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À la Gourmandière avec Nathalie Gérard

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DESTINÉE

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À Carignan, la cheffe ardennaise

Nathalie Gérard a su imposer sa cuisine, forte en caractère et en sensibilité artistique. En tant que femme, son parcours jusqu’à la Gourmandière n’a pourtant pas toujours été facile.

« J’aime l’Ardenne et je porte ma terre au cœur comme une inaltérable odeur. » Cet extrait d’une citation du poète Camille Lecrique, inscrite derrière chaque menu de la Gourmandière, renommée bonne table de Carignan, donne le ton. Outre la cuisine, Nathalie Gérard aime la poésie et les Ardennes. « Chaque fois que je suis allée travailler ailleurs, toujours je suis revenue dans les Ardennes. » Arthur Rimbaud et autres symboles ardennais forment une grande fresque en salle, tandis qu’on trouve de la littérature jusque sur les murs de la cuisine.

Nathalie et Thierry Gérard ont ouvert la Gourmandière en janvier 1991. Tous deux avaient d’abord travaillé à l’Abbaye des Sept Fontaines, à Fagnon. Alors qu’ils reprenaient la gérance d’une auberge de Stenay, ils avaient déjà repéré cette belle maison à vendre, sur l’axe principal de Carignan. Ils finissent par l’acheter et en transforment le rez-de-chaussée en restaurant. L’aventure commence.

Première question à résoudre : qui de ce couple de cuisiniers reste aux fourneaux et qui part au service ? Madame devient la cheffe. « Je n’ai pas le caractère pour aller en salle, commente-t-elle. Je suis un peu plus vieille et comme je n’ai pas fait l’armée, j’avais plus d’expérience. Ça s’est fait automatiquement. Aujourd’hui, lui ne retournerait pas en cuisine et moi je n’irai jamais en salle. »

Dès l’adolescence, elle avait pourtant compris qu’être une fille dans une cuisine professionnelle n’avait rien d’évident. À la toute fin des années 70, lorsqu’elle est déterminée à rentrer à l’école hôtelière, la plupart des portes lui sont tout simplement fermées. Il a fallu viser le privé et encore… Elle finit par décrocher une place dans une école tout juste créée à Aulnoye-Aymeries, dans le Nord. « On était deux filles sur trente dans la promo, se souvient Nathalie Gérard. La deuxième a arrêté. Je suis sortie major de promo. J’avais vraiment la hargne. Même avec mon mètre cinquante, je ne me suis jamais laissé faire. »

L’Ardennaise décrit sa cuisine comme « intuitive, inventive ». « J’imagine, je crée, je fais et je mets en forme. Je ne fais pas cinquante essais, je n’ai pas de temps à perdre. C’est au moment venu, à l’instant présent. D’un mot, d’une image ou d’une assiette, je peux avoir une idée. » Saint-Jacques et foie gras sont ses produits phares, tout au long de l’année. Comme le reste, ils sont d’origine française. Mais la carte change à chaque saison et même plus régulièrement selon les envies et les goûts de la cheffe. Tandis qu’elle ajoute verte spiruline et jaune citron sur son plat de Saint-Jacques planchées avec purée de panais et émulsion de pain roussi, elle dépeint : « L’assiette est transparente parce que les nappes de la salle sont rouges, et sur le rouge, cela rend super bien. Tout ce qu’on dresse doit être comme un tableau. »

L’artiste de Rocroi, Amande colle dans la rue des portraits de femmes – Ardennaises mais pas que – qui ont eu un parcours inspirant. Un engagement pour parler du matrimoine et mettre en avant celles qui sont trop longtemps restées dans l’ombre.

Le visage de Marie-Louise Dromart, le sourire d’Andrée Viénot, le portrait de Marie-Catherine Monge... Ces femmes s’affichent sur les bords de Meuse, à Charleville-Mézières, à quelques pas du musée Rimbaud. L’homme le plus célèbre de la ville alors que ces Ardennaises seraient presque d’illustres inconnues. Des femmes « inspirantes » qu’Amande souhaite ardemment réhabiliter. Faire connaître aux promeneurs qui s’arrêteront peut-être devant ces collages. « Je ne les ai pas choisies parce que c’étaient des femmes mais parce que je sais ce qu’elles ont apporté à notre histoire et j’ai envie de le partager. Qu’à leur tour, les gens aillent lire sur elles. »

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