aux consignes

pr ov

is o

ire

Allah n›est pas obligé, Ahmadou Kourouma, © Éditions du Seuil, 2000, Points, 2002

Des élèves, dont Noélie et Allan, ont réalisé une présentation d’Allah n’est pas obligé à la suite des cercles de lectures. Cette activité te permettra d’observer leur cheminement.

1. Observe le paratexte du roman de Kourouma. Que t’apprend-il ? Que t’évoque-t-il ? Échange avec tes camarades.

e

uv

re

2. Observe les portefeuilles préparés par Noélie et Allan pour le premier cercle de lecture. a) Ces portefeuilles correspondent-ils aux attentes formulées dans les consignes ?

Ep

b) Évalue-les dans le tableau ci-dessous.

Forces

Faiblesses

30

Portefeuille de Noélie

Portefeuille d’Allan

Séquence x


Portefeuille 1 (Noélie)

— 1. Les facteurs d’intérêt

is o

ire

· Les composantes de l’histoire : enfant soldat dans l’Afrique vers 1990, il doit retrouver sa tante, périple en compagnie de marabouts à travers des dictatures africaines : découverte d’un cadre spatiotemporel que je connais mal. · Les choix narratifs : narrateur enfant, point de vue intéressant, personnage attachant car décalage innocence de l’enfance et violence de ce qu’il vit. · Langage particulier : celui de l’enfant « ptit nègre », phrases très orales, mots grossiers, injures, mots de sa langue maternelle traduits, explications fréquentes de nombreux mots. · Découverte d’un univers inconnu : monde des marabouts, des grigris. Risible mais dramatique ; excisions, meurtres, violences… 2. Extrait du roman

pr ov

Situation de l’extrait C’est l’incipit du roman : Birahima, le personnage principal (et le narrateur) se présente. L’extrait présente l’enfant et illustre le style particulier et la langue utilisée.

uv

e

Je décide le titre définitif et complet de mon blablabla est Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. Voilà. Je commence à conter mes salades. Et d’abord… et un… M’appelle Birahima. Suis p’tit nègre. Pas parce que suis black et gosse. Non ! Mais suis p’tit nègre parce que je parle mal le français. C’é comme ça. Même si on est grand, même vieux, même arabe, chinois, blanc, russe, même américain ; si on parle mal le français, on dit on parle p’tit nègre, on est p’tit nègre quand même. Ça, c’est la loi du français de tous les jours qui veut ça. … Et deux… Mon école n’est pas arrivée très loin ; j’ai coupé cours élémentaire deux. J’ai quitté le banc parce que tout le monde a dit que l’école ne vaut plus rien, même pas le pet d’une vieille grand-mère. (C’est comme ça on dit en nègre noir africain indigène quand une chose ne vaut rien. On dit que ça vaut pas le pet d’une vieille grand-mère parce que le pet de la grand-mère foutue et malingre ne fait pas de bruit et ne sent pas très, très mauvais.)

Ep

re

Allah n›est pas obligé, Ahmadou Kourouma, © Éditions du Seuil, 2000, Points, 2002

Incipit (p. 7)

3. Illustration

Séquence x

31


4. Mes questions de compréhension / d’interprétation

Noélie Notes de lecture Allah n’est pas obligé. A. Kourouma Chapitre 1 Birahima :

Guerre tribale au Libéria : vérité historique ? Concession : c’est quoi ? La grand-mère : je sais pas quoi penser… cruelle, aimante. Excision : c’est vraiment cô ça ? Ça existe encore ? sorciers- féticheurs-marabouts : c’est quoi exactement ? C’est lié à l’Islam ? Ça existe encore ? 22 la colonie : quel pays ? 27 sa mère doit épouser son beau-frère : coutume musulmane ? Ça existe encore ? voir s/internet. Existe aussi dans Bible mais maintenant est vu cô rétrograde p. 22 Infirmier corrompu ? obligé de donner ? p. 29 Imam = marabout : je comprends pas bien… p. 31 phrase sur les droits de la femme !!! p. 34 circoncision  initiation ?? rite de passage : c’est ça ? p. 40 bizarre : des ministres vont voir le sorcier Tiécoura. ministres blancs ? ça mélange religion-Coran / marabout-mauvais sorts…  pas très clair pour moi

is o

ire

10 14 15 20 ‘’

uv

e

pr ov

p. p. p. p. ‘’ p. p.

p. 7  47 enfant – mère morte ulcère – père mort Mahan : sa tante / tutrice  Libéria. Doit la rejoindre / voyage avec Tiécoura (gars bizarre : sorcier / arnaqueur ?)

