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VEINE MAGAZINE a webzine focusing on art & fashion
BLACK AND WHITE ISSUE WORKS AND INTERVIEWS BY SANDRINE PELLETIER ANGELA FRALEIGH INGRI HARALDSEN JIM SKULL CAROLE BREMAUD SEBASTIEN PRESCHOUX GEORGE BOORUJY JERRY SEGUIN AND ANNA BIRCHALL
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BLACK & WHITE ISSUE veinemagazine.tumblr.com
En couverture: Maxime Greselle porte une chemise American Apparel ainsi qu’une chemise D.I.E, des bretelles Topman et un foulard vintage. Pour toute demandes,
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veinemagazine@gmail.com
veinemagazine@gmail.com Rédacteurs en chef & directeurs artistiques: Guillaume Ferrand & Anne Wiss Fashion editor: Katarina Jansdottri
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4. Editorial 6. Jim Skull 12. Ingri Haraldsen 22. Sandrine Pelletier 31. Carole BrĂŠmaud 37. Jerry Seguin 44. Deep from the lungs 62. Collections reviews 73. George Boorujy 80. Anna Birchall 89.SĂŠbastien Preschoux 94. Angela Fraleigh 3
EDITORIAL Bienvenue dans ce numéro Black&White. Veine évolue rapidement, et des changements ont été opérés depuis le 1° numéro. Heureusement, me direz vous... L’équipe s’agrandit et nous accueillons dans nos rangs deux nouvelles têtes, Anne Wiss en tant que deuxième rédactrice en chef et directrice artistique, et Katarina Jansdottir comme faction editor. Le contenu du magazine aussi se modifie. Nous vous présentons en effet notre premier shooting, intitulé “Deep from the lungs”, en noir et blanc évidemment, ainsi que des chroniques des essentielles de l’automne/hiver 2011, homme et femme. Vous trouverez également plus d’interviews d’artistes fabuleux que nous somme très fiers d’avoir pu interviewer. Cependant, ce numéro est un chapitre de transition. Bientôt, vous découvrirez de nouvelles surprises, plus de contenu mode notamment. Nous espérons donc que vous prendrez du plaisir à nous lire, et nous vous remercions du fond du coeur de nous accompagner dans cette aventure. Guillaume Ferrand, Rédacteur en chef. Welcome in this Black&White issue. Veine is quickly evolving, and some changes have been made since the 1° issue. Which is logical, isn’t it? The team is growing up, and we have two new faces now, Anne Wiss as the other editor in chief and artistic director, and Katarina Jansdottir as a fashion editor. The magazine evolves in itself too. We indeed bring to you our first shooting called “Deep from the lung”, in black and white of course, and reviews of the fall/winter essentials for men and women. Finally, you’re offered more interviews of fabulous artists that we are very proud to have. However, this is issue is a transition chapter. Soon, you’ll discover new surprises, essentially more fashion content. We hope you’ll be pleased to read us, and we warmly thank you to be by our side in this adventure. Guillaume Ferrand, Editor in chief.
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R E D IS THE NEW BLACK
REI KAWAKUBO 55
J INTERVIEWS
IM SKULL
Éloge du vivant
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Jim Skull est de ceux dont l’histoire augmente l’intérêt de l’oeuvre. Son vécu guide son art, et l’on peut ressentir, au travers de sa passion pour les crânes, ce qu’il cherche à nous raconter, calmement, sobrement. Ses variations autour d’un même thème, autant inscrit dans l’histoire de l’Art grâce aux vanités notamment, avaient largement leur place dans ce numéro, et nous ont suffisament touchées pour que l’on cherche à les partager .
V E I N E BLACK & WHITE VEINE MAGAZINE: Bonjour Jim, pour commencer, veux-tu bien te présenter? Qui es-tu, où est-tu basé, quel est ton parcours? JIM SKULL: Bonjour Guillaume. Je demeure à Paris, ville que j’ai découverte à 15 ans lors de mon retour définitif en France. Je suis né dans le nord de la Nouvelle Calédonie. C’est à Paris que j’ai accompli tout mon cursus scolaire artistique, tout d’abord à l’École supérieure d’arts graphiques Estienne, puis ensuite à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art Olivier de Serres. Déjà à cette époque_ nous sommes au début des années 80_ lors de son lancement par le journal « Actuel », « Zoulou » m’a ouvert les pages du « petit psychopathe », pour lequel j’ai dessiné des crânes et fourni quelques dessins. Parallèlement, j’ai réalisé des sculptures reliquaires, « des vanités », avec comme source d’inspiration ma fascination pour le crâne. Au début, ce fut avec de vrais crânes chinés aux puces. Par respect, j’ai très vite préféré les confectionner. Ce n’est pas anodin de créer ses « propres crânes ». Cela provoque des sentiments étranges. J’exposais alors mon travail dans des bars de nuit, dans des salons de la périphérie de Paris. L’accueil de mes sculptures fut plutôt violent. On me demandait souvent de les retirer. V: Comment en es-tu arrivé à travailler uniquement autour de l’objet - crâne? Quelles sont tes sources d’inspiration? J.C: J’ai toujours été attiré par les crânes. En m’amusant avec mes copains dans la brousse autour de Koumac, vers les grottes, (Je devais alors avoir environ 8 ans) nous avons découvert un vieux squelette humain. Nous sommes descendus sous la haute pierre et nous avons récupéré son crâne. Puis, fièrement, nous l’avons apporté à notre institutrice (la pauvre ! sûrement bien embarrassée). Ce crâne figure encore, je crois, dans l’armoire à collections d’histoire naturelle de mon école. À l’époque on ne s’étonnait pas que des enfants rapportent un crâne. Mais cela a été pour moi le déclencheur. J’ai puisé d’abord mes sources d’inspiration lors de mes visites au Musée de Nouméa. J’ai adoré ce musée. J’étais captivé par un incroyable objet exposé : un cercueil, un
ossuaire sculpté. Tous les cimetières de mon village de brousse, dans le Centre comme dans les tribus, m’ont fortement marqué, tout comme la légende de « la dame blanche ». L’Art primitif , populaire, religieux, contemporain, le design comme la mode me sont autant de sources d’inspirations. V: Il y a une forte portée esthétique dans ton travail. Cherches-tu à exprimer des concepts plus profond, ou es-tu simplement attiré par le rapport visuel avec le spectateur? J.S: Je ne suis pas attiré par le morbide. Je rends hommage à la vie chaque fois que je crée un crâne. J’ai un rapport très respectueux à la mort. J’aime que mes crânes soient beaux. Que ceux qui les regardent, s’interrogent audelà de ce qu’ils expriment au « premier abord ». À mes yeux ils sont comme des protecteurs. V: Es-tu, ou as-tu été attiré par d’autres mediums à un moment dans ton parcours? J.S: La photographie plus jeune, le dessin, que j’ai beaucoup pratiqué, mais qui me sert surtout maintenant à rechercher et affiner des idées. V: Quel est ton meilleur souvenir artistique (collaborations, expositions...)? J.S: Mon meilleur souvenir ? C’est le jour où Roland Flak, qui vient malheureusement de nous quitter, m’a téléphoné : « Allo ! Jim ? J’ai des projets pour vous… » Un homme merveilleux ! V: Si tu n’avais, potentiellement, aucune limite d’argent, de temps et de lieu, quelle serait « l’oeuvre ultime » que tu aimerais créer? J.S: Un tombeau, pour ma famille et moi. V: Et enfin, peux-tu nous parler un peu de tes projets à venir? J.S: Des crânes.
Vous pouvez retrouver Jim sur internet via:
www.jim-skullgallery.com
Images par Christophe Lebedinsky
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page précédente: Rope & Tea bags, Papier maché, corde naturelle et sachets de thé / Papier-maché, natural cord and tea bags ci-contre: Blue, Papier mâché, corde naturelle teintée et feutrine / Papier-maché, natural tinted cord and felt
“ Ce crâne figure encore, je crois, dans l’armoire à collections d’histoire naturelle de mon école.” 88
Lux Interior Amber Papier machĂŠ , ambre naturelle et verre de Murano / Papier-machĂŠ, natural amber and Murano glass
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Red, Papier mâché, corde naturelle teintée et feutrine / Papier-maché, natural tinted cord and felt
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IM SKULL Éloge du vivant Jim Skull is one of those whom story increases work’s interest. His life guides his art, and we can feel, through his passion for skulls, what he tries to tell us,quietly, simply. His variations on the same theme, really anchored in the History of Art thanks to vanities in particular, absolutely had their place in this issue, and touched us enough to decide to share them.
VEINE MAGAZINE: Hi Jim, first of all, would like to present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus? JIM SKULL: Hi Guillaume. I live in Paris, a town I discovered when I was 15 after I definitely came back in France. I was born in the north of New Caledonia, and I accomplished all my artistic scolar cursus in Paris, first at Estienne’s Superior school of graphic arts, and then at the Superior national school of creative arts and art jobs Olivier de Serres. At this time, we’re in the early 80’s, during its launching by the newspaper « Actuel », « Zoulou » offered me an access to the pages of the « petit psychopathe », which I drew some skulls and other sketches for. In the meantime I realized some reliquary sculptures, some « vanities », with my fascination for skulls as an inspiration source. At the beginning, that was with real skulls hunted in antiques. By respect, I quickly preferred to create them. Creating your « own skulls » is not insignificant. It provokes strange feelings. I was showing my work in night bars, and in salons around Paris. My sculptures received quite violent reactions. I was often asked to take them off.
in the tribes, made a strong impression on me, as much as the « white lady » story. Primitive, popular, religious, contemporary arts, design or fashion are all inspiration sources to me.
V: How did you started to work exclusively around the object Skull? What are your inspiration sources? J.S: I’ve always been attracted by skulls. I was playing around with some friends in the bush around Koumac, near from the caves, (I was around 8 years old) and we discovered an old human skeleton.We came under the high stone and we picked up the skull. Then, we proudly brought it to our teacher (poor her! Surely very embarassed). I think the skull is still in the closet dedicated to natural history’s collections of my school. At this time nobody was surprised when children were bringing skulls back. But it has been the triggering factor for me. I firstly developped my inspiration sources during my visits at the Noumea’s museum. I loved this museum. I was captivated by an incredible object, a coffin, a sculpted ossuary. All the cemeteries of my village in the bush, in the center as
V: What is your best artistic memory (collaborations, exhibitions...)? J.S: My best memory? The day when Roland Flak, who unfortunately just left us, called me on the phone: « Allo! Jim? I’ve got projects for you... » Such a wonderful man!
“ I think the skull is still in the closet dedicated to natural history’s collections of my school.”
V: There’s a strong part dedicated to the aesthetic in your work. Do you try to express deeper concepts, or are you simply attracted by the visual relation with the spectator? J.S: I’m not attracted by morbid things. I pay homage to life every time I create a skull. I have a really respectuous relation to death. I love my skulls to be beautiful. That the ones who look at them, question thereself beyond what the pieces express first. To my eyes, they are like protectors. V: Are you, or have you been atracted by others mediums at a moment in your cursus? J.S: Photography when I was younger, drawing that I practiced a lot but that I mostly use now to research and refine ideas.
V: If you had potentially no financial, place or time limits, what sort of « ultimate piece » would like to create? J.C: A tomb, for my family and me. V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your next projects? J.C: Skulls. You can find Jim on the internet via:
www.jim-skullgallery.com
Images by Christophe Lebedinsky
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INGRI H R LDSEN Des légendes inventées d’une Norvège irréelle
Le travail d’Ingri est, tout comme son personnage, mystérieux et brillant. De la technique du dessin, elle nous introduit délicatement dans son monde, pour arriver à quelques personnages étranges et sans âge, quelques univers entre deux eaux, ni réels ni fictifs. Ingri ne s’impose aucune limite, et passe avec aisance du papier au mur, du petit au monumental. Voici un pur extrait d’étrangeté.
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Horse, Crayon / Pencil , 15x15 cm
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VEINE MAGAZINE: Bonjour, veux-tu bien te présenter? Qui es-tu, où es-tu basé...? INGRI HARALDSEN: Je suis une artiste norvégienne de 27 ans, née dans le nord de la Norvège, et je vis et travaille à Oslo.
(comme moi) ont une relation avec ca et Kittelsen (Kittelsen était un peintre, dessinateur et illustrateur norvégien, ndlr.). Mais non, je n’ai pas spécifiquement besoin de ça pour être inspiré, et il ya un tas d’autres choses qui me sont utiles.
V: Quel est-ton parcours? Comment en es-tu arrivé à ce que tu fais aujourd’hui? I.H: J’ai toujours été créative, et ai juste suivi le parcours normal je suppose! Avec un peu plus de dessin entre les cours que les autres.
V: Tu m’as dit dans tes mails que tu ne te considères pas comme une illustratrice. Est-ce une question de refuser d’être cataloguée, ou simplement que tu te places ailleurs? I.H: Je pense que ma meilleure réponse à cette question est que ma pratique principale n’est pas l’illustration.
V: Peux-tu nous parler un peu de ta pratique? Où trouves-tu ton inspiration, comment procèdes-tu lorsque tu entames un nouveau travail, quels mediums préfères-tu travailler, et pourquoi? I.H: Mon travail est naturellement spontané, et les idées/pensées se développent pendant que je travaille. Parfois c’est simplement la texture qui m’intéresse, d’autres fois c’est le résultat final qui est important. Dessiner directement sur les murs est en fait la chose la plus excitante que je fais, parce que celà m’offre la liberté de travailler en plus grand, and de dessiner bien plus vite que je l’aurais fait sur un petit format. C’est d’ailleurs intéressant de voir comme un dessin en 15x15 cm peut rentre lorsqu’il est agrandi en 3x1,5 m. Mon médium favori est certainement le critérium. J’aime le contrôle qu’il m’apporte, parce que j’utilise souvent la technique des hachures pour mettre en place le volume. J’ai récemment entamé un procédé de « copier/ coller », je trouve des images qui m’intéressent dans des magazines ou des vieux livres etc, et commence à les dessiner, afin de construire une composition capable de changer à chaque fois qu’une nouvelle image apparaît. V: Ton travail évoque beaucoup de choses. Il y a quelque chose de très fort et d’onirique, et ta façon de dessiner et d’assembler les éléments créé un univers vraiment unique. Où trouves-tu ton inspiration, qu’est-ce qui te pousse à travailler de cette façon? I.H: Avant tout, merci pour ça! Je n’ai jamais vraiment réfléchi à pourquoi je dessine ce que je dessine, parce que c’est spontané, et les images les plus intéressantes sont celles que je commence sans leur donner de sens ou de fin jusqu’à ce que je le décide. Mais si je reviens à la source, ça a probablement commencé avec mon grand-père, qui me raconté des histoires sur toutes les choses qu’il avait « vécu » lorsqu’il était enfant, avec des trolls et d’étranges créatures de la forêt. J’ai grandi avec beaucoup de frères et soeurs (nous étions huit) et quelques animaux, et j’ai toujours eu une forte relation à la forêt, donc c’est certainement pour ça que vous le ressenter dans mes images. V: Il est écrit sur ton site que tu es inspirée par le floklore norvégien. Es-tu attachée à ce pays? En as-tu spécialement besoin pour créer? I.H: J’ai écrit ça parce que les contes de fées que mon grand-père me racontait sont étroitement liés au floklore norvégien, et je pense que tous les enfants ici en Norvège, et plus généralement tous les norvégiens
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V: Le but de ce magazine est de montrer que les relations entre différentes pratiques _mode, art,illustration, graphisme..._ sont aujourd’hui beaucoup plus complexes et liées entre elles, et qu’il est un peu désuet de considérer, comme on l’enseigne encore dans certaines écoles d’art, que l’illustration ou le design par exemple, ne sont pas de l’art. Comment te places tu par rapport à ton travail? Cherches-tu, dans ta démarche personnelle, à explorer d’autres disciplines? I.H: Le travail d’un artiste peut être étiqueté dans chacune de ces disciplines, personnellement je suis en recherche continuelle et ne pense jamais « Là je fais quelque chose qu’un graphiste ou un illustrateur ferait », parce que je ne travaille pas de cette façon, et je ne pense pas que ce soit important. Tu peux être designer, illustrateur ou artiste, si tu sais comment travailler tes médiums. Mais si tu travailles pour un client, il t’étiquetterait probablement, simplement parce que c’est plus simple pour lui. V: As-tu l’impression que le statut d’illustrateur est mieux reconnu aujourd’hui qu’il y a quelques années, grâce à internet et aux blogs, par exemple? Il semble que les gerns soient un peu fatigués par la photographie, et apprécient de revenir à quelque chose de plus “traditionnellement” esthétique. I.H: Internet a ouvert aux artistes tout un ensemble de nouveaux moyens de diffuser leurs oeuvres, mais je ne pense pas que ce soit plus reconnu, cependant oui, je dirais que c’est plus facile d’arriver et de rendre ton travail disponible aux yeux de tous. Je pense que la photographie peut être réellement intéressante, mais comme toute autre forme d’expression, quelles soient nouvelles, traditionnelles ou dépassées, les gens sont facilement blasés parce qu’ils peuvent « l’expérimenter » de toutes les façons possibles sur le net, et qu’ils veulent toujours quelque chose de nouveau. V: Nous savons tous que vivre de l’art n’est pas une chose facile. Vis-tu déjà correctement de ton travail? Et dans ce cas-là, aurais-tu un avis pour quelqu’un voulant faire de sa passion un véritable travail? I.H: Malheureusement non, mais j’ai bon espoir que ce soit le cas dans le futur, donc jusque là, je ne me permettrait pas de donner un quelconque avis.
V: Pour finir, peux-tu nous parler de tes projets en cours? I.H: Je travaille actuellement sur deux dessins au fusain de 1,5 x 1,5 m, dans le style de « Into the valley of the moon ». Ils seront exposés à l’automne. Après ça, j’espère pouvoir commencer un sombre et mystérieux projet de collaboration avec un ami...
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Vous pouvez retrouver Ingri sur internet via:
www.ingriharaldsen.com
page précédente: Squirrel Monkey, Crayon & aquarelle / Pencil & watercolor, 25 x 25 cm ci-contre: Z, Crayon collage / Pencil & collage, 30,8 x 30,8 cm
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Euro-Orphans I, Crayon & collage / Pencil & collage, 33,5 x 23,5 cm
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Tell me what to swallow, Crayon / Pencil, 40 x 20 cm
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INGRI HARALDSEN Invented legends from an unreal Norway
Le travail d’Ingri est, tout comme son personnage, mystérieux et brillant. De la technique du dessin, elle nous introduit délicatement dans son monde, pour arriver à quelques personnages étranges et sans âge, quelques univers entre deux eaux, ni réels ni fictifs. Ingri ne s’impose aucune limite, et passe avec aisance du papier au mur, du petit au monumental. Voici un pur extrait d’étrangeté. VEINE MAGAZINE: Hello, could present yourself a little bit? Who are you, where do you live...? INGRI HARALDSEN: I’m a 27 year old Norwegian artist, born in the north of Norway, lives and works in Oslo. V: What is your cursus? How did you came to what you do today? I.H: I have always been creative, and just followed the normal route I guess with a bit more drawing in between all the classes than the others. V: Can you tell us a little bit about your practice? How do you proceed when you start a new work, which mediums (pencils, graphic tablet...) do you prefer to use, and why? I’ve seen you enjoy working directly on walls too, what does it bring to you? I.H: My work is normally spontaneous, and the ideas/thoughts develops while I’m working. Sometimes it’s just the texture that interests me, or it’s the final result that’s important. Drawing directly on walls are actually the most exiting thing I do, because it gives me the freedom to work bigger and I draw much faster than I would have done on a small paper. It’s interesting to see how small drawings from 15x15cm can look in a 3 x 1.5 scale. My favorite medium is probably the mechanical pencil, since I love the control it gives me, because I often use crosshatching to build up volume. Recently I have started a “cut and paste process”, I find images that interests me in magazines or old books etc and starts drawing them, building up an composition that can change whenever a new image appear. V: Your work evokes a lot of things. There’s something really strong and dreamlike into it, and your way of drawing and assembling elements creates a really unique universe. Where do you find your inspiration, what motivates to work like this? I.H: First of all, thank you for that :) I haven’t thought so much about
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V: There’s written on your website that you’re inspired by Norvegian folklore. Are you attached to this country? Do you need it to create specifically? I.H: I wrote it because the fairytales my grandpa told me are so closely linked to the Norwegian folklore, and I think every child here in Norway or every Norwegian (like me) have a relationship with it and Kittelsen (Kittelsen was a norvegian painter, drawer and illustrator, ed.). But no, I don’t spcifically need it to be inspired, and there’s plenty of other stuff I get inspired from. V: You told me in your emails that you don’t consider yourself as an illustrator. Is that a question of refusing labels or just that you place yourself somewhere else? I.H: I think the best answer to that is that my main focus is not illustrations. V: We try with this magazine to show that relations between differents practises _fashion, art, illustration, graphism... _are today really more complex and bounded together, and that it’s kind of old-fashioned to considerate, like we can still learn it in some art school, that illustration and design for example, are not art. Considering that, where do you place yourself compared to your work? Do you try to explore others disciplines? I.H: An artist work can be labeled in all those disciplines, I personally always explore but never think about that “Now I’m doing something an graphic designer or illustrator would do”, because I don’t work that way and don’t feel like it’s important. You can be a graphic designer, illustrator or artist, if you know how to work your mediums. If you were working for a client, the client would probably label the work you did, just because it’s easier for him/her to relate to. V: Do you have the sensation that creative disciplines are more recognized, thanks to the internet and blogs for example? It seems that people
are kind of tired with photography, and enjoy to come back to something more aesthetically « traditional ». I.H: The internet has opened up a whole new area for artists to present their work, but I don’t think it’s more recognized, instead I would say that it’s easier to come by and make it more available for everyone. I think that photography can be really interesting, but like all expressions, new, traditional and old fashioned ones, people get easily bored because they can “experience” it all on the net and always want something new.
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V: We all know that making a living with art is not an easy thing. Does your work already allows you to live correctly? And if so, could you have an advice for someone who wants to make his passion a real job? I.H: Unfortunately not yet, hopefully somewhere in the future that would be the case, so until then I cannot give any advices. V: And as a conclusion, can you tell us some things about your current projects? I.H: Currently I’m working on two charcoal images that are 1.5 x 1.5 m, in the same style as “Into the valley of the moon”. They will be exhibited in the fall. After that, I hope to get started on a dark and intriguing collaborating project with a friend... You can find Ingri on the internet via:
www.ingriharaldsen.com
Untitled California, Fusain / Charcoal, 59,5 x 84 cm
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SANDRINE PELLETIER Reflets acides
Nous somme extrêmement fiers de pouvoir vous présenter le travail de Sandrine Pelletier dans ce numéro. Ses installations et ses sculptures sont depuis longtemps une source d’inspiration, et nous souhaitions en savoir plus sur sa façon d’aborder un nouveau projet, ses sources d’inspiration etc. Même si elle nous a avoué ne pas particulièrement aimer parler de son travail, nous avons été plus que satisfaits de ses réponses. Espérons que vous aussi. 22 22
VEINE MAGAZINE: Bonjour Sandrine. Avant tout, veux-tu bien te présenter? Qui es-tu, où es-tu basé, quel est ton cursus...? SANDRINE PELLETIER: J’habite et travaille à Genève. J’ai 35 ans. Diplômée de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne en graphisme il y a 10 ans, je me suis concentrée par la suite sur mon propre travail plastique avec au commencement des sculptures en textiles, des broderies et des installations. Récemment j’ai collaboré avec une chorégraphe pour faire à nouveau de la scénographie, qui est ma toute première formation. Et j’espère bien pouvoir poursuivre ce type de collaborations passionnantes et enrichissantes. V: Peux-tu nous parler de tes inspirations? Même si l’identité de ton travail est parfaitement définie, il est difficile d’en déceler ce qui t’y as amené, et j’aimerais en savoir un peu plus. S.P: Mes références sont vastes...principalement musicales, cinématographiques et underground, avec des points communs assez précis, déviants et perturbateurs. J’ai envie de citer en vrac et de manière décomplexée: la métamorphose, la nature, le rituel, le folklore, le fétichisme, le bizarre, le cinéma britannique folk horror des années 70, le black-metal, l’écrivain Harry Crews, Lovecraft, le génie visionnaire de William Blake ou celui du peintre anglais John Martins. Je terminerai avec une touche d’optimisme en citant le marionnettiste américain Jim Henson, ou Janine Janet, décoratrice et sculpteur hélas peu reconnue, amie et complice de Jean Cocteau.
V E I N E BLACK & WHITE “la métamorphose, la nature, le rituel, le folklore, le fétichisme, le bizarre, le cinéma britannique folk horror des années 70, le black-metal...”
V: Tes travaux se développent autour d’un grand nombre de mediums différents. Ressens-tu spécialement le besoin de ne pas te limiter, ou est-ce une démarche naturelle, le choix se faisant selon le thème que tu abordes? S.P: C’est une démarche naturelle. Tant que je suis libre, autonome et décomplexée dans le fait de produire, alors tout va bien. J’agis de manière impulsive tout en essayant de ne pas me faire posséder par la matière, que j’associe à un ressenti, à une allégorie, à une réponse à mes questionnements parfois acerbes sur la vie, la société, le temps, dieu, l’importance des choses. Ou pas.
British Lady , Miroire / Mirror , 43 x 51 cm, 2010
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Goodbye Horses, Fils, goudron, latex / Thread, tar, latex, dimensions variables / various dimensions Je l’exprime notamment, de manière, je pense, assez évidente avec du miroir, dont j’attaque le tain avec de l’acide. Il suffit d’agir avec le plus d’humilité possible, d’être curieux, et patient. V: Si tu devais en choisir une, quelle serait ta meilleure expérience à ce jour (collaborations, expositions...) S.P: Une exposition appelée Pays Extérieurs, au Japon, dont le vernissage était un 24 décembre 2009. Sur place, nous avons créés des pièces de manière improvisée et instinctive, avec des matériaux bruts et pauvres, en symbiose avec le lieu et avec la nature environnante, si particulière. J’ai eu la chance de disposer d’une grande liberté pour explorer, et amorcer des sculptures, que je développe en ce moment. J’ai pu agir instinctivement, qui est je pense une force comme une faiblesse, dans la cohérence d’un travail artistique. V: Que penses-tu du monde de la création aujourd’hui? Ressens-tu un renouveau, une activité, ou au contraire une stagnation? S.P: Eternelle nostalgique... V: Enfin, peux-tu nous parler de tes projets en cours? S.P: Actuellement je travaille sur des sculptures anamorphiques tirées de l’alchimie et de la théologie. Grâce à un logiciel en 3D je réalise ensuite ces volumes en bois, que je mets ensuite en scène dans des lieux précis. Cette démarche, plutôt nouvelle, et amorcée au Japon, est liée à des sujets qui me passionnent, mais aussi en réponse à un public de plus en plus nombreux en quête d’enchantement, parfois grotesque, et de mysticisme. ET je me prépare pour une résidence au Caire de 6 mois. Pyramides, fin du monde et soufflage de verre. Tout un programme, dont je me pourlèche les babines.
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Vous pouvez retrouver Sandrine sur internet via:
http://www.maskara.ch
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Flashdance, Acrylique, textile, latex / Acrylic, textile, latex- 28 x 21 cm
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Bonefire Bois, miroirs / Wood, mirrors, 4,5 x 2,3 x 2,8 m
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page précédente et ci-contre: Engel I & II, Lacets, résine, latex / Lace, resin, latex 110 x 110 cm
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SANDRINE PELLETIER Acid Reflections
We’re extremely proud of being able to feature the work of Sandrine Pelletier in this issue. Her installations and sculptures have been a source of inspiration for a long time now, and we wanted to know more on her way to start a new project,her inspiration sources etc. Even if she admitted she doesn’t especially like to talk about her work, we have been more than satisfied with her answers. We hope you’ll enjoy them too. VEINE MAGAZINE: Hello, could present yourself a little bit? Who are you, where do you live...? SANDRINE PELLETIER: I live and work in Geneva. I’m 35 years old. I gratuated in graphism from Lausanne’s cantonal Art school 10 years ago, and I focused on my own visual work thanks to sculptures and fabrics, embroideries and installations. I recently collaborated with a choreographer to practice scenography again, which is my very first training. And I really hope I can keep doing this kind of fascinating and enriching collaborations. V: Can you tell us about your inspirations? Even if your work’s identity is perfectly defined, it’s still hard to see what brought you to it, and I’d like to know more. S.P: My references are vasts... Principally musical, cinematographic and «underground», with quite precise common points, deviants and disruptives. I could quote, with no special order: metamorphosis, nature, rituals, folklore, fetichism, «the odd», british «folk horror» cinema from the 70’s, black metal, the writer Harry Crews, Lovecraft, William Blake or John Martin’s visionary geniuses. I’ll finish with a touch of optimism by quoting the american pupetteer Jim Henson, or the unfortunately not well recognized decorator and sculptor Janine Janet, Jean Cocteau’s friend and accomplice.
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V: Your works are structured around several different mediums. Do you especially feel the need of not being bounded, or is that a natural step, the choice being made according to the tackled issues? S.P: This is a natural step. As long as I’m free, independent and selfconfident with the fact of producing, everything is fine. I act on impulse but always try not to be dominated by the material, because I associate it with feelings, like an allegory, an answer to my sometimes caustic questionings about life, society, time, god, and the importance of things. Or not. I think it’s obvious I express it, in particular, with mirrors that I dam-
age with acid. You just have to work with humility, to be curious, and patient. V: If you had to pick up one in particular, what would be your best experience until now (collaborations, exhibitions...)? S.P: An exhibition called «Pays Extérieurs» («Outside / Foreign Countries»), in Japan, whom the preview was on 24th december 2009. We’ve created pieces in an improvised and instinctive way, with poor and raw materials, in relation with the place and the so particular nature around. I had the liberty to explore, and start sculptures that I develop now. I’ve been able to act instinctively, which I think is a strength and a weakness for the coherence of an artistic work. V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional? S.P: I’m an eternal nostalgic... V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your current projects? S.P: I’m currently working on anamorphic sculptures inspired from alchemy and theology. Thanks to a 3D software, I realize these volumes with wood, and then settle them in precise places. This step, which is quite new, and first started in Japan, is tied up to subjects that passionate me, but is also an answer to an always bigger public who’s continually starving for enchantments that can sometimes be gross, and for mysticism. AND I’m getting ready for a 6 months residence in Cairo. Pyramids, end of the world and glass - blowing. All a programm, that I’m already licking my lipses for. You can find Sandrine on the internet via:
http://www.maskara.ch
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Carole Brémaud
Le col blanc, Acrylique / Acrylic, 60 x 60 cm
Jack of all trade Carole Brémaud, l’artiste moderne. Celle qui se soucie des sensations évoquées, plus que de quelles façons elles le sont. De ce que l’on voit de l’oeuvre, plus que ce que l’on doit en lire. Cette touche à tout pratique à la fois, la peinture, l’édition, et nous avoue vouloir toucher à la vidéo. C’est cet effacement des visages, dans sa peinture, qui m’a interpellé en premier lieu. Après avoir découvert le reste de sa production, sa place dans ce numéro me semblait évidente.
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INTERVIEWS VEINE MAGAZINE: Bonjour Carole. Avant tout, peux tu te présenter, qui es-tu, où es-tu basée, quel est ton parcours...? CAROLE BRÉMAUD: Bonjour Guillaume, je suis originaire de Cholet, une petite ville de province pas loin de Nantes, aujourd’hui je suis basée un peu partout, j’ai des projets qui me font aller à droite à gauche. Je suis peintre, ou artiste, peu importe le nom que l’on donne à ce genre de choses, je créer, voilà ! Mon parcours est plutôt classique en fin de compte : Trois années aux Beaux-Arts d’Angers, suivi d’une formation de graphiste pendant deux ans. V: Tu es une artiste touche à tout, puisque tu pratiques à la fois la peinture, l’édition, la photographie... Tout un ensemble de travail qui fait pourtant appel aux mêmes sensations, le rendant ainsi d’égale qualité. Où puises-tu ton inspiration? Quels sont les choses ou les artistes qui te touchent? C.B: J’ai toujours aimé le travail de Francis Bacon, je le cite toujours en référence, il avait un tel talent, et une manière de représenter sa façon de voir les choses avec une telle force ! Fernando Vicente, Gerhard Richter, Wolf Vostell etc.. Tous ces artistes sont des références majeures pour moi, mais je puise mon inspiration dans le quotidien, le geste d’un ami, les paroles d’un inconnu, une vision furtive dans la rue de quelque chose de pas banal. Et parfois, il suffit de sentir cette étrange sensation qui me dit que c’est le bon moment de faire quelque chose, alors je me plante devant ma toile blanche et je me laisse aller, sans penser à rien. Je n’aime pas vraiment l’idée de ‘‘penser’’ et de conceptualiser son travail, pour moi c’est l’instinct, l’inconscient et ma nature impulsive qui sont les véritables moteurs de chaque projet. Débiter un flux de parole sans fin pour parler et justifier son travail, ça m’ennuie, je préfère contempler une oeuvre pendant des heures et laisser les choses se faire, plutôt que de lire le petit encart qui explique la démarche de l’artiste. Dans ce cas, où est la part de mystère et de fascination qui entourent l’oeuvre ? V: Je parle de « touche à tout », mais je considère personnellement que l’approche de l’art pour un artiste aujourd’hui ne doit justement surtout pas se limiter à une seule pratique. Par rapport à ton expérience personnelle, te semble-t-il essentiel de croiser les disciplines? C.B: Oui, bien sûr, Se contenter de faire de la peinture, ou uniquement de la sculpture, c’est aussi limiter son potentiel de création. Je crois qu’à partir du moment où on se sent ‘‘créateur’’ dans sa tête, on doit être capable de toucher à tous les domaines. Bien sûr, il y a toujours un domaine où l’on se sent dominant, c’est le cas avec la peinture pour moi,
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V E I N E BLACK & WHITE mais croiser les disciplines, c’est à chaque fois repousser les limites de ce qu’on est capable de faire. Par exemple, là je fais de la peinture, mais j’aimerais aussi toucher à la vidéo, c’est un médium qui me paraît tout aussi intéressant. V: Que penses-tu du monde de l’Art aujourd’hui? Le trouves-tu plus actif, ou au contraire trop consensuel? C.B: Je n’en sais rien à vrai dire, je n’ai jamais été une grande fana du monde de l’art, je l’ai cotoyé pendant quelques années, mais je ne m’y sens pas vraiment à mon aise. Je ne le fuis pas, mais je n’en suis pas adepte non plus. J’ai fait de belles rencontres grâce à mon travail, mes expos etc, mais j’ai vu ce qu’était le coeur de la bête, et il est sans pitié... V: Si tu devais en choisir une, quelle pourrait être ta meilleure expérience artistique jusqu’à maintenant? (expositions, collaborations...) C.B: J’ai beaucoup aimé travailler avec Mike Mokotow, un artiste-musicien basé à New-York. Notre projet était assez évident: suivant ses inspirations, les morceaux de musique qu’il pouvait créer, je créais à mon tour un visuel, une peinture ou autre. L’idée de l’influence d’une musique sur une de mes créations est géniale, nous allons d’ailleurs commencer un nouveau projet d’ici peu. Je n’oublie pas non plus ma première expo, à Cholet, à la “Resistancia”. Merci Régine ! Ça a été un tremplin pour moi, une façon de voir que mon travail peut toucher des gens, et je les remercie pour ça. V: Y a-t-il des choses que tu n’ai pas encore expérimentées, et auxquelles tu aimerais toucher dans un futur proche? C.B: La vidéo, comme je le disais avant. L’art vidéo est un monde à part, rien qu’en voyant le travail de Wolf Vostell, Matthew Barney et Marie-Jo Lafontaine, je me sens complètement fascinée. J’aime énormément le cinéma, la vidéo, j’ai des images en tête de séquences de films qui m’ont marqué, et qui m’inspirent. Je me souviens de ‘‘Balkan Erotic Epic’’ de Marina Abramovic, fascinant. V: A propos de ça, peux-tu nous parler de tes projets à venir? C.B: Je continue la peinture, des formats beaucoup plus grands encore, je suis en pleine collaboration avec Mike Mokotow justement, et les autres projets sont plus personnels, presque secrets... V: Enfin, quelle serait « l’oeuvre ultime » que tu aimerais produire? C.B: Une oeuvre ultime ? Je ne suis pas sûre qu’il puisse exister une seule oeuvre, une oeuvre ultime pour définir le travail de quelqu’un. C’est diffcile à dire, quand j’aurais 83 ans et des années de production derrière moi, je vous tiendrai au courant ! Mais pour le moment, c’est trop vague.
Vous pouvez retrouver Carole sur internet via:
http://carolebremaud.ultra-book.com
page précédente et ci-contre: “A hundred little indians”
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page précedente et ci-contre: “Dracula et mina”, Édition, détail
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Carole Brémaud Jack of all trade
Carole Brémaud, the modern artist. The one who cares more for the evocated feelings than for how they are. For what we can see from a work, more than what we have to read about. This jack of all trade practices in the meantime, painting, edition, and admits she’d like to try video. Those erased faces, in her paintings, called us in first place.After we discovered the rest of her production, her place in this issue seemed obvious. VEINE MAGAZINE: Hi Carole, First of all, could you present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus...? CAROLE BRÉMAUD: Hi Guillaume, I’m from Cholet, a little town near from Nantes (FR), but I’m now based «everywhere», I’ve got projects that make go to a place or another. I’m a painter, or an artist, whatever the name people give to this kind of things, I create, that’s all! Basically, my cursus is classic: three years in Angers’ school of Fine Arts, followed by a graphism training during two years. V: You’re a «jack of all trade» artist, since you practice painting, photography, edition... All in the same time. A whole body of work that nevertheless calls to the same feelings, putting it on the same quality level. Where do you find your inspiration? What are the things, and who are the artists that touch you? C.B: I always loved Francis Bacon’s work, I always quote him as a reference, he had such a talent, and a really strong way to represent how he was seeing things. Fernando Vicente, Gerhard Richter, Wolf Vostell etc... All those artists are major references to me, but I find my inspiration in the everyday life, the gesture of a friend, the words of an unknown person, a quick vision of something unusual in the street. And sometimes, you just have to feeling this strange feeling telling me it’s time to do something, so I stand in front of a white canva and just let it go, without thinking of anything. I don’t especially like the idea of «thinking» and conceptualizing your work, for me it’s all about instinct, the subconscious and my impulsive nature, which are the real motors of every project. Uttering an endless stream of words bothers me, I prefer to contemplate a piece for hours and let things happen, rather than reading the little insert explaining the artist’s step. In that case, where is the part of mystery and fascination that surround the work? V: I speak about «jack of all trade», but I personally consider that the approach of art for an artist must, today, absolutely not be limited to only one practice. Compared to your personal experience, do you consider it as essential to cross disciplines? C.B: Yes of course, just doing painting, or sculpture, is also limiting your creation’s potential, I think if you feel like a «creator» in your head, you have to be able to practice every domain. Of course there’s always a domain where you feel better, it’s the case with painting for me, but crossing disciplines is like pushing the limits away of what you’re able to do. For example, I’m currently doing painting, but I’d like to practice video too, it’s a medium that seems really interesting
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V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional? C.B: To be honest, I don’t know, I’ve never been a big fan of the art world, I’ve been close to it during some years, but I don’t really feel at ease. I don’t runaway from it, but I don’t neither like it. I’ve met nice people thanks to my work, my exhibitions etc, but I’ve seen the heart of the beast, and it’s pitiless... V: If you had to chose the best experience you ever had, what would it be (collaborations, exhibitions...)? C.B: I really enjoyed working with Mike Mokotow, a musician-artist living in New-York. Our project was quite obvious: Following his inspirations, the music pieces he could create, I was then producing a visual, a painting or whatever. The idea of a music having an influence on one of my creations is awesome, and we will start a new project soon. I don’t forget my first exhibition in Cholet too, at the «Resistancia». Merci Régine! It has been a springboard for me, a way to see that my work can touch people, and I thank them for that. V: Are their things you haven’t experimented yet that you’d like to try in a near future? C.B: Video, as I was saying before. Video art is an aside work, just by seeing works by Wolf Vostell, Matthew Barney and Marie-Jo Lafontaine, I feel totally fascinated. I really love cinema, video, I’ve got images in my head of movies’ sequencies that marked me, and inspire me. I remember «Balkan Erotic Epic» by Marina Abramovic, it’s fascinating. V: About that, can you tell us a little bit about your current projects? C.B: I’m still painting, but on really bigger sizes, I’m in the middle of a collaboration with Mike Mokotow, and the others projects are more personal, nearly secret... V: And as a conclusion, what would be the «ultimate piece» you’d like to produce? C.B: An ultimate piece? I’m not sure one piece could exist, an ultimate piece to define someone’s work. It’s hard to say, when I’ll be 83 years old and full of years of production behind me, I’ll let you know! But for now, it’s too vague... You can find Carole on the internet via:
http://carolebremaud.ultra-book.com
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Structures Artificielles
Jerry Seguin est un des artistes qui nous ont directement contacté via Tumblr. Pour nous, il fait peut-être parti de ceux dont vous entendrez parler un jour. Ses oeuvre sont de purs produits du XXI° siècle. Il récupère, réadapte, réinterprète les images dont nous sommes inondés au quotidien, et y applique sa patte. Pour lui, l’Art s’adresse à tous, et le sien est destiné à toutes utilisations, de la galerie à la publicité. Nous lui avons donc posé quelques questions pour en savoir un peu plus.