Ep

re

p. 49 à 95 Chapitre 2 Birahima = enfant soldat au Libéria avec le Colonel Papa Le bon. Tiécoura féticheur pr colonel. Qd le colonel +, ils partent  ULIMO, autre clan - bcp de passages très cruels : enfants drogués, qui tuent ; filles violées, enfants fascinés par les armes… Je ne sais pas que penser : est-ce que j’aime qu’on me raconte ça ? ça met mal à l’aise parfois - Enfants soldats filles : très choquant aussi - Colonel personnage ambigu : - bon & cruel. A-t-il vraiment existé ? - Porté s/ le sexe - S’occupe des enfants… - Taylor : a vraiment existé  c’est vérifié : condamné à 50 ans de prison pr crimes c/ Humanité. (les dictateurs cités aussi = réels)  roman historique ? - Incroyable pour nous : confiance accordée aux grigris drôle pr nous : explication pourquoi grigris pas efficaces

32

Séquence x


Portefeuille 2 (Allan)

1. Les facteurs d’intérêt

is o

ire

- L’univers : Le lecteur est plongé en Afrique subsaharienne. On en apprend plus sur certaines « coutumes », comme par exemple la condition de la femme, l’excision, la médecine traditionnelle (et le rapport avec la médecine « blanche »). - Langue : C’est écrit en « petit nègre ». Certains mots (compliqués pour le narrateur ou le lecteur) sont expliqués par le narrateur. Il consulte ses dictionnaires. Certaines tournures de phrase sont typiques. - Narrateur : C’est Birahima, un enfant. On découvre la réalité sanglante de son pays à travers lui. C’est moins difficile à supporter mais plus choquant.

Ep

re

uv

e

pr ov

2. Illustration

Séquence x

33


3. Extrait

Ep

re

uv

e

pr ov

is o

ire

Le colonel Papa le bon était le représentant du Front national patriotique, en anglais National Patriotic Front (NFPL) à Zorzor. C’était le poste le plus avancé au nord du Liberia. Ça contrôlait pour le NPFL l’important trafic venant de la Guinée. Ça percevait les droits de douane et surveillait les entrées et sorties du Liberia. Walahé ! Le colonel Papa le bon était un grand quelqu’un du Front national patriotique. Un homme important de la faction de Taylor. Qui était le bandit de grand chemin Taylor ? On a entendu parler de Taylor la première fois au Liberia quand il a réussi le fameux coup de gangstérisme qui mit le trésor public libérien à genoux. Après avoir vidé la caisse, il est arrivé à faire croire avec du faux en écriture au gouvernement libérien que celui-ci avait plein de dollars aux USA. Quand on a découvert le pot aux roses (signifie le secret d’une affaire) et compris que tout ça c’était du bidon, on l’a poursuivi. Il s’est réfugié aux USA sous un faux nom. Des minutieuses recherches ont permis de le dénicher, de mettre la main à son collet. (Mettre la main au collet, c’est arrêter.) On l’a enfermé. Sous le verrou, il a réussi à corrompre avec l’argent volé ses geôliers. Il s’est enfui en Libye où il s’est présenté à Kadhafi comme le chef intraitable de l’opposition au régime sanguinaire et dictatorial de Samuel Doe. Kadhafi le dictateur de Libye qui depuis longtemps cherchait à déstabiliser Doe l’a embrassé sur la bouche. Il les a envoyés, lui et ses partisans, dans le camp où la Libye fabrique des terroristes. La Libye a toujours eu un tel camp depuis que Kadhafi est au pouvoir dans ce pays. Dans ce camp, Taylor et ses partisans ont appris la technique de la guérilla. Et ce n’est pas tout : il l’a refilé à Compaoré, le dictateur du Burkina Faso, avec plein d’éloges comme si c’était un homme recommandable. Compaoré, le dictateur du Burkina, l’a recommandé à Houphouët-Boigny, le dictateur de la Côte-d’Ivoire, comme un enfant de chœur, un saint. Houphouët qui en voulait à Doe pour avoir tué son beau-fils fut heureux de rencontrer Taylor et l’embrassa sur la bouche. Houphouët et Compaoré se sont vite entendus sur l’aide à apporter au bandit. Compaoré au nom du Burkina Faso s’occupait de la formation de l’encadrement, Houphouët au nom de la Côte-d’Ivoire s’était chargé de payer des armes et l’acheminement de ces armes. Et voilà le bandit devenu un grand quelqu’un. (...) Comparé à Taylor, Compaoré le dictateur du Burkina, Houphouët-Boigny le dictateur de Côte-d’Ivoire et Kadhafi le dictateur de Libye sont des gens bien, des gens apparemment bien. (...) Gnamokodé ! Walahé !

4. Questions de compréhension / d’interprétation Je ne comprends pas toujours bien Birahima. J’ai du mal à saisir ce qu’il veut vraiment. Je sais qu’il veut retrouver sa tante, mais pourquoi est-il obligé de passer par toutes ces péripéties ? Les grigris, les fétiches… C’est quoi exactement ? Pourquoi ont-ils un tel pouvoir ? C’est vraiment horrible comme histoire ! Pourquoi l’auteur a-t-il fait parler un enfant ? Les enfants devraient être écartés de ce genre d’histoire !