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VEINE MAGAZIINE: Bonjour Jerry, pour commencer, veux-tu bien te présenter? Qui es-tu, où est-tu basé, quel est ton cursus? JERRY SEGUIN: Bonjour, même si j’ai un travail classique, je suis également un artiste et designer en freelance, et je vis à Oakland, Californie. Mon travail provient d’une formation en design textile, ainsi qu’en Histoire de l’Art et en photographie. De là, des liens subsistent comme des sources constantes dans mon travail, à la fois pour leurs qualités tactiles et métaphoriques. Je suis également photographe publicitaire et ai récemment collaboré avec Twinnings Tea, à Londres, sur une édition limitée de boîte spécialement pensées pour. J’ai montré mon travail dans un certain nombre de galeries et ai été interne pour des designers de mode indépendants et des galeries d’art. Mon site web est une plateforme qui me permet de développer mes idées et mon travail, et de les présenter à un public plus large. Je m’intéresse actuellement à l’idée de transcrire mon travail sous forme de modèles, et à comment cela change l’oeuvre en elle-même à la fois dans sa présence physique et dans les perceptions qui s’en dégagent. Les travaux sont présentés sur le site comme des modèles inachevés pour que l’expérience qu’on en fait varie selon comment ils sont vus, et par qui, la rendant plus personnelle. V: Peux tu nous parler un peu de tes sources d’inspiration?
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J.S: Avant tout, je suis intéressé par le potentiel des images et comment elles existent aux yeux du monde, incluant ou pas mon propre travail. Je suis plus spécifiquement attiré par l’énergie créée quand deux forces opposées sont apportées à une image ou autre, pour créer une nouvelle énergie, c’est pour moi la définition exacte de la dualité. Ça peut être dans la mode, le graphisme, le design, les médiums plus traditionnels, les expériences, et au travers d’objets trouvés... J’ai un «Tumblr» que je considère comme un journal visuel pour des références qui me servent autant d’inspiration que mes travaux en cours. Je créé un stock de souvenirs au travers de mes oeuvres qui sont aussi inspirés par les aspects formels du design. Les concepts naissent grâce à ces éléments traditionnels du design, et lorsque le travail est terminé, ce sont les émotions et les sensations qui ressortent de ces pratiquent ou de l’exercice de la création d’images. V: Comment considères-tu le fait de pratiquer différents médiums? Penses-tu qu’un artiste puisse se limiter à un seul médium? J.S: J’admire les artistes qui ne se concentrent que sur un médium, qui s’y tiennent et qui le font bien. Je pense que même si un artiste ne présente qu’un type de travail, beaucoup d’autres n’attendent que d’apparaître. Ainsi, je suis intéressé par les travaux provenant d’un procédé. Pour moi
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l’expérience totale que l’on fait d’un travail peut être obtenue en observant les dessins préliminaires, qui peuvent être au final aussi inspirants que l’oeuvre finale. Malheureusement, je ne suis pas assez patient pour ne me focaliser que sur un seul médium. J’ai découvert que grâce à la création d’imprimés, je suis capable d’utiliser un grand nombre de techniques pour déboucher sur un produit final souvent similaire. Mais c’est un but constant que de m’ouvrir vers la possibilité de créer des travaux avec plusieurs médiums. Tu dois croire ton instinct et faire seulement ce qui vient naturellement. Pour moi, ça commence, typiquement, avec un objet trouvé, comme une planche de bois carrée, des cartes postales trouvées en friperies ou des toiles abandonnées, puis le travail se poursuit au travers d’une image avant d’être tirée sur papier. Quelques uns de ces travaux préliminaires sont aussi excitants en eux-même que certains travaux indépendants. Les impressions sont très accessibles, tangibles, c’est une façon simple pour les travaux d’exister de façon concrète.
moi ces moments immaculés de solitude complète où une seule chose est très présente dans le calme et la simplicité. Je révère ces rares moments, parce que c’est, de façon ultime, là que tous les travaux prennent racine.
V: Quel est ton meilleur souvenir artistique (collaborations, expositions...)? J.S: Je suis reconnaissant de toutes les opportunités que j’ai de montrer mon travail dans des espace plus ou moins traditionnels, mais aussi d’être un photographe dont les travaux sont publiés, et d’autres utilisés de façon commerciale. Les meilleures expériences en tant qu’artiste ont été pour
V: Que penses-tu du monde de l’art aujourd’hui? Ressens-tu un renouveau, une activité, ou au contraire une stagnation? J.S: Je suis très intéressé par le monde de l’art comme un tout et comme il continue d’exister de façon financièrement indépendante, malgré le climat économique dans lequel nous sommes en ce moment. Il n’est
V: Si tu n’avais, potentiellement, aucune limite d’argent, de temps et de lieu, quelle serait « l’oeuvre ultime » que tu aimerais créer? J.S: En vérité, je suis admiratif des travaux créés malgré des limites de budgets, et mes travaux sont souvent réalisés avec peu, voir pas de moyens. Je pense que cela donne au travail plus de présence et d’intérêt. Il y a tellement de choses créées avec d’énormes budget, vendues ridiculeusement chères, devenant de suite inatteignables pour le public, ce qui est, d’une certaine façon, malheureusement élitiste. L’oeuvre ultime serait pour moi le produit d’un travail collectif, comme une compagnie qui utiliserait des projets pour inspirer et servir une communauté grâce à leurs design.
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certainement pas nécessaire de posséder une oeuvre sans prix pour s’en inspirer. Malheureusement, dans cet environnement capitaliste, je pense que l’importance des oeuvres est uniquement définie par le prix auquel elles sont vendues, et même si c’est intéressant, je suis plus attiré par ce que me fait ressentir un travail ou de quelle façon il remet en question ma perception, à l’opposé de combien il sera vendu aux enchères. V: Enfin, peux-tu nous parler de tes projets en cours? J.S: Je travaille continuellement sur des projets «mix médias» qui aboutissent à des impressions numériques disponibles sur la galerie «Saatchi Online». Quelques uns des travaux ont été choisis et seront présentés sur www. gilt.com en septembre prochain. Je suis aussi en relation avec une petite galerie à Chicago pour une prochaine exposition incluant certains de mes nouveaux travaux. Jour après jour le travail existe et évolue au travers de photographies, de petits travaux de «mix medias», et comment transformer ces choses en quelque chose d’existant au delà de moi seul, afin qu’elles soient présentées au public comme un tout, pour ceux qui seraient intéressés. Vous pouvez retrouver Jerry sur internet via:
www.jerryseguin.com fantasticjacket.tumblr.com www.saatchionline.com/profiles/portfolio/id/77323
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Artificial structures Jerry Seguin is one of the artists who contacted us via Tumblr. For us, he could be a part of the ones you’ll soon here about His works are pure products from the XXIst century. He finds, readapt, reinterpret imageswe are surrounded by everyday, and brings his personal touch to it. For him, Art must be disposable to everyone, and his is made for all kind of utilisations, from galleries to adds. We asked him several questions to know more about his inspirations and expectations. VEINE MAGAZINE: Hi Jerry, first of all, could you present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus...? JERRY SEGUIN: Hello, while I do hold a traditional day job, I’m also a freelance artist and designer residing in Oakland, CA. My work stems from a formal training in apparel and textile design, as well as art history and photography. Through this, thread remains as a constant material in my work both for its tactile and metaphoric qualities. I’m also a published photographer and has most recently collaborated on a limited edition of specially designed boxes with Twinings Tea in London. I’ve shown work in a hand full of galleries across the country and have interned for independent fashion designers and art galleries. My website is a working platform for my ideas and to present my works and ideas to an audience. I’m currently interested in making my works into patterns, and how this changes the work itself both in its physical presence and perceptions. The works are set up as never ending patterns on my website so the experience is varied by whom and how they are viewed, making the experience more personal.
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V: Can you tell us a little bit more about your inspirations? J.S: Foremost I’m interested in the potential of images and how they exist in the world, including and excluding my own work. I’m also more specifically interested in the energy that is created when two opposing forces are brought into an image or really any work to create new energy, the very definition of duality. This could be in fashion, graphic design, more traditional art mediums, experiences, and through found objects and compositions in any experience. I have a «Tumblr» blog working as a visual journal for reference that pulls together my inspirations as well as my own work/work in progress. I’m creating a working archive of memories through my artworks that are also inspired by the formal aspects of design. The concepts begin within these traditional elements of design, and as the works are completed, emotions and feelings come
out of these practices or the exercise of image making. V: How do you consider the fact of practicing different mediums? Do you think an artist can limit himself to only one thing? J.S: I admire the artists who are focused on only one medium and really own it and do it well. I think even if an artist presents only one type of work, many other types of work go on behind the scenes. In this, I’m also interested in process oriented work. For me the full experience of a work can be obtained through viewing preliminary sketches which may in the end be just as inspiring as the final work. Unfortunately my attention span isn’t nearly long enough to be so focused to one medium. I have found that through print making, I am able to use many techniques to result in a very similar final product. But it is a constant goal of mine to open myself up to the possibility of creating works in any medium. You have to trust your instincts and do only what comes naturally. For me this typically starts with a found object, like a square plank of wood, postcards from thrift stores or discarded canvas and the work continues to evolve into a flat image then to be printed on paper. Some of these preliminary works also existing on their own as independent works. Prints are very attainable, tangible, an easy way for the works to exist literally as matter. V: If you had to chose the best experience you ever had, what would it be (collaborations, exhibitions...)? J.S: I’m thankful for all of the opportunities I’ve had to show my work in both traditional and non-traditional art spaces. Also to be a published photographer and have works produced commercially. The best experiences for me as an artist have been those pristine clear moments in complete solitude when one is very present in calmness and clarity. I cherish those rare moments and experiences, because it’s ultimately where all of the work stems from.
V: If you had potentially no financial, place or time limits, what sort of « ultimate piece » would like to create? J.S: I actually admire the financial limitations of creating work, and often my works are produced on little or no money. I believe this gives the work more presence and interest. So many things are built and created already with huge budgets and price tags that they’re immediately unattainable to the public which is, in a way, unfortunately elitist. The ultimate work for me would be the product of a successful design collective as a working company that took on projects to inspire and serve a community through design.
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V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional? J.S: I’m very much interested in the art world as a whole and how it continues to exists as its own sub sect of financial independence, especially in the economic climate we’re currently in. One certainly doesn’t have to own a multimillion dollar work to be inspired by it. In this capitalist environment unfortunately I feel important works are measured only by how much they sell for, and while this is interesting, I’m more interested in how a work makes me feel or challenges my perceptions versus how much it crosses the auction block for. V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your current projects? J.S: I’m continually working on mixed media project that end up as digital prints which are available through the Saatchi Online gallery. A few of the works have been chosen and will be presented through http://www.gilt. com in early September. I’m also in the works with a small gallery in Chicago for an upcoming presentation to include some of my newer works. Day to day the work exists and evolves through continual photographs, small mixed media works, and finding inspiration and how to transform these things into something that exists outside of myself to be presented as art to the viewing public as a whole, I guess to those who may seek it.
Vous pouvez retrouver Jerry sur internet via:
www.jerryseguin.com fantasticjacket.tumblr.com www.saatchionline.com/profiles/portfolio/id/77323
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Model: Model: Maxime Maxime Greselle Greselle Hair: Hair: Sculpt Sculpt
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Automne/hiver 2011
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ANN DEMEULEMEESTER
DAMIR DOMA
Pour sa première collection homme depuis qu’elle a pris les reines de la maison, Sarah Burton a choisi un décor de salon baroque. Le théâtral se situe plus dans les vêtements qu’au niveau du spectacle, et on a pu assister à une interprétation moderne de l’uniforme royal Victorien. En effet, le rouge éclatant, combiné avec du bleu marine et du noir, font ouvertement allusion à la garde-robe d’officiers militaires. Les bombers en soie imprimée sont un des éléments subtilement rebelle et éléctrisant. La tradition britannique est représentée grâce au modélisme, et les vestes et manteaux sont coupés à la perfection, la pièce maîtresse étant une version présentant des ouvertures, comme tranchées, au niveau des épaules. Sarah Burton n’a pas à rougir des efforts fournis. Elle propose une série de coupes incroyables et porte une grande attention aux détails, héritée de feu son mentor. Même si l’identité sombre et rêveuse de McQueen est parfaitement présente, on a découvert une douceur et une sérénité propres à Burton.
Cette saison, Ann Demeulemeester s’est demandée comment le poète et peintre romantique William Blake s’habillerait s’il était encore vivant aujourd’hui. Ce qui en ressort est une garde-robe constituée de tenues en daim, laine et cuir déconstruites et composées en couches. Le noir habituel se retrouve tranché par du rouge et de l’orange, un violet délavé et un bleu éléctrique. Quand Ann utilise les couleurs, elle le fait bien. La superposition est étonnamment naturel, comme sans effort_ Les vestes et pardessus sont ouverts et tombent, et les pantalons en soie portés sous des couches de matières pures et ternes apportent une subtile opposition aux couleurs brillantes Les accessoires présentés sont des gants en cuir ou en daim épais, et de lourdes bottes. Du crin de cheval est ajouté aux cheveux des nuques des modèles, évoquant les thèmes mythologiques chers à Blake. Le plus frappant chez Demeulemeester est son goût des matières et son talent de modéliste. Encore une fois, elle ne déçoit pas.
Le maître du drapé du menswear actuel présente une collection très concrète et modélisée. Damir Doma explore le costume homme classique. Sa signature, une silhouette ample et relaxée apporte une forme plus carrée et un ajustement plus souple au modèle de base, avec des cols non pliés et des pantalons larges en cuir qui en éloignent le côté formel. Par le passé, il nous avait offert des vestes, coupées de façon géometrique dans des matières simples mais luxueuses. Comme une partie naturelle de l’ensemble, il nous montre maintenant une réinterprétation de la chemise blanche, simple et nette. Une bande noire montée le long de la boutonnière remplace la cravate sur certaines versions, alors que d’autres se contentent d’un blanc total. L’un dans l’autre, c’était quelque chose de totalement nouveau pour Doma, prouvant ainsi qu’il bien faire bien autre chose que du drapé. Sa version du costume classique s’harmonise avec un aspect plus relâché.
For the first full on men’s catwalk show since Sarah Burton took over she chose a baroque salon as the setting. The theatrics were in the clothes rather than the show. It was a modern interpretation of a royal Victorian uniform. Striking red combined with navy blue and black hinted to the dress of military officers. Bomber jackets in printed silk were a subtly rebellious and electrifying element. British tradition shone through in the tailoring. Jackets and coats were cut to perfection, the highlight being a version with slashed shoulder openings. Sarah Burton’s effort this season was nothing short of magnificent. She displayed incredible cuts and attention to detail that she learnt from her old mentor. Although the dark, brooding DNA of McQueen was visible there was a softness and serenity coming only from Burton.
This season Ann Demeulemeester was pondering what Romantic poet and painter William Blake would dress like were he alive today. What she came up with is a wardrobe consisting of deconstructed and layered suits in suede, wool and leather. Breaking the black was bright red and orange, washed out purple and an electric blue. When Ann uses colour, she does it well. The layering was surprisingly effortless – jackets over jackets swung open and silk pants worn under a sheer layer of fabric gave a subtle dim to the bright colours. The accessories on offer were bulky suede or leather gloves and heavy boots. Horsehair was woven into the models slicked back hair, evoking the mythological motifs of Blake’s paintings. What is most striking about Demeulemeester is her sense for fabrics and talent for tailoring, and she didn’t disappoint.
The master draper of contemporary menswear presented a very streamlined and tailored collection. Damir Doma explored the classic suit. His signature roomy and relaxed silhouette made for a boxy, loose fitting and rectangular take on the suit. Unfolded collars and baggy leather pants took away the formality. Previously he has given us jackets, cut geometrically and in casual yet luxurious materials. As a natural part of the ensemble, Doma brought an interpretation of the clean, crisp white shirt. A black panel running along the buttoning substituted the tie on some versions, while others were plain white. What felt particularly fresh about this collection were the proportions. All in all, it was something entirely new from Doma, proving that he can do much more than drapery. His version of the classic suit perfectly balances casual cool and formal.
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C H R O N I Q U E S D E S D ÉE F I L ÉE S / C A T W A L K R E V I E W S
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DIOR HOMME
DRIES VAN NOTEN
GIVENCHY
Peu de designers ont reçu des avis aussi tranchées sur leur travail que Kris Van Assche depuis qu’il est chez Dior. Pour l’automne il redéveloppe la silhouette fluide du printemps/été, lui apportant plus de structure et des couches plus épaisses. Les pantalons à pinces touchent le sol et les vêtements d’extérieurs sont drapés autour des épaules des modèles. Un détail à noter, les rayures de certains éléments, qui sont en fait des coutures en zig-zag, non noués à la fin. Le thème sombre habituel de la marque est cassé par des total looks rouges. Van Assche a élargi les frontières de la marque_ On est plus uniquement sur des costumes et des pantalons slims. Ce qu’il apport à Dior Homme, ce sont des idées qui vont au-delà de la culture jeune et du vêtement. Cette collection est loin du look que Slimane a apporté. Van Assche ne se limite pas à la vision de son prédecesseur; il joue avec ses propres règles.
Des mannequins à la peau pâle et aux cheveux teints couleur fraise ont envahi le podium avec une imagerie David Bowie mi-70’s période «Golden Years» au défilé de Dries Van Noten. L’alter-ego de Bowie à cette époque, le Thin White Duke, en était l’inspiration. Le Duke, toujours proprement habillé d’une chemise blanche immaculée, d’un gilet et d’un costume taillé sur-mesure, est honoré d’une garde-robe plus large. Les vestes et pantalons parfaitement coupés de Van Noten sont un must de tous les pacards d’homme moderne. Le créateur s’est cette fois concentré sur les cols, qui sont superposés et asymétriques. Le bleu marine et le beige associés à la touche de rouge des cheveux créent une combinaison de couleur très plaisante. La collection est tranquillement sophistiquée et dotée d’une touche de glamour_ une version moderne du Thin White Duke.
Ricardo Tisci sest replongé dans son enfance pour cette collection Givenchy. Il réinvente l’uniforme d’école de ses études en Italie et y plaque des rottweillers menaçants, sa race de chien favorite, en guise de blason. Les chapeaux ont été spécialement créés par le modiste Philip Treacy. Givenchy par Tisci est devenu l’inratable de stars du hip-hop telles que Kanye West, pour qui le designer a d’ailleurs récemment dessiné la pochette de l’album «Watch the Throne». Il y avait donc un véritable mouvement vers cette clientèle. Cette collection marque le fait que Tisci souhaite étendre le vocabulaire de la marque. Le vêtement est pensé pour un homme plus jeune et sera définitivement porté par des jeunes qui osent. La collection a fait crier, ou plutôt grogner, les fashion victimes, mais ce genre de hype est quelque chose que Tisci peut largement se permettre à ce stade de sa carrière
Few designers have such split reviews as Kris Van Assche in his position as creative director at Dior Homme. For autumn he developed the fluid silhouettes of spring, giving them more structure and heavy layering. Pleated pants swept the ground and the outerwear draped around the models’ shoulders. An interesting detail was the pinstripes seen on some garments. They were in fact zig-zag stitches, unfastened at the ends. The usually dark colour scheme of the brand was broken with bright looks in head-to-toe red. Van Assche has broadened the brand – it’s not solely about skinny jeans and suits anymore. What he brings to Dior Homme are ideas that go beyond youth culture and clothing. This collection was far from the look that Slimane brought. Van Assche doesn’t dwell on the vision of his mentor; he plays by his own rules.
Pale models with slicked back strawberry tinted hair strutted down the catwalk along to a version of David Bowie’s mid-70s hit ‘Golden Years’ at Dries Van Noten’s show. Bowie’s alter-ego from that time, The Thin White Duke, was the inspiration. The Duke, always neatly dressed in a crisp white shirt, waistcoat and tailored suit was honoured with an updated wardrobe. Van Noten’s skilfully cut pants and masterfully tailored coats are a must in every modern man’s wardrobe. The focus was on collars this time, and they were seen layered and asymmetrical. Navy blue and beige matched with the hint of red in the models’ hair made a very attractive colour combination. The collection is sophisticated in a relaxed way with a modest touch of glamour – a modern version of the Thin White Duke.
Riccardo Tisci looked back at his childhood when creating his Givenchy collection. He reinvented the school uniforms of his upbringing in Italy and emblazoned them with prints of growling rottweilers, his favourite breed of dog. The quirky hats were created by milliner Philip Treacy. Tisci’s Givenchy has become the go-to designer for hip hop stars like Kanye West, for whom Tisci has recently designed album «Watch the throne» sleeves. There was a clear direction towards this new clientele of his. This collection marked that Tisci is willing to expand the vocabulary of Givenchy. It was designed for a younger man and it will definitely be worn by daring youths. The collection did scream, or rather growl, fashion victim but that kind of hype is something that Tisci comfortably can deliver at this point in his career.
V E I N E BLACK & WHITE HENRIK VIBSKOV
JIL SANDER
KRIS VAN ASSCHE
Les shows d’Henrik Vibskov sont de véritables performances artistiques, au-delà du simple vêtement. Pour cette saison, le décor mis en place est une pièce sombre dans le quartier Latin à Paris et est intitulé «The Eat». Lorsque l’on voit apparaître les mannequins, ils s’assoient autour d’une longue table et commencent à faire fondre de la gelée à l’aide de sèches cheveux. En se penchant sur les vêtements, ils présentent une silhouette voûtée et et font référence aux paysages montagneux. Des coupe-vents associés à de longues grenouillères tricotés soulignent avec évidence l’aspect sportif de la collection. Vibskov a l’âme d’un artiste, ce qui le différencie des nombreux designers présents dans l’industrie. Le spectacle qui accompagne ses vêtements démontre sa vision d’une façon intéressante. L’univers du créateur est surréaliste mais les vêtements brillamment réalistes.
Les très à la pointe couleurs de la collection printemps de Jil Sander s’étalent sur l’hiver. Orange et rose fluorescents, jaune et marine accentués par du noir et du blanc. Raf Simons a annoncé qu’il voulait revenir aux éléments identitaires de la marque, à savoir l’esthétique épurée que Jiline Sander a mise en place. Les manteaux parfaitement coupés son particulièrement spectaculaires. Un des éléments-clef du minimalisme, c’est les matière. Cette saison, les surprises sont venues de la laine industrielle (communément utilisée pour les meubles) pour les costumes et du nylon matelassé finement travaillé. Les couches de tricot à côte, les cols roulés et les revers de différentes couleurs faisant la blague est un intelligent choix stylistique. Malgré les références au travail établi par la marque, la collection est totalement moderne et neuve. Raf continue d’apporter son point de vue et son vocabulaire, étendant l’esthétique et redéfinissant les règles du minimalisme et la pureté du vêtement.
Kris Van Assche offre une alternative au costume formelle du jeune actif. La fonctionnalité avant le formel semble être l’idée derrière ses coupes et son modélisme relâchés. Alors que les matières sont typiques, laine et coton, pour les hommes devenus grands, la collection reposait surtout sur les silhouettes. Les formes oversize lui donnent un aspect plus jeune, sportif et urbain. Le zoom est également fait sur les cols, roulés et pliés. La palette de couleur est neutre, allant du noir mat au beige, en passant par le gris foncé. Le look le mieux pensé est une veste de costume fermée par des zips ajoutées à la boutonnière classique. En plus de ça, Van Assche présente une collection de sacs faits en collaboration avec Eastpak. Sa version du costume est neuve et bien pensée, et une option inévitable au costume du travailleur fraîchement lancé.
Henrik Vibskov’s shows are artistic performances, there’s a lot more to them than clothes. The setting for this show was a dark room in the Latin quarters of Paris and the spectacle was entitled ‘The Eat’. When the models revealed themselves to the audience they sat down at a long table and started melting piles of jello with hair dryers. Looking at the clothes, they were slouchy in silhouette and reminiscent of attire for hikes out in mountainous landscapes. Wind breaking parkas paired with knitted long johns certainly underlined the sportiness. Vibskov has the mind of an artist which sets him apart from those in the industry who are purely designers. The show he accompanies his clothes with brings together his vision to an interesting entirety. Vibskov’s universe is surreal but the clothes are brilliantly realistic.
The much-hyped bright colours of spring’s Jil Sander collection continue to winter. Fluorescent orange and pink, yellow and navy were accentuated by black and white. Raf Simons stated that he wanted to go back to the defining elements of the brand, namely the pure aesthetic that Jiline Sander pioneered. The clean cut coats were particularly spectacular. One key element in minimalism is fabrics. This season the surprises were industrial wool (commonly used for furniture) for suits and intricately quilted nylon. Layered ribbed knitwear with turtlenecks and cuffs of different colours peeking out was a clever styling choice. Despite referencing the work that established the brand, it was entirely modern and new. Raf continued to bring his own views and vocabulary to the brand, expanding the aesthetic and redefining the rules of minimalism and purity in clothing.
Kris Van Assche offers an alternative to the strict suit to young professionals. Functionality before formality seemed to be the idea behind his showing of loose fitting, relaxed tailoring. While the fabrics were the typical wools and cottons used for grownup masculine clothing, the collection relied on the silhouette. The oversized shapes gave it a younger, sportier and more urban edge. Focus was also on collars, and they came as loose turtlenecks and folded. The colour palette was kept neutral, ranging from matte black and dark gray to beige. The cleverest look is a suit jacket closed with zippers in addition to the classic buttoning. Additionally, Van Assche presented a collection of bags made in collaboration with Eastpak. His version of the suit felt new and thought through, a compelling option for the brave young professionals.
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RAF SIMONS
RICK OWENS
THOM BROWNE
Raf Simons explore les codes du vêtement étudiant avec sa collection automne intitulée «Dead Prince College. «La chute du Prince, la montée de l’artisan» était le slogan présent sur les invitations, et c’est bel et bien l’artisanat qui est mis en lumière. Les duffel coats amples et les pantalons aériens démontrent l’intérêt du créateur pour les techniques de couture et les silhouettes. Les pantalons en PVC brillant associés à des éléments légèrement tricotés ou des vestes en laine créent un look dramatique, dans le sens théâtral du terme, ramenant à ses premières explorations autour des codes délirants de la jeunesse belge. Une parka violet fluo en néoprène est également une des pièces qui attire l’oeil. Avec sa dernière collection été, Raf avait célébré ses 15 ans dans la mode et avait marqué l’ouverture d’un nouveau chapitre. C’est une de ses meilleure collection qu’il nous présente pour l’automne, et qui promet un magnifique et romantique avenir.
La collection automne de Rick Owen est un témoignage de son sens de la coupe, des matières et des proportions. Son esthétique reste inchangée et reconnaissable, avec l’ajout occasionnel de pièces iconiques. Cette fois, c’est un duffel-coat fait de laine et de cuir, le brandebourg étant quant à lui en argent, aiguisé, pointu. Sa pièce iconique personnelle, la jupe pour hommes, est un drapé lourd accompagné d’une large ceinture à la taille. La superposition de matières, parfaitement proportionnée, a un air d’armure protectrice; l’uniforme d’un soldat. La discipline d’un militaire colle certainement aux goûts d’Owen, mais se différencie par une légère humilité plutôt que d’être imposante, ce qui permet à la collection de s’élever encore un peu plus. Owens a imposé une esthétique et la réinvente avec talent à chaque saison, maintenant à son maximum l’intérêt et l’attention de la presse et des clients.
Thom Browne, toujours là pour le show et la remise en question de l’uniforme de l’homme américain, revient en arrière avec cette collection. Il s’inspire des pères fondateurs de l’Amérique, comme Thomas Jefferson par exemple. Les plaids et autres imprimés jaquards donnent un aspect preppy très Nouvelle Angleterre, mais toujours secoués, remaniés, oversize et usés. Les chapeaux tricotés s’apparentent aux perruques du XVIII° siècle, et les visages des modèles sont poudrés d’un blanc fantomatique. Des queues de vison et des plumes font référence à l’habit opulent de la royauté, faisant allusion au statut de la bourgeoisie américaine. Les mannequins s’assoient autour d’une table, prêts pour un copieux banquet, faisant la queue pour prendre de la nourriture avant de repartir. Thom Browne défie les conventions de l’habit masculin, ajoutant un brin d’humour pince-sans-rire.
Raf Simons explored student dress codes with his autumn offering entitled ‘Dead Prince College’. ‘Fall of the Prince, Rise of the Craftsman’ was the slogan that adorned the invitation, and it was very much the craftsmanship in particular that was in focus. The roomy duffel coats and billowing pants showcased an interest in couture techniques and silhouettes. Trousers in shiny PVC styled with soft knitwear or textured wool coats made for a dramatic look, reminiscent of some of his previous explorations of Belgian youth rave dress codes. A purple fluorescent parka in neoprene was another eye-catching look. With his last summer collection, Raf celebrated 15 years in fashion and this season marked the beginning of a new chapter. This was one of the best collections we’ve seen from him and it promised a bright future romantic.
Rick Owens’ autumn collection was a testament to his sense for cuts, fabrics and proportions. His aesthetic remains unchanged and recognisable, with the occasional remoulding of staple pieces introduced in his universe. This time we saw the duffel made in heavy wool and leather, the classic toggles made in sharp, shining silver. His own staple, the man skirt, came as a weighty wrap with a thick belt at the waist. Layering of materials, perfectly proportioned, had an air of protective armour; the uniform of a soldier. The discipline of the military certainly fit in with Owens’ vision, but there was a soft humbleness rather than a brooding gloom that made the collection stand out. Owens has established his aesthetic and skilfully reinvents it each season, maintaining the interest and attention of press and consumers alike.
Always one to put on a show and challenge the strict uniform of the American man, Thom Browne looked back with his autumn collection. The subject of inspiration was the founding fathers of America, Thomas Jefferson to name one. Plaids and argyle prints gave a sense of New England preppy style but always cheekily shook up, oversized and overused. Knitted hats were made to look like eighteenth century wigs and the models’ faces were powdered ghostly white. Mink tails and feathers referenced the opulent dress of royalty, hinting to the status of the American bourgeoisie. The models all sat down along a table, prepared for a grand banquet, taking turns to pick at the food and march around. Thom Browne defies the conventions of men’s dress, adding a bit of humour with a deadpan seriousness.
V E I N E BLACK & WHITE
womenswear. Automne/hiver 2011
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MARC JACOBS
PROENZA SCHOULERS
CHRISTOPHER KANE
Marc Jacobs s’est imposé comme l’un des designers clef au niveau international. Ce qu’il présente au début du mois de la mode donne toujours le ton de la saison à venir. Pour cet automne il abandonne le look disco exotique des années 70 présenté au printemps et opte pour des coupes serrées et une silhouette stricte, doté d’un fétishisme en demi-teinte. Des sequins en caoutchouc surdimensionnés en guise de jupes faisant penser aux écailles mattes d’un poisson ajoutent un glamour très clinique à l’ensemble. Les bérets, pois et autre moonboots très 90’s donnent un aspect cartoon_ une image idéalisée mais fictive de la femme. Elle est un objet qui surpasse l’humanité. Certaines panoplies se rapprochent parfois du costume, mais soulignent simplement son idée directrice. La mode est vicieuse et élitiste, mais toujours là pour faire rêver et partager.
L’idée d’un roadtrip au Nouveau Mexique, en Arizona puis dans le nord du Colorado est la source d’inspiration de Jack McCollough et Lazaro Hernandez pour cette collection. Des couleurs chaudes et terreuses, telles que le rouge, l’orange et le jaune, contrastent avec l’argenté et le bleu glacé. Le motif zig-zag recouvre les robes en velours et les jupes en macramé sont d’une élégante décontraction. Encore une fois, ils combinent tradition et techniques numériques; en effet, les couvertures tissées sont scannées et pixelisées avant d’être tissées de nouveau sous forme de jacquards de laine. Le duo a gagné en maturité. Avec une esthétique clairement reconnaissable et un sens de la décontraction comme signature, ils se sont peu à peu mutés en artisans. Proenza Schouler représente l’innovation technique et la modernité qui leur permettent de se détacher sur le calendrier des défilés new-yorkais. Jack et Lazaro sont les deux nouveaux héros de la mode américaine.
Christopher Kane a defié le public avec sa juxtaposition de crochets et ses morceaux de PVC remplis de glycérine. Les carrés vieillots sont tout à fait efficaces imprimés sur du cuir. Le PVC ramène aux trousses d’enfants et à leurs sacs à dos, pendant que les dernières robes en sequins s’inspirent de Soda Streams. Nous sommes dans un jeu d’oppositions; la grand-mère chic et les jeux d’enfants; le fait-main et la production industrielle; le naturel et l’artificiel. Ce n’est pas forcément agréable esthétiquement, mais c’est peut-être pour cela que c’est si atrayant. Il frôle brillament la limite du mauvais goût, et provoque toujours avec son travail, mais d’une manière subtile et artistique. C’est pourquoi les gens l’apprécient. Même si la collection se tient parfaitement, inutile de chercher un quelconque sens profond à tout cela. Kane joue avec la mode, remue nos méninges et s’en amuse.
Marc Jacobs has established himself as a key designer on an international level. Whatever he presents in the beginning of fashion month sets the tone for the season ahead. For autumn he abandoned the 70s exotic disco look that was his spring offering and opted instead for a tight fitting, strict look with fetishist undertones. Oversized rubber sequins as dresses and skirts resembled matte fish scale and added a clinically neat glamour. The berets, the dots and the 90s moonboots were a bit cartoonish – an image of the ideal, therefore also fictional, woman. She is an object created above what’s human. At times it crosses the line and becomes a kind of costume, but that only underlined his point. Fashion is vicious and exclusive but still there for everyone to share and dream.
A road trip to New Mexico, Arizona and then up north to Colorado provided inspiration for Jack McCollough and Lazaro Hernandez. Warm, earthy colours such as red, orange and yellow were contrasted by silver and icy blue. Zig-zag patterned velvet dresses and macramé skirts had a dressed down elegance about them. Once again they fused traditional crafts with digitalised techniques; woven blankets were scanned and pixelated in a computer then woven again into wool jacquards. The duo has grown as designers. With a clearly recognisable air and sense of cool around their designs rather than a defined aesthetic, they have developed as craftsmen. Proenza Schouler has come to represent technical innovation and modernity that makes them stand out internationally on the New York show schedule. Jack and Lazaro are the two new heroes of American fashion.
Christopher Kane challenged the audience with his juxtaposition of crochet and panels of PVC containing liquid glycerine. Looks all made up of granny squares were the best when printed on leather. The PVC was reminiscent of children’s pencil cases and backpacks, while the final sequined dresses were inspired by Soda Streams. It was a play on opposites; granny chic and childish toys; homemade and industrially produced; natural and artificial. It wasn’t exactly aesthetically pleasing and perhaps that’s why it’s so appealing. It bordered brilliantly on tasteless. He always provokes with his work, but in a subtle and artful way. That’s why people love him. Whether the collection really held any deeper meaning and ideas feels irrelevant in this case. Kane played with fashion, stirred things in our minds and had fun with it.
V E I N E BLACK & WHITE MARY KATRANTZOU
JIL SANDER
PRADA
La saison dernière, Mary Katrantzou laisse les clefs de la maison aux femmes. Ses imprimés «chambre avec vues» en 3 dimensions et ses jupes en abats-jours ont impressioné tout le monde. Elle continue son inventaire avec le design d’intérieur, tirant son inspiration de la maison de Diana Vreeland. Le luxe et la richesse et une décoration de maison tape-à-l’oeil évoquent les contructions fastueuses de l’époque baroque. Elle marche avec précaution sur la limite des costumes sur-designés et de l’élégance, mais son oeil incroyablement avisé pour les imprimés rétabli parfaitement la balance. Les looks où elle abandonne les formes en abat-jours et vases ronds en faveur d’une silhouette plus étriquée sont les plus intéressants. Nous devrions être reconnaissants pour ce que Katrantzou apporte à la mode. Ses créations opulentes s’élèvent au-dessus du revival minimal omniprésent. Son point de vue unique, mis en place avec précision et confiance, fait qu’on ne peut qu’aimer.
Les vêtements de ski qui rencontrent la couture, voilà l’idée de Raf Simons pour Jil Sander. Il s’est penché sur les photographies de Louise Dahl-Wolfe mettant en scène des looks couture dans les stations de sport d’hiver, mais s’inspire également des images obsédantes de Diane Arbus. Il y a aussi des traces de Cristobal Balenciaga. Des manteaux gonflés, des pulls tricotés dans des couleurs fluo et des pantalons de ski moulants rentrés dans les chaussures mêlent deux opposés de la mode : les salons pompeux de l’époque et les vêtements de sport. La collection représente ce que veut Raf Simons pour Jil Sander. Il veut porter la marque vers de nouveaux territoires, repoussant les limites et élargissant le vocabulaire de l’esthétique puriste que Sander a établie. Cependant, cette collection n’est pas aussi frappante que celle du printemps. Simons a pour mission d’emmener la couture en dehors des défilés pour la remettre dans la rue.
Muccia Prada nous livre une collection excitante composée de robes, jupes, hauts et manteaux. Pas de pantalons en vue. Les références aux années 60 et la légendaire robe Mondrian de Saint-Laurent ont été fusionnés avec les robes évasés à la taille des années 20 et une association en trompe-l’oeil de bottes. Mary Janes et les modèles tenant leurs sacs est aussi un détail amusant. Le look innocent des modèles est contre-balancé par de simples robes en sequins surdimensionnés et des dos nus. De la décoration en fausse fourrure et de la peau de serpent est déclinée en plusieurs couleurs. Alors que ces deux matériaux sont devenus des objets de luxe flagrant, souvent associés à l’exclusivité bourgeoise, Miuccia les rattache à l’innocence. D’autres contradictions et idées sont présentes dans cette collection de 40 pièces, si bien qu’on ne sait plus par où commencer. Miuccia secoue continuellement le public, et soyons honnête, c’est une rareté dans la mode.
Last season, Mary Katrantzou put the house on woman. Her three-dimensional room-with-a-view prints and lampshade skirts impressed everyone. She continued inventory in interior design, drawing inspiration from the house of Diana Vreeland. Luxury and wealth, conspicuous house decoration drew the mind to the lavish buildings of the baroque era. She treaded carefully on the edge of overly designed costumes and elegance, but her eye for print is incredible and it’s all well put together. The looks where she abandoned the stiff lampshade and round vase shapes in favour of a streamlined silhouette were the most interesting. We should be thankful for what Katrantzou brings to fashion. Her opulent creations stand out amidst the predominating current minimal revival. She has a unique point of view which she executes with such precision and confidence that it’s impossible not to love it.