34

Séquence x

Allah n›est pas obligé, Ahmadou Kourouma, © Éditions du Seuil, 2000, Points, 2002

Extrait : pp. 64-67 : J’ai pris cet extrait parce que je m’intéresse à l’Histoire. J’en ai appris un peu plus grâce aux pages du roman consacrées aux dictateurs de l’Afrique de l’Ouest.


3. Observer le fonctionnement des cercles de lecture Regarde une partie des discussions d’un cercle de lecture auquel ont participé Noélie et Allan. 1. Voici la charte que les élèves devaient respecter. a) Qu’est-ce qu’une charte ? En faire une te parait-il judicieux ? b) Observe chaque item.

CHARTE

concernant les cercles de lecture

A Nous abordons les thèmes / les questions de la consigne.

B Nous sommes attentifs à aborder à la fois « la matière » et « la manière ».

pr ov

❷ Nous nous aidons mutuellement à exprimer nos idées et nous accueillons les difficultés de chacun.

ire

❶ Chacun contribue à la discussion.

Le contenu

is o

Les comportements

C Nous comprenons la partie que nous lisons.

❹ Nous organisons notre discussion : choix des rôles (un animateur, un archiviste, un secrétaire, un gardien du temps), respect du temps imparti, thèmes abordés…

D Nous apprenons de nouvelles choses.

e

❸ Nous exploitons nos notes de lecture. Elles servent de base.

E Nous soulevons de nouvelles questions.

re

uv

❺ Nous respectons et nous écoutons les autres.

Ep

c) Ajouterais-tu autre chose à cette charte ? d) Partage ton avis avec la classe.

Séquence x

35


2. Observe Noélie, Allan et leurs camarades lors de leur premier cercle de lecture.

Premier cercle de lecture

a) Caractérise l’ambiance générale du cercle de lecture. b) Les élèves ont-ils respecté la charte ? c) Quels rôles as-tu pu observer ?

ire

is o

d) Quels sont les comportements et/ou propos qui ont freiné la discussion ?

pr ov

e) Quels sont les comportements et/ou propos qui ont fait avancer la discussion ?

e

uv

re

f) Les élèves ont-ils exploité correctement leurs portefeuilles ?

Ep

36

Séquence x


3. Observe Noélie, Allan, Adam et Louise lors de la dernière étape de leur cercle de lecture.

Dernière étape du cercle de lecture

a) La négociation a-t-elle réussi ? - Prouve-le. - Qu’est-ce qui a favorisé les prises de décision ?

ire

b) Sur quoi a porté la négociation ?

pr ov

is o

Ep

re

uv

e

c) Quelles sont les grandes étapes de cette négociation ? Consulte au besoin la fiche outil Convaincre.

Séquence x

37


Activité 3

Choisir un roman —

Voici quatre romans de littérature-monde ayant comme point commun l’Afrique. Choisis-en un. Pour ce faire, aide-toi des documents et des e-documents ci-dessous.

1. Petit pays (Gaël Faye)

ire

L’auteur

© Thesupermat

is o

C’est au Burundi que nait Gaël Faye, en 1982, d’une mère rwandaise et d’un père français. Suite à la guerre civile et au génocide des Tutsi au Rwanda, il arrive en France en 1995 et passe son adolescence dans les Yvelines, où il découvre le rap. Après avoir obtenu un master en finance, il part travailler à Londres, où il reste deux ans. Ensuite, de retour en France, il se lance dans l’écriture et la musique.

Ep

re

uv

e

pr ov

En 2013 sort Pili Pili sur un croissant au beurre, son premier album solo, nourri de multiples influences. Son premier roman, Petit Pays, parait en 2016. Il décroche de nombreux prix : le Goncourt des lycéens, le prix du roman Fnac et le prix Audiolib.

38

Séquence x


L’incipit (pp. 9-17) Prologue

20

25

ire

La discussion s’était arrêtée là. C’était quand même étrange cette affaire. Je crois que Papa non plus n’y comprenait pas grand-chose. À partir de ce jour-là, j’ai commencé à regarder le nez et la taille des gens dans la rue. Quand on faisait des courses, dans le centreville, avec ma petite sœur Ana, on essayait discrètement de deviner qui était Hutu ou Tutsi. On chuchotait : – Lui avec le pantalon blanc, c’est un Hutu, il est petit avec un gros nez. – Ouais, et lui là-bas, avec le chapeau, il est immense, tout maigre avec un nez tout fin, c’est un Tutsi. – Et lui, là-bas, avec la chemise rayée, c’est un Hutu. – Mais non, regarde, il est grand et maigre. – Oui, mais il a un gros nez ! C’est là qu’on s’est mis à douter de cette histoire d’ethnies. Et puis, Papa ne voulait pas qu’on en parle. Pour lui, les enfants ne devaient pas se mêler de politique. Mais on n’a pas pu faire autrement. Cette étrange atmosphère enflait de jour en jour. Même à l’école, les copains commençaient à se chamailler à tout bout de champ en se traitant de Hutu ou de Tutsi. Pendant la projection de Cyrano de Bergerac, on a même entendu un élève dire : « Regardez, c’est un Tutsi, avec son nez. » Le fond de l’air avait changé. Peu importe le nez qu’on avait, on pouvait le sentir.