Ski-wear meets couture was the idea that Raf Simons presented at Jil Sander. He looked at photographs by Louise Dahl-Wolfe picturing 60s couture looks in ski resorts, but he also drew inspiration from Diane Arbus’ haunting images. There were also traces of Cristobal Balenciaga. Billowing coats, knitted sweaters in neon colours and slim ski-pants that fastened in the wedge of the shoes merged two opposites of fashion: the static high-end salon and the active sportswear. The collection represented Raf Simons’ aim at Jil Sander. He wants to bring the label into new territories, pushing the boundaries and widening the vocabulary of the purist aesthetic that Sander established. Although this collection wasn’t as striking as his spring offering it was exciting. Simons is on a mission to bring couture out of the salons and back to the streets.
Miuccia Prada delivered an exciting collection of dresses, skirts, tops and coats. There was not a pant in sight. References to 1960s space age fashion and Saint Laurent’s legendary Mondrian dress were amalgamated with 1920s drop waist shift dresses. A trompe-l’oeuil fusion of boots, Mary Janes and the models clutching their bags as teddy bears were quirky details. The innocent look of the models was broken with sheer, oversized sequins and bare backs. Faux fur and snakeskin were seen as decoration in all colours. While those two materials have become objects of conspicuous luxury, often connected with a bourgeois exclusivity, Miuccia reclaimed their innocence. Other contradictions and ideas were present in this forty piece collection, far too many to know where to start. Miuccia continuously shakes up her audience intellectually, and let’s be honest, that is rare in fashion.
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BALENCIAGA
CÉLINE
COMME DES GARÇONS
Le génie de Nicolas Ghesquière est situé dans son talent pour les coupes. Ajoutez à cela ses innovations techniques au niveau des matériaux et du tissu, et vous comprenez pourquoi il occupe la place du gardien de la maison de Cristóbal Balenciaga. Il n’a pas peur de la modernité, c’est ce qui le différencie du fondateur. La collection automne/hiver est une étude des proportions, des dimensions et des espaces. Il ouvre le bal avec une jupe à imprimé floral associée à une grosse veste gallonée de faux cuir. Les tuniques par dessus les pantalons sont une proposition pour une tenue de jour. Des drapés asymétriques et des textures variées - de la grosse laine et du cuir verni brillant - donnent de la vie et du mouvement aux silhouettes. C’est commercial et désirable, facile à porter, avec une quantité idéale de bonnes idées. Les détails sont incroyables, les proportions parfaites et l’absence de référence au passé fait de cette collection un pari gagné.
Phoebe Philo propose du retro pour la collection Céline. Inspirée par l’intérieur des voitures, elle utilise un panel de cuirs et un imprimé de bois sombre. Les manteaux sont centrés, minimals et coupé à la perfection. Philo rend le col blanc des polos actuel, en faisant un élément phare de la saison pour la femme moderne. Les couleurs vont du noir profond, mélangé à du brun terreux pour enrichir le burgundy, à des touches d’orange vif et de rose poudré. La collection manque de tendance, dans le sens de la mode telle qu’elle est aujourd’hui. C’est une contradiction étrange; comme tout peut être hors du temps et totalement éternel (à la manière des 70’s). En bref, c’est une collection incroyablement élégante qui montre l’oeil aguérri de Phoebe Philo à la contrainte. Elle offre des essentiels pour la garde robe de toutes les femmes.
Rei Kawakubo juxtapose des coupes destructurées à des robes se transformant en écharpes. C’est en partie un jeu fait des vieux stéréotypes ; l’homme est habillé d’un austère et simple costume et la femme est légerement vétue, portant une robe élaborée et frivole. Les motifs, les imprimés et les couleurs de tout types sont mélangés créant une silhouette courbée et lourde. Les vestes sont modélisées de façon chaotique; coupées au milieu, assemblées avec d’autres, à la manière d’hybrides. L’explosion de couleurs est un élement rare et excitant pour une marque qui prône le noir dans la mode depuis les années 80. Au milieu du mouvement minimaliste, c’est tout simplement approprié. Les deux derniers looks sont des manteaux en or brillant coordonnés avec les cheveux scintillant. On peut être sûrs d’une chose : tout ce que touche Rei Kawakubo se transforme en or.
Nicolas Ghesquière’s genius lies in his talent for cuts. Add his technical innovations with fabrics and materials and that’s why he earned the spot as the guardian of the house of Cristóbal Balenciaga. What sets him apart from the founder is that he isn’t afraid of modernity. The autumn collection was a study of proportions, dimensions and space. He opened the show with a wild flower printed skirt teamed with a heavy jacket of braided faux leather. Tunic-over-pants updated was the offering for eveningwear. Asymmetrical drapes and varying textures – from heavy wool to shiny patent leather – gave life and movement to the silhouettes. It was commercial and desirable, easy to wear with the right amount of complex ideas. The incredible detailing, perfect proportions and lack of references to the past made this collection a winner.
Phoebe Philo went retro with her collection for Céline. Inspired by the interior of cars she used leather panels and a dark wood print. Coats were central and came minimal and tailored to perfection. Philo also reclaimed the white polo neck, ensuring it as one of autumn’s most coveted items for the modern woman. Colours ranged from pitch black, through earthy browns to rich burgundy with a flash of bright orange and a touch of powdery pink. The collection lacked trends, in the sense of fleeting fashion that is. It was a strange contradiction; how everything can be so of the moment yet feel entirely timeless (safe for a hint to the seventies). All in all, it was an incredibly elegant collection that showed Phoebe Philo’s unique eye for restraint. She provided staples for the everyday wardrobe of all women.
Rei Kawakubo juxtaposed deconstructed tailoring with dresses of bundled up scarves. It was in part a play on old stereotypes; the man dressed in an austere, simple suit and the woman clad in an elaborate and frivolous dress. Patterns, prints and colours of all kinds were thrown together, creating a slouchy, heavy silhouette. The tailored jackets came just as chaotic; chopped in the middle, stuck together with another as hybrids. The explosion of colours was an exciting and rarely seen element from a brand that pioneered black in fashion back in the 80s. In the midst of the current minimalism it seems only fitting that she’d present that. The two last looks were coats in shining gold matching the glittering hair. They really sealed the deal; anything Rei Kawakubo touches and wraps her mind around turns into fashion gold.
V E I N E BLACK & WHITE GIVENCHY
HAIDER ACKERMANN
LOUIS VUITTON
Amanda Lear a été présentée comme source d’inspiration de la collection, et la pochette de son album Roxy Music ajoute les panthères à équation. De la mousseline pure et délicate, assorti avec du cuir et du PVC. Tisci démontre un talent incroyable pour créer des motifs. Avec Amanda Lear et Betty Page comme inspirations et une sévérité catholique dans les looks, la collection semble être un testament à son éducation, et le complexe Madonna-catin est une idée qui attendait de faire surface depuis longtemps. Tisci fait souvent référence à la religion dans son travail, mais cette fois, c’est différent. Cependant, cette dualité est hors de propos. Ce que montre cette collection plus qu’autre chose, c’est l’assurance de Tisci dans son rôle chez Givenchy. Depuis son arrivée en 2005 il s’est approprié la maison. Sa libération des traditions est un succès.
La présentation poétique d’Haider Ackermann à Paris a laissé quelques yeux ébahis. La marche lentes des modèles, la voix sensuelle de Leonard Cohen récitant son poème «A Thousand Kisses Deep», le tout est hypnotisant. Il séduit le public avec ses créations voluptueuses dans des tons de pierres précieuses, rubis, émeraude et argent, et une jupe tranchée par des ouvertures sur les cuisses, incroyablement sensuelle. Le spectacle est d’un autre monde. Les couches de tissus font montre des impressionnantes techniques de coupes, assemblés à la manière d’une armure. La femme selon Ackermann a l’air forte de l’extérieur mais fragile à l’intérieur. Ce qui est remarquable chez le créateur est qu’il reste toujours fidèle àsa propre vision. Il crée des vêtements hors du temps, libérés de la mode actuelle. Peu de designers aujourd’hui présentent un travail si honnête et sincère.
Le fétichisme est le thème de la collection Louis Vuitton par Marc Jacobs. Le fétichisme au sens propre: un acte de culte et de soumission. Cela s’applique également aux accessoires, tels que les sacs à mains avec le logo LV au centre. Les menottes incrustées de diamants attachées aux sacs montre combien le consommateur est esclave de la mode. Quatres ascenseurs sophistiqués en argent, spécialement conçus pour le défilé avec l’emblème LV, amènent les modèles sur le catwalk. La coupe stricte et militaire des silhouettes rappelle le film de Liliana Cavani, Portier de nuit. En plus de l’idée d’asservissement, il y a aussi le sens de la responsabilisation dans le look de dominatrice. Le spectacle atteint son sommet quand Kate Moss fait son apparition, la première depuis 2004, fumant nonchalamment une cigarette. Le prêt-à-porter Louis Vuitton mise tout sur le show et il n’y a aucune raison que ce spectacle n’entre pas dans l’histoire de la mode.
Amanda Lear was stated as a source of inspiration and her Roxy Music album cover brought panthers to the equation. Sheer and delicate chiffon was matched with leather and PVC. Tisci showcased his incredible talent for creating prints. With Lear and Betty Page as inspiration and a catholic strictness in the looks, the collection seems to have been a testament to his upbringing. The Madonna-whorecomplex was an idea that boiled under the surface. Tisci often references religion in his work, but it was different this time. But this duality is quite irrelevant. What this collection showed more than anything else was Tisci’s confidence in his role at Givenchy. Since his arrival in 2005 he has made the house his own. Freeing his creativity from the strains of tradition has turned out to be a success.
Haider Ackermann’s poetic presentation in Paris left few eyes dry. The models marched slowly to the deep, sensual voice of Leonard Cohen reciting his poem ‘A Thousand Kisses Deep’ – the scene was hypnotising. He seduced the audience with his draped creations in tones of precious stones – ruby, emerald and silver. A skirt with slashes baring thighs was incredibly sensual. The scene was otherworldly. The layering of fabrics, showcasing the clever cutting techniques he’s applied, at times looked like armour. Ackermann’s woman may look strong from the outside but inside she is fragile. What’s remarkable with Haider Ackermann is that he’s stuck to his own vision all this time. He creates clothes that are out of time, free of trends and momentary hype. Not many designers today present work that is so honest and most of all believable.
Fetishism was the theme of Marc Jacobs’ Louis Vuitton show. Fetishism in its true sense that is: an act of worship and devotion. This of course applies among other things to handbags, putting LV in the centre. The diamond crusted handcuffs attached to bags illustrated how fashion enslaves consumers. Four elaborate iron elevators, specially made for the show with the LV emblem, brought the models to the catwalk. The military strict tailoring and porter caps evoked Liliana Cavani’s classic film The Night Porter. Apart from the enslavement idea there was also a sense of empowerment in the dominatrix look. The show reached its climax when Kate Moss made her first major catwalk appearance since 2004, leisurely smoking a cigarette. Louis Vuitton’s ready-to-wear collection is all about the show, and there’s no question this spectacle will go down in fashion history.
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C H R O N I Q U E S D E S D ÉE F I L ÉE S / C A T W A L K R E V I E W S
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MIU MIU
RICK OWENS
JW ANDERSON
Miucca Prada donne suite à la collection très fille et enfantine de Prada en donnant à Miu Miu un côté plus mature et sophistiqué. Le look est directement inspiré des années 40, une coupe minimale, des cols pointus, les lèvres rouges et les coiffures de l’époque. Des cols de vison et des ceintures lachées autour des hanches donnent une impression luxurieuse et distinguée, contrastée par l’aspect jeune et décontracté des casquettes masculines. La palette de couleur a une base sobre, du noir, du gris et du blanc, avec des touches de terracotta, du beige, du bleu marine et une apparition d’un magnifique jaune moutarde. Les imprimés choisis sont les hirondelles, une composition florale austère de paquerettes, de pissenlits et de muguet. Cette collection, puissante et minimale, est élégante, avec des touches étincelantes de glamour, sans pour autant perdre cette belle féminité.
Miucca Prada donne suite à la collection très fille et enfantine de Prada en donnant à Miu Miu un côté plus mature et sophistiqué. Le look est directement inspiré des années 40, une coupe minimale, des cols pointus, les lèvres rouges et les coiffures de l’époque. Des cols de vison et des ceintures lachées autour des hanches donnent une impression luxurieuse et distinguée, contrastée par l’aspect jeune et décontracté des casquettes masculines. La palette de couleur a une base sobre, du noir, du gris et du blanc, avec des touches de terracotta, du beige, du bleu marine et une apparition d’un magnifique jaune moutarde. Les imprimés choisis sont les hirondelles, une composition florale austère de paquerettes, de pissenlits et de muguet. Cette collection, puissante et minimale, est élégante, avec des touches étincelantes de glamour, sans pour autant perdre cette belle féminité.
JW Anderson s’est rapidement fait une place dans les collections femme, après avoir déjà eu beaucoup de succès dans la mode homme. L’irlandais présente une collection de vêtements totalement unisexe. À savoir, beaucoup de vêtements d’extérieurs, de pulls, et l’on aura même pu voir les longues jupes plissées dans le défilé homme quelques jours plus tard. Les hauts tricotés ont été judicieusement ouvert sur le devant et serrés autour de la taille. Les chaussures de randonnées vont avec la queue de cheval. Chaque pièce est portable sans jamais devenir ennuyante. Il y a quelque chose d’intriguant à propos des vêtements qui les rendent absolument désirables, sûrement dû aux combinations des imprimés, au tissu ou aux silhouettes. On est curieux de voir comment il va évoluer et ce qu’il proposera dans le futur. Anderson a quelque chose à dire et nous sommes impatients de l’écouter.
Miuccia Prada followed up her childishly girly collection for Prada’s mainline with a very grown up and sophisticated offering for Miu Miu. The look was fetched from the 1940s – minimal tailoring, pointy collars, striking red lips and hair styled according to the era. Mink fur collars and cummerbunds swept around the hips gave a luxurious and ladylike impression, while a youthful and sportswear edged came through the fabrics and the boyish caps. The colour palette had a sober base in black, grey and white with hints of rich terracotta, warm beige, navy blue and one exit in glorious mustard yellow. The prints of choice were of swallows or austere florals of daisy, dandelion seed and lily of the valley. This strong collection was minimal and elegant, with touches of glittery glamour, without losing the lovely girlishness.
Religion is the word that springs to mind, both as Rick Owens’ inspiration and to describe the following he’s gained. This is undeniably his most elegant collection yet. The almost angelic silhouette and wimples resulted in a look that was dramatically modest. A fair dose of leather, mink fur, heavy wool and chunky knits, shiny nylons and luxurious silk were the fabrics of choice. Brown, silver, midnight blue verging on grey and a striking red lip were added to his signature sombre palette. The layering of elongated sweaters was a lesson in perfect proportion. Drawing inspiration from the American couturier Charles James, he redesigned a padded jacket, adding his own straight forward attitude. This collection was nothing short of brilliant in the way Owens brought elegance to his aesthetic. What was truly impressive was how natural it felt.
JW Anderson is quickly making a name for himself as a womenswear designer after seeing success with his menswear. The Irishman presented a collection of clothes that were truly gender neutral. In fact, a lot of the outerwear, sweaters and even the full-length pleated skirts appeared again in his menswear show a few days later. Knitted tops were cleverly open at the front and tied around the waist. Hiking boots came with horsehair combed over. Every single item is wearable without ever becoming boring. There is something intriguing about the clothes that make them so desirable, be it the combination of prints, the fabric or the silhouette. One is curious to see how he evolves and what he comes up with in the future. Anderson has something to say in fashion and we’re eager to hear him out.
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GEORGE BOORUJY
Force de la nature George Boorujy est un artiste simple, et nous avons pris beaucoup de plaisir à lire ses réponses. L’art délicat qu’il offre au regard n’est pas prétencieux, et parle de lui-même. La nature, omniprésente, réelle à s’y méprendre, est pourtant fictive. Nous avons été transportés par une bouffée d’air frais.
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page précedente: Bahia Honda, 16x20, Encre sur papier. ci-contre: Brown Noddy, 30x42, Encre sur papier. VEINE MAGAZINE: Bonjour George, avant tout, veux-tu bien te présenter, qui es-tu, où es-tu basé, quel est ton parcours...? GEORGE BOORUJY: Je suis un artiste vivant à Gowanus, Brooklyn, New York. Pas très originale de ma part, mais c’est comme ça. Avant tout, je suis peintre. V: Peux-tu nous parler un peu de tes inspirations? Je dis souvent que mes oeuvres favorites (tous médiums confondus, vidéo, musique, dessin...) sont celles qui me rappellent des souvenirs que je n’ai jamais eu, et c’est exactement le cas avec ton travail. Il crée tout au monde de sensations, et j’aimerais savoir comment tu en es arrivé là? G.B: En gros, je suis inspirée par le monde. Je sais que ça a l’air vague mais c’est vrai. Mon travail parle de ce que l’on pourrait appeler le monde naturel, mais pour moi, c’est ÇA le monde. Nous pensons être séparés de la Nature, mais nous en sommes une partie intégrante. J’ai actuellement le cul posé dans un coffee shop, travaillant sur ordinateur connecté au monde entier grâce à des choses que je ne comprends pas vraiment, mais ça reste une part de ce monde. Ces mêmes fesses sont fermement plantées sur un banc fait de bois qui est né et vient bien de quelque part. Les parties en plastique de l’ordinateur ont été créées grâce à des éléments de notre terre, et le métal a été miné. Dans mon travail, j’essaie de montrer le monde tel qu’il est. Quelques unes de mes images peuvent semblées un peu fantastiques, mais elles sont toutes vraisemblables, et même probables. Ce sont simplement des choses que l’on ne voit pas facilement. Les gens me demandent souvent où est ce que je vois ce que je peins, et c’est un gros compliment. C’est entièrement inventé, spécialement les constructions, mais je veux qu’elles aient l’air le plus plausible possible. C’est ce qui leur donne leur pouvoir. Comme dans un film, quand tout explose tout le temps. Quand tout arrive en même temps, finalement rien n’arrive vraiment. La retenue et la prise de décision sont ce qui permet de donner un impact à quelque chose.
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V: Comment considères-tu le fait de pratiquer différents médiums? Pensestu qu’un artiste puisse se limiter à une seule chose? Pratiques-tu toi même
d’autres formes d’art? G.B: Je pense qu’un artiste peut se limiter à une seule chose, si c’est son genre. Je ne suis pas sûr d’en avoir déjà rencontré. Vous seriez surpris de voir combien de techniques différentes un artiste peut utiliser dans son processus de travail. Je sculpte beaucoup. Et je prends beaucoup de photos (J’étais vraiment meilleur lorsque je n’avais pas d’appareil numérique. Quand on n’a plus de limites de photos, on est moins perfectionniste). J’ai travaillé comme potier pendant un temps, ce qui fait que je n’ai pas vraiment peint pendant 3 ans. Je ne suis certainement pas encore totalement attaché à la peinture. Je sais simplement que c’est ce qu’il y a de mieux pour retranscrire mes idées. Et j’aime le côté technique, et le fait d’essayer, d’aller plus loin et de la dompter. Au moins un peu. Utiliser de l’encre sur papier aiguise les capacités car vous n’avez pas vraiment le droit à l’erreur. Enfin, vous POUVEZ, mais après vous n’avez plus qu’à recommencer. Cette perspective aide tout à fait à se concentrer. C’est la raison pour laquelle je ne bois jamais quand je peins. Enfin, jamais plus de deux bières. V: Si tu devais choisir ta meilleure expérience personnelle, quelle serait-elle (expositions, collaborations...)? G.B: Ma meilleur expérience est très egocentrique. La satisfaction de voir quelque chose tourner exactement comme on le voulait. V: Si tu n’avais potentiellement aucune limite de temps, d’argent et de place, quel genre de “pièce ultime” tu aimerais créer? G.B: J’aimerais faire un film. Je pense que c’est ce vers quoi je pourrais me diriger. Je veux combiner le mouvement, les mots, et le son. Et au niveau pictural, j’aimerais peindre sur le pan d’une montagne. C’est totalement megalo, mais je m’en fiche. J’aimerais faire une image de plus de 300 mètres. V: Que penses-tu du monde de l’art? Le trouves-tu créatif, motivant, ou au contraire, paresseux et conventionnel? G.B: Le monde de l’art, c’est tout ça en même temps. Mais également un
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Glacier, 38x50, Encre sur papier. tout autre monde. C’est la vie. Le problème est que le monde de l’art se présente comme étant au premier rang de la créativité et le moyen de jouer avec les conventions. Ce n’est pas très différent du milieu du cinéma ou de la musique. Le musicien le plus populaire de tous les temps est-il pour autant le MEILLEUR? Bien sûr que non. C’est pareil pour la musique. Pour être honnête, je ne me sens pas vraiment comme faisant partie du «monde de l’art», et j’ai tendance à me moquer de ce qui en sont trop prisonniers, ou de n’importe quel autre «milieu», pour ce que ça vaut. Cela vient un peu fait que je déteste vraiment l’art pour l’art. Je ne suis pas courant des tendances et de qui est la nouvelle sensation, et je suis totalement inculte en matière de galeries, de critiques, de vendeurs, et tout le reste. Ça peut paraître vraiment gamin et ennuyeux. J’entre en contact avec des artistes, des galeries, et des collectionneurs que j’apprécie et qui m’inspirent et je protège précieusement ces relations. Le monde l’art, comme tous les autres, est seulement ce que tu en fais. V: Et pour finir, peux-tu nous en dire un peu sur tes projets à venir? G.B: Je travaille actuellement sur de nouvelles peintures pour une exposition à venir à la galerie P.P.O.W, et aussi sur un autre projet. Je mets des dessins originaux d’oiseaux dans des bouteilles, et les lâche dans les voies d’eau de New-York. Je voulais mettre en Iumière notre connection et notre impact sur l’océan, explorer la valeur de ce que nous jetons, ainsi que celle de l’art. Ça a été très drôle à faire, et une grosse occasion de visiter la ville et faire quelque chose en plus que de simplement peindre dans mon studio. Quelques bouteilles ont été trouvées, et un portrait assez intéressant de qui a accès à ces voies d’eau est à venir. Voici d’ailleurs le lien du projet: www.nypelagic.com
Retrouvez George sur internet via:
www.georgeboorujy.com
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Chira-Mante-Kamui, 55,5x84, Encre sur papier.
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Settlement 2 (cargo ship), 26x33, Encre sur papier.
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And the Plains Opened Up Before Us, 43x85, Encre sur papier.
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GEORGE BOORUJY
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Force of nature George Boorujy is a simple artist,and we we took a lot pleasure while reading his answers. The delicate art he offers is not pretencious, and speak by itself. Nature, omnipresent, more than realistic, is nevertheless fictive. We felt like transported by a fresh air blow. VEINE MAGAZINE: Hi George, first of all, could you present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus...? GEORGE BOORUJY: I’m an artist living in Gowanus, Brooklyn, New York. Not very original of me, living in Brooklyn, but there you have it. Primarily, I’m a painter. V: Can you tell us a little bit more about your inspirations? I often say that my favorite pieces of art (in every mediums, as video, music, drawings...) are the ones that bring me back to memories I never had, and this is exactly the case with you work. It creates a whole world and sensation, and I’d like to know how you come to this? G.B: Basically, my inspiration is the world. I know that sounds vague and flighty but it’s true. My work is about the natural world, I guess you’d say, but for me that IS the world. We think we’re separate from Nature, but we ARE Nature. My ass is sitting right now in a coffee shop, working on a laptop connected to the entire world through processes that I don’t quite understand, but it is all still of this world. That same ass is planted firmly on a bench made out of wood that grew and came from somewhere. The plastic parts of the computer were put together out of stuff of this earth, the metal was mined. In my work, I’m trying to show the world for what it is. Some of the images may seem a bit fantastic, but they are all possible, and quite frankly, probable. They are just things that you would maybe not see easily. People often ask where I’ve seen what I’ve painted, and that’s a big compliment. It’s all invented, the buildings especially, but I want them to seem totally plausible. That’s what can give them their power. When things are totally surreal, and off their hinges, it just doesn’t have any power. Like a movie where everything is blowing up all the time. When everything’s happening, nothing is happening. The restraint and decision is what can make something hit hard. V: How do you consider the fact of practicing different mediums? Do you think an artist can limit himself to only one thing? And do you practice other forms of art? G.B: I think an artist can limit him/herself to one thing, if that’s the kind of artist they are. But I’m not sure I’ve met that artist. You’d be surprised how many disciplines an artist employs in their process getting to their finished work. I sculpt a lot. And I take a lot of photos ( I was certainly better at that particular discipline before I got a digital camera. When unlimited photos are possible, I don’t try as hard.) I worked as a potter for a while and didn’t really make any paintings for three years. I’m certainly not married to painting still. I just know it’s what I can best use to get across my ideas. And I do enjoy the craft and attempting to push it and master it. At least a little. Using ink on paper hones one’s skills because you can’t really make mistakes. Well, you CAN, but then you have to start over. That prospect certainly helps you concentrate. That’s the reason I never drink while I paint. Well, no more than two beers.
eventually. I want to combine movement, words, sound. As far as pictorially, I would love to paint the side of a mountain. That’s so egotistical, but I don’t care. I would love to make an image a thousand feet across. V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional? G.B: The art world is all those things. But so is every other world. That’s life. The problem is that the art world presents itself as being on the forefront of creativity and of challenging convention. It’s not that different in film or music. Is the most popular musician at any given time actually the BEST musician of that time? Of course not. Same goes in art. To be honest, I don’t really feel like I’m part of the “art world”, and I tend to bristle at those who seem too caught up in it, or any “world” for that matter. Some of this stems from the fact that I really dislike art about art. I don’t keep up with who and what’s hot and I’m shockingly clueless about gallerists, critics, dealers, and all that. It can all seem very middle school-ish and boring. I come into contact with artists, galleries, and collectors that I like and am inspired by and I foster those relationships. The art world, like any other, is what you make it. V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your current projects? G.B: Currently I’m working on new paintings for an upcoming show at P.P.O.W. Gallery, and also on another project. I’m putting original drawings of open ocean birds into bottles, and launching those bottles into New York waterways. I wanted to highlight our connection to and impact on the ocean, explore the value of what we throw away, and the value of art. It’s been a very fun project, and a great chance to explore the city and do something in addition to making paintings alone in the studio. A few bottles have been found so far, and an interesting portrait of who acesses the waterfront is emerging. Here’s the site for the project: www. nypelagic.com.
You can find George on the internet via:
www.georgeboorujy.com
V: If you had to chose the best experience you ever had, what would it be (collaborations, exhibitions...)? G.B: The best experience has been very selfish. The satisfaction of having something turn out exactly how I wanted. V: If you had potentially no financial, place or time limits, what sort of « ultimate piece » would you like to create? G.B: I would love to make a film. I think that’s where I may be heading
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SANG NEUF Autre artiste découverte sur Tumblr, Anna est jeune. Pourtant, son travail photographique dégage une certaine maturité, surprenante pour son âge. On y retrouve les histoires et les choses qu’elle cherche à communiquer. Nous pensons que c’est une personne à suivre de près, et avons donc décider de vous en faire profiter.
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“Je photographierais des hiboux avec trois garçons recouverts de perles, sur la Lune donc.”
VEINE MAGAZINE: Bonjour Anna, avant tout, peux-tu te présenter? Qui es-tu, où es-tu basé, quel est ton parcours...? ANNA BIRCHALL: J’ai eu 16 ans il y a 4 jours. Je fais l’école à la maison depuis à peu près un an parce que mon expérience au lycée de chez moi n’a pas vraiment été bonne. Mais demain, je rentre en internat. Ça me tarde tellement, sachant que je suis une grande fan de Harry Potter - et quel gosse n’aurait pas voulu être à Poudlard? Je vis en Nouvelle-Zélande, dans la région de Palmerston North. C’est un endroit incroyable pour grandir, et incroyable pour sortir pendant les vacances, et il est temps de grandir un peu. V: Comment considères-tu le fait de pratiquer différents médiums? Pensestu qu’un artiste puisse aujourd’hui tout exprimer en se limitant à un seul médium? A.B: Je pense que cela dépend de la volonté de l’artiste d’explorer une ou plusieurs choses. Et en termes de limites, je crois que les capacités sont seulement limitées si l’esprit l’est. V: Si tu devais choisir la meilleure des expériences artistique que tu ai vécu, quelle serait-elle (expositions, collaborations...)? A.B: Quelle question! Des collaborations... J’aimerais travailler avec plusieurs mannequins. Je suis un peu limitée aux amis, et aux amis de mes amis pour l’instant. J’aimerais tellement photographier Lewis Clegg, Jaco Van Hoven et Louise Van Der Vorst. Concernant les expositions, je verrais plus ça comme une collaboration avec le publique. J’aimerais avoir ma propre exposition dans les deux ans à venir. V: Si tu n’avais, potentiellement, aucune limite d’argent, de temps et de lieu, quelle serait « l’oeuvre ultime » que tu aimerais créer? A.B: Ces questions sont telles que le monde devrait être! Un shooting sur la lune, ça serait terrible. La vraie lune je veux dire, pas un plateau. Si il n’y a pas de limites, ça devrait être faisable. Je photographierais des hiboux avec trois garçons recouverts de perles, sur la Lune donc.
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V: Que penses-tu du monde de l’art aujourd’hui? Le trouves-tu créatif et
motivant, ou au contraire, lent et conventionnel? A.B: Le monde de l’art est devenu une «grosse affaire» - comme le reste de la société, il est bien plus ouvert. Au XIX° siècle, on se posait pas la question de «qu’est-ce que l’Art?». J’ai vu un jour, dans une exposition, une toile entièrement blanche. Apparemment, c’était de l’art. Je pense que ça devient naturellement plus compétitif au fur et à mesure que le monde évolue. Je trouve que c’est dommage que les formes d’art moins conventionnelles soient en manque de nouveauté. V: Enfin, pour conclure, peux-tu nous un peu nous parler de tes projets à venir? A.B: Je n’aurai pas beaucoup de temps pour la photo à l’école, donc j’utilise le temps que j’ai pour construire une importante collection d’idées, de façon à ce que, quand les vacances d’été se pointent, je puisse pratiquer au maximum. J’ai récemment fait l’acquisition d’une caméra, donc en plus des idées de photos, j’ai également des envies de petites vidéos. La vidéo me touche vraiment, donc me plonger là-dedans est définitivement dans mes plans.
Vous pouvez retrouver Anna sur internet via:
mcbirchall.tumblr.com
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SANG NEUF Autre artiste découverte sur Tumblr, Anna est jeune. Pourtant, son travail photographique dégage une certaine maturité, surprenante pour son âge. On y retrouve les histoires et les choses qu’elle cherche à communiquer. Nous pensons que c’est une personne à suivre de près, et avons donc décider de vous en faire profiter. VEINE MAGAZINE: Hi Anna, first of all, could you present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus...? ANNA BIRCHALL: I turned sixteen just four days ago. I’ve been home schooled for a little over a year because going to the local high school didn’t turn out so well, but tomorrow I’m starting at a boarding school. I’m ever so excited to start, based on me having likened it so much to Hogwarts from Harry Potter - and what kid wouldn’t want to go to Hogwarts? I live in Palmerston North, New Zealand. It’s a pretty terrific place to grow up in, and a pretty terrific place to get out when high school’s over, and it’s time to grow up an inch. V: How do you consider the fact of practicing different mediums? Do you think an artist can limit himself to only one thing? A.B: I think it depends on the artist’s desire to explore. And in terms of limitations, I believe the ability is only as limited as the mind. V: If you had to chose the best experience you ever had, what would it be (collaborations, exhibitions...)? A.B: This is such a big question! Collaborations, I would love to share the working part with a wider range of models. i’m a little limited to friends and friends of friends at the moment. I would love ever so much to photograph Lewis Clegg, Jaco van Hoven and Louise Van Der Vorst. And exhibition, I shall count this a collaboration with the public almost. I would love to have my own exhibition within the next two years. V: If you had potentially no financial, place or time limits, what sort of « ultimate piece » would like to create? A.B: These questions are the way the world should be! A shoot on the moon would be ever so terrific. Though it’d have to be the real moon, and not a set - when there are no limits, that simply wouldn’t so. I would shoot owls with three boys in pearls on the moon.
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V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional?
A.B: The art world has developed a great deal - like the rest of society, it’s far more open. The 1800s didn’t beckon the ‘what is art?’ question. At an art exhibition, I once saw a blank canvas and apparently it was art. I think it’s rapidly becoming more competitive as the world naturally expands. I think it’s a shame how less conventional art forms have lost a great deal of novelty. V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your current projects? A.B: I’ll have little time to shoot at school, so I’m using this time to build an impressive collection of ideas so when the summer holidays hoon ‘round, I can shoot like there’s no tomorrow. I have recently acquired a camera that takes video so in amongst the ideas are short film ideas. Filmography really appeals to me, so delving into that is absolutely definitely on the cards.
You can find Anna on the internet via:
mcbirchall.tumblr.com
SEBASTIEN
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PRECHOUX Human versus Machine Fatigué de voir le numérique faire perdre toute valeur aux techniques manuelles, Sébastien a élaboré un concept de reproduction de cette esthétique, sans l’aide d’aucune technologie. Ses figures géométriques sont fascinantes de précision, et les espaces dans lesquels il les placent apportent une importante valeur photographique. On ne pouvait qu’être attirés. VEINE MAGAZINE: Bonjour Sébastien, avant tout, peux-tu te présenter? Qui es-tu, où es-tu basé, quel est ton parcours...? SEBASTIEN PRESCHOUX: Sébastien Preschoux, 36 ans, je vis et travaille à Paris, autodidacte. V: Peux-tu nous parler un peu de tes inspirations? Comment en es-tu venu à ce concept de « Man versus machine »? S.P: Mes inspirations proviennent majoritairement d’une fascination que j’ai depuis l’enfance pour les formes géométriques, les effets d’optique et les jeux de perception, mais aussi et surtout une admiration pour les gens qui travaillent avec leurs mains. Mes inspirations viennent tant des grands noms du OP(tical) art que de gens ne provenant pas du milieu artistique. Le concept du « man versus machine » est né suite à une indigestion et un profond ras le bol de cette profusion d’images numériques qui ne relevé plus que de la performance technologique que la magie de la création humaine, c’est grâce à tel filtre ou tel effet que l’on peut avoir ce rendu visuel, et quelques semaines plus tard tout le monde rivalisait de production formatée, à grand coup de pomme Z ou control Z et au final les doigts ne servent plus qu’à cliquer… et sans ordinateur que vont produire ces gens là? Je suis donc partis dans ce sens est-ce que je peux produire manuellement un résultat proche de la machine ? je connaissais déjà la réponse mais m’y confronter m’amusait… si bien que certains de mes dessins, sur fond noir par exemple, ne peuvent être imprimés en offset ou en numérique.
V: Lorsque j’ai découvert ton travail, j’ai été impressionné par ta technique et ton choix des lieux, à chaque fois judicieux. Peux-tu nous expliquer comment tu procèdes lorsque tu commences un nouveau travail? S.P: Pour un nouveau travail, que ce soit une installation ou un dessin il y a deux points importants : 1 – Faire mieux que la fois précédente, plus complexe, plus grand… 2 – Prendre le plus de plaisir possible ! Pour ce qui est des installations, je travaille avec mon binôme : Ludovic Le Couster (photographe), nous avons chacun dans notre domaine une approche similaire. Nous partons tous les deux avec le matériel ,dans un environnement déterminé à l’avance, et lorsque nous sommes d’accord sur un lieu je commence l’installation, lui me demande ce que je compte faire et choisit le point de vue. Une fois le point de vue choisi, je fais l’installation puis Ludovic prend la photo au moyen format. Nous ne découvrons le résultat qu’une fois les films développés, on choisit la photo ensemble et on en fait des tirages. V: Comment considères-tu le fait de pratiquer différents médiums? Pensestu qu’un artiste puisse aujourd’hui tout exprimer en se limitant à un seul médium? S.P: C’est pour moi, fondamental et vital Cellar de travailler sur différents médiums… sinon l’ennui peut très vite s’installer. Un médium va nourrir l’autre et me faire progresser. Je ne sais pas si un artiste peut ou non tout exprimer en se limitant à un
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seul médium, je pense que tant que le medium t’inspire ou te laisse des champs de possibilités et de liberté il serait dommage de ne pas l’exploiter jusqu’au bout. C’est assez fascinant de voir des gens qui toute leur vie vont travailler un seul medium, il y a là une obstination respectable. En ce qui me concerne je suis trop curieux pour me limiter à un seul moyen d’expression, mais il faut les travailler en profondeur et les maitriser. V: Si tu devais choisir la meilleure des expériences artistique que tu ais vécu, quelle serait-elle (expositions, collaborations...)? S.P: Difficile de répondre à cette question, toutes ont eu leur lot de belles choses. Cependant ma rencontre avec David Bloch (grâce à Alexone et Nicolas Chenu) a été déterminante pour moi, d’un seul coup j’avais des bienfaiteurs autour de moi. David m’a proposé une exposition solo où tout était possible je n’avais qu’à demandé. Je souhaite à n’importe quel artiste de rencontrer un galeriste comme lui, toujours enthousiaste, optimiste, volontaire et encourageant… Et ça continue…
V: Enfin, pour conclure, peux-tu un peu nous parler de tes projets à venir? S.P: En Septembre je retourne au Brésil pour une nouvelle installation, puis marrakech avec la david Bloch Gallery pour la Art Fair, ensuite nouvelle expo personnelle toujours avec la David Bloch Gallery à Marrakech en mars 2012, et deux gros projets pour Paris début et fin 2012…
Vous pouvez retrouver Sébastien sur internet via:
www.m-vs-m.com
V: Si tu n’avais, potentiellement, aucune limite d’argent, de temps et de lieu, quelle serait « l’œuvre ultime » que tu aimerais créer? S.P: Un tissage cubique monumental, flottant en pleine nature au dessus de la ligne d’horizon… V: Que penses-tu du monde de l’art aujourd’hui? Le trouves-tu créatif et motivant, ou au contraire, lent et conventionnel? S.P: Je ne suis pas à même de juger le monde de l’art. Je ne peux pas avoir de jugement négatif sur la production artistique, elle doit exister, après j’y adhère ou non, mais c’est un autre débat. Certes, je suis beaucoup moins sensible à la forme d’art contemporain où il suffit de chier dans une assiette en plastique et se taper 10 pages de texte qui justifie plus ou moins bien le geste, ça ne me parle pas, mais quiconque produisant de ses petites mains devrait être respecté et encouragé pour cela !
ci-contre: Nocturne IV page suivante: Autumn
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DELTA yellow, 33cm x 41cm , Acrylique sur lin
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SEBASTIEN
PRECHOUX Human versus Machine Tired of seeing digital making manual technics lose all their value, Sébastien has elaborated a concept of reproduction of this aesthetic, without the help of any technology. His geometric figures are fascinating by their precision, and spaces in which they are placed bring a strong photographic value. We could not help of being attracted. VEINE MAGAZINE: Hi Sébastien, first of all, could you present yourself? Who you are, where you’re based, what is your cursus...? SÉBASTIEN PRESCHOUX: Sébastien Preschoux, 36 years old, I live and work in Paris, self-taught. V: Can you tell us a little bit more about your inspirations? How did you came to this concept of “Man versus Machine”? S.P: My inspirations principally come from a fascination for geometric shapes, visual effects and perception tricks I have from my childhood, but also and especially from an admiration for people who work with their hands. I’m as much inspired by famous OP(tical) art names than by people who are not part of the art world. The concept of«man versus machine» was born because of an indigestion and a deep tiredness of digital images that are only valued by technologic performances instead of the magical of human creation. Thanks to that filter, or that effect, you got a formated production, using «cmd Z» or «control Z» too much. At the end, fingers are just good to click... Without any computer, what would those people create? So I started from that point, wondering if I could manually product something near from a machine production. I already knew the answer but the idea of being confronted to it was funny... Finally, some of my drawings, on black background for example, can’t be offset or digitally printed. V: When I discovered your wok, I’ve been impressed by your technic and the choice of places, always justified. Can you explain us how you proceed when you begin a new project? S.P: For a new work, either an installation or a drawing, there are two important points: 1 - To do better than before, bigger, more complex... 2 - To have as much pleasure as possible! About installations, I work with my binomial: Ludovic Le Couster (photographer), we have, each in our own domain, a similar approach. We go together, with the equipment, in an environment we chose before, and when we agree on a specific place I start to install, he asks what I want to do and choses the point of view. Once it’s fixed, and the installation is done, Ludovic takes a picture in medium size. We only discover the result when the film is revealed, we chose the photo together and finally develop it. V: How do you consider the fact of practicing different mediums? Do you think an artist can limit himself to only one thing? S.P: For me, it’s essential and vital to work with different mediums... Otherwise you’re quickly bored. A medium will feed another and make you evolve. I don’t know if an artist can express everything or not by limiting himself to one medium, I think that, as long as the medium inspires you
and gives you possibilities and freedom, it would be sad to not exploit it as much as possible. It’s quite fascinating to see people who work with only medium during their whole life, there’s a form of obstination that I respect. As far as I concerned, I’m too curious to be limited to one way of expression, but you have to work ever medium with deepness and master them. V: If you had to chose the best experience you ever had, what would it be (collaborations, exhibitions...)? S.P: It’s hard to answer this question, they all had their part of good things. But my meeting with David Blooch (thanks to Alexone and Nicolas Chemu) has been determinating for me, I suddenly had benefactors around me. David proposed me a solo exhibitions where everything was possible, I just had to ask. I wish to every artist to meet a galerist like him, always enthusiastic, optimistic, volunteer and encouraging... And it keeps going... V: If you had potentially no financial, place or time limits, what sort of « ultimate piece » would like to create? S.P: A monumental and cubic weaving, floating in a deep nature above the skyline... V: What do you think of the art world? Do you consider it as creative, motivating, or on the contrary, lazy and conventional? S.P: I’m not able to judge the art world. I can not have a negative judgment on artistic production, it has to exist, besides that, I stick to it or not, but that’s another debate. Yes, I’m really not sensible to contemporary art where you just have to shit in a plastic plate and eat 10 pages of text more or less justifiying the gesture, it doesn’t speak to me, but anybody producing with his little hands should be respected and encouraged for that! V: And as a conclusion, can you tell us a little bit about your current projects? S.P: In september, I go back to Brazil for a new installation, then Marrakech with the David Bloch Gallery for the Art Fair, after that I’ve got a new solo exhibitions, still with the David Bloch Gallery, in Marrakech for march 2012, and finally, two big projects in Paris at the beginning and the end of 2012...