re

30

is o

15

pr ov

10

e

5

Je ne sais vraiment pas comment cette histoire a commencé. Papa nous avait pourtant tout expliqué, un jour, dans la camionnette. – Vous voyez, au Burundi c’est comme au Rwanda. Il y a trois groupes différents, on appelle ça les ethnies. Les Hutu sont les plus nombreux, ils sont petits avec de gros nez. – Comme Donatien ? j’avais demandé. – Non, lui c’est un Zaïrois, c’est pas pareil. Comme Prothé, par exemple, notre cuisinier. Il y a aussi les Twa, les pygmées. Eux, passons, ils sont quelques-uns seulement, on va dire qu’ils ne comptent pas. Et puis il y a les Tutsi, comme votre maman. Ils sont beaucoup moins nombreux que les Hutu, ils sont grands et maigres avec des nez fins et on ne sait jamais ce qu’ils ont dans la tête. Toi, Gabriel, avait-il dit en me pointant du doigt, tu es un vrai Tutsi, on ne sait jamais ce que penses. Là, moi non plus je ne savais pas ce que je pensais. De toute façon, que peut-on penser de tout ça ? Alors j’ai demandé : – La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ? – Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays. – Alors… Ils n’ont pas la même langue ? – Si, ils parlent la même langue. – Alors, ils n’ont pas le même dieu ? – Si, ils ont le même dieu. – Alors… pourquoi se font-ils la guerre ? – Parce qu’ils n’ont pas le même nez.

uv

1

Ep

35

40

Il m’obsède, ce retour. Pas un jour sans que le pays ne se rappelle à moi. Un bruit furtif, une odeur diffuse, une lumière d’après-midi ; un geste, un silence parfois suffisent à réveiller le souvenir de l’enfance. « Tu n’y trouveras rien, à part des fantômes et un tas de ruines », ne cesse de me répéter Ana, qui ne veut plus jamais entendre parler de ce « pays maudit ». Je l’écoute. Je la crois. Elle a toujours été plus lucide que moi. Alors je chasse cette idée de ma tête. Je décide une bonne fois pour toutes que je n’y retournerai plus. Ma vie est ici. En France.

Séquence x

39


45

Je n’habite plus nulle part. Habiter signifie se fondre charnellement dans la topographie d’un lieu, l’anfractuosité de l’environnement. Ici, rien de tout ça. Je ne fais que passer. Je loge. Je crèche. Je squatte. Ma cité est dortoir et fonctionnelle. Mon appartement sent la peinture fraîche et le linoleum neuf. Mes voisins sont de parfaits inconnus, on s’évite cordialement dans la cage d’escalier. (...)

50

pr ov

65

ire

60

is o

55

Ce soir-là, en sortant du travail, je cours me réfugier dans le premier bar, en face de la gare. Je m’assois devant le baby-foot et je commande un whisky pour fêter mes trente-trois ans. Je tente de joindre Ana sur son portable, elle ne répond pas. Je m’acharne. Compose son numéro à plusieurs reprises. Je finis par me rappeler qu’elle est en voyage d’affaires à Londres. Je veux lui raconter, lui dire pour le coup de fil de ce matin. Ça doit être un signe du destin. Je dois y retourner. Ne serait-ce que pour en avoir le cœur net. Solder une bonne fois pour toutes cette histoire qui me hante. Refermer la porte derrière moi, pour toujours. Je recommande un autre whisky. Le bruit de la télévision au-dessus du bar couvre un instant le cours de ma pensée. Une chaîne d’infos en continu diffuse des images d’êtres humains fuyant la guerre. J’observe leurs embarcations de fortune accoster sur le sol européen. Les enfants qui en sortent sont transis de froid, affamés, déshydratés. Ils jouent leur vie sur le terrain de la folie du monde. Je les regarde, confortablement installé là, dans la tribune présidentielle, un whisky à la main. L’opinion publique pensera qu’ils ont fui l’enfer pour trouver l’Eldorado. Foutaises ! On ne dira rien du pays en eux. La poésie n’est pas de l’information. Pourtant, c’est la seule chose qu’un être humain retiendra de son passage sur terre. Je détourne le regard de ces images, elles disent le réel, pas la vérité. Ces enfants l’écriront peut-être, un jour. Je me sens triste comme une aire d’autoroute vide en hiver. C’est chaque fois la même chose, le jour de mon anniversaire, une lourde mélancolie s’abat sur moi comme une pluie tropicale quand je repense à Papa, Maman, les copains, et à cette fête d’éternité autour du crocodile éventré au fond du jardin… Gaël Faye, Petit Pays © Éditions Grasset & Fasquelle, 2016

e

e-Document 6 Critiques de lecteurs sur Babelio

Ep

re

uv

e-Document 7 Interview de Gaël Faye

40

Séquence x


2. Le ventre de l’Atlantique (Fatou Diome) L’autrice

Il court, tacle, dribble, frappe, tombe, se relève et court encore. Plus vite ! Mais le vent a tourné : maintenant, le ballon vise l’entrejambe de Toldo, le goal italien. Oh ! mon Dieu, faites quelque chose ! Je ne crie pas, je vous en supplie. Faites quelque chose si vous êtes le Tout-Puissant ! Ah ! Voilà Maldini qui revient, ses jambes tricotent la pelouse.

re

1

uv

L’incipit (pp. 11-15)

e

pr ov

is o

ire

Fatou Diome nait en 1968 à Niodior, une ile du Sénégal. Elle est élevée par sa grand-mère et, contrairement à ce que prescrivent les habitudes locales, elle fréquente l’école et apprend le français, se passionnant pour la littérature. À 22 ans, elle se marie à un Français et le suit dans son pays. Ils divorceront deux ans plus tard. Elle se trouve alors en difficulté, seule et souffrant de sa condition d’immigrée sur le territoire français. Elle fait des ménages pour pouvoir subsister et payer ses études universitaires. Elle devient ensuite professeur dans plusieurs universités et se consacre aussi à l’écriture, devenant une écrivaine reconnue.

Ep

5

10

15

Devant ma télévision, je saute du canapé et allonge un violent coup de pied. Aïe, la table ! Je voulais courir avec la balle, aider Maldini à la récupérer, l’escorter, lui permettre de traverser la moitié du terrain afin d’aller la loger au fond des buts adverses. Mais mon coup de pied n’a servi qu’à renverser mon thé refroidi sur la moquette. À cet instant précis, j’imagine les Italiens tendus, aussi raides que les fossiles humains de Pompéi. Je ne sais toujours pas pourquoi on serre les fesses quand le ballon s’approche des buts. « Maldini ! Oh, oui ! Très bonne défense de Maldini qui passe à son gardien ! Toldo dégage ! Toldo dégage ! Mais quel talent, ce Maldini ! Voilà un grand joueur ! Il est pourtant resté fidèle au Milan AC. Une centaine de sélections dans l’équipe nationale d’Italie ! C’est fabuleux ! Son

Séquence x

41


35

40

Ep

55

re

50

uv

e

45

ire

30

is o

25

pr ov

20

père, Cesare, était lui aussi un très grand footballeur ; décidément, cette famille a du talent ! » Le reporter aurait voulu faire un poème à la gloire de Maldini, mais dans l’urgence du reportage, il ne fit rimer que des points d’exclamation. Pourquoi je vous raconte tout ça ? J’adore le foot ? Pas tant que ça. Alors ? Je suis amoureuse de Maldini ? Mais non ! Je ne suis pas folle à ce point quand même. Je ne cours pas les vedettes et les étoiles ne brisent pas ma nuque. Ma grand-mère m’a très tôt appris comment cueillir les étoiles : la nuit, il suffit de poser une bassine d’eau au milieu de la cour pour les avoir à ses pieds. Et comme vous pouvez le constater, il suffit d’une petite coupe dans un coin de jardin pour voir vingt-deux étoiles, dont Maldini, tournoyer sur la pelouse comme des rats dans un labyrinthe. Alors, puisque je n’écris pas une lettre d’amour à Maldini, pourquoi je vous raconte tout ça ? Eh bien, parce que tous les virus ne mènent pas à l’hôpital. Il y en a qui se contentent d’agir en nous comme dans un programme informatique, et le bug mental, ça existe. Le 29 juin 2000, je regarde la Coupe d’Europe de football. L’Italie affronte les Pays-Bas en demi-finale. Mes yeux fixent la télévision, mon cœur contemple d’autres horizons. Là-bas, depuis des siècles, des hommes sont perdus à un bout de terre, l’île de Niodior. Accrochés à la gencive de l’Atlantique, tels des résidus de repas, ils attendent, résignés, que la prochaine vague les emporte ou leur laisse la vie sauve. (...) Voilà bientôt dix ans que j’ai quitté l’ombre des cocotiers. Heurtant le bitume, mes pieds emprisonnés se souviennent de leur liberté d’antan, de la caresse du sable chaud, de 1a morsure des coquillages et des quelques piqûres d’épines qui ne faisaient que rappeler la présence de la vie jusqu’aux extrémités oubliées du corps. Les pieds modelés, marqués par la terre africaine, je foule le sol européen. Un pas après l’autre, c’est toujours le même geste effectué par tous les humains, sur toute la planète. Pourtant, je sais que ma marche occidentale n’a rien à voir avec celle qui me faisait découvrir les ruelles, les plages, les sentiers et les champs de ma terre natale. Partout, on marche, mais jamais vers le même horizon. En Afrique, je suivais le sillage du destin, fait de hasard et d’un espoir infini. En Europe, je marche dans le long tunnel de la performance qui conduit à des objectifs bien définis. (...) Mais combien de kilomètres, de journées de labeur, de nuits d’insomnie me séparent encore d’une hypothétique réussite qui, pourtant, va tellement de soi pour les miens, dès l’instant que je leur ai annoncé mon départ pour la France ? J’avance, les pas lourds de leurs rêves, la tête remplie des miens. J’avance, et ne connais pas ma destination. J’ignore sur quel mât on hisse le drapeau de la victoire, j’ignore également les grandes eaux capables de laver l’affront de l’échec. Pote-pote, ne dormez pas, c’est ma tête qui bouillonne ! Qu’on me passe du bois ! Ce feu doit se nourrir. L’écriture est ma marmite de sorcière, la nuit je mijote des rêves trop durs à cuire. Le bruit de la télévision me sort de ma rêverie. Chaque fois que les reporters crient le nom de Maldini, un visage se dessine sur l’écran. À quelques milliers de kilomètres de mon salon, à l’autre bout de la Terre, au Sénégal, là-bas, sur cette île à peine assez grande pour héberger un stade, j’imagine un jeune homme rivé devant une télévision de fortune pour suivre le même match que moi. Je le sens près de moi. Diome F. (2015). Le Ventre de l’Atlantique. Le Livre de Poche. Hachette. e-Document 8 Critiques de lecteurs sur Babelio e-Document 9 Interview de Fatou Diome à la sortie du roman