You can find Sébastien on the internet via:
www.m-vs-m.com
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INTERVIEWS
ANGELA ANGELA FRALEIGH FRALEIGH
Slight, 72 x 96, Huile et résine alkyde sur toile.
Rebelle sagesse Angela Fraleigh est une personnalité complexe. Vous allez voir tout au long de son interview, la plus longue que l’on ai eu à ce jour, que la base de son travail remonte très loin, rendant l’ensemble extrêmement solide. La force que l’on peut ressentir au travers de ses images est pensée, visée. Pour autant, elle laisse la rêverie intacte. Bonne lecture. 94
VEINE MAGAZINE: Bonjour Angela. Tou d’abord, j’ai vraiment été impressionné par ton cursus présenté sur ton site. Toutes ces exposition, publications, collaborations... Peux-tu nous en dire un peu plus sur toi? Qui es-tu, où es-tu basée, quel est ton parcours...? ANGELA FRALEIGH: Je suis né à Beaufort en Caroline du sud, mais ai grandi à Salt Point, dans l’état de New-York. J’ai optenu un diplôme en peinture à l’Université de Boston, ainsi qu’à Yale en 2003, avant d’obtenir la bourse Alice Kimball English, qui m’a permis de voyager à travers toute l’Europe. Ensuite, j’ai déménagé à Houston, où j’ai été honoré d’une association de 2 ans à la résidence d’artistes CORE grâce au programme du Musée des Beaux-Arts de Houston. J’ai exposé dans de nombreux lieux tels que la Galerie P.P.O.W à NewYork ou la Galerie Inman à Houston, entre autres. J’ai été nominée pour le prix de la Fondation Joan Mitchell, du Louis Comfort Tiffany, et ai participé à plusieurs programme internationaux de résidences d’artistes. Mon travail a été chroniqué par Ken Johnson du NY Times, Claire Barliant de Artforum et Modern Painters, Michelle White, Associate Curator à la Collection Menil, et Elizabeth Dunbar. V: En regardant ton travail de 2003 jusqu’à maintenant, on peut voir combien il a évolué, et toute la maturité qu’il a acquéri, mais il est toujours plein d’idées, et fait appel à des sensations personnelles, à différentes symboliques, et au sexe, de façon évidente. De quoi t’inspires-tu? Où trouves tu tes idées lorsque tu commences une nouvelle painture? A.F: Je suis toujours en train de chercher. J’ai eu une sorte de passage à vide récemment, après la «finalisation» d’un travail qui m’a pris 5 ans de peintures. De 2003 à 2008, j’ai travaillé sur une série de grands formats ( 2,40 x 1,80 ) à la peinture à l’huile qui explore, examine et questionne les concepts de genre, de pouvoir, et d’identité, sachant qu’ils représentent simultanément l’histoire de l’art, la littérature, la culture populaire, et l’ensemble des façons que nous avons de construire le sens individuel et le sens collectif. Ce travail a été principalement inspiré par mon histoire personnelle, ou plutôt, des histoires personnelles de mes parents. Ce n’était pas nécessaire que les gens le sachent en observant mon travail, mais c’était le fil directeur qui m’a permis de me questionner sur un ensemble de contextes plus vaste, tels que la beauté, la classe, le genre et les rôles que l’on joue. Je me suis intéressé à la complexité du désir, au pouvoir que les gens ont à leur disposition et comment ils l’utilisent. Le travail a été compliqué par certaines structures de force. L’ambiguité de la peinture et le langage corporel se dissimulent là où se trouve l’autorité, dérangeant notre compréhension des relations humaines, tandis qu’en approfondissant notre recherche du pouvoir, nous luttons pour alimenter certaines relations politiques, sociales ou intimes. Ces peintures étaient nourries par des anecdotes, des informations, de nouvelles histoires, des films... Il semblait que tout autour de moi se retrouvait dans mon travail. Mais en 2008, je savais que le travail que je faisais depuis si longtemps arrivait en quelque sorte à sa fin. Mon attitude envers ces motivations conceptuelles a changé et ma façon de peindre n’était plus claire pour moi, sans cette résonance interne. De frustration, je ne savais plus quelle direction prendre pour y remedier. C’était également pendant le début de la crise économique... Il y avait un sentiment de peur généralisé dans l’air, et pourtant j’étais suffisamment aisée pour ne pas ressentir le sérieux bouleversement dans lequel tant de personnes ont été plongées. Je n’étais pas immunisée contre la psychologie du moment. L’atmosphère était complexe, lourde et confuse. Pour être honnête... Cette dernière année et demi craignait. J’ai connu la pire des sensations_vouloir travailler, mais ne pas savoir sur quoi... Eurk. Je voulais vraiment faire quelque chose mais je n’avais rien à quoi m’accrocher, rien dans quoi je puisse véritablement me plonger. J’ai eu beaucoup d’arrêts et de démarrages mais j’ai réalisé que je ne respectais simplement pas la «période d’incubation». Je pense que nous avons besoin
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de ces moments dans un parcours créatif; une période de gestation, peut-être doublée d’expériences qui échouent. Je pense que j’étais trop obnubilée par l’idée du «résultat final», et ce genre de déraillage était frustrant mais nécessaire. En revenant sur les images, les textes, la musique, et même le genre de conversations par lesquels j’étais attirée, j’ai pu construire les bases d’un nouveau travail. Je pouvais collecter un certain genre de textures ou de couleurs, toutes ces petites conneries qui m’attiraient et que je collectais comme des curiosités. J’ai des milliers d’images, de fragments de textes, des petits croquis, des tonnes de peintures, d’objets, tout cela générant une sorte de vocabulaire auquel je pourrais revenir, tel un détective en quête de preuves, en espérant y trouver un sens. La pièce finale du puzzle m’est venue lorsqu’une personne que je n’avais pas vu depuis 20 ans est revenue dans ma vie. Elle était totalement différente de ce que j’espérais, et j’ai compris que j’avais construit un mythe complet autour de cette personne. Ça a ouvert les vannes, m’amenant à me demander ce qui arrive à toutes ces créations, ces scènes imaginaires, ces gestes, ces expressions? Qu’arrive-t-il aux personnages que tu t’ai créé et à la vie qu’ils ont eu quand ils sont brusquement remplacés par une sorte de réalité différente? D’un point de vue plus terre à terre, c’est le même type d’expérience que de lire un roman, se créer une vision personnelle et totale des personnages et des évènements, puis d’être déçu par son adaptation au cinéma. Toutes les présences complexes que l’on s’est construit sont remplacées par l’imaginaire d’une autre personne et l’on se sent subitement vide. Mon nouveau travail parle d’engager ces souvenirs avant qu’ils ne glissent, nous échappent et soient remplacés par une réalité plus concrète. Cette étincelle en plus m’a permis de créer des connections, des liens entre les différents fragments réunis au cours de ces deux dernières années. D’une certaine façon, ce procédé se retrouve dans le travail lui-même. Dans mon travail actuel, chaque image est le personnage d’une histoire. Des bouts d’un passé sur lequel j’ai peu d’indices. Quand j’étais petite, nous vivions dans une caravane, nous avions un raton laveur comme animal de compagnie, mon père avait de longs cheveux blonds, il a grandi dans un marée en Caroline du sud, et fumait beaucoup d’herbe. Mais encore une fois, ce travail ne parle pas vraiment d’une histoire personnelle, mais plutôt de chercher à comprendre comment une personne se construit ses propres scénarios, et comment sont pensées et conçues les histoires, qu’elles soient personnelles et collectives. J’examine de quelle façon ces vies fantasmées tourbillonnent autour de plus petites idées, prenant de la force et du pouvoir au fur et à mesure qu’on les fait évoluer, jusqu’à ce qu’elles deviennent indépendantes, séparées de la «réalité», qui n’était qu’un simple flash. Je pense que ce nouveau travail modifie et exploite les notions de nostalgie d’une jeunesse perdue, quand tout semblait possible, et que cet idéalisme restait finalement intact par rapport à la défaite et aux échecs. Il y a un désir persistant à garder des idéaux doux et superficiels mais ils entrent en conflit avec un emmêlage d’inconfort et de dissolution. C’est une tentative de figer le passé, alors que le futur continue de défiler, distordant et dérangeant la vision. Cependant tout ceci est très différent pour moi, ce travail peut être probablement vu comme une continuation des peintures construites par le biais de structures narratives. Mes personnages sont créés pour dépasser le statut de victime, le trauma, et le manque d’aide pour continuer d’évoluer de façon constante. Les vies, internes et externes, s’opposent et se mêlent et le passé, le présent et le futur glissent et disparaissent, créant des vides et des parts d’ombres. C’est dans cet entre-deux que mon travail se situe. Le fait de travailler sur quelque chose avec intensité doit vraiment venir d’un intérêt profondément personnel. Il faut que ça résonne en nous. Mon travail ne s’arrête pas là et j’espère vraiment que les gens le voient tel qu’il est, sans fin préconçue... J’avais l’habitude de garder les liens narratifs de mes oeuvres cachés, de peur que les gens ne voient plus que ça. Mais je pense que si les gens sont vraiment intéressés, ils ne
“Quand j’étais petite, nous vivions dans une caravane, nous avions un raton laveur comme animal de compagnie, mon père avait de longs cheveux blonds, il a grandi dans un marée en Caroline du sud, et fumait beaucoup d’herbe.”
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INTERVIEWS s’y arrêteront pas et chercheront plus loin. Je sais que quand j’entends des artistes parler ou que je lis des interviews, je préfère les anecdotes aux grands discours, donc je me suis ouverte. C’est un risque mais qui, je l’espère, vaut le coup. V: Peux-tu expliquer, techniquement, comment ton travail progresse? Parstu d’abord d’une image concrète, avant de rajouter de la peinture? Ou tu sais déjà exactement à quoi tu veux que ça ressemble à la fin? A.F: Et bien, comme je l’ai dit avant, tout part d’une idée de ce que je veux peindre. Quel est le sujet, le concept. Je dessine. Je lis. J’écris. Je trouve des extraits de littérature, de poésie, des petits bouts de textes qui évoquent tous une certaine sensation. Je trouve des images qui vont représenter l’état d’esprit que je cherche... Je fais également des vidéos et des photos comme bases de travail. Je force mon mari à porter uneperruque, à s’habiller comme moi, et le filme pendant des heures_ le tout complété par une machine à fumée ou une lumière désagréable. Mais, pour en venir à la partie dont je pense que vous parlez, je tends la toile de 2,40 x 1,80 sur un cadre, applique du gesso, et c’est parti. Je fais d’abord un croquis au fusain pour poser la composition. Puis l’essuie totalement de façon à ce qu’il ne reste qu’un «fantôme» de l’image. Je fais une sous-peinture pour donner un sens à la composition, et après ce premier jour, je pose la peinture à l’horizontal et dépose légèrement un peu de liquide. Beaucoup de gens pensent que je fais d’abord la partie figurative avant de verser une mixture d’huile et de résine synthétique par-dessus. C’est plus au moins un peu de l’un, un peu de l’autre. Je compare ça à un procédé de collaboration, vu que la peinture a son propre but et que le processus alterne entre contrôle et hasard. Je vais ainsi d’avant en arrière autant de fois qu’il le faut pour terminer la pièce. Ça amène évidemment à des moments de peinture inconsciente que je ne cherche pas à créer ou contrôler, de façon intentionnelle. Après une nuit de repos, je reviens au studio pour découvrir que l’image s’est tragiquement soulevée, abîmée, et parfois même effacée. Plusieurs jours de travail peuvent se retrouver effacés en une nuit. Le déplacement de la peinture sur la toile altère chimiquement tout ce qui se trouve sur son chemin, détruisant cette seule précieuse image. Cela aboutit à une série d’effets imprévisibles, vu que la mixture versée est mélangée avec de la peinture humide appliquée au pinceau. Des fois la peinture va déborder sur le visage, laissant des îles de «peau» flotter au milieu de blocs de peinture juteux. À d’autres moments, ça va perler et s’unir en plusieurs colonies mitochondriques. Les éléments figuratifs développent des bulles, des affaissements, ou parfois même se cassent et se séparent et l’abstraction peut paraître tri-dimensionnelle; être située n’importe où entre la séduction et la confiserie et des bâillements marqués, qui semblent distendus et semblables à du goudron. Osciller entre les deux méthodes permet aux deux éléments de se construire avec la narration. Entre enfoncements et entrelacements, les éléments figuratifs et abstraits ne deviennent qu’un, toujours influencés par l’apparence de l’autre. Il y a une vraie part topographique dans ma peinture.
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V: Es-tu intéressée par d’autres formes d’art? Pratiques-tu d’autres mediums, ou collabores-tu avec d’autres artistes? A.F: J’ai beaucoup de respect et d’intérêt pour plusieurs formes de création. Spécialement pour les choses que je ne suis pas capable de faire. Il y a plusieurs années, j’ai commencé à apprendre le piano, et cette sensation d’être débutante dans quelque chose a été un choc pour moi. C’était désagréable et excitant à la fois. J’ai fait quelques collaborations, surtout avec des écrivains (des femmes exceptionnelles telles que Emma Wunsch, Claire Barliant, et Fran Varian) mais nos ambitions ont encore besoin d’être matérialisées en quelque chose de plus que leur stade embryonnaire. Je pense qu’il y a énormément de parallèles à faire entre la peinture et l’écriture. Comme je l’ai dit, mon travail se concentre sur la façon dont une narration est créée et construite et j’ai passé beaucoup de temps à décortiquer ces histoires, à les analyser... C’est quelque chose sur lequel je me suis penché mais je ne sais pas si je laisserai ces quelques faibles tentatives apparaître un jour aux yeux du public. Pour l’instant, je me contente juste d’admirer tous les gens brillants, que j’ai la chance de les connaître ou pas. De façon moins formelle mais plus importante, je crois que je collabore continuellement avec mon mari. Nous avons des travaux très différents
mais je pense qu’à la base, il y a beaucoup d’idées échangées et des suggestions sur comment leur donner forme. Je ne sais pas comment les autres couples d’artistes travaillent mais nous faisons absolument tout ensemble. Il est une part importante de mon processus créatif et viceversa. J’ai confiance en lui et en ses opinions et bien que nos travaux ne soient pas les mêmes à la fin, je peux dire que nous nous influençons énormément l’un l’autre. V: Que penses-tu du monde de l’Art aujourd’hui? Le trouves-tu actif, créatif, ou au contraire, trop frileux? A.F: Je pense qu’il y a énormément d’opportunités aujourd’hui et que c’est vraiment un superbe terrain de jeux où tout peut être considéré comme une forme d’art. Il n’y a rien d’infranchissable et les possibilités sont sans fin. C’est excitant! Bien sûr cette ouverture a aussi ses inconvénients. Dans un domaine sans limites il peut être difficile de discerner la valeur d’un travail. Mais c’est un organisme ouvert, vivant, mâture, plein de vie et d’opportunités. Chaque personne peut y trouver sa propre place et créer de nouveaux chemins - nous sommes allé si loin. Quoi de mieux que de choisir dans un buffet plutôt que d’avoir une seule chose à manger?
Quand tu es dans quelque chose, tu n’as pas l’impression que ça change, bouge, ça ne semble pas risqué ou actif, mais en regardant derrière soi, ces forces de mouvement se révèle d’elles-mêmes. Il y a toujours des structures sociales dans le monde du travail qui détermine quel type d’art va être remarqué. Ces goûts de collectionneurs fixent ce qui se vend, la peur pour les musées de perdre leurs financiers influe sur le travail présenté au public. Tout cela joue un rôle sur ce qui va retenir l’attention. Pas qu’un travail intéressant ou provocateur ne puisse être créer. Il faut juste creuser plus loin pour le trouver. Cependant, je pense qu’internet aide à rétablir la balance. On dépasse les limitations économiques et on repousse la censure. V: Est-il vraiment difficile aujourd’hui de vivre de son art? As-tu eu des difficultés au début? A.F: l y a autant de façons différentes d’avancer dans le monde de l’art et de se soutenir qu’il y a d’artistes. Je ne vis pas de mon travail artistique,je ne voudrais pas d’un tel fardeau, mais je connais quelques personnes qui le font. J’ai un emploi principal, je suis professeur dans un petit collège d’ art libéral. C’est plutôt traditionnel, le fait d’enseigner, mais j’adore ça. Quoi de mieux que de parler tous les jours avec des gens qui,
V E I N E BLACK & WHITE pour la plupart, sont vraiment intéressés? Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ça peut être fatiguant, mais c’est gratifiant et ça me rend responsable, dans ma pratique personnelle, pour des choses que j’aurais laissé tomber si ça ne tenait qu’à moi. Enseigner veut aussi dire être libre. J’ai plusieurs amis qui se sentent entièrement piégés par l’environnement académique, ou n’importe quel autre emploi, mais je vois ça comme une forme différente de liberté. Avec l’enseignement je ne suis pas contrainte à un type de travail en particulier. Je peux aller partout où le travail me mène. Je peux être dirigée uniquement par mes idées et mes intuitions et me sentir complètement liberé d’un marché instable, qui te demande de changer quand tu ne le veux pas, ou de rester la même quand tu veux changer. Je ne suis pas indifférente à ce genre de questionnement psychologique. Je veux réussir mais je sais que le seul moyen de rester fidèle à moi-même et à mon travail est de me couper de l’aspect financier et de permettre à mon travail de fonctionner sans nécessité de budget. Faire de l’art et faire une carrière d’artiste sont deux choses différentes, et trouver un revenu parallèle, ça aide. Après avoir été diplômée de l’université de Boston, j’ai déménagé à Seattle avec quelques amis et ai travaillé comme serveuse. J’ai vécu dans une
A.F: Le plus gros obstacle, je pense, c’est de comprendre comment passer du statut d’étudiant à celui d’artiste - comment passer du fait d’avoir un publique à celui d’être seul, et comment resté engagé dans ta pratique sans te fixer de deadlines ou de responsabilités. C’est important de se lier à une communauté de gens qui vous ressemblent et qui ne vous noieront pas, de trouver une bonne ville de lancement, un endroit qui a une bonne scène artistique tout n’étant pas suffisamment énorme pour que vous vous y perdiez et que vous ayez à travailler 70 heures par semaine juste pour payer votre loyer. Aménagez un studio, si c’est comme ça que vous travaillez, respectez ce lieu, respectez votre temps et votre travail. Prenez-vous au sérieux... Mais prenez autant de plaisir que vous pouvez. C’est une vraie relation qui vaut d’être entretenue, stimulée et aimée aussi fort que n’importe quelle autre relation. L’autre point dont il faut se souvenir c’est le pouvoir que l’on a. Il est si facile de se lasser et de se sentir inutile, comme si personne ne s’intéressait à votre travail... Mais ce n’est jamais le cas, il faut décider de qui l’on est, ce qu’est notre travail, où ce qu’il signifie, de décider de ce que l’on fait et en large partie, de qui le voit. Chaque personne aujourd’hui a ses propres intérêts et ses propres convictions. Personne ne te retient ou fait les choses pour toi. On cherche tous à rendre notre vie la plus parfaite possible. Prenez du plaisir autant que vous pouvez. V: Quelle a été ta meilleure expérience (collaborations, expositions...)? A.F: Aujourd’hui je suis nostalgique de l’époque où j’avais plus d’artistes autour de moi. Le dernier endroit où j’ai vécu ça, c’était à Houston, pendant le CORE programme. Houston a une scène artistique incroyable, vibrante et qui te soutien. Je vis dans une petite ville maintenant et la plupart de mes amis les plus proches travaillent dans des branches différentes. On a eu des conversations fabuleuses qui ont souvent servi de base à ma pratique mais les relations que j’ai eu grâce au studio me manquent. Le passant qui arrive à l’improviste pour donner un rapide avis sur une nouvelle peinture ou spontanément sortir pour un café... J’idéalise, j’en suis sûre, mais c’est actuellement ce dont je rêve.