42

Séquence x


3. Petit Piment (Alain Mabanckou)

pr ov

is o

ire

e

L’incipit (pp. 11-14)

re

5

Tout avait débuté à cette époque où, adolescent, je m’interrogeais sur le nom que m’avait attribué Papa Moupelo, le prêtre de l’orphelinat de Loango : Tokumisa Nzambe po Mose yamoyindo abotami namboka ya Bakoko. Ce long patronyme signifie en lingala « Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres », et il est encore gravé sur mon acte de naissance…

uv

1

Ep

Papa Moupelo était un personnage à part, sans doute l’un de ceux qui m’avaient le plus marqué pendant les années que j’avais passées dans cet orphelinat. Haut comme trois pommes, il chaussait des Salamander à grosses semelles — nous les appelions des « chaussures à étages » — et portait de larges boubous blancs qu’il se procurait auprès des commerçants ouest-africains du Grand Marché de Pointe-Noire. Il ressemblait alors à un épouvantail de champ de maïs, en particulier au moment où il traversait la cour centrale et que les vents secouaient les filaos qui entouraient l’enceinte de l’orphelinat. Chaque week-end nous attendions son arrivée avec impatience et l’applaudissions dès que nous apercevions sa vieille 4L dont le moteur, disions-nous, souffrait de tuberculose chronique. Le prêtre se débattait pour se garer dans la cour, reprenait cinq à six fois sa manœuvre alors que n’importe quel chauffard se serait parqué au même endroit les yeux fermés. Ce n’était pas par plaisir qu’il livrait cette bataille grotesque : c’était parce qu’il souhaitait, se justifiait-il, que « la tête de la voiture regarde déjà vers la sortie » et qu’il

10

15

Séquence x

43


45

50

ire

Ep

55

is o

40

pr ov

35

e

30

Une fois que nous étions à l’intérieur du local mis à sa disposition par l’institution juste en face des bâtiments qui nous servaient de salles de classe, nous formions un cercle autour de lui tandis qu’il nous distribuait des feuillets sur lesquels nous découvrions les paroles de la chanson à apprendre. Un vacarme traversait aussitôt la pièce car nous avions pour la plupart du mal à nous habituer au vocabulaire précieux de ce lingala tiré des livres écrits par les missionnaires européens et dans lesquels ces derniers avaient recueilli nos croyances, nos légendes, nos contes et nos chants des temps immémoriaux. Nous nous appliquions et, en moins d’un quart d’heure, nous nous sentions à l’aise, modulant nos voix comme le voulait Papa Moupelo qui suggérait aux filles de pousser des youyous, aux garçons de leur répondre par leur tonalité la plus basse pendant que lui-même, les yeux fermés, le sourire aux lèvres, se trémoussait, écartait ses jambes pour les recroiser et les écarter à nouveau. Ses gestes étaient si vite exécutés que nous étions certains qu’il était l’homme le plus rapide de la terre. Le voilà qui transpirait au bout de quelques minutes, essuyait son visage d’un revers de main et, le souffle coupé, la bouche ouverte, nous faisait signe : – C’est à vous maintenant ! Devant notre hésitation, le prêtre volait à notre secours, liant le geste à la parole : – Allons ! Allons ! Ne soyez pas timides, les enfants ! Je veux que tout le monde s’y mette ! Remuez vos épaules de haut en bas ! Oui, comme ça ! Très bien ! Imaginez maintenant que ces mêmes épaules sont des ailes et que vous vous apprêtez à vous envoler ! Voilà !!! Hochez simultanément la tête tels des margouillats surexcités ! Formidable, les enfants ! C’est ça la vraie danse des nordistes de ce pays ! Enflammés par ces moments de liesse où nous pensions que ce serviteur de Dieu n’était pas là pour nous évangéliser mais pour nous faire oublier les punitions que nous avions subies les jours précédents, nous nous laissions aller, parfois un peu trop, avant de comprendre que tout ne nous était pas permis, que nous n’étions pas dans la fameuse cour du roi Makoko où les Batékés festoyaient sans relâche pendant que leur souverain ronflait de jour comme de nuit, bercé par les chants de ses griots. Papa Moupelo nous surveillait donc du coin de l’œil et intervenait dès que nous étions tentés de franchir la ligne rouge. Il n’était pas question par exemple que nous nous rapprochions des filles dans l’espoir de les prendre par la taille et de nous coller à elles comme des sangsues. De même était-il intransigeant à l’égard de ces pensionnaires vicieux tel Boumba Moutaka, Nguékena Sonivé et Diambou Dibouiri qui utilisaient des bris de miroir pour apercevoir la couleur des sous-vêtements des filles et se payer par la suite leur tête. Papa Moupelo les rappelait vite à l’ordre : – Attention, les enfants ! Je ne veux pas de ça ici ! Le péché arrive souvent en blaguant !

uv

25

n’ait pas à se compliquer l’existence deux heures plus tard lorsqu’il regagnerait Diosso, la localité où il résidait, à une dizaine de kilomètres de Loango…

re

20

Mabanckou A. (2017). Petit Piment. Éditions Points

e-Document 10 Critiques de lecteurs sur Babelio e-Document 11 Interview d’Alain Mabanckou

44

Séquence x


re

5

Tout m’est revenu. Je suis cet enfant qui nage entre le passé et le présent. Il me suffit de fermer les yeux pour que tout me revienne. Je me souviens de l’odeur de la terre mouillée après la première pluie, de la poussière dansant dans les rais de lumière. Et je me souviens de la première fois où je suis tombé malade. Je devais avoir 6 ans. La fièvre m’a fouetté toute une semaine. Chaleur, sueur et frissons. Frissons, chaleur et sueur. Mes premiers tourments datent de cette période.

uv

1

e

L’incipit (pp. 11-15)

pr ov

is o

ire

4. Pourquoi tu danses quand tu marches (Abdourahman A. Waberi)

Ep

Un petit matin, à Djibouti, au début des années 1970. Ma mémoire me ramène toujours à ce point de départ. Aujourd’hui, mes souvenirs sont moins embrumés parce que j’ai su déployer des efforts pour remonter le cours du temps, remettre un peu d’ordre dans le fatras de mon enfance. De nuit comme de jour, la fièvre m’assaillait des orteils à la pointe des cheveux. Un jour elle me faisait vomir. Le lendemain je délirais. Je me méprenais sur les mots et les soins que mes parents me prodiguaient. Je jugeais mal leurs gestes. La faute en incombait à la douleur et à mon tendre âge. La fièvre a joué avec mon corps comme les fillettes de mon quartier avec leur unique poupée de chiffon. Six nuits et six jours durant, j’ai tremblé. J’ai déversé toute l’eau de mon corps allongé sur ma natte le jour, puis sur mon petit matelas posé à même le sol le soir. La température grimpait à la tombée de la nuit. Je pleurais de plus belle. J’appelais Maman à la rescousse. Impatient, je bouillais de rage. Je n’aimais pas quand elle me laissait tout seul. Sous la véranda, les yeux fixés sur le toit d’aluminium. Je pleurais jusqu’à l’épuisement. Enfin Maman arrivait. Mais je ne trouvais plus le moindre réconfort dans les bras de ma mère Zahra. Elle ne savait quoi faire de moi. Une décision, vite, réclamait la petite voix qui s’emparait d’elle dans ces moments de panique.

10

15

20

Séquence x

45


45

50

ire

L’aube arrivait, le plus souvent à mon insu. Je tombais de fatigue. Je dormais un peu en reniflant, en m’agitant dans mon sommeil. Je me réveillais lorsque les premiers rayons du soleil réchauffaient la toiture d’aluminium. Je poussais des cris de douleur et de colère en frissonnant. Et je réveillais tout le monde. Ma mère se levait d’un bond, se mouchait longuement. Peut-être ne voulait-elle pas que je la surprenne en train de pleurer. Dans ses yeux je percevais l’éclair de panique que j’avais déjà surpris sur son visage. Dehors, la ville était déjà animée. J’entendais les enfants de mon quartier du Château-d’Eau partir à l’école. Ils avaient l’air joyeux, désobéissants et bruyants. Moi, j’étais allongé sur mon matelas. Fiévreux. Je sanglotais à nouveau. J’agitais mes bras décharnés, en vain. Maman reniflait en silence, un éclair de panique à nouveau dans la prunelle. Elle trouvait la parade en me jetant dans les bras de la première venue. Ceux de Grand-Mère, ou ceux de ma tante paternelle, ou dans les bras de la voisine. Puis d’une autre, encore d’une autre. Et le cirque recommençait. Le petit reniflement, la peur panique, l’éclair d’un instant. Et je passais de bras en bras, comme un tas de fagot. Pourquoi Maman me détestait-elle autant ?