The quietest sounds on earth, 96 X 192, Huile sur toile. petite maison avec trois autres filles. On partageait les chambres pour garder le loyer à bas prix. A côté de ça, je louais un studio en essayant de créer une communauté artistique. Je pense que c’es absolument essentiel. La moitié du combat pour arriver à quelque chose dans ce domaine tient juste à ça. Prendre ses responsabilités, dans la mesure où il faut continuer de travailler. Tu trouves des gens de qui partagent tes opinions. Si tu ne peux pas entrer dans le système qui te convient, trouve une porte de secours ou crée un nouveau système. Je voudrais descendre dans la rue avec mes travaux tous les premiers jeudi du mois, juste pour qu’ils soient vus. Mes amis et moi avons monté un collectif artistique pour créer des expositions et, d’une façon ou d’une autre, réussir à convaincre les bars, coffee shops et, plus étonnant, les galeries, de nous laisser utiliser leurs lieux pour des durées allant de quelques soirées à une semaine entière. C’était amusant de voir combien on pouvait créer par nous-mêmes juste en demandant et en essayant. Ces derniers jours ont été durs mais excitant. Ce n’était pas la première fois où je réalisais que j’avais le pouvoir de faire mes propres choix, mais ça m’a définitivement conforté dans cette idée. V: Si tu avais un conseil à donner à quelqu’un cherchant à se laisser, quel serait-il?
V: Pour finir, peux-tu nous parler de tes projets à venir? A.F: Eh bien, je viens juste de quitter le programme d’artistes résidents de Roswell. J’y étais avec mon conjoint, qui lui faisait partie d’une fratrie, mais ils m’ont généreusement accordés un studio. C’était un moment de réflexion et de production extrêmement fructueux. Actuellement, j’expose seule à la galerie Inman à Houston et je travaille sur la publication d’un catalogue qui sera disponible bientôt sur mon site internet. Mon travail sera présenté à l’exposition intitulée Synthethic Supports: Plastic is the New Paper, au musée des Beaux-Arts de Houston en octobre. Autrement, je passerai du bon temps dans mon studio, à continuer ma nouvelle série de travaux, en attendant avec impatience d’enseigner à nouveau cet automne.
Retrouvez Angela sur internet via:
www.angelafraleigh.com
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So you should taste the filtered light and work your way toward wisdom, 67 x 90, Huile et rĂŠsine alkyde sur toile.
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Far as my eyes could see, 66 x 90, Huile sur toile.
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By then we will love ourselves less fiercely, 22 x 30, Crayons sur papier.
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We will already have said the things that need to be said, 10 x 10x 10, Porcelaine, cheveux humains, verre, mĂŠtal (objets trouvĂŠs).
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ANGELA ANGELA FRALEIGH FRALEIGH Quiet rebellion
Angela Fraleigh is a complex personality. As you’ll see all through this interview, the longest we ever had, her work base is coming from a very far place,making the whole thing extremely solid. The strenght you can feel in her images is wanted, aimed. In the meantime, she keeps the dreamery intact. Have a good reading. VEINE MAGAZINE: Hello Angela. First of all, I’ve been really impressed by your presentation on your website. All those shows, publications, collaborations... Could you tell us a little bit about you? What is your cursus, where are you based...? ANGELA FRALEIGH: I was born in Beaufort South Carolina, but grew up in Salt Point, New York. I attended Boston University on a Dean’s Scholarship earning a BFA in Painting. After graduating from Yale University with my MFA in Painting/ Printmaking in 2003 I was awarded the Alice Kimball English travel grant enabling a research tour throughout Europe. I then moved to Houston, TX where I was honored with a 2-year fellowship at the CORE Artist-in-Residence program through the Museum of Fine Arts, Houston. I have exhibited widely at numerous venues including P.P.O.W Gallery, NY, NY, Inman Gallery Houston, TX, among others. I was nominated for the Joan Mitchell Foundation Award, the Louis Comfort Tiffany grant, and have participated in several international artist-in-residence programs. My work has been written about by Ken Johnson of the NYTimes, Claire Barliant of Artforum and Modern Painters, Michelle White, Assiociate Curator at the Menil Collection, and Elizabeth Dunbar. My work is held in numerous public and private collections including the Museum of Fine Arts Houston and the Kemper Museum of Contemporary Art. I currently live and work in Allentown, PA with my husband, artist Wes Heiss, and our cat Mr. Piston.
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V: Considering your work from 2003 until now, we can see how it evolved, and all the maturity it took, but it’s always full of ideas, and it’s calling upon personal sensations, various symbols, and sex obviously. What are you inspired by? Where do you find your ideas when you start a new painting? A.F: I’m still figuring this one out. I had a bit of a fallow period recently after “completing” a body of work that took me through 5 years of paintings. From 2003-2008 I worked on a series of large (often 8’ x 6’) oil paintings that examine, explore, and question issues of gender, power, and identity as they simultaneously reflect on art history, literature, popular culture, and the myriad ways we construct individual and collective meaning. Much of the inspiration for that work came from my personal history, or rather, from the personal histories of my parents. It wasn’t important that other people knew this when they looked at the work, but it was the narrative thread that I began with to question
larger ideas such as social constructs of beauty, class, gender and roleplay. The anecdotal information led to my interest in the complexities of desire, what power people have available to them and how they use that power. The work was complicated by obscured power structures. Ambiguity in the paint and body language of the figures concealed where the authority rested, disrupting our understanding of the relationships, while foregrounding the continual power struggles fueling certain political, social or intimate relationships. Those paintings were fed by anecdotal information, news stories, movies… it seemed like everything around me bled into that work. But in 2008 I knew that the work I had been making had come to a certain kind of ending. My attitude towards those conceptual motivations shifted and it was no longer clear how to create those paintings without that same internal resonance. Frustratingly, I didn’t know what the new direction was to replace it. This was also during the economic meltdown… there was a general feeling of freak out in the air and though I was fortunate enough not to feel the severe financial upheaval so many were thrown into I was not immune to the psychology of the time. The atmosphere was convoluted, congested and confusing. To be honest… that year and half sucked. It was the worst feeling_ wanting to work, but not knowing what to work on… ugh. I so badly wanted to be making things but I had nothing to grab onto, nothing that I could really sink my teeth into conceptually. I had a lot of stops and starts but, in hindsight I realize I wasn’t respecting the incubation period. I think we need those moments in our creative process; a period of gestation, perhaps coupled with failing experimentation. I think I had become too “end result” oriented and this kind of derailment was frustrating but so necessary. Looking back the images, texts, music, even the kinds of conversations that I was drawn to were all building up to my new body of work. I would collect certain textures and colors, all these little scraps that I was attracted to and store them away like specimens. I have thousands of images, fragments of texts, scratchy little sketches, paint piles, lumps of objects, all creating a kind of vocabulary that I would go through like a detective looking for clues, hoping to make some sense of them. The final piece of the puzzle came when a person I hadn’t seen in over 20 years re-entered my life. He was completely different than I had expected and I realized from that meeting that I had constructed an entire mythology around this person. This opened the floodgates, leading me to wonder what happens
to those creations, those imaginary scenes, gestures, and expressions? What happens to the persons you created and the life they lived in your mind when they are ruthlessly replaced by a different reality? In a flat-footed way it’s the same experience of reading a novel, creating an entire visual theater in your mind of the cast of characters/ events, and then experiencing the disappointment of seeing the movie. The complicated figures you had drafted are replaced by another person’s imaginings and it feels empty and foreign. My new work is about engaging those memories of fictitious conjuring before they slide and slip away and are replaced by a more palpable reality. With this additional spark I was able to make connections, draw links and lines between the different fragments I had been collecting over the course of two years. In a way this process is mimicked in the work itself. In my current body of work, each image serves as a character for a larger narrative; scraps of a past that I personally have little knowledge of. As a small child we lived in a trailer, we had a pet raccoon, my biological father had long blond hair, he grew up in the swamps of South Carolina, and smoked a lot of pot. But again this work is less about a personal narrative but rather a jumping off point to consider how one constructs narratives and how personal and collective stories are concocted and conceived. It examines how fantasy lives often swirl up around the smallest of ideas, gaining force and power the more you ponder them, until they birth a life of their own, separate and unearthed from the “reality” that was just a flash in time. I think this new work twists and exploits notions of nostalgia for a lost youth, when everything was seemingly possible, and a longing for an idealism somehow unmarred by defeat and failure. There is a lingering desire to hold sweet and superficial ideals but they collide with an unraveling discomfort and dissolution. There is an attempt to freeze the past, yet the future continues to creep in, distorting and disturbing the vision. Though they feel really different for me, this work is probably viewed as a continuation of paintings that experiment with a range of narrative structures. X Characters are created to attempt to move beyond victim-hood, trauma, and helplessness to a continually evolving “now.” Internal vs. external lives are merged and the past, present, and future slide and slip, creating blanks and hollows. It is in this space between where meaning is formed. To work on anything with real intensity it has to come from a personal place of interest. It has to resonate deeply. The work doesn’t end there and I certainly hope people see them as much more open-ended than that... I used to keep those early narrative threads that instigate the works more hidden, for fear that people would see them as only that. But I have to trust that if people are really interested they will bring more to the dialogue than that. I know when I attend artist talks or read interviews I prefer the personal anecdotes to the highflautin art speak, so I’ve opened up. It’s a risk but I hope a worthy one. V: Can you explain, technically, how your work progresses? Do you first start with a concrete painting, and add paint after? Or you already exactly know how you want it to look like at the end? A.F: Well, as I alluded to the slowest part of the process is just coming up with an idea of what I want to paint. What the subject is, the conceptual motivation. I sketch. I read. I write. I find fragments of literature, poetry, snippets of text that evoke a certain feeling. I find images that I think will support a mood I’m after… I also create videos and photographs to work from. I force my husband to wear a wig, dress up myself and shoot hours of video- complete with fog machine or uncomfortable lighting. Then, to get to the part that I think you’re actually asking about, I stretch the 6 x 8 ft panels with canvas, gesso and then just dive in. I do a sketch in vine charcoal to find the composition. Wipe it off entirely so there is just a ghost of an image. I do an under-painting to build up a full sense of the composition and then that first day I lay the painting horizontal and do a thin pour. A lot of people think I paint the figurative portion of the painting to completion first and then pour a mixture of oil and synthetic resin on top. It’s much more back and forth. I liken it to a collaborative process as the paint seemingly has its own will and the process alternates between control and chance. I go back and forth
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like this as many times as it takes to resolve the piece. It inevitably invites indiscriminate painterly moments that I don’t intentionally create or control. After a night of letting the painting “sit” I’ll come back to the studio to find the image has been tragically, lifted, eroded, sometimes obliterated. Days worth of work might be erased in one night. XThe migration of paint moving across the panel chemically alters whatever is in its path, destroying the once precious image. This results in unpredictable effects, as the pours mix with wet brushed paint. Sometimes the paint will lift and flake the figure, leaving islands of “skin” floating in juicy slabs of paint. Other times it will bead and pool into mitochondrial shaped colonies. The figurative elements develop boils, sags or sometimes break apart while the abstraction may appear three- dimensional; anywhere from seductive and candy coated to flagging open gapes that look stretched and tar - like. Oscillating between the two methods allows the two elements to build along with the narrative. Imbedding and intertwining, the figurative and abstract elements become one, forever influencing the other’s appearance. There is a real topographical element to the paintings. V: Are you interested in others forms of art? Do you practice something else, or collaborate with artists? A.F: I have a great deal of respect and in interest in many forms of making. Especially the things I can’t do myself. A couple years ago I took some beginning piano lessons and that feeling of being so new at something was shocking. It was uncomfortable but exciting. I have had some formal collaborative moments, mostly with writers (brilliant women like Emma Wunsch, Claire Barliant, and Fran Varian) but our intentions have yet to materialize into anything beyond their nascent stages. I think there are so many parallels between painting and writing. As mentioned, my work is very much about how narrative is created and constructed and I have spent many hours deconstructing creative fiction, analyzing it… it’s something I’ve studied and have engaged in behind closed doors but I don’t know if I’ll ever leak those feeble attempts out to the public. Maybe someday. But for now, I’ll just sit in awe of the brilliant people I have the good fortune to know and those I don’t. Perhaps less formally, but most importantly, I believe I’m continually collaborating with my husband. We make very different work but I think at the base there is a lot of sharing of ideas and suggestions for how those ideas find form. I don’t know how other artist couple’s work but we run absolutely everything by each other. He’s a huge part of my process and I his. I trust him and his opinions and though we don’t make final works of art together its fair to say we each have a heavy hand in the other’s work. V: What do you think of the art world today? Do you consider it as active, creative, or on the contrary, that it doesn’t take too much risk? A.F: I think there is so much opportunity today and it’s a truly wonderful playing field where anything is a viable form of art. There is nothing that is off limits and the possibilities are endless. It’s exciting! Of course that openness comes with its problems. In a field with no boundaries it may be difficult to discern a works value. But it’s an open, living, breathing organism ripe with life and opportunity. Each person can find their own place in it and create new pathways- how far we’ve come. How much better to choose form a buffet than to have only one thing to eat that everyone agrees is good. When you’re inside a thing it doesn’t feel like change- it doesn’t feel like movement, it doesn’t feel risky or active, but in looking back those forces of movement reveal themselves. There are still social structures at work that determine what art will get noticed. The collectors tastes determine what sells, the museum boards fear of losing donors determines what work will be exhibited to the public… these all play a role in what will receive attention. Its not that interesting or provocative work isn’t being made. You might just have to dig deeper to find it. But I think the Internet helps level those scales. It sidesteps the economic limitations and curbs censorship.
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INTERVIEWS
V: Is it really hard today to live only by your art? Have you had any difficulty at the beginning? A.F: There are as many different ways to move through the artworld and support oneself as there are artists. I don’t solely support myself financially through my work, I wouldn’t want to put that burden on it, but I do know several people who do. I have a day job- I’m a full time professor at a small liberal arts college. It’s a rather traditional route, teaching, but I love it. What could be better then talking about art every day with people, who for the most part, really want to be there having a conversation? Don’t get me wrong it can be trying, but it’s rewarding and it makes me accountable in my own practice in ways where I might let slip if left to my own devices. Teaching also means freedom. I have several friends who feel entirely trapped by the academic environment, or any job really, but I see it as a different kind of freedom. With teaching I’m not beholden to make a specific kind of work. I can go where the work takes me. I can be obliged only to my ideas and intuition and feel completely free of a market that is fickle and demands you change when you don’t want to, or stay the same when you want to change. I’m not without those psychological demands. I want to be successful but I know the only way to stay true to myself and to the work is to sever those ties to finances/ career and to allow the work to function without the demands of financial support. Making art and making an art career are two very separate endeavors and I find having a separate source of income helps ensure that. When I first graduated from Boston University I moved to Seattle with a few friends and waited tables. I lived in a small house with three other girls. We shared rooms to keep the rent low. I rented a separate studio space and tried to create an art community for myself. I think that is absolutely essential. Half of the battle of getting anywhere in this field is just staying with it. Taking responsibility for yourself in the way that you keep working. You find like-minded people. If you can’t enter the system where it is, find a back door or create a new system. I would take my work down to the street on first Thursdays just to have it seen. Friends of mine and I started an arts collective to create exhibition opportunities and somehow managed to convince bars, coffee shops and, most surprisingly, galleries to let us take over their space for a few nights to a week. It was fun to see how much we could create for ourselves just by asking and trying. Those early days were hard but exciting. It wasn’t the first time I realized I had power over the direction of my life but it definitely helped solidify that belief. V: If you had an advice for someone aiming to do the same, what would it be? A.F: The biggest hurdle I think is figuring out how to transition from student to artist- how to go from having a constant audience, to being alone and how to stay engaged in your practice without deadlines or accountability. It’s important to plug into a community of like-minded people in a city or town that won’t swallow you up. Finding a good starter city, a place that has a great art scene but isn’t so mammoth that you’ll get lost or have to work 70 hours a week just to pay the rent. Set up a studio space if that’s how you work, respect that space, respect your time and your work with the reverence it deserves. Take yourself seriously… But have as much fun at this whole thing as you can. It’s a relationship and it needs to be nurtured, challenged and loved as much as any relationship does. The other thing is to remember how much power you have. It can be so easy to become jaded and feel like no one is paying attention or what you do isn’t important… but that is never the case, you get to decide who you are, what your work is, or means, you decide what you make and to large extent who sees it. Everyone out there is just a person with his or her own interests and agendas. No one is holding you back or making things happen for you. We’re all co-creating these wonderful lives for ourselves. Have as much fun as you can. V: What have been your best experience (collaborations, exhibitions...)? A.F: Right now I’m longing for those times when I had more artists around. The last place I had that was in Houston during my time at
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the CORE program. Houston has an incredible art scene, vibrant and supportive. I live in small town at the moment and most of my closest friends here are professionals from different fields. We have incredible conversations that have often produced fodder for my practice but I miss the kinds of relationships that are generated by studio culture. The popping in unannounced to get a quick opinion on a new painting or spontaneously going for a cup of coffee… I’m romanticizing I’m sure but that’s currently where my daydreams take me. V: And as a conclusion, can you tell us about your new projects coming soon? A.F: Well, I’ve just left the Roswell Artist in Residence program. I was there with my husband while he was on the fellowship but they generously granted a studio to me as well. It was an incredibly fruitful time of rumination, reflection and production. I currently have a solo exhibition on view at Inman Gallery in Houston, TX and I’m working on publishing a catalogue that will be available on my website shortly. My work will be in the exhibition entitled Synthetic Supports: Plastic is the New Paper at the Museum of Fine Arts Houston in October. Other than that I’ll be enjoying some studio time, continuing this new series of works and looking forward to teaching again this fall.
You can find Angela on the internet via:
www.angelafraleigh.com
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