Ep

re

55

is o

40

pr ov

35

e

30

uv

25

Alors ? Alors elle confiait le petit sac d’os et de douleur que j’étais à qui se présentait devant elle. Qui ? Qui ? Fais vite, l’implorait la petite voix. Alors elle me lançait comme un vulgaire paquet dans les bras de ma grand-mère, ou dans ceux de ma tante paternelle Dayibo qui avait l’âge de ma mère, ou dans le giron d’une bonne qui passait par là. Puis dans celui d’une autre femme, une tante, une parente, ou une bonne, ou encore une voisine ou une matrone venue saluer Grand-Mère. Je passais ainsi de bras en bras, de poitrine en poitrine. Mais je pleurais toujours, de douleur, de colère par habitude, aussi.

60

Cette question, je n’osais me la poser. Ce n’est que plus tard qu’elle s’immiscera dans mes pensées. Elle se logera dans mon cœur. Elle y creusera son trou noir. Waberi A. A. (2019). Pourquoi tu danses quand tu marches ? Éditions JC Lattès

e-Document 12 Critiques de lecteurs sur Babelio e-Document 13 Interview d’Abdourahman A. Waberi à propos de son roman

46

Séquence x


Activité 4

Lire et participer à des cercles de lecture —

1. Lire le roman 1. Chaque roman est divisé en trois parties. Lis-le en respectant le découpage ci-dessous et le calendrier fixé par ton professeur. Le ventre de l’Atlantique

Petit Pays

Petit Piment

Pourquoi tu danses quand tu marches ?

Pages 11 à 74

Pages 11 à 89

ire

À lire pour le…

Prologue et chapitres 1 à 10

Chapitres 1 à 4

Étape 2

Chapitres 11 à 20

Chapitres 5 à 8

Pages 75 à 147

Pages 91 à 164

Étape 3

Chapitres 21 à la fin

Chapitres 9 à 14

Pages 149 à 233

Pages 165 à 250

pr ov

is o

Étape 1

2. Pour t’aider dans la lecture, tu disposes de e-documents. Pour Petit Pays

e

e-Document 14 Le Burundi. Gouverner grâce aux quotas ethniques Le Rwanda. Se reconstruire après le génocide

uv

e-Document 15 Le dessous des cartes : Rwanda, miracle après le génocide e-Document 16 7 avril – 4 juillet 1994 : le génocide des Tutsis au Rwanda e-Document 17 Clip de la chanson Petit Pays

re

Pour Le ventre de l’Atlantique

e-Document 18 Le Sénégal. Terre de culture

Ep

e-Document 19 Interview de Fatou Diome dans Le Monde

Pour Petit Piment e-Document 20 Le Congo. Le poumon vert du continent e-Document 21 Le dessous des cartes : Le Congo e-Document 22 Invitation au voyage : Alain Mabanckou, petit Piment du Congo (Arte)

Pour Pourquoi tu danses quand tu marches ? e-Document 23 Djibouti. Porte d’entrée de la Corne de l’Afrique e-Document 24 Qu’est-ce que la pollmyélite ?

Séquence x

47


2. Préparer le cercle de lecture 1. Réalise ton portefeuille de lecture avant chaque étape. Pour être au clair avec ce qu’il doit contenir, relis les consignes p. xxx.

3. Participer au cercle de lecture et négocier

ire

1. À chaque étape du cercle de lecture, échangez à propos du livre a) en vous basant sur vos portefeuilles ; b) en respectant la charte. 2. Éliminez les propositions d’extraits et d’images que le groupe ne jugera pas pertinentes à la présentation et conservez le reste.

Ep

re

uv

e

pr ov

is o

3. Lors du dernier cercle de lecture, négociez les choix définitifs de ce que vous présenterez à la classe. Si nécessaire, retournez à l’activité 2 pour vous rappeler le déroulement d’une négociation.

48

Séquence x


Tâche finale 1. Réalisez votre projet et présentez-le à la classe. 2. Ayez bien conscience que la note qui sera attribuée est une note collective et que chacun est responsable de cette note. 3. Chacun de vous sera aussi spectateur. Définissez des critères d’observation pour évaluer les productions.

ire

is o

pr ov

uv

e

re

Ep

N’oublie pas d’archiver tes expériences culturelles.

Séquence x

49


Activité de clôture

Revenir sur ses représentations —

1. Reprends ce que tu avais noté à propos de tes représentations sur l’Afrique lors de l’activité liminaire. 2. Les lectures de la classe ont-elles fait évoluer tes représentations ? Explique.

ire

is o

pr ov

uv

e

Ep

re

50

Séquence x


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.